Sommaire
Secrétaires :
Mme Marie-Pierre Richer, M. Mickaël Vallet.
2. Hommage aux victimes du terrorisme
3. Parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal et mode de scrutin aux élections municipales. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié et, en procédure accélérée, d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission
M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur de la commission des lois
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 2 rectifié de M. Jean-Marie Mizzon. – Rejet par scrutin public n° 216.
Amendement n° 3 rectifié de M. Jean-Marie Mizzon. – Rejet par scrutin public n° 217.
Amendements identiques nos 4 rectifié de Mme Anne-Sophie Romagny et 33 rectifié de M. Jean-Yves Roux
Amendements identiques nos 37 rectifié du Gouvernement et 44 de la commission
Amendement n° 34 rectifié de M. Jean-Yves Roux
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 37 rectifié du Gouvernement et 44 de la commission (suite). – Après une demande de priorité par la commission, adoption, par scrutin public n° 218, des deux amendements.
Amendements identiques nos 4 rectifié de Mme Anne-Sophie Romagny et 33 rectifié de M. Jean-Yves Roux (suite). – Devenus sans objet.
Amendement n° 34 rectifié de M. Jean-Yves Roux (suite). – Devenu sans objet.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Jean-Marie Mizzon. – Retrait.
Amendement n° 28 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Rejet par scrutin public n° 219.
Adoption, par scrutin public n° 220, de l’article modifié.
Amendement n° 39 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 8 rectifié bis de M. Cédric Chevalier. – Retrait.
Amendement n° 40 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 5 rectifié de Mme Anne-Sophie Romagny. – Devenu sans objet.
Amendement n° 45 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 9 rectifié bis de M. Cédric Chevalier. – Retrait.
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
Amendement n° 42 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 6 rectifié de Mme Anne-Sophie Romagny. – Retrait.
Amendement n° 27 rectifié bis de Mme Anne-Sophie Romagny. – Rejet par scrutin public n° 221.
Adoption, par scrutin public n° 222, de l’article modifié.
Amendement n° 29 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 30 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Amendement n° 14 rectifié de M. Grégory Blanc. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 224, de l’article.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure
Amendement n° 19 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.
Amendement n° 23 rectifié de Mme Corinne Bourcier. – Retrait.
Article 4 (suppression maintenue)
Amendement n° 35 de Mme Ghislaine Senée. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 36 rectifié de Mme Agnès Canayer. – Rectification.
Amendement n° 36 rectifié bis de Mme Agnès Canayer. – Adoption.
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Cédric Chevalier. – Retrait.
Amendement n° 32 rectifié de M. Raphaël Daubet. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 12 rectifié bis de M. Cédric Chevalier. – Retrait.
Adoption, par scrutin public n° 225, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Amendement n° 1 rectifié bis de M. Cédric Vial. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 2 (nouveau) – Adoption.
Adoption, par scrutin public n° 226, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
4. Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
M. Hugues Saury, rapporteur de la commission spéciale
M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission spéciale
M. Michel Canévet, rapporteur de la commission spéciale
Clôture de la discussion générale.
5. Mises au point au sujet de votes
6. Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 92 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 95 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 25 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.
Amendement n° 93 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 108 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 113 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 62 rectifié de M. Cédric Vial. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 54 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 65 de Mme Michelle Gréaume. – Rejet.
Amendement n° 96 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 39 de M. Mickaël Vallet. – Rejet.
Amendement n° 43 de Mme Audrey Linkenheld. – Rejet.
Amendement n° 36 de Mme Florence Blatrix Contat. – Adoption.
Amendement n° 42 de Mme Audrey Linkenheld. – Adoption.
Amendement n° 34 de Mme Audrey Linkenheld. – Adoption.
Amendement n° 38 de Mme Audrey Linkenheld. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 35 de M. Rémi Cardon. – Rejet.
Amendement n° 97 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie-Pierre Richer,
M. Mickaël Vallet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage aux victimes du terrorisme
M. le président. Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, depuis 2019, le 11 mars est la journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre déléguée, se lèvent.)
C’est également la date choisie par l’Union européenne, en souvenir de l’attentat qui a eu lieu en 2004 à Madrid. Le terrorisme n’a pas de frontières.
En cette journée de commémoration, nous pouvons nous souvenir des nombreuses victimes des actes de terrorisme qui ont ensanglanté à plusieurs reprises notre pays. Plus que jamais, nous devons rester unis face à cette menace et défendre les valeurs de la République.
À la demande de M. le président du Sénat, je vous propose de commencer notre séance en observant une minute de recueillement en mémoire des victimes. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre déléguée, observent une minute de recueillement.)
3
Parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal et mode de scrutin aux élections municipales
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié et, en procédure accélérée, d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal (proposition n° 451 [2021-2022], texte de la commission n° 399, rapport n° 398) et de la proposition de loi organique visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, présentée par Mme Nadine Bellurot, M. Éric Kerrouche, Mme Sonia de La Provôté, M. Didier Rambaud et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 11 rectifiée, texte de la commission n° 400, rapport n° 398).
La procédure accélérée a été engagée sur ce dernier texte.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Discussion générale commune
M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur.
M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi, déposée par Élodie Jacquier-Laforge et adoptée en février 2022 par l’Assemblée nationale, visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, ainsi que la proposition de loi organique visant à harmoniser le scrutin de liste aux élections municipales, que Nadine Bellurot, Sonia de La Provôté, Didier Rambaud et moi-même avons déposée en octobre 2024 avec plusieurs de nos collègues, à la suite des recommandations formulées par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que connaît très bien Mme la ministre.
L’objectif premier de ces textes est simple : étendre aux communes de moins de 1 000 habitants le scrutin de liste aujourd’hui appliqué dans celles de plus de 1 000 habitants.
Proposition de loi après proposition de loi, mission d’information après mission d’information, le constat de la crise de l’engagement local s’est imposé avec force, en particulier dans les communes rurales.
Cette crise, qui s’apparente malheureusement de plus en plus à une tendance de fond, se traduit par un double phénomène que vous connaissez toutes et tous, mes chers collègues : la diminution du nombre de candidats aux élections locales, associée à la hausse du nombre d’élus démissionnaires en cours de mandat.
Rappelons des chiffres éloquents. Au premier tour des élections municipales de 2020, quelque 106 communes ne disposaient d’aucun candidat. À l’issue du renouvellement général, 345 communes disposaient d’un conseil municipal incomplet. Ces chiffres sont nettement supérieurs à ceux qui avaient été observés en 2014, quand 74 communes étaient restées sans candidats et 228 sans conseil municipal complet.
Le nombre de démissions en cours de mandat s’établit quant à lui à un niveau inédit : au 7 février 2025, pas moins de 2 647 maires, soit 7,6 % des maires, avaient démissionné de leur mandat, avec une prépondérance dans les communes de moins de 1 000 habitants. On recensait également près de 30 000 démissions de conseiller municipal à mi-mandat.
Cette situation engendre pour les conseils municipaux des petites communes des difficultés de fonctionnement que chacun de nous ne connaît que trop bien.
Les facteurs de crise des vocations électorales au niveau local sont multiples. En tête figure bien entendu la dégradation des conditions d’exercice des mandats locaux, à laquelle nous avons tenté de répondre au travers de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, qui sera bientôt discutée à l’Assemblée nationale.
Nous sommes convaincus que les modalités du scrutin municipal qui s’appliquent dans les communes de moins de 1 000 habitants ne sont pas sans lien avec la démobilisation constatée et, plus généralement, avec les difficultés rencontrées.
Comme vous le savez, les communes ont été soumises historiquement, depuis 1884, au scrutin de liste majoritaire à deux tours. Progressivement, le scrutin de liste proportionnel sans panachage ni vote préférentiel a été étendu à une part croissante des communes, la dernière extension intervenant en 2013 pour celles qui comptent entre 1 000 et 3 500 habitants.
En conséquence, les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent 70 % des communes françaises et 13 % de la population totale, sont désormais les seules à être soumises au scrutin majoritaire.
Dans ce contexte, la proposition de loi d’Élodie Jacquier-Laforge adoptée voilà trois ans par l’Assemblée nationale franchit la dernière étape, celle de la généralisation du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants.
En parallèle, le texte assortit cette extension de trois adaptations réservées auxdites communes.
Premièrement, l’article 1er y autorise le dépôt de listes incomplètes. Seraient ainsi permis les dépôts de listes comportant au moins cinq candidats dans les communes de moins de 100 habitants, au moins neuf candidats dans les communes de 100 à 499 habitants et au moins onze candidats dans les communes de 500 à 999 habitants.
Deuxièmement, l’article 3 étend aux communes de 500 à 999 habitants le bénéfice de la présomption de complétude, qui concerne, en l’état du droit, les seules communes de moins de 500 habitants.
Vous vous en souvenez sûrement : depuis la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et Proximité, l’effectif légal du conseil municipal des communes de moins de 100 habitants, fixé à sept membres, est réputé complet dès lors qu’il en compte au moins cinq. De la même manière, dans les communes comptant entre 100 et 499 habitants, l’effectif légal du conseil, fixé à onze membres, peut être réputé complet dès lors qu’il en compte au moins neuf.
Troisièmement, l’extension de la règle du « réputé complet » se conjugue, dans la proposition de loi, avec la création d’une strate intermédiaire regroupant les communes de 500 à 999 habitants, dont l’effectif légal du conseil municipal passerait de quinze à treize membres. En conséquence des dispositions des articles 2 et 3, le conseil municipal de ces communes serait réputé complet à onze membres.
La commission a souscrit à l’objectif principal de la proposition de loi et de la proposition de loi organique. Nous sommes convaincus en effet de la nécessité d’étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants afin d’harmoniser les règles applicables à l’ensemble des communes et de résoudre certaines des difficultés posées par le scrutin majoritaire.
C’est la raison pour laquelle, à la suite d’un rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, nous avons déposé une proposition de loi organique transpartisane visant à unifier le mode de scrutin aux élections municipales. Nous proposons également des adaptations destinées à répondre aux spécificités des communes concernées.
Trois arguments, essentiellement, militent en faveur du scrutin de liste proportionnel.
En premier lieu, le scrutin majoritaire et la pratique actuelle du panachage favorisent une personnalisation excessive du vote. Le fait même, pour un citoyen, de rayer des noms sur une liste entre en contradiction avec l’essence du vote, qui est de voter non pas contre un individu pour se débarrasser de tel ou tel élu, mais bien pour un projet.
Il est temps de mettre un terme à la pratique du « tir aux pigeons ». En plus de mieux protéger les maires, le scrutin de liste garantit la cohésion de l’équipe municipale autour d’un projet politique défini préalablement, là où le scrutin majoritaire contraint parfois le maire à constituer sur le tas, et de manière improvisée, une équipe visant à conduire la politique au quotidien.
Le scrutin proportionnel permet une expression du pluralisme politique, la diversité politique s’exprimant dans la liste.
En deuxième lieu, nous estimons que la différence de traitement qui existe entre les communes de moins de 1 000 habitants et celles de plus de 1 000 habitants n’est plus justifiée : les communes de moins de 1 000 habitants sont des communes comme les autres.
En troisième lieu, enfin, il semble difficilement concevable que les communes de moins de 1 000 habitants demeurent les seules collectivités à ne pas être concernées par le principe constitutionnel de parité. La part des femmes dans les conseils municipaux y est inférieure de plus de dix points – 37 % contre 48 % – à celle des autres communes.
D’aucuns expriment la crainte que n’émergent, dans certaines des communes les moins peuplées, des difficultés pour constituer des listes paritaires.
À cette préoccupation, nous répondons que le niveau d’engagement des femmes dans les petites communes de nos territoires n’est plus à prouver. Il suffit de rappeler que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, la proportion de maires femmes est supérieure de plus de trois points à celle qu’on constate dans les autres communes.
Mme Anne-Sophie Romagny. Et alors ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Les associations d’élus, à l’instar de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et d’Intercommunalités de France, ont pris position en faveur de cette réforme.
Comme nous, elles se disent convaincues du puissant levier qu’elle pourrait constituer pour enclencher une nouvelle dynamique au sein de l’engagement local. Il y a là un enjeu de vitalité démocratique pour les prochaines élections. (M. Francis Szpiner s’exclame.)
Enfin, au sujet de l’entrée en vigueur des mesures proposées, il serait difficilement compréhensible que cette réforme ne s’applique pas dès l’année prochaine.
Le retard dans le calendrier d’examen du texte n’est pas sans lien avec les soubresauts politiques des derniers mois. Je vous rappelle que la proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale voilà trois ans. En outre, l’article 28 de la loi Engagement et Proximité est ainsi rédigé : « Avant le 31 décembre 2021, les dispositions du code électoral relatives à l’élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires sont modifiées pour étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements. »
En tout état de cause, si le législateur a souhaité consacrer le principe de stabilité électorale, il a également admis la possibilité d’y déroger au cas par cas. En l’espèce, cette dérogation nous paraît totalement justifiée.
Je rappelle, du reste, que l’élargissement du scrutin de liste aux communes de 1 000 à 3 500 habitants a été acté par la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, pour une entrée en vigueur lors des élections de mars 2014. Nous sommes donc dans une logique comparable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Anne-Sophie Patru et Sonia de La Provôté applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot, auteure de la proposition de loi organique et rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Nadine Bellurot, auteure de la proposition de loi organique et rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a indiqué par Éric Kerrouche, la commission partage pleinement l’objectif de l’extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.
La différence de traitement qui demeure entre ces dernières et les autres communes n’a pas lieu d’être, et nous devons entendre les demandes formulées par les associations d’élus représentant l’ensemble des maires de France.
Pour autant, généralisation ne signifie pas uniformisation systématique. C’est pourquoi la commission a prévu des aménagements complémentaires de manière à garantir un dispositif opérationnel, suffisamment souple et adapté aux petites communes.
Elle y est d’autant plus attentive que cette réforme a vocation à s’appliquer dès les prochaines élections municipales.
La commission a ainsi apporté sept principales modifications à la proposition de loi, avec deux objectifs : d’une part, rendre le dispositif opérationnel en l’adaptant aux spécificités inhérentes aux communes les moins peuplées ; d’autre part, le sécuriser afin d’en assurer la pleine applicabilité et neutraliser les effets de bord qui pourraient résulter de la généralisation du scrutin de liste telle qu’elle est prévue par la proposition de loi initiale.
Deux apports substantiels ont donc été introduits.
En premier lieu, l’autorisation de déposer des listes incomplètes nous a semblé indispensable. Conçue dans un esprit de pragmatisme, cette dérogation est de nature à garantir le respect du pluralisme. Aussi la commission a-t-elle prévu d’autoriser les listes comportant treize candidats au lieu de quinze pour les communes de 500 à 999 habitants.
Cette extension du « réputé complet » permettrait à ces communes de faire face tant à l’augmentation des démissions – le chiffre de 30 000 démissions de conseiller municipal a été cité – qu’à la diminution du nombre de candidatures, sans pénaliser, bien sûr, les communes qui atteindraient l’effectif légal de quinze candidats.
L’application de cette règle, qui a emporté l’adhésion des associations d’élus, faciliterait le fonctionnement des conseils municipaux des communes concernées.
Tout en conservant l’esprit du « réputé complet » pour les communes dont l’effectif légal du conseil municipal est fixé à quinze membres, nous avons ainsi supprimé l’article 2 du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, qui créait une nouvelle strate de communes alors même que le texte a été rédigé dans un objectif d’harmonisation.
Nous estimons par ailleurs que la possibilité de complétude qui est offerte aux communes de 500 à 999 habitants est suffisamment souple.
Afin d’encourager l’engagement local, la commission a introduit en parallèle la faculté, aujourd’hui admise pour les communes de plus de 1 000 habitants, de prévoir deux candidats supplémentaires.
Dans les communes de moins de 100 habitants, une liste pourra ainsi compter cinq, sept ou neuf candidats. Cette disposition vise à éviter la situation – certains ont exprimé des inquiétudes à ce sujet – dans laquelle des élus ne pourraient pas être reconduits du fait de la parité.
En second lieu, afin de tenir compte du risque inhérent à la taille réduite des effectifs de ces communes de multiplication des cas d’élections partielles intégrales, nous proposons la création d’un mécanisme d’élections complémentaires réservé aux communes de moins de 1 000 habitants.
Le déclenchement de ces élections complémentaires répondrait aux mêmes conditions qu’aujourd’hui : elles seraient obligatoires dès lors que le conseil a perdu un tiers de son effectif ou qu’il doit être complété en vue d’élire le maire ou plusieurs adjoints.
Toutefois, ces élections auraient lieu au scrutin de liste, avec une plus grande souplesse pour le dépôt des listes.
Si le principe est d’avoir des listes comportant le nombre de candidats nécessaire pour compléter le conseil, il serait néanmoins possible de déposer des listes comportant entre deux candidats de moins et deux candidats de plus.
Prenons l’exemple d’une commune de 400 habitants dont le conseil municipal voit son effectif tomber à sept membres et qui, de ce fait, doit légalement procéder à une élection : il sera possible d’y présenter une liste comportant de deux à six candidats. Loin d’être rigide, ce dispositif est d’une grande souplesse.
Par cohérence avec l’ensemble de la réforme, la commission a par ailleurs procédé à deux harmonisations essentielles.
La première consiste dans l’unification du mode de désignation des conseillers communautaires, grâce à la généralisation du système de fléchage lors du renouvellement général. Nous y reviendrons toutefois, à l’occasion de la présentation d’un amendement visant à assouplir ce dispositif.
La seconde porte sur le mode de désignation des adjoints au maire. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les adjoints au maire seraient élus, comme c’est le cas dans les autres communes, au scrutin de liste paritaire. Toutefois, il est prévu une dérogation à la règle du remplacement de l’adjoint par un adjoint conseiller de même sexe, afin de répondre à la réalité de nos petites communes.
En outre, la commission a souhaité répondre à une difficulté dont nous ont fait part les associations d’élus, et dont nous avions déjà connaissance, à propos de l’application de la présomption de complétude en cas de vacance au sein du conseil intervenant postérieurement au dernier renouvellement général ou à la dernière élection.
En effet, certaines communes de moins de 500 habitants – c’est un point important – ont dû organiser des élections complémentaires avant de procéder à l’élection d’un nouveau maire, alors même qu’elles atteignaient l’effectif équivalent au « réputé complet ».
La lecture des services de la préfecture, qui n’ont pas voulu considérer ce « réputé complet », nous a semblé contraire à l’intention du législateur de 2019.
C’est pourquoi la commission a souhaité, à l’article 3, lever toute ambiguïté d’interprétation et permettre aux conseils qui se trouveraient dans cette situation de procéder directement à l’élection du nouveau maire, sans avoir au préalable à organiser des élections complémentaires.
En outre, la commission a été attentive à neutraliser les effets de bord qui auraient pu résulter du texte adopté par l’Assemblée nationale.
Elle a ainsi garanti, pour les communes de 500 à 999 habitants, le maintien du nombre actuel de délégués désignés au collège électoral des sénateurs, c’est-à-dire trois, quand bien même ces communes compteraient treize conseillers municipaux au bénéfice de l’incomplétude.
Ainsi modifiée, la proposition de loi nous paraît comporter toutes les garanties de souplesse et d’opérationnalité nécessaires au fonctionnement des petites communes. Elle semble répondre également à l’objectif d’harmonisation auquel participe l’instauration, que nous proposons, du scrutin de liste.
Par ailleurs, la commission a apporté deux modifications à la proposition de loi organique, dans un souci de cohérence et de lisibilité.
Ce texte vise à favoriser l’engagement de nos concitoyens. Au travers du scrutin de liste, c’est un projet, une équipe, une dynamique collective qui sont proposés. On écarte le risque d’élire une addition d’individualités n’ayant pas de projet commun à proposer à nos concitoyens, quand l’engagement d’une équipe au service des électeurs peut être un gage de réussite pour nos communes.
Expliquer aux électeurs qu’ils doivent avoir pour première démarche un acte négatif – rayer des noms – ne me semble pas favoriser la démocratie locale. Il faut dépersonnaliser le vote, éviter le « tir aux pigeons » qui démobilise nos élus locaux et nos maires, qui sont en première ligne.
Dans nos petites communes, l’engagement des hommes comme des femmes est difficile ; il doit être facilité et encouragé. Cette réforme doit évidemment s’accompagner de celle du statut de l’élu. La proposition de loi que le Sénat a adoptée à l’unanimité sur le sujet sera discutée très prochainement à l’Assemblée nationale.
Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l’adoption de trois amendements rédactionnels, la commission vous propose d’adopter cette proposition de loi et cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi soumise à votre assemblée revêt une dimension démocratique non négligeable pour notre démocratie locale (M. Jean-Jacques Panunzi s’exclame.) : il s’agit de garantir des règles électorales plus favorables à la constitution d’équipes cohérentes et moins fragiles, au service de toutes nos communes.
Elle permet aussi d’œuvrer à une plus juste représentativité entre les hommes et les femmes.
Ce texte privilégie le scrutin de liste et donne ainsi l’occasion de sortir du fameux panachage, lequel conduit trop souvent à des oppositions interpersonnelles parfois douloureuses au sein de conseils municipaux qui n’ont pas été constitués sur la base d’un projet partagé.
Ce mode de désignation, appelé communément « tir aux pigeons », semble en effet de moins en moins accepté par ceux qui y sont soumis.
De nombreuses remontées de terrain indiquent une souffrance grandissante des maires des plus petites communes qui, tout en ayant privilégié l’intérêt général – ils étaient par exemple adjoints à l’urbanisme auparavant –, ont obtenu un très faible nombre de suffrages lors de l’élection municipale et se retrouvent ainsi placés dans une situation d’inconfort, voire de déstabilisation au quotidien.
Le Gouvernement est bien évidemment conscient de ces difficultés, à l’heure où les vocations pour les mandats électoraux municipaux pourraient se tarir.
À cet effet, le Parlement a déjà adopté une proposition de loi sénatoriale renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, et l’Assemblée nationale débattra, dans la semaine du 26 mai prochain, d’une autre proposition de loi sénatoriale adoptée ici à l’unanimité et portant création d’un statut de l’élu local.
Je pense toutefois, chers sénateurs, qu’il peut être aussi difficile de trouver des colistiers que des colistières. N’oublions pas que, en milieu rural, les femmes sont souvent les premières engagées dans la vie sociale et associative des communes.
Par ailleurs, près de 3 700 communes, bien au-delà de 1 000 habitants, ont connu en 2020 une situation de liste unique. C’est un fait qui préexiste à la généralisation du scrutin de liste.
D’ailleurs, l’instauration du scrutin de liste n’a pas engendré, dans les communes de plus de 1 000 habitants, de politisation de la vie communale.
Pour autant, le travail des rapporteurs et de la commission, que je salue, a permis deux aménagements d’ampleur, qui répondent à bon escient à un certain nombre d’interrogations et que nous devrions placer en tête de nos réflexions.
Le premier est la possibilité de déposer, dès le premier tour, des listes incomplètes comptant deux membres de moins que l’effectif légal.
Le second est l’extension de l’incomplétude aux communes comptant jusqu’à 1 000 habitants, dont les conseils seraient réputés complets avec treize membres, pour un effectif légal de quinze conseillers.
Ces dispositions majeures très attendues paraissent à même de garantir l’équilibre du texte, ainsi que le respect de l’exigence constitutionnelle de parité et d’expression pluraliste des opinions.
À ce titre, puisque cette proposition de loi induit des adaptations du code électoral et qu’il est de la responsabilité du Gouvernement de sécuriser sur le plan juridique la tenue des élections municipales de 2026, le Conseil constitutionnel sera bien évidemment saisi.
Si ce texte semble marquer une évolution significative, son adoption ne serait pas une révolution. Souvenons-nous des craintes qui s’étaient exprimées en 2013 lorsque le seuil d’application du scrutin de liste avait été abaissé de 3 500 habitants à 1 000 habitants. Plus de dix ans plus tard, force est de constater que cette réforme n’a pas compromis le fonctionnement de notre démocratie locale ni engendré de politisation particulière.
Enfin, la parité dont il est ici question s’inscrit dans une évolution de la société qui s’étend à de nombreux champs professionnels. Ainsi, des dispositions de ce type encadrent, conformément à l’article 1er de notre Constitution, les élections dans les ordres professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes ou encore des architectes.
Alors que la part des femmes parmi les élus locaux atteint près de 42 %, cette exigence d’une représentation équilibrée correspond également à une demande affirmée des associations d’élus locaux, exprimée dans un communiqué du 6 février dernier signé par l’AMF, l’AMRF et Intercommunalités de France.
Dans un autre communiqué du 5 mars 2025 consécutif à l’adoption du texte en commission des lois, l’AMRF a rappelé une fois de plus le sens profondément démocratique, ainsi que l’importance de cette proposition de loi. L’élection dans les 35 000 communes, dit-elle, doit se faire « autour du triptyque “une commune, une liste, un projet” ».
Au-delà de cette question centrale du scrutin de liste, la présente proposition de loi nous conduit également à examiner d’autres aspects de nos institutions locales.
Sur les modalités d’élection des adjoints au maire, j’entends les arguments qui opposent les adversaires et les partisans d’une obligation paritaire. Je m’en remettrai, sur ce point, à la sagesse de votre assemblée.
En ce qui concerne la désignation des conseillers communautaires, la logique d’extension du « fléchage », lequel est aujourd’hui en vigueur dans les communes de plus de 1 000 habitants, présente un risque significatif : un maire élu en cours de mandat à la suite de la démission de son prédécesseur pourrait en effet ne pas représenter sa commune à l’intercommunalité.
Une telle situation constituerait un irritant et engendrerait des difficultés au sein d’une intercommunalité. Le Sénat et l’Assemblée nationale l’ont d’ailleurs admis en 2019, en précisant que, dans une commune qui ne possède qu’un seul délégué communautaire, cette fonction est assurée par défaut par le maire, sauf si celui-ci en décide autrement.
Par ailleurs, des dispositions complémentaires sont prévues pour traiter la question de l’ajustement de l’effectif des conseils municipaux des communes nouvelles.
À cette occasion, je souhaite saluer l’engagement de nombreux parlementaires au sein d’un groupe de travail que j’ai constitué sur les communes nouvelles. Celui-ci regroupe des députés, des sénateurs et des élus locaux. Je tiens ainsi à remercier particulièrement Mme la ministre Canayer, Mme la présidente Cukierman, Mme la sénatrice de La Provôté et MM. les sénateurs Kerrouche et Sautarel.
Ces communes doivent bénéficier d’une période de transition suffisante afin de lisser l’effectif de leur conseil municipal, avant que celui-ci ne soit aligné de manière définitive – disons-le clairement – sur le droit commun.
Compte tenu des demandes exprimées sur le terrain par les élus concernés, et de la concordance d’opinions entre l’Assemblée nationale et le Sénat, plusieurs sénateurs proposent d’allonger la période de convergence et de reporter jusqu’au troisième renouvellement général suivant la création de la commune nouvelle le moment où l’effectif du conseil municipal devra être aligné sur celui de la strate démographique à laquelle appartient la commune. Le Gouvernement sera favorable à ces propositions.
L’ensemble des dispositions contenues dans cette proposition de loi ont vocation à entrer en vigueur à l’occasion de la prochaine échéance municipale de 2026. Certains pourront dire que c’est trop tôt ou que c’est trop tard, mais sans doute est-il tout simplement temps !
Enfin, cette proposition de loi est examinée conjointement à une proposition de loi organique qui tire les conséquences de la généralisation du scrutin de liste en ce qui concerne les obligations auxquelles sont soumis les candidats ressortissants d’autres pays de l’Union européenne. Le Gouvernement est favorable aux évolutions proposées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis en conscience : ce texte est une nouvelle étape pour renforcer la démocratie locale et la rendre plus juste, mais aussi plus sûre. Il permettra de renforcer la cohérence des équipes municipales, de mieux protéger le maire, de consolider le fonctionnement de nos institutions locales et d’assurer une meilleure représentation, plus équilibrée et plus démocratique.
Chacun ici connaît mon attachement profond et sincère à des communes fortes vivantes. Elles méritent toutes que l’élection de leur conseil municipal soit bâtie autour d’un projet et d’une équipe.
En conclusion, je veux remercier les rapporteurs et la commission de leur travail.
Cette proposition de loi, qui suscite beaucoup d’attention, est le fruit d’un travail approfondi et d’une volonté transpartisane. Elle nous offre l’occasion de franchir, tranquillement, un pas de plus vers l’objectif que j’ai décrit. Pour cette raison, je souhaite, à nouveau, remercier ses auteurs, ainsi que tous ceux qui l’ont amendée avec intelligence et pragmatisme.
Notre démocratie ne peut demeurer figée dans des règles de droit ou des institutions immuables. Elle vit à travers celles et ceux qui s’engagent, à travers la diversité de nos élus, mais aussi à travers la capacité de nos collectivités à représenter la société.
C’est dans ce même esprit de responsabilité et de dialogue que je vous invite à entamer l’examen de ces deux textes, dont vous avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que, sans suspense, le Gouvernement soutiendra l’adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ô miracle ! on a trouvé LA solution. Grâce au texte que nous examinons aujourd’hui, tout sera réglé dans nos communes rurales : le mal-être des maires, le manque de candidats, les contraintes administratives, etc. En contraignant l’ensemble des communes de France à passer au scrutin de liste et à mettre en œuvre la parité, ce sera, pour parodier le titre d’un film, « le bonheur est dans l’urne »… (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.) Tout sera réglé, c’est la solution !
Plus sérieusement, mes chers collègues, et ceux qui ont pris la peine de consulter mes amendements l’auront déjà compris, nous sommes, en examinant ce texte, face à une réforme qui soulève de nombreuses interrogations, au regard tant de son opportunité que de ses conséquences réelles pour nos communes et nos élus.
D’abord, interrogeons-nous sur le timing. Pourquoi une telle précipitation à un an des élections municipales ? Pourquoi imposer un changement du mode de scrutin alors que les véritables urgences, comme la création d’un statut de l’élu local, sont laissées de côté ? A-t-on entendu les maires réclamer ce bouleversement ? Non ! (On renchérit sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Nos élus de terrain, ces femmes et ces hommes qui donnent de leur temps, très souvent bénévolement, pour le bien commun, demandent avant tout qu’on arrête de les noyer sous de nouvelles obligations et d’incessants changements des règles, qui ne répondent à aucun besoin exprimé par les territoires. (Marques d’approbation sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Olivier Paccaud. Aucun !
M. Cédric Chevalier. Ils ne réclament rien d’autre !
M. Olivier Paccaud. Exactement !
M. Cédric Chevalier. Je rappelle pourtant que le Sénat a fait de la simplification des normes son fer de lance, depuis de nombreuses années ! Allez comprendre…
Les élus locaux sont en souffrance, et nos conseils municipaux sont confrontés à des démissions en cascade et à une crise des vocations sans précédent. Plutôt que de les soutenir, on va leur ajouter, si nous adoptons ce texte, des contraintes inutiles et inadaptées. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2020, plus de la moitié des maires ont eu du mal à constituer une équipe, 86 % d’entre eux ont peiné à trouver des volontaires, et 22 % ont affronté de graves difficultés pour respecter la parité.
Certes, celle-ci progresse dans les communes de plus de 1 000 habitants : les femmes représentent 48,5 % des conseillers municipaux dans ces communes, contre 37,6 % dans les communes dont la population est inférieure à ce seuil. Pourtant, c’est dans les communes de moins de 3 500 habitants que l’on trouve le pourcentage le plus élevé de femmes maire.
Mme Sonia de La Provôté. Bravo !
M. Cédric Chevalier. Cette évolution s’est opérée sans contrainte, preuve que des dynamiques locales existent déjà.
M. Olivier Paccaud. Cette évolution a eu lieu sans la loi !
M. Cédric Chevalier. J’ai moi-même été maire d’une commune de moins de 350 habitants. J’ai présenté une liste paritaire, sans y avoir été obligé, mais en convainquant simplement des personnes motivées, prêtes à servir leur commune, quel que soit leur sexe.
Imposer des règles rigides de parité dans des villages où il est déjà difficile de trouver des volontaires, c’est méconnaître la réalité. Dans certaines petites communes, les habitants sont en majorité des hommes ; ailleurs, ce sont des femmes. Doit-on refuser la candidature d’une personne motivée et disponible parce que l’équilibre entre les hommes et les femmes n’est pas atteint ? Quel non-sens ! (M. le rapporteur proteste.)
Plutôt que de modifier le mode de scrutin, ne devrions-nous pas nous interroger sur les causes profondes de la crise de l’engagement municipal ? Au lieu de compliquer davantage la tâche des élus locaux, ne devrions-nous pas concentrer nos efforts sur des réformes attendues, comme celles qui visent à renforcer la démocratie locale ?
Il serait plus pertinent, par exemple, d’achever l’examen de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, qui répond aux véritables défis de reconnaissance et de valorisation du rôle de ces élus, et qui a été votée à l’unanimité au Sénat. Offrir à ces derniers des moyens adaptés et un soutien institutionnel renforcé constituerait un levier bien plus pertinent pour encourager de nouvelles vocations et préserver la vitalité démocratique de nos territoires. Il faut qu’un élu puisse trouver un juste équilibre entre sa vie professionnelle, sa vie privée et sa vie d’engagé au service de sa commune.
C’était d’ailleurs la position de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales en octobre dernier, je me permets de le rappeler !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. C’est faux !
M. Cédric Chevalier. Sa mission flash sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux considérait, dans son rapport intitulé Renforcer l’efficacité des conseils municipaux : des solutions pour 2026, que la création d’un statut de l’élu local était un prérequis et une priorité absolue… Pourquoi cela a-t-il été perdu de vue ?
J’ai l’impression que l’on pourrait tracer un parallèle avec la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux que nous examinerons demain : on a fait le bon diagnostic, on a dressé les bons constats, on a fixé des objectifs vertueux, mais on s’est perdu en route pour trouver des solutions, en imposant des règles stratosphériques sans tenir de compte des réalités de terrain et de la diversité des territoires ! (Mme Anne-Sophie Romagny approuve.)
Certes, cette réforme apporte des assouplissements, en réduisant le nombre de personnes requis pour constituer une liste ou en permettant de siéger dans un conseil municipal incomplet. Mais, pour le reste, elle ne fait que complexifier inutilement un système qui existe et fonctionne déjà bien.
À l’heure actuelle, les candidats ont le choix entre constituer une liste bloquée ou une liste ouverte. Demain, nous restreindrons leur liberté en empêchant une personne motivée de se présenter seule. Où est la liberté ? En obligeant un candidat à trouver des colistiers, quitte à intégrer sur sa liste des personnes sans motivation, nous prenons le risque de créer artificiellement une opposition.
Ce nouveau cadre, s’il est adopté, risque d’exacerber les tensions dans nos villages, où la solidarité et le vivre-ensemble sont des piliers essentiels de la vie locale. Nous risquons de nous diriger vers une démocratie locale plus conflictuelle. Où est la fraternité ?
On nous parle de « tir aux pigeons » ? Mais qu’est-ce qui empêchera l’électeur de rayer un autre nom que celui du maire et de rendre ainsi la liste caduque ?
Les maires sont, dans leur grande majorité, très souvent reconduits, même avec moins de voix que les autres candidats. Quand on se présente ou qu’on se représente à une élection, on prend ses responsabilités. C’est la démocratie.
Qui peut nous assurer que, demain, on ne nous imposera pas d’étiqueter politiquement les listes, renforçant ainsi la politisation du monde local ?
Surtout, rien ne garantit que cette réforme améliore la situation. Pis, nombreux seront les maires qui, face à cette complexité accrue, choisiront de renoncer. Le remède pourrait être pire que le mal !
Le danger ultime serait de voir des conseils municipaux disparaître faute de candidats, et nous savons tous où cela peut mener : à la disparation des communes !
Alors que leur financement a déjà été fragilisé et que leurs responsabilités ont été alourdies, ne risquons-nous pas, sans en avoir conscience, si nous adoptons ce texte, de fragiliser la gouvernance locale et, à terme, de précipiter la fin de nos petites communes ?
C’est pourquoi j’ai déposé et défendrai des amendements visant à préserver le mode actuel de scrutin. Commençons par prendre des mesures pour protéger, valoriser et accompagner les élus locaux, c’est-à-dire instaurons un réel statut ; il sera toujours temps, par la suite, de s’occuper du mode de scrutin !
Enfin, conformément à l’esprit qui prévaut au sein du groupe Les Indépendants – République et Territoires, chacun d’entre nous votera en conscience, en fonction de ce qu’il estime être le mieux pour notre démocratie, même si la majorité de mes collègues partage ma position : davantage de motivation, moins de surréglementation, et plus de liberté pour les petites communes ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la démocratie se trouve non pas seulement dans l’engagement libre des citoyens, mais aussi dans la possibilité de choisir ses représentants.
Ainsi, les textes que nous examinons aujourd’hui permettent de répondre à la préoccupation majeure que constitue la crise de l’engagement municipal, particulièrement dans les communes rurales de petite taille.
Cette crise se manifeste partout en France par une diminution du nombre de candidats aux élections locales, une augmentation des démissions en cours de mandat et une fragilisation des équipes municipales.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Exactement !
Mme Agnès Canayer. Comme cela a été rappelé, lors des élections municipales de 2020, 106 communes n’avaient aucun candidat, et, à l’issue du scrutin, 345 communes ne disposaient pas d’un conseil municipal complet.
Afin d’enrayer cette spirale, il est nécessaire de faciliter l’engagement collectif dans tous les territoires et de créer les conditions de la cohésion municipale.
Tels sont les enjeux de cette proposition de loi qui vise à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants
Cette proposition de loi, déposée par la députée Élodie Jacquier-Laforge, répond en partie à la problématique d’engagement politique des citoyens.
Mais cette question ne pourra être réellement traitée sans l’instauration d’un véritable statut de l’élu, que nous attendons tous, et le renforcement de l’éducation à la citoyenneté, dès le plus jeune âge.
Les associations d’élus qui soutiennent cette initiative considèrent que le scrutin de liste peut favoriser l’esprit d’équipe, et donc l’engagement collectif et la réussite du projet municipal.
Si l’on s’appuie sur les réponses des élus consultés dans le cadre de l’enquête de la délégation aux collectivités territoriales, force est de constater que les élus locaux sont réservés, de peur souvent de ne pas trouver les candidats, notamment féminins, en nombre suffisant pour satisfaire à l’exigence de parité liée à la mise en œuvre du scrutin proportionnel.
Ce sont des craintes légitimes que le texte tente de contrecarrer, en autorisant notamment le dépôt de listes électorales incomplètes.
De plus, ce texte, s’il est adopté, favorisera l’instauration d’une plus grande stabilité municipale dans nos villages, en évitant que les querelles de clocher ne se répercutent directement sur la vie démocratique.
Ainsi, dans les communes de moins de 500 habitants, les conditions permettant au conseil municipal d’être réputé complet sont aussi assouplies.
Enfin, l’obligation de parité reste souvent pour les maires des communes de petite taille un épouvantail, car elle est trop souvent contraignante, voire parfois injuste.
C’est la raison pour laquelle il convient d’assouplir les effets de la parité sur l’équipe que constituent le maire et ses adjoints. J’ai déposé un amendement visant à aménager le principe de parité lors de l’élection des adjoints dans les communes de moins de 1 000 habitants, afin de limiter ses contraintes pratiques pour les communes de petite taille. Ainsi, je propose qu’un maire, peu importe qu’il soit un homme ou femme, puisse avoir deux adjoints de même sexe, dès lors que la parité est respectée au sein de l’exécutif, ce qui n’est pas possible à l’heure actuelle.
Toujours dans cette logique d’adaptation au réel, il me semble nécessaire de protéger nos communes nouvelles.
C’est tout le sens de mon amendement visant à prolonger la période transitoire au cours de laquelle les communes nouvelles bénéficient, à titre dérogatoire, d’un nombre de conseillers municipaux correspondant à celui d’une commune appartenant à la strate démographique supérieure. Le maintien de cet effectif jusqu’au troisième renouvellement général facilitera l’assimilation par les citoyens de leur nouvelle commune. En effet, la confiance dans notre démocratie locale repose sur la proximité, que la commune représente parfaitement.
Si l’objectif du texte est louable, il n’aborde qu’un seul volet des difficultés actuelles. C’est pourquoi les sénateurs du groupe Les Républicains voteront en fonction des particularités de leur territoire et des retours des maires qu’ils ont rencontrés, et dont l’avis est très souvent partagé.
C’est parce que la commune est la colonne vertébrale de notre confiance en la politique que notre démocratie locale doit être vivifiée pour être à la portée de tous. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un an avant les élections municipales de 2026, nous avons aujourd’hui l’occasion de légiférer sur deux sujets qui concernent de très près les élus locaux que nous représentons ici au Sénat : la parité et le mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Si les questions de parité et de cohésion municipale concernent les 34 871 communes de notre pays, force est de constater que les difficultés se concentrent dans les plus petites communes, comme en témoignent les travaux que j’ai eu l’honneur de mener en 2024, dans le cadre d’une mission flash de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux, avec mes collègues Nadine Bellurot, Éric Kerrouche et vous-même, madame la ministre, alors que vous présidiez encore la délégation.
Dans un contexte de crise de l’engagement local, dont nous parlons souvent ici au Sénat, la proposition de loi organique que nous examinons reprend la sixième recommandation de notre rapport, celle qui est relative à l’extension du scrutin de liste dans les petites communes.
Une telle extension me semble pertinente à bien des égards.
Elle pourrait tout d’abord avoir un effet positif sur le renforcement de la parité et favoriserait une meilleure représentation des femmes dans la vie politique locale.
En effet, lors de nos travaux, nous avons constaté que les femmes ne représentent que 37,6 % des conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants, contre 48,5 % dans les communes de 1 000 habitants et plus. Ces communes de moins de 1 000 habitants constituent pourtant 71 % des communes françaises.
Dans la mesure où les modes de scrutin sont actuellement différents selon la taille des communes, une harmonisation aurait donc inévitablement pour effet d’augmenter le pourcentage de femmes exerçant des fonctions électives au sein du bloc communal.
J’ajoute par ailleurs que ce renforcement de la parité dans les communes pourrait aussi, par voie de conséquence, entraîner une meilleure représentation des femmes dans notre assemblée sénatoriale.
Ensuite, je considère que l’harmonisation des modes de scrutin pourrait avoir d’autres avantages.
Le scrutin de liste favorise la constitution des équipes et l’émergence d’un collectif, qui ne se résume pas à l’addition d’intérêts particuliers.
On dit souvent qu’un projet politique a besoin, pour être soutenu, d’être incarné. Je pense que c’est vrai.
Mais la politique n’est pas qu’une affaire d’incarnation personnelle ; la politique, au sens noble du terme, c’est également des idées, des valeurs et des projets partagés.
Mes chers collègues, une grande majorité d’entre nous ont été maire avant de siéger au Sénat. Celles et ceux qui ont été élus dans une commune de moins de 1 000 habitants savent pertinemment que certaines élections municipales au scrutin majoritaire se transforment, pour reprendre l’expression qui a été employée par mes collègues précédemment, en véritable « tir aux pigeons ».
Dans les villages, là où la personnification de l’élection est particulièrement puissante, cela peut, à mon avis, desservir notre démocratie locale.
En transformant le scrutin majoritaire en scrutin de liste paritaire, nous inciterons demain les citoyens à voter pour des projets et non pas contre des candidats. On connaît hélas ! le sort réservé à certains élus sortants qui n’auraient pas accordé, ici ou là, quelques autorisations d’urbanisme, tout simplement parce qu’ils ont respecté les règlements en la matière.
Il est vrai qu’à titre personnel, lors de nos travaux, j’avais exprimé des réserves sur la modification du scrutin dans les communes de moins de 500 habitants. Mais mes collègues rapporteurs m’ont convaincu et je me suis aligné sur leur position.
Enfin, je voterai pour l’adoption de ces textes, car ils permettront d’instaurer de nouveaux mécanismes de souplesse, adaptés aux réalités électorales.
Je pense à l’assouplissement des règles de dépôt des candidatures, aux dispositions qui précisent les conditions dans lesquelles un conseil municipal est réputé « complet », au nouveau mécanisme d’élections complémentaires réservé aux communes de moins de 1 000 habitants, ou encore aux règles de désignation des adjoints au maire.
Mes chers collègues, je comprends que ces sujets puissent être source de débat. J’ai échangé, comme chacun de vous, avec de nombreux maires de mon département, et je sais que leurs avis sont partagés.
Néanmoins, je voudrais insister sur le communiqué de presse des associations nationales d’élus locaux qui a été publié le 6 février dernier.
Ce communiqué est très clair : il indique que ces associations soutiennent, depuis 2020, l’instauration du scrutin de liste dans toutes les communes, y compris pour les élections municipales de 2026.
Mme Anne-Marie Nédélec. Ce n’est pas ce que disent les maires !
Mme Cécile Cukierman. Elles demandent surtout l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation !
M. Didier Rambaud. Elles considèrent qu’il est « important d’inscrire et de voter ce texte au plus vite ».
J’espère ainsi, mes chers collègues, si vous hésitez encore sur votre vote, que nos débats seront instructifs et permettront à chacune et à chacun de voter selon son intime conviction. En tout cas, les membres du groupe RDPI voteront pour l’adoption de ces propositions de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 8 juillet dernier, nous célébrions le vingt-cinquième anniversaire de la révision constitutionnelle relative à l’égalité entre les femmes et les hommes. Celle-ci posait ce principe simple, mais indispensable : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
Cette réforme a ainsi permis de prendre par la suite des mesures législatives pour améliorer la parité parmi les représentants politiques.
Aujourd’hui, la proportion de femmes élues a largement progressé, notamment grâce à l’instauration de la parité dans certains scrutins, mais elle demeure à 38 % dans les conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants.
Ce combat pour instaurer la parité parmi les élus locaux doit faire consensus, car c’est le corollaire de la promesse républicaine et démocratique.
Ce préalable étant posé, j’en viens à la question des modalités de scrutin permettant d’atteindre l’objectif de parité.
Cette problématique se double d’un constat contemporain et largement admis d’une crise de l’engagement local dans les communes rurales.
Le nombre de candidats à des fonctions municipales baisse et, en octobre 2024, parmi les maires élus en 2020, 1 787 avaient démissionné de leur mandat. Ces chiffres doivent nous alarmer et nous conduire à légiférer.
