M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Pascal Savoldelli, plusieurs collectivités ont en effet pris la décision de mettre en place des autorisations spéciales d’absence (ASA) pour congé menstruel. Ces autorisations permettent ainsi, et c’est heureux, aux femmes souffrant de règles douloureuses, d’endométriose, d’adénomyose ou de dysménorrhées invalidantes de s’absenter de leur service, sans effet sur leurs droits à congés annuels.

Toutefois, cette initiative soulève des questions juridiques importantes.

En l’état actuel du droit, la création d’une nouvelle catégorie d’ASA pour raison de santé ne relève pas des compétences des collectivités locales. En effet, l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique prévoit des autorisations spéciales d’absence pour des motifs spécifiques, tels que la parentalité ou certains événements familiaux, mais pas pour raison de santé. Ainsi, la mise en place d’un tel dispositif par les collectivités repose sur une base légale très contestable.

C’est pourquoi le tribunal administratif de Toulouse a suspendu, le 20 novembre 2024, les délibérations de deux collectivités ayant instauré un congé menstruel, estimant que celles-ci étaient incompatibles avec le droit, en l’absence, à ce jour, de dispositions législatives ou réglementaires permettant de le faire.

Consciente de l’intérêt porté à cette question et de la demande croissante des collectivités et des administrations, la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) travaille actuellement à l’identification de solutions juridiques permettant de mieux prendre en compte ces situations, afin de leur apporter une réponse adaptée.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Premièrement, je précise que nous avons déjà débattu d’une proposition de loi sur ce sujet, mais que le Gouvernement l’a rejetée, madame la ministre. Le travail législatif a donc déjà été fait sur cette question !

Deuxièmement, je pensais que vous alliez retenir une modalité simple, à savoir un décret.

Il arrive souvent que l’on nous renvoie ici à ce qui se passe dans d’autres pays, de manière parfois fondée d’ailleurs. Or, en la matière, la France reste à la traîne, l’Espagne, le Japon, l’Indonésie ayant déjà instauré un congé menstruel.

En outre, dans un sondage réalisé en 2021 par l’Institut français d’opinion publique (Ifop), 68 % des Françaises interrogées se sont déclarées favorables à la mise en place d’un tel congé.

J’insiste, madame la ministre : prenez l’initiative de rédiger un décret, ou soutenez les initiatives législatives des collectivités ! N’attendons plus.

conséquences de la mise en œuvre du régime de la responsabilité financière des gestionnaires publics

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, auteur de la question n° 448, adressée à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.

M. Fabien Genet. Ma question s’adresse au ministre chargé de la fonction publique. Elle porte sur le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

Issu de l’ordonnance du 23 novembre 2022, ce nouveau régime est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Depuis son application, les mises en cause des directions générales de nos collectivités locales et de leurs équipes se multiplient, ce qui soulève de nombreuses inquiétudes quant à la sécurité juridique des agents concernés.

En effet, le champ des responsabilités des directions générales, bien que partiellement encadré par la loi, n’est pas encore suffisamment clair. La principale incertitude porte sur la notion de faute grave, qui n’est pas précisément définie dans l’ordonnance de novembre 2022.

Lors d’une réunion sur la mise en œuvre de cette réforme, le président de la chambre du contentieux de la Cour des comptes, Serge Barichard, a précisé que cette notion serait progressivement clarifiée par la jurisprudence, tout en insistant sur le fait que seuls les manquements les plus graves donneraient lieu à des poursuites. Autrement dit, le champ des responsabilités sera affiné au fur et à mesure par les juges.

Cette incertitude crée un climat d’insécurité pour les gestionnaires publics, qui doivent exercer leurs missions sans cadre précis leur permettant d’anticiper d’éventuelles mises en cause.

Par ailleurs, dans sa décision du 29 janvier 2025, le Conseil d’État a rappelé que la protection fonctionnelle s’appliquait aux agents publics poursuivis pénalement. Toutefois, les sanctions financières de la Cour des comptes relèvent d’un régime spécifique et ne sont pas considérées comme pénales. Dès lors, les agents concernés ne peuvent pas bénéficier de la protection fonctionnelle de manière automatique.

Les agents sont placés dans une situation particulièrement vulnérable en cas de contentieux. Ce manque de garanties pourrait, à terme, nuire à l’attractivité de la fonction publique et freiner l’engagement des cadres dirigeants dans les collectivités territoriales.

Dans ce contexte, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles mesures sont envisagées afin de mieux encadrer le champ des responsabilités des gestionnaires publics et leur assurer une protection juridique adaptée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Fabien Genet, je vous remercie d’appeler l’attention du Gouvernement sur l’attente forte des gestionnaires publics sur ce sujet, au regard du nouveau régime de responsabilité qui est entré en vigueur.

