M. le président. Monsieur le rapporteur, votre avis défavorable sur les amendements identiques vaut-il également pour les sous-amendements identiques ?
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces amendements identiques visent à créer une exception aux règles d’encadrement du démarchage téléphonique, que tous souhaitent ici.
Or une dérogation ouvre toujours une brèche. Pourquoi telle exception ? Pourquoi tel secteur d’activité ? Pourquoi tel type d’entreprise ou de produit ? Au demeurant, notre volonté de modifier les règles ne ciblait pas forcément les produits alimentaires ou destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, qui ne constituaient pas forcément les principaux irritants.
La livraison à domicile de produits alimentaires faisant l’objet d’un démarchage téléphonique apporte une réponse aux citoyens, notamment aux familles, qui n’ont pas toujours la possibilité de se déplacer. En tout cas, c’est un service qui fonctionne très bien sur les territoires, particulièrement dans les zones rurales. Il faut prendre cet élément en compte.
Un certain nombre d’entreprises – peut-être seulement quelques-unes – ont construit leur modèle économique sur ce fondement. Il est important de leur laisser le temps de s’adapter à la modification législative.
Si, en tant que ministre chargée des questions de consommation, la protection contre le démarchage téléphonique est de mon ressort, je pense aussi, en tant que ministre chargée des entreprises, qu’il faut laisser le temps à ces dernières de s’adapter.
Je suis donc défavorable aux amendements en tant que tels. Il ne me paraît pas possible d’établir une dérogation non limitée dans le temps, du fait de notre forte volonté de faire face au démarchage téléphonique à la suite des travaux du sénateur Verzelen.
En revanche, nous pouvons prendre en compte des cas particuliers. La situation économique de nos entreprises le mérite. À l’Assemblée nationale, j’ai émis un avis favorable sur un sous-amendement visant à limiter la période de dérogation à dix-huit mois : le délai me paraissait suffisant pour que les entreprises s’adaptent.
Les sous-amendements identiques tendent à le porter à soixante mois, soit cinq ans. Un tel délai me semble trop important.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Ce n’est tout de même pas rien, en effet…
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de cette assemblée concernant les sous-amendements et, si ces derniers devaient être adoptés, sur les amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Madame la ministre, j’ai l’impression d’avoir parlé pour rien… (Sourires.)
D’après vous, il faut comprendre les entreprises et les laisser travailler, notamment dans les territoires ruraux où les besoins se font sentir. Or rien dans la loi ne leur interdit d’appeler pour prendre des commandes et rien n’interdit aux consommateurs de recevoir les produits qu’ils souhaitent et comme ils l’entendent. Vous invitez à ne pas ignorer les entreprises, mais leur situation est bien prise en compte dans la loi. Tout est fait pour qu’elles continuent de travailler !
Par ailleurs, le délai proposé est de cinq ans. Tout de même ! Dans cinq ans, nous n’aurons pas le même Président de la République et les députés comme les sénateurs auront de nouveau connu une élection. Mes chers collègues, un tel délai est si long que la dérogation en deviendra perpétuelle.
De toute façon, puisque nous n’attendrons pas cinq ans sans que des problèmes surgissent et que nous reparlions de la mesure, autant gagner du temps…
Nous nous sommes tout de même penchés sur la mesure, madame la ministre ! Nous ne pouvons pas décemment accorder une dérogation de cinq ans, alors que nous nous inquiétions tout à l’heure sur l’ensemble des travées d’un délai d’application d’une disposition de dix-huit mois. Il faut agir rapidement pour protéger les consommateurs, c’est-à-dire les Françaises et les Français.
M. Jean-François Husson. Votons !
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je vous remercie, madame la ministre, de vos propos. Je tiens à revenir sur un certain nombre de points qui ont rythmé notre journée.
M. le rapporteur nous précise que son avis est celui de la commission. Or nous n’avons pas voté spécifiquement sur ces sous-amendements identiques, puisque nous avons voté globalement les amendements.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Je l’ai dit !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Il l’a dit !
