M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Je ne partage pas l’avis de la commission, pour les raisons que je viens d’évoquer. Je crains que, à l’issue de l’examen du texte, nous ayons ajouté tant de circonstances aggravantes que nous affaiblissions notre objectif initial. Du reste, rien n’empêche aujourd’hui que ces circonstances soient d’ores et déjà prises en compte par les juridictions.

Je ne suis pas certaine qu’allonger la liste des circonstances aggravantes serve réellement, au bout du compte, la cause des victimes.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Ayant cosigné cet excellent amendement de notre collègue Annick Billon, je trouverais regrettable qu’il soit retiré. C’est pourquoi je le voterai, nonobstant les réserves exprimées par Mme la ministre.

Avec la multiplication des téléphones portables, personne n’est à l’abri. Je trouve particulièrement odieux que l’on utilise l’intimité d’une relation pour faire « chanter » son conjoint ou sa compagne, et pour exercer ainsi une forme de pression liée à des situations éminemment personnelles.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Linkenheld, MM. Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

dans un local d’habitation

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Que l’on me permette un instant d’autosatisfaction ! (Sourires.) En effet, l’article 5 est directement issu de la proposition de loi visant à permettre le cumul de circonstances aggravantes en matière de viol et à adapter les peines encourues à la gravité du viol commis, que j’avais déposée voilà un an.

Existe-t-il plus grand motif de satisfaction, pour l’auteur d’une proposition de loi, que de la voir un jour reprise par le garde des sceaux lui-même sous forme d’amendements à un véhicule législatif ? Quel sort heureux pour ledit texte ! (Sourires.)

Cela étant, j’ai tout de même tenu à préciser à M. le garde des sceaux, lorsque je l’ai croisé, que ses amendements étaient tirés de ma proposition de loi. Il serait en effet regrettable, une fois de plus, d’occulter le rôle des femmes dans l’élaboration de la loi, comme cela fut trop souvent le cas au cours de l’histoire !

Un détail, cependant, m’a troublée dans la reprise de ces propositions. J’avais créé une circonstance aggravante d’effraction en général, que M. le garde des sceaux a circonscrite à un local d’habitation. Or une effraction peut intervenir dans les locaux professionnels d’un artisan, dans le cabinet d’un soignant ou en tout autre lieu que le domicile de la victime. Il s’agit de lieux où l’auteur n’aurait pas dû pénétrer et où il s’est introduit par effraction.

C’est pourquoi je propose de supprimer cette précision, ajoutée par la Chancellerie, relative à un local d’habitation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Elsa Schalck, rapporteure. En effet, il n’y a pas lieu de viser les seuls locaux d’habitation : une telle disposition ne permettrait pas de couvrir les viols commis sur un lieu de travail qui serait également un lieu clos, par exemple le cabinet d’un membre d’une profession libérale.

La commission émet donc un avis résolument favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Linkenheld, MM. Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

, ou lorsqu’il est commis dans plusieurs des circonstances aggravantes mentionnées aux 1° à 15° de l’article 222-24

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Les auteurs de cette proposition de loi se sont autorisé plusieurs avancées significatives par rapport aux propositions que j’avais formulées. Ainsi, parmi les nouvelles circonstances aggravantes introduites figure le viol sériel, une notion dont nous avons mesuré toute la portée pénale lors du jugement de l’affaire Scala, tristement célèbre sous le nom d’affaire du violeur de la Sambre.

Dans ce dossier, l’auteur avait perpétré une cinquantaine de viols, dont un sur une victime mineure. La minorité de cette unique victime avait permis aux juges de retenir une circonstance aggravante. En revanche, l’existence même de ces cinquante viols en série n’avait pas emporté la moindre conséquence juridique. La notion de viol sériel va désormais être introduite dans le code pénal.

J’avais par ailleurs proposé que le cumul de circonstances aggravantes puisse porter la peine encourue jusqu’à trente ans de réclusion, une disposition que M. le garde des sceaux n’a pas souhaité reprendre en l’état.