Ainsi, pour répondre à l’objectif constitutionnel de parité ainsi qu’à cette crise, le choix est fait, dans ce texte, d’appliquer le scrutin proportionnel et paritaire de liste à toutes les communes. Cette solution s’inscrit dans la continuité des réformes précédentes du droit électoral.
Le passage à ce mode de scrutin emportera nécessairement des conséquences majeures sur les modalités des campagnes politiques dans les communes concernées.
Il conduira toutes les équipes à construire un véritable projet commun, à l’échelle du territoire de la commune, auquel les citoyens pourront adhérer.
C’est en ce sens que cette réforme permettrait de protéger la cohésion des équipes municipales des effets pervers du scrutin majoritaire préférentiel avec panachage.
Je regrette toutefois que les délais imposés par les prochaines échéances électorales ne nous permettent pas d’avoir un débat serein, qui serait pourtant nécessaire, ni de garantir la prévisibilité des règles électorales en vue des prochaines échéances.
Je souligne que certains membres du groupe RDSE défendront un report de cette modification aux élections de 2032 afin de laisser plus de temps aux territoires pour s’adapter.
Je sais que l’instauration du scrutin proportionnel n’est pas la première priorité des élus ruraux. Ces derniers nous alertent quotidiennement sur le manque de soutien, voire parfois de considération, de la part de l’État, sur les problèmes liés à l’absence de statut de l’élu, ou bien sur la désertification des services publics – je pense en particulier aux déserts médicaux ou aux fermetures de classes.
M. Olivier Paccaud. Bravo !
M. Michel Masset. En conclusion, je constate que cette proposition de loi visant à instaurer à la fois le scrutin proportionnel et le scrutin paritaire fait l’objet d’un accueil vraiment mitigé – je mesure mes mots – parmi les associations d’élus, telles que l’AMF ou l’AMRF. Elle ne fait pas l’unanimité, comme me l’a d’ailleurs confirmé le président de l’AMRF de Lot-et-Garonne – je crois que ma collègue sénatrice du département ne me démentira pas. (Mme Christine Bonfanti-Dossat le confirme.)
En somme, le groupe RDSE soutient pleinement le principe de la parité, mais regrette les délais de nos discussions et s’interroge sur l’opportunité de mettre en œuvre la proportionnelle dans les plus petites communes.
En ce qui concerne spécifiquement les textes que nous examinons, la commission des lois a souhaité valider le principe de l’harmonisation du mode de scrutin entre toutes les communes, tout en sécurisant le dispositif. Je tiens à saluer le travail de nos rapporteurs, qui ont intégré une certaine souplesse dans l’application de la loi, notamment pour favoriser le pluralisme.
Mes chers collègues, le groupe RDSE est très partagé, compte tenu des réserves que j’ai exprimées. Plusieurs membres de mon groupe réservent leur vote à l’issue de nos débats.
Dans tous les cas, nous assurons collectivement de notre soutien les élus des communes rurales, qui témoignent au quotidien de leur engagement démocratique en faveur de l’intérêt général.
Nous serons en faveur de toutes les initiatives qui conforteront la place des communes rurales dans notre architecture territoriale, aujourd’hui et demain. Chaque élu votera en fonction des retours qu’il aura reçus dans son territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comment encourager l’engagement dans nos communes, dans ces « petite[s] république[s] dans la grande », comme le rappelle souvent le président du Sénat, faisant siens les mots de Jules Barni ?
C’est en somme la question à laquelle ces deux textes visent à répondre.
Commençons par un constat sans appel : en 2020, après les élections municipales, 345 communes ne disposaient pas d’un conseil municipal complet ; elles n’étaient que 228 dans la même situation en 2014. Leur nombre a donc augmenté de plus de 51 %. Parallèlement, les démissions d’élus municipaux ont atteint un « niveau sans précédent », selon l’AMF, durant ce mandat. Ainsi, au 1er octobre 2024, 1 787 maires et 29 214 conseillers municipaux, qui avaient été élus en 2020, avaient démissionné.
Cela traduit un mal-être des élus, une difficulté à appréhender le mandat dans la vie quotidienne.
Des solutions ont été proposées. Je pense notamment à la proposition de loi relative au statut de l’élu, que vous défendez madame la ministre, et que nous soutenons tous ici, puisqu’elle a été adoptée au Sénat à l’unanimité. Celle-ci constitue une partie de la solution, laquelle ne pourra être complète que si l’on apporte plusieurs améliorations au fonctionnement des conseils municipaux, dans la perspective des élections municipales de 2026.
En ce sens, je salue l’initiative qu’ont prise les auteurs de ces propositions de loi. L’une émane de nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, dont le travail qu’ils ont fourni depuis plusieurs mois, notamment au travers d’un rapport d’information, nous permet d’avancer aujourd’hui dans la voie des améliorations, nécessaires, que j’évoquais. L’autre provient de nos collègues de l’Assemblée nationale, qui ont également apporté leur pierre à cet édifice collectif.
Quelles sont donc les améliorations contenues dans ces textes ? Il s’agit principalement de l’extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants, d’une part, et des dispositions sur la complétude des conseils municipaux, d’autre part.
Par ailleurs, ces deux propositions de loi, l’une ordinaire et l’autre organique, sont parfaitement complémentaires et permettent de tirer pleinement parti des modifications qu’elles apportent au mode de scrutin.
Permettez-moi de saluer l’excellent travail de nos rapporteurs, Nadine Bellurot et Éric Kerrouche, qui ont proposé à la commission des lois d’adopter des amendements, afin de sécuriser le texte pour nos plus petites communes. Car c’est bien là le point essentiel : ces améliorations sont souhaitées par les associations nationales d’élus, qu’il s’agisse de l’AMF ou de l’AMRF, mais aussi d’Intercommunalités de France.
Les dispositions prévues peuvent aussi soulever des interrogations, notamment en ce qui concerne la situation des communes de moins de 500 habitants. Là encore, la capacité du scrutin de liste à susciter la création d’un collectif et à inciter à élaborer un projet pour toute la commune, qui sera soumis aux électeurs, est une vertu que nous devons garder à l’esprit. Nous en débattrons lors de l’examen des amendements.
Par ailleurs, ce mode de scrutin n’est pas sans conséquence sur la parité au sein des équipes communales. On évite ainsi la présence des dispositions obligatoires qui étaient envisagées par les députés, dans la rédaction initiale de la proposition de loi ordinaire, à l’article 4, notamment pour les intercommunalités.
Nous nous félicitons de l’application de ces mesures dès les prochaines élections municipales, afin de prévenir les effets d’un manque d’engagement dans les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent 73 % des communes de France.
Il restera un sujet à traiter, madame la ministre, qui est évoqué sur toutes les travées : il s’agit du nombre d’élus dans les conseils municipaux et de sa possible réduction. Cette proposition de loi lance le débat sur ce point. Il nous faut désormais l’approfondir et le préciser en fonction des strates démographiques et des situations spécifiques de certaines communes : je pense notamment aux communes nouvelles, auxquelles vous êtes particulièrement attentive. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à rappeler que notre groupe a toujours défendu la parité. Je souhaite d’ailleurs rendre hommage à la présidente Hélène Luc, qui, en 1999, alors que les femmes comptaient seulement pour 5,6 % de l’effectif total dans cet hémicycle, a mené, avec d’autres, les batailles indispensables pour l’égalité entre les hommes et les femmes.
Cependant, la proposition de loi et la proposition de loi organique que nous devons examiner aujourd’hui ne se cantonnent pas à la question de la parité et portent plus largement sur l’instauration du scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants.
L’objectif, plus que légitime, de la parité, mis en avant par les auteurs des textes, est donc subordonné à la modification du mode de scrutin.
Or, mes chers collègues, si le scrutin de liste semble désormais adapté aux communes de plus de 1 000 habitants, il n’apparaît pas être le mode de scrutin le plus adéquat pour les communes de moins de 1 000 habitants. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
À l’heure de la différenciation, pourquoi une telle obsession pour l’uniformisation ?
Alors que la crise de l’engagement local nous préoccupe tous, que 5 % des maires ont démissionné depuis 2020, et que les prochaines élections municipales sont dans un an, toute modification du mode de scrutin doit être faite avec minutie.
L’instauration d’un nouveau mode de scrutin proportionnel de liste à deux tours, avec prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête, revient à faire fi de toute prudence et à méconnaître la tradition visant à ne pas modifier en profondeur les modes de scrutin un avant les élections auxquelles ils s’appliquent.
Ne voyant pas de différence à cet égard entre les communes rurales et les grandes villes, nous aurons la même position s’il devait y avoir, dans les jours et les semaines qui viennent, une réforme visant à modifier le mode de scrutin pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille.
La technique de panachage qui existe aujourd’hui donne aux électeurs la possibilité de construire eux-mêmes la liste qui les représentera le mieux. Quel modèle de démocratie !
Les élus n’ont alors d’autre choix que d’avancer ensemble, selon la volonté de leurs électeurs. L’absence de prime majoritaire favorise en plus le pluralisme, et donc le dynamisme de cette démocratie locale si importante.
Alors que nous regrettons régulièrement notre manque de culture du consensus politique à l’échelon national, les auteurs de ces textes souhaitent supprimer la dernière manifestation de cet esprit dans notre pays !
J’ajoute que nous aurons la même position si certains, demain, dans le souci de clarifier la situation politique nationale, voulaient réformer à coups de hache le mode de scrutin pour les élections législatives, réduisant le pluralisme politique au Parlement sous l’apparente rigueur du scrutin de liste.
Prenons garde, mes chers collègues : le modèle des villes n’est pas adapté à nos petites communes. Quelque 25 000 communes ont moins de 1 000 habitants et connaissent une réalité bien différente de celle des plus grandes villes. En 2020, dans 86 % des communes de moins de 1 000 habitants, le conseil municipal a été élu au premier tour. Dans mon département de la Loire, ce sont seulement huit communes sur deux cents qui ont connu un second tour. Au total, moins de 5 % des maires de ces communes ne sont pas réélus d’une élection à l’autre.
Ensuite, je m’inquiète de la possibilité, prévue dans cette proposition de loi, de considérer qu’une liste est réputée complète s’il manque deux candidats. Ces dispositions auront pour conséquence directe d’enlever un peu plus de démocratie dans nos élections communales. En effet, nous priverons alors les électeurs du pouvoir de réellement choisir la composition du conseil municipal. Le choix d’exclure des candidats serait donné non pas aux électeurs, mais aux candidats qui forment leurs listes. Qui sont ces cinq personnes qui décideraient que le village sera administré par cinq conseillers municipaux au lieu de sept ? Qui sont ces neuf personnes qui décideraient que le village sera administré par neuf conseillers municipaux au lieu de onze ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Bravo !
Mme Cécile Cukierman. Oui, il y a un débat sur le nombre de conseillers municipaux. Menons-le tranquillement, mais ne privons pas certains de nos concitoyens d’un choix démocratique.
Mes chers collègues, je le répète, modifier le mode de scrutin un an avant l’élection apparaît risqué et antidémocratique à nos yeux. Les élus, les habitants et la démocratie des communes de moins de 1 000 habitants ne doivent pas subir les conséquences d’un retard de calendrier parlementaire.
La crise de l’engagement est un fléau bien ancré dans nos préoccupations. Nous savons la lourde tâche qui incombe aux maires et aux conseillers municipaux. Notre rôle est bien de les accompagner et de tout mettre en œuvre pour que leur engagement soit réellement soutenu. Or la modification du mode de scrutin semble aller à l’encontre de cet objectif.
La crise de l’engagement est le défi majeur qui nous attend en 2026. Sachons y répondre en redonnant des capacités d’agir aux élus locaux et du sens à ces beaux mandats. C’est ainsi que nous mettrons fin à ce que certains qualifient de « tir aux pigeons » et redonnerons envie à nos concitoyens d’être exemplaires en se faisant élire maire ou conseiller municipal d’une commune rurale de notre République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour de ces deux textes, qui visent à mettre fin au mode de scrutin plurinominal majoritaire avec possibilité de panachage, est vraiment – vraiment ! – une bonne nouvelle pour la démocratie locale.
Proposer aux citoyens de barrer certains noms est devenu totalement anachronique aujourd’hui. Le panachage faisait ressortir les comportements les plus éloignés des valeurs républicaines : misogynie, racisme, intérêts particuliers. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ai vu, comme maire, des bulletins où les noms de colistiers ou colistières à consonance étrangère étaient barrés. C’est une réalité. Souvent, et nous l’avons tous constaté, le maire ou l’adjoint à l’urbanisme est sanctionné pour avoir défendu l’intérêt général.
La discussion de ces textes est finalement l’aboutissement de la réforme de 2013, qui avait instauré le scrutin de liste proportionnel pour les communes entre 1 000 et 3 500 habitants.
Depuis la révision constitutionnelle de 1999, nous avons progressé dans la garantie de l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. La parité est atteinte dans les conseils régionaux, dans les conseils départementaux et dans les communes de plus de 1 000 habitants.
Le combat n’est pourtant pas gagné.
Sur le plan quantitatif d’abord : le Sénat et l’Assemblée nationale comptent à peine plus d’un tiers de parlementaires femmes, alors que, pour la Chambre haute, le scrutin de liste devrait réduire significativement la part d’hommes sur nos travées ; nous comptons 37,5 % de conseillères municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants, et je ne parle pas des intercommunalités.
Sur le plan qualitatif, ensuite : la sociologie, qui renseigne assez précisément la répartition genrée des postes au sein des exécutifs, montre que les femmes sont le plus souvent cantonnées aux secteurs intéressant moins les hommes, car perçus comme des champs secondaires de l’action publique.
L’évolution du mode de scrutin pour les communes de moins de 1 000 habitants est un palier supplémentaire vers une meilleure représentation des femmes dans l’ensemble des conseils municipaux. À chaque palier, nous avons trouvé des détracteurs pour dire, au mieux, que le couperet tombait trop tôt, au pire, qu’il s’agissait d’une discrimination masculine insurmontable.
Notre collègue Cédric Chevalier a admis tout à l’heure avoir été en mesure de mener une liste paritaire dans sa commune de 300 habitants, preuve que c’est tout à fait possible.
M. Jean-Jacques Panunzi. Sans que ce soit une obligation !
Mme Ghislaine Senée. Pour ma part, je crois, au contraire, que la parité est une force pour une équipe municipale.
Mme Audrey Linkenheld. Ce n’est pas gagné…
Mme Ghislaine Senée. J’en arrive aux conditions d’examen de ces deux textes : l’un a été voté voilà trois ans à l’Assemblée nationale, avant l’élection présidentielle ; l’autre est le fruit d’un semestre de travail de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, et a été déposé en octobre 2024. Comme cosignataire de la proposition de loi organique de M. Kerrouche, je soutiens évidemment cette évolution du droit.
Le calendrier n’est cependant pas sans poser des difficultés. Alors que nous discutons de dizaines de propositions de loi au Sénat par session, il faut attendre à peine douze mois avant l’échéance des élections municipales pour que nous nous prononcions sur ce sujet. La proposition de loi organique, non encore examinée par l’Assemblée nationale, va devoir l’être en première lecture, avant une éventuelle CMP. Je dis « éventuelle », puisque le Gouvernement n’a pour l’heure toujours pas déclenché la procédure accélérée. Pour autant, madame la ministre, je tiens à saluer votre ténacité sur ce sujet.
Encore une fois, nous subissons un manque d’anticipation et nous légiférons à la hâte, avec un impact évident pour la constitution des listes de candidates et candidats déjà en cours pour les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent tout de même 73 % des communes.
Nous saluons le travail fait par la commission des lois pour faire cheminer le texte à partir de la version issue des travaux de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Ce texte est plus équilibré, parce qu’il ne se résigne pas à réduire le nombre d’élus. Plus que jamais, face aux défis de notre époque, les petites communes ont besoin de citoyens engagés au sein de leur conseil pour assurer la charge publique locale toujours croissante.
Il convient également d’avancer sur le statut de l’élu, sans oublier le cas des élus municipaux sans délégation, pour lever les freins à l’engagement et lutter contre le découragement. S’il est souvent question de crise des vocations quand on parle de l’engagement local, la réalité est souvent plus proche d’un grand désenchantement à l’égard de la chose publique, à cause de la dégradation des conditions d’exercice des mandats et de la mauvaise gestion de certaines tensions internes.
Aussi, vous l’aurez compris, notre groupe votera sans la moindre hésitation pour ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. Didier Rambaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ces propositions de loi s’attaquent à l’une des résistances structurelles et persistantes de notre démocratie locale, à savoir la différenciation des modes de scrutin.
Je tiens, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à saluer le travail accompli par nos deux collègues rapporteurs, Nadine Bellurot et Éric Kerrouche.
Ce sujet nous a naturellement mobilisés de manière transpartisane. C’est à noter, même si ce n’est pas rare dans notre hémicycle.
Trois années se sont écoulées depuis l’adoption de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, et force est de constater que la vive actualité politique a pris le pas sur cette réforme, qui répond pourtant à une urgence démocratique et a reçu le soutien des principales associations d’élus que sont l’AMRF, l’AMF et Intercommunalités de France.
Aujourd’hui, le Sénat, représentant de nos communes, a une responsabilité historique : celle de donner enfin à celles-ci les moyens d’approfondir la démocratie en leur sein, de garantir la vitalité locale et de faire de l’égalité une réalité. Car, oui, l’égal accès aux mandats locaux est non pas une option, mais une exigence républicaine.
Le cœur de ce texte est la généralisation du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Cette mesure, qui s’appliquerait à près de 70 % des communes françaises, constitue une réponse pragmatique et efficace pour favoriser l’émergence d’un vivier de candidatures. Loin d’être une contrainte, cette évolution permettra notamment de faire en sorte que l’engagement des femmes ne soit plus une exception. En instaurant un scrutin de liste paritaire, nous encourageons les citoyens à présenter des candidatures mixtes. C’est une avancée concrète qui s’inscrit dans la continuité des lois adoptées ces vingt dernières années.
La commission a apporté des améliorations significatives au texte initial, tout en conservant son ambition première.
Ces ajustements visent à garantir l’opérationnalité juridique du dispositif et témoignent d’une volonté de répondre aux réalités du terrain. Ce texte introduit ainsi une marge de manœuvre pour les communes comptant entre 500 et 999 habitants, dont les listes pourront être considérées comme complètes si elles comptent treize candidats au lieu de quinze.
Cet ajustement progressif facilite la mise en œuvre du scrutin de liste sans alourdir les contraintes pesant sur ces communes ni créer de nouveaux seuils administratifs inutiles. Cela permet aux petites communes de fonctionner normalement même si leur conseil municipal n’est pas complet, réduisant ainsi les contraintes administratives et les coûts liés aux élections complémentaires.
Pour autant, la commission a souhaité que les communes de 500 à 999 habitants conservent le même nombre de délégués au collège électoral des sénateurs, c’est-à-dire trois, quand bien même elles compteraient treize conseillers municipaux au lieu de quinze. Nous remercions la commission d’avoir veillé à neutraliser les éventuels effets indésirables qui auraient pu résulter du texte adopté par l’Assemblée nationale.
Nous saluons également le maintien du mécanisme d’élections complémentaires pour les communes de moins de 1 000 habitants, lesquelles auraient lieu au scrutin de liste paritaire. Ces scrutins bénéficieraient des mêmes souplesses que celles qui sont prévues pour les renouvellements généraux, à savoir la possibilité pour les listes de compter deux candidats en moins ou deux candidats en plus que le nombre de sièges à pourvoir. L’objectif est clair : éviter la multiplication des élections partielles intégrales et préserver la stabilité des conseils municipaux.
Toujours dans cette logique d’adaptation à la diversité de nos communes, mon groupe a déposé un amendement visant à proroger le système dérogatoire relatif à l’effectif des conseils municipaux des communes nouvelles jusqu’au second renouvellement général.
Ce dispositif répond à une réalité simple : les communes nouvelles, souvent issues de fusions récentes, ont besoin de temps pour trouver leur équilibre et construire une dynamique collective. En étendant la période de transition, nous leur offririons la possibilité de s’organiser pleinement, tout en garantissant une meilleure représentation des communes déléguées au sein des conseils municipaux. Cette mesure est pragmatique et témoigne de notre volonté de soutenir les territoires dans leur diversité, de respecter leurs rythmes et de leur donner les moyens de réussir leur transformation.
En ce qui concerne l’harmonisation du mode de désignation des adjoints au maire, l’application du scrutin de liste paritaire aux plus petites communes répond à l’ambition générale de ce texte. Cette évolution ne remet pas en cause l’organisation, puisque, en cas de démission ou d’empêchement d’un adjoint, son remplacement pourra s’effectuer sans contrainte de sexe.
Enfin, la commission a fait le choix de maintenir la suppression de l’article 4, qui visait à imposer une répartition paritaire des vice-présidences des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Nous entendons la volonté de miser sur l’effet d’entraînement de la généralisation du scrutin de liste pour améliorer la représentation des femmes dans les exécutifs intercommunaux, mais nous entendons surtout la volonté d’accorder la priorité aux communes de moins de 1 000 habitants dans ce texte.
À l’approche des élections municipales de 2026, la crise de l’engagement local demeure une réalité préoccupante, particulièrement dans nos petites communes. La crise des vocations, que nous observons tous depuis plusieurs années et qui fait l’objet de nombreux débats dans notre assemblée, n’est pas une fatalité : elle est le symptôme d’un désenchantement et d’un épuisement face à des mandats devenus trop lourds, trop exposés et qui sont trop peu reconnus.
Comme le souligne le rapport, cette crise se manifeste par une baisse alarmante du nombre de candidats et une augmentation sans précédent des démissions en cours de mandat. En 2020, 345 communes ne disposaient pas d’un conseil municipal complet, et plus de 5 % des maires élus cette année-là avaient démissionné au 1er octobre 2024.
Ces chiffres illustrent une situation critique qui menace à la fois la stabilité et le fonctionnement de nos institutions locales, fragilisant nos territoires.
Face à cette réalité, il est urgent de redonner du sens et de l’attractivité à l’engagement local. Ce texte, en généralisant le scrutin de liste paritaire pour les communes de moins de 1 000 habitants, s’inscrit dans cette perspective, avec le soutien des associations d’élus et d’une large part des élus eux-mêmes. En effet, il tend à renouveler la démocratie locale en favorisant une participation plus diversifiée et plus équilibrée.
En instaurant un scrutin de liste, nous encourageons la constitution d’équipes municipales plus soudées autour d’un projet politique commun et nous brisons le plafond de verre qui empêche les femmes de s’engager pleinement dans la vie politique locale, tout en mettant fin à la pratique du « tir aux pigeons », qui fragilise souvent les maires et déstabilise les conseils municipaux dans le temps.
Pour toutes ces raisons, c’est avec la conviction qu’ils constituent une avancée majeure pour l’avenir de nos territoires que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Bernard Buis et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)
M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quatre-vingts ans, les femmes françaises devenaient enfin citoyennes. Au printemps puis à l’automne 1945, lors des élections municipales et législatives, nos aïeules découvraient ces droits civiques jusqu’alors réservés à la mâle assemblée : le vote et l’éligibilité. Elles furent ainsi un peu plus de deux cents à devenir maires, et trente-trois à entrer à l’Assemblée nationale constituante.
Depuis lors, société et législation ont évolué. Les femmes exercent désormais plus de responsabilités, notamment politiques, et le pays ne s’en porte pas plus mal. Sans vouloir faire de la psychanalyse de comptoir, je dirai que la complémentarité entre Mars et Vénus n’est pas une caricature.
La loi a eu un rôle clé pour esquisser une meilleure représentativité du personnel politique et l’objectif de parité doit être salué. Néanmoins, bien légiférer, c’est-à-dire rendre possible ce qui est souhaitable, n’est pas toujours aisé.
Si certains textes s’avèrent quasi parfaits – je pense à l’instauration des binômes dans les cantons de nos départements –, certaines bonnes intentions peuvent se révéler fâcheuses.
La loi, jusqu’à présent, a considéré que les communes de moins de 1 000 habitants devaient bénéficier d’un processus électoral particulier. Le texte dont nous débattons reviendrait à appliquer désormais aux 34 871 communes de France exactement les mêmes modalités de scrutin. Il s’agirait donc d’imposer aux 25 000 villages de moins de 1 000 habitants l’obligation de présentation de listes paritaires.
Or, si la règle n’est pas la même pour tous, c’est non pas par hasard, mais parce que le législateur a considéré qu’il était trop difficile d’appliquer le principe de liste paritaire dans nos petites communes.
Non pas que les ruraux soient rétifs à avoir des femmes pour édile. Bien au contraire ! Le pourcentage de femmes maire d’une commune de moins de 1 000 habitants est ainsi supérieur à celui des cités plus peuplées.
C’est la constitution de la liste qui pose problème. Et par ces temps mauvais de désengagement républicain, de fonte des glaces citoyennes, personne ne peut nier que la quête de candidats et de candidates relève du chemin de croix.
M. Jean-Jacques Panunzi. Eh oui !
M. Olivier Paccaud. Est-il pertinent aujourd’hui d’instaurer une contrainte supplémentaire, fût-elle vertueuse, pour bâtir nos conseils municipaux ?
J’ai interrogé par sondage les élus des 680 communes de l’Oise, parmi lesquelles 500 comptent moins de 1 000 habitants. Le résultat est net : les deux tiers des élus sont défavorables à cette mesure.
Voici quelques-unes de leurs réflexions.
Christine Ortegat, maire de La Neuville-sur-Oudeuil : « J’y suis favorable, mais je peine à trouver ou à motiver des candidates. La parité obligatoire me semble un obstacle pour constituer une équipe solide. »
Pascal Wawrin, maire de Villers-Saint-Sépulcre : « Aujourd’hui, trouver des administrées qui souhaitent s’impliquer est compliqué ! La parité rajoute une pression supplémentaire, dans un contexte difficile, et peut finir par décourager. »
Carole Gautier, maire de Senots : « Il n’est pas envisageable de remplir une liste avec des noms simplement pour répondre à une règle de parité. La seule règle est le volontariat et celui-ci n’est pas genré. »
Marcel Dufour, maire de Verderel-lès-Sauqueuse : « La parité, il faut l’encourager, mais pas l’imposer. »
Pour conclure, je formulerai quelques interrogations.
Tout d’abord, pour aboutir au « damier » parfait, il faudra exclure, parmi les sortants désirant poursuivre leur mission municipale, des élus compétents et investis uniquement parce qu’ils sont du mauvais genre. Dommage pour celui ou celle qui, depuis des années, consacre son énergie à la commune et qui devra peut-être céder sa place à quelqu’un de moins motivé, mais avec le bon chromosome. Cela est-il juste ?
Par ailleurs, si la parité obligatoire a une vocation de juste représentativité, nos conseils paritaires deviendront-ils le miroir idéal de la société ? N’y aurait-il pas trop de retraités ? Pas assez de jeunes ? Où doit s’arrêter la logique des quotas ? N’ouvre-t-on pas la boîte de Pandore ?
Confondant volontarisme et aveuglement, niant la réalité avec une vision idéalisée et idéologique, cette loi risque de mettre à mal de nombreux conseils municipaux et de fragiliser toute la ruralité.
Je ne voterai donc pas ce texte à la teinte de miel, mais à la saveur de fiel. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. François Bonneau applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les textes que nous étudions cet après-midi représentent, de mon point de vue, une triple avancée : démocratique, politique et sociale.
Avancée démocratique, tout d’abord, car, qu’on le veuille ou non, avec l’abandon de ce mode de scrutin propre aux communes de moins de 1 000 habitants, avec panachage et vote préférentiel, tous nos concitoyens pourront élire leurs conseillers municipaux dans les mêmes conditions électorales, quelle que soit la strate de population de la commune concernée.
Avancée politique, ensuite, car le scrutin proportionnel pour une élection locale permet de constituer une réelle dynamique d’équipe au service de projets de proximité. Les électeurs peuvent ainsi se positionner sur un programme lisible porté par une équipe soudée et cohérente.
Ce choix permet aussi la représentation des minorités et favorise donc la participation d’un plus grand nombre de citoyens au choix de ses représentants municipaux. Il reprend d’ailleurs la recommandation n° 64 du rapport Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité, dont j’avais été le corapporteur en 2021 avec d’autres collègues de la délégation aux droits des femmes.
Avancée sociale, enfin, car l’extension du scrutin de liste s’accompagne de l’obligation de parité. Je sais que des réserves ont été émises sur ce point. Elles existaient déjà lorsque le scrutin proportionnel a été instauré pour les communes entre 1 000 et 3 500 habitants en 2013, et bien avant lorsque ces modalités ont été élargies aux communes de moins de 30 000 habitants.
La parité est un moteur de l’engagement des femmes dans la vie politique locale et n’est en aucun cas, comme j’ai pu l’entendre encore ce soir, une contrainte administrative ou, pis, une menace pour l’existence des communes rurales.
J’entends souvent également que le faible nombre d’habitants dans les communes concernées, en majorité dans les espaces ruraux, pourrait rendre complexe la mise en place de ce scrutin. Pourtant, en 2021, le rapport de la délégation aux droits des femmes auquel je faisais allusion indiquait que, d’après l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les femmes représentaient 51 % de la population des territoires ruraux. Dans ces conditions, pourquoi une commune de moins de 1 000 habitants ne pourrait-elle donc pas respecter une obligation de parité au même titre que les autres communes ? En quoi serait-ce difficile de trouver deux femmes pour constituer une liste de cinq candidats dans une commune de moins de cent habitants, alors que, nous le savons, il suffit bien souvent d’aller chercher une candidate pour avoir cette parité ?
Dans un esprit de responsabilité et d’équilibre, voire de compromis, la commission des lois a adopté des amendements visant à accorder, dans les communes de moins de 1 000 habitants, une dérogation à la règle de remplacement par une personne de même sexe ou encore à la parité des adjoints au sein des exécutifs locaux. Je crois que c’est un élément de nature à rassurer celles et ceux qui se posent des questions.
Toutes ces mesures doivent désormais être adoptées dans les meilleurs délais afin d’assurer leur entrée en vigueur pour les élections municipales de 2026.
Mes chers collègues, osons ! La société, me semble-t-il, est mûre. Elle le prouve déjà aujourd’hui en votant pour des maires qui sont des femmes et en votant pour des sénatrices, pour des députées. Il faut maintenant que nous puissions aller au bout pour toutes les communes.
En ce qui me concerne, j’ai été maire d’une commune de 1 800 habitants et nous avons réalisé la parité dès 2001. Je peux vous assurer que je n’ai eu aucune difficulté à trouver non seulement des femmes, mais des femmes compétentes, ni à intégrer la parité dans l’action de mon équipe municipale.
Je le répète, mes chers collègues : osons ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDPI, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voyons bien que ces textes suscitent dans tous les rangs des avis très partagés. Au moment d’exprimer le mien, je m’interroge sur le tempo.
Effectivement, les enjeux sont importants. Nous avons tous été concernés par des mandats municipaux et, à quelques mois du renouvellement général des équipes municipales, je pense d’abord aux élus sortants. Jamais un mandat n’a été aussi difficile ; jamais nous n’avons connu autant de démissions. Au choc de la covid a succédé le choc de la guerre et de l’inflation galopante.
Les élus attendaient sans doute du Parlement un texte plus ambitieux, où il aurait été question du statut de l’élu, de la lutte contre l’abstention – voilà un sujet qui aurait mérité que l’on propose des expérimentations pertinentes –, du vote en semaine, du rétablissement du cumul des mandats (Mme Audrey Linkenheld s’exclame.), puisque, nous le savons tous, avoir de la bouteille permet d’éviter les erreurs.
Bref, ce texte méritait mieux, mais il a le mérite d’exister. Il a été examiné par la commission des lois, par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. À nous maintenant d’avoir le courage d’exprimer ce que nous inspire cette proposition de loi.
L’autre enjeu, c’est la parité. Ce n’est pas un sujet, j’en veux pour preuve l’arrivée des binômes dans les conseils départementaux, qui s’est faite sans problème.
Mme Sonia de La Provôté. Oui !
M. Bruno Belin. Il faut, en effet, sans doute aller encore plus loin et imposer par la loi la parité dans les exécutifs municipaux – c’est la question des adjoints –, comme dans les exécutifs communautaires. Dans ce dernier cas, c’est très difficile, puisque de nombreuses communes rurales n’ont qu’un délégué, ce qui crée de fait une disparité dans la répartition des sièges par sexe au sein de l’organe délibérant. Voilà qui aurait pourtant mérité discussion.
Se pose aussi la question du scrutin de liste.
Alors croyez-en mon expérience de quarante-deux années d’élu local, notamment de maire d’un village de quelques centaines d’habitants : pour ma part, je suis pour la fin du panachage ! Je pourrais moi aussi vous raconter des tas d’histoires, par exemple des querelles familiales ancestrales, et je ne vous parle pas de l’époque où il y avait le remembrement, quand les équipes municipales se constituaient davantage par défaut que par adhésion.
Puisque le prochain mandat sera un temps fort, il faut une équipe, un projet, un leader et un choix. Cela permettra plus d’expression ; grâce à la proportionnelle, les oppositions – il ne faut jamais avoir peur des oppositions – auront la possibilité de s’exprimer.
Nous aurons l’occasion de discuter de tous ces sujets lors de l’examen des amendements.
En ce qui me concerne, j’espère de tout cœur que les candidats au scrutin municipal de mars 2026 auront l’envie chevillée au corps et que les équipes auront cette même gourmandise, parce qu’il s’agit d’un mandat exceptionnel.
M. Bruno Belin. J’espère que le prochain mandat des maires sera aussi exceptionnel. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI, ainsi que sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. J’ai été très sensible aux enthousiasmes divers que soulève ce texte (Sourires.) et je souhaite donc répondre aux différentes interrogations.
Pourquoi se presser, demandent certains ?
Je rappelle que nous sommes à un an des élections et je ne suis pas sûre que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les candidatures aient été finalisées. Il est donc encore tout à fait possible de proposer des évolutions raisonnables, d’autant que ce texte n’est pas une surprise : nous en parlons depuis un bon moment et il a déjà été voté à l’Assemblée nationale.
Cher Olivier Paccaud, j’entends toujours avec beaucoup d’intérêt ce que vous dites. Moi aussi, j’aime bien les anniversaires. (Sourires.) Quatre-vingts ans après que les femmes sont devenues des citoyennes, on peut certainement aller plus loin que l’esquisse d’une parité et faciliter leur engagement sans faire la révolution ni martyriser les hommes.
Et chacun sait que, dans ma vie de sénatrice, je n’étais pas connue pour être une ultraféministe !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est vrai ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Rappelons-nous l’objectif de cette proposition de loi et les progrès qu’elle permet. Au mois d’octobre dernier, le Sénat a débattu du nombre de conseillers municipaux et s’est prononcé contre leur diminution. Vous connaissez ma franchise, je n’ai pas changé : quand j’entends aujourd’hui qu’il en faudrait peut-être moins, car il est difficile de constituer les équipes municipales, je me félicite de la réponse qui a été apportée par le rapporteur, qui autorise l’incomplétude des conseils municipaux pour les communes de moins de 1 000 habitants.
Le statut de l’élu local, tout le monde en parle, vous avez raison. Vous connaissez mon attachement à ce texte. Il est inscrit à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale la semaine du 26 mai. Simplifier, on y est !
Ce soir, je serai devant les députés, dans une ambiance là aussi très animée, puisque j’irai défendre la proposition de loi sénatoriale visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. En outre viendra bientôt en discussion la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace, à laquelle le Gouvernement porte une attention plutôt bienveillante.
Par ailleurs, nous travaillons sur la sécurisation de l’assurance des collectivités et nous avons augmenté le nombre de communes éligibles au programme Villages d’avenir.
Peut-être que l’on ne va jamais assez vite et que l’on n’en fait jamais assez, mais on ne peut pas dire que, malgré les accidents ou les épisodes politiques, nous soyons restés inactifs.
Enfin, soyons clairs dans l’usage des mots : nous ne portons nullement atteinte à la liberté de qui que ce soit ! Chacun pourra continuer à se présenter aux élections. En revanche, nous sommes plus respectueux envers les électeurs, puisqu’ils seront appelés à se prononcer sur un projet et une équipe.
M. Michel Canévet. Très bien !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Pour ma part, j’y tiens beaucoup. Pourquoi ?
J’entends le raisonnement des uns et des autres, et chacun d’entre nous a été confronté à une situation qui le pousse à adopter telle ou telle position. Dans mon département, il existe des communes dont le maire sortant non plus que son adjoint n’ont été reconduits, parce que le propriétaire d’une résidence secondaire, quelqu’un de très respectable, qui ne voulait pas que le village change, a convaincu les électeurs. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. N’exagérons pas !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Dans ma Bretagne, cela existe !
Si les électeurs d’une commune trouvent dommage que la liste soit incomplète, rien ne les empêche de se présenter ! Ils pourront ainsi compléter une liste dont je rappelle qu’elle doit comporter au moins cinq candidats dans les communes de moins de 100 habitants. Disons-le franchement, nous n’aurons pas plus de mal à trouver des femmes qu’à trouver des colistiers.
J’ai effectué une visite officielle dans vingt-six départements. Quand je me déplace, je ne vais ni dans les métropoles ni dans les grandes villes. Les gens me parlent avec spontanéité : quand ils ont envie de me dire des choses désagréables, ils le font. J’étais dans les Vosges, vendredi dernier. Lorsque j’interroge les élus sur ce sujet, parce qu’ils ne m’en parlent pas d’eux-mêmes, ils me répondent qu’il faut éviter l’incomplétude du conseil municipal. Je remercie le rapporteur d’avoir proposé des assouplissements.
Je rappelle que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin de liste s’applique désormais, alors que l’on disait en 2013 que ce n’était pas possible. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, nous ne procédons pas à une révolution.
Madame la sénatrice Cukierman, votre intervention m’a marquée, et pas seulement parce que vous êtes intervenue à la fin de la discussion générale. Nous aussi, nous croyons à ce à quoi vous croyez et à ce que vous souhaitez, c’est-à-dire au consensus et au dialogue pour que les citoyens se mettent d’accord à l’échelon de ces « petites républiques », selon l’expression reprise par Anne-Sophie Patru. Pour ma part, je préfère que l’on se mette d’accord avant plutôt qu’après. Il me paraît plus respectueux que les citoyens se prononcent sur un projet pour la commune plutôt que sur un candidat ; d’ailleurs, vous l’avez tous dit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me connaissez, je n’ai pas changé d’avis. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Ce texte constitue à mes yeux un pas de plus pour protéger les maires et renforcer la démocratie.
Chacun doit mesurer les effets des décisions qui seront prises – je le dis sans chercher à culpabiliser qui que ce soit, car je respecte la conscience de chacun, mais il vaut mieux dire les choses avant qu’après – : si ce texte n’est pas adopté, ce qui sera peut-être le cas, il ne sera pas possible de déposer des listes incomplètes dans les communes de moins de 1 000 habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. le président. La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur la proposition de loi ordinaire.
proposition de loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité
Article 1er
Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 252 est ainsi rédigé :
« Art. L. 252. – Les conseillers municipaux sont élus selon les modalités prévues aux articles L. 260 et L. 262. Toutefois, la liste est réputée complète si elle compte jusqu’à deux candidats de moins que l’effectif prévu à l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales. » ;
1° bis A (nouveau) L’article L. 253 est abrogé ;
1° bis (Supprimé)
1° ter (nouveau) L’article L. 255-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 255-2. – Les déclarations de candidature sont régies par la section 2 du chapitre III du présent titre. » ;
2° Les articles L. 255-3 et L. 255-4 sont abrogés ;
2° bis (nouveau) L’article L. 256 est ainsi rédigé :
« Art. L. 256. – Les opérations de vote sont régies par la section 3 du chapitre III du présent titre. » ;
2° ter (nouveau) L’article L. 257 est abrogé ;
2° quater (nouveau) Les deux premiers alinéas de l’article L. 258 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation, par la juridiction administrative, de l’inéligibilité d’un ou de plusieurs candidats n’entraîne l’annulation de l’élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l’élection du ou des suivants de liste.
« Si le candidat ainsi appelé à remplacer le conseiller municipal se trouve de ce fait dans l’un des cas d’incompatibilité mentionnés à l’article L. 46-1, il dispose d’un délai de trente jours à compter de la date de la vacance pour faire cesser l’incompatibilité en démissionnant de l’un des mandats visés par ces dispositions. À défaut d’option dans le délai imparti, le remplacement est assuré par le candidat suivant dans l’ordre de la liste.
« Lorsque les deux premiers alinéas du présent article ne peuvent plus être appliqués, il est procédé à des élections complémentaires :
« 1° Dans les trois mois de la dernière vacance, si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres ou s’il compte moins de cinq membres. Toutefois, dans l’année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux, les élections ne sont obligatoires qu’au cas où le conseil municipal a perdu plus de la moitié de ses membres ;
« 2° Dans les conditions prévues aux articles L. 2122-8 et L. 2122-14 du code général des collectivités territoriales, s’il est nécessaire de compléter le conseil avant l’élection d’un nouveau maire. » ;
2° quinquies (nouveau) Après l’article L. 258, il est inséré un article L. 258-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 258-1. – Lorsqu’il est procédé aux élections complémentaires prévues à l’article L. 258, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir pour compléter le conseil, et au plus deux candidats supplémentaires, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les listes sont réputées complètes si elles comptent jusqu’à deux candidats de moins qu’il y a de sièges à pourvoir pour compléter le conseil.
« Sous réserve des deux premiers alinéas du présent article, les élections ont lieu selon les modalités prévues aux articles L. 260 et L. 262 et aux sections 2 et 3 du chapitre III du présent titre. » ;
2° sexies (nouveau) L’article L. 267 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de l’avant-dernier alinéa du présent article aux communes de moins de 1 000 habitants, les listes sont réputées complètes si elles comptent jusqu’à deux candidats de moins que l’effectif prévu à l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales. » ;
3° L’article L. 270 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Au troisième alinéa, les mots : « dispositions des alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « deux premiers alinéas du présent article » et le mot : « appliquées » est remplacé par le mot : « appliqués » ;
b) Après le mot : « membres », la fin du 1° est ainsi rédigée : «. Toutefois, dans l’année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux, les élections ne sont obligatoires qu’au cas où le conseil municipal a perdu plus de la moitié de ses membres ; » ;
4° À l’article L. 273, la référence : « , L. 244 » est supprimée ;
5° (nouveau) Au début de l’article L. 429, les mots : « Par dérogation aux articles L. 252, L. 253, L. 255, L. 255-2 à L. 255-4, L. 256, L. 257 et aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 258, » sont supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, sur l’article.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en mon nom et non au nom du groupe Union Centriste.
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai moi aussi sondé les élus des communes rurales de mon département, l’Essonne, en particulier les femmes qui exercent un mandat de maire. Comme beaucoup de mes collègues l’ont indiqué pour ce qui les concerne, leur point de vue est diamétralement opposé à celui qu’a exprimé le président de l’AMRF. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Bravo !
Mme Jocelyne Guidez. Si nous sommes nombreux à partager la volonté d’harmoniser le mode de scrutin, de supprimer le système ancestral du panachage, de mettre en place un scrutin de liste et d’autoriser le dépôt de listes incomplètes, il en va tout autrement en ce qui concerne la contrainte paritaire que prévoit l’article 1er.
Dans cet hémicycle, nous savons mieux que quiconque la difficulté que peut représenter la constitution d’une équipe municipale dans nos petites communes. Trouver des volontaires pour s’engager est déjà un défi. Compétence, disponibilité, motivation, sens de l’engagement : voilà des critères légitimes pour choisir ces colistiers. Rajouter un critère de répartition artificielle, c’est prendre le risque d’écarter des candidatures précieuses, faute de respect du quota imposé. Pis encore, c’est augmenter le risque de listes incomplètes.
Faisons confiance à nos élus et à nos concitoyens. Cet article repose sur une idée partiellement fausse. En effet, la proportion de femmes maire est plus forte dans les petites communes qui n’ont pas d’obligations paritaires que dans les grandes. À l’échelon national, plus de 21 % des maires de commune rurale sont des femmes, contre moins de 18 % dans les communes urbaines. L’engagement féminin doit se construire par la légitimité démocratique, non par la contrainte administrative.
Bien évidemment, je ne suis pas contre la parité – quelle idée ! –, mais j’entends aussi nos maires ruraux qui se demandent comment ils constitueront leur liste pour les prochaines élections municipales. Ça, c’est une réalité. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Mireille Jouve et M. Cédric Chevalier applaudissent également.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, sur l’article.
Mme Kristina Pluchet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis élue d’un département comptant 585 communes, rurales dans leur immense majorité, 80 % d’entre elles comptant moins de 1 000 habitants. Je me rends dans ces communes chaque semaine.
Au mois d’octobre dernier, la question du scrutin des petites communes a déjà donné lieu à des débats animés dans cet hémicycle et le Sénat, dans sa grande sagesse, a alors préféré la prudence. Je ne peux que vous encourager aujourd’hui à la même réserve et à ne pas toucher à l’équilibre actuel.
Mme Chantal Deseyne. Oui !
Mme Kristina Pluchet. Ce texte risque en effet de créer bien plus de difficultés qu’il n’est censé en résoudre.
Dois-je vous rappeler que nous ne cessons de déplorer la crise de l’engagement municipal ? Croyez-vous qu’imposer des contraintes supplémentaires aux petites communes les aidera à attirer des candidats ? Comment feront les communes qui ne parviendront pas à constituer de listes paritaires ? À cet égard, je souligne que toutes les communes n’ont pas une parité parfaite de leur population et que, dans les petites communes, les écarts entre les deux sexes peuvent être parfois manifestes, à quoi s’ajoute la problématique de l’âge.
Pourquoi ne pas prendre en compte d’abord la motivation ? Cette parité au forceps n’est ni avisée ni respectueuse des attentes locales.
En cas d’absence de candidats, combien de communes risquent de devoir appliquer l’article L. 2121-35 du code général des collectivités territoriales avec désignation d’une délégation spéciale par le préfet ? Est-ce notre mission d’augmenter le nombre de communes concernées par cette situation d’échec ?
Enfin, à plus long terme, comment ne pas y voir une pression déguisée vers les regroupements forcés de communes ? (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Eh oui !