M. Patrick Chaize. Je respecte les positions exprimées au banc des commissions ce soir, mais je tiens à m’exprimer sur la méthode, car j’ai cru comprendre, lors du débat de ce matin, que les avis exprimés étaient plutôt ceux de M. le rapporteur que ceux de la commission.
Nous vivons une période de remise en cause de certaines politiques, comme celles qui sont relatives à l’eau et à l’assainissement – mes collègues siégeant sur les travées de la gauche ne me contrediront pas ! –, après que nous nous sommes aperçus que nous n’avions peut-être pas fait tout ce qu’il fallait et comme il le fallait lors des discussions.
Pour ma part, ce qui m’intéresse, c’est défendre non pas les entreprises, mais les habitants de nos territoires ruraux, qui ont actuellement besoin de ces services et qui souhaitent continuer à en disposer.
D’après vous, monsieur le rapporteur, les entreprises pourront globalement continuer à travailler. Certes, elles en seront capables, mais uniquement avec les clients figurant dans leur fichier. Elles ne pourront pas réaliser de nouveaux prospects,…
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Si, auprès de ceux qui le veulent !
M. Patrick Chaize. … donc en trouver de nouveaux.
Je formule une proposition. Puisque je comprends qu’un délai de soixante mois est trop important, je suis prêt à modifier mon sous-amendement pour réduire cette durée à trente-six mois.
Chacun peut ainsi faire un pas vers l’autre. Ce compromis permettrait d’appliquer la loi sur le démarchage téléphonique, que nous avons votée et dont j’ai été un vrai défenseur, tout en laissant une petite marge de manœuvre. Nous ferions ainsi en sorte que chacun s’y retrouve.
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas simple !
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Mes chers collègues, j’ai peur que, en introduisant une telle exception, nous ne soyons en train de mettre le pied dans la porte.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Exactement !
Mme Anne-Sophie Romagny. La distribution de produits surgelés ne sera pas interdite dans la ruralité : les clients d’aujourd’hui le resteront demain. Il sera toujours possible de consentir à un démarchage téléphonique. Ne nous trompons pas !
Nous devons légiférer dans le sens de l’intérêt général et non en faveur des intérêts particuliers ou des exceptions. Je le répète, alors que nous avons voté une proposition de loi à l’unanimité dans notre assemblée, nous sommes, quelques mois plus tard, en train de mettre le pied dans la porte. Je pense vraiment que rien n’empêchera la distribution. Et c’est une élue rurale qui vous parle ! La possibilité de se faire livrer aujourd’hui des surgelés en ruralité existera toujours demain.
Nous recevons tous, tous les jours, des appels téléphoniques. Comment différencier le numéro en 06 des surgelés de celui d’un autre démarchage ?
La situation actuelle pose problème. Personnellement, je suis passée à côté d’un accident de ma fille, parce que je n’ai pas reconnu le numéro qui m’appelait : j’ai cru à un démarchage. Je n’ai pas répondu et, quelques heures plus tard, j’ai appris qu’un problème avait eu lieu à l’école. Dans l’urgence, l’institutrice avait téléphoné depuis son téléphone portable et non depuis le téléphone de l’école…
J’y insiste, nous sommes confrontés à de telles situations tous les jours. Je n’ai pas envie de me demander, lors d’un appel, s’il s’agit d’un démarchage de surgelés ou d’un problème de ma fille à l’école. Le problème n’est donc pas celui de ces entreprises dans la ruralité.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. D’après vous, monsieur le rapporteur, il faut respecter le travail des sénateurs Verzelen et Richard. Je respecte également le vôtre.
Toutefois, il faut aussi respecter le travail des salariés et des entreprises. Permettre à ces dernières de s’adapter, à l’aide d’un délai accordé avant application de la mesure, c’est tout à fait acceptable. Et il faut respecter leurs services rendus aux personnes âgées et à celles qui vivent en milieu rural et qui ne disposent pas d’un moyen de mobilité.
Vous assurez que la fracture numérique n’existe pas. Malheureusement, elle existe bien !
M. Jean-François Husson. Pas en Haute-Saône ! (Sourires.)
Mme Annie Le Houerou. L’illectronisme, à savoir la difficulté d’accès aux nouvelles technologies, est également une réalité.