Aussi ai-je proposé de nouveau, par cet amendement n° 38 rectifié bis, que la peine puisse être portée jusqu’à trente ans de réclusion. L’enjeu n’est pas négligeable : au-delà d’une certaine peine encourue, la juridiction compétente n’est plus la cour criminelle départementale, mais la cour d’assises. Or j’ai l’intime conviction que, lorsque l’auteur encourt une peine d’une telle sévérité en raison du cumul de circonstances aggravantes, son cas relève de la cour d’assises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous avons nous-mêmes prévu un système de cumul concernant la répression du harcèlement sur conjoint, c’est-à-dire du contrôle coercitif. Il semble donc parfaitement légitime que nous procédions de même pour le viol afin de tenir compte, à la fois, de la dangerosité de l’auteur et de l’ampleur du préjudice causé à la victime.

Si la gravité des faits impose le passage devant la cour d’assises, cela me paraît également tout à fait justifié.

L’avis est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Je salue le travail de la sénatrice Laurence Rossignol, lequel a inspiré des amendements qui ont été largement adoptés par l’Assemblée nationale, et qui, je l’espère, seront inscrits dans la loi.

Le dispositif de cumul de circonstances aggravantes me paraît utile pour compléter notre arsenal. Sur cet amendement, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Après l’article 6 (début)

Article 6

(Supprimé)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Après l’article 6 (fin)

Après l’article 6

M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Varaillas et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l’article 515-13-1 du code civil, après le mot : « allégués », sont insérés les mots : « , ou propos ou comportement tels qu’ils sont définis à l’article 222-33-2-1 du code pénal, ».

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous avons récemment voté des dispositions instaurant l’ordonnance provisoire de protection immédiate afin de protéger les victimes menacées. Or la victime d’un contrôle coercitif devrait pouvoir être protégée par ce même mécanisme d’urgence.

Cet amendement vise donc à inciter les magistrats à faire usage de ce mécanisme dans une situation de contrôle coercitif. Nous ne pouvons en effet ignorer que celui-ci s’inscrit très fréquemment dans une escalade de violences qui peut se terminer tragiquement par un féminicide.

L’urgence de telles situations justifie pleinement d’étendre ce nouveau régime de protection à ces situations alarmantes afin de protéger au mieux les victimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Elsa Schalck, rapporteure. Cette modification paraît inopportune, car, comme nous l’avons plusieurs fois évoqué, le juge aux affaires familiales dispose d’une liberté d’appréciation qui lui permet déjà de protéger les victimes d’un contrôle coercitif. De plus, la référence explicite à une infraction pénale lierait les mains des magistrats, au détriment des victimes présumées.

Le juge peut d’ores et déjà rendre une ordonnance de protection en citant explicitement les termes « contrôle coercitif », comme l’a fait la cour d’appel de Versailles dans sa décision du 21 novembre 2014. Nous ne doutons pas que le juge se saisira également de cette possibilité dans le cadre de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, dont le décret d’application vient d’être signé.

J’entends vos arguments, ma chère collègue. J’estime comme vous que l’application des différents outils à la disposition du juge doit progresser, mais je crois qu’en la matière, le temps fera son œuvre.

En tout état de cause, l’avis est défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. J’entends vos explications et je les comprends, madame la rapporteure. Je ne suis toutefois pas certaine que les victimes et les familles des femmes qui ont été tuées, quant à elles, nous comprennent. Il nous faut garder en tête le nombre important de féminicides !

Le 6 novembre 2021, une femme a été assassinée à La Réunion. Elle avait porté plainte quelques jours auparavant pour une boîte aux lettres cassée. Les services de sécurité et la justice s’étaient alors expliqués devant les médias en soulignant qu’il s’agissait d’un signal faible que personne ne pouvait identifier comme le signal d’alerte d’un futur passage à l’acte. Cette femme a été tuée par soixante-dix coups de couteau. Je ne suis pas sûre que ses enfants et sa famille comprennent l’argumentaire qui vient d’être développé !

J’ai déposé cet amendement parce que, si notre arsenal législatif s’améliore au fil de nos débats, il ne correspond toujours pas à la réalité du terrain. Je maintiens donc cet amendement, qui sera, je l’espère, adopté par le Sénat.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Je salue votre travail et votre engagement, que j’ai pu mesurer lorsque je me suis rendue à La Réunion, madame la sénatrice.

Depuis le début de l’année, les vingt femmes qui ont été assassinées laissent derrière elles vingt-huit orphelins. Certains ont assisté au meurtre, d’autres ont découvert le corps de leur maman sans vie. L’enjeu que vous soulevez est donc prioritaire non pas seulement pour le Gouvernement, mais aussi – je l’espère – pour la société, qui, dans son ensemble, doit être formée à la détection de tous ces signaux faibles envoyés par des individus qui sont, hélas ! susceptibles de passer à l’acte.

