M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est au Premier ministre de répondre !
M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Fialaire, vous avez raison, toute décision de justice doit être respectée – c’est un principe intangible –, même si elle peut provoquer un émoi dans l’opinion, lequel peut être entendu par des responsables publics, que ce soit au sein du Gouvernement, du Parlement ou même de l’institution judiciaire.
J’observe d’ailleurs que la cour d’appel de Paris a pris acte de la décision de justice à laquelle vous faites référence et a communiqué un horizon calendaire prévisionnel pour ce qui concerne l’appel de cette condamnation, prononcée à l’encontre du Rassemblement national pour un détournement de fonds publics de 4 millions d’euros.
Cette considération circonstancielle de l’autorité judiciaire ne réduit en rien la règle absolue qui s’applique à notre État de droit et à notre démocratie : la séparation des pouvoirs. La justice passe et le Gouvernement ne peut ni commenter ni moins encore contester. Le Parlement seul, s’il le souhaitait, pourrait envisager de modifier la loi qui a conduit à la décision des magistrats. Vous avez cité le philosophe Alain ; je citerai pour ma part Montesquieu : « Les juges de la nation ne sont […] que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres […] qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur. »
Au moment où, comme vous l’avez souligné, l’idée même du fonctionnement démocratique fait l’objet de remises en cause à divers degrés dans le monde, nous pensons sage de nous en tenir à ces principes et à leur application. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour la réplique.
M. Bernard Fialaire. Pierre Rosanvallon rappelle la nécessité des principes d’autorité, de légitimité et de confiance. Pour cela, nous avons besoin de l’expression forte du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER, CRCE-K, ainsi que sur les travées des groupes RDPI et UC.)
rentrée scolaire 2025
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Ma question s’adresse à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Si le maintien de 4 000 postes d’enseignant à l’issue du débat budgétaire représente pour notre école une bouffée d’air, la préparation de la rentrée scolaire ne se fait pas sans difficulté. Dans plusieurs départements, les fermetures de classe font l’effet d’une douche froide. Elles entraînent la mobilisation des élus locaux et de la communauté éducative.
Je pense au département de la Moselle, confronté à quatre-vingts fermetures de classe et à trente suppressions de poste, à celui de la Gironde, qui perd soixante classes et treize postes, et à celui du Lot, qui perd deux écoles, sans l’aval du maire.
Cette fragilisation du maillage territorial en établissements scolaires, lourde d’incidences sur la vitalité de nos communes, suscite d’autant plus l’incompréhension que les fermetures semblent tomber du jour au lendemain, sans concertation suffisante.
Madame la ministre, vous vous étiez pourtant engagée, il y a deux ans, en tant que Première ministre, à changer de méthode et à accroître la transparence en donnant une vision à trois ans sur les fermetures de classe. Qu’en est-il aujourd’hui de votre engagement ?
Face aux déceptions provoquées par les cartes scolaires, nous connaissons déjà votre réponse : une partie des postes sauvés sont déployés dans le cadre de politiques prioritaires, par exemple pour reconstituer les brigades de remplacement, fragilisées par vos prédécesseurs, ou pour l’école inclusive.
Malgré cette volonté affichée, force est de constater que, sur ce dernier point, le compte n’y est pas non plus : les postes d’enseignant demeurent insuffisants pour améliorer significativement le taux d’encadrement, notamment dans le secondaire, ce préalable étant indispensable à l’accueil dans de bonnes conditions de l’ensemble des élèves en situation de handicap. Il en va de même pour les postes de coordinateur en unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis).
Vingt ans après la loi du 11 février 2005, quels moyens humains sont prévus pour assurer un accompagnement pédagogique au plus près des besoins de ces élèves, à l’heure où l’évolution démographique constitue une opportunité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Stéphane Fouassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Marie-Pierre Monier, comme vous l’avez dit, nous faisons face à une baisse démographique importante. Celle-ci se traduit depuis plusieurs années par une diminution du nombre d’élèves, de l’ordre de 100 000 à chaque rentrée. Ce sera vraisemblablement le cas durant plusieurs années encore.
Malgré cette baisse, et grâce au Parlement, nous avons pu maintenir le nombre de postes de professeur et créer 2 000 postes d’accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH). J’ai en effet fait le choix – vous avez déjà presque vous-même répondu à votre question ! – d’affecter ces moyens à nos politiques prioritaires, en premier lieu à la réussite de tous les élèves et donc à la réduction des inégalités sociales et territoriales, mais aussi à la poursuite du développement de l’école inclusive, et, en second lieu, au renforcement des brigades de remplaçants, car il s’agit d’un enjeu important.