Mme Kristina Pluchet. Pour finir, la commission souhaite promouvoir la cohésion de l’équipe municipale autour d’un projet politique avec le scrutin de liste. Je crains que ce vœu de remobilisation politique, certes louable, ne se révèle finalement clivant et très inadapté au quotidien des très petites communes, où les bonnes volontés se fédèrent autour de projets concrets.
In fine, je crains que ce texte ne soit pas porté au crédit de notre assemblée. Je vous le dis en tant que femme élue, cette réforme est pour moi tout à fait inapplicable dans les petites communes qui n’ont pas la masse critique pour l’appliquer.
Mes chers collègues, quel intérêt de complexifier les choses à la veille des élections ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après la journée du 8 mars, nous pouvons reconnaître qu’en France nous ne sommes pas les plus audacieux pour faire progresser les droits des femmes et la parité. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Les femmes n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1945 et le droit à un compte bancaire qu’en 1965. Bien plus, le port du pantalon a été officiellement reconnu en 2013.
Sur la question de la parité dans les élections municipales, je salue le large consensus de toutes les associations d’élus, qui y sont progressivement devenues favorables.
Pour ma part, je vous parle de la France des petites communes de Meurthe-et-Moselle. Beaucoup de maires de commune de moins de 100 habitants, certes, pensent qu’ils auront du mal à composer des listes complètes si la parité est imposée. Eh bien je vous livre la réponse que je leur fais : « C’est comme, lors d’une journée ensoleillée, quand il faut plonger dans une eau un peu fraîche : on hésite, on y va timidement, mais, une fois dedans, on ne regrette rien, bien au contraire. » (Mme Cécile Cukierman rit.)
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. Olivier Jacquin. Je m’adresse à mes deux collègues femmes qui sont intervenues avant moi et qui sont hésitantes sur la parité. Pour ma part, en tant qu’homme favorable à la parité, je pense que cette disposition améliorera radicalement l’engagement local, la démocratie et l’égalité. En fin de compte, les communes nous remercieront.
Chers collègues, n’hésitons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Ghislaine Senée applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, sur l’article.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays traverse une véritable crise de l’engagement local. Dans nos villages et nos petites communes, les vocations d’élu municipal se font de plus en plus rares. Accablés par des responsabilités croissantes, des contraintes administratives toujours plus lourdes et un manque criant de soutien, ces élus, pourtant indispensables à la vie de nos territoires, renoncent.
Ce problème n’est pas anodin. Il est le symptôme d’un pouvoir central qui, au lieu de renforcer la démocratie locale, l’étouffe sous des réformes déconnectées des réalités du terrain.
L’article 1er s’inscrit dans cette logique en imposant un scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Il vient complexifier encore davantage la vie municipale.
Jadis, dans ces petites communes, on votait avant tout pour des personnes, pour des citoyens engagés au service de leurs voisins. Ce système garantissait une démocratie vivante. Désormais, en imposant un scrutin de liste avec une logique paritaire, on contraint ces communes à adopter une logique partisane qui va complexifier les élections et freiner l’engagement de nombreux citoyens.
Que dire de la complexité introduite par ce texte ? On nous parle de listes complètes, de seuils de candidats, d’élections complémentaires soumises à de nouvelles règles : c’est un véritable casse-tête pour des communes qui, vous le savez, mes chers collègues, peinent déjà à mobiliser des volontaires.
La ruralité n’a pas besoin d’une nouvelle contrainte administrative ; elle a besoin de liberté et de simplicité. Dans de nombreuses petites communes, il est déjà difficile de trouver des élus motivés. Désormais, avec ces nouvelles obligations, nous risquons de nous retrouver avec des élections impossibles à organiser et des conseils municipaux dysfonctionnels.
Le Rassemblement national, fidèle à sa défense des territoires et de la proximité entre les élus et les citoyens, refuse cette réforme qui éloigne encore un peu plus les Français du pouvoir local. Ce texte ne répond à aucune demande des élus de terrain et ne fait que complexifier une organisation qui fonctionnait jusqu’à présent.
Plutôt que d’imposer un modèle pensé pour les grandes villes, nous devons au contraire protéger nos petites communes, leur offrir plus de souplesse et encourager l’engagement citoyen.
Nous voterons donc contre l’article 1er, car nous croyons en la démocratie locale, en la souveraineté des communes et en la voix des Français, qui refusent qu’on leur impose un modèle uniformisé. La France des territoires ne doit pas être sacrifiée sur l’autel d’une centralisation toujours plus pesante. Nous défendrons toujours nos villages, nos élus locaux et l’esprit démocratique qui les anime. (Mmes Anne Chain-Larché et Sylvie Goy-Chavent applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons tous rencontré beaucoup d’élus et, parce que ce texte est complexe et mélange plusieurs objectifs, en toute franchise, nous avons tous déjà entendu de la bouche des maires ce que chacun pourrait ici relayer. Balayons d’emblée ce fait pour éviter toute polémique.
Pour autant, comment répondre à ces maires qui veulent le scrutin de liste, mais pas la parité ? À ceux qui veulent la parité, mais pas le scrutin de liste ? À ceux qui veulent bien réduire les effectifs des conseils municipaux, à condition que l’on maintienne le panachage ? À ceux qui ne le veulent surtout pas ? Cette réalité montre bien la fébrilité que provoque la crise de l’engagement dont nous avons tous parlé.
Je vous propose également que l’on évite de se renvoyer les positions des associations d’élus, sauf à se dire que, l’an prochain, à l’unanimité, nous voterons les amendements ayant pour objet l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, tant réclamée par ces instances.
Revenons sur ce que l’on appelle le « tir aux pigeons ». Admettons qu’il reste tout de même peu fréquent, même si ce n’est jamais agréable pour celui qui en fait les frais. Mes chers collègues dans les communes de plus de 1 000 habitants, ce n’est pas non plus la fête au village ! Que s’y passe-t-il ? Certaines listes sortantes sont battues à plate couture, alors qu’elles ont de bons bilans – certes, le maire sortant, par le principe du scrutin de liste, fait toujours partie du conseil municipal, mais redevient un pauvre élu d’opposition tout seul dans son coin. Les cas où une population « dégage » – pour le dire ainsi – une équipe municipale se produisent dans des communes de 0 à 1 million d’habitants, ne l’oublions pas.
Quant à la beauté des grandes équipes… Il faut tout de même quelquefois nuancer cette idée pour pouvoir boucler des listes à certains moments.
Je conclus sur la question des désagréments des renouvellements des conseils municipaux. Quand, au sein d’un conseil municipal composé de cinq membres, deux démissions surviennent, il devient compliqué de continuer de gérer la commune.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai entendu chacun s’exprimer. J’ai été séduit par le discours d’Olivier Paccaud, sénateur de l’Oise, département similaire au mien. La Côte-d’Or est en effet composée de 698 communes, dont 80 % ont moins de 500 habitants.
Selon mon collègue, bien légiférer, c’est rendre possible ce qui est souhaitable. La laïcité est souhaitable et nous la souhaitons tous. Est-elle pour autant possible partout ?
Si cette loi est adoptée, j’ai peur que l’on aboutisse avant les élections municipales de 2026 à un constat d’échec. Je me demande même si cette loi n’est pas un cheval de Troie, comme cela a été dit tout à l’heure, pour pousser au regroupement forcé de communes, à la suite de cet échec.
Mme Kristina Pluchet. Exactement !
M. Alain Houpert. À mon sens, la parité est souhaitable, mais ce n’est pas en la rendant obligatoire qu’elle deviendra possible. Avancer que cette disposition a été adoptée à l’Assemblée nationale n’est pas un argument. Les représentants des collectivités, c’est nous ! C’est nous qui sommes tous passés sous les fourches caudines des élections municipales, alors que, depuis quelques années, les députés sont en général issus de la société civile.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre l’article 1er. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, sur l’article.
Mme Anne Chain-Larché. Ce n’est pas le premier texte de loi sur la diminution du nombre d’élus et le changement de mode de scrutin de nos petits villages. Je voudrais que le Sénat perde l’habitude de cultiver l’art de répondre à des questions qui ne lui sont pas posées. (Marques d’approbation et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Aujourd’hui, les élus ne nous demandent absolument pas de prendre ce genre de mesures. Ils demandent simplement que l’exécutif national – disant cela, je m’adresse à vous, madame la ministre – cesse de les mépriser, de cultiver des normes, de leur imposer une administration extrêmement pesante. Au contraire, ils veulent des moyens et la fin des incivilités, voire des agressions dont ils sont victimes. En bref, ils ont besoin d’être soutenus.
À la veille des élections municipales, ils ont déjà réfléchi à leur liste. Croyons-nous ici, au Sénat, que personne n’a anticipé ce qui allait se passer dans un an ? Les listes sont déjà constituées. (M. le rapporteur s’étonne.)
Vous défendez l’idée d’un travail en équipe. Que croyez-vous qu’il se soit passé jusqu’à présent ? Dans les communes de moins de 1 000 habitants, on constitue des équipes et on fait en sorte qu’elles soient représentatives.
Bien entendu, nous défendons tous la parité, mais, ce que nous défendons surtout, c’est la représentativité dans notre territoire des différents hameaux, des différentes professions, des différentes sensibilités qui feront que l’acte démocratique sera au rendez-vous.
À mon sens, non seulement le Sénat perd son temps, mais il est de surcroît en train de perdre son âme. (Marques d’étonnement au banc des commissions.) Nous sommes les représentants des territoires, les représentants de ces petites collectivités. À force de réduire le nombre d’élus et le droit à l’initiative, nous finirons par réduire le nombre de communes, ce qui n’est pas ce que nous souhaitons ici. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Guislain Cambier et Cédric Chevalier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, sur l’article.
Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est important que toutes les communes de notre pays aient une représentation municipale bâtie sur un projet. Un projet, c’est avant tout ce vers quoi on tend quand on a la responsabilité d’une commune. Un projet commun promu par une équipe qui a été élue est un gage de transparence, une forme de loyauté vis-à-vis des électeurs qui ne connaîtront ni surprise ni imprévu. C’est une forme d’efficacité et une opportunité pour les communes de notre pays. On ne bâtit pas un mandat d’un trait de crayon sur du papier.
Que dire face à cette supposée difficulté à trouver des femmes ? C’était insurmontable pour les communes de plus de 1 000 habitants, alors que c’est tout à fait évident désormais ! Pourtant, que n’a-t-on entendu alors ? Il était impossible de créer des binômes pour les conseils départementaux, les femmes deviendraient les faire-valoir des hommes dans ces montages, etc. Finalement, on ne saurait plus aujourd’hui se priver des femmes dans les conseils départementaux, parce qu’elles ont amené un souffle nouveau et une nouvelle façon de fonctionner. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Départements de France.
J’ose le dire, ce texte apporte de la qualité démocratique. Oui, le Sénat est dans son rôle quand il examine ce texte issu de l’Assemblée nationale. D’ailleurs, cette proposition de loi ne sort pas de nulle part : une mission d’information a été conduite par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et certains élus, notamment des élus de petites communes rurales, défendent ce projet.
Finalement, nous sommes parfaitement dans notre rôle et, en en discutant ici, nous faisons grandir la démocratie. (Applaudissements sur des travées du groupe UC, ainsi que sur les travées du groupe GEST. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, sur l’article.
M. Cédric Vial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à quel moment cela a-t-il dérapé ? Madame la ministre, vous savez que je vous apprécie particulièrement : lorsque vous étiez sénatrice et présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, j’ai travaillé à vos côtés pour plus de simplification, puisque la simplification constitue le leitmotiv de cette délégation.
Pourtant, que ne fait-on pas ici ? À quel moment est-ce que cela a dérapé ? Si ce texte est adopté, nous aurons voté pour que, dans les communes, des listes incomplètes puissent être élues face à des listes complètes. Il n’y aura pas de second tour, comme c’était le cas auparavant, et le conseil municipal sera composé de moins d’élus que le nombre prévu pour une commune de cette taille, alors qu’il y avait plus de candidats. Pour autant, il sera déclaré complet. Comment peut-on en arriver là ?
Qui plus est, dans une commune de moins de 1 000 habitants, que se passera-t-il le jour où, par le jeu des démissions que l’on connaît tous dans les exécutifs locaux, ce conseil municipal incomplet aura perdu le tiers non pas du nombre des membres effectifs du conseil municipal, mais du nombre théorique d’élus qu’il aurait dû avoir ? Dans une commune de plus de 1 000 habitants, on organiserait des élections générales, comme c’est le cas pour toutes les élections au scrutin proportionnel, alors que, dans une commune de moins de 1 000 habitants, on organisera des élections complémentaires, qui devront se faire au scrutin proportionnel dans la limite de plus ou moins deux élus par rapport au nombre à pourvoir.
Madame la ministre, on marche sur la tête ! On est en train de créer des normes inintelligibles pour la plupart des élus et, plus encore, pour la plupart de nos concitoyens. Il faut réagir. On ne peut pas mettre en place un tel système. Je voulais appeler votre attention sur ce point. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne voudrais pas paraître irrespectueuse, mais je commencerai par rappeler une réalité : la société est constituée pour moitié de femmes. C’est un fait. Vous n’allez pas me dire le contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Ce n’est pas le sujet !
Mme Corinne Féret. Dans ces conditions, pourquoi y aurait-il des difficultés à avoir autant de femmes que d’hommes dans un conseil municipal ? Pourquoi y aurait-il plus de difficultés dans une commune de petite taille ou de très petite taille ? Pourquoi devons-nous encore, en 2025, entendre de tels arguments : « La parité, on est tous d’accord, mais, vous comprenez, pour les petites communes, ce n’est pas possible, on ne trouvera pas de femmes dans ces petites communes,… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Caricature !
Mme Corinne Féret. … et on va compliquer la vie des élus en leur imposant de chercher des femmes pour constituer leur liste. »
Je vous rappelle que les femmes composent la moitié de notre société. Elles sont là !
Une de mes collègues a dit qu’il fallait faire confiance à la motivation. Je vous rassure, les femmes sont motivées ! Si vous leur laissez la place et leur proposez d’accéder à certaines responsabilités, notamment au sein des conseils municipaux, elles seront aussi motivées que les hommes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, sur l’article.
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je refuse que l’on fasse le raccourci, dans cet hémicycle, consistant à dire que trouver des femmes serait un problème. Les femmes ne sont pas un problème. Ce qui pose difficulté, c’est la contrainte normative. Dans certaines communes de la Marne, la parité limite le nombre de femmes. C’est une réalité. En tout état de cause, le débat ne doit pas se limiter à la question des femmes.
En France, 73 % des communes comptent moins de 1 000 habitants, mais dans la Marne, cette proportion monte à 89 %. Un sondage révèle que 70 % des élus sont opposés à cette mesure. Dans une commune de 50 habitants, trouver sept candidats suppose de mobiliser 14 % de la population. Imposer en plus que la liste soit composée d’une répartition stricte d’hommes et de femmes – quatre hommes et trois femmes, ou l’inverse – revient à ajouter une contrainte supplémentaire. Pensez-vous sincèrement que la France ait besoin de nouvelles contraintes aujourd’hui, mes chers collègues ?
Je connais des communes de plus de 1 000 habitants qui ont dû se priver de candidates sous prétexte de la parité. Demain, il en ira de même dans les communes de moins de 1 000 habitants. Des maires me disent qu’ils auraient souhaité accueillir plus de femmes, mais qu’ils ne l’ont pas pu à cause des règles de parité. J’ai en tête une commune de la Marne dont le maire est une femme entourée d’adjointes et d’une majorité de femmes siégeant au conseil municipal. Nous allons interdire à cette élue de faire élire davantage de femmes ! Il ne faudrait pas que, sous prétexte de vouloir bien faire, nous fassions pire, mes chers collègues.
Enfin, concernant le « tir aux pigeons », rien n’a jamais empêché une équipe de présenter un projet, de mener campagne ensemble et de présenter des candidatures uninominales. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains, ainsi que sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, sur l’article.
M. Bernard Fialaire. Je ne crois pas que le Sénat perde son âme en abordant un sujet à la demande de l’Association des maires ruraux de France et de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Le président de l’AMRF !
M. Bernard Fialaire. Je connais ces deux associations. Certains préfèrent le sport individuel aux sports collectifs. Pour ma part, ayant pratiqué un sport d’équipe, je considère que c’est une expérience pédagogique qui oblige à composer avec une équipe comportant des profils différents et complémentaires.
Je ne suis pas partisan de la mode actuelle de la démocratie directe. Je crois fermement aux vertus de la démocratie représentative, qui repose notamment sur la constitution d’équipes partageant un projet et assumant leurs responsabilités devant les citoyens.
Je ne suis par ailleurs pas favorable à l’incomplétude des listes. Je pense qu’il faut aller au terme du processus.
On me dit que les très petites communes pourraient rencontrer des difficultés pour compléter leur équipe. À cela, je réponds que je suis favorable aux communes déléguées au sein des communes nouvelles, avec un véritable statut pour ces communes déléguées. Cela fonctionne très bien.
Mais au-delà du statut de commune déléguée, j’estime que si une commune n’est pas en mesure de réunir le nombre nécessaire de personnes pour constituer un conseil municipal, ce sont la conscience de ce qu’implique une collectivité locale et l’engagement qu’elle suppose qui sont en jeu. (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains, l’orateur ayant dépassé son temps de parole.)
Enfin, comme l’indiquait mon collègue Bilhac, dans toutes nos communes, les femmes sont plus nombreuses au sein des associations, notamment de parents d’élèves. Je ne vois donc pas pourquoi il serait impossible d’atteindre la parité dans les conseils municipaux. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, sur l’article.
Mme Ghislaine Senée. On parle beaucoup des difficultés que les maires rencontrent aujourd’hui pour constituer des listes. Il est vrai que c’est difficile. Certains y voient une crise des vocations, mais je crois qu’il s’agit avant tout d’une crise politique. Et en écoutant nos débats, on comprend pourquoi, mes chers collègues. Consciemment ou inconsciemment, nous sommes en train d’expliquer que l’engagement étant exigeant, il est difficile de trouver des volontaires. Or notre devoir, ici même, au Sénat, est justement de montrer à quel point le mandat d’élu municipal et le mandat de maire sont des mandats extraordinaires.
Tous ceux qui ont siégé dans cet hémicycle et qui ont été maires savent qu’entre le mandat de sénateur et le mandat de maire, c’est le second qu’ils ont préféré. Notre rôle est de le dire et de le faire savoir : c’est un mandat exceptionnel.
Nous devons lutter contre cette crise politique. À mon sens, elle n’est pas une crise des vocations. Si l’on parle de crise des vocations, c’est parce qu’on ne cesse de répéter à quel point cet engagement est difficile. En réalité, de nombreuses citoyennes qui n’en ont pas forcément l’idée ou qui ne se sentent pas légitimes pour le faire seraient heureuses de s’investir.
Je suis convaincue que si nous faisons l’effort d’aller chercher ces femmes, nous les trouverons. Nous sommes nombreuses ici à en être la preuve, mes chères collègues. Moi-même, on est venu me chercher. Jamais je n’aurais imaginé que j’étais capable de faire de la politique. On est venu me solliciter parce qu’il fallait des femmes sur une liste électorale. Et c’est précisément cela qui est important.
Oui, il y a un cap à franchir, oui, le calendrier n’est pas simple, mais ce n’est pas une contrainte supplémentaire, ce n’est pas une obligation de plus. C’est au contraire une opportunité, une réponse à cette crise que l’on qualifie de crise des vocations, mais qui est avant tout une crise politique. Il s’agit de redonner de la vitalité à notre démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Corinne Féret applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, sur l’article.
M. Laurent Somon. Je ne reviendrai pas sur tous les arguments qui ont été avancés, car ils ont leur valeur, que l’on soit pour ou contre cette mesure.
Je rejoins Cécile Cukierman lorsqu’elle dit que l’enjeu n’est pas d’être pour ou contre la parité. Tout le monde reconnaît l’importance de la parité, dès lors qu’elle peut être appliquée de manière réaliste. Il n’y a par ailleurs pas de difficulté à trouver des femmes pour constituer des conseils municipaux. La motivation et la compétence sont les véritables moteurs.
Comme Mme Senée, que je rejoins sur ce point, je m’inquiète davantage du risque d’attrition démocratique que des difficultés à constituer des listes ou à respecter la parité. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est efforcée de comprendre pourquoi l’abstention ne cessait de progresser. Or les élections municipales sont celles qui mobilisent le plus d’électeurs. Avec cette proposition de loi, nous prenons donc un risque, mes chers collègues.
L’avis des associations nationales mérite sans doute d’être interrogé. Dans mon département, les associations locales qui leur sont affiliées ont en effet exprimé leur opposition à ce texte.
Dans les communes de plus de 1 000 habitants, où la liste complète et paritaire est une obligation, il n’y a bien souvent qu’une seule liste. Quel choix démocratique reste-t-il alors aux électeurs ? Et que se passe-t-il dans ce cas ? Les électeurs ne se déplacent plus. Pourquoi iraient-ils voter, puisque le résultat est joué d’avance, si ce n’est au premier tour dans le cas où il n’y a pas suffisamment de votants, du moins au second tour ?
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Laurent Somon. Je ne remets pas en cause les arguments des uns et des autres, mais j’estime que ce texte emporte un véritable risque d’attrition démocratique. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié ter est présenté par MM. Chevalier, Laménie, Brault et Grand, Mme L. Darcos, MM. D. Laurent, V. Louault, Khalifé et Verzelen, Mmes Nédélec et Guidez, MM. Longeot, Paccaud et Somon et Mmes Romagny et Paoli-Gagin.
L’amendement n° 25 rectifié ter est présenté par MM. C. Vial, Klinger et Sido, Mmes Jacques et Joseph, M. Chatillon, Mmes F. Gerbaud et Estrosi Sassone, MM. Bruyen, Perrin, Rietmann, Naturel, de Legge, Panunzi, Saury et Bouchet, Mmes P. Martin, Belrhiti et Ventalon, M. Chaize, Mme Chain-Larché et M. P. Vidal.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cédric Chevalier, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié ter.
M. Cédric Chevalier. Cet amendement vise à supprimer le présent article, qui prévoit l’harmonisation du mode de scrutin des petites communes avec celui des communes de plus de 1 000 habitants.
J’ai déjà exposé plusieurs arguments lors de la discussion générale, et j’ai écouté avec attention les différentes interventions. Je suis néanmoins surpris par certains propos, mes chers collègues : on nous dit que la parité fonctionne, que l’on parvient à trouver des femmes pour constituer des listes. Si tel est le cas, pourquoi changer les règles ?
Le véritable problème, selon moi, est celui du calendrier, et pas seulement parce que les élections municipales sont prévues dans un an. La sagesse serait d’adopter d’abord la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, qui répond de manière concrète aux enjeux de vocation, d’accompagnement et de formation des élus. Que se passera-t-il une fois ce dernier texte examiné par l’Assemblée nationale ? Sera-t-il adopté dans les mêmes termes qu’au Sénat, qui l’a voté à l’unanimité ?
La sagesse commanderait donc de retirer cette proposition de loi, d’attendre la mise en place du statut de l’élu local, d’en tirer un bilan, et ensuite, seulement, de réfléchir à une évolution du mode de scrutin. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié ter.
M. Cédric Vial. Cet amendement est identique au précédent et vise, tout simplement, à supprimer le présent article. Je constate qu’il est toujours très compliqué de faire simple, mes chers collègues.
M. Jacques Grosperrin. C’est la France !
M. Cédric Vial. Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit. Les dispositions de cet article nous entraîneraient dans une complexification sans pareille. J’en ai donné quelques exemples ; j’aurais pu en ajouter d’autres, comme les effets de ces dispositions sur les conseils communautaires ou le nombre d’adjoints.
Cette réforme emportera de plus une politisation des petites communes. Nous savons que le passage à la proportionnelle entraîne inévitablement une politisation des élections, puisqu’il conduit à un scrutin de liste. Nous allons introduire de la politique politicienne dans des petites communes qui en étaient préservées. C’est une évolution dont nous devrions nous méfier, mes chers collègues.
M. Jacques Grosperrin. – Exactement.
M. Cédric Vial. – En exigeant des listes complètes, nous allons paradoxalement contribuer à installer des conseils municipaux incomplets. Il est certes parfois difficile de trouver des élus dans certaines communes, mais chaque élu est utile. Or si cette réforme conduit à une diminution du nombre d’élus bénévoles, en particulier dans les petites communes, alors elle va à l’encontre même de notre mission.
Se pose enfin une question démocratique. Il est d’usage de ne pas modifier les règles électorales dans l’année précédant un scrutin. De plus, comme l’a indiqué mon collègue Somon, cette réforme ne contribuera pas à renforcer la démocratie, bien au contraire. Aujourd’hui, dans les petites communes, les citoyens tiennent à la liberté qui leur est accordée de voter pour des candidats individuellement. Avec ces scrutins de liste, on leur enlève ce pouvoir, cette liberté. C’est une atteinte à la démocratie. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Le débat est conforme à ce que nous pouvions en attendre. Revenons à un peu de rationalité, mes chers collègues. Ce texte ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Il prévoit de doter les communes d’un outil technique dont il nous revient de déterminer si, comme je le pense, il emporte plus d’avantages que d’inconvénients.
Je n’entrerai pas dans ce débat sur la représentativité des associations d’élus. Comme vous le savez, cette mesure fait l’objet d’une demande unanime de l’AMF, de l’AMRF et d’Intercommunalités de France, ce qui est rare. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette demande a été réitérée à plusieurs reprises, aussi bien lors de la publication du rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation que lors des auditions menées dans le cadre de l’élaboration du rapport sur cette proposition de loi.
Notre débat ressemble par ailleurs en tout point à celui que nous avons eu lorsque nous avons porté de 3 500 habitants à 1 000 habitants le seuil au-dessus duquel le scrutin de liste s’applique, mes chers collègues. À l’époque, les arguments avancés étaient très similaires. Alors que cette réforme est entrée en vigueur depuis plusieurs années, je constate que les communes concernées ne nous ont pas fait part de difficultés majeures.
M. Laurent Somon. Dans la Somme, si.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Je ne reviendrai pas non plus sur la question de la parité, qui est un principe constitutionnel. Je rappelle simplement que la population des communes rurales est légèrement plus féminine que masculine, en raison de l’espérance de vie, plus élevée chez les femmes, et des mobilités économiques, plus marquées chez les hommes. (Mme Anne-Sophie Romagny s’exclame.)
Quant à l’argument selon lequel ce mode de scrutin menacerait l’existence des petites communes, il n’a aucun fondement. (Mme Anne-Marie Nédélec le conteste.) Notre objectif est simple : redonner de la vitalité démocratique à ces territoires.
Enfin, si le mode de scrutin actuel des communes de moins de 1 000 habitants peut paraître naturel, contrairement à ce qui a été dit, il est loin d’être simple. Il est en réalité beaucoup moins lisible que le scrutin proportionnel.
La question du calendrier ne se pose pas vraiment. Le présent texte a été adopté par l’Assemblée nationale il y a trois ans, et nous devions l’examiner à la fin de l’année 2024… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Que l’adoption de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local soit une priorité, c’est une évidence. Nous avons du reste adopté ce texte à l’unanimité, mes chers collègues. Pour autant, le statut de l’élu et le mode de scrutin sont totalement décorrélés, tant et si bien que je ne comprends même pas qu’un lien puisse être fait entre les deux.
M. Stéphane Piednoir. C’est dommage !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Pour toutes ces raisons, et parce que nous pensons que porter un projet auprès des citoyens, comme le font les associations d’élus, est une bonne chose, je suis défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Nous savons tous que la vie est parfois plus compliquée qu’il n’y paraît. Chacun a son expérience. Pour ma part, j’ai été présidente de l’association des maires de mon département et vice-présidente de l’AMF, et je suis en contact permanent avec des élus, notamment des petites communes. J’ai visité vingt-six départements et échangé avec de nombreux maires sur cette question, y compris lorsqu’ils n’abordaient pas le sujet d’eux-mêmes.
Concernant le soutien des associations d’élus, il est important de rappeler qu’il ne s’agit pas simplement de la position de leur président. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Comme vous pourrez le vérifier, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont des décisions prises collectivement, au sein des instances dirigeantes de ces associations. À l’AMRF, notamment, que je connais bien, ce n’est pas Michel Fournier qui a décidé tout seul !
M. Loïc Hervé. Absolument !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Votre assemblée se réfère régulièrement aux positions prises par ces associations d’élus. Je ne vois rien de choquant à ce que ces positions ne reflètent pas une unanimité au sein de ces organisations, comme c’est le cas des votes du Parlement. Ainsi va la démocratie. Pourquoi, dans ce cas, remettrions-nous en cause les positions de ces associations ?
Vous avez raison de souligner l’importance de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, mesdames, messieurs les sénateurs. Ce texte sera examiné par l’Assemblée nationale durant la semaine du 26 mai prochain. Vous ne pouvez pas exiger que ce texte soit adopté avant de vous prononcer sur le présent texte.
Je rappelle que ce texte simplifie le mode d’élection en instaurant une règle unique pour toutes les communes de France. Nous ne sommes pas en train d’inventer une usine à gaz. (« Si ! » sur des travées du groupe Les Républicains.) Pour les communes de plus de 1 000 habitants, ce mode de scrutin est en place depuis longtemps, et je n’entends aucune demande de retour en arrière. S’il s’agissait d’une usine à gaz, cela se saurait. Je veux bien que nous ne soyons pas d’accord, mais tâchons d’être précis.
Nous sommes tous profondément attachés à la commune, qui est le premier kilomètre de la République. Personne ne pourra dire que ce n’est pas mon cas. Mais nous devons aussi respecter les électeurs des petites communes, qui votent pour un projet. Laisser les choses en l’état ne réglera pas la crise de l’engagement des élus, car celle-ci a d’autres causes.
Au-delà de ce que les uns et les autres ont pu entendre, je souhaite insister sur deux points qui me paraissent incontournables.
Un projet municipal est tout d’abord un véritable contrat entre une équipe et les électeurs. Constituer une liste ne se résume pas à additionner des individus qui, au fil du mandat, pourraient décider de ne plus être en accord avec le maire.
Cette réforme, ensuite, ne renforce pas la politisation des petites communes. Il existe des communes de 10 000 habitants où une seule liste s’est présentée, et des communes de plus de 1 000 habitants dans lesquelles une équipe a construit un projet solide sans que cela provoque de clivage politique nouveau. Les listes que nous évoquons se résument parfois à cinq personnes…
Ce texte est donc raisonnable. Il est conforme à l’article 1er de la Constitution, ce qui, à titre personnel, n’est pas pour me déranger. On impose déjà la parité dans des instances telle que l’ordre des architectes ou l’ordre des médecins. Pourquoi penser que les femmes ne s’engageraient pas dans la politique locale ?
Profondément attachée à mon territoire et aux communes, je défends cette réforme, qui me paraît sage. J’estime qu’il serait déraisonnable d’attendre l’année 2032 pour l’adopter.
Je salue enfin les jeunes présents aujourd’hui en tribune, car certains d’entre eux s’engageront sans doute en politique.
En tout état de cause, l’avis est très défavorable sur ces amendements identiques de suppression. En les adoptant, vous renonceriez à anticiper la diminution du nombre de conseillers municipaux, au risque de déplorer, en 2026, un déficit d’élus locaux, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que j’ai été saisi de deux demandes de scrutin public pour le vote de ces amendements identiques.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de ce débat, j’écoute attentivement les échanges qui se tiennent dans l’hémicycle, celui-ci étant particulièrement animé, ce qui atteste l’importance de ce sujet pour le Sénat. Cette effervescence rappelle celle qui régnait en 2013, lors de l’extension du scrutin de liste aux communes de plus de 1 000 habitants. À l’époque, nous entendions déjà les mêmes inquiétudes chez les élus. Examinons donc, pour apaiser le débat, ce qui s’est passé ensuite – je rappelle du reste que des élections ont suivi dès mars 2014, alors que le texte avait été adopté en mai 2013.
On redoutait alors une politisation des élections locales. Avec le recul, ces craintes ne sont révélées infondées. Nombre d’entre nous ont connu ce changement de mode de scrutin et n’ont pas observé de politisation plus marquée.
Je souhaite également partager mon opinion personnelle sur ce texte, dont j’estime qu’il suscite une agitation excessive. Contrairement à ce que son intitulé pourrait suggérer, la parité n’en est pas l’enjeu central. En effet, personne ici, quelle que soit sa place au sein de cet hémicycle, ne doute que les femmes ont toute leur place en politique. Il n’y a pas de difficulté en la matière, et je ne pense pas que ce soit pour faire obstacle à la parité que certains veuillent faire obstacle à ce texte.
À mes yeux, la parité n’est que la conséquence du scrutin de liste que nous pourrions être amenés ou non à instaurer.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. Or il me paraît que ce scrutin de liste présente des avantages. Le panachage peut en effet conduire à faire disparaître des équipes un certain nombre d’éléments clés – le maire, voire parfois l’intégralité de ses adjoints. C’est arrivé dans mon département comme dans les vôtres, mes chers collègues, et cela rend beaucoup plus difficile la gestion des communes.
Nous savons en effet que ce n’est pas parce que tout le monde se connaît que tout le monde s’entend dans une petite commune. À rebours de cette image d’Épinal, c’est parfois tout le contraire, si bien que personne ne s’entend !
Chaque commune, grande ou petite, peut porter des projets. En votant ce texte, nous faciliterons la gestion des communes.
Le sort qui est fait à la demande des associations représentatives d’élus me laisse, moi aussi, quelque peu perplexe, madame la ministre. Dans le département dont je suis élue, cette demande m’a été confirmée par les présidents départementaux des deux associations visées. L’AMF l’a formulée dès 2013. Devons-nous vraiment nous opposer à cette demande parce que notre expérience personnelle nous le suggère ?
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements identiques. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour explication de vote.
M. Étienne Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que constatons-nous à la lecture attentive des argumentaires des associations d’élus et des documents que celles-ci nous envoient régulièrement ? Nous lisons le désarroi d’un certain nombre d’élus de petites communes. Combien d’adjoints au maire chargés de l’urbanisme ont-ils été battus aux élections simplement parce qu’ils avaient pris une décision impopulaire, mais nécessaire au regard de l’intérêt général ? Et pourtant, ils avaient raison. Or pourquoi ont-ils été battus ? Telle est la raison d’être de ce texte, mes chers collègues.
Mais enfin, pourquoi le Gouvernement s’attache-t-il aujourd’hui à faire la guerre à la liberté ? Oui, la liberté de choisir librement ceux que l’on veut élire. Oui, la liberté de pouvoir porter un jugement sur les actions et les décisions des élus. Oui, la liberté d’exprimer son opinion, même si elle est parfois influencée par des affaires de voisinage ou de chasse, des querelles locales ou des tensions familiales anciennes. Mais c’est cela, la réalité de la France !
Je vous dis cela en tant que sénateur du Rhône, madame la ministre. Dans ce département dont je suis élu se trouve le petit village nommé Clochemerle, qui tant dans la réalité que dans la littérature, incarne cet esprit d’indépendance et de liberté locale. Il est de notre devoir de protéger le peu de liberté qu’il reste dans ces petites communes. Par ce texte, vous lui faites au contraire la guerre, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et protestations sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’avais proposé de passer en revue les propositions des associations d’élus, mais comme tout le monde s’en est emparé, allons-y !
Quelque chose m’échappe, mes chers collègues : depuis bientôt quinze ans que je siège sur ces travées, c’est la première fois que l’on me dit que les propositions formulées par le bureau de l’AMRF doivent automatiquement être adoptées par notre assemblée. Si tel est le cas, le temps de parole qui m’est imparti ne suffira pas pour énumérer toutes les propositions qui ont été rejetées, que ce soit sur l’intercommunalité, sur les finances locales, sur les compétences ou sur le statut de l’élu.
En tant qu’élus, il nous appartient pourtant d’entendre ce que disent ces associations et ce que défendent les corps intermédiaires – je constate avec un peu d’ironie que dans le même temps, de nombreux collègues revendiquent comme moi leur attachement à la démocratie représentative. Il reste que notre débat est le reflet des enjeux, y compris politiques, qui façonnent nos prises de position, mes chers collègues.
Peut-on par ailleurs rappeler que les difficultés de calendrier rencontrées pour l’examen de ce texte tiennent moins à l’agenda parlementaire qu’à la crise politique majeure que traverse notre pays ? Oui, notre pays va mal. Oui, la crise politique est forte, et elle n’a rien à voir avec celle que nous avons connue lors du passage au scrutin de liste pour les communes comprises entre les seuils de 3 500 habitants et 1 000 habitants.
Mais s’il suffisait d’un changement de mode de scrutin pour résoudre la crise de l’engagement, cela se saurait !
Aujourd’hui, les difficultés à animer une équipe municipale, qui entraînent d’ailleurs des démissions, tiennent d’abord au fait que les communes n’ont plus de compétences, que les élus s’interrogent sur le sens de leur mandat et qu’ils peuvent être traînés en justice.
Par conséquent, la priorité, c’est la mise en place d’un statut de l’élu, avant toute autre mesure. Ce n’est pas une réforme du mode d’élection qui ramènera de la vitalité démocratique dans nos communes ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Je souhaite rappeler que l’AMRF est très partagée – elle a d’ailleurs eu l’honnêteté de le souligner dans son communiqué – sur le sujet : son bureau aura rarement été aussi divisé. Idem s’agissant de l’Assemblée des départements de France (ADF). Il n’est donc pas possible de justifier la réforme proposée en s’appuyant sur la position de l’AMRF.
Au demeurant, lorsque des sondages ont été effectués, il est arrivé qu’une l’absence de réponse soit interprétée comme une réponse positive, ce qui ne correspond pas nécessairement à la réalité…
Cosignataire de l’amendement de mon collègue Cédric Chevalier, je voterai en faveur de la suppression de l’article.
Au fond, nous ne vivons pas tous, me semble-t-il, dans le même monde, mes chers collègues. Je peux tout à fait concevoir que le dispositif envisagé soit une solution dans certains départements. Mais dans le département dont je suis élue, en Essonne – ma collègue Jocelyne Guidez l’a souligné précédemment –, dans des dizaines de communes, nous ne trouverons pas de candidats pour le scrutin de mars 2026.
Si des personnes de bonne volonté, y compris de sensibilités politiques différentes, souhaitent travailler ensemble et construire une majorité municipale, laissons-les faire !
Vous évoquez le « tir aux pigeons » pour dénoncer le panachage, mes chers collègues ? Mais le problème se poserait exactement dans les mêmes termes si les élections avaient lieu au scrutin de liste : des personnalités de qualité seraient privées de siège au conseil municipal du seul fait de la présence sur la même liste d’un candidat que l’on souhaite éliminer ! Car, dans les petites communes, les gens se connaissent de génération en génération, avec parfois de vieilles rancœurs ou détestations.
Honnêtement, le mode de scrutin que vous souhaitez imposer créera de grandes difficultés.
Je conclus sur la parité. Ce n’est pas un problème de « féminisme » ; des femmes maires nous ont fait part, à ma collègue Jocelyne Guidez et à moi-même, des difficultés rencontrées pour trouver des femmes candidates dans leur commune. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote. (Marques d’agacement sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre-Alain Roiron. Je souhaite insister sur trois points.
Premièrement, la mise en place d’un statut de l’élu s’impose effectivement. Sans doute eût-il été préférable d’inscrire cette question à l’ordre du jour du Parlement beaucoup plus tôt. Mais Mme la ministre nous a indiqué que nous serions saisis d’un texte en la matière dans quelques semaines.
Deuxièmement, la question du scrutin de liste se pose de manière récurrente. Les mêmes débats ont déjà eu lieu voilà un peu plus de dix ans, avant 2014. À l’époque, je n’étais pas parlementaire ; j’étais maire. Dans les territoires, certains étaient pour, d’autres contre. Les associations d’élus ont adopté des positions majoritaires. Si l’on exigeait systématiquement l’unanimité, on ne prendrait pas beaucoup de décisions dans ce pays !
Troisièmement, sur la question de la parité, soyons sérieux ! Cessons de faire comme s’il était impossible de trouver deux femmes qui seraient d’accord pour faire partie des cinq membres du conseil municipal d’une commune de moins de 100 habitants !
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. J’entends les arguments de certains de nos collègues. Pendant un temps, je les ai du reste partagés. Je considérais que le dispositif envisagé pouvait effectivement contribuer à rendre le scrutin plus complexe ; je l’avais d’ailleurs souligné au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Puis, j’ai assisté à des auditions. J’ai entendu la souffrance que des maires et d’autres élus – il n’y avait pas que des battus aux élections ! – ont exprimée. Nous avons la responsabilité de leur apporter des réponses, mes chers collègues.
Les considérations relatives à la question des compétences ou au statut de l’élu ont évidemment toute leur légitimité. Mais elles doivent être traitées par ailleurs. Le sujet du jour, c’est de soulager la souffrance causée, notamment, par le panachage et son corollaire, le manque de stabilité des équipes municipales.
J’entends les objections qui nous sont adressées, par exemple sur la vitalité démocratique dans les communes et la difficulté à composer une liste complète.
Dans ce cas, commençons par valider le scrutin de liste tel qu’il nous est proposé, et renforçons les mesures visant à favoriser la complétude des listes aux articles suivants.
Car, à mélanger les débats – celui de la difficulté à boucler une liste, celui du mode de scrutin, etc. –, nous risquons de voir émerger une coalition des oppositions qui nous empêcherait de traiter les problèmes auxquels nous avons, me semble-t-il, l’impérieuse nécessité d’apporter des réponses : les tensions au sein des équipes en milieu rural et la souffrance d’un certain nombre de femmes et d’hommes qui ont envie de s’engager pour leur territoire. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera évidemment contre ces deux amendements de suppression.
Je me méfie particulièrement du simplisme. Ne rien faire, ne pas vouloir se confronter aux difficultés dont nous sommes saisis par les élus et leurs associations, c’est justement ce qui crée de la complexité !
Des questions se posent ; il faut y répondre. Cela ne date d’ailleurs pas d’hier ; elles se posaient déjà voilà plus de quatre ans. Nous avons eu des échanges avec l’AMF et l’AMRF. Des textes ont déjà été votés. Efforçons-nous donc d’avancer, de préférence rapidement, mes chers collègues.
J’en viens à la parité. Sur le papier, tout le monde est pour. Mais, dans les faits, la parité a toujours progressé à coups d’obligations. Songez au mode de scrutin qui s’applique aux élections départementales. Et si notre assemblée, le Sénat, a pu évoluer très positivement et se féminiser ces dernières années, c’est précisément du fait des obligations liées au scrutin de liste.
Attention à ne pas « politiser », nous disent certains. Mais, pour moi, la politique, ce n’est pas un gros mot ! Au contraire, je trouve même intéressant que le scrutin de liste permette aux candidats de défendre un projet et de construire du collectif. Car c’est bien ce dont nous avons besoin dans nos communes ; le collectif a toujours été source de liberté !
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. D’ordinaire, je suis catalogué ici comme conservateur et réactionnaire. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Durain. Oh oui ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe SER.)
M. Laurent Duplomb. Eh bien, au risque d’en surprendre certains, je suis plutôt favorable à la présente proposition de loi, et je ne voterai pas les deux amendements de suppression.
Je me pose en effet une question simple. J’ai été maire d’une commune de plus de 1 000 habitants, et j’en suis encore conseiller municipal. J’ai la certitude qu’un texte ayant pour objet de revenir à un système électoral autre que le scrutin de liste dans de telles communes susciterait une levée de boucliers massive. Dès lors, pourquoi une commune de 900 habitants n’aurait-elle pas les mêmes droits qu’une commune de plus de 1 000 habitants ?
M. Didier Marie. Exactement !
M. Laurent Duplomb. À mon sens, l’engagement repose sur deux principes.
Premièrement, il faut avoir un projet pour sa commune. Or une juxtaposition de candidatures individuelles indépendantes au scrutin uninominal ne fait pas un projet. Certes, des candidatures au scrutin uninominal peuvent être présentées en bloc. Mais, dans ce cas, quelle est la différence avec une liste ? Autant opter directement pour le scrutin de liste !
Deuxièmement, l’intérêt général, ce n’est pas la somme des intérêts particuliers. Et, pour un élu, le plus difficile, ce n’est pas de dire « oui » ; c’est de savoir dire « non ». En règle générale – croyez-en mon expérience –, l’élu qui a le courage de dire souvent « non » a beaucoup plus de chances de voir son nom rayé que celui qui dit toujours « oui » ou qui ne fait jamais rien.
C’est pourquoi je suis favorable à la présente proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote. (Marques d’agacement sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fialaire. Je suis également sénateur du Rhône, et je réside à proximité de Clochemerle. (Sourires.)
Je souhaite défendre la liberté, dont le corollaire est la responsabilité.
Ce n’est pas moi qui l’apprendrai à un juriste aussi éminent que mon collègue Étienne Blanc : les lois qui régissent le vivre-ensemble ne sont pas attentatoires à la liberté. Au contraire, elles la protègent !
En l’occurrence, le texte dont nous débattons protège non seulement la liberté, mais également l’égalité, entre les sexes et entre les personnes, ainsi que la fraternité. Je le voterai donc avec enthousiasme ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je souhaite vous rendre compte d’une consultation à laquelle j’ai procédé dans mon département, mes chers collègues.
En 2013, j’étais plutôt favorable à la généralisation du scrutin de liste, qui me semblait aller dans le sens de la parité et de l’intercommunalité.
Sur les 591 communes de Meurthe-et-Moselle, 472 comptent moins de 1 000 habitants. J’ai reçu 215 réponses, dont les deux tiers en défaveur du scrutin de liste. Et 80 % des personnes ayant répondu ont souligné la difficulté de respecter les règles applicables en matière de parité, y compris dans des communes ayant une femme comme maire ou 50 % d’élues au conseil municipal.
Enfin, dans 15 % des cas, on m’a aussi demandé si le Parlement n’avait rien de plus urgent à traiter en ce moment. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et exclamations sur les travées du groupe SER.) Je tiens à le souligner, car cela a aussi contribué à forger mon opinion.
Quand les associations d’élus donnent des consignes, elles sont dans leur rôle. Mais même lorsque nous suivons leurs consignes – j’ai des exemples liés au projet de loi de finances en tête –, cela ne les empêche pas de nous égratigner, voire pire. C’est le jeu de la démocratie.
Après avoir entendu les positions des uns et des autres, nous allons pouvoir nous exprimer et avancer. Mais ne perdons pas de vue que les choix en matière de règles démocratiques doivent correspondre au temps politique. Or nous sommes dans un temps d’instabilité et de difficultés.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je voterai les deux amendements identiques de suppression.