L’ordonnance provisoire de protection immédiate est en application depuis deux mois. J’estime – et vous serez sans doute nombreux à me rejoindre – qu’il est de notre responsabilité de faire connaître ce dispositif.

J’ai eu connaissance des cas de trop nombreuses victimes de violences qui ne se sont jamais vu proposer d’ordonnance de protection au cours de leur parcours judiciaire. Il nous faut donc améliorer l’information des victimes sur leurs droits, mais aussi la formation initiale et continue des magistrats, des policiers, des gendarmes et des avocats. Nous ne parviendrons à progresser qu’ainsi.

Vous avez raison de pointer du doigt notre responsabilité dans le manque d’effectivité des dispositifs que nous avons instaurés, et dont j’estime qu’ils sont de bons dispositifs : l’ordonnance de protection et, depuis peu, l’ordonnance provisoire de protection immédiate. Il nous faut en effet reconnaître qu’à ce stade, c’est insuffisant.

En tout état de cause, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase de l’article L. 542-1 du code de l’éducation, après le mot : « mineurs, », sont insérés les mots : « notamment à leur détection ».

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Cet amendement vise à compléter notre dispositif de détection des abus sexuels commis à l’encontre des enfants. Le code de l’éducation est en effet trop lacunaire en termes de formation à cette détection.

Les enfants envoient des signaux qui doivent être mieux perçus par l’ensemble des professionnels qui travaillent à leur contact. S’ils ne verbalisent pas, les enfants victimes d’abus sexuels présentent des troubles de l’alimentation, du comportement ou du sommeil. En tout état de cause, leur attitude change.

La formation systématique de l’ensemble des professionnels qui sont au contact d’enfants – enseignants, animateurs sociaux, culturels et sportifs, personnel médico-social, personnel soignant – est donc aujourd’hui un véritable enjeu.

Plus la société sera alerte en matière de détection des abus sexuels qui sont, malheureusement, un fléau dans notre pays, au plus tôt nous pourrons les endiguer et les réparer, de manière aussi à éviter que ces enfants ne soient de nouveau victimes, voire qu’ils ne deviennent à leur tour auteurs de violences – nous observons, en effet, que leur parcours est souvent marqué par la réitération des violences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement ayant été déposé juste avant l’examen du présent texte en séance publique, notre commission n’a pas eu le temps de se réunir pour l’examiner. J’émettrai donc un avis personnel.

Dans le fond, il suffirait de compléter un décret pour que cet amendement soit satisfait. Mais ledit décret date déjà de 2009, et nous voyons bien qu’il n’est pas appliqué. Or nos échanges, notamment avec Mme Corbière Naminzo, mettent en exergue la nécessité de former l’ensemble des acteurs.

Les enfants étant notamment exposés à des risques au sein de leur foyer, l’école est un lieu de détection essentiel. L’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité qui sera mise en place à la rentrée est à ce titre nécessaire.

Comme vous l’indiquiez précédemment, madame la ministre, les agents des services sociaux doivent également être formés, car ils ont souvent des rapports à faire aux magistrats. Or s’ils ne connaissent pas la notion de contrôle coercitif, ils pourront avoir tendance à croire un père qui paraît stable et posé plutôt qu’une mère qui, parce qu’elle cherche à protéger son enfant, paraîtra hystérique et peut-être inapte à s’occuper de celui-ci. La méconnaissance de ce mécanisme pourrait donc conduire ces agents à induire les magistrats en erreur.

Il faut, de même, que les forces de sécurité intérieure soient formées à la distinction entre une dispute de couple et une situation de contrôle coercitif, dans laquelle il y a bien un auteur qui inflige des violences et une victime qui les subit. Le contrôle coercitif est bien différent du conflit !

Au regard de ce besoin de formation de l’ensemble des acteurs, on ne peut donc qu’appuyer votre démarche, madame la ministre, même si, dans les faits, cet amendement est déjà satisfait.

Sur cet amendement, je m’en remets donc, à titre personnel, à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire Mme la rapporteure, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Comme mes collègues du groupe Les Indépendants, je regrette que nous n’ayons pas inscrit l’imprescriptibilité des infractions sexuelles et des violences commises à l’encontre de mineurs dans la loi, même si l’allongement de vingt à trente ans de la prescription est un premier pas.