Je rappelle que les députés ont approuvé à une très large majorité une telle exception alimentaire. Il faut prendre ce vote en compte.
Enfin, vous affirmez qu’il faut œuvrer dans le respect de l’intérêt général, plutôt que des intérêts particuliers. Mais travailler dans le sens de l’intérêt général nécessite aussi de tenir compte de situations particulières ! Trouvons donc une solution médiane, pour tenir l’objectif de lutte contre le démarchage abusif tout en préservant les entreprises, les salariés et les personnes qui bénéficient de ces services.
M. Jean-François Husson. Il faut faire des bocaux ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je soutiens M. le rapporteur, car j’ai un peu de mal à comprendre le débat. Depuis ma plus tendre enfance, je vois les camions réfrigérés venir dans ma cour pour livrer leurs produits. Ils font partie du quotidien dans les villages, en milieu rural.
Même si les propos que j’entends semblent acter la fin de telles livraisons, je n’ai pas l’impression que cette activité sera remise en cause. Rien ne changera !
M. Jean-François Husson. Ils rouleront à l’électrique ! (Sourires.)
M. Guillaume Gontard. Le camion passera toujours, et l’entreprise conservera la possibilité d’appeler ses clients pour prendre les commandes. Seul le démarchage changera : il sera interdit, pour les entreprises de produits congelés comme pour d’autres, d’aller vers les acheteurs et de pousser à la consommation.
Je le répète, rien n’interdira à un client de faire venir le camion de congélation, comme avant. J’ai donc du mal à comprendre ce débat. Je trouve que les propos de M. le rapporteur vont dans le bon sens.
M. Jean-François Husson. M. Gontard vole au secours de M. le rapporteur !
M. Guillaume Gontard. Surtout, comme il le rappelle, si nous ouvrons une brèche pour les produits de congélation, pourquoi n’en ouvririons-nous pas pour d’autres produits de grande consommation ? Il sera très facile ensuite d’ajouter de nouvelles exceptions…
Nous devons être très clairs : nous sommes tous d’accord pour ne plus vouloir de démarchage téléphonique, et c’est tout. Si nous commençons à prévoir des exceptions, l’interdiction ne fonctionnera pas.
Je ne comprends même pas la proposition visant à laisser cinq mois ou six mois d’adaptation : à quoi l’entreprise s’adaptera-t-elle, puisqu’elle n’aura plus besoin de démarchage téléphonique ? Il faut donc ne pas voter ces amendements identiques. Restons-en à l’article 3 dans sa rédaction actuelle.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Nous avons déjà débattu de cette question en commission. Je ne vous cache pas que je m’interrogeais sur le sens de mon vote en séance.
Nous partageons tous, sur nos territoires, une histoire avec de telles entreprises, car il n’y en a pas que trois, monsieur le rapporteur. Dans les Vosges et au-delà, nous connaissons par exemple Thiriet. Ces entreprises sont une réalité de nos territoires.
Je tiens à corriger un point. Même si la région Grand Est a été l’une des premières à être complètement raccordée à la fibre, une partie de nos concitoyens, hélas ! n’est pas en mesure d’utiliser cette technologie pour rédiger des mails et passer ainsi des commandes.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Mais ils ont des enfants !
M. Daniel Gremillet. Le problème de la téléphonie reste donc entier.
Quoi qu’il en soit, après l’avoir bien écouté, je suivrai notre rapporteur : je lui fais confiance.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Daniel Gremillet. En effet, si j’ai bien compris dans son explication, nous n’empêcherons personne de profiter de cette solution de proximité.
Il ne faut pas négliger cette dimension territoriale. N’oublions pas, madame la présidente de la commission, que nous avons adopté hier la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire. Nous nous plaignons parfois de la concentration de la distribution, mais, ici, nous parlons d’une forme de distribution partagée à dimension territoriale, souvent départementale ou régionale.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Nous la soutenons !
M. Daniel Gremillet. Notre rapporteur nous explique que nous pourrons toujours recourir à ces entreprises et, surtout, que les prospects continueront. Ce point est essentiel : sans ces derniers, les entreprises signent simplement leur arrêt de mort.