Posons-nous les bonnes questions, mes chers collègues. Les dispositions législatives actuelles relatives aux communes de moins de 1 000 habitants sont-elles mauvaises ? Je ne le crois pas.
Empêchent-elles la parité ? Pas du tout ! Dans nos territoires, nous avons tous des communes, y compris de moins de 1 000 habitants, où la parité est respectée. Je connais même des communes où le maire, le premier adjoint, le deuxième adjoint et le troisième adjoint sont des femmes !
Mme Audrey Linkenheld. Et ça va ? Vous ne le vivez pas trop mal ?
M. Olivier Paccaud. Cela ne pose aucun problème.
Imaginons maintenant ce qui se passerait si la présente proposition de loi était votée. Dans un conseil municipal d’amazones,…
Mme Audrey Linkenheld. Non, mais qu’est-ce que c’est que ce vocabulaire ?
M. Patrick Kanner. C’est scandaleux !
M. Olivier Paccaud. … c’est-à-dire composé exclusivement de femmes, il faudrait en renvoyer la moitié ! Tout comme il faudrait renvoyer la moitié des élus d’un conseil municipal composé exclusivement d’hommes, quand bien même ceux-ci seraient-ils de bonne volonté !
Le problème, ce n’est pas la parité ; c’est la parité obligatoire. Pour avoir de bons élus municipaux, il faut non pas une parité obligatoire, mais une motivation obligatoire ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Permettez-moi d’anticiper quelque peu en évoquant un amendement que je présenterai tout à l’heure.
Je peux entendre que, pour nous les femmes, la parité ait parfois été un élément déclencheur de notre motivation.
Mais, en bonne centriste, j’ai déposé un amendement visant à retenir une solution intermédiaire : n’étendre le scrutin de liste qu’aux communes de 500 habitants à 999 habitants. Ce serait à la fois un premier pas et la voix de la sagesse.
Je suis en effet persuadée qu’il sera très compliqué d’appliquer le scrutin de liste dans les communes de moins de 500 habitants.
Tel est le sens de l’amendement n° 4 rectifié, que je défendrai dans quelques instants. (M. Hervé Maurey applaudit.)
M. Pierre Jean Rochette. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. J’estime que la véritable question n’a pas trait à la parité. Nous sommes tous d’accord sur ce sujet ; le débat est désormais derrière nous. J’ai moi-même voté toutes les lois en faveur de la parité, considérant que ce serait peut-être le seul moyen de garder à l’avenir 50 % d’hommes dans les assemblées élues. (Sourires et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
À l’instar de mon collègue Husson, j’ai procédé à une consultation. Le département dont je suis élu, la Haute-Saône, se compose de 539 communes, dont 530 de moins de 1 000 habitants. En l’occurrence, 80 % des personnes ayant répondu sont contre la mise en place du scrutin de liste dans les petites communes.
Vous me parlez de l’AMRF, de l’AMF, etc., mes chers collègues. J’ignore ce que sont les positions de ces associations à l’échelon national. Ce dont je suis en revanche certain, c’est que 70 % à 80 % de nos petits maires ruraux, de droite comme de gauche, sont hostiles au changement envisagé.
Je crains enfin que les élus locaux ne comprennent pas la démarche des auteurs de cette proposition de loi, madame la ministre.
M. Jérôme Durain. Nous allons leur expliquer !
M. Alain Joyandet. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a déjà créé une véritable usine à gaz pour nos collectivités. Voilà huit ans que nous nous battons au Sénat, sur toutes les travées, pour essayer d’y remédier, de simplifier et de redonner de la liberté, par exemple en rendant la compétence eau et assainissement facultative.
Pourquoi dites-vous qu’il faudrait avoir le même mode de scrutin partout en France, madame la ministre ?
Mes chers collègues, sauf erreur de ma part, nous-mêmes n’avons pas tous été élus de la même manière. Vous êtes un certain nombre à avoir été élus au scrutin de liste. Et nous sommes quelques-uns à nous être fait élire sur notre nom, lors d’un scrutin dont le premier tour a eu lieu le matin et le second l’après-midi d’un dimanche… Si nous suivons la logique des promoteurs de ce texte, il faudrait que nous soyons tous élus de la même manière ; dans ce cas, je préférerais nettement que ce soit au scrutin uninominal plutôt qu’à la proportionnelle ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je pense que la présente proposition de loi permet d’aller au bout de la logique de la parité. Je salue le consensus qui existe au sein des associations d’élus ; j’en représente moi-même une.
Si ce texte favorise l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’accès aux mandats locaux, ce qui est déjà très important, l’argument en faveur de son adoption qui est à mes yeux le plus fort est qu’il mettra un terme à un mode du scrutin totalement archaïque, celui du « tir aux pigeons » ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
J’entends ce que disent les grands électeurs et les grandes électrices, ainsi que, d’une manière plus générale, tous les élus du département dont je suis élu. À un an des élections municipales, le Sénat enverrait, me semble-t-il, un signal extrêmement fort en supprimant le mode de scrutin actuel, que tant d’élus, y compris dans des communes de près de 1 000 habitants, ressentent comme une punition extrêmement dure !
Il faut laisser à la personne, maire sortant ou tête de liste, qui construit sa liste la possibilité de choisir celles et ceux qui auront ensuite la capacité d’assumer des responsabilités.
Il arrive que le maire et l’adjoint à l’urbanisme soient les seuls sortants à ne pas être réélus.
Mme Cécile Cukierman. Ils le seront au second tour !
M. Loïc Hervé. L’argument de notre collègue Étienne Blanc est donc totalement réversible.
Par conséquent, je ne voterai pas ces deux amendements de suppression, et je soutiens la position du Gouvernement. En adoptant cette proposition de loi à un an des élections municipales, j’estime en effet que nous ferions coup double, mes chers collègues. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je suivais cette discussion depuis mon bureau, mais j’ai souhaité venir répondre à nos collègues de la droite sénatoriale dans l’hémicycle.
Car, au fond, ce sont les mêmes débats depuis quarante ans. Il y a quarante ans, lorsque nous avons institué les conseils régionaux – une grande réforme de la gauche –, nous avons opté pour le scrutin proportionnel, qui a permis la parité. Nous avons ensuite réformé le mode d’élection des conseils municipaux, favorisant, là aussi, une plus juste représentation, ainsi que la parité.
Et j’ai l’impression que vous cherchez aujourd’hui, mes chers collègues, à nous empêcher de parvenir au dernier stade, qui consiste à instaurer la parité comme objectif politique, républicain et juste.
Quand j’étais président du Nord, premier département de France, j’ai eu l’honneur de construire le nouveau mode de scrutin départemental avec Claudy Lebreton, à l’époque président de l’ADF.
M. Alain Joyandet. Ce n’est pas une réussite !
M. Patrick Kanner. Avant cette réforme, il n’y avait que 13 % d’élues dans les assemblées départementales, et moins d’une dizaine de présidentes de conseil général sur 101 départements, dont Mayotte.
Le changement de système électoral et le redécoupage des cantons nous permettent aujourd’hui d’avoir 50 % de femmes dans les conseils départementaux. (M. Olivier Paccaud s’exclame.) À l’époque, certains nous disaient que nous ne trouverions pas suffisamment de femmes candidates et que les scrutins ne pourraient pas se tenir. Nous avons trouvé des femmes candidates, et nous avons atteint un niveau record de présidentes de département.
M. Alain Joyandet. Ce n’est pas le débat !
M. Patrick Kanner. Chers collègues, cessez d’avoir les yeux dans le rétroviseur et regardez vers l’avenir pour faire face à vos responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Dans son explication de vote – chacun est évidemment libre de son expression –, notre collègue Paccaud a parlé de conseil municipal d’« amazones ».
J’ai consulté la définition du mot « amazone ». Il s’agit d’une femme grande et forte qui rappelle les guerrières de la mythologie grecque. Mais qualifier une femme d’« amazone », cela peut parfois avoir une connotation négative. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’aimerais donc que notre collègue nous rassure en précisant sa pensée, afin de m’éviter d’avoir à faire un rappel au règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. C’est ridicule ! J’admire les amazones !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié ter et 25 rectifié ter.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, l’autre, du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 215 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Pour l’adoption | 120 |
Contre | 191 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Menonville, Maurey et Cambier, Mme Sollogoub, M. Duffourg, Mme Jacquemet, M. Longeot et Mmes Vermeillet, Perrot, Loisier et Guidez, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l’article L. 252 du code électoral, le nombre : « 1 000 » est remplacé par le nombre : « 500 ».
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Tous les sénateurs le savent, le monde des collectivités locales, singulièrement celui des communes, n’est pas un ensemble homogène. Il existe des différences importantes entre les très grandes villes, les grandes villes et les tout petits villages, qui comptent parfois moins de dix habitants. D’une certaine manière, méconnaître cette situation revient à méconnaître le droit à la différenciation, auquel nous prêtons tant de vertus.
La principale difficulté qui se pose dans les petites communes, c’est que l’effort qui leur est demandé pour former une équipe municipale est bien plus important que dans les grandes villes. Je citerai quelques chiffres pour illustrer mon propos : le conseil municipal d’une commune de 300 habitants doit compter, au minimum, neuf membres, soit 3 % de la population ; un tel pourcentage représenterait 1 290 conseillers pour une commune de 43 000 habitants et 3 900 pour une commune de 130 000 habitants. Tel est l’effort que nous demandons aux petites communes ! Et c’est encore pire pour une commune de 90 habitants.
Il ne semble donc pas souhaitable d’ajouter une condition à des conditions qui sont déjà difficiles à respecter, d’autant qu’à force d’accroître les difficultés, je crains que les candidats se raréfient, ce qui pourrait remettre en cause le principe constitutionnel qu’est le pluralisme, c’est-à-dire le droit de nos concitoyens à choisir leurs représentants.
Limiter ce choix reviendrait à nous tirer une balle dans le pied, mes chers collègues.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Menonville, Maurey et Cambier, Mme Sollogoub, M. Duffourg, Mme Jacquemet, M. Longeot et Mmes Vermeillet, Perrot, Loisier et Guidez, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l’article L. 252 du code électoral, le nombre : « 1 000 » est remplacé par le nombre : « 100 ».
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Ces amendements sont en quelque sorte des amendements de repli par rapport aux amendements de suppression de l’article 1er que nous venons de rejeter.
La commission des lois poursuit un objectif de simplification et d’harmonisation avec lequel les dispositions proposées entrent en contradiction, mon cher collègue.
En outre, nous avons pris toutes les précautions nécessaires pour tenir compte de la situation particulière de nos communes rurales. Une adoption de ces amendements remettrait en question le principe même du scrutin de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants.
L’avis est donc défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Je souscris à l’argumentation de Mme la rapporteure. Ce texte vise à consolider le principe, plus respectueux des électeurs, du vote pour un projet et une équipe aux élections municipale. Telle est la volonté démocratique qui y préside.
Les seuils peuvent toujours être remis en question : en effet, pourquoi traiter différemment une commune de 900 habitants et une autre de 1 000 habitants ? Par souci d’uniformité, pour ne pas dire d’unité, il convient toutefois de fixer un seuil. En l’occurrence, ce seuil a été fixé à 1 000 habitants et j’entends m’y tenir.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Mizzon, les amendements nos 2 rectifié et 3 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Marie Mizzon. Oui, je les maintiens, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. À titre personnel, je suis plutôt attaché au mode de scrutin actuel pour les petites communes. Je crains en effet que le scrutin de liste que nous voulons instaurer dans toutes les communes entraîne une politisation du conseil municipal et une certaine rigidité de son avis. (Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.) En effet, il peut être compliqué pour un conseiller municipal issu d’une liste A de travailler avec des conseillers municipaux issus d’une liste B.
Par ailleurs, ce mode de scrutin accentuerait la difficulté à former des listes et pourrait décourager certains de nos concitoyens qui voudraient s’engager dans la vie municipale. Comme l’ont dit plusieurs de mes collègues, cela nous ferait courir le risque qu’aucune liste ne soit en mesure de se présenter face à celle du maire sortant.
En dépit de ces fortes appréhensions, je voterai la présente proposition de loi, pour une raison très simple : j’ai consulté les maires de mon département qui seraient concernés ; 70 % des maires interrogés m’ont répondu, ce qui constitue un taux de réponse élevé, et à ma grande surprise, 70 % se sont déclarés favorables à cette disposition.
Étant cosignataire des amendements de M. Mizzon, je les voterai naturellement, car il est à mon sens souhaitable de procéder par étapes pour évaluer les effets concrets de cette réforme. Si les craintes que j’ai exprimées se révèlent infondées, nous pourrons alors généraliser ce mode de scrutin.
En tout état de cause, il me semble sage de nous laisser le temps d’observer comment se passe ce changement de mode de scrutin avec un seuil de 500 habitants, voire de 100 habitants, comme le propose notre collègue Mizzon.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 216 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 73 |
Contre | 233 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je souhaitais expliquer mon vote sur l’amendement n° 2 rectifié.
M. le président. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mon cher collègue. Je ne vous avais pas vu.
Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 217 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 68 |
Contre | 239 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 43 est présenté par Mme Bellurot et M. Kerrouche, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 1
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 19 est ainsi modifié :
…) Le IV est abrogé ;
…) Aux premiers alinéas des V et VI, les mots : « de 1 000 habitants et plus » sont supprimés ;
…) Le VII est ainsi rédigé :
« VII. – Dans les communes dans lesquelles une seule liste a obtenu des sièges au conseil municipal lors de son dernier renouvellement ou dans lesquelles il est impossible de constituer une commission complète selon les règles prévues aux V et VI, la commission est composée :
« 1° D’un conseiller municipal pris dans l’ordre du tableau parmi les membres prêts à participer aux travaux de la commission, ou, à défaut, du plus jeune conseiller municipal. Le maire, les adjoints titulaires d’une délégation et les conseillers municipaux titulaires d’une délégation en matière d’inscription sur la liste électorale ne peuvent siéger au sein de la commission en application du présent 1° ;
« 2° D’un délégué de l’administration désigné par le représentant de l’État dans le département ;
« 3° D’un délégué désigné par le président du tribunal judiciaire.
« Lorsqu’une délégation spéciale est nommée en application de l’article L. 2121-36 du code général des collectivités territoriales, le conseiller municipal mentionné au 1° du présent VII est remplacé par un membre de la délégation spéciale désigné par le représentant de l’État dans le département.
« Les conseillers municipaux et les agents municipaux de la commune, de l’établissement public de coopération intercommunale ou des communes membres de celui-ci ne peuvent pas être désignés en application des 2° et 3° du présent VII. »
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 38.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Cet amendement rédactionnel vise à harmoniser les règles de composition des commissions de contrôle des listes électorales.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 43.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il s’agit en effet d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 43.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 4 rectifié est présenté par Mme Romagny, M. Cambier, Mmes Loisier et Perrot, MM. Maurey, Duffourg et Chatillon, Mmes L. Darcos, Pluchet et Noël, MM. Cigolotti, Naturel et Khalifé, Mme Guidez, MM. Laménie, Rochette et Longeot, Mmes Housseau et N. Goulet, MM. Courtial, Genet, Fargeot et Canévet, Mme Sollogoub et M. Haye.
L’amendement n° 33 rectifié est présenté par M. Roux et Mmes M. Carrère et Jouve.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
1° Première phrase
Après les mots :
conseillers municipaux
insérer les mots :
des communes de 500 habitants et plus
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les membres des conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants sont élus au scrutin majoritaire à deux tours.
II. – Alinéas 4 et 8
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° ter Le second alinéa de l’article L. 257 est complété par les mots : « dans les communes de moins de 500 habitants » ;
IV. – Alinéa 19
Après la référence :
L. 258-1
insérer les mots :
Dans les communes de 500 habitants et plus,
V. – Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 260 est complété par les mots : « dans les communes de 500 habitants et plus » ;
VI. – Alinéa 23
Remplacer les mots :
moins de 1 000
par les mots :
500 à 999
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.
Mme Anne-Sophie Romagny. Je m’étonne que ces deux amendements identiques n’aient pas été examinés en discussion commune avec les amendements nos 2 rectifié et 3 rectifié de M. Mizzon, puisque leur objet est proche. Peut-être est-ce dû à une nuance rédactionnelle ?
Quoi qu’il en soit, je souhaite adapter la modification du scrutin aux contraintes réelles des élus ruraux. À cet effet, nous proposons d’atténuer la réforme en ouvrant le scrutin de liste aux seules communes de plus de 500 habitants et en maintenant un scrutin majoritaire à deux tours pour les communes de moins de 500 habitants.
L’idée est de procéder étape par étape. Nous savons bien que lorsque le mouvement du balancier l’amène trop loin, il convient de trouver des mesures d’équilibre. C’est précisément ce que je propose de faire par cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Chère collègue, les amendements de M. Mizzon étaient des amendements de rédaction globale de l’article. Aussi, ils ne pouvaient pas faire l’objet d’une discussion commune avec vos amendements.
La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 37 rectifié est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 44 est présenté par Mme Bellurot et M. Kerrouche, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Article 1er
I. – Alinéa 3
1° Première phrase, au début :
insérer les mots :
Dans les communes de moins de 1 000 habitants,
2° Seconde phrase, après le mot :
Toutefois,
insérer les mots :
pour l’application de l’article L. 260,
II. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserves de l’article L. 252.
III. – Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 256. –Est nul tout bulletin qui ne répond pas aux conditions de l’article L. 255-2, à l’exception des bulletins blancs.
« Est nul tout bulletin établi au nom d’une liste dont la déclaration de candidature n’a pas été régulièrement enregistrée. »
IV. – Alinéa 16, seconde phrase
1° Remplacer les mots :
dans l’année
par les mots :
à partir du 1er janvier de l’année
et les mots :
plus de la moitié
par les mots :
la moitié ou plus
2° Compléter cette phrase par les mots :
ou qu’il compte moins de quatre membres ;
V. – Alinéa 19
Compléter cet alinéa par les mots :
, selon les modalités prévues aux articles L. 255-2, L. 256 et L. 262.
VI. – Alinéa 20, au début
Remplacer les mots :
par dérogation au
par les mots :
pour l’application du
VII. – Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
VIII. – Après l’alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 262 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … . – Lorsque le nombre de sièges attribué à une liste est supérieur à son nombre de candidats, les sièges qui ne peuvent être répartis dans les conditions prévues au I restent vacants. » ;
IX. – Alinéa 26
1° Remplacer les mots :
plus de la moitié
par les mots :
la moitié ou plus
2° Compléter cet alinéa par les mots :
ou qu’il compte moins de quatre membres ;
X. – Alinéa 28
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 44.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Amendement rédactionnel.
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Roux et Guiol, Mme Jouve et M. Bilhac, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après le mot :
Toutefois,
insérer les mots :
dans les communes de moins de 500 habitants,
II. – Alinéa 20
Après les mots :
du présent article,
insérer les mots :
dans les communes de moins de 500 habitants,
III. – Alinéa 23
Remplacer le nombre :
1 000
par le nombre :
500
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Tout en comprenant les difficultés que certaines petites communes peuvent rencontrer à former des listes complètes, je souhaite attirer votre attention sur le fait qu’en cas d’élection d’une liste incomplète, le conseil municipal pourrait peiner à maintenir un effectif complet durant tout son mandat, mes chers collègues. La charge de travail reposerait de ce fait sur un plus petit nombre d’élus, ce qui rendrait plus difficile l’exercice de leur mandat.
Par ailleurs, je crains que la concurrence entre listes complètes et incomplètes avantage ces dernières, ce qui ne manquera pas de faire du dépôt de listes incomplètes la norme.
Je propose donc de réserver la possibilité de déposer des listes incomplètes aux communes de moins de 500 habitants, qui, dans les faits, disposent d’un gisement plus faible de candidats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. L’avis de la commission sur certains de ces amendements vient en quelque sorte d’être donné sur les amendements précédents.
Les amendements identiques nos 4 rectifié et 33 rectifié de nos collègues Anne-Sophie Romagny et Jean-Yves Roux visent à restreindre l’extension du scrutin de liste aux seules communes de 500 à 999 habitants, tout comme l’amendement n° 2 rectifié de M. Mizzon, que nous avons rejeté. Comme je l’ai précédemment indiqué, la commission souhaite harmoniser le mode de scrutin et tendre vers une égalité de traitement entre les communes.
L’avis est donc défavorable sur ces amendements identiques.
L’amendement n° 34 rectifié de Jean-Yves Roux vise à limiter la possibilité de déposer des listes incomplètes aux communes de moins de 500 habitants, quand la proposition de loi donne cette possibilité à toutes les communes de moins de 1 000 habitants.
Une telle restriction me paraît problématique pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, cette autorisation de déposer des listes incomplètes a vocation à tenir compte des difficultés réelles des petites communes et à aider ces dernières. Il s’agit en effet de faciliter l’application du scrutin de liste aux réalités de nos territoires.
Ensuite, cette possibilité garantit le pluralisme.
Enfin, il s’agit non pas d’une règle générale, mais d’une simple faculté, à laquelle les communes pourront recourir ou non.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. Monsieur le président, je demande le vote par priorité des amendements identiques nos 37 rectifié et 44.
M. le président. Je suis saisi d’une demande de la commission tendant au vote par priorité des amendements identiques nos 37 rectifié et 44.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Avis favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. L’objet des amendements identiques nos 4 rectifié et 33 rectifié est proche de celui l’amendement n° 2 rectifié, puisque comme ce dernier, ils tendent à instaurer des sous-classements, alors que je suis favorable à une règle universelle.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
En ce qui concerne l’amendement n° 34 rectifié, j’estime qu’il faut être attentif à coordonner les mesures de différenciation avec le mode de scrutin. En l’occurrence, ce que vous proposez, madame Jouve, revient à mélanger deux modes de scrutins : le scrutin majoritaire plurinominal et le scrutin de liste. Cela ne fonctionne pas du tout ! Il s’agit d’une complexification certes très artistique, mais tout de même substantielle du scrutin municipal.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, j’avoue que je suis complètement larguée. Peut-être est-ce lié à la jeunesse de ma fonction, mais je ne comprends ni pourquoi mon amendement ne fait pas l’objet d’une discussion commune avec les amendements nos 2 rectifié et 3 rectifié de M. Mizzon ni pourquoi il est en discussion commune avec les amendements identiques du Gouvernement et de la commission, dont l’objet porte sur un tout autre sujet.
Par ailleurs, je n’ai pas saisi sur quels amendements nous nous apprêtons à délibérer.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques nos 37 rectifié et 44, dont la commission a demandé le vote par priorité, ma chère collègue. Si ces amendements identiques sont adoptés, les amendements faisant l’objet d’une discussion commune n’auront plus d’objet. (Exclamations sur des travées du groupe UC.)
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. La commission a demandé le vote par priorité de son amendement, dont l’adoption priverait le vôtre de son objet, afin de ne pas prendre le risque de le voir adopté, madame Romagny. Ainsi, nous n’aurons pas l’occasion de nous positionner sur l’instauration d’une dérogation pour les communes de moins de 500 habitants.
Autant nous dire les choses tranquillement, mes chers collègues ! Ce n’est pas grave ! Ce recours au règlement traduit les rapports de force qui existent au sein de cet hémicycle. Dont acte.
En ce qui concerne ces amendements, je constate que nous cherchons à simplifier, mais que certains souhaitent instaurer des dérogations à chaque disposition, voire cherchent des pis-aller, quitte à aller trop vite et à ne pas tenir compte de la complexité du sujet.
Par ailleurs, en quoi simplifions-nous la vie des communes en considérant qu’une liste de cinq noms est complète pour une commune dont le conseil municipal doit compter au minimum sept membres, mes chers collègues ? Je continuerai de poser cette question jusqu’à ce qu’on y réponde. Dans le cas d’un conseil constitué de cinq membres dont deux membres démissionneraient, le conseil municipal ne serait plus constitué que de trois personnes. Est-ce cela l’avenir de nos communes ? Cela ressemble-t-il à un beau projet municipal ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Je suis favorable au vote par priorité demandé par la commission. Il ne s’agit en aucun cas de masquer quoi que ce soit ou de se dérober. Comme cela a été indiqué, les amendements identiques n° 4 rectifié et 33 rectifié sont des déclinaisons de l’amendement n° 2 rectifié de M. Mizzon. Or celui-ci visant à instaurer différentes classifications, j’ai émis un avis défavorable, et cet amendement a été rejeté.
S’il ne me paraît donc pas problématique de procéder de cette manière, cela n’a peut-être pas été expliqué de manière assez claire, ce à quoi j’espère avoir remédié, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Il me semble qu’il y a une certaine confusion. Peut-être ne suis-je pas assez réactif, mais je n’ai pas bien compris ce qu’il se passait.
Je sollicite donc une suspension de séance pour avoir le temps d’en discuter, monsieur le président. (Mme Anne-Sophie Romagny applaudit.)
M. le président. Nous ne faisons qu’appliquer le règlement du Sénat : lorsque la commission demande un vote par priorité et que le Gouvernement l’accepte, celui-ci est de droit. C’est pourquoi nous allons nous prononcer en priorité sur les amendements identiques nos 37 rectifié et 44, mes chers collègues. Si ces amendements identiques sont adoptés, les amendements en discussion commune n’auront plus d’objet. (Murmures sur plusieurs travées.)
La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Je sollicite également une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis conscient, mes chers collègues, que l’ordre de mise aux voix des amendements peut sembler complexe, mais il est déterminé par le règlement de notre assemblée, qui a été approuvé par le Conseil constitutionnel.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Je veux, après cette suspension de séance, revenir sur la confusion qui a pu s’instaurer quant aux raisons qui justifient que l’amendement n° 4 rectifié de Mme Romagny n’ait pas été examiné en même temps que l’amendement n° 2 rectifié de M. Mizzon, dont l’objet était similaire. La question est d’ordre purement légistique ; elle a donc pu être réglée par les services administratifs de la séance, mais je veux expliquer la réponse apportée.
Tout d’abord, l’amendement de M. Mizzon tendait à réécrire l’intégralité de l’article 1er, ce qui n’est pas le cas de l’amendement de Mme Romagny. La proposition de cette dernière étant individualisée, si je puis dire, elle devait être traitée ensuite.
Par ailleurs, si cet amendement est en discussion commune avec, entre autres, l’amendement n° 34 rectifié de M. Roux, c’est parce qu’ils tendent à modifier les mêmes alinéas de l’article, quand bien même leurs thématiques peuvent sembler différentes.
Enfin, dans la mesure où nous avons, d’une certaine façon, eu une indication du sort que pourrait recevoir l’amendement de Mme Romagny avec le vote défavorable de notre assemblée sur l’amendement de M. Mizzon, la commission, comme elle en a le droit, a demandé que soient mis au vote en priorité son amendement et celui, identique, du Gouvernement, dont l’adoption réglerait une grande partie des problématiques que nous avons évoquées à ce moment de notre débat.
Voilà ce que je peux dire pour clarifier autant que possible la situation ; ce sont des raisons purement légistiques qui président à cet ordre de discussion des amendements.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 rectifié et 44.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 218 :
Nombre de votants | 308 |
Nombre de suffrages exprimés | 268 |
Pour l’adoption | 245 |
Contre | 23 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 4 rectifié, 33 rectifié et 34 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Mizzon, Maurey et Laugier, Mme Loisier, MM. Henno et Cambier, Mme Sollogoub, M. Kern, Mme Guidez, M. Menonville, Mmes Romagny et Perrot et MM. Duffourg, Parigi, Capo-Canellas et Folliot, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par les mots :
, chaque liste comportant au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir et, au plus, 2 candidats supplémentaires
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Par cet amendement, je propose que dans les communes de moins de 1 000 habitants, des candidats supplémentaires puissent être inscrits sur les listes, comme cela est déjà possible pour les communes de 1 000 habitants et plus. Ces petites communes connaissent en effet également des aléas, des soucis, des démissions. Dès lors, pour le bon fonctionnement de leur conseil municipal, il serait utile qu’elles puissent bénéficier des mêmes dispositions que les communes plus peuplées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Monsieur Mizzon, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement, qui est parfaitement satisfait, puisque la possibilité d’inscrire deux candidats supplémentaires dans les listes est déjà prévue dans le texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Cette demande est si pertinente qu’elle a déjà été entendue et qu’elle est prise en compte dans le texte de la commission. Vous êtes donc totalement satisfait, cher monsieur Mizzon ! Je vous invite donc également à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Mizzon, l’amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Mizzon. Non, monsieur le président, je le retire ; je n’en demandais pas tant ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Médevielle, Grand, Rochette, Khalifé et Paccaud, Mme F. Gerbaud, M. Chatillon, Mme Perrot, M. Panunzi, Mmes Evren, P. Martin et Guidez et M. Folliot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au début de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 264, sont insérés les mots : « Dans les communes de 500 habitants et plus, » ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement m’a été suggéré par les maires que j’ai interrogés. Dans les communes de moins de 500 habitants, il est parfois difficile de constituer des listes paritaires. Il me semble donc pertinent de ne pas faire de la parité une obligation pour ces communes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. L’obligation de parité est au cœur de l’article 1er, que notre assemblée a décidé de ne pas supprimer. Revenir sur cette obligation serait donc à l’évidence contraire à l’esprit même que nous entendons donner à cette proposition de loi. Je tiens aussi à rappeler que l’exigence de parité est inscrite dans notre Constitution.
Par ailleurs, si l’on peut comprendre la crainte de ne pas disposer d’un nombre suffisant de femmes pour constituer des listes paritaires, je reste convaincue qu’elle est infondée. On l’a entendu exprimer chaque fois que le législateur a voulu instaurer des scrutins de liste paritaire, y compris en 2013, quand cette obligation a été étendue aux communes de 1 000 à 3 500 habitants, mais cette inquiétude a été dissipée par la pratique. Je le redis, le nombre de femmes maires est élevé dans les petites communes ; c’est même dans les communes de moins de 100 habitants qu’elles sont les plus nombreuses. Par conséquent, je crois sincèrement qu’il n’y a pas de crainte à avoir et que l’adaptation se fera.
Je vous demande donc, monsieur Chasseing, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Chasseing, avec votre amendement, nous revenons sur un sujet dont nous avons déjà débattu. Je suis en accord total avec Mme la rapporteure ; le souhait du Gouvernement concorde avec la volonté des auteurs de cette proposition de loi : j’estime en effet qu’il convient d’engager un renforcement de la démocratie, par le biais du principe « une liste, une équipe, un projet ».
Par conséquent, tout comme Mme la rapporteure, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 28 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Je le maintiens, monsieur le président !
M. Pierre Jean Rochette. Il persiste ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je ne voterai pas cet amendement, mais je ne voterai pas non plus l’article 1er. Je pense qu’on mélange deux choses. Selon moi et l’ensemble de mon groupe, la question n’est pas : pour ou contre la parité. (M. Patrick Kanner le conteste.)
Non, mon cher collègue ! Pardonnez-moi, vous avez le droit de ne pas être d’accord avec moi, mais je m’efforce d’expliquer depuis le début de cette séance – ceux qui sont dans cet hémicycle depuis quatorze heures trente le savent – que je ne m’inscris pas dans cette logique, et je continuerai de le faire en tant que de besoin.
Concernant cet amendement, j’estime – cela a été soulevé – que son adoption poserait une difficulté d’ordre constitutionnel. Mais le débat principal, à mon sens, est autre. Ce qui importe – j’y ai déjà fait allusion tout à l’heure –, ce sont les difficultés de nos élus.
Certains ici veulent la parité sans le scrutin de liste ; d’autres, le scrutin de liste sans la parité. Mais enfin, le code électoral, ce n’est pas une carte de restaurant où l’on compose son menu suivant ses goûts !
Pour ma part, j’estime que la présente proposition de loi, telle qu’elle est rédigée aujourd’hui, ne permettra pas de faire face à tous les enjeux qui ont été évoqués ; c’est bien, avec toutes les autres raisons qui ont été exposées, ce qui motivera notre vote contre l’article 1er. Ce texte ne réglera rien, la crise de la politique continuera et l’on en reparlera encore et encore dans les années qui viennent.
Je ne veux pas laisser croire que l’on pourrait avoir le scrutin de liste sans parité ; cela va ensemble. Soit on instaure un scrutin de liste paritaire dans toutes les communes, ce qui aura toutes les conséquences que l’on a exposées, avec des listes uniques de partout – on aura, nous dit-on, renforcé la vitalité démocratique de nos communes, mais il faudra en reparler quand plus personne n’ira voter ; soit, à l’inverse, on en reste au système électoral actuel, auquel cas on pourra prendre d’autres mesures pour réellement renforcer la vitalité démocratique.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 219 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 17 |
Contre | 308 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote sur l’article.
M. Cédric Vial. On ne va pas refaire le match des amendements de suppression de l’article, mais le sujet est tout de même important : ce texte ayant déjà été approuvé par l’Assemblée nationale, ce que l’on s’apprête à voter a de bonnes chances de s’appliquer bientôt dans tous nos territoires, mes chers collègues.
Ce dont nous débattons, le choix entre scrutin uninominal et scrutin de liste, ressemble un peu aux deux façons que l’on a de voter dans notre assemblée : d’un côté, les scrutins publics ; de l’autre, les votes de ceux d’entre nous qui sont réellement présents dans l’hémicycle.
Eh bien, mes chers collègues socialistes, si l’on n’avait pas eu recours au scrutin public tout à l’heure, nos amendements de suppression de l’article 1er auraient probablement été adoptés. Le scrutin public, comme le scrutin de liste, réintroduit de la politique, quand nous aurions pu simplement faire voter les sénateurs présents qui ont discuté du texte. C’est cette logique politique, très efficace, qui va faire que, probablement, ce texte sera adopté, qui aura des effets considérables dans nos territoires.
Monsieur Kanner, je m’adresse à vous avec tout le respect que j’éprouve envers vous et envers vos fonctions présentes et passées. Tout à l’heure, vous avez tout dit : vous nous avez expliqué que c’était grâce à vous – à cause de vous, dirais-je plutôt – que l’on avait adopté le nouveau mode de scrutin des élections départementales.
Vous en êtes très fier ! Mais ce mode de scrutin a dénaturé les cantons. Auparavant, ceux-ci avaient un sens ; maintenant, ils l’ont perdu. Auparavant, chacun connaissait son conseiller départemental ; maintenant, on ne les connaît plus. Je comprends maintenant pourquoi ceux qui promeuvent aujourd’hui la réforme du mode de scrutin municipal sont ceux-là mêmes qui, comme vous, défendaient à l’époque cette réforme cantonale, et qui en sont toujours fiers.
Pour ma part, j’y étais farouchement opposé et je le suis plus encore aujourd’hui, mais il est finalement logique que vous vouliez aujourd’hui modifier de la même manière les scrutins municipaux. J’estime simplement que l’erreur sera tout aussi fatale qu’elle l’a été pour les conseillers départementaux, qui sont aujourd’hui très peu connus et très peu représentatifs à cause de cette réforme de leur mode d’élection. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour explication de vote sur l’article.
M. Cédric Chevalier. Comme l’a très bien dit Cédric Vial, on ne va pas refaire le match. À titre personnel, je voterai contre cet article. Je souhaite toutefois vous dire que j’ai l’impression que nous nous apprêtons à ouvrir une boîte de Pandore, mes chers collègues.
On verra bien ce qui se déroulera en mars 2026, mais nous aurons envoyé aujourd’hui un message clair aux maires actuels : nous leur aurons dit qu’ils ne sont pas capables d’animer correctement la vie démocratique dans les petites communes de moins de 1 000 habitants, alors même qu’ils ont prouvé depuis longtemps qu’ils l’étaient ! Je souhaite donc bien du plaisir aux sénateurs et sénatrices qui se représenteront en 2026 et auront à leur expliquer leur vote en faveur de ce texte !
M. Cédric Vial. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote sur l’article.
M. Patrick Kanner. Je ne rentrerai pas dans une controverse personnelle avec notre collègue Cédric Vial, envers qui j’éprouve également beaucoup de respect.
La réponse que je tiens cependant à lui apporter ne portera pas essentiellement sur le mode de scrutin départemental. Rappelons simplement que l’hypothèse alternative à celle qui a été retenue consistait à faire de cette élection un scrutin de liste à la proportionnelle ; celui qui vous parle s’y est opposé afin de préserver l’ancrage territorial permis par un scrutin majoritaire à deux tours. Notre collègue Philippe Grosvalet, qui était à l’époque, comme moi, président de département, peut en témoigner.
Non, ma réponse portera sur les scrutins publics dans notre hémicycle. Il s’agit d’un outil que la majorité sénatoriale défend mordicus, ce qui n’est pas du tout notre cas. Combien de fois, chers collègues de la majorité, y avez-vous eu recours alors que vous étiez minoritaires dans l’hémicycle, et avez-vous ainsi réussi, si vous me permettez l’expression, à flinguer telle ou telle disposition défendue par les groupes de gauche, quand ce n’était pas une proposition de loi entière ?
Si vous voulez mon sentiment, je vous dirai que je préférerais très largement que notre assemblée pratique le scrutin public tel qu’il existe à l’Assemblée nationale, où chacune et chacun n’a qu’une voix et une procuration au maximum.
M. André Reichardt. Pourquoi n’avez-vous pas changé cela quand vous aviez la majorité ?
M. Patrick Kanner. Dans ce cas, nous verrions qui serait le plus mobilisé pour défendre ses textes.
Alors, monsieur Vial, concernant le scrutin public, adressez-vous à qui de droit, mais ce ne sont pas du tout les socialistes qui y sont favorables dans cet hémicycle !
M. André Reichardt. Mais vous l’avez été !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 220 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 233 |
Contre | 79 |
Le Sénat a adopté. (Mmes Sonia de La Provôté et Ghislaine Senée applaudissent.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi afin d’étendre l’application des dispositions de la présente loi, avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
II. – L’ordonnance prévue au I est prise dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Cet amendement vise à permettre les adaptations nécessaires à l’application de ce texte en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Cet amendement vise bien à habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance aux adaptations nécessaires à l’application de ce texte en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Sur ce point, la commission s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
En effet, nous comprenons la perspective d’une harmonisation des dispositions applicables à ces deux territoires avec celles adoptées pour l’Hexagone. Néanmoins, il faut à notre sens nous montrer prudents. L’extension aux communes de moins de 1 000 habitants du scrutin de liste, dont nous débattons depuis tout à l’heure, fait l’objet de demandes réitérées en France. Il nous semble toutefois qu’aucune consultation n’a été menée sur ce sujet en Nouvelle-Calédonie ni en Polynésie française.
Il est donc délicat de nous prononcer aussi rapidement sur ce point, d’autant que la question de l’outre-mer n’a pas été spécifiquement abordée par l’Assemblée nationale lors de son examen du présent texte.
Si nous habilitons le Gouvernement à procéder par ordonnance, le Parlement n’aura plus, par définition, de droit de regard sur les dispositions qui seront ainsi prises. Il nous paraît donc préférable de prendre du recul, de manière à préciser, le cas échéant, le champ de l’habilitation. À cette fin, le Gouvernement devrait s’engager à procéder aux consultations nécessaires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. J’entends les observations du rapporteur. Il est vraiment nécessaire de discuter et de dialoguer pour permettre l’application de ce texte en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, territoire dont la situation est tout à fait particulière. En tout état de cause, cette adaptation ne peut se faire sans dialogue avec les territoires concernés.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 1er bis (nouveau)
I. – Le titre V du livre Ier du code électoral est ainsi modifié :
1° À l’intitulé du chapitre Ier, le mot : « communes » est remplacé par le mot : « applicables » ;
2° Le chapitre II devient une section 4 intitulée : « Dispositions relatives à l’élection et au remplacement des conseillers communautaires », qui comprend les articles L. 273-6 à L. 273-10 ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 273-6, les mots : « représentant les communes de 1 000 habitants et plus au sein » sont supprimés ;
4° Le chapitre III est abrogé.
II. – La cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 5211-6, les mots : « ou du I de l’article L. 273-12 » sont supprimés ;
2° Le 1° de l’article L. 5211-6-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , sous réserve des adaptations prévues au présent 1° » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Chevalier, Laménie, Brault et Grand, Mme L. Darcos, MM. D. Laurent, V. Louault, Khalifé et Verzelen, Mme Guidez, MM. Longeot et Somon et Mmes Romagny et Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cédric Chevalier.
M. Cédric Chevalier. Je le retire, monsieur le président ; il me semble sans objet après le rejet de mon amendement de rejet de l’article 1er, dont il visait à tirer les conséquences. Je retirerai pour les mêmes raisons les autres amendements que j’ai déposés sur ce texte.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 1° de l’article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « dont le conseil municipal est élu selon les modalités prévues au chapitre II du titre IV du livre Ier du code électoral » sont remplacés par les mots : « de moins de 1 000 habitants » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « dont le conseil municipal est élu selon les modalités prévues au chapitre III du titre IV dudit livre Ier » sont remplacés par les mots : « de 1 000 habitants et plus ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Cet amendement, s’il contient des mesures de coordination, a surtout pour objet de maintenir, pour les communes de moins de 1 000 habitants, la désignation des conseillers municipaux pris dans l’ordre du tableau comme conseillers communautaires.
C’est un sujet sur lequel on doit être bien conscient des effets que peuvent avoir les dispositions que l’on adopte. Dans la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et Proximité, afin de sécuriser la position des communes de moins de 1 000 habitants, qui ne disposent que d’un conseiller communautaire, et d’éviter certains irritants, le Sénat comme l’Assemblée nationale avaient retenu le système selon lequel, dans ce cas de figure, c’est de facto le maire qui est désigné comme conseiller communautaire, à moins qu’il ne décide de laisser sa place à quelqu’un d’autre.
Or si l’on peut convenir que le système de fléchage appliqué aujourd’hui dans les communes de 1 000 habitants et plus permettrait qu’une première désignation soit à peu près sécurisée dans ces plus petites communes, en revanche, si le maire et conseiller communautaire devait démissionner, le nouveau maire ne serait pas, de facto, désigné comme conseiller communautaire. Cela nous semble de nature à susciter de l’irritation dans ces communes, mais surtout des dissensions au sein des intercommunalités.
Il vous est donc proposé de conserver le système existant pour les communes de moins de 1 000 habitants. J’espère avoir été claire !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Madame la ministre, je vous rassure, vous avez été claire !
La commission a introduit cet article afin d’aller au bout de la logique d’harmonisation qui sous-tend ce texte et d’étendre le fléchage pour la désignation des conseillers de communautés de communes de moins de 1 000 habitants. Cette disposition nous avait paru raisonnable dans un souci de simplification et de lisibilité.
J’ajoute que certains maires regrettent de ne pas jouir de la même légitimité démocratique que les conseillers communautaires élus au suffrage universel direct.
Depuis l’adoption de cette disposition par la commission, de nombreux élus nous ont toutefois interpellés – je l’ai moi-même été ce week-end dans le département dont je suis élue – sur le fait qu’un tel mode de désignation ne garantit pas à un maire nouvellement élu qu’il occupera la place de conseiller communautaire vacante. Nous entendons ces difficultés et les craintes légitimes que celles-ci suscitent.
En conséquence, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement qu’à titre personnel, je voterai.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Nous ne voterons pas cet amendement, car il nous paraît cohérent, dans une logique de liste, d’appliquer également des modalités de désignation des conseillers communautaires par fléchage. Une telle harmonisation nous semble pertinente.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’adore le Sénat dans ces moments ! Depuis deux heures et demie, de nombreux collègues nous expliquent qu’il faut tout harmoniser, tout uniformiser, et que tout ira bien.
Pourtant, en réalité, nous n’avons pas parachevé cette harmonisation, cette uniformisation, car, comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue M. Vial, en cas de démission d’un tiers de l’effectif théorique du conseil municipal, les communes de moins de 1 000 habitants ne pourront organiser que des élections complémentaires. Et là surgit une petite difficulté : lors de l’élection, on dépose sa liste et on procède au fléchage, mais en cas d’élection complémentaire, celui-ci ne peut plus s’imposer. Alors, que faire ? Rédiger un nouvel amendement, car bien que l’objectif soit de simplifier et de renforcer la vitalité démocratique, nous n’y avons pas contribué par l’article 1er, mes chers collègues !
Résultat : nous tentons, à l’article 1er bis, de réparer les choses. Voyez-vous, cela me fait sourire. Nous n’allons même pas voter contre, nous allons nous abstenir, tant la situation est cocasse !
Je vous donne toutefois rendez-vous pour la suite, car j’ai la conviction que nous allons trouver encore de nombreuses dispositions de ce type, dont personne n’a vu venir les conséquences. (Marques d’approbation sur certaines travées.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Nous abordons le gras du problème, si je puis dire, mes chers collègues : dans certains cas, le fléchage se heurte aux réalités du terrain. Dans les petites communes, il arrive en effet que des accords locaux conclus après les élections prévoient que le maire cède sa place pour permettre au deuxième de la liste de siéger au conseil communautaire. Bienvenue dans le monde réel !
Dans certaines communes, de tels accords ont même emporté la démission de quatre personnes, de sorte qu’un sénateur puisse conserver son siège au conseil communautaire ! (Exclamations.)
Mme Cécile Cukierman. Ah non, ça ne se fait pas ! (Sourires.)
M. Vincent Louault. Je l’ai fait moi-même, car c’était le seul moyen de garder un pied dans ma communauté de communes et de rester connecté à mon territoire, alors même que l’on m’interdit tout cumul de mandats. En tout état de cause, il faut laisser cette possibilité ouverte.
Je salue votre ouverture au bon sens et je vous en remercie, madame la ministre.
Mon groupe votera bien évidemment cet amendement, mais je suis convaincu que nous n’avons pas fini d’assurer le service après-vente de cette future loi, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je n’ajouterai rien à la parfaite démonstration de notre collègue Cécile Cukierman. Il s’agit là d’une extraordinaire simplification, bravo ! (Mme Cécile Cukierman rit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. J’entends toutes les interventions et je les comprends.
Si l’on s’oppose à tout assouplissement, on peut naturellement ne pas voter cet amendement.
La simplification qu’apporte ce texte consiste dans l’uniformisation du type de scrutin pour toutes les communes. Lorsque l’on constitue une équipe et un projet et que les électeurs peuvent voter pour la liste de leur choix en connaissance de cause, j’estime que l’on respecte la démocratie.