Pour commencer, je rappelle que le ministre Laurent Marcangeli s’est engagé à renforcer la protection fonctionnelle des agents publics, raison pour laquelle le Gouvernement a soutenu la proposition de loi déposée par la députée Violette Spillebout.

Ce texte vise à permettre à l’administration de porter plainte au nom de l’agent victime, à étendre la protection fonctionnelle à titre conservatoire pour les ayants droit de l’agent et à octroyer la protection fonctionnelle à l’agent entendu librement dans le cadre d’une procédure pénale.

Par ailleurs, comme vous le rappelez, en l’état actuel du droit, la protection fonctionnelle n’est pas accordée aux agents publics en cas de procédure devant les juridictions financières, dans la mesure où l’agent n’est ni victime d’attaques ni mis en cause dans une procédure civile ou pénale. Le Conseil d’État l’a confirmé dans une décision du 29 janvier 2025, tout en soulignant qu’« il est toujours loisible à l’administration de lui apporter un soutien, notamment par un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense ».

Le président de section honoraire au Conseil d’État Christian Vigouroux, dans son récent rapport intitulé Sécuriser laction des autorités publiques dans le respect de la légalité et des principes du droit, souligne qu’un éventuel élargissement de l’octroi de la protection fonctionnelle en cas de procédure devant les juridictions financières nécessiterait une réflexion approfondie, notamment eu égard aux objectifs mêmes de la réforme visant à renforcer la responsabilité financière des agents publics et aux conséquences en matière budgétaire.

Tout en reconnaissant l’attente exprimée de plus en plus fortement sur le terrain face aux mises en cause des gestionnaires publics, le Gouvernement est bien conscient que les contours de cette forme complémentaire de protection requièrent une expertise pointue.

Les services du Premier ministre ont engagé une réflexion sur le sujet et proposeront ultérieurement, en concertation avec la Cour des comptes, une approche adaptée sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.

M. Fabien Genet. Merci, madame la ministre, de votre réponse très précise et très technique, même si je ne suis pas sûr qu’elle soit de nature à rassurer complètement nos directions générales.

Je répète que le Gouvernement a souhaité, par voie d’ordonnance, réformer les contrôles afin de les renforcer, mais sans préciser la notion de faute grave, laissant au juge le soin de la définir.

L’actualité montre qu’il est parfois bon que ce soit le législateur ou le Gouvernement qui définisse la portée d’une infraction, et non le juge, précisément pour que les gens puissent connaître la règle avant de commencer à jouer.

délais de traitement et de paiement des dossiers « maprimerénov’ » et « certificats d’économies d’énergie »

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, auteure de la question n° 189, transmise à Mme la ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.

Mme Anne-Sophie Romagny. Ma question porte sur les délais ou plutôt sur les retards de traitement et de paiement des dossiers relatifs à MaPrimeRénov’ et aux certificats d’économies d’énergie (C2E). Les mesures contradictoires prises ces dernières années en matière de rénovation énergétique ont poussé les particuliers et les personnes morales à différer leurs projets. J’avais déjà posé cette question en avril 2024, mais je n’avais pas obtenu de réponse du Gouvernement. Or la situation est loin de s’être améliorée depuis lors.

Les délais d’instruction des dossiers liés à MaPrimeRénov’ et aux C2E ont été allongés au-delà des deux mois promis, augmentant d’autant les délais de paiement. Ces délais allongés sont sans nul doute le résultat de primes complexes, dont les montants et les modes d’attribution sont modifiés tous les deux mois.

Documents aléatoires à fournir, manque de formation des instructeurs, rejet du dossier en raison de l’omission du tampon encreur, demande d’attestation d’adressage en complément de la taxe foncière, version obsolète du formulaire Espace conseil France Rénov’ (ECFR), manque d’efficience des opérations de contrôle des travaux réalisés sont autant d’exemples kafkaïens qui retardent les délais d’instruction.

Ces retards administratifs affectent la trésorerie des entreprises du bâtiment et leur capacité financière au point de conduire les artisans à s’interroger sur la viabilité de leurs entreprises.

Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il réduire ces délais d’instruction et de paiement afin d’améliorer la situation et de soutenir la compétitivité de nos entreprises artisanales ?

Les représentants des entreprises du bâtiment, telles que la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) ou la Fédération française du bâtiment (FFB), pourront vous proposer des solutions simples et pragmatiques.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Madame la sénatrice Anne-Sophie Romagny, je vous réponds au nom de ma collègue Valérie Létard.

