La laïcité : des débats, une histoire, un avenir (1789 - 2005)



Sénat - 4 février 2005

PRÉSENTATION DE LA JOURNÉE
Jean Garrigues, président du Comité d'Histoire
Parlementaire et Politique.

Merci, Monsieur le sénateur du Gers, d'avoir bien voulu vous faire le porte-parole du président du Sénat.

Mesdames, Messieurs, je voudrais tout d'abord vous remercier d'être venus si nombreux à cette journée d'étude. Je sais que la salle de l'extérieur, où se trouve un écran, va être remplie elle aussi et que le turn over de la journée permettra à tous, à un moment ou à un autre, d'accéder au « saint des saints » qu'est cette salle.

Je remarque que de nombreux étudiants d'université, de classes préparatoires ou de l'Institut d'études politiques de Paris, sont présents et je m'en réjouis, car l'objectif majeur du Comité d'Histoire Parlementaire et Politique que j'anime est, en effet, de mieux faire comprendre et, si possible, apprécier l'histoire politique, essentiellement par les jeunes générations, les chercheurs de demain que vous êtes.

Pourquoi avoir choisi le thème de la laïcité ? La justification historique s'impose avec le centenaire de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État. S'y ajoute pour nous une justification citoyenne car ce thème de la laïcité est, depuis plusieurs mois voire plusieurs années, au coeur de nombreux débats, de nombreuses polémiques qui méritent le regard distancié, les explications précises, voire les commentaires de texte des historiens.

Le port des signes ostensibles à l'école, le financement du culte musulman, l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ont été autant d'occasions de brandir, parfois à tort et à travers, l'étendard de la laïcité. Ces débats, ces polémiques et l'abondance, peut-être l'excès, des colloques consacrés à la commémoration de 1905 nous ont conduits à chercher une approche de la question à la fois originale et riche d'enseignements pour le présent et pour l'avenir. Il s'agit pour nous de replacer les débats et les polémiques d'aujourd'hui dans une continuité historique, qui permette à la fois de les expliquer, de les éclairer et d'en nuancer les enjeux.

C'est pourquoi nous avons choisi de suivre l'histoire des grands débats parlementaires et, plus largement, des grands débats politiques qui se sont focalisés sur l'enjeu de la laïcité. Et nous avons choisi de le faire, non pas en commençant avec les débats de 1905, mais en inscrivant ces débats dans une continuité historique issue de la Révolution française et du Consulat bonapartiste, qui ont profondément modifié les rapports entre les Églises et l'État.

Grâce aux communications des spécialistes de ces questions, Jacques-Olivier Boudon, dont les travaux sur le Consulat et l'Empire font autorité, Jérôme Grondeux, au confluent de l'histoire politique et intellectuelle et Philippe Levillain, à la fois historien de la papauté et de la III e République, vous comprendrez à quel point les débats de 1905 ne sont pas seulement un point de départ, mais aussi un aboutissement et une étape - décisive ou non, il nous appartiendra d'en juger - dans la fabrication d'un modèle de laïcité à la française.

Bien sûr, nous ferons ensuite une halte nécessaire sur les débats spécifiques de 1905, grâce à d'autres spécialistes : Jérôme Grévy, spécialiste de la III e République, Patrick Cabanel, qui nous parlera notamment du rôle majeur des protestants dans ces débats, Christophe Bellon, qui soulignera le rôle d'Aristide Briand, rapporteur du projet, et Jean Baubérot qui occupe, à l'École pratique des hautes études en sciences sociales, la seule chaire universitaire consacrée à la laïcité.

Pour ouvrir l'après-midi, le professeur Antoine Prost abordera la période du premier XX e siècle par une réflexion sur la laïcité à l'école, l'un des enjeux majeurs de ce colloque.

Lui succéderont deux tables rondes. La première, présidée par le professeur Émile Poulat, spécialiste du catholicisme et de la laïcité contemporaine, s'inscrira dans la continuité de la réflexion ouverte par Antoine Prost. Cette table ronde mettra en lumière les grands débats parlementaires qui ont focalisé le thème de la laïcité sur la place de l'enseignement privé, depuis les grands débats des années cinquante jusqu'aux projets Savary et Bayrou, qui ont suscité beaucoup de remous dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. C'est là qu'interviendront nos grands témoins politiques : Jean Foyer, qui fut garde des Sceaux de 1962 à 1967, député de 1959 à 1963 et de 1967 à 1988, ainsi que Bruno Bourg-Broc, qui est député de la Marne et qui fut rapporteur de la loi Bayrou en 1993. Jean-Pierre Delannoy, docteur en droit et auteur d'une thèse sur le fait religieux dans les travaux parlementaires de 1958 à 1975, leur apportera une sorte de contrepoint de l'histoire.

Avec la seconde table ronde, nous avons voulu ouvrir la perspective sur les débats actuels, voire sur ceux de l'avenir. Je tiens à remercier tout particulièrement le professeur René Rémond, de l'Académie française, d'avoir accepté de présider cette table ronde. Jean Baubérot qui, comme René Rémond, a siégé dans la fameuse commission Stasi, participera au débat, de même que la sénatrice de Paris, Alima Boumediene-Thiery, dont le regard sur ces questions de laïcité et d'intégration sera du plus grand intérêt, et de même que le sénateur du Loiret, Jean-Pierre Sueur. Le professeur Philippe Portier, spécialiste des enjeux de la laïcité à l'échelle européenne, nous permettra de sortir du cadre franco-français. Il dialoguera notamment avec M. Jacques Barrot, ancien ministre et commissaire européen, qui a bien voulu nous consacrer un peu de son temps pour donner une vision un peu surplombante du débat sur la laïcité. La perspective de ce colloque, unique en son genre, permettra de mieux comprendre les enjeux qui se posent à notre société et, plus largement, aux sociétés européennes.

Avant de terminer, permettez-moi de remercier tous ceux qui ont rendu possible cette journée : en premier lieu, M. le Président du Sénat, son directeur de cabinet, M. Alain Méar, M. Alain Delcamp, directeur général au Sénat, responsable, entre autres, de la communication et des relations internationales, ses collaborateurs, MM. Wicker et Coppolani, ainsi que mes collègues et amis du Comité d'Histoire Parlementaire et Politique, Noëlline Castagnez, Christophe Bellon, Alexandre Borrel et Frédéric Attal, notre secrétaire général, qui a été, une fois de plus, la cheville ouvrière de ce colloque. Merci de votre attention.

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