Dans ce contexte, la carte scolaire ne peut pas être figée ; elle ne l’est jamais. Des classes ouvrent, d’autres ferment. Je peux vous assurer que les services académiques ont particulièrement veillé à prendre en compte non seulement le taux d’encadrement, qui s’améliorera dans tous les départements, mais aussi le maillage territorial.
Je tiens à souligner, madame la sénatrice, qu’il ne peut pas y avoir de fermeture d’école sans l’accord du maire. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, SER, CRCE-K et GEST.) Si cette règle n’était pas appliquée, je suis à votre écoute, mesdames, messieurs les sénateurs. (Protestations sur les mêmes travées.) Il est clair que j’aurai de nombreux échos de votre part sur ce sujet, sur lequel nous pourrons échanger…
En ce qui concerne l’école inclusive, madame la sénatrice, il est très important que nous anticipions les besoins des élèves et que nous y répondions plus rapidement. C’est tout le sens des pôles d’appui à la scolarité que nous avons commencé à expérimenter lors de la dernière rentrée. Ils permettent précisément de ne pas attendre les notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour proposer un accompagnement adapté aux élèves.
Je me réjouis de pouvoir poursuivre le dialogue sur ces sujets avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Je pense que l’ensemble des sénateurs et des sénatrices ont répliqué pour moi, madame la ministre… Il faut travailler sur ce véritable problème. Les choses ne se passent pas comme cela en réalité sur le terrain ! (Applaudissements.)
fin de la trêve hivernale
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Marie-Claude Varaillas. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.
Il y a quatre ans, ici même, j’interrogeais le Gouvernement sur la question douloureuse des expulsions locatives. À l’époque, les mesures de confinement avaient permis le prolongement de la trêve hivernale. L’épidémie de covid-19 étant passée, l’épidémie de misère a repris le dessus : elle continue de toucher de plus en plus de ménages.
Pour les ménages plongés dans la précarité, le coût du logement représente jusqu’à 41 % des ressources mensuelles. Le nombre d’impayés de loyers a triplé depuis 2020. En 2024, les expulsions locatives ont augmenté de 87 % par rapport à 2023.
Cette situation est angoissante pour des dizaines de milliers de familles, constituées pour beaucoup de femmes seules avec enfants. Quelque 350 000 personnes sont sans domicile et les centres d’hébergement sont saturés. Notre pays compte pourtant 3 millions de logements vacants, dont 800 000 pourraient être mobilisés immédiatement.
Alors que 2,7 millions de personnes sont en attente d’un logement, nous savons que nous devrions en construire 200 000 par an. Or les aides publiques à la pierre ont diminué, l’inflation a fait flamber les coûts de la construction et la réduction de loyer de solidarité a asséché les finances des bailleurs publics. Une intervention publique sans précédent s’impose de manière urgente.
Quelle politique en faveur du logement pour tous – je dis bien : pour tous – entendez-vous mettre en œuvre, madame la ministre ? Comptez-vous mettre fin aux expulsions locatives sans relogement, comme l’avait promis en 2017 le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la sénatrice Marie-Claude Varaillas, le Gouvernement mène plusieurs actions pour accompagner la lutte contre la précarité liée au logement et contre les difficultés d’accès au logement des ménages les plus fragiles.
Comme vous le savez – nous en avons longuement débattu –, la politique contre le sans-abrisme est une priorité de l’État. Elle a fait l’objet depuis 2017 d’investissements humains et financiers importants. En dix ans, le nombre de places d’hébergement a été multiplié par deux, pour atteindre 203 000, afin d’apporter une première solution dans les situations de grande détresse.
Dans le cadre du budget pour 2025, des moyens ont été mobilisés pour atteindre l’objectif, avec les bailleurs sociaux, de produire 116 000 logements neufs, de procéder à 120 000 rénovations thermiques, et de lancer le prêt à taux zéro pour les primo-accédants modestes.
Au moment où la trêve hivernale prend fin, j’ai invité les préfets, lundi dernier, à poursuivre et à amplifier nos efforts importants afin de prévenir les expulsions locatives, sujet sensible. Nous devons intervenir dès le premier signalement dans le but de réduire le plus possible le recours à la procédure judiciaire d’expulsion.