Depuis l’ouverture de nos débats, les rapporteurs et moi-même ne cessons de vous indiquer que nous prenons en compte la situation des plus petites communes. Telle est la raison pour laquelle nous avons proposé l’incomplétude des listes pour les communes de moins de 1 000 habitants, disposition qui n’a soulevé aucune objection.
Le présent amendement vise à pallier les effets collatéraux de cette disposition. Cette proposition me paraissant conforme à ce que le Sénat a voté en 2019 pour remédier à un irritant, j’ai supposé que votre assemblée considérerait la difficulté que je soulève comme très importante, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je soumets donc cette proposition à votre vote, convaincue qu’elle sert l’intérêt des communes et que les maires seront heureux de cette solution en cas de démission.
Libre à vous de préférer vous en tenir à un modèle uniforme. À chacun son choix !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 5 rectifié et 45 n’ont plus d’objet.
Article 1er ter (nouveau)
La deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « élus », la fin du troisième alinéa de l’article L. 2112-3 est ainsi rédigée : « au scrutin majoritaire plurinominal, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au début du dernier alinéa de l’article L. 2121-22, les mots : « Dans les communes de plus de 1 000 habitants, » sont supprimés ;
3° L’article L. 2122-7-1 est abrogé ;
4° L’article L. 2122-7-2 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Dans les communes de 1 000 habitants et plus, » sont supprimés ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’avant-dernier alinéa du présent article, en cas de vacance dans les communes de moins de 1 000 habitants, le ou les adjoints sont désignés parmi les conseillers, sans tenir compte du sexe de ces derniers. »
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Chevalier, Laménie, Brault et Grand, Mme L. Darcos, MM. D. Laurent, V. Louault, Khalifé et Verzelen, Mme Guidez, MM. Longeot et Somon et Mmes Romagny et Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cédric Chevalier.
M. Cédric Chevalier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.
(M. Dominique Théophile remplace M. Alain Marc au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
vice-président
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Le présent amendement tend à supprimer, pour les communes de moins de 1 000 habitants, l’obligation de représentation proportionnelle et, partant, paritaire, au sein des commissions municipales.
En effet, des obligations de proportionnalité trop contraignantes peuvent rendre difficile la constitution de telles commissions.
Je rappelle que ces commissions ont pour mission d’étudier des questions thématiques, mais qu’elles ne disposent en aucun cas d’un pouvoir de décision. La présente proposition relève donc, une fois de plus, d’un assouplissement de bon sens.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Romagny, M. Cambier, Mmes Loisier et Perrot, MM. Maurey, Duffourg et Chatillon, Mmes L. Darcos, Pluchet et Noël, MM. Cigolotti, Naturel et Khalifé, Mme Guidez, MM. Laménie, Rochette et Longeot, Mmes Housseau et N. Goulet, MM. Courtial, Genet, Fargeot et Canévet, Mme Sollogoub et M. Haye, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
plus de 1 000
par les mots :
500 habitants et plus
II. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Au début du premier alinéa, le nombre : « 1 000 » est remplacé par le nombre : « 500 » ;
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. La disposition visée n’ayant pas été adoptée, cet amendement rédactionnel n’a plus d’objet. Je le retire donc, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié est retiré.
L’amendement n° 27 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, M. Bonneau, Mmes F. Gerbaud et Perrot, M. Saury, Mmes Guidez, de La Provôté et P. Martin, MM. Parigi et Levi, Mme N. Goulet, M. Courtial, Mme Sollogoub, MM. Genet, Fargeot, Canévet, Duffourg et Haye et Mme Gacquerre, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. Cet amendement vise à supprimer l’extension aux communes de moins de 1 000 habitants des modalités de désignation au scrutin de liste paritaire des adjoints au maire.
Nous sommes en train d’assurer le service après-vente de ce texte, mes chers collègues. La tâche se révélant déjà ardue, je propose que nous n’ajoutions pas de la complexité à la complexité. Il me paraît à ce titre bienvenu de dispenser les communes de moins de 1 000 habitants de la désignation paritaire des adjoints au maire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Sur l’amendement n° 42 du Gouvernement, qui vise à introduire un peu de souplesse dans le dispositif concerné, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
L’amendement n° 27 rectifié bis tend à supprimer le dispositif d’harmonisation du mode d’élection des adjoints au maire. En commission, nous nous sommes déjà efforcés d’assouplir ce dispositif, de sorte qu’un adjoint au maire peut désormais être remplacé par un élu qui n’est pas du même sexe. Nous avons ainsi introduit une souplesse dans l’élection des nouveaux adjoints dont j’estime qu’elle répond, au moins en partie, à votre préoccupation, ma chère collègue.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 27 rectifié bis ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Dans l’esprit de mes propos précédents, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 221 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 120 |
Contre | 192 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 1er ter, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 222 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 252 |
Contre | 55 |
Le Sénat a adopté.
Après l’article 1er ter
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié ter, présenté par Mme Canayer, MM. Chauvet, Lemoyne et Brisson, Mmes Berthet, Guidez et Dumont, MM. P. Martin et Lefèvre, Mme Hybert, M. Milon, Mme Richer, MM. D. Laurent, Sautarel, L. Vogel, Panunzi, Maurey, Belin, Henno, A. Marc, Bouchet, Klinger, Chasseing et Chatillon, Mmes M. Mercier et Belrhiti et MM. Genet, P. Vidal et C. Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2122-7-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-7-…. – Par dérogation à l’article L. 2122-7-2, dans les communes de moins de 1 000 habitants, lors de l’élection des adjoints, il n’est pas nécessaire que la liste soit composée alternativement d’un candidat de chaque sexe, si en incluant le maire, il est préservé le différentiel de parité d’une unité. »
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Cet amendement pourrait être considéré comme un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 27 rectifié bis de Mme Romagny, ou simplement comme un amendement de bon sens relatif au choix des adjoints.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, il conviendrait en effet de prendre en compte le sexe du maire : actuellement, si le maire est un homme, son équipe, par exemple lorsqu’elle est constituée de deux adjoint, ne peut pas être exclusivement composée d’adjointes, et ce même si la parité est globalement respectée.
Cet amendement vise à remédier à cette situation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Tout en comprenant les arguments de notre collègue, je rappelle que l’élection du maire et l’élection des adjoints sont deux élections distinctes. Nous avions du reste déjà été confrontés à cette difficulté lors des débats qui ont donné lieu à la loi Engagement et Proximité.
Le dispositif proposé présente plusieurs inconvénients.
L’élection du maire et celle de ses adjoints sont tout d’abord considérées comme n’en formant qu’une seule, la première conditionnant l’autre, ce qui constitue un premier écueil.
Une telle disposition contribuerait ensuite à rendre plus complexe le calcul présidant au respect de la règle de parité, et elle entrerait en contradiction avec la rédaction de l’article 1er ter tel qu’adopté par la commission, puis par le Sénat tout entier.
Ce dispositif créerait enfin une césure entre les modalités d’application de la parité pour les communes de 500 à 1 000 habitants, d’une part, et pour celles de 1 000 à 1 500 habitants, d’autre part, alors même que l’ensemble de ces communes disposent du même effectif légal et du même nombre d’adjoints.
Une telle différence de traitement contribuerait donc à complexifier le dispositif, alors même que, selon moi, elle n’est pas justifiée.
La commission souhaitant obtenir un vote conforme de ce texte par l’Assemblée nationale, il paraît préférable de nous en tenir à la règle de parité que nous avons mise en place et aux possibilités d’adaptation dont nous l’avons assortie, mes chers collègues.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Je reconnais votre créativité tout à fait remarquable, madame la sénatrice. (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Légendaire !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Ainsi que l’a souligné M. le rapporteur, par cette disposition, vous entendez faire en sorte que deux droites parallèles se rencontrent, puisque vous visez deux élections distinctes : celle du maire, d’une part, et celle des adjoints, d’autre part.
Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il y a quelques minutes, nous avons débattu de l’amendement n° 42, par lequel Mme la ministre nous proposait de supprimer toute représentation paritaire au sein des commissions municipales.
L’amendement de notre collègue Agnès Canayer, que j’ai cosigné, tend à permettre une souplesse qui me paraît bienvenue. Une fois encore, c’est le bon sens près de chez vous, mes chers collègues !
J’ai notamment à l’esprit le cas d’Hélène Comoy, maire de Poilly-sur-Serein, dans l’Yonne, dont la commune s’efforce de ne nommer que deux adjoints au lieu de trois. Or dans certains cas, il pourrait s’agir de deux femmes ou de deux hommes.
Il paraît donc judicieux de prendre en compte l’ensemble formé du maire et de ses adjoints, autrement dit l’exécutif municipal, pour apprécier le respect du principe de parité. Ce dernier serait respecté dans son esprit, mais une possibilité d’adaptation serait permise.
J’estime que ce type d’ajustement est nécessaire si nous voulons que chacun puisse véritablement s’approprier la future loi, mes chers collègues. Les arguments avancés par M. le rapporteur et Mme la ministre ne me semblent nullement insurmontables, tant s’en faut.
Il me paraît donc préférable de maintenir cet amendement de bon sens, et, si possible, de l’adopter, mes chers collègues.
M. le président. Madame Canayer, l’amendement n° 20 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Agnès Canayer. Malgré la défense engagée de mon collègue Jean-Baptiste Lemoyne, je retire cet amendement, car je mesure la complexité technique de la disposition qu’il vise à introduire. (Exclamations amusées.)
Pour autant, il conviendra d’apporter une réponse technique à la difficulté pointée, qui est réelle. Cela contribuerait à favoriser l’engagement.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié ter est retiré.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 20 rectifié quater, présenté par M. Jean-Baptiste Lemoyne et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 20 rectifié ter.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous examinons une proposition de loi « visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal ». Une majorité de collègues ont du reste voté l’article 1er.
Or depuis une demi-heure, des amendements visant à ne pas appliquer la parité dans les fonctions exécutives du bloc communal sont adoptés. Dont acte !
MM. Laurent Somon et Olivier Rietmann. Exactement !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 223 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l’adoption | 54 |
Contre | 265 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle, Grand, Khalifé et Pillefer, Mme Evren, M. J.B. Blanc et Mme Guidez, est ainsi libellé :
Article 2
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les deuxième à quatrième lignes du tableau du second alinéa de l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales sont remplacées par quatre lignes ainsi rédigées :
«
De moins de 100 habitants |
5 |
De 100 à 499 habitants |
9 |
De 500 à 999 habitants |
11 |
De 1 000 à 1 499 habitants |
15 |
».
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Face aux difficultés que peuvent rencontrer les petites communes pour rassembler un nombre suffisant de candidats, je propose simplement d’adapter le nombre de conseillers municipaux en fonction de la taille de la commune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La réduction du nombre de conseiller municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants peut en effet paraître une solution tentante, monsieur Chasseing.
Le présent texte ne vise toutefois que les communes de moins de 1 000 habitants, et la commission n’envisage pas, dans le cadre de celui-ci, d’aller jusqu’à réduire le nombre de conseillers municipaux.
En octobre dernier, le Sénat a rejeté à deux voix près la proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes. Ce texte avait été approuvé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation puis adopté par la commission des lois, mais le vote en séance nous a échappé, ce qui est regrettable, car il remédiait à des difficultés réelles.
Tout en comprenant votre préoccupation, je vous demande donc de retirer votre amendement, mon cher collègue, au profit – qui sait ? – d’un nouveau texte sur ce sujet. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Chasseing, j’entends la question que vous soulevez : il est en effet parfois difficile de trouver un nombre suffisant de conseillers municipaux, ce qui appelle une adaptation des règles fixant le nombre de ces derniers.
Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, au mois d’octobre dernier, une proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes a été examinée par le Sénat, qui, dans sa sagesse, l’a rejetée.
Afin de remédier en partie à la difficulté soulevée par les auteurs de ce précédent texte, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui ouvre la possibilité de présenter des listes incomplètes.
L’adoption du présent amendement emporterait par ailleurs une réduction du nombre de conseillers municipaux de l’ordre de 25 000 élus, ce qui nous exposerait à une difficulté technique pour la désignation des délégués au sein du collège électoral sénatorial.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le sénateur Chasseing.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Cet argument relatif à la constitution du collège électoral sénatorial n’a pas été avancé lors du débat que nous avons eu au mois d’octobre dernier.
Je suis d’avis que si la proposition de loi susvisée n’a pas été adoptée, c’est parce que le débat a été élargi aux communes de plus de 1 000 habitants. Si nous nous en étions tenus aux communes de moins de 1 000 habitants, le vote aurait sans doute été différent.
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. Vincent Louault. En tout état de cause, je vous invite à maintenir votre amendement, mon cher collègue. Nous le voterons, et même s’il se prend une balle, comme on le dit à la campagne, du moins certains d’entre nous se seront-ils fait l’écho des demandes formulées par les maires sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Ce débat est légitime.
J’ai cependant cru comprendre qu’au mois d’octobre dernier, la proposition de loi de notre collègue François Bonneau avait été rejetée à une très courte majorité. Je m’interroge donc sur l’opportunité de rouvrir ce débat, d’autant que la présente proposition de loi prévoit déjà la possibilité de déposer des listes comprenant deux conseillers municipaux de moins que le nombre normalement requis.
Par le présent amendement, il nous est de plus proposé d’introduire une nouvelle strate, ce que je n’estime pas nécessairement judicieux.
Par conséquent, mon groupe votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Si comme cela a justement été rappelé, nous avons rejeté la proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, c’est parce qu’ici même, au Sénat, nous sommes tous profondément attachés à ces bénévoles que sont les élus municipaux. Jusque dans nos territoires les plus ruraux, ces derniers sont l’âme de nos communes. Ils les font vivre.
Or tout comme le présent amendement, la proposition de loi que nous avons rejetée prévoyait la suppression de 40 000 conseillers municipaux bénévoles.
Dans la période que nous traversons, alors que nous avons, je crois, plus que jamais besoin de solidarité, de fraternité et d’engagement dans nos territoires, est-il raisonnable de supprimer 40 000 élus ? Nous avons déjà répondu non, mes chers collègues.
Aujourd’hui, cette nouvelle proposition de loi permet une réduction du nombre de conseillers municipaux, mais sans l’assumer explicitement, puisqu’elle se borne à autoriser que le conseil municipal fonctionne avec un effectif réduit. En effet, si une liste incomplète arrive en tête dès le premier tour, elle sera réputée élue, si bien que le conseil municipal ne sera pas complet, y compris lorsque le nombre de candidats se présentant au premier tour aurait permis d’élire une équipe complète.
Nous avons déjà refusé de modifier les seuils par le passé, et bien que la disposition qui nous est proposée aujourd’hui soit un peu différente, j’espère que nous le refuserons une nouvelle fois, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. N’ouvrons pas à nouveau le débat sur les seuils, mes chers collègues.
La position de certains d’entre nous a évolué au cours de ce débat, notamment parce que s’éloignant de la proposition de loi initiale, la volonté se faisait jour d’aller au-delà des seules communes de moins de 1 000 habitants.
J’estime que le passage de sept à cinq conseillers municipaux dans les communes de moins de 100 habitants soulève une véritable difficulté.
Faisons un pas de côté, mes chers collègues : dans une commune, qui est habilité à décider que le conseil municipal doit compter cinq, sept, neuf ou onze membres ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. La préfecture, enfin !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Mais oui !
Mme Cécile Cukierman. Reviendra-t-il désormais à neuf personnes de décider que leur liste est réputée complète et qu’elles ne peuvent pas accueillir un dixième ou un onzième conseiller ? Auparavant, l’ensemble du village en décidait. Avec le système de liste, ce ne sera plus le cas.
En tout état de cause, je souhaite bien du courage et j’exprime toute ma solidarité aux préfectures qui auront à gérer les contentieux relatifs aux discriminations !
Nous venons d’accepter qu’un conseil municipal puisse ne compter que neuf membres au lieu de onze. Mais de quel droit refusera-t-on un dixième candidat sur une liste qui pourrait en compter jusqu’à onze ? Ne faudrait-il pas que la loi fixe l’intégralité des règles ?
Une fois de plus, j’estime que ce sujet n’est pas mûr. À un an des prochaines échéances électorales, nous risquons d’ajouter de la confusion à la confusion.
Par conséquent, notre groupe s’abstiendra sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais j’ai un peu de mal à comprendre vos arguments. (Exclamations sur des travées du groupe CRCE-K.) Il me semble pourtant que le débat est très simple et ne présente aucune difficulté.
Le premier point sur lequel je souhaite revenir – je m’adresse à Cédric Vial, dont je connais l’engagement en faveur des élus locaux –, c’est qu’il n’est pas question ici de réduire le nombre d’élus, mais d’appliquer le dispositif du « réputé complet », une faculté qui existe déjà depuis les dernières élections municipales, et même depuis 2019 et le vote de loi Engagement et Proximité, pour les communes de moins de 500 habitants.
En réalité, nous ne faisons, avec ce texte, qu’étendre ce principe aux communes de 500 à 999 habitants. Autrement dit, nous ne changeons en rien le droit, sauf pour les communes concernées par la mesure.
M. Cédric Vial. Mais si !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Non ! Le principe du « réputé complet » existe d’ores et déjà.
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas le même mode de scrutin !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Certes, mais c’est le même nombre de candidats.
Je ne comprends pas davantage votre remise en cause de la règle du « réputé complet », madame la présidente Cécile Cukierman, et ce pour une raison toute simple : c’est la préfecture qui valide les listes quand celles-ci sont déposées.
Dans une commune de moins de 100 habitants, par exemple, trois seuils sont possibles : le seuil correspondant à l’effectif légal du conseil, soit sept conseillers municipaux ; le seuil du conseil municipal « réputé complet », qui est de cinq membres ; enfin, et c’est une bonne chose si l’on veut lutter contre l’assèchement du vivier des élus locaux, il est possible de prévoir deux suppléants supplémentaires, ce qui élève le seuil à neuf conseillers municipaux.
Il existe donc trois seuils de cinq, sept ou neuf, si bien qu’il sera parfaitement légal de déposer des listes comprenant cinq, six, voire sept candidats. Cette liste sera validée par les préfectures au même titre que les listes de candidats dans les communes de plus de 1 000 habitants. Cela ne posera, à mon sens, aucune difficulté particulière.
Mme Cécile Cukierman. Si ! Cela empêchera certains candidats de se présenter !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, il est d’ores et déjà impossible d’ajouter le nom d’une personne sur une liste sur laquelle il n’était pas candidat.
Mme Cécile Cukierman. On décide à la place des gens !
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote. N
M. Laurent Somon. Une petite clarification s’impose : cette proposition de loi vise à aligner le système électoral des communes de moins de 1 000 habitants sur celui des communes de plus de 1 000 habitants. Or le dispositif du « réputé complet » ne s’appliquerait qu’aux communes de moins de 1 000 habitants. Puisque l’on parlait des seuils tout à l’heure, je m’interroge : qu’en est-il alors de ce dispositif pour les communes de 1 000 à 1 200 habitants par exemple ?
J’ai l’impression que, une fois encore, on cherche à nous faire croire que le texte qui nous est soumis permet d’harmoniser le système électoral de toutes les communes de zéro à un million d’habitants, alors que, dans les faits, il est prévu, ce qui est tout naturel d’ailleurs, un certain nombre de dérogations…
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Non !
M. Laurent Somon. Bien sûr que si ! Vous accordez des dérogations, tantôt pour l’exécutif du conseil municipal, tantôt pour le conseil communautaire, tantôt, comme c’est le cas avec l’article 2, pour les conseils municipaux des petites communes… Je suis un peu surpris par cette façon de faire, qui consiste à prétendre que l’on veut harmoniser le tout, alors que l’on accumule les exceptions.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Veuillez m’excuser, mes chers collègues, mais une fois de plus, je ne comprends pas votre point de vue.
M. Cédric Vial. C’est bien le problème !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Cela peut arriver…
Plus sérieusement, quelle différence faites-vous entre les communes de moins de 1 000 habitants et celles de plus de 1 000 habitants, mes chers collègues ? Tout simplement leur taille : quand des communes atteignent une certaine taille critique, il faut à l’évidence trouver des règles permettant de tenir compte des difficultés que cela emporte, en particulier des effectifs limités qui peuvent en résulter. C’est exactement la logique que nous suivons depuis le début de l’examen de cette proposition de loi.
M. Olivier Rietmann. C’est trop facile !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Si vous estimez qu’aucune des adaptations que nous soutenons n’est nécessaire, alors même que chacune d’entre elles nous est demandée, permettez-moi de vous dire que cela me laisse quelque peu perplexe. Notre ambition est de faire en sorte, notamment pour les adjoints au maire, qu’aucune difficulté n’apparaisse avec le temps. En l’occurrence, ce que nous vous proposons nous semble relever du bon sens.
Mme Cécile Cukierman. La parité, c’est quand ça vous arrange !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. J’attire votre attention sur le fait que l’amendement n° 29 rectifié, dont nous sommes en train de débattre, tend à abaisser le nombre des conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 500 habitants. Or je vous rappelle que nous avons déjà eu ce débat dans le cadre de l’examen d’une précédente proposition de loi, ici même, au Sénat, et que nous n’avons pas été suivis à l’époque, puisque le texte en question n’a pas été adopté.
Aussi, je vous invite aujourd’hui, si celui-ci n’était pas retiré, à ne pas adopter cet amendement. Je comprends les points de vue qui viennent d’être défendus, mais la présente proposition de loi porte, elle, sur l’application du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Je vous propose par conséquent de ne pas relancer le débat sur la baisse du nombre des conseillers municipaux, un débat certes passionnant, mais qui a déjà eu lieu dans cet hémicycle.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Le Sénat a une image de marque à préserver, celle du sérieux. J’écoute les différents intervenants depuis tout à l’heure ; j’observe aussi que les votes ne sont pas unanimes au sein des groupes. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que nous vendions ce texte à nos électeurs, à nos grands électeurs ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il faut retirer le texte !
M. Jean-Pierre Grand. La sagesse, monsieur le président, voudrait que les présidents de groupe s’entendent pour stopper les débats. Car nous donnons actuellement dans le grotesque absolu ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. Dans la même veine, je ne comprends pas très bien le débat que nous avons autour de cet amendement. Une proposition similaire a déjà été débattue il y a quelques mois et on en rediscute pourtant aujourd’hui !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, je vais suivre l’avis de Mme la rapporteure et retirer mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.
Article 3
L’article L. 2121-2-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« Par dérogation à l’article L. 2121-2, le conseil municipal est réputé complet dès lors qu’il compte, à l’issue du renouvellement général du conseil municipal ou d’une élection complémentaire, au moins le nombre de membres fixé conformément au tableau ci-après :
« |
Communes |
Nombre des membres du conseil municipal |
|
Moins de 100 habitants |
5 |
||
De 100 à 499 habitants |
9 |
||
De 500 à 999 habitants |
13 |
» ; |
2° (Supprimé)
2° bis (nouveau) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de l’article L. 2122-8, le conseil municipal est réputé complet dès lors que son effectif résultant des vacances intervenues postérieurement à un renouvellement général ou à une élection complémentaire est au moins égal au nombre de membres fixé en application du tableau du deuxième alinéa du présent article. » ;
3° Après le mot : « aux », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « deuxième et troisième lignes du tableau du deuxième alinéa du présent article élisent un délégué, et les conseils municipaux des communes mentionnées à la dernière ligne du même tableau élisent trois délégués. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Médevielle, Grand, Khalifé et Pillefer, Mme Evren, M. J.B. Blanc, Mme Guidez et M. Folliot, est ainsi libellé :
Alinéa 4, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
«
Communes |
Nombre de membres du conseil municipal |
De moins de 100 habitants |
5 |
De 100 à 499 habitants |
7 |
De 500 à 999 habitants |
9 |
De 1 000 à 1 499 habitants |
13 |
» ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Par cet amendement, je vous propose, afin d’assurer au mieux la continuité de l’exercice des fonctions exécutives communales, d’ajuster les seuils dérogatoires à partir desquels les conseils municipaux sont « réputés complets ».
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. G. Blanc, Benarroche et Gontard, Mme de Marco et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 4, tableau, dernière ligne, seconde colonne
Remplacer le nombre :
13
par le nombre :
11
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Cet amendement, que j’estime être un amendement de compromis, vise non seulement à maintenir le scrutin de liste, mais aussi, comme je l’indiquais tout à l’heure lors du débat sur l’article 1er, à tenir compte d’un certain nombre de difficultés qui surviennent dans les communes de 500 à 999 habitants. Il s’agit en l’occurrence d’abaisser à onze le seuil du dispositif du « réputé complet » dans lesdites communes.
Je rappelle que l’article 3, dans sa version initiale, prévoyait un abaissement de l’effectif légal du conseil municipal à treize membres dans ces communes. Nous n’y sommes pas favorables. En revanche, nous plaidons pour une certaine souplesse dans l’application de la présomption de complétude, de sorte que le débat démocratique puisse véritablement avoir lieu dans ces communes de 550 ou 600 habitants et qu’au moins deux listes puissent s’affronter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Il s’en est fallu de peu que l’amendement n° 30 rectifié bis de M. Chasseing entre dans le périmètre de l’article 45 de la Constitution. En effet, celui-ci vise une strate de population qui excède les 1 000 habitants – il cible plus précisément les communes de 1 000 à 1 499 habitants –, alors que nous proposons, conformément à l’objet même de la proposition de loi, de limiter l’extension du dispositif du « réputé complet » aux communes de moins de 1 000 habitants.
Pour ce qui est de l’amendement n° 14 rectifié de M. Blanc, la présomption de complétude telle qu’elle est proposée conduirait, dans les communes de 500 à 999 habitants, à une baisse de quatre conseillers municipaux – l’effectif légal de conseillers serait porté de quinze à onze. En l’espèce, cette baisse nous semble trop brutale, trop violente même, si vous me permettez l’expression. La commission souhaite s’en tenir au seuil de treize conseillers municipaux pour ce qui est de l’application de la règle du « réputé complet ».
Aussi suis-je défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Chasseing, comme l’a dit Mme la rapporteure, vous abordez un vrai sujet, ainsi que les discussions autour de la proposition de loi qui a été examinée en octobre l’ont démontré, mais le texte dont nous débattons concerne les communes de moins de 1 000 habitants : il n’est donc pas possible d’introduire des dispositions relatives à des communes plus peuplées.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 30 rectifié bis, même si l’adoption de ce dernier permettrait de baisser de près de 35 % le taux de vacance au sein des conseils municipaux, celui-ci s’élevant aujourd’hui à 20 % du total des sièges.
Je vous opposerai, monsieur le sénateur Grégory Blanc, les mêmes arguments que ceux que vient d’exposer M. le rapporteur, à savoir que le seuil de complétude que vous proposez est trop peu élevé, ce qui affaiblit significativement la représentativité du conseil municipal. Il me semble qu’une telle mesure pourrait créer un certain nombre de difficultés et qu’elle présente un manque de cohérence par rapport aux autres dispositions du texte.
C’est donc à regret que j’émets un avis défavorable sur votre amendement n° 14 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. On me répond que la mesure que je soutiens est trop brutale.
Pour une commune de moins de 100 habitants, le dispositif du « réputé complet » correspond à l’effectif légal – sept conseillers municipaux –, moins deux membres – soit cinq conseillers ; pour les communes de 100 habitants à 499 habitants, le différentiel est également de deux membres, puisque l’on passe de onze à neuf conseillers municipaux.
La rédaction actuelle prévoit le même différentiel pour les communes de 550 habitants. Or j’estime, et je l’assume, qu’à partir d’une certaine taille de commune, il est nécessaire que ce différentiel s’adapte. Il convient en effet de garantir une certaine proportionnalité dans les effectifs des conseils municipaux.
Si nous avions proposé, pour les communes de 100 à 499 habitants, que le conseil soit « réputé complet », dès lors qu’il comporte un nombre de conseillers égal à l’effectif légal, moins trois membres, cela aurait évidemment posé problème, car nous aurions obtenu un nombre pair de conseillers – neuf moins trois égale six membres –, ce qui n’est pas possible.
Je suis en revanche favorable à un différentiel de quatre membres entre l’effectif légal et l’effectif « réputé complet » pour les conseils municipaux des communes de 500 à 999 habitants. J’estime qu’il s’agit d’un effort proportionné par rapport à celui qui est exigé dans les communes de moins de 100 habitants. Au regard de la différence de population entre les communes de moins de 100 habitants et les communes de 500 à 999 habitants, il est logique que le seuil passe de moins deux à moins quatre membres pour ces dernières.
Ce dispositif permet finalement de garantir une forme d’égalité entre toutes les communes de moins de 1 000 habitants ; j’estime qu’il permettra aussi d’éviter un certain nombre de crispations, telles que celles qui ont été évoquées tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Vous avez pointé l’inconstitutionnalité d’une partie du dispositif que je propose, monsieur le rapporteur. Je pourrais me contenter de le rectifier pour tenir compte de votre observation, mais, en définitive, je préfère retirer mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 224 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l’adoption | 249 |
Contre | 61 |
Le Sénat a adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis, alinéa 3, de notre règlement, qui a trait à la recevabilité des amendements, et qui précise que les amendements, pour être recevables, doivent présenter un lien, même indirect, avec le texte en discussion.
Or j’avais déposé un amendement portant article additionnel après l’article 3, cosigné par une vingtaine de mes collègues, qui, je l’affirme, présentait bel et bien un lien – que je qualifierai même de « direct » – avec la présente proposition de loi.
Cet amendement concernait le régime des incompatibilités avec le mandat de conseiller communautaire. Il visait à résoudre le problème auquel est confrontée une femme maire, qui serait par ailleurs secrétaire générale de mairie d’une commune voisine, laquelle serait membre du même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) que celui auquel appartient la commune dont elle est l’élue, à savoir que cette femme ne peut pas siéger au conseil communautaire, ce qui ne me paraît pas normal.
Ledit amendement, on le voit bien, avait un lien direct avec les problématiques qui nous réunissent aujourd’hui, dans la mesure notamment où les règles relatives à la composition des conseils communautaires sont prévues par le code électoral.
Il nous arrive de nous plaindre que le Conseil constitutionnel censure certaines de nos initiatives, au motif qu’il s’agirait de cavaliers législatifs ; je trouve regrettable qu’ici même, dans cette assemblée, nous en venions à nous autocensurer et qu’il ne soit plus possible de débattre de dispositions qui, je le redis, ont bien un lien, direct ou indirect, avec les textes qui sont soumis à notre examen.
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Mon cher collègue, j’entends ce que vous dites, et je conviens même de la difficulté que vous soulevez, mais il est question cet après-midi de l’application du scrutin de liste. Certes, le sujet que vous souhaitiez aborder, en l’occurrence l’incompatibilité d’une activité professionnelle avec un mandat, relève du code électoral et vous avez certainement raison de vouloir raccrocher votre amendement à ce texte par ce dénominateur commun, mais vous évoquez là une question qu’il serait, vous en conviendrez, très complexe de traiter dans le cadre de cette proposition de loi.
Selon la commission, l’article 45 de la Constitution s’applique bel et bien à votre amendement. Je vous propose toutefois que nous puissions en débattre dans un cadre plus approprié, celui de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’ai déjà fait adopter un amendement analogue dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi en première lecture au Sénat !
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Vous avez déjà fait adopter cette mesure ! Vous êtes un coquin ! (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Non, je veux simplement m’assurer de l’adoption de cette mesure !
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Vous en conviendrez d’autant plus, mon cher collègue, cet amendement n’avait vraiment pas sa place dans le texte dont nous discutons aujourd’hui !
Après l’article 3
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques et d’un sous-amendement.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Roiron, Kerrouche, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Linkenheld, Narassiguin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 13 rectifié ter est présenté par M. G. Blanc, Mme Senée, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Souyris.
L’amendement n° 21 rectifié bis est présenté par Mme Canayer, MM. P. Martin et Chauvet, Mmes Lavarde, Dumont, Hybert, M. Mercier, Berthet et Guidez, MM. Lefèvre, Lemoyne, Panunzi, D. Laurent, Maurey, L. Vogel, Henno, A. Marc, Belin, Brisson, Chatillon, Chasseing, C. Vial et Klinger, Mmes Patru, Romagny et F. Gerbaud, M. Bouchet, Mme Belrhiti et MM. Genet et P. Vidal.
L’amendement n° 22 rectifié quater est présenté par Mme de La Provôté, MM. Kern et Levi, Mmes Billon et Perrot, M. Parigi, Mme Sollogoub et M. Canévet.
L’amendement n° 24 rectifié ter est présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mmes L. Darcos et Paoli-Gagin, MM. Chevalier et Wattebled, Mme Lermytte, M. Grand et Mme Puissat.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2113-7 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Pour l’application aux communes nouvelles de l’article L. 270 du code électoral, la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Jusqu’au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste lors du dernier renouvellement du conseil municipal de son ancienne commune, dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 2113-8, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
M. Pierre-Alain Roiron. Il s’agit d’un amendement de simplification au bénéfice des communes nouvelles, puisqu’il vise à prolonger la période transitoire au cours de laquelle ces communes bénéficient de règles dérogatoires relatives aux effectifs de leurs conseils.
À l’heure actuelle, après le premier renouvellement général qui suit la création d’une commune nouvelle, l’effectif de son conseil correspond à celui des communes de la strate démographique immédiatement supérieure. Par exemple, l’effectif d’une commune nouvelle de 7 000 habitants est normalement de vingt-neuf membres, mais son effectif réel sera celui de la strate supérieure, c’est-à-dire trente-trois membres, pendant toute cette période transitoire.
Le présent amendement vise simplement à proroger cette période jusqu’au troisième renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, soit durant deux mandats complets.
Par ailleurs, nous proposons une mesure de simplification et de clarification du droit pour ce qui est du remplacement des sièges vacants dans les communes nouvelles.
En effet, dans sa décision du 24 avril 2019, le Conseil d’État a considéré que le droit en vigueur ne permettait pas de faire appel aux suivants de liste dans les communes dites « historiques ». Cette interprétation pose des difficultés très concrètes, puisqu’elle contraint, si le conseil municipal a perdu plus du tiers de ses membres, à organiser le renouvellement intégral du conseil pour procéder à l’élection d’un nouveau maire ou de nouveaux adjoints. Or qui dit renouvellement intégral dit fin de la période transitoire, et, partant, basculement dans le droit commun pour la commune nouvelle.
Nous avions déjà identifié de telles difficultés, puisqu’une proposition de loi d’origine transpartisane prévoyait de corriger ce problème. C’est tout simplement ce dispositif que nous souhaitons reprendre par cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié ter.
M. Grégory Blanc. Nous sommes nombreux sur les travées de cet hémicycle, quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, à défendre la même mesure, et ce pour une raison simple : les remontées de terrain qui nous parviennent de l’ensemble des communes nouvelles soulignent un certain nombre de difficultés.
On sait que le dispositif en vigueur n’est pas encore complètement stabilisé et qu’un certain nombre de communes souhaitent se regrouper. C’est leur choix, elles sont libres de le faire. Il n’empêche que différentes difficultés se posent, notamment celle que vient d’évoquer notre collègue Pierre-Alain Roiron.
Le groupe de travail de l’AMF nous a demandé de proposer la prolongation de ce système transitoire pour un troisième mandat, et ce pour une simple et bonne raison : une diminution du nombre d’élus « en sifflet », qui paraît de bon sens, n’est, je le rappelle, pas constitutionnelle.
Par cet amendement, nous vous proposons donc une solution, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.
Mme Agnès Canayer. Je joindrai ma voix à celle de mes collègues. Nous sommes nombreux à dire que cette mesure est très attendue par les communes nouvelles.
Il est nécessaire aujourd’hui de relancer le rapprochement de communes en vue de créer des communes nouvelles. On sent bien que la dynamique n’est plus aussi forte que lorsqu’elle a été engagée par la loi du 1er août 2019 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, dite loi Gatel, laquelle avait prévu un assouplissement des modalités de création de ces communes, en vue d’en favoriser l’essor. Il paraît donc aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin afin d’atténuer les effets de seuil d’accorder davantage de temps à ces communes.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié quater.
Mme Sonia de La Provôté. Si cet amendement est transpartisan, c’est parce que la problématique que nous avons identifiée concerne de nombreuses communes.
Pour bien saisir l’enjeu dont il s’agit, je rappelle que, dans certaines communes nouvelles regroupant vingt-quatre ou vingt-cinq communes historiques, on va passer d’un effectif de cent trois membres au sein du conseil municipal à soixante-trois membres puis, si on laisse les choses en l’état, à vingt-trois. La différence est importante : nous aurions alors moins de conseillers municipaux que de communes historiques.
Et même si l’on considère que la commune nouvelle est bien la nouvelle commune, il est difficile, pour vingt-trois conseillers communautaires, de représenter convenablement vingt-quatre communes historiques, dépourvues parfois de continuité urbaine, et s’étendant sur un territoire très vaste. Il est également compliqué de faire admettre aux administrés que ces conseillers puissent tous les représenter, quel que soit l’endroit où ils habitent.
Je soutiens donc cette mesure, qu’il conviendra évidemment de sécuriser juridiquement, même si je reconnais volontiers que la prolongation de six ans de la période transitoire revient à reculer pour mieux sauter… Le problème que nous soulevons se posera de toute manière : nous assisterons peut-être à quelques miracles absolus de démocratie locale dans certaines très grandes communes nouvelles, mais je ne suis pas du tout certaine ce sera le cas partout.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié ter.
Mme Corinne Bourcier. Je souhaite ajouter que certaines communes nouvelles, comme la mienne dans le Maine-et-Loire, peuvent compter jusqu’à dix communes, voire davantage, chacune correspondant à une entité différente et s’étant bien souvent forgé une identité propre à laquelle les habitants sont attachés, surtout dans nos territoires ruraux.
Comme l’a dit notre collègue Sonia de La Provôté, ces communes, parfois éloignées de plus de vingt kilomètres les unes des autres, ne peuvent pas être comparées aux quartiers d’une même ville.
Et pour que la transition se fasse en bonne intelligence et en respectant la sensibilité de chaque commune, il faut un peu de temps, d’autant plus que, dans le contexte actuel, l’échelon local est l’un des rares à contribuer au maintien, tant bien que mal, d’un lien de confiance entre le citoyen et le politique. Afin de conserver la proximité et la représentativité nécessaires, un mandat supplémentaire avec un effectif supérieur ne sera pas de trop.
Enfin, il est nécessaire de prendre en compte le fait que nombre de communes nouvelles n’ont que dix ans d’existence et qu’elles ont besoin d’équipes solides pour monter en compétence et faire face à de telles mutations.
M. le président. Le sous-amendement n° 41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 21 rectifié, alinéa 5
Remplacer les mots :
Pour l’application aux communes nouvelles de l’article L. 270 du code électoral, la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : «
par les mots :
Par dérogation à la première phrase des articles L. 258 et L. 270 du code électoral,
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Les cinq amendements identiques nos 1 rectifié, 13 rectifié ter, 21 rectifié bis, 22 rectifié quater et 24 rectifié ter sont, vous l’avez souligné, éminemment transpartisans.
Madame Bourcier, nous avons déjà eu l’occasion, avec d’autres sénateurs, d’évoquer ce sujet. Je disais tout à l’heure que j’avais relancé un groupe de travail sur les communes nouvelles qui, lui-même, est transpartisan, puisque les associations d’élus que sont l’AMF et l’AMRF, ainsi que des parlementaires y sont conviés.
Actuellement, en 2025 particulièrement, nous assistons de nouveau à un véritable engouement pour la création de communes nouvelles, laquelle est, je le rappelle, à la main des seuls élus locaux, ce qui signifie qu’elle ne peut pas être imposée par un préfet.
Le groupe de travail que j’évoque devant vous aura pour mission d’évaluer les dispositions en vigueur, afin d’identifier celles d’entre elles qui mériteraient d’être corrigées. Ainsi, nous pourrons proposer un certain nombre d’avancées législatives, en sachant que, vraisemblablement, il n’y aura plus de création de communes nouvelles avant 2027, puisque 2025 était la dernière année avant les prochaines élections municipales pour engager un tel projet. Cela étant, des candidats à ces élections pourraient avoir pour ambition de créer une commune nouvelle, ce qui souligne l’importance de tout prévoir.
Lors de l’examen de la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, déposée par la sénatrice Annick Billon, un certain nombre de députés, notamment de votre département, madame Bourcier, ont exprimé le souhait de prolonger la période durant laquelle une commune nouvelle peut échapper à la règle selon laquelle l’effectif de son conseil doit correspondre à celui des communes appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure.
Le dispositif transitoire actuellement prévu ne s’applique que jusqu’au deuxième renouvellement général suivant la création d’une commune nouvelle. Or il faut savoir que des communes nouvelles peuvent être créées à tout moment et qu’un renouvellement ne correspond pas forcément au fameux renouvellement général national ayant lieu tous les six ans. Sonia de La Provôté a notamment cité l’exemple de communes nouvelles composées de nombreuses communes historiques.
Je suis très favorable à ces cinq amendements identiques, considérant que cette situation provisoire renforce la faisabilité des projets de communes nouvelles et les sécurise, même s’il faudra évidemment, à un moment donné, songer à sortir de cette période transitoire et appliquer la règle de la strate démographique supérieure.
Par le sous-amendement n° 41, je vous propose toutefois de clarifier et de sécuriser juridiquement le dispositif proposé, en précisant que ce dispositif transitoire s’applique par dérogation aux articles L. 258 et L. 270 du code électoral. Cette précision ne remet évidemment pas en cause l’avis favorable que le Gouvernement émet sur ces amendements identiques, dont je salue la cohérence et qui me paraissent de nature à réunir un consensus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission estime que le lissage envisagé est opportun et salue la cohérence que vient d’évoquer Mme la ministre : elle émet donc un avis favorable sur les cinq amendements identiques nos 1 rectifié, 13 rectifié ter, 21 rectifié bis, 22 rectifié quater et 24 rectifié ter, ainsi que sur le sous-amendement n° 41 du Gouvernement, qui tend à apporter une précision utile.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je tiens par avance à m’en excuser, mes chers collègues, mais je vais briser le consensus qui semble se dégager.
Je tiens d’abord à souligner l’audace des collègues qui ont sereinement présenté ces cinq amendements identiques : avoir osé déposer des amendements ayant trait aux communes nouvelles sur un texte visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, sans même avoir peur qu’ils puissent être déclarés irrecevables, est vraiment remarquable…
Mme Silvana Silvani. Bravo !
Mme Cécile Cukierman. Il nous arrive de rédiger des amendements de ce type, puis de nous plaindre qu’ils aient été censurés. Aussi, je l’avoue, je n’aurais jamais osé déposer des amendements comme ceux-là, tant je suis convaincu qu’ils sont à côté du sujet. (Sourires.) C’est étonnant, sauf à penser qu’en réalité, on instrumentalise la parité pour faire passer des mesures qui n’ont rien à voir avec cette ambition ou qu’on adapte ce principe par voie d’amendement à chaque fois qu’il dérange… Mais, après tout, ce n’est peut-être pas si grave que cela…
Je le dis avec le sourire, mais je comprends tout de même l’amertume de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne : on se demande bien pourquoi son amendement, qui, il faut le dire, visait à remédier à une véritable difficulté en apportant une solution à laquelle nous avons toujours été favorables ici même, au Sénat, a, contrairement à ces cinq amendements identiques, été déclaré irrecevable.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. Même si j’ai entendu que la référence au code électoral ne suffisait pas et que mieux que quiconque, je connais le pourquoi du comment, j’estime en toute bonne foi qu’il y a débat – mais, rassurez-vous, je n’ai pas l’intention d’insister sur ce point, mes chers collègues.
Nous allons nous abstenir, parce que nous en avons ras-le-bol de faire le service après-vente – le mot a déjà été utilisé à plusieurs reprises – de chaque texte. Vous l’avez dit, madame la ministre : sur la question des communes nouvelles, une évaluation est nécessaire. Vous l’avez lancée, nous vous en remercions.
La réalité est la suivante : il existe des communes nouvelles pléthoriques et d’autres qui sont plus petites, ce qui est tout à fait différent. La création de ces communautés nouvelles n’était pas obligatoire mais, dans certains départements, celle-ci s’est tout de même faite à la hache, de manière plus ou moins imposée : il ne faut pas le dire, mais c’est pourtant, nous le savons tous, la réalité.
En l’état, nous nous abstiendrons donc sur ces amendements identiques.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. C’est la deuxième fois que Mme Cukierman utilise des arguments sur lesquels je comptais m’appuyer pour répondre au propos de Jean-Baptiste Lemoyne ! (Mme Cécile Cukierman rit.)
Madame la ministre, madame la rapporteure, vous savez l’attachement que je porte aux communes nouvelles. Cependant, je ne comprends pas pourquoi ces amendements identiques n’ont pas été déclarés irrecevables. En effet, mes collègues ont mentionné les exemples de communes nouvelles composées de vingt-quatre ou de dix anciennes communes, dans le département de Maine-et-Loire : auraient-elles moins de 1 000 habitants pour justifier ainsi leur place dans le texte ?
Je suis, bien sûr, tout à fait d’accord avec le fait de mener une réflexion, comme vous en avez pris l’initiative à plusieurs reprises, madame la ministre. Je salue d’ailleurs cet engagement, que j’ai en commun avec vous : nous avons besoin d’un texte sur les communes nouvelles. Il est probable que la durée des projets de commune nouvelle, et donc la gouvernance, doivent être revues, mais nous abordons ce sujet par le petit bout de la lorgnette !
J’y insiste, c’est dans le cadre d’un texte global que nous devrions y réfléchir.
De même, que se passe-t-il si l’on ajoute, au bout d’un mandat, à une commune nouvelle comprenant déjà une dizaine d’anciennes communes, une ou deux communes supplémentaires : la référence doit-elle être la base initiale, ou la nouvelle ? Le texte ne règle pas la question.