Je fais donc confiance à notre rapporteur et je voterai contre ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour explication de vote.
M. Pierre-Jean Verzelen. Il faut expliquer pourquoi ce débat a lieu. Je n’ai rien contre les entreprises ou les groupements d’intérêt qui prennent contact avec des élus quand un sujet les concerne, mais, dans le cas présent, une société précise a adopté une attitude des plus cavalières, qui relève ni plus ni moins du rentre-dedans ! J’y insiste, je ne vise pas toutes les sociétés du secteur.
Nous voulons que les entreprises obtiennent le consentement des personnes qu’elles pourront ensuite démarcher. Or nous prévoyons, dans le cas présent, que certaines n’en aient pas besoin. Pour ce faire, nous utilisons des mots aux sonorités magiques : territoires, rural, personnes isolées…
Je suis moi-même un hyperrural. Très concrètement, nous parlons des entreprises qui visent une petite dame toute seule chez elle. Quand bien même celle-ci aurait la fibre, elle ne sait peut-être pas se servir d’un ordinateur – nous pouvons tous le comprendre. Mais peut-être sait-elle ouvrir sa boîte aux lettres pour prendre dans son courrier de la publicité ou appeler un numéro de téléphone pour obtenir un produit ? Ou peut-être a-t-elle autour d’elle de la famille qui peut le faire à sa place ?
Si elle n’a pas de famille, si elle ne sait pas ouvrir sa boîte aux lettres, si elle ignore comment se servir d’un ordinateur et si elle n’a aucun moyen de téléphoner, il faut d’urgence que personne ne puisse la démarcher ! (Sourires.)
En ce qui concerne l’opérationnalité, si nous mettons le pied dans la porte, d’autres s’engouffreront dans la brèche. L’argument est peut-être simpliste, mais, pour reprendre la métaphore de la route que filait M. le rapporteur lors de la discussion générale, il serait singulier de limiter la vitesse à 100 kilomètres par heure pour tout le monde, mais d’autoriser les voitures vertes de tel modèle à rouler à 150 kilomètres par heure ! Cela n’a pas de sens et ce n’est pas à la hauteur, à mon avis, du débat que nous devons avoir.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Ce débat est quelque peu surréaliste. Tenons compte des réalités économiques de notre pays ! De fait, certaines entreprises assurent, depuis plus de cinquante ans, des livraisons à domicile dans des territoires ruraux qui sont bien souvent excentrés.
Je récuse l’argument selon lequel elles pourront continuer à faire des prospects : à partir du moment où elles ne pourront desservir que leur clientèle, leur fichier client se réduira peu à peu. Elles n’auront donc aucune perspective de développement, alors même qu’elles emploient des centaines de salariés.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Non !
M. Michel Canévet. Mais si ! Elles ne pourront entrer en relation avec des clients et elles seront donc condamnées.
Si nous voulons remettre en cause le démarchage, il est nécessaire de laisser le temps à ces entreprises de s’adapter, comme pour celles du label RGE, qui ont fait l’objet d’un débat en ce sens avant la suspension de séance. Cette nécessité d’adaptation nous avait été exposée, alors que nous étions un certain nombre à vouloir aller vite dans l’application de la mesure. Or les entreprises qui ne disposent pas d’un label d’État devraient être obligées d’obtempérer immédiatement. Cela n’a pas de sens !
Je le répète, nous ne tenons pas compte des réalités économiques. Nous avons fait suffisamment d’erreurs dans le passé à l’occasion de l’examen d’un certain nombre de textes pour que nous y réfléchissions à deux fois.
Nous serions bien inspirés de nous pencher sur les répercussions économiques de la mesure, car celles-ci seront particulièrement négatives. Puisqu’un certain nombre de territoires, les plus ruraux et les plus excentrés, ne sont pas reliés à la fibre optique et ne disposent donc pas de moyens modernes de communication, il reste la solution des appels téléphoniques. Et si la fraude provenait de ces opérateurs, nous le saurions depuis longtemps !
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.
M. Gérard Lahellec. Permettez-moi, tout d’abord, de me féliciter de ce débat.
Pour ma part, je ne suis pas arc-bouté sur mon amendement.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Alors, retirez-le !