Le budget pour 2025 nous a permis de financer vingt-six équipes mobiles dans les territoires les plus en tension. Ces équipes accompagnent les personnes les plus fragiles et éloignées des services sociaux dès la première alerte d’impayés.
Le budget nous a aussi permis de renforcer les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex). Ainsi, soixante-treize agents sont chargés de la prévention des expulsions locatives dans les départements les plus en tension. Ce travail se fait en lien étroit avec les départements, au travers de leur fonds de solidarité pour le logement, et avec les bailleurs et les associations.
Je réunirai dans un mois l’Observatoire national des impayés locatifs afin de m’assurer que des solutions sont recherchées plus en amont. Toutefois, lorsque des expulsions sont prononcées, notre devoir est d’être au rendez-vous et d’accompagner chaque famille, surtout si elles comprennent des enfants, pour trouver des solutions de relogement. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. Certains chiffres parlent, madame la ministre : alors que 735 personnes sont mortes dans la rue en 2023, les niches fiscales relatives au secteur du logement ont coûté près de 11 milliards d’euros aux finances publiques en douze ans. De quoi financer 70 000 logements sociaux !
Madame la ministre, le groupe CRCE-K vous propose de réarmer la politique du logement, afin de donner la priorité à l’humain. Plus aucun adulte ou enfant ne doit dormir dans la rue dans la septième puissance mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
liaison ferroviaire entre clermont-ferrand et paris
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
« Clermont-Ferrand, c’est le tiers-monde en matière de transport ferroviaire » (Exclamations.) : ce propos est non pas le mien, mais celui de Florent Menegaux, président du groupe Michelin, devant la commission des affaires économiques du Sénat. Alors que cette entreprise emploie 132 000 personnes en Auvergne, en France et dans le monde entier, son président déclarait qu’une aussi mauvaise desserte aérienne et ferroviaire était « un frein au développement et à l’attractivité de Michelin ».
Je vous sais, monsieur le ministre, à l’écoute des parlementaires, des usagers et des acteurs économiques. Vous vous êtes engagé à faire des annonces concrètes lors de votre déplacement en Auvergne le 11 avril prochain. Toutefois, je sais aussi que le budget des transports vient de subir une coupe claire de plusieurs millions d’euros.
Les 4 millions d’habitants des onze départements du Massif central sont isolés. Sur une carte de France isochrone, Clermont-Ferrand, seule métropole française non desservie par le TGV, est relégué au même rang que la Côte d’Azur, à trois heures quinze de Paris !
Alors que, pour la quatrième année consécutive, la SNCF présente d’excellents résultats financiers, nous serons très vigilants concernant les décisions de la conférence de financement des infrastructures, qui réunira en mai prochain l’État, la région et l’entreprise. En effet, nous n’avons aucune perspective pour l’après-2028, après les investissements engagés depuis huit ans maintenant. Aucune étude n’est prévue pour un éventuel TGV. Nous ne disposons d’aucune vision sur le maillage des petites lignes d’aménagement du territoire aériennes, alors qu’Air France se désengage totalement.
M. Albéric de Montgolfier. La faute à la taxe sur le transport aérien !
M. Jean-Marc Boyer. Face à ce constat désastreux en matière de mobilité, les gueux des volcans d’Auvergne attendent une forte volonté politique de désenclavement et d’aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous faire fonctionner normalement la ligne Paris-Clermont-Ferrand, malgré la baisse du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) de 750 millions d’euros en 2025, afin que l’Auvergne ne reste pas le tiers-monde en matière de transport ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Rachid Temal applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Cher sénateur Boyer, malgré les efforts d’investissement et opérationnels, la ligne de desserte Paris-Clermont-Ferrand, qui fait partie du réseau des trains d’équilibre du territoire (TET), connaît encore des difficultés. Celles-ci résultent, comme vous le savez, de sous-investissements chroniques ces dernières décennies dans le réseau ferroviaire et d’un important retard de livraison des nouvelles rames par le constructeur.
Pour y remédier, l’État a engagé des moyens importants : plus de 365 millions d’euros ont été investis dans les nouvelles rames et près de 900 millions d’euros dans la régénération et la modernisation du réseau.