Depuis son lancement en 2020, MaPrimeRénov’ a permis de financer les travaux dans plus de 2,4 millions de logements, ce qui représente 11,7 milliards d’euros d’aides publiques. Ces chiffres témoignent d’une forte montée en puissance du dispositif.

Dans un contexte de forte demande, marqué par l’élargissement des bénéficiaires en 2021, la réforme des aides en 2024 et la mise en place du régime des services votés en ce début d’année 2025, certains dossiers n’ont effectivement pas pu aboutir dans les délais habituels. Toutefois, ces situations restent en nombre limité au regard des 540 000 dossiers instruits en moyenne chaque année par l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Par ailleurs, l’Anah a renforcé de manière significative sa politique de lutte contre la fraude. L’intensification des contrôles a permis de sécuriser le parcours des ménages, mais a pu également provoquer un allongement des délais d’instruction et de traitement des dossiers.

Aujourd’hui, l’Anah se mobilise activement pour fluidifier les parcours des usagers, en mettant en place une équipe dédiée aux situations les plus complexes. Les dossiers en difficulté font l’objet d’un suivi individualisé, d’une analyse systématique des difficultés remontées et d’un accompagnement des usagers. L’agence met également en place une démarche proactive d’identification des dossiers en difficulté avant leur signalement et, enfin, une sécurisation globale des plateformes.

Je vous confirme donc que le Gouvernement met en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la qualité et la rapidité du traitement et de l’instruction des dossiers.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour la réplique.

Mme Anne-Sophie Romagny. Je vous remercie, madame la ministre, de porter une grande attention à cette question. La viabilité des entreprises de nos artisans est en jeu.

Permettez-moi de vous remettre une liste de dysfonctionnements et d’aberrations administratives qui pourraient facilement être corrigés. Je n’ai pas pu tous les citer – la liste fait quatre pages ! –, mais les exemples sont parlants. Faisons preuve de pragmatisme : peut-être une réunion avec les artisans et les entreprises du bâtiment…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Anne-Sophie Romagny. … permettrait-elle de trouver des améliorations ? (Mme Anne-Sophie Romagny remet une liste à Mme la ministre déléguée.)

compétence « mobilité » des communautés de communes

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, auteure de la question n° 401, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

Mme Florence Lassarade. Ma question porte sur la compétence « mobilité » des communautés de communes.

La loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 a instauré une couverture nationale par une autorité organisatrice de la mobilité. Elle a offert aux communautés de communes la possibilité d’assumer cette compétence jusqu’au 31 mars 2021. Au-delà de cette date, celles qui n’ont pas pris de décision en ce sens ont vu cette compétence automatiquement transférée aux régions.

Les choix des communautés de communes ont été contrastés : certaines ont décidé de conserver la compétence « mobilité », tandis que d’autres l’ont laissée à la région.

Une nette différence géographique est observée : dans les Pays de la Loire, la Bretagne, la Normandie, le Grand Est et les Hauts-de-France, plus de 80 % des communautés de communes ont choisi d’exercer cette compétence. En revanche, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Nouvelle-Aquitaine, elles sont moins de 30 %. En Occitanie, seules trois communautés de communes ont conservé cette responsabilité, toutes les autres l’ayant transférée à la région.

Le fait que de nombreuses communautés de communes aient choisi de ne pas exercer cette compétence s’explique par plusieurs raisons : la crise sanitaire, le report des élections municipales, mais aussi la réticence de certaines régions souhaitant garder cette prérogative et un manque de temps pour évaluer les enjeux d’une telle prise de compétence.

Une modification de la LOM permettrait aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de délibérer de nouveau sur la prise de la compétence « mobilité », en rouvrant au profit des communautés de communes la possibilité d’engager un nouveau travail sur celle-ci pendant un temps déterminé suffisamment long pour fixer finement le contenu des services concernés. Il s’agit de permettre aux territoires de se rendre compétents, lorsqu’ils le souhaitent, à leur rythme et selon leurs besoins.

Madame la ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette proposition.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Madame la sénatrice Florence Lassarade, comme vous l’indiquez, en application de l’article 8 de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, la délibération de l’organe délibérant des communautés de communes ayant souhaité devenir autorité organisatrice de la mobilité (AOM) devait intervenir avant le 31 mars 2021. À défaut, c’est la région qui devenait AOM sur le ressort territorial de la communauté de communes concernée à compter du 1er juillet 2021.

Depuis cette date, une communauté de communes qui n’aurait pas pris la compétence « mobilité » ne peut plus, si sa position évolue, se la voir transférer par la région.