M. Gérard Lahellec. Son retrait me semble envisageable si nous consentons à voter les sous-amendements.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Mais non, ce n’est pas possible !
M. Gérard Lahellec. Je le répète : je suis à l’écoute du débat, car je considère que faire de la politique revient à rendre faisable le souhaitable. Tel est du moins mon objectif.
Dans mon esprit, il ne s’agit pas de remettre en cause l’objet de cette proposition de loi. Par conséquent, dès l’instant où nous aménageons un délai suffisant pour que les entreprises s’adaptent, il n’y a pas lieu de maintenir mon amendement. Puisque l’idée d’un délai de trente-six mois a été évoquée, nous pourrions converger vers cette solution, non pas pour que la loi ne s’applique pas, mais pour rendre cette dernière pleinement efficiente.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. Je n’ai jamais été très fort en thème ni en version… Et je me rends compte que cette assemblée elle-même peut aisément perdre son latin ! Ainsi, ce matin, Yannick Jadot soutenait le sous-amendement de M. Duplomb en nous parlant de sa mère… (Sourires.) Depuis lors, j’ai l’impression d’être dans le brouillard.
Or le marin que je suis sait que, dans le brouillard, une boussole est essentielle pour s’orienter, comme l’a rappelé si justement cet après-midi notre collègue Bernard Fialaire s’agissant de l’État de droit. Monsieur le rapporteur, ce soir, vos arguments sont ma boussole ! Au fond, vous nous rappelez ce que sont la sagesse, le droit et la raison. Je nous invite donc à faire preuve de rationalité.
Pour ma part, je retire donc l’amendement n° 111 rectifié quater, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 111 rectifié quater est retiré.
La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Nous sommes en train de nous interroger sur l’ouverture du démarchage commercial à la fourniture de denrées alimentaires et de produits pour l’alimentation des animaux…
Or, mes chers collègues, il y a une demi-heure, vous avez décidé – j’ai voté contre – d’interdire complètement le démarchage téléphonique pour deux autres secteurs : la rénovation énergétique, qui figurait déjà dans la rédaction de l’Assemblée nationale, et les rénovations des logements à des fins d’accessibilité, concernant l’adaptation au handicap.
Mon cher collègue Grosvalet, je ne suis pas Breton, ni marin, mais Alsacien. Mais j’ai besoin d’une corne de brume… (Sourires.) J’aimerais savoir, dans ce brouillard, où nous allons. Que restera-t-il, mes chers collègues, du vote à l’unanimité rappelé tout à l’heure par notre rapporteur ? Nous voulions de cette manière être tout à fait clairs et affirmer qu’il ne serait plus possible dans ce pays de démarcher sans un accord préalable du consommateur.
Je souhaite vraiment beaucoup de bonheur à la justice ! En effet, il y aura bien sûr de nombreux contentieux. Je suis persuadé que l’interdiction du démarchage en matière de rénovation énergétique tombera, car elle est contraire aux directives européennes. D’ailleurs, comme je l’indiquais tout à l’heure, nous avons déjà perdu certains contentieux devant les tribunaux administratifs ou les cours administratives d’appel. Comment la justice réagira-t-elle, quand la position du législateur se révèle aussi différente selon les secteurs ?
Il faut raison garder. Nous devons nous opposer clairement à ces amendements identiques. Je regrette d’ailleurs que mon amendement n° 24 rectifié bis n’ait pas été retenu tout à l’heure.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. J’en ai retenu d’autres !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. André Reichardt. Les contentieux ne s’arrêteront pas si nous votons ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Pour évoquer mon cas personnel, mes parents étaient commerçants ambulants. Ils procédaient à des distributions dans à peu près la moitié du département de la Côte-d’Or. Leur prospect était non pas la corne de brume, mais le klaxon ! (Sourires.) Et ce dernier fonctionnait très bien.
Je suivrai donc l’avis du rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.
M. Bernard Buis. Comme M. Chaize tout à l’heure, je considère qu’il faut rectifier ces sous-amendements, afin de retenir un délai de trente-six mois.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Cher Michel Canévet, mon cher vice-président de la délégation aux entreprises (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Jean-François Husson. Comme c’est mignon !