Monsieur le sénateur, ce chantier ferroviaire est pour l’année 2025, avec celui de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), le plus gros de France. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sans attendre la fin des travaux et la livraison des rames Oxygène en 2027, un plan de mesures d’urgence a été décidé en janvier 2024. Malgré tout, la qualité de service n’est pas encore satisfaisante. D’importants retards se produisent, dont celui du 2 janvier dernier.
Le Premier ministre et moi avons fait de la qualité de service le fil rouge de notre action. C’est pourquoi – cela ne vous aura pas échappé, monsieur le sénateur, car vous l’avez rappelé – j’ai fait de ce dossier l’une de mes priorités. J’ai eu l’occasion de vous rencontrer deux fois sur ce sujet dans le cadre d’un groupe de travail transpartisan réunissant l’ensemble des élus concernés par le tracé et animé par la députée Christine Pirès Beaune, dont je salue le travail et les propositions.
Jean-Pierre Farandou et moi nous rendrons à Clermont-Ferrand dès la semaine prochaine – j’emprunterai évidemment cette ligne ! – afin d’y tenir un comité de suivi des dessertes ferroviaires et d’évoquer à l’intention des différentes parties prenantes, notamment des usagers, des propositions et des mesures concrètes de court, de moyen et de long terme. Surtout, monsieur le sénateur Boyer, j’espère vous redonner enfin l’envie de prendre le train ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
courrier adressé par l’administration américaine à des entreprises françaises
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La semaine dernière, les entreprises françaises ayant conclu un contrat avec l’ambassade des États-Unis ont reçu une lettre dans laquelle l’ambassadeur leur demande de mettre un terme à leurs politiques de diversité, d’égalité et d’inclusion et les menace même de mettre fin à leurs contrats si elles ne cèdent pas.
Il est clair que cette lettre vise à exporter une politique déjà mise en œuvre aux États-Unis depuis le décret exécutif pris par Trump afin que les entreprises américaines cessent toute action en faveur de la diversité. Il s’agit d’une véritable ingérence dans la vie des entreprises françaises. Elle relève de la croisade mondiale que les États-Unis entendent mener contre l’égalité entre les femmes et les hommes, l’inclusion des travailleurs handicapés et la lutte contre les discriminations qui touchent les personnes LGBT+.
Monsieur le ministre, il faut anticiper. Quel soutien moral, politique et économique comptez-vous apporter aux entreprises françaises qui pourraient être affectées par cette politique, dont nous ne connaissons peut-être pas encore les développements futurs ?
Comment comptez-vous faire pour ne rien céder sur les valeurs et les lois françaises et, dans le même temps, aider les entreprises à résister et à amortir les répercussions économiques que pourraient avoir ces décisions sur leur activité ?
Comment les aiderez-vous à s’organiser collectivement, ce qui me paraît indispensable ? Quelle initiative comptez-vous prendre pour que l’Union européenne porte la parole de la France et défende des valeurs qui sont aussi les siennes ?
Pour conclure par un sujet dans le sujet, comment le Gouvernement entend-il protéger les salariés français des entreprises américaines dont les cadres dirigeants seront soumis à une double injonction, celle des États-Unis de mettre fin aux politiques de diversité et celle de la France de respecter ses lois ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, nous avons en effet pris connaissance de plusieurs courriers transmis par l’administration américaine – je dis bien l’administration américaine dans son ensemble – via l’ambassade à un certain nombre d’entreprises françaises, leur enjoignant de « mettre fin à la discrimination illégale » et de « rétablir les opportunités […] basées sur le mérite ».
Il est clair que ces courriers ne reflètent que les valeurs du gouvernement américain. Ce ne sont pas les nôtres ! Cette pratique n’est pas acceptable. Je regrette profondément ces lettres. Elles ne sont à la hauteur ni de l’amitié séculaire entre nos deux pays et nos deux peuples ni du partenariat qui nous lie.
Lorsque je me rendrai à Washington, en ce mois d’avril, dans le cadre de réunions internationales, je transmettrai ce même message, avec une grande force et une grande clarté, à mon homologue et à l’administration américaine.
Avec le Premier ministre et le reste du Gouvernement, je veux réaffirmer devant vous nos valeurs, que nous défendrons fortement : la liberté, l’égalité et la fraternité. Je veux y ajouter l’inclusion, la diversité et la mixité. Voilà les valeurs de la République !