Le Gouvernement partage votre constat sur le caractère contrasté des choix effectués par les communautés de communes dans le cadre de la LOM. Les établissements publics de coopération intercommunale qui n’ont pas conservé la compétence « mobilité » se trouvent, en effet, en difficulté lorsque, ultérieurement, ils souhaitent voir se développer une offre de mobilité sur leur territoire.

L’outil qu’est la délégation de compétences, même s’il offre une souplesse dans l’exercice des compétences à l’échelon local, ne permet pas toujours de répondre aux enjeux de manière satisfaisante.

Rouvrir aux communautés de communes la possibilité de devenir AOM conduirait néanmoins à revenir sur une organisation territoriale de la gouvernance « mobilité » encore trop récente et, par ailleurs, voulue par les acteurs locaux qui ont eu, comme vous le rappeliez, l’opportunité et le temps de choisir.

En outre, cela nécessiterait éventuellement de prévoir des transferts de lignes de transport existantes et qui répondent aux besoins des populations en matière de mobilité.

Le Gouvernement réfléchit toutefois à la possibilité de permettre aux établissements publics de coopération intercommunale de délibérer de nouveau sur la prise de la compétence « mobilité », en la rouvrant au profit des communautés de communes. En tout état de cause, cela nécessitera, au préalable, une discussion avec les régions et les EPCI.

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.

Mme Florence Lassarade. Je vous remercie d’avoir pris le sujet en considération, madame la ministre.

À l’époque où il a fallu prendre une décision sur cette compétence, j’étais élue d’une commune. Je l’ai vu, les décisions ont été prises dans la précipitation. Or la précipitation n’est pas une bonne chose dans de tels cas !

objectifs triennaux de la loi « solidarité et renouvellement urbains » et crise immobilière

M. le président. La parole est à M. Éric Dumoulin, auteur de la question n° 433, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.

M. Éric Dumoulin. Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés d’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), actualisée par la loi dite Duflot 1.

L’atteinte des objectifs triennaux de 25 % de logements sociaux fixés par l’article 55 de la loi SRU se révèle, dans de nombreux cas, irréalisable, voire chimérique.

De nombreuses villes carencées sont en effet confrontées à une situation paradoxale : alors que beaucoup ont achevé leur développement urbanistique ou disposent d’une configuration spécifique – les espaces constructibles y sont rares, voire inexistants –, elles sont soumises à des obligations chiffrées et à des délais de réalisation inatteignables.

Mais ce n’est pas tout ! La crise immobilière qui frappe très durement le secteur vient encore compliquer la situation, laquelle est aggravée par une flambée des coûts de construction, des taux d’intérêt plus élevés, qui freinent les investissements, et une raréfaction marquée des financements publics comme privés.

Nombre d’opérateurs se désengagent ainsi purement et simplement de projets immobiliers pourtant largement avancés, certains ayant même déjà obtenu un permis de construire par la collectivité.

Dans ce contexte, les objectifs de la période triennale 2023-2026, qui va bientôt s’achever, sont d’ores et déjà compromis et se révèlent, plus encore qu’avant, totalement déconnectés de la réalité au regard de la crise immobilière que je viens d’évoquer.

Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour ne pas aggraver, voire pour alléger les pénalités qui seront dues par les communes carencées dans le cadre de cette période triennale, a fortiori dans un contexte de grande tension budgétaire, qui nous concerne tous ?

D’une manière plus générale, envisagez-vous de faire évoluer cette législation afin de mieux prendre en compte les spécificités territoriales, et ce très au-delà des contrats de mixité sociale ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Éric Dumoulin, l’article 55 de la loi SRU a créé, vous le savez, un dispositif qui permet d’orienter chaque année près de 50 % de la production de logements sociaux vers les communes aujourd’hui déficitaires, dans un objectif de mixité sociale. Nous restons attachés à l’enjeu essentiel de développement d’une offre sociale équilibrée sur le territoire.

La trajectoire de rattrapage a été adaptée en 2022, dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.

D’une part, la révision du mode de calcul des trajectoires a conduit à réduire les objectifs triennaux. D’autre part, la loi 3DS a ouvert la possibilité d’abaisser encore les objectifs dans le cadre des contrats de mixité sociale. Ainsi, sur les 1 153 communes déficitaires à l’échelon national, 353 contrats de mixité sociale ont été signés, dont 187 permettant un abaissement de l’objectif.

Les préfets prennent en compte le volontarisme de la commune, tout comme les difficultés qui s’imposent à elle. Ces considérations seront reconduites pour l’analyse du bilan 2023-2025.