Nous sommes en train d’escamoter un débat pourtant important et nécessaire. Les communes nouvelles méritent un texte, et je ne vois pas pourquoi ces amendements ont leur place dans une proposition de loi qui devrait concerner les communes de moins de 1 000 habitants.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié, 13 rectifié ter, 21 rectifié bis, 22 rectifié quater et 24 rectifié ter, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Piednoir, D. Laurent, Maurey, Burgoa, Bouchet, Belin, Levi et Panunzi, Mmes Belrhiti et Berthet et MM. Khalifé, Karoutchi, Brisson, Chasseing, Sido et Genet, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2113-8-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2113-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-8-…. – Lors du deuxième renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, l’effectif du conseil municipal est fixé en application de l’article L. 2121-2 lequel est augmenté d’un nombre égal à celui des communes déléguées lorsque celles-ci existent, et d’une unité supplémentaire si l’effectif en résultant est pair. L’effectif ne peut être supérieur à 69. Le montant cumulé des indemnités des membres du conseil municipal de la commune nouvelle ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil municipal d’une commune appartenant à la même strate démographique. »
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. La création des communes nouvelles, comme cela a été indiqué il y a un instant, est une démarche volontaire d’élus locaux qui ont décidé de se regrouper pour assurer une meilleure efficacité de l’action publique. Il convient dès lors de leur accorder la souplesse dont ils ont besoin pour exercer leur mandat local. J’y insiste, car c’est un point important. Stéphane Piednoir est à l’origine de cet amendement que je soutiens pleinement, étant confrontée au même cas dans mon département.
Le code général des collectivités territoriales prévoit ainsi, lors du second renouvellement général, un nombre trop réduit d’élus pour ces communes nouvelles. La crainte est donc forte que, avec cette baisse brutale des effectifs, les communes historiques ne soient pas suffisamment représentées. Cela est d’autant plus vrai pour les communes nouvelles qui comprennent un nombre important de communes déléguées.
Aussi cet amendement a-t-il pour objet, lors du deuxième renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, d’augmenter l’effectif du conseil municipal d’une unité par commune déléguée.
Un tel dispositif garantira une bonne représentativité des communes déléguées, mais permettra aussi de s’assurer que le nombre de conseillers municipaux soit assez élevé pour répartir la charge de travail pesant sur les élus du fait de l’augmentation du périmètre communal. En particulier, cela permet de disposer d’un nombre suffisant de conseillers pour siéger dans tous les organes et commissions au sein desquels ils doivent représenter leur commune.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme Bourcier, MM. Capus et A. Marc, Mme L. Darcos, M. Chasseing, Mme Paoli-Gagin, MM. Chevalier et L. Vogel, Mme Lermytte, MM. Wattebled et Grand, Mme Puissat, M. Lemoyne et Mmes Guidez et Romagny, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2113-8-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2113-8-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-8-2-…. – Lors du deuxième renouvellement général suivant la création de la commune nouvelle, pour les communes nouvelles comprenant au moins cinq communes déléguées, l’effectif du conseil municipal est fixé en application de l’article L. 2121-2 auquel est ajouté un élu supplémentaire par commune déléguée. Ce nombre est augmenté d’une unité en cas d’effectif pair et ne peut être supérieur à 69. Le montant cumulé des indemnités des membres du conseil municipal de la commune nouvelle ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil municipal d’une commune appartenant à la même strate démographique. »
La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Mon amendement, que j’avais déposé avant l’amendement n° 24 rectifié ter, vise les communes nouvelles regroupant au moins cinq communes historiques, contrairement à celui de Stéphane Piednoir, qui vaut à partir d’une seule commune. Il s’agit d’assurer une meilleure représentation des communes déléguées à compter du second renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle.
En effet, comme cela a été dit, l’application du droit commun à compter du second renouvellement général aboutit actuellement à un nombre trop réduit d’élus pour ces communes nouvelles. Il s’agit ici de donner la possibilité de désigner un élu supplémentaire par commune déléguée pour les communes nouvelles comprenant un nombre important de communes historiques.
Disposer d’un maillage d’élus sur l’ensemble du territoire apparaît essentiel afin non seulement de conserver une proximité avec les habitants, ce qui est important, mais également de maintenir la dynamique actuelle en matière de création de communes nouvelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Ces deux amendements visent à pérenniser le principe d’un effectif dérogatoire supérieur, au sein des conseils municipaux des communes nouvelles, pour assurer la représentation des communes historiques.
La difficulté réside dans le dispositif qui nous est proposé. En effet, l’effectif des communes nouvelles correspondrait à l’effectif de droit commun augmenté d’un conseiller supplémentaire par commune déléguée historique. Cette mesure nous paraît contraire au principe constitutionnel d’égalité, dans la mesure où les communes nouvelles peuvent connaître une période dérogatoire, mais doivent progressivement tendre, in fine, vers le droit commun.
L’avis est défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Ces deux amendements diffèrent quelque peu de ce que nous avons examiné précédemment. Mon avis sera donc, comme vous le devinez, également différent.
L’amendement de M. Piednoir a pour objet de prévoir que, à compter du deuxième renouvellement mais de façon permanente, un siège par commune déléguée soit ajouté à l’effectif du conseil municipal d’une commune nouvelle. Or ce qui est très gênant, c’est cette pérennité : on créerait ainsi une catégorie particulière de communes qui, parce qu’elles ont des communes historiques – qui ne restent pas toujours, d’ailleurs, communes déléguées –, bénéficieraient d’un bonus. Cela pose donc un risque de constitutionnalité.
Par ailleurs, nous pourrions observer un déséquilibre à l’occasion des élections sénatoriales, avec une surreprésentation de facto des communes nouvelles dans le collège des électeurs sénatoriaux.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 19 rectifié ; à défaut, j’y serai défavorable.
Idem pour l’amendement n° 23 rectifié de Mme Bourcier : le transitoire est entendable, nécessaire et doit être encouragé, mais le pérenne et le particulier ne peuvent l’être, car c’est excessif.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. J’aimerais que l’on m’explique comment a été appliqué l’article 45 de la Constitution à ces amendements tendant à insérer un article additionnel. En effet, j’ai l’impression que nous sommes en train d’examiner, sans que cela gêne qui que ce soit, un texte de loi sur les communes nouvelles…
Comme je le disais tout à l’heure, nous sommes en train d’escamoter le débat sur les communes nouvelles. Vous l’avez dit, madame la rapporteure : on pourrait envisager de leur créer un statut particulier, qui n’existe pas aujourd’hui. Mais ce n’est pas par un amendement à une loi électorale concernant les communes de moins de 1 000 habitants que nous devons le faire ! Il faudrait que nous ayons un vrai débat.
Ensuite, je comprends la démarche visant à dire qu’une commune nouvelle n’est pas une commune comme les autres, qu’une période d’adaptation est nécessaire et qu’il convient de revoir un certain nombre de sujets relatifs à sa gouvernance, mais, là aussi, il faut en débattre de manière globale.
En outre, nous devrions parler non de communes déléguées, mais de communes historiques ou à l’origine de la création de la commune nouvelle. En effet, la commune déléguée est une création de la commune nouvelle.
Même si l’on voulait aller dans le sens des auteurs de ces amendements, que je comprends, débattre de cette manière n’est pas sérieux.
M. le président. Madame Berthet, l’amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?
Mme Martine Berthet. Je le retire, monsieur le président, même si j’insiste sur le fait qu’il s’agit là d’une véritable difficulté, parmi d’autres d’ailleurs, à laquelle sont confrontées les communes nouvelles et qui mérite que l’on s’y intéresse.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.
Mme Corinne Bourcier. Je retire également l’amendement n° 23 rectifié, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par Mme Senée, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Souyris, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La répartition, par sexe, des vice-présidents doit s’effectuer en proportion de celle, par sexe, des membres de l’organe délibérant. Le mode de calcul de cette répartition est fixé par voie réglementaire. »
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Nous regrettons la suppression, à l’issue des débats à l’Assemblée nationale, de la dimension intercommunale de la parité.
Dans le cadre de la mandature actuelle, 36 % des conseillers communautaires sont des femmes, mais ce n’est le cas que de 20 % des vice-présidents et de 11 % des présidents. On voit donc à quel point, une fois le principe de la parité accepté, il est nécessaire d’aller jusqu’au bout de la démarche. Si l’on agit sur les communes, autant faire de même pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Cette disposition est en fait assez consensuelle, puisqu’elle a déjà été votée au Sénat en 2019, lors de l’examen de la loi Engagement et Proximité (loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique). Elle faisait aussi partie des recommandations de la mission flash de l’Assemblée nationale sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal.
De surcroît, nous pouvons constater que le Sénat est d’ores et déjà exemplaire : sur huit vice-présidents, nous avons trois femmes, soit 37 %, alors que les femmes représentent 36 % des effectifs de cet hémicycle. Continuons donc et profitons de ce texte pour porter la parité au sein des EPCI !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Ma chère collègue, j’entends et comprends votre volonté de voir avancer la parité dans les EPCI. Cependant, la commission n’a pas souhaité rétablir cet article supprimé par l’Assemblée nationale, considérant que la disposition était peu opérationnelle.
En effet, il est difficile de cibler directement un nombre de vice-présidents de chaque sexe à atteindre sans modifier, au préalable, les modalités d’élection des vice-présidents des EPCI, qui ont lieu, comme vous le savez, au scrutin majoritaire.
Peut-être ce sujet mériterait-il un autre débat, mais, à ce stade, la commission n’a pas souhaité revenir sur la suppression de l’article. Elle vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Madame la sénatrice, comme Mme la rapporteure, j’entends l’importance de ce débat sur la nécessité de renforcer la parité au sein des intercommunalités. Nous allons déjà faire un pas en ce sens si la proposition de loi est adoptée, car il y aura vraisemblablement davantage de femmes dans les conseils communautaires.
Votre amendement, qui concerne l’exécutif, prévoit que les modalités d’application seront prises par voie réglementaire, par décret. Je pourrais en accepter le principe aujourd’hui parce que je suis au Gouvernement, mais, lorsque j’étais parlementaire, j’étais sensible au fait de ne pas confier à l’exécutif le rôle qui était le mien… Le législateur peut, me semble-t-il, légiférer sur cette question : j’ai donc une appréciation différente de la vôtre sur ce sujet.
Ensuite, l’amendement pourrait être considéré comme un premier pas, qui est certes le plus difficile mais qui en permet d’autres. Mais, selon vous, la parité dans l’exécutif communautaire doit être proportionnée à celle qui a cours au sein de la totalité du conseil communautaire. J’ai procédé à quelques tests : je crains que les conséquences de votre proposition ne viennent contrarier l’effet que vous recherchez. En effet, les hommes étant assez présents dans l’effectif du conseil communautaire, on sacraliserait, en quelque sorte de manière républicaine, un exécutif communautaire plutôt masculin.
Par ailleurs, j’ai une interrogation, liée au fait que l’intercommunalité n’est pas une collectivité. Je m’étonne toujours que l’on s’intéresse très intensément à la parité au sein de l’exécutif des intercommunalités, sans jamais se poser la même question s’agissant des syndicats intercommunaux. En effet, ces syndicats, qui ne sont pas non plus des collectivités, conservent leur liberté.
Vous comprendrez donc que, pour des raisons d’écart de compréhension entre nous sur ce qui doit relever des domaines réglementaire et législatif, je vous demande en toute sagesse de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je salue les membres du groupe écologiste pour leur sincérité, que traduit leur amendement, à défendre l’objet de cette proposition de loi : le renforcement de la parité.
Avec mon groupe, nous n’avions pas voté cette mesure dans le cadre de la loi Engagement et Proximité, ni dans celui de la loi NOTRe (loi portant nouvelle organisation territoriale de la République).
Je vais en expliquer les raisons mais, auparavant, madame la ministre, je veux vous dire que je ne vois pas en quoi cette proposition de loi permettra demain d’augmenter le nombre de femmes dans les intercommunalités.
On respecte l’ordre du tableau, comme c’est le cas aujourd’hui. La plupart des communes de moins de 1 000 habitants sont dans l’une de ces grandes intercommunalités XXL imposées par la loi NOTRe, et elles n’auront toujours qu’un seul élu au conseil communautaire, quel que soit le mode de scrutin aux élections municipales.
La véritable question, sur laquelle nous reviendrons, est donc celle-ci : le changement de mode de scrutin aboutira-t-il à ce qu’il y ait davantage de femmes maires de communes de moins de 1 000 habitants ?
Mme Sonia de La Provôté. Évidemment !
Mme Cécile Cukierman. Rendez-vous en 2026 : nous ne pouvons pas le savoir.
Pour revenir à la proposition, qui fait régulièrement débat, de notre collègue Ghislaine Senée, nous n’y sommes pas favorables en raison des conséquences de la loi NOTRe et de ce que sont devenues les intercommunalités.
S’il est vrai qu’une parité à 50 % ne peut être atteinte quand l’assemblée de l’EPCI ne respecte pas cette proportion, qu’est-ce qui fait le poids des femmes dans ce conseil ? C’est le fléchage paritaire ! Mais qu’est-ce qui fait la substance de ce fléchage paritaire ? C’est le poids des villes !
En d’autres termes, parmi les dix conseillers communautaires, par exemple, représentant une ville, on trouvera des hommes et des femmes. En revanche, la commune qui n’a qu’un seul représentant ne peut assurer la parité.
Ainsi, en poussant la logique jusqu’au bout, on risque d’accentuer une difficulté déjà existante en renforçant le poids, dans l’exécutif des intercommunalités, des grandes villes au détriment des plus petites communes et de la représentativité territoriale dans son ensemble.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. J’avais déposé un amendement analogue en 2019, et j’ai présenté deux propositions de loi sur ce sujet. Je suis donc forcément favorable à une telle mesure.
Néanmoins, en commission, nous avons considéré que cet article n’ayant pas été voté par l’Assemblée nationale, il ne nous appartenait pas de le réintroduire aujourd’hui. Il faudra, bien entendu, y revenir.
Je rappelle que, en 2019, cette disposition avait été retirée du texte lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous avons donc encore des progrès à faire.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Je rejoins Cécile Cukierman dans ses propos. En effet, cet amendement part de bons sentiments, mais il est ruralicide. Lorsque nous avons créé l’intercommunalité, chez moi, nous étions trois pour représenter ma commune rurale. Depuis, la règle a changé, et il n’y a désormais qu’un élu représentant le conseil municipal.
Les communes rurales se sentent déjà méprisées parce que la loi limite leur représentation à une personne. Or, dans la situation actuelle, force est de constater qu’une majorité des maires sont des hommes, et nous n’avons pas le pouvoir ici de décider que la moitié des communes aura une femme comme maire. Nous ne pouvons, de la lettre A à la lettre L, placer un homme comme maire, et de la lettre M à la lettre Z, une femme !
Ainsi, vu la situation actuelle, si nous adoptions cet amendement, cela signifierait que la seule commune ayant plusieurs représentants, qui applique donc la parité, pourrait obtenir la moitié des sièges au sein de l’exécutif du conseil communautaire, au détriment de toutes les communes rurales.
J’y insiste, il s’agit d’un amendement ruralicide, auquel je m’opposerai.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. Nous maintenons bien évidemment cet amendement. J’entends les préoccupations qui sont soulevées. Certes, on peut se demander s’il y aura suffisamment de femmes maires car, généralement, ce sont les maires qui occupent les postes de l’exécutif.
Nous avons déjà débattu de ce sujet, et nous avons conclu qu’il était normal que les maires participent au conseil communautaire. Je n’ai aucune difficulté à dire, moi aussi, que c’est important. En revanche, est-il nécessaire que les maires soient dans l’exécutif ? On peut se poser la question : il s’agit d’un équilibre très politique. (M. Christian Bilhac s’exclame.)
Dès lors que la parité est appliquée dans toutes les communes du fait du scrutin de liste, maintenir cette parité à tous les niveaux me semblerait un signal très positif et très clair. Je ne suis pas convaincue par les arguments avancés pour s’opposer à l’amendement, sachant que c’est dans les petites communes, où il y a beaucoup de travail, que l’on retrouve le plus de femmes maires.
Nous parviendrions à un équilibre en adoptant notre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 4 demeure supprimé.
Article 5
La présente loi s’applique à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant sa promulgation.
M. le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Canayer, M. Mercier et Dumont, MM. Lemoyne, Maurey, Brisson, C. Vial, L. Vogel et Chauvet, Mmes F. Gerbaud, Romagny, Patru, Belrhiti et Hybert, MM. Klinger, Chasseing et Chatillon, Mme Berthet, MM. A. Marc, Henno, Belin, D. Laurent, Panunzi et Lefèvre, Mme Richer et MM. Milon, P. Vidal et Genet, est ainsi libellé :
Au début
Insérer les mots :
À l’exception de l’article 3 bis,
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Cet amendement prévoit une entrée en vigueur immédiate des dispositions relatives aux communes nouvelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Avis favorable à cet amendement, sous réserve d’une rectification tendant à en préciser la rédaction en le complétant par les mots : « , qui entre en vigueur le lendemain de sa publication, ».
M. le président. Madame Canayer, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans ce sens ?
Mme Agnès Canayer. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par Mmes Canayer, M. Mercier et Dumont, MM. Lemoyne, Maurey, Brisson, C. Vial, L. Vogel et Chauvet, Mmes F. Gerbaud, Romagny, Patru, Belrhiti et Hybert, MM. Klinger, Chasseing et Chatillon, Mme Berthet, MM. A. Marc, Henno, Belin, D. Laurent, Panunzi et Lefèvre, Mme Richer et MM. Milon, P. Vidal et Genet, qui est ainsi libellé :
Au début
Insérer les mots :
À l’exception de l’article 3 bis, qui entre en vigueur le lendemain de sa publication,
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 36 rectifié bis ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Chevalier, Laménie, Brault et Grand, Mme L. Darcos, MM. D. Laurent, V. Louault, Khalifé et Verzelen, Mme Guidez, M. Somon et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
prochain
par le mot :
premier
La parole est à M. Cédric Chevalier.
M. Cédric Chevalier. Il est retiré.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Daubet et Roux et Mmes Jouve et M. Carrère, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
prochain
par le mot :
deuxième
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Chevalier, Laménie, Brault et Grand, Mme L. Darcos, MM. D. Laurent, V. Louault, Khalifé et Verzelen, Mme Guidez, M. Somon et Mmes Romagny et Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi étendant les modalités d’application de la présomption de complétude dans les communes de 500 à 999 habitants
La parole est à M. Cédric Chevalier.
M. Cédric Chevalier. Il est retiré.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je souhaite tout d’abord réagir à l’interpellation de notre collègue Jean-Pierre Grand : malheureusement, quand les débats s’emballent, c’est parfois parce que le texte s’emballe aussi. Bien souvent, la qualité de nos débats est liée à celle du texte, à son intelligibilité et à son adaptation à nos territoires.
Je redis sincèrement que, comme l’examen de cette proposition de loi nous l’a démontré, on ne peut utiliser la parité à d’autres fins que celle de permettre aux femmes de prendre toutes leurs responsabilités dans la vie politique.
Je réaffirme ce que j’ai dit au cours de la discussion générale : nous commettons aujourd’hui plusieurs entorses à nos principes.
D’abord, nous acceptons une réforme qui, amendement après amendement, rafraîchit un mode de scrutin moins d’un an avant l’organisation de celui-ci. Dans ce cas comme dans d’autres à venir, cela n’est pas acceptable.
Ensuite, j’ai beaucoup entendu ces mots : « un projet, une liste, une majorité ». Le défi de la démocratie, c’est parfois, dans notre diversité, de construire la défense d’un intérêt général, même si c’est compliqué, même si l’on aura toujours face à nous le pénible du coin ou celui qui n’est jamais d’accord. Dans la plupart des communes rurales – je ne dis pas que c’est le cas de toutes et je n’ignore pas les difficultés qui peuvent exister –, cet espace était encore préservé. Nous observons les débats, parfois complexes, à l’Assemblée nationale : plutôt que d’en finir avec ces espaces de construction d’un intérêt général issu d’une démocratie originale, nous aurions dû les préserver.
Notre groupe, dans sa grande majorité, ne votera pas cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour explication de vote.
M. Cédric Chevalier. À titre personnel, je voterai bien évidemment contre ce texte. J’ai eu l’impression, aujourd’hui, d’assister à un débat entre les rats des champs et les rats des villes. Je vous donne rendez-vous en mars 2026 pour faire le bilan de la réforme. Si elle fonctionne, je serai le premier à le reconnaître ; j’espère que, dans le cas contraire, d’autres sauront assumer leurs responsabilités.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Nous avons aujourd’hui un sentiment d’amertume quant à la manière dont se sont passés les débats, avec des votes par scrutin public qui n’ont pas toujours été éclairés par les discussions que nous avons eues.
Cette amertume est renforcée par le fait que nous ne sommes qu’à dix mois de la préparation des prochaines échéances. Nous allons bouleverser des règles qui, globalement, donnaient satisfaction. Contrairement à ce que nous réclamons tous sur le terrain, contrairement à ce que nous avons tous dit lors des cérémonies de vœux des communes auxquelles nous avons assisté en janvier dernier, nous allons complexifier au lieu de simplifier. (Mme Kristina Pluchet opine.)
Alors que la règle devient quasi inintelligible pour les élus que nous sommes, comment les citoyens pourront-ils la comprendre ? En outre, nous venons de leur retirer une forme de liberté dans la manière de s’exprimer lors du vote.
Je l’ai vécu personnellement : j’étais maire d’une commune de 1 250 habitants lors du passage au scrutin de liste sans panachage. Beaucoup de nos concitoyens ont regretté ce changement qui, en définitive, les a privés d’une liberté de choix.
Je pense que l’on va regretter amèrement l’adoption du présent texte, comme – je le redis – je regrette amèrement la manière dont se sont déroulés nos débats d’aujourd’hui. Mais, sauf erreur de ma part, la procédure accélérée n’a été engagée que sur la proposition de loi organique. Nous serons donc probablement appelés à examiner la proposition de loi ordinaire en seconde lecture. En tout cas, je le souhaite.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Mes chers collègues, on ne saurait faire d’opposition, dans cette assemblée, entre ceux qui ont été élus dans les villes et ceux qui ont été élus dans les villages.
M. Olivier Rietmann. C’est quand même le cas…
M. Pierre-Alain Roiron. Je sais ce dont je parle, ayant été maire d’une petite ville de 4 000 habitants environ… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Chevalier. Ce n’était pas une commune de 500 habitants !
M. Pierre-Alain Roiron. Chers collègues, j’ai pris la peine de vous écouter : il serait bon que vous en fassiez de même. C’est aussi cela, la démocratie.
Cette proposition de loi va simplifier la vie d’un certain nombre de communes. Résoudra-t-elle tous les problèmes d’engagement des citoyens ? Je n’en suis pas certain. À cet égard, j’appelle évidemment de mes vœux un texte relatif au statut de l’élu : ce travail est, lui aussi, très attendu.
Dans chaque commune, on doit pouvoir soumettre son projet à la discussion. On doit aussi avoir les moyens de le défendre. Voilà ce qu’attendent nos collègues élus municipaux.
Cette proposition de loi représente une première avancée. Je connais beaucoup de maires de petites communes : j’ai aussi été président d’une intercommunalité comprenant un certain nombre de communes d’à peine 100 habitants. Ces élus sont souvent en difficulté pour constituer les listes, puis faire vivre leur conseil municipal. C’est en particulier pour eux que le texte représente une avancée.
Pour l’ensemble de ces raisons, les membres du groupe socialiste voteront très majoritairement cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Monsieur Roiron, je ne suis pas d’accord avec vous. On voit bien où va nous mener cette « simplification » ! (M. Jean-Gérard Paumier acquiesce.)
Selon moi, nous assistons aujourd’hui à une forme d’auto-allumage législatif ; et, dans le contexte international que nous connaissons, je ne suis pas fier que notre assemblée contribue à remettre en cause le dernier bloc de stabilité de notre pays. (Marques d’approbation les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Tout à fait !
M. Pierre-Alain Roiron. Quel est le rapport ?
M. Vincent Louault. Vous ne voyez peut-être pas le rapport ; moi, je le vois tout à fait.
Heureusement, comme la procédure accélérée n’a pas été engagée, cette proposition de loi va repartir à l’Assemblée nationale. Pour ma part, j’ai déjà pris l’attache d’un certain nombre de nos collègues députés défendant les mêmes positions que nous et, comme beaucoup, je suis prêt à reprendre le débat au Sénat. Bref, on en rediscutera ! (Mme la ministre manifeste son exaspération.) On verra aussi ceux qui, dans l’intervalle, auront changé leur vote.
Mes chers collègues, il n’est pas question de se débiner. Nos votes successifs ont des conséquences cumulatives. À la rigueur, j’aurais pu approuver le passage au scrutin de liste, mais si l’on y ajoute encore l’obligation de parité, les maires, à la fin, ne s’y retrouveront plus du tout.
Bref, ce soir, j’ai un peu mal à ma commune rurale. Dans les petites communes, la démocratie est certes parfois difficile à faire vivre aujourd’hui. Mais si ces mesures sont mises en œuvre, il n’y aura bientôt plus qu’une seule liste dans la moitié des communes de France. Si c’est cela, pour vous, la démocratie… Il n’y a pas de quoi être fier ce soir ! (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. À titre personnel, je ne voterai pas non plus ce texte.
Mes chers collègues, avec plusieurs d’entre nous, j’ai proposé une mise en œuvre progressive de ces dispositions, à partir de 500 habitants. Je regrette que notre amendement n’ait pas été retenu.
Objectif à valeur constitutionnelle, le pluralisme risque fort d’en pâtir. Comme le suggère M. Louault, la participation dans les communes sera peut-être plus faible encore en 2026 qu’elle ne n’était en 2020. Ce ne sera pas un progrès notable…
Au demeurant, ce sujet n’est pas au cœur des préoccupations des élus locaux. Leurs priorités sont souvent bien différentes : de ce fait, nous avons sans doute manqué notre cible. En votant le présent texte, nous ferons plaisir à certains maires, très minoritaires. Mais la grande majorité des maires attendaient autre chose du Sénat qu’une réponse de cette nature. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour explication de vote.
Mme Annick Jacquemet. Le département du Doubs, dont je suis l’élue, dénombre 563 communes, dont 82 comptent moins de 1 000 habitants. Vous voyez, mes chers collègues, qu’il s’agit d’un territoire plutôt rural. Or, selon un sondage que j’ai mené, les maires du Doubs refusent à plus de 65 % l’instauration de listes paritaires.
Fixer la barre à 500 habitants aurait pu faire évoluer mon vote – j’ai d’ailleurs cosigné l’amendement de M. Mizzon. Mais par cohérence, et par respect pour les maires du Doubs, que j’ai pris soin de consulter, je voterai contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Mes chers collègues, l’heure est venue de se prononcer sur cette proposition de loi. Pour ma part, je voterai pour, car je crois à la démocratie participative.
Pour les maires, la démocratie participative s’exerce au sein de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), dont les dirigeants sont élus démocratiquement ; et cette association soutient la proposition de loi.
Quant aux maires ruraux, dont il est plus spécialement question aujourd’hui, ils disposent de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Or – je suis bien placé pour le savoir, ayant été président départemental des maires de France –, depuis vingt ans, l’AMRF demande l’abrogation du panachage.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très bien !
M. Christian Bilhac. Évidemment, dans mon département, il y a des maires qui sont pour et des maires qui sont contre. Je ne pouvais pas organiser un référendum – je n’en avais ni les moyens ni le temps. Je me suis donc tourné vers leurs représentants, bien décidé à les écouter : c’est cela, la démocratie représentative. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et GEST.)
M. Grégory Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. Le Sénat s’apprête à supprimer le panachage, et, pour ma part, je m’en félicite. Un certain nombre d’entre nous, mes chers collègues, avons eu l’occasion de monter des listes aux élections municipales, en recherchant des compétences au service d’un projet. Puis certains ont dû constater, par exemple, que la personne à qui devait revenir le poste d’adjoint aux finances n’avait pas été élue. De telles situations créent souvent de graves difficultés pour les équipes municipales – en tout cas pour celles qui ont un vrai projet pour leur commune.
À cet égard, mes collègues du groupe écologiste et moi-même nous réjouissons.
Je me réjouis aussi pour la parité. Souvent, les femmes pensent qu’elles n’ont ni la compétence ni le temps nécessaires pour assumer des fonctions électives. Elles se posent énormément de questions et, si on ne les pousse pas, elles renoncent généralement à s’engager.
J’ai été maire d’une petite commune de 700 habitants. Je ne sais pas si je gagne en légitimité pour m’exprimer sur ces questions… En tout cas, j’ai réussi à constituer un conseil municipal paritaire. J’ai pu également assurer la parité parmi les adjoints, et notre équipe a très bien fonctionné. Je crois même que cette méthode a beaucoup apporté à notre commune.
Pour leur part, les membres du groupe écologiste se réjouissent des dispositions que le Sénat est sur le point de voter. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 225 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 303 |
Pour l’adoption | 192 |
Contre | 111 |
Le Sénat a adopté la proposition de loi.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur la proposition de loi organique.
proposition de loi organique visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité
Article 1er
Le code électoral est ainsi modifié :
1° A (nouveau) À la fin du premier alinéa de l’article L.O. 141, les mots : « soumise au mode de scrutin prévu au chapitre III du titre IV du présent livre » sont remplacés par les mots : « de 1 000 habitants et plus » ;
1° L’article L.O. 247-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Dans les communes soumises au mode de scrutin prévu au chapitre III du présent titre, » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
2° L’article L.O. 255-5 est abrogé.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Klinger, Khalifé et Sido, Mme Jacques, M. Paccaud, Mme Joseph, M. Chatillon, Mmes F. Gerbaud et Estrosi Sassone, MM. Bruyen, Perrin, Rietmann, Naturel, de Legge, Panunzi, Saury et Bouchet, Mmes P. Martin, Belrhiti et Ventalon, MM. Chaize et Somon, Mme Chain-Larché et M. P. Vidal, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Par cohérence avec le débat que nous venons d’avoir, nous proposons de supprimer l’article 1er de la proposition de loi organique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La proposition de loi ordinaire que nous venons d’adopter va de pair avec cette proposition de loi organique.
La commission est évidemment défavorable à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Même avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2 (nouveau)
La présente loi organique s’applique à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant sa promulgation – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi organique visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 226 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 164 |
Contre | 160 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité (projet n° 33 [2024-2025], texte de la commission n° 394, rapport n° 393).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis dans cet hémicycle pour examiner en première lecture le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. Son objectif est clair : accroître la sécurité et la résilience de structures indispensables à la vie de notre nation.
Le présent texte est l’aboutissement d’un travail au long cours, alimenté notamment par le Sénat. L’ensemble de ces initiatives contribuent à faire de la France une nation à la pointe de la cybersécurité.
Il y a six semaines, je me présentais devant la commission spéciale constituée par votre assemblée pour examiner ce projet de loi. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail accompli par le président de cette commission, M. Olivier Cadic, ainsi que par ses rapporteurs, MM. Hugues Saury, Patrick Chaize et Michel Canévet.
J’affirmais alors que le renforcement de notre sécurité n’était plus un sujet technique, réservé aux experts, mais qu’il s’agissait désormais bel et bien d’un enjeu géopolitique. Je ne pouvais imaginer à quelle vitesse l’actualité nous rattraperait. Nous faisons face à une nouvelle réalité, qui s’impose à nous.
Le 3 mars dernier, devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre exprimait sa préoccupation, face à une situation internationale qu’il décrivait comme « la plus grave, la plus déstabilisée et la plus dangereuse […] depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ».
Le surlendemain, dans son allocution relative au conflit en Ukraine, le Président de la République alertait quant à lui les Françaises et les Français face aux ingérences étrangères qui testent nos limites « dans les airs, en mer, dans l’espace et derrière nos écrans ».
Nous sommes directement visés. Les tensions géologiques liées à la guerre en Ukraine, l’évolution des positions américaines ou encore le conflit au Proche-Orient affectent directement notre sécurité numérique. Ces crises à répétition nous imposent une vigilance accrue. Dans un tel contexte, nous devons muscler notre capacité d’anticipation et de réaction.
La semaine dernière, je me rendais en Pologne, pour une réunion du Conseil de l’Union européenne consacrée au numérique. Ce rendez-vous – il s’agissait là d’une première – a été entièrement dédié à la cybersécurité. À cette occasion, les Vingt-Sept ont signé l’appel de Varsovie pour renforcer leur collaboration. Nous vivons à cet égard un moment charnière, dans lequel ce projet de loi prend tout son sens.
Pour autant, nous ne partons pas de zéro.
Dès 2006, la France a fait le choix précurseur de mettre en œuvre un dispositif de protection des secteurs d’activité d’importance vitale (SAIV).
Dès 2016, à l’échelle de l’Union européenne, nous nous sommes dotés d’une première directive Network and Information Security, dite NIS 1, qui a établi les bases d’une sécurité renforcée pour les entités essentielles. Mais, depuis, la menace a fortement évolué. Elle peut frapper n’importe qui, n’importe où, n’importe quand. J’ai pu le constater moi-même.
J’ai été particulièrement touchée par mes échanges avec les soignants de l’hôpital André-Mignot, dans les Yvelines. Ces derniers sont encore marqués par les conséquences de la cyberattaque subie à vingt-trois heures, le samedi 3 décembre 2022, il y a maintenant plus de deux ans ; et comment ne pas l’être quand on sait que le taux de mortalité augmente de 30 % dans les services hospitaliers en cas de cyberattaque ? C’est une responsabilité que nous ne pouvons plus laisser peser sur nos soignants.
J’ai aussi pu mesurer l’ampleur de cette menace lors de ma visite de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Lille, attaquée à son tour l’an dernier, suivie par le conseil départemental du Loiret, touché il y a à peine une semaine – M. le rapporteur Saury le confirmera. Nous avons pu constater, dans ce dernier cas, que le degré de préparation en matière cyber faisait toute la différence.
Ces différents exemples nous rappellent que personne n’est à l’abri de telles attaques. Devoir mettre ses services à l’arrêt ; réapprendre à utiliser le papier et le crayon pour nombre de tâches quotidiennes ; ne plus pouvoir éditer de facture ; ne pas pouvoir payer ses salariés ou ses prestataires ; pire encore, ne plus pouvoir fournir le service ou l’aide nécessaire à un public vulnérable ou dans l’urgence : ce sont là autant de situations contre lesquelles nous devons plus que jamais nous prémunir.
Je tiens d’ailleurs à saluer devant vous la résilience et le sens du collectif dont font preuve les équipes que j’ai pu rencontrer. Qu’elles en soient sûres : l’État est à leurs côtés.
À ces observations de terrain répond la froide réalité des chiffres. Le constat est sans équivoque : le nombre de cyberattaques augmente de manière très sensible.
Ce matin même, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) dévoilait son Panorama de la cybermenace 2024. Ce document fait état de 4 386 événements de sécurité au cours de l’année 2024, soit plus de douze par jour. En outre, le nombre d’attaques progresse rapidement – il a augmenté de 15 % entre 2023 et 2024. Surtout, ces dernières ne visent plus uniquement les grandes entreprises ou les administrations centrales. Elles frappent l’ensemble de notre tissu économique et social – des hôpitaux, des collectivités territoriales, des PME, des TPE, etc. En moyenne, six attaques sur dix touchent désormais de petites structures.
Il ne s’agit donc plus de savoir si telle ou telle organisation sera attaquée, mais quand. Nous devons collectivement sortir de la logique du « cela n’arrive qu’aux autres » et apporter une réponse forte. C’est ce que je vous propose aujourd’hui avec le présent texte.
Ce projet de loi s’organise en trois grands axes correspondant à ses trois titres.
Le titre Ier, sur lequel vous avez plus particulièrement travaillé, monsieur le rapporteur Saury, transpose la directive sur la résilience des entités critiques (REC).
Comme je l’indiquais, la France a joué un rôle précurseur dans la protection de ces infrastructures, avec le dispositif des secteurs d’activité d’importance vitale. Aujourd’hui, nous devons encore renforcer la capacité desdites entités à anticiper, à résister et à récupérer.
Aussi, cette partie du projet de loi modernise notre dispositif et l’harmonise avec les normes en vigueur chez nos partenaires européens. Elle institue une analyse des risques plus précise, un suivi plus rigoureux et une meilleure gestion des interdépendances. La directive REC permet également de couvrir davantage de secteurs : sont ajoutés à la liste des entités critiques les réseaux d’assainissement, de chaleur, de froid et d’hydrogène.
Le titre II, confié à votre examen, cher rapporteur Chaize, doit nous permettre de changer d’échelle pour construire une cybersécurité collective. À cette fin, il transpose de manière fidèle la directive européenne NIS 2.
Avec NIS 2, 15 000 entités stratégiques relevant de dix-huit secteurs d’activité, parmi lesquels l’eau, l’agroalimentaire et la gestion des déchets, seront désormais concernées.
Parce que la menace n’a jamais été si diffuse, il était essentiel d’élargir le champ des entités couvertes. Nous avons conduit cette évolution en suivant quatre principes : concertation, proportionnalité, simplification et accompagnement.
La directive NIS 2 introduit une distinction claire entre deux types d’entités : d’une part, celles dites importantes, qui représentent 80 % des 15 000 entités couvertes, et pour lesquelles les obligations seront centrées sur une bonne hygiène numérique ; de l’autre, celles dites essentielles, qui seront soumises à des exigences de cybersécurité plus strictes et à des contrôles accrus, en amont comme en aval.
Par ailleurs, nous avons fait le choix d’inclure 1 500 collectivités dans le périmètre de NIS 2. C’est un choix assumé, qui s’explique avant tout par le fait que ces dernières sont la cible d’une attaque sur quatre recensée par l’Anssi, et ce dans tous nos territoires.
J’assume tout autant de proposer que ces mêmes collectivités n’encourent pas de sanctions financières, puisqu’elles ne sont ni financées ni assurées dans les mêmes conditions qu’un organisme privé.
Quelle que soit la nature des entités concernées, nous veillerons à ce qu’elles s’adaptent progressivement à leurs nouvelles obligations. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu une période de trois ans durant laquelle s’appliqueront uniquement des contrôles blancs, dépourvus de sanctions et réalisés dans une visée éducative.
J’en viens enfin au titre III, monsieur le rapporteur Canévet, dont l’ambition est de renforcer la résilience du secteur financier par le biais de la transposition de la directive du 14 décembre 2022 sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier, dite Dora (Digital Operational Resilience Act).
Les banques et les institutions financières sont toujours plus exposées au risque de cyberattaques. Selon le FMI, elles auraient subi plus de 20 000 incidents en vingt ans et connu une perte de 25 milliards d’euros entre 2020 et 2024.
Or, jusqu’au règlement Dora, les établissements financiers devaient s’appuyer sur huit directives différentes pour comprendre les exigences auxquelles elles étaient soumises. La France a négocié Dora en s’assurant de son articulation avec NIS 2. La transposition qui est proposée y veille également.
Par ailleurs, je souhaite que nous assujettissions les sociétés de financement à Dora non pas dans un délai de cinq ans, comme cela est proposé aujourd’hui, mais dès à présent, comme cela était initialement prévu dans le texte du Gouvernement. Nous ne pouvons pas laisser ces sociétés sur le côté ; nous devons les protéger au plus vite.
La commission spéciale, qui s’est réunie la semaine dernière et dont je salue le travail, a fait évoluer le texte dans le bon sens.
Elle a en particulier rendu ce dernier plus intelligible, au travers d’amendements visant notamment à définir la notion d’incident ou à préciser les dix-huit secteurs concernés par les obligations de NIS 2.
Grâce à l’amendement du rapporteur Chaize tendant à permettre à l’Anssi d’opérer des équivalences avec les référentiels des autres pays membres de l’Union européenne, la commission spéciale a également œuvré à une meilleure harmonisation, au bénéfice notamment des entreprises qui opèrent dans plusieurs pays.
Je souhaite m’assurer que cette transposition maintienne un niveau élevé de protection, sans compromettre la compétitivité de nos entreprises vis-à-vis de leurs concurrents, y compris européens.
J’entends les objections qui sont parfois faites à ce texte : coûts financiers de la mise en conformité, normes supplémentaires ou encore complexité administrative.
Nous pouvons aisément y répondre : d’abord, en rappelant que le coût d’une attaque cyber réussie est des dizaines de fois supérieur à celui de la mise en conformité et des mesures de protection ; ensuite, en indiquant que la rationalisation et l’harmonisation des pratiques de cybersécurité en Europe servent bien notre compétitivité, en évitant toute fragmentation réglementaire ; enfin, en soulignant que ce texte doit aussi permettre de supporter le développement de solutions technologiques nationales et européennes au sein d’un écosystème industriel innovant, créateur de valeur et d’emplois.
Des nombreux retours de terrain, je retiens trois enseignements.
Le premier est que ce texte peut être un outil de valorisation si nous l’accompagnons de la création d’un label garantissant la conformité des entreprises et des collectivités aux exigences demandées.
Dans cette perspective, j’ai demandé à l’Anssi de travailler à un modèle de labellisation qui vous sera présenté dans le cadre des débats. Il permettra aux acteurs de faire valoir la résilience cyber non pas comme une contrainte, mais comme une opportunité et un atout concurrentiel.
Le deuxième enseignement est la nécessité, pour les entreprises et les collectivités, d’être guidées dans leurs nouvelles obligations. Je m’y attache, avec l’appui de l’Anssi, de la gendarmerie, de toutes les fédérations patronales et des associations.
Enfin, troisième enseignement, il nous revient de promouvoir et de mettre en avant les solutions industrielles, ainsi que l’écosystème français de la cybersécurité, pour lui permettre de gagner des parts de marché.
Vous l’aurez compris, ce projet de loi est une réponse nécessaire et ambitieuse à la menace croissante qui pèse sur nos infrastructures critiques de toute taille. Il doit nous permettre de franchir une étape importante et de contribuer à placer notre pays à la pointe du secteur stratégique de la cybersécurité.
Ce texte doit aussi être l’occasion de sensibiliser largement le grand public à ce sujet. La première des protections, c’est bien la pédagogie : nous devons tous, à notre niveau, contribuer à lever le tabou qui entoure encore bien trop souvent les cyberattaques.
Je suis convaincue que les débats qui s’ouvrent seront constructifs et permettront d’aboutir à un texte simple et efficace, mais surtout utile à la sécurité des Français et des Français.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le titre Ier du projet de loi vise à transposer en droit français la directive du 14 décembre 2022 sur la résilience des entités critiques.
Cette directive s’inspire en grande partie du dispositif français existant. Sa transposition en droit national consiste donc essentiellement en une actualisation du dispositif de sécurité des activités d’importance vitale, en vigueur depuis 2006 et désormais bien maîtrisé par les opérateurs concernés.
Cette transposition marque toutefois un changement important de philosophie : elle acte le passage d’une logique de protection des infrastructures d’importance vitale à une approche axée sur la résilience.
Cette orientation me semble pertinente, car il est évident que l’on ne pourra jamais se protéger contre toutes les menaces. L’enjeu est donc bien d’identifier les moyens d’assurer la continuité des activités essentielles pour le pays.
En ce qui concerne la transposition proprement dite, plusieurs différences doivent être signalées entre le texte qui nous est présenté et la directive.
Les opérateurs exerçant dans le domaine de la défense ou de la sécurité nationale, qui étaient déjà soumis au dispositif des SAIV, sont ainsi intégrés dans le champ de la transposition, alors que cela n’était pas prévu par la directive.
Par ailleurs, la réalisation d’une analyse des dépendances à l’égard des tiers est prévue, une obligation qui ne figurait pas dans la directive REC.
Enfin, les opérateurs d’importance vitale devront réaliser un plan de protection et de résilience pour chacun de leurs points d’importance vitale, comme c’est le cas dans le dispositif actuel, alors que la directive ne prévoit des plans qu’à l’échelle de l’opérateur lui-même.
Ces adaptations me semblent pertinentes au regard des objectifs du projet de loi. Par ailleurs, les autres obligations qu’il introduit – élaboration d’un plan de résilience opérateur, notification des incidents, instauration d’un mécanisme de sanctions administratives – sont conformes aux dispositions de la directive.
À l’article 1er, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements visant notamment à définir les notions d’incident et de résilience, à préciser la date à partir de laquelle une astreinte prononcée dans le cadre d’une mise en demeure commence à s’appliquer, à fixer à vingt-quatre heures le délai dans lequel l’opérateur doit signaler un incident à l’autorité administrative ou encore à renforcer les garanties d’indépendance de la commission des sanctions.
Au sein du titre II, et notamment à l’article 6, la commission spéciale a adopté deux amendements visant à définir les notions d’incident et de vulnérabilité, qui ne sont pas présentes dans le projet de loi alors qu’elles figurent dans la directive NIS 2.
Mes chers collègues, le dispositif de résilience des activités essentielles prévu par le présent projet de loi et amélioré par la commission spéciale renforcera notre capacité collective à faire face aux risques croissants.
Cependant, beaucoup reste à faire, notamment quant à l’application concrète de ces dispositions et à leur déclinaison au niveau réglementaire.
À ce titre, madame la ministre, nous veillerons particulièrement à ce que les services de l’État ne surtransposent pas la directive et accompagnent efficacement les opérateurs dans la mise en œuvre de ces nouvelles obligations. Il s’agit là d’une attente forte exprimée par les acteurs concernés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en ma qualité de rapporteur chargé de l’examen du titre II du projet de loi, je centrerai mon intervention sur la transposition de la directive NIS 2.
Comme nos auditions nous l’ont clairement montré, la menace cyber a largement changé de nature au cours des dix dernières années.
Alors qu’elle ciblait avant tout les grandes entreprises, souvent à des fins d’espionnage industriel ou de déstabilisation, et était souvent d’origine étatique, elle est devenue systémique, émanant de plus en plus de groupes cybercriminels organisés, qui opèrent avant tout dans un but lucratif.
Ainsi, les attaques par rançongiciel ou hameçonnage tendent désormais à cibler l’ensemble du tissu économique et social.
Dans son Panorama de la cybermenace 2024 paru ce matin, l’Anssi indique que 144 compromissions par rançongiciel ont été portées à sa connaissance en 2024. Quelque 37 % de ces attaques visaient des TPE-PME, 17 % des collectivités territoriales, 4 % des établissements de santé et 12 % des établissements d’enseignement supérieur.
Les conséquences de ces attaques peuvent être particulièrement pénalisantes pour les entités, ainsi que pour leurs usagers ou leurs clients, voire provoquer des faillites ou mettre des vies en danger. Leur coût, estimé en 2022 à 2 milliards d’euros, est très élevé.
Notons enfin que cette hausse des attaques criminelles n’empêche pas le maintien à un niveau toujours très élevé des menaces de nature étatique, dans un contexte géopolitique particulièrement perturbé.
Au-delà de la hausse du nombre de secteurs et d’entités régulées, cette nouvelle directive entraîne un changement de paradigme.
Dans l’ensemble, le projet de loi assure une transposition fidèle de la directive et évite l’écueil de la surtransposition.