À compter de cette nuit, des tarifs élevés s’appliqueront probablement au commerce entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique. Le Président de la République a pris l’initiative, avec le Premier ministre et le Gouvernement, de réunir les filières concernées à l’Élysée jeudi prochain. Nous dialoguerons avec nos entreprises afin de leur apporter le secours que vous proposez à juste titre.
Le temps me manque pour développer tous ces sujets, mais soyez certaine que le Gouvernement sera à leurs côtés dans ce qui est malheureusement une bataille, que j’espère provisoire. Ainsi, nous serons solidaires, unis et efficaces pour défendre ces valeurs.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, monsieur le ministre.
J’attire votre attention sur un fait qui n’a pas dû vous échapper : la fin des dispositifs anticorruption aux États-Unis. En France, nous n’avons vraiment pas besoin en ce moment de lever le pied sur ces dispositifs ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Yannick Jadot applaudit également.)
enquête antidumping chinoise sur les importations européennes de brandy et cognac
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, ma question porte sur le bras de fer entre l’Union européenne et la Chine concernant l’exportation de brandy et de cognac.
L’Union européenne ayant fixé des droits de douane sur les importations de voitures électriques chinoises, la Chine, en réaction, a lancé une enquête antidumping sur les importations de brandy et de cognac venant d’Europe, qui a conduit à soumettre ces produits à des droits de douane de 35 %. Nous venons d’apprendre que l’application définitive de droits de douane supplémentaires est reportée au 5 juillet prochain.
Monsieur le ministre, ces taxations sont une double peine pour la France. D’une part, elles frappent avant tout des produits français : le cognac et l’armagnac, qui représentent 95 % des brandys. D’autre part, notre production tricolore disparaît déjà des duty free en Chine.
Alors que vous rentrez d’un déplacement dans ce pays, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si ce début de réchauffement entre Paris et Pékin se confirme bien ? Pouvez-vous nous indiquer quelles seront les prochaines étapes, afin que nous puissions laisser ce différend derrière nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Mickaël Vallet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Catherine Dumas, je salue votre engagement au sein du groupe interparlementaire d’amitié entre la France et la Chine, aux côtés de Jérôme Durain, son président.
Je vous remercie d’attirer l’attention du Sénat sur les annonces récentes de la Chine, qui font suite à mon déplacement dans ce pays à la fin de la semaine dernière. Avant ma visite, le cognac et l’armagnac étaient sous le coup de l’application imminente de droits de douane définitifs sur les brandys européens – ces deux alcools français étaient essentiellement concernés –, à hauteur de 30 %, voire de 40 %. Toute une filière et les régions qui en sont dépendantes étaient menacées.
À l’issue de ma visite, je peux vous assurer que ce scénario ne se produira pas. En effet, les autorités chinoises m’ont confirmé qu’elles reporteraient de trois mois la conclusion de l’enquête et donc l’application définitive de ces droits. Par ailleurs, elles m’ont indiqué qu’elles accepteraient que les marchandises déjà arrivées en Chine et bloquées depuis décembre dernier approvisionnent les duty free. La situation posait à un certain nombre de maisons de cognac des difficultés extrêmement importantes.
Une première étape du règlement définitif de ce différend est donc franchie. Le ministre de l’économie rencontrera son homologue chinois, le 15 mai prochain, pour un dialogue de haut niveau. Nous restons mobilisés, sous l’autorité du Premier ministre, et veillons à ce que cette situation de crise prenne fin rapidement.
Nous pourrons alors mettre en place des coopérations positives avec la Chine, dans les domaines économique, universitaire, scientifique et culturel et dans le cadre des crises internationales. En effet, nos deux pays, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, doivent entretenir un dialogue étroit pour faire avancer les différents sujets, qu’ils concernent l’Ukraine, le Proche-Orient, l’Afrique ou la péninsule coréenne.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
Au Sénat, nous sommes nombreux, sur toutes les travées, à nous mobiliser pour débloquer la situation qui entraîne la perte de 50 millions d’euros par mois dans une filière qui représente 70 000 emplois directs ou indirects en France.
Je profite de la présence du Premier ministre, lui-même très attendu en Chine sur le sujet, pour dire que nous avons, dans cette période critique, une obligation de résultat, alors que les États-Unis veulent taxer dès aujourd’hui toujours plus les vins et les spiritueux français. Pour cela, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, il faut structurer le dialogue entre nos deux pays, le renforcer et surtout le faire aboutir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
programmation pluriannuelle de l’énergie