Ce texte a été enrichi par plusieurs amendements, notamment l’amendement n° 8 rectifié bis de Mme Billon, dont l’adoption permettra l’enregistrement audiovisuel des auditions de victimes afin de limiter la reviviscence des traumatismes lors de témoignages répétés, et l’amendement n° 24 rectifié de Mme Corbière Naminzo dont l’adoption permettra que les menaces économiques soient reconnues comme des infractions.

Par ce texte, nous améliorons la protection des victimes, mais nous contribuons aussi à traquer plus longtemps et à sanctionner plus sévèrement les prédateurs sexuels, grâce notamment au cumul des circonstances aggravantes introduit par les amendements de Mme Rossignol.

Enfin, l’adoption de l’amendement n° 42 de Mme la ministre contribuera à améliorer la formation des professionnels de l’enfance et des enseignants à la détection des violences, au travers notamment de la détection des troubles de l’alimentation et des situations de décrochage ou de phobie scolaire qu’elles peuvent causer.

Notre groupe votera cette proposition de loi ainsi amendée.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je serai brève, car je me suis déjà abondamment exprimée au cours de nos débats.

Le groupe socialiste votera évidemment ce texte et suivra son évolution au cours de la navette parlementaire, après le travail qui a déjà été fait par l’Assemblée nationale et par le Sénat en première lecture.

J’estime que ce travail a été positif, même s’il ne donne qu’à moitié satisfaction à ceux – ou plutôt celles – d’entre nous qui voulaient faire du contrôle coercitif une infraction autonome. Nous ne sommes donc qu’à moitié satisfaites.

Par ce texte comme par d’autres, nous nous efforçons de faire entrer dans le code pénal des concepts psychosociaux, des outils d’enquête et des outils de compréhension des situations par les juges. Or il n’est pas évident de transformer un concept psychosocial en infraction pénale. Les effets de bord étant rarement mesurés, nous tentons de les anticiper au mieux, mais nous devrons sans doute revenir sur certains points.

Nous n’en avons assurément terminé ni avec la prescription, ni avec les violences post-conjugales, ni avec le délit de non-représentation d’enfant. D’autres textes sont donc à venir, mais pour l’heure, je me réjouis des avancées apportées par cette proposition de loi.

J’espère toutefois qu’une grande loi sur le sujet nous sera bientôt soumise. En effet, cela fait six ans que nous légiférons en matière de violences faites aux femmes, de droit de la famille et de protection des enfants, par le biais de propositions de loi successives bien souvent examinées dans le cadre de niches parlementaires, et qui ne doivent donc pas comporter d’articles trop nombreux. Or il arrive que nous nous demandions si ce que nous venons de voter est bien coordonné avec le droit existant…

Si cet exercice est difficile, il nous a permis de prendre beaucoup de libertés à l’égard des positions des services de la Chancellerie, qui assistent à nos débats.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Ne les fâchez pas !

Mme Laurence Rossignol. Ils peuvent ainsi constater que le législateur, soucieux de produire un droit de qualité, travaille avec rigueur.

M. le président. Sauf parfois sur les temps de parole ! (Sourires.)

Mme Laurence Rossignol. En tout état de cause, nous voterons cette proposition de loi avec conviction.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je serai brève, car je me suis moi aussi beaucoup exprimée.

Nous voterons ce texte. Si celui-ci a été enrichi lors de nos débats, de nombreux points restent à aborder. Nous avons en effet besoin d’une véritable loi-cadre. Un tel texte est attendu depuis des années par les associations féministes, mais pas seulement.

Les victimes sont de plus en plus nombreuses, et il serait fâcheux que les textes votés par le Parlement, censés protéger les victimes, ne soient pas mis en œuvre sur le terrain. Tel est le véritable risque déceptif, plusieurs fois évoqué au cours de notre débat, mes chers collègues !

Au-delà de l’injonction à libérer la parole, régulièrement reprise dans les campagnes de sensibilisation et de prévention sur les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes et les violences faites aux enfants, peut-être faudrait-il informer davantage les victimes sur les dispositions législatives qui les protègent et les leviers à activer pour obtenir protection et justice ?

La libération de la parole est souvent ressentie par les victimes comme une injonction contradictoire en raison non seulement de leur isolement, mais aussi des freins économiques à l’engagement de poursuites. Il nous faut donc mener une réflexion de fond sur le discours que nous leur adressons.