Deux choix importants ont été faits.
Le premier est de faire entrer dans le champ des entités régulées les régions, les départements, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération, les communautés de communes et les communes de plus de 30 000 habitants.
Ce choix aura des conséquences financières importantes pour les quelque 1 500 collectivités concernées. Il faudra certes les accompagner et leur laisser le temps de s’adapter. Pour autant, le rehaussement de leur niveau de cybersécurité est une nécessité.
Le second est d’inclure parmi les entités régulées les établissements d’enseignement qui mènent des activités de recherche. Les attaques cyber subies par les universités Paris-Saclay et Paris 1 Panthéon-Sorbonne en 2024 ont montré combien ces établissements constituaient des cibles de choix pour les pirates cyber.
Un grand nombre des amendements adoptés par la commission spéciale ont visé à répondre au constat d’une « sous-transposition », qui laissait une place trop importante aux dispositions de nature réglementaire.
Au travers de ses amendements, la commission spéciale a beaucoup insisté également sur la nécessaire proportionnalité des mesures de cybersécurité qui seront imposées, par un référentiel de l’Anssi, aux entités régulées.
Il convient de tenir compte systématiquement de la taille de l’entité, du degré de son exposition aux risques cyber, de la probabilité de survenance d’incidents et de leur gravité, afin de ne pas imposer des obligations excessives et trop coûteuses.
Nous avons enfin travaillé pour limiter les cas où les entités régulées doivent payer les contrôles qu’elles subissent et pour encadrer les sanctions les plus lourdes prévues par le texte.
En conclusion, j’y insiste : il sera crucial que l’Anssi se mobilise très fortement pour faire connaître et faire comprendre les nouvelles obligations prévues par la réglementation, et assurer leur mise en œuvre effective.
Il faudra donc également ne pas prévoir de contrôle ni, a fortiori, de sanctions pendant la période de montée en puissance cyber. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements au banc de la commission.)
M. Michel Canévet, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le titre III du présent projet de loi transpose la directive Dora, qui prévoit que la politique de gestion des risques liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC) des secteurs bancaire, assurantiel et financier est conforme au règlement Dora du 14 décembre 2022.
Le paquet Dora constitue la déclinaison de la directive NIS 2 applicable au secteur financier, qui est en effet une cible de choix pour les cyberattaques.
Le niveau élevé d’interconnexion du secteur constitue une vulnérabilité systémique du fait de la possibilité de propagation d’un cyberincident de l’une des 22 000 entités financières à l’ensemble du système.
Les menaces cyber, en forte augmentation depuis plusieurs années, représentent ainsi, selon la Banque de France, un risque très élevé, supérieur au risque de marché et au risque climatique.
Le présent texte précise les obligations qui s’imposent aux acteurs financiers – je vous en épargne la liste – en matière de résilience opérationnelle et numérique, de gouvernance et de gestion des risques liés aux TIC.
Il détermine également le rôle et les pouvoirs des autorités de supervision, en particulier de l’Autorité des marchés financiers (AMF), de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de la Banque de France et de l’Anssi, qui doivent se communiquer tout renseignement utile à l’exercice de leur mission.
La commission spéciale a adopté, sur mon initiative, plusieurs amendements visant principalement à simplifier la vie des entreprises : à l’article 62 A, en évitant le double assujettissement au paquet Dora et à NIS 2 ; à l’article 49, en fusionnant les dispositifs de déclaration d’incidents opérationnels ou de sécurité liés au paiement, prévus par la directive sur les services de paiement, et le dispositif de déclaration d’incidents liés aux TIC, prévu par le règlement Dora ; à l’article 43 A, en créant un guichet unique, permettant au passage à la France de respecter l’article 19 du règlement Dora, qui impose, lorsque c’est nécessaire, de désigner une seule autorité compétente pour la notification des incidents.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Michel Canévet, rapporteur. Je vous proposerai d’ailleurs un amendement visant à instituer l’Autorité des marchés financiers comme guichet unique pour les entreprises de marché et pour les prestataires de services sur cryptoactifs.
Le texte de la commission spéciale prévoit également que le règlement Dora s’applique aux succursales d’entreprises d’investissement de pays tiers.
Il prévoit enfin le report à 2030 – j’y tiens particulièrement – de l’application du titre III à l’ensemble des sociétés de financement, ces sociétés de droit français n’étant pas visées par le paquet Dora.
Pour les sociétés de financement « petites et non complexes », je vous proposerai un amendement visant, comme vient de l’évoquer Patrick Chaize, à ce qu’un principe de proportionnalité s’applique à leurs obligations de gestion des risques liés aux TIC. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les président et rapporteurs de la commission spéciale, dont je salue le travail, mes chers collègues, au début du mois, le secrétaire américain à la défense, Pete Hegseth, a ordonné la suspension des opérations cyber concernant la Russie.
Cette démarche participe du processus de rapprochement mené par l’administration Trump. Afin de conclure une paix factice, c’est-à-dire de concéder la victoire à Poutine, les États-Unis sont en train de redonner des marges de manœuvre à la Russie, même si des revirements semblent se profiler à l’occasion des discussions en cours en Arabie saoudite qui, espérons-le, aboutiront à une solution favorable.
De fait, depuis la nouvelle invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022, une guerre de haute intensité est menée sur notre continent.
Offensives et contre-offensives, guerre de tranchées, guerre des drones, tous les moyens sont employés dans cette lutte. Or, à l’heure de la trahison de Trump, force est de constater, à regret, que les troupes russes avancent plus rapidement.
Si 2 000 kilomètres nous séparent de Kiev, ce serait une erreur de conclure que ce conflit ne nous concerne pas directement : des sabotages ont lieu partout en Europe et les opérations dans le champ informationnel – faux cercueils recouverts de drapeaux français près de la tour Eiffel, étoiles de David taguées dans Paris pour faire pression sur l’opinion publique – se multiplient.
Les avancées de l’intelligence artificielle conduiront à l’intensification et à la sophistication des possibilités d’attaque, voire d’infiltration de nos narratifs, comme NewsGuard vient de le révéler très récemment.
Sans l’avoir déclarée et en prenant bien soin de rester sous le seuil de la conflictualité ouverte, la Russie mène une guerre contre notre pays, contre nos intérêts, jusque sur notre territoire.
Dans son combat, le Kremlin encourage la pègre à mener contre nous des attaques cyber, lorsqu’il ne les lance pas lui-même.
Il y a un an, jour pour jour, c’est le réseau interministériel de l’État qui était visé, et les différents ministères avaient été affectés dans leur fonctionnement. Trois mois plus tard, une autre attaque visait plusieurs sites du Gouvernement.
Comme l’a rappelé mon collègue, l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a également été ciblée, de même que, plus récemment, l’université de Rennes, hier La Poste ou encore des sites de régions et de municipalités.
Si les effets des attaques sont souvent plus limités que ceux d’un bombardement, ces dernières peuvent, par ricochet, – Mme la ministre le rappelait – entraîner des morts, notamment dans les hôpitaux.
Mes chers collègues, le numérique occupe, on le voit, une place de plus en plus centrale, voire stratégique, dans nos sociétés, ainsi que dans le déploiement des services publics et privés.
Dans ce contexte, la protection des réseaux devient vitale.
La France et ses partenaires européens doivent réagir pour défendre efficacement leurs concitoyens. Plusieurs directives européennes – REC, NIS 2, Dora – ont ainsi été adoptées pour identifier plus clairement les infrastructures et services essentiels au bon fonctionnement de nos sociétés.
À cette identification sont associés plusieurs niveaux de priorité, avec différents régimes de protection. Il s’agit à la fois d’une mise à jour et de l’instauration d’un cadre européen harmonisé.
Comme toujours, cela a aussi déjà été dit, nous devrons veiller à ne pas céder à la tentation de la surtransposition, afin de ne pas nuire, tout simplement, à la compétitivité de nos acteurs.
À titre personnel, je me serais contentée de l’application de la seule norme ISO 27001, qui traite finalement tous ces enjeux. À l’instar du système retenu par nos amis belges, ce choix aurait été, me semble-t-il, plus conforme à notre souhait d’un véritable choc de simplification. Peut-être aurions-nous pu éviter, en outre, le forum shopping intracommunautaire qui risque de se faire jour.
Le texte que nous examinons prévoit des sanctions en cas de violation de ses dispositions. Sans doute seront-elles rares, puisque tous les acteurs concernés ont un intérêt direct à assurer leur propre sécurité. Elles sont néanmoins indispensables pour protéger nos concitoyens tant contre la négligence fautive que contre la malveillance caractérisée.
Ce texte technique ne fera sans doute pas la une des journaux. Il est pourtant, mes chers collègues, d’une importance capitale. De sa bonne mise en œuvre dépendent la sauvegarde de notre activité économique et, in fine, la sécurité de nos entreprises, de nos collectivités territoriales, de nos services publics et de nos concitoyens.
Ce cadre devra bien entendu s’adapter aux évolutions technologiques et être réévalué assez régulièrement pour rester pertinent.
Avant de conclure, je voudrais réaffirmer que la réglementation ne suffira pas. Une réelle sécurité implique la souveraineté.
La plupart des infrastructures et outils numériques que nous utilisons sont conçus aux États-Unis et fabriqués en Chine. C’était déjà problématique avant la deuxième présidence Trump ; cela devient extrêmement critique. Tous les Européens s’accordent à dire qu’ils ne peuvent plus dépendre des États-Unis pour leur armement. Le numérique n’est-il pas aussi stratégique ?
Il l’est selon moi, au premier chef. C’est même la reine des armes, voire l’arme fatale. Que l’on songe aux antennes 5G, voire aux grues chinoises employées dans les ports américains ! Rappelons que Washington avait alerté sur la vulnérabilité des matériels et logiciels qui sont conçus par des puissances hostiles.
À l’heure où les Européens n’ont plus d’autres vrais amis qu’eux-mêmes, il est grand temps de bâtir une industrie numérique. Et je vise ici l’industrie autant des infrastructures – les câbles, les satellites, le cloud – que des logiciels, l’industrie civile autant que militaire.
Les rapports Draghi et Letta nous montrent la voie. Hâtons-nous, mes chers collègues, de la suivre le plus rapidement possible.
L’industrie européenne devra bien sûr respecter une logique de rentabilité, mais aussi intégrer le fait que la souveraineté, comme la liberté – notre liberté chérie –, a un prix qui mérite d’être payé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour l’important travail mené par les rapporteurs dans le cadre de ce projet de loi sur la résilience des infrastructures critiques et le renforcement de la cybersécurité.
Ce texte, qui transpose trois directives européennes, représente indéniablement une avancée majeure pour la protection de notre pays face aux menaces actuelles.
Nous devons saisir cette occasion pour aller encore plus loin, en particulier en matière de sécurité de nos infrastructures numériques, devenues indispensables à notre vie quotidienne, à notre économie et à la continuité même des services essentiels de la Nation.
J’attire votre attention sur un point crucial : la reconnaissance et la protection renforcée des infrastructures des réseaux de communications électroniques et, plus spécifiquement, de la fibre optique et des antennes-relais de téléphonie mobile.
Il serait utile de clarifier leur statut au sein même du code de la défense. En effet, il nous faudrait reconnaître explicitement ces infrastructures comme des activités numériques d’importance vitale.
Cette classification serait loin d’être symbolique. Elle entraînerait de facto l’application d’obligations de sécurité renforcée pour les opérateurs, à la hauteur des enjeux stratégiques qu’elles représentent.
Il serait également utile de ne pas les considérer comme un bloc monolithique. Nous devrions ainsi distinguer les différents types d’infrastructures de fibre optique et de téléphonie mobile en fonction de leur criticité et de leur impact potentiel sur les citoyens en cas de défaillance ou d’attaque.
Une simple armoire de rue n’a évidemment pas le même niveau de criticité stratégique qu’un nœud de raccordement optique, un central téléphonique ou un pylône d’antenne-relais.
Aborder ces aspects dans la loi impliquerait également la définition d’exigences de sécurité qui soient véritablement spécifiques et adaptées à ces infrastructures numériques vitales, autour de trois dimensions de la sécurité : la sécurité physique, modulée en fonction de la criticité des équipements ; la sécurité logique, pour protéger les systèmes d’information associés à ces infrastructures et garantir la mise en œuvre de plans de continuité et de reprise d’activité robustes ; la sécurité environnementale, trop souvent négligée, pour assurer la protection de ces infrastructures face aux aléas extérieurs.
Enfin, il faudrait renforcer et surtout clarifier les obligations qui pèsent sur les opérateurs exploitant ces activités d’importance vitale numériques. Là encore, il me semble essentiel de les préciser dans la loi, pour que ces exigences de sécurité spécifiques ne restent pas lettre morte.
Mes chers collègues, la tempête Alex, qui a frappé si durement les Alpes-Maritimes en 2020, n’est pas un cas isolé. Je peux témoigner, pour l’avoir vécue, de la vulnérabilité de nos infrastructures numériques. Trop de personnes ont été littéralement coupées du monde, privées d’accès à internet et aux communications mobiles pendant des jours, voire des semaines. Cette situation a durablement paralysé l’activité économique de territoires ; elle les a surtout fragilisés, voire mis en danger du fait de leur isolement.
Elle a démontré de façon brutale l’importance cruciale de renforcer la résilience de ces infrastructures face aux aléas climatiques mais aussi aux actes de malveillance, afin de garantir, en toutes circonstances, la continuité des services essentiels pour nos concitoyens.
Les exigences nouvelles en matière de cybersécurité transposées dans ce projet de loi font écho à la résilience et à la robustesse des réseaux de communication. Et si l’on convient qu’elles sont indispensables, elles représentent par ailleurs un défi significatif, en particulier pour nos collectivités territoriales.
La transposition de la directive NIS 2 étend ces obligations à un grand nombre d’établissements publics de coopération intercommunale, notamment aux plus petites intercommunalités à fiscalité propre, comme les communautés de communes. Or ces structures ne disposent pas toujours des moyens humains, financiers ou de l’ingénierie nécessaires pour se mettre en conformité avec ces nouvelles exigences.
L’expérience du plan France Relance et de son parcours cybersécurité a démontré l’importance d’un accompagnement ciblé. Toutefois, force est de constater que ce dispositif n’a bénéficié qu’à une minorité de petites intercommunalités.
Aussi, pour éviter de placer une nouvelle fois ces dernières dans une situation où elles seraient dans l’incapacité d’assurer leurs obligations, un accompagnement spécifique de l’État sera la clé de voûte pour atteindre réellement – nous l’espérons – les objectifs de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je félicite le président et les rapporteurs de la commission spéciale pour leur travail.
La France, comme le reste du monde, est confrontée à une menace croissante dans le domaine du numérique.
Dans un contexte géopolitique et sécuritaire dégradé, les infrastructures les plus critiques, déjà soumises aux risques naturels et technologiques, peuvent être régulièrement ciblées par des actions malveillantes. Ces actions visent tant les installations physiques que leurs systèmes d’information.
Selon Statista, un tiers des Français a déjà été victime d’une cyberattaque et les trois quarts des entreprises françaises ont subi au moins une attaque de type cyber en 2024.
Ces attaques ne se limitent pas aux personnes et aux entreprises privées. Réseaux hospitaliers, collectivités territoriales, intranet de nos écoles ou encore sites internet institutionnels sont tout autant des cibles vulnérables pour des personnes malveillantes.
Les infrastructures critiques de notre pays, notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports ou de la santé, subissent ainsi une menace constante.
Les enjeux sont très importants. Une perturbation de ces infrastructures pourrait, et peut déjà actuellement, avoir des conséquences désastreuses sur la sécurité nationale, l’économie de notre pays ou la santé de nos concitoyens.
Face à cette menace croissante, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à mieux nous prémunir contre ce danger nouveau. Il vise ainsi à renforcer la résilience de nos infrastructures critiques et à améliorer notre cybersécurité en transposant dans notre droit national trois directives européennes.
La directive sur la résilience des entités critiques tend à renforcer la capacité de ces acteurs à résister aux perturbations naturelles et humaines.
En transposant cette première directive, le projet de loi permettra de renforcer la résilience de nos infrastructures par l’élargissement du nombre de secteurs concernés, par une meilleure prise en compte des interdépendances entre ces secteurs, y compris entre États membres, ou encore par une obligation de notification des incidents majeurs.
Les opérateurs de ces infrastructures devront ainsi adopter des mesures spécifiques pour assurer la continuité de leurs services en cas de perturbation. Ce texte prévoit en effet le passage d’une logique de protection physique des infrastructures à une logique de résilience et de continuité d’activité.
La directive NIS 2 établit, quant à elle, des exigences de cybersécurité pour les entités de secteurs essentiels.
Conformément aux préconisations de ce texte européen, les entités concernées auront à respecter certaines obligations en matière de cybersécurité : elles devront notamment s’enregistrer auprès d’une autorité nationale, notifier les incidents importants à cette autorité et mettre en œuvre des mesures adaptées de gestion des risques en la matière.
Enfin, la directive Dora, également transcrite dans ce texte, a pour objet de garantir que le secteur financier puisse continuer à fonctionner même en cas de perturbation majeure, en renforçant, à la fois, la protection des données des clients et le rôle des autorités de surveillance, tout en établissant des règles équitables dans l’Union européenne.
Ces trois directives et l’ensemble des mesures qu’elles contiennent constituent une réponse coordonnée au niveau européen pour faire face aux menaces croissantes pesant sur nos infrastructures critiques et notre cybersécurité.
Il est primordial de les transposer dans notre droit national le plus rapidement possible, afin de permettre à notre pays de se doter de l’arsenal juridique permettant de nous protéger et de nous prémunir contre ces menaces.
Cette protection s’effectuera par ailleurs en coopération avec les autres pays membres de l’Union européenne, qui auront eux aussi transposé les trois directives dans leur droit national.
Toutefois, les collectivités territoriales devront être accompagnées dans la mise en œuvre de ces nouvelles obligations. Certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont en effet dépourvus de moyens suffisants pour se conformer aux exigences du texte.
Le groupe RDPI plaide ainsi pour l’instauration d’un accompagnement financier et technique de l’État et pour dispenser les collectivités des sanctions pécuniaires prévues en cas de manquement aux obligations de sécurité des systèmes d’information.
Mes chers collègues, il est inutile de vous rappeler les méthodes employées par certains États, notamment la Russie, afin de déstabiliser des pays européens et influer sur leurs décisions et processus démocratiques.
Face à des cybermenaces de plus en plus sophistiquées, globalisées et émanant des quatre coins du monde, il est primordial que nous ne fassions plus preuve de naïveté sur ces questions, et que nous puissions coordonner notre réponse avec nos alliés européens.
Dans la lutte contre la menace cyber, le rôle de l’État doit être central. Il y va de la confiance de nos entreprises et de nos concitoyens, qui doivent être protégés par un État fort et souverain, même dans le monde virtuel.
Le monde numérique continue, grâce à ses progrès technologiques, d’améliorer notre quotidien depuis de nombreuses années. Force est de constater que ces évolutions vont perdurer, notamment en raison du développement de l’intelligence artificielle.
Cependant, lorsque le progrès avance, de nouvelles menaces font leur apparition. Il faut ainsi choisir entre les subir ou s’en prémunir. Il est de notre devoir de nous adapter à ce défi, auquel ce projet de loi apporte une réponse ambitieuse et nécessaire grâce à l’adaptation de notre législation au droit européen.
Aussi, le groupe RDPI votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Corbeil-Essonnes, Villefranche-sur-Saône, Dax, Charleville-Mézières, Arles, Cannes : voilà une liste non exhaustive de communes dont les hôpitaux ont été la cible de cyberattaques ces dernières années.
Comme le souligne régulièrement l’Anssi, les cybercriminels ciblent de plus en plus régulièrement, sur le territoire français, des hôpitaux à l’aide de rançongiciels, paralysant ainsi l’activité de structures vitales de l’État.
Les conséquences de ces cyberattaques sont évidemment dramatiques. Elles déstabilisent profondément et parfois durablement le fonctionnement des établissements qui en sont victimes. Elles constituent une grave violation du droit à la vie privée, les données volées pouvant être vendues à des tiers, ou encore être utilisées à des fins d’usurpation d’identité.
Il est devenu aussi essentiel de se prémunir contre les risques technologiques que contre les risques naturels, sécuritaires ou sanitaires. Le contexte géopolitique actuel, caractérisé par une tension accrue, nous le rappelle à chaque instant.
La directive REC a pour objectif de renforcer la résilience des opérateurs d’importance vitale désignés comme « entités critiques ». Elle élargit le champ d’application du cadre juridique à onze secteurs et activités, contre deux actuellement en France. Elle impose une application uniforme des obligations de sécurité et de continuité des activités, afin de doter l’ensemble des opérateurs du marché intérieur de standards de sécurité communs, tout en préservant la concurrence.
L’ambition de ce projet de loi est également, en plus de sécuriser les 500 infrastructures critiques, d’assurer la résilience de 15 000 entités dites « essentielles » ou « importantes » et de l’ensemble de leurs systèmes d’information, afin de faire face au risque de cyberattaques, qu’il s’agisse d’hameçonnage, de rançongiciel ou d’exploitation de diverses vulnérabilités des systèmes.
Enfin, le texte renforce la résilience opérationnelle du secteur financier européen en matière de cybersécurité et de gestion des risques informatiques. Les entités financières auront l’obligation de mettre en place des cadres complets de gouvernance des risques liés aux technologies de l’information et de la communication, et de respecter des normes strictes de protection des données des clients.
Il est prévu que l’Anssi, dans sa fonction de contrôle, puisse prononcer des sanctions administratives et financières, d’un montant allant jusqu’à 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires, et imposer une procédure de mise en conformité.
Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics administratifs sont visés par ce texte. Leur infliger des sanctions financières, parfois lourdes, en cas de manquement ne paraît pas adapté à leur situation, alors qu’elles font déjà face à des contraintes financières croissantes. La réalité est que 73 % des petites et moyennes collectivités ne peuvent se permettre de consacrer plus de 5 000 euros par an à l’informatique et à la sécurité des systèmes.
C’est pourquoi le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a déposé plusieurs amendements visant à prendre en compte l’impératif donné aux collectivités de maîtriser leurs dépenses dans un contexte de baisse de leurs ressources financières.
Nous proposons de les exonérer de sanctions financières en cas de manquement aux obligations de sécurisation des systèmes d’information. Nous appelons à privilégier des approches alternatives, telles que l’accompagnement, la formation et le soutien technique.
Le groupe du RDSE a également déposé un amendement réduisant l’astreinte pouvant être appliquée à une collectivité de 5 000 euros à 100 euros par jour.
Nous proposons aussi d’exonérer du financement des audits les administrations de l’État, ses établissements publics administratifs, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics administratifs. L’imposition d’un contrôle à leur charge représenterait une contrainte financière supplémentaire, qui risquerait d’entraver leur fonctionnement et de compromettre leur équilibre budgétaire.
Enfin, il nous semble raisonnable de laisser un délai de cinq ans pour appliquer les nouvelles règles, ce qui permettrait à l’État d’accompagner les collectivités territoriales dans leur mise en œuvre, par une évaluation des moyens et par la mise en place d’une offre de formation.
Ce texte est nécessaire, mais les obstacles sont multiples. De nombreuses PME sont limitées par des questions de trésorerie : les solutions de détection ne sont pas toujours à leur portée ; elles manquent parfois de ressources humaines ou d’une connaissance des réglementations.
Nous devons veiller à ce que les obligations adoptées soient proportionnées à la situation de l’entité concernée, et à ce que les collectivités, qui sont en première ligne dans la lutte contre les menaces cyber, bénéficient d’un accompagnement de l’État tout au long du processus.
Le groupe RDSE sera vigilant sur ces points.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens au titre de mon groupe Union Centriste, mais, comme vous vous en doutez, ce temps de parole sera également l’occasion pour moi de faire passer quelques messages qui me tiennent à cœur en qualité de président de la commission spéciale.
Je tiens à remercier les membres de cette commission pour leur confiance et leur participation. J’aurai une attention spéciale à l’égard de Catherine Morin-Desailly, qui a présidé, il y a deux ans, la commission spéciale sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, et qui m’a apporté son soutien et son expérience.
Je souscris en tous points aux constats et aux observations des rapporteurs Michel Canévet, Patrick Chaize et Hugues Saury, qui ont fait évoluer le texte dans le bon sens – je vous remercie d’ailleurs, madame la ministre, de l’avoir souligné –, celui du respect de la lettre des directives à transposer et celui de la simplification pour les entreprises, les collectivités et les administrations publiques qui y seront assujetties.
Je salue leur travail, ainsi que celui de nos collègues qui ont largement participé aux travaux de la commission spéciale et contribué à l’élaboration du texte par leurs amendements, souvent inspirés par les auditions des représentants de l’écosystème.
Je tiens d’ailleurs à exprimer toute ma gratitude à ces derniers, en particulier à l’Alliance pour la confiance numérique (ACN), au CyberCercle ou à la CyberTaskForce. Leur expertise a nourri nos réflexions.
Certains amendements ont été adoptés en commission spéciale. D’autres ont été déposés pour être examinés lors de la séance publique, afin que le Gouvernement puisse éclaircir plusieurs points d’attention que nous avons relevés et s’engager sur ces derniers. Mais j’y reviendrai plus en détail.
Ce texte était très attendu par l’ensemble des professionnels et des parties prenantes des secteurs privé et public, car la transposition de la directive NIS 2 devait intervenir avant le 17 octobre 2024.
Les circonstances politiques que l’on connaît nous auront conduits à surmonter une dissolution de l’Assemblée nationale : alors que le projet de loi devait initialement être présenté en juin 2024, il a finalement été déposé le 15 octobre. Nous avons ensuite dû composer avec la censure du Gouvernement, avant de pouvoir auditionner Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, en janvier dernier.
En tout état de cause, vous aurez été, madame la ministre, un heureux élément de continuité dans ce processus, ce qui est à souligner.
Nous devons réaliser, dans le domaine de la cybersécurité, un effort tout particulier en matière de sensibilisation et de prise en compte de la gravité des risques encourus. Je participe à cet effort en tant que rapporteur sur les crédits de l’Anssi depuis 2017.
En 2023, les cyberattaques ont coûté près de 90 milliards d’euros à l’économie française. Le Panorama de la cybermenace 2024, que l’Anssi a publié ce matin, démontre que ces attaques ont encore progressé l’année dernière.
Ce projet de loi nous permet de diffuser un message de mobilisation. La commission spéciale y a contribué : j’ai ainsi souhaité que nos auditions fassent l’objet d’une large diffusion publique. Notre devoir est de faire prendre conscience à nos concitoyens des menaces cyber qui pèsent sur eux.
Notre objectif premier n’est pas d’empêcher les cyberattaques. Elles ne pourront que s’accentuer dans les années qui viennent – c’est un fait. Vous avez indiqué, madame la ministre, que la question n’est pas de savoir si un organisme sera attaqué, mais quand il le sera. Pour ma part, j’ai l’habitude de dire qu’il y a ceux qui ont été attaqués et ceux qui le sont déjà, mais qui ne le savent pas encore. L’objectif des acteurs concernés est d’être plus résilients et de redémarrer très vite après une cyberattaque.
Je voudrais ici relayer quelques-unes des nombreuses observations qui nous ont été faites.
J’ai relevé un premier paradoxe. Bien que l’Anssi ait indiqué avoir conduit, depuis septembre 2023, des consultations avec plus de soixante-dix fédérations professionnelles, ainsi qu’avec les onze principales associations d’élus et quatre fédérations de collectivités territoriales, et en dépit du fait que l’étude d’impact du projet de loi comporte plus de 900 pages, l’ensemble des personnes que nous avons entendues ont déploré un manque d’information et de concertation, notamment sur les dispositions réglementaires d’application du projet de loi.
Cela soulève un second paradoxe. De nombreux intervenants ont souligné l’absence de transposition de certaines dispositions figurant dans les directives, telles que les définitions des notions de périmètre d’activité, d’incidents et de délais. Ces omissions ont pu être qualifiées de « sous-transposition législative », laquelle est susceptible d’engendrer un risque d’une « surtransposition réglementaire ».
Le projet de loi renvoie à quarante décrets en Conseil d’État. De fait, ni les acteurs concernés ni la commission spéciale n’ont été rassurés sur la méthode de concertation et d’élaboration de ces derniers.
J’ai eu plusieurs fois le sentiment que le projet de loi donnait carte blanche à l’administration, sans que le législateur ait son mot à dire.
C’est pourquoi la commission spéciale a formulé plusieurs recommandations à l’attention du Gouvernement : premièrement, veiller à la proportionnalité des obligations des entités assujetties ; deuxièmement, fournir un effort de simplification des mesures d’application ; troisièmement, se garder de toute surtransposition réglementaire ; quatrièmement, enfin, accompagner les collectivités territoriales dans cette démarche nouvelle, en tenant compte des problématiques de compétences et de financement.
À titre plus personnel, j’estime, avec mon groupe, qu’il est important que le projet de loi ne soit pas perçu comme un catalogue inintelligible d’obligations et de sanctions. Il doit au contraire faire valoir une vision positive de l’élévation du niveau de résilience et de cybersécurité de tout le pays.
Plus largement, et pour conclure en ce qui concerne la dimension européenne de cette transposition, je voudrais poser la question de l’harmonisation européenne, ou plutôt, devrais-je dire, du risque de non-harmonisation, source de distorsions de concurrence avec nos voisins européens.
Un exemple précis vaut mieux qu’un long discours : comme l’a rappelé opportunément notre collègue Vanina Paoli-Gagin, nos voisins belges ont déjà transposé la directive NIS 2. Ils nous ont indiqué qu’ils prenaient pour référence le respect de la norme ISO 27001 sur les systèmes de management de la sécurité de l’information. En d’autres termes, en Belgique, on considère qu’une entreprise qui respecte cette norme remplit les obligations de la directive.
Est-ce qu’une entreprise française qui respecterait la norme ISO 27001 et les obligations complémentaires prévues en Belgique serait considérée comme remplissant ses obligations dans notre cadre national ? Non, répond l’Anssi ! C’est révélateur d’une démarche qui ne va pas dans le sens de la simplification, de l’harmonisation et de la concurrence au sein de l’Union européenne.
Vous nous annoncez, madame la ministre, la création d’un label national : cela promet… Il convient clairement de trouver le point d’équilibre entre le besoin légitime de sécurité nationale et l’acceptation des normes par les acteurs concernés.
Ce processus ne peut être laissé à la seule discrétion d’une agence qui ne rend aucun compte devant les entreprises et les collectivités. J’en appelle à vous, madame la ministre, pour élever au niveau politique le pilotage de la mise en œuvre de ce projet de loi.
En conclusion, je voudrais évoquer mon amendement n° 1 rectifié quinquies. Je souhaiterais qu’il ne soit pas possible d’imposer aux fournisseurs de services de chiffrement d’intégrer des dispositifs techniques visant à affaiblir volontairement la sécurité de leurs systèmes.
Garantir la sécurité numérique constitue un véritable enjeu du texte. Laisser des brèches dans le cryptage des données, via des « portes dérobées », appelées backdoors, peut poser de véritables problèmes. Fragiliser la sécurité des solutions de chiffrement françaises et européennes nuirait à notre compétitivité face aux acteurs internationaux.
Cet amendement a reçu de nombreux soutiens de la part des acteurs du numérique. Votre avis, madame la ministre, fera l’objet d’une large attention. Je vous inviterai, mes chers collègues, à voter mon amendement.
Notre travail ne sera pas terminé avec le vote du texte. Pour être efficace, le projet de loi doit être largement accepté par tous. Cela dépendra de la qualité du dispositif qui sera retenu pour le mettre en œuvre.
Le groupe Union Centriste votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a des décennies où rien ne se passe, et des semaines où le temps s’accélère.
Le monde s’embrase ; nous assistons à une militarisation croissante d’internet et à une explosion de la cybercriminalité. En ce sens, la cybersécurité s’impose aujourd’hui comme un enjeu stratégique, qui irrigue l’ensemble des sphères de notre société, de nos institutions et de notre économie.
Si le texte dont nous débattons aujourd’hui répond à certaines urgences, il demeure en deçà des véritables enjeux. Il est, en réalité, le produit d’une doctrine politique qui s’est résignée à la dépendance, préférant la résilience à la souveraineté, l’adaptation à la maîtrise, et la soumission aux rapports de force du capitalisme numérique mondialisé plutôt que la reconquête de nos capacités industrielles et technologiques.
Alors que la France était le pays de référence en matière de savoir-faire et de conception de produits numériques à grande échelle, notre dépendance technologique n’a jamais été aussi grande vis-à-vis du cloud et des logiciels américains.
Pourtant, comme le soulignent de nombreux chercheurs, nous avons été capables de déployer intégralement des réseaux filaires, satellitaires ou mobiles, ainsi que des câbles sous-marins, en nous appuyant quasi exclusivement sur des acteurs industriels nationaux. L’invention du Minitel, la mise au point de la technologie Numéris, le déploiement d’un réseau mobile GSM, de l’ADSL ou encore de la carte Vitale, tout cela était le fruit d’un tissu industriel et de recherche national.
Mais les gouvernements successifs ont fait le choix de la désindustrialisation dans les secteurs des télécoms et de l’électronique grand public. Ils ont laissé disparaître des sociétés comme Thomson, Alcatel ou Gemplus, alors qu’elles disposaient de brevets essentiels pour la distribution de contenus numériques.
Mme Catherine Morin-Desailly. Eh oui !
Mme Michelle Gréaume. Ommic, fleuron français de semi-conducteurs pour l’industrie des télécommunications et le domaine spatial, a lui aussi été vendu. De nos jours, le Gouvernement continue de délaisser Atos.
La privatisation et l’ouverture à la concurrence des réseaux téléphoniques ont balayé les laboratoires de recherche de France Télécom.
Les résultats de ces renoncements sont criants : nous avons manqué le tournant du cloud computing et des plateformes logicielles stratégiques. Nous avons abandonné notre destin numérique aux Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et aux grandes entreprises transnationales, qui dictent désormais les normes, fixent les prix et captent la valeur de notre propre développement numérique.
À l’heure actuelle, la France importe près de 20 milliards d’euros de technologies chaque année. Loin d’être un acteur de la révolution numérique en cours, nous en sommes devenus les consommateurs passifs, tributaires des infrastructures étrangères, prisonniers de systèmes d’exploitation, de solutions logicielles et de services cloud extraterritoriaux. Nous n’embrassons pas le futur, nous l’achetons ou nous le louons !
Le texte dont nous débattons aujourd’hui est le résultat de cet abandon d’une volonté de souveraineté numérique. Cette dernière laisse la place à la notion de résilience.
En effet, cette notion, centrale dans ce nouveau train de directives, traduit une stratégie orientée vers l’aval de la chaîne de valeur, fondée sur la sécurisation des solutions logicielles, des architectures réseau et des systèmes d’information, de nouvelles obligations de reporting et la surveillance des prestataires de technologies critiques. Tout cela doit se mettre en place sans que les coûts pour les entreprises et les collectivités territoriales soient finement évalués.
Néanmoins, lors des auditions de la commission spéciale, la question du financement et de l’accompagnement des nouvelles entités soumises à régulation a été soulevée par l’ensemble des acteurs, comme par des sénateurs de tous bords.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme Michelle Gréaume. En effet, les entités devront s’identifier elles-mêmes et se mettre en conformité. Comme le soulignent de nombreux avis, assumer cette charge constituera un défi pour nombre d’entre elles, en termes financiers, mais aussi en ce qui concerne les compétences qu’elles devront acquérir ou développer.
Au-delà des coûts, c’est la possibilité même de trouver des personnels suffisamment qualifiés pour mettre en œuvre ces dispositions qui suscite des interrogations dans certaines régions où les ressources humaines sont rares et où, nous le savons, le recours aux prestataires de cybersécurité se traduira par des hausses de prix, dont les conséquences financières sont mal anticipées par le Gouvernement.
J’y insiste, cette interrogation sur les compétences est l’aboutissement de choix politiques d’externalisation des compétences et de plateformisation de l’action publique.
Ce texte, malheureusement, ne permettra pas d’enrayer la concentration des ressources et des services critiques entre les mains de grandes entreprises transnationales, majoritairement extraeuropéennes – IBM, Intel, Google, Microsoft, Amazon, etc. Or cela conditionne directement l’autonomie stratégique des États et leur capacité à définir les futurs modèles de production et d’innovation industrielles.
Tous ces points sont absents de ce projet de loi.
Enfin, au-delà du fond, nous émettons les réserves les plus vives quant à la méthode du Gouvernement, car ce texte renvoie à quarante reprises à des décrets d’application ou à des mesures réglementaires ultérieures.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Michelle Gréaume. Pour les parlementaires du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky (CRCE-K), l’enjeu, au-delà de la seule logique de résilience, est celui de l’émancipation technologique et économique face aux grandes plateformes numériques et aux multinationales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE - K.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Akli Mellouli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte marqué par l’apparition de nouvelles tensions géopolitiques et d’une guerre hybride, nous devons nous mobiliser contre les nouveaux risques liés à la cybermenace, qui s’est accrue sur notre territoire.
C’est dans ce contexte que nous devons adapter notre droit et nous prononcer sur le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, lequel transpose trois directives européennes : Dora, REC et NIS 2. Celles-ci nous permettront de protéger nos collectivités, nos infrastructures critiques et nos entreprises face à la cybercriminalité.
Si la transposition de ces trois directives est indispensable en raison de l’accroissement de la cybercriminalité, nous devons nous interroger sur les moyens et l’accompagnement des acteurs appelés à les mettre en œuvre.
La directive REC a été négociée et adoptée sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Elle correspond à la stratégie française de la protection des activités. Il s’agit de se rapprocher de l’objectif de résilience de nos infrastructures d’importance vitale. Ce projet de loi permettra, s’il est adopté, de compléter notre stratégie actuelle, en l’étendant à de nombreux secteurs, notamment à la santé publique et à l’environnement.
Par ailleurs, la définition des infrastructures critiques retenue dans le projet de loi permet d’aller plus loin que ce qui est prévu dans la directive, laquelle ne mentionne que les infrastructures nécessaires « à la fourniture d’un service essentiel » : la définition du projet de loi inclut, quant à elle, les sites industriels ou les installations publiques dont les dysfonctionnements sont susceptibles d’avoir des conséquences graves pour la population et son environnement. Nous saluons cette évolution.
Néanmoins, les efforts demandés à ces entités critiques sont importants : les difficultés financières, humaines et matérielles, susceptibles d’être occasionnées par l’application de ce texte, ne peuvent être occultées.
Les inquiétudes dont nous ont fait part les plus petites structures soumises à ces obligations sont légitimes. Pour les collectivités, les nouvelles mesures risquent de se traduire par des charges supplémentaires, dans un contexte où elles sont invitées par l’État – quand elles n’y sont pas contraintes – à réduire leurs dépenses.
J’en viens maintenant à la transposition de la directive Dora sur la résilience opérationnelle numérique des acteurs financiers. Il est indispensable que ces acteurs se dotent de moyens pour résister aux menaces auxquelles ils font face, car leur vulnérabilité est particulièrement forte dans un secteur interconnecté et complexe.
Le projet de loi transpose ainsi de manière efficace cette directive. Il permettra de réglementer avec rigueur un secteur largement exposé aux cybermenaces.
Enfin, NIS 2, qui a pour objectif d’assurer un niveau de cybersécurité élevé, est une directive ambitieuse. Nous devons toutefois nous interroger sur les modalités de sa mise en œuvre.
Nous faisons face à un accroissement général de la cybermenace. Nos infrastructures critiques sont déjà concernées par ces enjeux. Désormais, nos collectivités sont aussi vulnérables face à ce risque. Les récentes attaques contre nos mairies ou nos hôpitaux nous rappellent qu’il est nécessaire d’anticiper la menace. Les cyberattaques représentent un coût important pour l’ensemble des acteurs de la sphère publique.
C’est pourquoi le projet de loi, qui procède à la transposition de la directive NIS 2 dans notre droit, prévoit d’inclure, dans le périmètre de la régulation, près de 1 500 collectivités territoriales, ainsi que quelque 15 000 entités essentielles.
Si le groupe écologiste salue cette volonté de mettre en œuvre une véritable protection et d’assurer la résilience de nos infrastructures critiques et de nos collectivités, il émet néanmoins quelques réserves sur les moyens dont disposent l’ensemble des acteurs concernés tant dans la mise en œuvre des dispositions de NIS 2 que dans leur contrôle.
Le passage à l’échelle induit par la directive NIS 2 constitue un défi majeur, puisque le nombre d’entités régulées sera porté de 500 à 15 000 et que le nombre de secteurs concernés passera de six à dix-huit. Cette mise en conformité représente un coût estimé à 2 milliards d’euros, dont 690 millions d’euros par an pour les collectivités, alors même que nombre d’entre elles manquent de ressources humaines et techniques en cybersécurité.
Nous regrettons ainsi l’absence d’un véritable plan d’accompagnement des acteurs, qui aurait permis de conforter l’approche visant à renforcer la résilience.
Par ailleurs, nous déplorons l’instauration de sanctions financières importantes, dans un contexte où les collectivités, leurs groupements et leurs établissements publics administratifs souffrent d’ores et déjà de fortes contraintes budgétaires.
Imposer des sanctions financières à ces entités pourrait aggraver leur situation budgétaire déjà précaire, comme en témoignent les récentes inquiétudes exprimées par les élus départementaux face aux contraintes financières croissantes.
Aussi, le groupe écologiste proposera par voie d’amendement une exonération des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics administratifs des sanctions financières prévues en cas de manquement aux obligations de sécurité des systèmes d’information, afin d’éviter des contraintes supplémentaires.
Nous aurions aimé qu’une approche alternative aux sanctions financières soit mise en place autour d’un véritable plan national d’accompagnement. Cela aurait permis de clarifier le rôle des centres de réponse aux incidents cyber, les CSIRT (Computer Security Incident Response Team), en précisant leur financement ainsi que les modalités de l’accompagnement de ces entités nouvellement soumises à la directive NIS2 et de la mutualisation des moyens de nos collectivités.
Mes chers collègues, nous le savons, ce projet de loi est nécessaire. Il permet des avancées en apportant des réponses aux enjeux vitaux de la cybersécurité et en amorçant la réflexion sur la construction d’une cybersécurité territoriale.
Néanmoins, les circonstances budgétaires ne permettent pas aux acteurs concernés d’avancer dans cette voie sereinement. Une approche solidaire d’accompagnement par l’État est essentielle pour éviter que les petites collectivités ne soient laissées seules face aux cybermenaces. Celles-ci sont en progression sur notre sol et ne peuvent nous laisser sans réaction.
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour ce projet de loi, même si nous aurions souhaité aller plus loin dans l’élaboration d’une stratégie européenne de nature à nous assurer autonomie et souveraineté en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du 1er au 3 avril 2025, Lille accueillera, comme chaque année, le Forum international de la cybersécurité (FIC), qui réunit les principaux acteurs du secteur. C’est dire si l’enjeu cyber est bien identifié dans cette ville. Et pourtant, en mars 2023, elle a subi une intrusion dans son système informatique dont le coût a été évalué à près de 2 millions d’euros. Certes, les assurances couvriront une partie des frais et aucune donnée n’a été perdue, mais le fonctionnement habituel de la collectivité a été fortement perturbé.
Lille a été victime d’une attaque malgré l’écosystème cyber qui l’entoure. Une collectivité sur dix déclare l’avoir été dans les douze derniers mois, d’après le baromètre de la maturité cyber des collectivités publié à l’occasion du dernier salon des maires. On voit bien là à quel point la menace cyber a évolué depuis une dizaine d’années : elle est devenue systémique.
Une législation européenne en construction permanente tente de faire face à ces évolutions technologiques rapides et de contrer les attaques d’ampleur par une meilleure prévention et une plus grande coordination entre les États membres.
Comme nous l’avions signalé dans la proposition de résolution européenne présentée avec Catherine Morin-Desailly et Cyril Pellevat, il faut prendre garde à ce que cet enchaînement de textes européens ne complexifie pas l’ensemble du paysage en matière de cybersécurité. Nous devons aussi veiller au financement de tous les investissements induits.
Cette question financière est l’une de celles qui se posent dans le cadre du projet de loi que nous examinons et qui a pour objet de transposer – enfin, oserai-je dire – la directive sur la résilience des entités critiques, la directive NIS 2, qui étend le dispositif actuel de prévention et de protection à un plus large tissu économique et social ainsi qu’au secteur public, et le règlement Dora, applicable aux entités financières.
Avec ces textes, c’est un changement d’échelle qui s’opère en ce qui concerne tant les exigences de sécurisation des systèmes d’information et de résilience que les catégories d’entités visées. Environ 15 000 entreprises nouvelles sont concernées et 1 500 collectivités, à savoir les régions, les départements, les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communes de plus de 30 000 habitants, deviennent des entités essentielles. Et c’est sans compter les collectivités qui sont désormais considérées comme des entités importantes.
Le défi pour ces structures publiques et privées est de taille : il importe de mieux se protéger, comme le montre mon exemple lillois. Cependant, le retard collectif d’investissement dans le domaine de la cybersécurité ne sera pas aisé à rattraper.
Les fortes tensions sur la filière des métiers cyber nous semblent être un point d’alerte majeur, tout comme les coûts en matière d’infrastructures, de formation et de mise en conformité, qui peuvent être lourds à supporter pour toutes les entités. Il est possible que les entreprises en ressentent les effets sur leur rentabilité, et que l’on constate une répercussion sur les prix des services payés par les utilisateurs finaux, avec un risque accru d’exclusion numérique pour certains d’entre eux.
La plupart des amendements du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visent donc à assurer une montée en puissance réellement progressive et faisant l’objet d’une concertation régulière de la future loi, avec un accompagnement opérationnel et financier qui tienne mieux compte des capacités de chacun.
C’est pour nous la condition de l’acceptabilité du projet de loi. Celui-ci ne prévoit pas de date d’application, mais il comporte des contrôles et des sanctions. Or l’enjeu cyber ne peut pas être vécu comme punitif. Rançongiciel, hameçonnage, déni de service : oui, la menace est réelle ; oui, nous avons besoin d’une meilleure cyberprotection, mais rien ne serait pire que des blocages dans les esprits et sur le terrain, parce qu’on oblige et on sanctionne au lieu d’expliquer et d’aider.
Le rôle de l’Anssi est à cet égard précieux, mais elle ne pourra pas tout faire, tout de suite et toute seule.