M. Olivier Rietmann, rapporteur. … je m’inscris en faux contre vos propos : les entreprises pourront toujours faire de la prospection. C’est clairement inscrit dans la loi. Nous leur interdisons seulement d’appeler les consommateurs qui souhaitent ne pas l’être. J’y insiste, elles pourront encore faire de la prospection. Encore heureux, d’ailleurs !
Nous comprenons tous qu’un fichier client diminue au fil du temps. J’ai donné un exemple en commission ce matin : si vous avez acheté un sachet de persil surgelé il y a plus de dix ans, vous faites partie du fichier client et l’entreprise a donc le droit de vous joindre même si vous ne l’avez pas contactée depuis lors. En revanche, vous aurez à présent le droit de ne plus être appelé si vous exprimez un souhait en ce sens. Il est difficile d’être plus clair !
En ce qui concerne le délai laissé aux entreprises, la loi ne sera pas appliquée demain matin. Au mieux, elle ne le sera qu’au début de 2026. Les entreprises auront donc le temps de se préparer. Les connaissant bien, je leur fais totalement confiance pour s’adapter : je ne suis pas inquiet pour elles !
Messieurs Lahellec, Buis et Chaize, sans vouloir être brutal, je vous affirme avec beaucoup d’amitié et de considération que la parole donnée aux Françaises et aux Français le 14 novembre dernier ne se négocie pas. Nous ne nous prêtons pas à une négociation commerciale sur un marché. Aussi, j’exprime le vœu qu’il n’y ait pas la moindre dérogation et je tiendrai cette position.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je souhaite revenir sur la réunion tenue ce matin par la commission des affaires économiques, parce que vous n’y étiez pas tous, mes chers collègues, et parce que Patrick Chaize y a fait référence.
Nous n’avons pu y examiner les sous-amendements. En effet, la séance hier s’est terminée plus tôt que prévu, ce qui a empêché leur diffusion, alors que la commission se réunissait à neuf heures ce matin. Aussi, nous avons été amenés à suivre l’avis du rapporteur.
Il n’y a donc eu aucun flottement au sein de la commission des affaires économiques : nous avons discuté, voté et suivi l’avis émis par le rapporteur. En revanche, ne pouvant examiner des sous-amendements qui n’avaient pas été diffusés par la séance, nous avons bien dit que nous en débattrions ce soir. Nous y voilà !
La vérité, j’y insiste, c’est que nous avons décidé de suivre l’avis – défavorable – émis par le rapporteur sur ces amendements identiques.
M. Jean-François Husson. C’est bien ce que je pensais avoir compris !
Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, je retire l’amendement n° 53 rectifié ter !
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié ter est retiré.
Monsieur Chaize, monsieur Lahellec, monsieur Buis, confirmez-vous votre souhait de rectifier vos sous-amendements identiques, en portant de soixante mois à trente-six mois la durée de la dérogation ?
M. Patrick Chaize. Je le confirme, monsieur le président.
M. Gérard Lahellec. Moi de même !
M. Bernard Buis. J’en fais autant, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de trois sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 160 rectifié bis est présenté par M. Chaize, Mmes Jacques et Josende et MM. Burgoa, J.-M. Boyer, Paul et Milon.
Le sous-amendement n° 174 rectifié est présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Le sous-amendement n° 175 rectifié est présenté par M. Buis.
Ces trois sous-amendements identiques visent les amendements identiques nos 22 rectifié ter, 51 rectifié, 55 rectifié, 101 rectifié ter et 129 rectifié.
Ils sont ainsi libellés :
Alinéa 3
1° Après les mots :
denrées alimentaires
insérer le mot :
surgelées
2° Supprimer les mots :
et de produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie
3° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La dérogation pour les denrées alimentaires surgelées est prévue pour une durée de 36 mois à compter de la publication de la présente loi.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois sous-amendements identiques ?
M. Olivier Rietmann, rapporteur. La position de la commission ne change pas : je maintiens l’avis défavorable.