Il est vrai que nous assistons, avec la baisse récente des taux d’intérêt, à une reprise de la construction. Il nous faut amplifier ce rebond pour relancer durablement la construction et la production sociale, notamment dans les communes déficitaires. C’est le sens des mesures que Valérie Létard a portées dans la loi de finances pour 2025, comme vous l’avez vu. C’est aussi le sens de la feuille de route qu’elle a signée avec les fédérations du logement social au mois de février dernier.

projet de port industriel à vigneux-sur-seine

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la question n° 440, transmise à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

M. Laurent Lafon. Madame la ministre, j’attire votre attention sur un projet qui suscite une vive inquiétude dans le Val-de-Marne et dans l’Essonne : le port industriel de Vigneux-sur-Seine, porté par l’établissement public Haropa Port, placé sous la tutelle de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) du ministère des transports.

L’objectif affiché est clair : développer l’axe Seine, renforcer l’activité industrielle et portuaire. Pourtant, sur le terrain, l’opposition est forte. Le maire d’Ablon-sur-Seine, Éric Grillon, ainsi que de nombreux élus et habitants, dénonce les effets négatifs de ce projet de plateforme multimodale à vocation régionale sur les rives de Vigneux-sur-Seine et du pont de franchissement entre Vigneux-sur-Seine et Athis-Mons.

Trois préoccupations majeures émergent.

D’abord, la mobilité. Le réseau routier est déjà saturé. L’implantation de ce port multimodal, couplée à la construction du pont reliant Vigneux à Ablon, risque d’aggraver la situation : davantage de trafic, plus de congestion. La circulation accrue des poids lourds, les nuisances sonores, la pollution de l’air et de l’eau, les lumières nocturnes, ainsi que les manœuvres des bateaux auront des conséquences pour les riverains, à quelques mètres seulement de leurs habitations.

Ensuite, l’environnement. Nous parlons ici de l’une des plus belles rives naturelles de la Seine en Île-de-France. Ce projet entraînera la destruction et l’artificialisation de plus de 50 hectares de zones humides et d’espaces naturels classés, ainsi que la déforestation de 30 hectares en bord de Seine.

Enfin, la concertation. Elle est largement insuffisante. Un projet d’une telle ampleur ne saurait être préparé sans un dialogue approfondi avec les élus locaux et les habitants.

Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il, sur ce dossier, concilier développement économique et impératifs écologiques ?

Peut-on envisager de revoir l’ampleur du projet, d’en adapter la conception afin de limiter ses impacts et de préserver cette zone naturelle essentielle à l’environnement ?

Surtout, face aux mobilisations citoyennes et à l’inquiétude parfaitement légitime des élus locaux, quelles garanties concrètes le Gouvernement peut-il offrir pour assurer une véritable concertation avant d’engager un projet aux conséquences néfastes et irréversibles ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Lafon, le ministre chargé des transports, Philippe Tabarot, comprend les inquiétudes que le projet de Vigneux-sur-Seine suscite dans votre territoire. Il m’a chargée de vous apporter les précisions suivantes.

Haropa Port, le grand port fluviomaritime de l’axe Seine, est en effet propriétaire d’un terrain d’environ 110 hectares sur la commune de Vigneux-sur-Seine, dans l’Essonne. Si ce terrain avait été acquis dans les années 1990 avec l’objectif d’y développer une plateforme industrielle portuaire sur sa totalité, je peux vous assurer que ce projet initial n’est plus d’actualité.

En effet, le nouveau schéma directeur environnemental de la région d’Île-de-France (Sdrif-E), adopté par le conseil régional le 11 septembre 2024, redéfinit complètement l’aménagement de cette zone. Il prévoit désormais une urbanisation à vocation industrielle et multimodale limitée à 35 hectares le long de la voie ferrée, soit moins d’un tiers de la surface initiale. Plus important encore, il garantit la préservation d’une armature verte en bord de Seine sur la majeure partie du terrain.

Cette nouvelle orientation pose les bases d’un projet plus équilibré, qui concilie les enjeux de développement économique et de préservation écologique, en phase avec les défis actuels.

En ce qui concerne vos interrogations sur la concertation, je peux vous indiquer qu’Haropa Port est actuellement en phase de réflexion préalable. Une fois le nouveau Sdrif-E en application, une concertation approfondie sera engagée avec l’ensemble des acteurs du territoire. Cette démarche permettra d’entendre et de prendre en compte les préoccupations légitimes que vous relayez, qu’il s’agisse des impacts sur le cadre de vie, des nuisances potentielles ou des enjeux de circulation.

Le ministre chargé des transports et son cabinet restent à votre disposition pour suivre l’évolution de ce dossier, qui revêt une importance particulière pour votre territoire.

non-application de la charte sociale européenne dans les outre-mer