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. Le groupe Union Centriste votera naturellement ce texte, et je dois dire que je ne suis pas si déçue… En matière de droits des femmes, nous adoptons bien souvent la politique des petits pas. Or je ne crois pas que ce texte emportera d’effet déceptif, car les pas que nous avons faits aujourd’hui ne sont pas si petits que cela !

Le passage à trente ans du délai de prescription civile, la prescription glissante en matière de viol pour les adultes, la voie médiane que nous avons trouvée – ce n’était pas simple ! – pour inscrire le contrôle coercitif dans le cadre pénal constituent en effet autant d’avancées. Au-delà du travail qu’il reste sans doute à mener au cours de la navette parlementaire, j’estime que c’est encourageant.

Comme mes collègues, j’en appelle toutefois à la loi-cadre globale que réclament les associations et un certain nombre de parlementaires, autour de la ministre Aurore Bergé, que je remercie, et de nos rapporteures, que je félicite encore.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Je me félicite du présent débat sur ce fléau que constituent les violences sexuelles et sexistes. Nous avons fait des pas importants, mes chers collègues ! Je suis particulièrement satisfaite que nous soyons parvenus à intégrer la notion de contrôle coercitif dans notre arsenal législatif et dans notre ordonnancement juridique.

Lors de précédents débats relatifs à l’ordonnance de protection, j’avais regretté que les violences économiques soient insuffisamment prises en compte dans le cadre des mesures que le juge aux affaires familiales peut recommander.

Si nous voulons aider les femmes victimes de violences à sortir des griffes de leurs agresseurs, le chemin consiste à leur donner accès à une véritable autonomie financière, car elles restent bien souvent prisonnières à cause de leur dépendance économique. Je remercie donc notre collègue d’avoir tenu bon s’agissant de la prise en compte du volet économique et financier du contrôle coercitif.

Les enfants constituent parfois un élément du chantage qui retient les femmes. Il nous faudra également mettre ce sujet sur la table.

Nous n’avons certes pas été d’accord sur tout, mais nous avons pu échanger sur ces sujets graves dans un contexte apaisé. Ce débat le méritait !

Enfin, je remercie Mme la ministre de nous avoir permis d’avancer sur ces questions.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour explication de vote.

Mme Sophie Briante Guillemont. Le groupe RDSE votera, bien sûr, ce texte.

Si nous avons pu débattre de manière approfondie de notions juridiques nouvelles et complexes, telles que l’imprescriptibilité civile ou le contrôle coercitif, je regrette qu’un projet de loi sur le sujet ne nous soit pas soumis, car cela nous permettrait de nous appuyer sur une étude d’impact – nous ressentons la même frustration pour de nombreux textes que nous examinons en ce moment. Cela me paraît pourtant essentiel, tout comme la nécessaire loi-cadre qu’évoquaient mes collègues.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Je vous remercie, monsieur le président, pour la qualité de ce débat et, mesdames les rapporteures, pour le travail que vous avez mené.

Je me félicite du vote qui se profile, mesdames, messieurs les sénateurs. Si l’on m’avait dit il y a quelques semaines ou quelques mois que le contrôle coercitif ou la prescription glissante pour les viols commis à l’encontre de majeurs seraient adoptés de cette façon, nous aurions été nombreux à signer des deux mains ! Cela signifie que l’acceptation de telles notions progresse au sein de la société, comme elle progresse à l’Assemblée nationale et au Sénat.

L’enjeu est aujourd’hui de garantir l’effectivité et l’application uniforme sur le territoire des droits nouveaux que nous créons.

Je remercie les sénatrices représentant les Français de l’étranger d’avoir systématiquement rappelé que ces droits devaient aussi s’appliquer aux Françaises de l’étranger, notamment expatriées, qui, selon leur lieu de résidence, ne bénéficient pas toujours des mêmes garanties alors que, dans un certain nombre de situations, elles sont sans doute encore plus vulnérables.

Je tiens enfin à vous assurer de ma détermination à avancer avec vous vers l’élaboration d’une loi-cadre. Un tel texte nous donnera l’occasion de réinterroger l’arsenal juridique existant pour lui donner plus de force et de cohérence, et peut-être d’aller plus loin, si nous parvenons à dégager des majorités tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, pour soutenir une telle initiative.

Je vous remercie sincèrement de ces échanges de bonne tenue, riches et respectueux. Puisse l’autre chambre du Parlement s’inspirer de cette manière de travailler ! (Sourires.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)