Aussi, dans le droit fil des travaux de la commission spéciale et des ajouts qui ont déjà été actés, nous souhaitons vivement que la stratégie nationale cyber suggérée par le rapporteur Patrick Chaize soit complétée par des éléments concrets et territoriaux, comme un plan d’accompagnement local ou un sous-préfet chargé de ces questions.
Une clarification du rôle et du financement des CSIRT est également attendue, de même que la sollicitation de l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
Nous proposons enfin de réfléchir à un soutien financier des structures publiques et privées. Nous reprenons par exemple l’idée d’un crédit d’impôt, déjà défendue en 2021 par nos collègues Rémi Cardon et Sébastien Meurant dans leur rapport sur la cybersécurité des entreprises.
Face aux cybermenaces croissantes issues de groupes criminels privés ou associées à des ingérences étrangères, l’adoption de mesures permettant d’améliorer notre cyber-résilience et notre cybersécurité est indispensable. Nous avons largement contribué aux travaux de la commission spéciale à cet égard.
Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et républicain votera les principales dispositions transposées dans ce texte. Nous resterons néanmoins vigilants sur les conditions effectives de leur mise en œuvre et l’attribution de moyens financiers et opérationnels dédiés à l’adaptation des entreprises et des administrations. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour commencer, permettez-moi de féliciter nos trois rapporteurs pour le travail qu’ils ont mené sur ce sujet crucial qu’est le renforcement de la résilience et de la cybersécurité de nos infrastructures et pour leurs apports au projet de loi.
Ce texte de loi transcrit en droit français trois directives européennes essentielles pour adapter notre cadre juridique à cette menace croissante.
La première est la directive REC, qui modernise notre approche en passant d’une logique de protection à une véritable stratégie de résilience des infrastructures critiques.
Le deuxième est la directive NIS 2, qui élargit considérablement le périmètre des entités soumises aux obligations de cybersécurité, dont le nombre passe de 500 à près de 15 000.
Le troisième est la directive Dora, qui vise à protéger le secteur financier contre les risques cyber, un enjeu crucial pour la stabilité économique du pays.
Ce projet de loi est essentiel au regard de la montée en puissance des cyberattaques, et notamment des rançongiciels. C’est une menace qui touche toutes nos infrastructures vitales. Établissements stratégiques, hôpitaux, collectivités locales, et même petites et moyennes entreprises : personne n’est à l’abri ! Comme le rappellent Patrick Chaize, Hugues Saury et Michel Canévet dans leur rapport, en un an, les attaques ont bondi de 30 %, avec des conséquences économiques et sociales considérables.
Les exemples ne manquent pas, madame la ministre. Je vous rappelle notamment l’attaque dont a été victime l’hôpital André-Mignot, dans les Yvelines, où vous vous êtes rendue à la fin du mois de février. Cet établissement a été paralysé durant des mois, ce qui a nui à l’offre et à l’organisation des soins dans le département. Ces événements ne sont malheureusement pas que des incidents techniques : il s’agit bel et bien de tentatives d’atteinte à notre souveraineté nationale et à notre résilience.
Je remercie la commission spéciale, présidée par Olivier Cadic, de s’être saisie de ce sujet et d’avoir fait preuve de vigilance face au risque de surtransposition, ce qui aurait pu ouvrir la porte à une inflation normative au-delà du cadre européen.
Je forme donc le vœu que l’examen en séance publique suive une dynamique similaire.
Pour autant, aussi nécessaire soit-il, ce texte soulève encore des questions et appelle des engagements clairs du Gouvernement. J’espère que le débat de ce soir permettra d’apporter des réponses.
La mise en œuvre des obligations ainsi transposées risque de peser sur les collectivités territoriales et les entreprises, en particulier sur les plus petites d’entre elles. Au niveau réglementaire, un cadre clair et réaliste doit être défini pour éviter toute surtransposition excessive.
Un accompagnement financier et technique sera indispensable pour que les entités concernées puissent réellement se conformer aux exigences de cybersécurité. Je n’oublie pas la question de la coordination et du contrôle, à laquelle il faudra apporter des réponses réalistes et pragmatiques.
Les responsabilités de l’Anssi seront considérablement élargies. L’Agence sera-t-elle prête, en termes de moyens et de personnel, à assurer ce rôle élargi de supervision ?
Par ailleurs, quelle sera la place laissée à l’harmonisation européenne afin d’éviter des doublons et des contraintes disproportionnées pour nos entreprises ?
Enfin, l’examen du texte devra permettre de clarifier et de renforcer certains points essentiels, comme les seuils de classification des entités essentielles et importantes ou encore l’accompagnement des acteurs privés et publics, lequel doit être renforcé pour garantir une application efficace et proportionnée des obligations de cybersécurité.
Nous devons légiférer vite, car le temps nous est compté et la transposition de certaines dispositions est déjà en retard. C’est le cas notamment de NIS 2. Pour autant, ne confondons pas vitesse et précipitation. Ce texte est un premier pas indispensable, mais sa réussite dépendra des mesures concrètes d’accompagnement et de mise en œuvre que le Gouvernement devra impérativement détailler. À une transposition légale et minimaliste du Parlement ne doit pas succéder une surtransposition réglementaire.
Mes chers collègues, en plus d’être des obligations légales, la protection de nos infrastructures critiques et le renforcement de la cybersécurité sont des impératifs pour la souveraineté de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est sept heures du matin, quelque part en France, lorsqu’un dysfonctionnement touche une station de traitement d’eau potable desservant une métropole de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Du fait du manque d’anticipation, le service n’est pas rétabli aussitôt, et ce qui est d’abord un incident isolé devient une panne qui s’aggrave en quelques heures : les réservoirs se vident et le réseau de distribution cesse de fonctionner. Dans les hôpitaux, dans les industries, on rationne la consommation ; la population panique et les autorités peinent à coordonner la réponse d’urgence. Et le pire, c’est que ce n’est ni une attaque ni une catastrophe naturelle qui est la cause de tout cela, mais une simple défaillance technique aggravée par un manque de planification, d’anticipation et de résilience. Cette situation est techniquement parfaitement vraisemblable.
Il est des textes qui surgissent dans nos débats parlementaires comme une évidence au vu du contexte que nous traversons. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui appartient à cette catégorie.
Regardons au-delà de la France, comme l’ont fait quelques-uns des orateurs précédents. Le tragique de l’Histoire, imposé à l’Ukraine depuis trois ans, a mis en évidence la vulnérabilité des infrastructures critiques déjà soumises aux risques naturels et aux attaques physiques et cyber, qui se sont intensifiées ces dernières années.
À cet égard, la transposition de la directive REC dans le titre Ier du présent projet de loi, sur lequel je concentrerai mon intervention, ne fait que tirer les conséquences d’une réalité incontestable : la vulnérabilité croissante de nos infrastructures essentielles dans un monde où les crises deviennent la norme.
Nous avons ainsi vécu une crise sanitaire qui a révélé les fragilités de nos chaînes logistiques. Nous avons vu ces dernières années des collectivités tétanisées par des cyberattaques, des entreprises stratégiques paralysées par des rançongiciels, des États étrangers déployer leur influence par la manipulation de l’information et le sabotage économique.
Nos infrastructures critiques sont non plus simplement des rouages invisibles de notre quotidien, mais des cibles, des vulnérabilités, des enjeux de puissance. Les yeux des gouvernants se dessillent enfin face aux menaces des impérialismes russes et chinois, mais aussi américains.
J’insisterai sur quelques points du titre Ier.
Il ne crée pas un nouveau dispositif national de sécurité des activités d’importance vitale définies dans le code de la défense, l’actuel ayant prouvé son efficacité, mais il utilise la transposition pour réviser cette politique publique essentielle.
Il acte une évolution conceptuelle importante : nous sommes non plus dans une logique de protection statique des infrastructures, mais dans une approche dynamique de résilience. Cette réforme normative constitue ainsi l’opportunité de moderniser notre organisation nationale : rationalisation de la classification du dispositif, simplification des documents de planification requis ou encore renforcement des modalités de supervision.
À cet égard, la multiplication par cinq du nombre d’opérateurs d’importance vitale, qui passera de 300 à près de 1 500, est révélatrice de la nécessité d’une vigilance accrue, dans un monde où les risques sont de plus en plus systémiques et interdépendants.
Dans une démarche constructive en commission spéciale, les sénateurs socialistes ont permis, de l’avis général, d’améliorer la précision du texte, avec le dépôt et l’adoption de plusieurs amendements. C’est de nouveau dans cet esprit de responsabilité que nous procéderons à l’examen en séance publique de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous étudions aujourd’hui revêt une importance capitale : la protection et la résilience de nos infrastructures critiques face au renforcement des cyberattaques.
Dans un monde où les menaces numériques se multiplient et où nos infrastructures essentielles interconnectées sont de plus en plus exposées au risque cyber, nous avons le devoir de doter notre pays des outils nécessaires pour protéger ses intérêts fondamentaux.
Ce texte, qui transpose notamment les directives européennes NIS 2 et REC, constitue une avancée majeure dans ce domaine, mais il exige de notre part une vigilance accrue et un engagement sans faille.
Il ne se passe plus une semaine sans que des cyberattaques viennent nous rappeler la vulnérabilité de nos infrastructures numériques. Rappelons que les attaquants se saisissent de toutes les faiblesses techniques de nos systèmes d’information. Des hôpitaux ont été paralysés, des collectivités territoriales prises en otage par des rançongiciels et des entreprises clés de notre économie et de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ciblées par des actes de cyberespionnage.
La liste est longue et les conséquences sont désastreuses. La France subit une pression constante et omniprésente dans le cyberespace. En 2024, les événements de sécurité portés à la connaissance de l’Anssi ont connu une augmentation de 15 % par rapport à 2023. Dans ce contexte, la France n’a d’autre choix que de renforcer la sécurité de ses infrastructures vitales.
En ce sens, je tiens à saluer l’avis rendu par le Conseil d’État le 6 juin 2024, dans l’ensemble positif, qui a permis de nous éclairer sur le contenu du projet de loi, son champ d’application et les compétences des acteurs désignés, mais également de souligner ses diverses faiblesses, lesquelles ont depuis été corrigées.
Ainsi, le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité vise à répondre à ces défis en transposant plusieurs directives européennes qui s’articuleront correctement avec notre législation nationale. Il prévoit notamment une meilleure identification des entités essentielles et importantes, une responsabilisation accrue des dirigeants en matière de cybersécurité et des sanctions plus dissuasives en cas de manquement pour les opérateurs négligents.
S’il constitue une avancée significative, sa mise en œuvre nécessitera des moyens adaptés et une coordination efficace entre l’État, les entreprises et les collectivités territoriales. Ce texte va plus loin que la transposition, puisqu’il élargit, dans son article 62, le champ d’application de la résilience opérationnelle numérique au secteur financier. Ce choix cohérent se justifie au regard de l’objectif de protection de notre économie et de nos concitoyens.
Outre l’élargissement du champ d’application, le projet de loi prévoit un renforcement des pouvoirs de l’Anssi, qui joue un rôle central dans notre dispositif de protection. Cependant, il sera impératif de lui donner les moyens nécessaires à la réalisation de ses missions.
Si nous pouvons nous en réjouir, nous devons cependant nous assurer que les obligations imposées par ce texte ne deviennent pas un fardeau insurmontable pour nos entreprises et nos administrations. La cybersécurité doit être perçue non pas comme une contrainte, mais comme un investissement stratégique pour garantir la pérennité de notre économie et la sécurité de nos concitoyens.
Il nous faudra donc veiller à accompagner les acteurs concernés, notamment les petites et moyennes entreprises, qui sont les plus fragiles face à ce danger, dans la mise en conformité avec ces nouvelles exigences.
L’État doit jouer son rôle en assurant une coordination efficace et en mettant à disposition les ressources nécessaires, mais les entreprises et les collectivités locales ont également un rôle essentiel à jouer.
Ce projet de loi représente une avancée majeure, mais il ne doit être qu’une étape. C’est avec cette ambition que je vous invite, mes chers collègues, à le soutenir et à poursuivre ensemble notre engagement en faveur d’une France plus résiliente face au défi du numérique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
5
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Lors des scrutins publics nos 225 et 226, j’ai commis une erreur de manipulation : MM. Alain Joyandet et Georges Naturel souhaitaient voter contre.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mon cher collègue. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.
6
Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité.
Nous en sommes parvenus à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité
TITRE Ier
RÉSILIENCE DES ACTIVITÉS D’IMPORTANCE VITALE
Chapitre Ier
Dispositions générales
Article 1er
Le chapitre II du titre III du livre III de la première partie du code de la défense est ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Résilience des activités d’importance vitale
« Section 1
« Dispositions générales relatives aux activités d’importance vitale
« Art. L. 1332-1. – Pour l’application du présent chapitre, on entend par :
« 1° Activités d’importance vitale : les activités indispensables au fonctionnement de la défense ou de la sécurité de la Nation ainsi qu’aux activités économiques, de la société, de la préservation de la santé publique ou de l’environnement ;
« 2° Infrastructure critique : tout ou partie d’un bien, d’une installation, d’un équipement, d’un réseau ou d’un système nécessaire à l’exercice d’une activité d’importance vitale ou dont une perturbation pourrait mettre gravement en cause la santé de la population ou l’environnement ;
« Parmi les infrastructures critiques, sont notamment distingués :
« a) Les points d’importance vitale, c’est-à-dire les installations les plus sensibles, notamment celles qui sont difficilement substituables ;
« b) Les systèmes d’information d’importance vitale, c’est-à-dire les systèmes d’information nécessaires à l’exercice d’une activité d’importance vitale ou à la gestion, l’utilisation ou la protection d’une ou plusieurs infrastructures critiques ;
« 3° (nouveau) Incident : un événement qui perturbe ou est susceptible de perturber de manière importante l’exercice d’une activité d’importance vitale ;
« 4° (nouveau) Résilience : la capacité d’un opérateur à prévenir et à se protéger contre tout incident, ainsi qu’à assurer la continuité de l’activité d’importance vitale qu’il exerce.
« Art. L. 1332-2. – I. – Sont désignés opérateurs d’importance vitale par l’autorité administrative :
« 1° Les opérateurs publics ou privés exerçant, au moyen d’une ou de plusieurs infrastructures critiques situées sur le territoire national, une activité d’importance vitale.
« L’autorité administrative précise, le cas échéant, dans l’acte de désignation de l’opérateur d’importance vitale, l’activité ou la liste des activités d’importance vitale exercées par l’opérateur qui constituent des services essentiels au fonctionnement du marché intérieur de l’Union européenne définis par le règlement délégué (UE) 2023/2450 de la Commission du 25 juillet 2023 complétant la directive (UE) 2022/2557 du Parlement européen et du Conseil en établissant une liste de services essentiels et qui, à ce titre, justifient que cet opérateur soit regardé comme une entité critique au sens de cette directive ;
« 2° Les opérateurs publics ou privés, gestionnaires, propriétaires ou exploitants d’établissements mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement ou comprenant une installation nucléaire de base mentionnée à l’article L. 593-2 du même code, lorsque la destruction ou l’avarie d’une ou plusieurs installations de ces établissements peut présenter un danger d’une particulière gravité pour la population ou l’environnement.
« II. – Ces opérateurs mettent en œuvre, à leurs frais, les obligations leur incombant prévues au présent chapitre.
« Lorsqu’un opérateur d’importance vitale exerce une activité d’importance vitale ou gère une infrastructure critique pour le compte d’une personne publique, cette dernière en est informée par l’autorité administrative.
« Sous-section 1
« Dispositions applicables aux opérateurs d’importance vitale
« Art. L. 1332-3. – Les opérateurs d’importance vitale réalisent une analyse des risques naturels ou d’origine humaine, accidentels ou intentionnels, y compris à caractère terroristes et ceux qui revêtent un caractère transsectoriel ou transfrontière qui pourraient perturber l’exercice de leurs activités d’importance vitale ou la sécurité de leurs infrastructures critiques, notamment des points d’importance vitale désignés par l’autorité administrative.
« Cette analyse est réalisée au plus tard dans un délai de neuf mois à compter de la désignation prévue au I de l’article L. 1332-2 et réévaluée au moins tous les quatre ans.
« Sur le fondement de cette analyse, les opérateurs d’importance vitale adoptent des mesures proportionnées de résilience techniques, opérationnelles et organisationnelles afin d’assurer la continuité des activités d’importance vitale qu’ils exercent et de sauvegarder leurs infrastructures critiques.
« L’analyse des risques ainsi que les mesures de résilience sont détaillées dans un document dénommé “plan de résilience opérateur” élaboré par l’opérateur, au plus tard dans un délai de dix mois à compter de la désignation prévue au I de l’article L. 1332-2, et approuvé par l’autorité administrative.
« Lorsque, en application d’accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, de lois ou de règlements, l’opérateur a déjà décrit dans un document particulier tout ou partie des mesures prévues au troisième alinéa, l’autorité administrative peut décider que ce document tient lieu, pour tout ou partie, du “plan de résilience opérateur”.
« En cas de refus de l’opérateur d’élaborer ce plan, de le modifier afin de le rendre conforme aux exigences prévues au présent article ou de le mettre en œuvre, l’autorité administrative le met en demeure de le réaliser, de le modifier ou de le mettre en œuvre dans un délai qu’elle fixe et qui ne saurait être inférieur à un mois.
« L’autorité administrative peut assortir cette mise en demeure d’une astreinte d’un montant maximal de 5 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai imparti dans la mise en demeure.
« L’astreinte peut également être prononcée à tout moment, après l’expiration du délai imparti par la mise en demeure, s’il n’y a pas été satisfait, après que l’intéressé a été invité à présenter ses observations.
« Les opérateurs mentionnés au 2° du I de l’article L. 1332-2 mettent en œuvre ces mesures de résilience sous réserve des dispositions du titre Ier et du chapitre III du titre IX du livre V du code de l’environnement.
« Un décret en Conseil d’État précise la nature des mesures de résilience pour chaque catégorie d’opérateur d’importance vitale mentionnée au I de l’article L. 1332-2.
« Art. L. 1332-4. – Les opérateurs d’importance vitale réalisent, au plus tard dans un délai de neuf mois à compter de la désignation prévue au I de l’article L. 1332-2, une analyse de leurs dépendances à l’égard de tiers, y compris ceux situés en dehors du territoire national, pour l’exercice de leurs activités d’importance vitale. Celle-ci comprend notamment une analyse des éventuelles vulnérabilités de leurs chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance. Les mesures de résilience adoptées par les opérateurs d’importance vitale tiennent compte de cette analyse.
« Les opérateurs d’importance vitale prennent les mesures nécessaires pour garantir l’application du présent chapitre.
« Art. L. 1332-5. – Les opérateurs dont un ou plusieurs points d’importance vitale sont désignés en application du présent chapitre réalisent pour chacun d’eux un document dénommé “plan particulier de résilience” détaillant les mesures de protection et de résilience les concernant.
« Ces mesures comportent notamment des dispositions efficaces de surveillance, d’alarme, de protection matérielle et de conditions d’accès. Le plan est approuvé par l’autorité administrative.
« Lorsque, en application d’accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, de lois ou de règlements, un point d’importance vitale fait déjà l’objet de mesures de protection suffisantes décrites dans un document particulier, l’autorité administrative peut décider que ce document tient lieu de “plan particulier de résilience”.
« En cas de refus de l’opérateur d’élaborer ce plan, de le modifier afin de le rendre conforme aux exigences prévues aux alinéas précédents ou de le mettre en œuvre, l’autorité administrative le met en demeure de le réaliser, de le modifier ou de le mettre en œuvre dans un délai qu’elle fixe et qui ne saurait être inférieur à un mois.
« L’autorité administrative peut assortir cette mise en demeure d’une astreinte d’un montant maximal de 5 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai imparti dans la mise en demeure.
« L’astreinte peut également être prononcée à tout moment, après l’expiration du délai imparti par la mise en demeure, s’il n’y a pas été satisfait, après que l’opérateur concerné a été invité à présenter ses observations.
« Art. L. 1332-6. – Avant d’accorder une autorisation d’accès physique ou à distance à ses points d’importance vitale et systèmes d’information d’importance vitale, lorsqu’il estime nécessaire de s’assurer que le comportement de la personne devant faire l’objet de l’autorisation d’accès n’est pas de nature à porter atteinte à l’exercice d’une activité d’importance vitale ou à la sécurité d’une infrastructure critique, l’opérateur d’importance vitale peut demander l’avis de l’autorité administrative compétente dans les conditions prévues à l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Il peut également solliciter cet avis avant le recrutement ou l’affectation d’une personne à un poste pour l’exercice duquel il est nécessaire d’avoir accès aux points d’importance vitale ou aux systèmes d’information d’importance vitale ou qui implique l’occupation de fonctions sensibles.
« Les fonctions sensibles sont celles qui sont indispensables à la réalisation d’une activité d’importance vitale ou dont l’occupation expose l’opérateur à des vulnérabilités. Elles sont énumérées par l’opérateur dans le plan de résilience prévu au quatrième alinéa de l’article L. 1332-3 du présent code en tenant compte, le cas échéant, de critères déterminés par l’autorité administrative en fonction du secteur d’activité de l’opérateur.
« Les cas dans lesquels les accès physiques ou à distance peuvent justifier la demande d’avis sont précisés par l’opérateur dans le plan de résilience prévu au même quatrième alinéa et, le cas échéant, dans le plan particulier de résilience prévu à l’article L. 1332-5 en tenant compte des vulnérabilités à des actes de malveillance.
« La personne concernée est informée de l’enquête administrative dont elle fait l’objet.
« En cas d’avis défavorable de l’autorité administrative, l’opérateur d’importance vitale est tenu de refuser l’autorisation s’il est une personne morale de droit privé. Un avis défavorable ne peut être émis que s’il ressort de l’enquête administrative que le comportement de la personne ayant fait l’objet de l’enquête est de nature à porter atteinte à l’exercice d’une activité d’importance vitale ou à la sécurité d’une infrastructure critique.
« Art. L. 1332-7. – Les opérateurs d’importance vitale désignés au titre du 1° du I de l’article L. 1332-2 notifient à l’autorité administrative, au plus tard vingt-quatre heures après en avoir pris connaissance, tout incident susceptible de compromettre la continuité de leurs activités d’importance vitale dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« L’autorité administrative informe le public de cet incident lorsqu’elle estime qu’il est dans l’intérêt général de le faire.
« Sous-section 2
« Dispositions applicables aux entités critiques d’importance européenne particulière
« Art. L. 1332-8. – Les opérateurs d’importance vitale qui fournissent les services essentiels ou des services essentiels similaires à ou dans au moins six États membres en informent l’autorité administrative au plus tard en même temps que la présentation pour approbation du plan de résilience prévu au quatrième alinéa de l’article L. 1332-3.
« Ces opérateurs sont identifiés comme entités critiques d’importance européenne particulière dans les conditions prévues à l’article 17 de la directive (UE) du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 sur la résilience des entités critiques, et abrogeant la directive 2008/114/CE du Conseil.
« Les opérateurs qui exercent des activités dans les domaines de la sécurité nationale, de la sécurité publique, de la défense, du nucléaire ou de la répression pénale, ou qui fournissent des services exclusivement destinés aux entités de l’administration publique exerçant dans ces domaines, peuvent être exonérés par l’autorité administrative de tout ou partie des obligations mentionnées à la présente sous-section, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 1332-9. – Lorsque l’opérateur a été désigné par la Commission européenne comme entité critique d’importance européenne particulière il peut, sur demande motivée de la Commission européenne ou d’un ou de plusieurs des États membres auxquels ou dans lesquels le service essentiel est fourni et avec l’accord de l’autorité administrative compétente, faire l’objet d’une mission de conseil au titre de laquelle il doit garantir l’accès aux informations, systèmes et installations relatifs à la fourniture de leurs services essentiels qui sont nécessaires à l’exécution de cette mission de conseil, dans le respect des secrets protégés par la loi.
« Sur le fondement des conclusions de la mission de conseil, l’opérateur se voit communiquer par la Commission européenne un avis sur le respect de ses obligations et, le cas échéant, sur les mesures qui pourraient être prises pour améliorer sa résilience.
« Sous-section 3
« Dispositifs techniques concourant à la protection des installations d’importance vitale
« Art. L. 1332-10. – À des fins de protection des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2, les services de l’État concourant à la défense nationale, à la sûreté de l’État et à la sécurité intérieure peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images dans les conditions définies aux articles L. 2364-2 à L. 2364-4.
« Sous-section 4
« Dispositions applicables aux systèmes d’information
« Art. L. 1332-11. – I. – Pour gérer les risques qui menacent la sécurité des réseaux et des systèmes d’information qu’ils utilisent dans le cadre de leurs activités ou de la fourniture de leurs services, les opérateurs d’importance vitale mettent en œuvre les obligations prévues aux articles 14 à 16 et au premier alinéa de l’article 17 de la loi n° … du … relative à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité.
« II. – Pour répondre aux crises majeures menaçant ou affectant la sécurité des systèmes d’information, le Premier ministre peut décider des mesures que les opérateurs mentionnés au I de l’article L. 1332-2 doivent mettre en œuvre.
« Section 2
« Contrôles et sanctions administratives
« Sous-section 1
« Habilitation et contrôles
« Art. L. 1332-12. – Sont habilités à rechercher et constater les manquements aux prescriptions du présent chapitre, à l’exception de l’article L. 1332-11, ainsi qu’aux dispositions réglementaires prises pour son application, en vue de la saisine de la commission prévue à l’article L. 1332-15, les agents de l’État spécialement désignés et assermentés à cette fin dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 1332-13. – Les agents mentionnés à l’article L. 1332-12 ont accès, pour l’exercice de leurs missions, aux locaux des opérateurs d’importance vitale. Ils peuvent pénétrer dans les lieux à usage professionnel ou dans les lieux d’exécution d’une prestation de service.
« Ils peuvent accéder à tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission auprès des administrations publiques, des établissements et organismes placés sous le contrôle de l’État et des collectivités territoriales ainsi que dans les entreprises ou services concédés par l’État, les régions, les départements et les communes.
« Ils peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, toute justification ou tout document nécessaire aux contrôles. À ce titre, ils peuvent exiger la communication de documents de toute nature propres à faciliter l’accomplissement de leur mission. Ils peuvent les obtenir ou en prendre copie, par tout moyen et sur tout support, ou procéder à la saisie de ces documents en quelques mains qu’ils se trouvent.
« Ils peuvent procéder, sur convocation ou sur place, aux auditions de toute personne susceptible d’apporter des éléments utiles à leurs constatations. Ils en dressent procès-verbal. Les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposent leur signature. En cas de refus de signer le procès-verbal, mention en est faite sur celui-ci.
« Ils sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, dans les conditions prévues à l’article 226-13 du code pénal. Le secret professionnel ne peut leur être opposé.
« Les manquements sont constatés par des procès-verbaux, qui font foi jusqu’à preuve contraire. Il est dressé procès-verbal des vérifications et visites menées en application du présent article.
« Art. L. 1332-14. – Il est interdit de faire obstacle à l’exercice des fonctions des agents habilités. L’opérateur contrôlé est tenu de coopérer avec l’autorité administrative. Les agents mentionnés à l’article L. 1332-12 peuvent constater toute action de l’opérateur d’importance vitale de nature à faire obstacle au contrôle.
« Le fait pour quiconque de faire obstacle aux demandes de l’autorité compétente nécessaires à la recherche des manquements et à la mise en œuvre de ses pouvoirs de contrôle prévus à la présente sous-section, notamment en fournissant des renseignements incomplets ou inexacts, ou en communiquant des pièces incomplètes ou dénaturées, est puni d’une amende administrative prononcée par la commission des sanctions mentionnée à l’article L. 1332-15 dont le montant, proportionné à la gravité du manquement, ne peut excéder dix millions d’euros ou, lorsqu’il s’agit d’une entreprise, 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxes de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.
« Ces dispositions ne s’appliquent pas à l’État et à ses établissements publics administratifs qui font l’objet d’un contrôle.
« Sous-section 2
« Sanctions
« Art. L. 1332-15. – Tout manquement aux dispositions du présent chapitre peut donner lieu aux sanctions prévues à l’article L. 1332-17, prononcées par une commission des sanctions instituée à cet effet auprès du Premier ministre.
« Cette commission est saisie par l’autorité administrative des manquements constatés lors des contrôles effectués en application de l’article L. 1332-13. Cette autorité notifie à l’opérateur concerné les griefs susceptibles d’être retenus à son encontre.
« La commission des sanctions reçoit les rapports et procès-verbaux des contrôles.
« Art. L. 1332-16. – La commission des sanctions mentionnée à l’article L. 1332-15 est composée :
« 1° D’un membre du Conseil d’État, président, désigné par le vice-président du Conseil d’État, d’un membre de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation, d’un membre de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes ;
« 2° Et de trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat en raison de leurs compétences dans le domaine de la sécurité des activités d’importance vitale.
« Un suppléant est désigné dans les mêmes conditions pour les membres mentionnés au 1°.
« Les membres de la commission des sanctions exercent leurs fonctions en toute impartialité. Dans l’exercice de leurs attributions, ils ne reçoivent ni ne sollicitent d’instruction d’aucune autorité.
« Le président de la commission désigne un rapporteur parmi ses membres. Celui-ci ne peut recevoir aucune instruction.
« La commission des sanctions statue par décision motivée. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que l’opérateur concerné ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué. La commission peut auditionner toute personne qu’elle juge utile.
« La commission statue à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Le président et les membres de la commission mentionnés au 1° ainsi que leurs suppléants respectifs sont nommés par décret.
« Le mandat du président, des membres de la commission ainsi que de leurs suppléants respectifs est de cinq ans, renouvelable une fois. Ils sont tenus au secret professionnel.
« Art. L. 1332-17. – I. – En cas de manquement aux obligations découlant de l’application du présent chapitre, la commission des sanctions peut prononcer à l’encontre des opérateurs d’importance vitale, à l’exception des administrations de l’État et de ses établissements publics administratifs, des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics administratifs, une amende administrative dont le montant, proportionné à la gravité du manquement, ne peut excéder dix millions d’euros ou, lorsqu’il s’agit d’une entreprise, 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxes de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.
« Lorsque la commission des sanctions envisage également de prononcer la sanction prévue au deuxième alinéa de l’article L. 1332-14, le montant cumulé ne peut excéder le montant maximum prévu au premier alinéa du présent I.
« II. – En cas de manquement constaté aux obligations mentionnées à l’article 26 de la loi n° … du … relative à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, la commission des sanctions, dans la composition prévue à l’article 36 de la même loi, peut prononcer les sanctions prévues aux articles 28 et 37 de ladite loi.
« Art. L. 1332-18. – La commission des sanctions peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la sanction pécuniaire ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne sanctionnée.
« Les sanctions pécuniaires sont versées au Trésor public et recouvrées comme créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« Les recours formés contre les décisions de la commission des sanctions sont des recours de pleine juridiction.
« Art. L. 1332-19. – Les conditions d’application de la présente sous-section, notamment les règles de fonctionnement de la commission et les modalités de récusation de ses membres, sont définies par décret en Conseil d’État.
« Section 3
« Marchés publics et contrats de concession relatifs à la sécurité des activités d’importance vitale
« Art. L. 1332-20. – Les marchés publics des opérateurs d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 sont soumis aux règles définies au titre II du livre V de la deuxième partie du code de la commande publique lorsque :
« 1° Ces marchés publics concernent la conception, la qualification, la fabrication, la modification, la maintenance ou le retrait des structures, équipements, systèmes, matériels, composants ou logiciels nécessaires à la protection des infrastructures critiques de l’opérateur ou dont le détournement de l’usage porterait atteinte aux intérêts essentiels de l’État ;
« 2° Et que cette protection ou la prévention de ce détournement d’usage ne peuvent être garanties par d’autres moyens.
« Art. L. 1332-21. – Les contrats de concession conclus par les opérateurs d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 sont soumis aux règles définies au titre II du livre II de la troisième partie du code de la commande publique lorsque :
« 1° Ces contrats de concession concernent la conception, la qualification, la fabrication, la modification, la maintenance ou le retrait des structures, équipements, systèmes, matériels, composants ou logiciels nécessaires à la protection des infrastructures critiques de l’opérateur ou dont le détournement de l’usage porterait atteinte aux intérêts essentiels de l’État ;
« 2° Et que cette protection ou la prévention de ce détournement d’usage ne peuvent être garanties par d’autres moyens.
« Art. L. 1332-22. – Les opérateurs d’importance vitale qui passent un marché ou un contrat de concession en application des articles L. 1332-20 et L. 1332-21 en informent l’autorité administrative dans des conditions et des délais précisés par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Ce projet de loi arrive au moment où la cybersécurité est devenue une priorité stratégique absolue, dans un monde interconnecté marqué par la montée en puissance du numérique et de l’intelligence artificielle. Malheureusement, on constate un recours de plus en plus désinhibé de certains pays bien identifiés à des stratégies d’influence et à des actes malveillants.
Dans ce contexte, la sécurité de nos infrastructures n’est plus une option ; elle est tout simplement vitale.
Le texte est néanmoins source de préoccupation pour les plus petites entités, qui peuvent être d’une importance critique pour notre souveraineté. Je pense en particulier aux entreprises qui forment notre base industrielle et technologique de défense, aux côtés des grands groupes industriels dont elles sont souvent les sous-traitants et les fournisseurs. Ces entreprises ne disposent pas toutes des ressources financières, humaines et organisationnelles pour satisfaire aux nouvelles normes qui vont entrer en vigueur avec cette loi. Une étude menée par la direction générale de l’armement (DGA) sur 300 entreprises a d’ailleurs révélé un niveau de maturité cyber très faible.
Mon groupe déposera plusieurs amendements afin de fixer un calendrier d’application progressif et différencié des mesures de contrôle en fonction du niveau de préparation des entités concernées, d’instaurer de la souplesse dans les obligations de transmission des informations et d’accompagner la transformation numérique des TPE-PME avec un crédit d’impôt. Il s’agira aussi d’exonérer du coût des contrôles, qui peut être insurmontable pour les plus petites structures, les entités qui n’ont pas volontairement manqué à leurs obligations.
Vous l’aurez compris, nous soutenons la mise en place de toutes les mesures qui peuvent assurer la protection de nos entreprises, mais souhaitons les accompagner au mieux pour préserver leur compétitivité.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. La demande de rapport sur la mise en œuvre du contrôle des investissements étrangers, que nous souhaitions insérer à cet article, a été déclarée irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution. Il s’agit pourtant d’un sujet qui concerne des entreprises de cybersécurité, de l’aérospatiale, de l’intelligence artificielle et de la robotique.
Madame la ministre, il est impératif de protéger les entreprises françaises des risques d’appropriation par des acteurs étrangers des savoir-faire technologiques en matière de cybersécurité. Le Gouvernement doit rester vigilant et proactif à cet égard.
M. le président. L’amendement n° 92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après la première occurrence du mot :
de
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
l’économie ou de la société ainsi qu’à la défense ou à la sécurité de la Nation ;
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Comme je l’ai expliqué dans mon intervention liminaire, il s’agit de se rapprocher du dispositif de sécurité des activités d’importance vitale (SAIV) mis en place en France en 2006 avec un peu d’avance.
Notre volonté est d’harmoniser, de simplifier et d’éviter de surtransposer. Comme nous avions pris de l’avance, il me semble plus simple et plus efficace de nous en tenir aux dispositions de 2006 pour protéger ces entités essentielles pour notre nation, qui ont déjà investi et mis en place des procédures.
Un changement de périmètre exigerait d’elles un travail important et s’éloignerait de la philosophie qui a été la nôtre de faire le plus simple possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. L’objet de cet amendement est la suppression de la précision sur le champ des activités d’importance vitale introduite en commission. Le Gouvernement propose de revenir à la rédaction initiale de l’alinéa 7 de l’article 1er.
Notre commission a en effet adopté un amendement visant à préciser le champ des activités d’importance vitale en reprenant le texte de la directive, qui retenait des notions de santé publique et d’environnement.
Pour autant, comme l’indique le Gouvernement, ce champ ne recoupe pas tout à fait celui des services essentiels de la directive REC.
Aussi, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le mot :
prévenir
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
, à se protéger et à résister contre tout type d’incident afin d’assurer la continuité de la ou des activités d’importance vitale qu’il exerce.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vise à préciser la notion de résilience.
La définition adoptée par la commission spéciale ne mentionne pas explicitement la nécessité pour l’opérateur d’adopter des mesures efficaces qui lui permettent de résister face aux conséquences d’un incident. Il nous semble plus logique de revenir à la version initiale du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur. Cet amendement tend à préciser, selon nous utilement, la définition de la résilience telle que nous l’avions proposée.
L’avis est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Conway-Mouret, M. M. Vallet, Mme Linkenheld, M. Cardon, Mmes Blatrix Contat et Narassiguin, M. Ros et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Au début, insérer les mots :
Après avoir recueilli leurs observations,
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Nous souhaitons que l’autorité administrative recueille les observations d’un opérateur avant de le désigner en tant qu’opérateur d’importance vitale (OIV). L’objectif est simple : garantir que cette désignation, qui a nécessairement des conséquences importantes en matière de coût et d’organisation, soit réfléchie et adaptée aux réalités de chaque acteur concerné.
Cette consultation permettra de prendre en considération des facteurs essentiels, tels que la taille de l’opérateur, qui va de la TPE au grand groupe, les risques spécifiques à son secteur et sa capacité à assurer la résilience de ses infrastructures. Cette procédure figure d’ores et déjà dans le code de la défense, aux termes duquel, lorsque l’autorité administrative notifie à l’opérateur son intention de le désigner comme OIV, celui-ci dispose d’un délai de deux mois pour présenter ses observations.
Nous proposons de consacrer ce principe dans la loi, compte tenu des implications que la désignation en tant qu’OIV entraîne. Il s’agit d’une simple mesure de bon sens que je vous invite à soutenir, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur. cet amendement prévoit que les opérateurs d’importance vitale ne puissent être désignés comme tels par l’autorité administrative qu’après avoir produit leurs observations.
Cette possibilité est déjà prévue par l’article R. 1332-3 du code de la défense. Néanmoins, la rédaction de cet amendement nous pose problème. En effet, dans l’hypothèse où l’opérateur ne produirait aucune observation, la procédure s’arrêterait, ce qui n’est pas satisfaisant.
Aussi, il me semble préférable de nous en tenir à ce qui est prévu dans la partie réglementaire du code de la défense. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Le Gouvernement prévoit d’intégrer cette disposition relative à la consultation, qui est importante, par voie réglementaire. Pour autant, rien ne s’oppose à ce qu’elle soit inscrite dans la loi.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer les mots :
naturels ou d’origine humaine, accidentels ou intentionnels
par les mots :
de toute nature
et les mots :
terroristes et ceux qui revêtent un caractère transsectoriel ou transfrontière
par le mot :
terroriste
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Cet amendement vise, là encore, à restaurer la rédaction initiale du projet de loi. En effet, il semble préférable de conserver la définition la plus souple et la plus large possible. Il convient donc de conserver la notion des risques « de toute nature », afin de coller au plus près du terrain et de garder de la flexibilité, conformément à la lecture que nous avons de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale de l’alinéa 22, après que la commission spéciale a adopté un amendement précisant la nature des risques devant être analysés par les opérateurs d’importance vitale.
Cependant, comme le relève le Gouvernement, il est préférable de conserver une approche globale. C’est pourquoi la commission spéciale émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Je tiens à expliquer la position du groupe socialiste sur cet amendement.
Il nous semble regrettable que le Gouvernement, par cet amendement, revienne sur la précision apportée en commission spéciale par l’adoption de l’un de nos amendements. En effet, contrairement à ce qui figure dans l’objet de l’amendement n° 93, la définition que nous avions proposée n’est pas « relativement large », puisqu’elle est directement inspirée des articles 5 et 12 de la directive REC.
Il nous paraissait utile de préciser, comme c’est le cas dans la directive, la nature des risques que les différentes entités doivent analyser : « risques naturels ou d’origine humaine, accidentels ou intentionnels, y compris à caractère terroriste », mais pas seulement – c’était d’ailleurs notre intention en déposant cet amendement.
Par conséquent, nous voterons contre cet amendement, pour nous en tenir à la rédaction que la commission spéciale avait adoptée.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 32, deuxième phrase
Supprimer les mots :
et de sous-traitance
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. L’amendement que je vous présente maintenant est important : il tend, en effet, à supprimer la notion de sous-traitance de l’analyse des dépendances des opérateurs d’importance vitale. Il en a beaucoup été question lors de la discussion générale.
Le sujet qui nous occupe aujourd’hui est d’importance critique pour la cybersécurité de notre nation. Cependant, il nous faut l’aborder avec un certain pragmatisme et ne pas surtransposer ; or la question de la sous-traitance ne fait pas partie de la directive REC, laquelle mentionne seulement les chaînes d’approvisionnement.
Il nous semble donc nécessaire de revenir au texte initial pour coller au plus près de la directive européenne et ne pas introduire de nouvelles lourdeurs administratives, qui plus est au moment où nous débattons de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), pour ne prendre que cet exemple.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la notion de sous-traitance de l’analyse des dépendances que seront tenues de réaliser les opérateurs d’importance vitale. Cette disposition prévue par la commission spéciale me semblait pourtant renforcer le dispositif de résilience des activités d’importance vitale, la chaîne de sous-traitance pouvant constituer une source de vulnérabilité à part entière.
Pour autant, je suis sensible aux arguments du Gouvernement, qui considère que l’extension de l’analyse des dépendances aux sous-traitants pourrait se traduire par une charge supplémentaire pour les opérateurs.
Aussi, dans la mesure où je souhaite non seulement protéger, mais aussi ne pas surtransposer, sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 108.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 113, présenté par MM. Saury, Canévet et Chaize, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Remplacer le mot :
dont
par les mots :
pour lesquels
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hugues Saury, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 113.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. C. Vial et E. Blanc, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Après les mots :
Ces mesures
Insérer les mots :
précisent les équipements matériels et les dispositifs numériques installés et mis en œuvre et
La parole est à M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. Il s’agit d’un amendement de précision.
L’opérateur d’importance vitale relevant de la catégorie d’entité critique doit assurer une activité d’importance vitale et fournir des services essentiels au sens de la directive REC.
La rédaction actuelle de l’article 1er ne distingue pas, dans le plan particulier de résilience, ce qui relève des équipements de ce qui dépend des dispositions et des procédures mises en œuvre par l’opérateur.
Toutefois, le plan particulier de résilience se doit de mentionner, au-delà des seules procédures propres à assurer la protection et la résilience de ces points d’importance vitale, les équipements et les dispositifs assurant leur efficacité, notamment pour éclairer la décision de l’autorité administrative chargée de l’approuver.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur. Aux termes de cet amendement, les mesures figurant dans les plans particuliers de résilience devront comporter « les équipements matériels et les dispositifs numériques installés et mis en œuvre ».
Cet amendement me semble satisfait par la rédaction actuelle de l’alinéa 35. En effet, les « dispositions », puisque c’est le terme qui y figure, doivent être entendues comme l’ensemble des mesures prises ou envisagées par l’opérateur, lesquelles concernent aussi les équipements et les matériels, et pas seulement les procédures mises en œuvre par celui-ci. L’alinéa 35 mentionne ainsi la protection matérielle.
Par conséquent, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Même avis pour les mêmes raisons.
J’ajoute que le droit définit les objectifs et les finalités du plan particulier de résilience. Pour autant, il n’a pas pour objet de détailler l’ensemble des éléments – la rédaction actuelle permet justement d’avoir une vue d’ensemble – pour que chaque plan soit le plus adapté possible à l’opérateur. Face à la multiplicité des secteurs, les plans types seront arrêtés par le Premier ministre dans des conditions qui seront prévues par voie réglementaire.
M. le président. Monsieur Blanc, l’amendement n° 62 rectifié est-il maintenu ?
M. Étienne Blanc. Dans la mesure où elles figureront dans le compte rendu de nos travaux, les explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre me satisfont pleinement. C’est pourquoi je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 est présenté par Mme Conway-Mouret, M. M. Vallet, Mme Linkenheld, M. Cardon, Mmes Blatrix Contat et Narassiguin, M. Ros et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 49 est présenté par MM. Dossus, Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Senée, Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 40
Compléter cet alinéa par les mots :
, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° 26.
Mme Hélène Conway-Mouret. Ce projet de loi prévoit que, avant d’accorder une autorisation d’accès physique ou à distance des points d’importance vitale et des systèmes d’information d’importance vitale, les OIV peuvent demander l’avis de l’autorité administrative compétente, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
Il convient d’assortir ce décret d’un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). La sollicitation de cette autorité administrative indépendante est d’ailleurs prévue près d’une quarantaine de fois dans le texte. Ce que nous demandons n’a donc rien d’extraordinaire.
En effet, ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de données sensibles comme des casiers judiciaires et au traitement automatisé des données personnelles, ce qui soulève des questions quant à la protection de ces dernières.
L’objectif de cet amendement est donc de garantir un juste équilibre entre la sécurité des infrastructures critiques et le respect des libertés individuelles. Cet avis de la Cnil est d’autant plus justifié que cette mission entre parfaitement dans ses prérogatives, ce qu’elle nous a confirmé lorsque nous l’avons consultée.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 49.
M. Thomas Dossus. Il s’agit de compléter cet article afin de préciser que le décret encadrant les enquêtes administratives de sécurité pour l’accès aux « points […] et systèmes d’information d’importance vitale » soit pris après avis de la Cnil.
En effet, ces enquêtes pourront impliquer notamment la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire, ainsi que le recours à des traitements automatisés de données personnelles, données de nature sensible dont le traitement doit être défini avec la plus grande vigilance pour garantir le respect des libertés individuelles.
Face à cet élargissement des pouvoirs d’enquête, il nous a paru essentiel que la mise en œuvre de ces procédures soit éclairée et encadrée par l’expertise de la Cnil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur. Les amendements identiques nos 26 et 49 ont donné lieu à d’importants débats au sein de la commission spéciale, entre volonté d’encadrer et souhait de ne pas alourdir la procédure.
C’est pourquoi je sollicite l’avis du Gouvernement sur ces amendements, qui visent à ce que le décret relatif aux enquêtes administratives de sécurité soit pris après avis de la Cnil. Le Gouvernement pourra en particulier nous préciser si la Cnil a été consultée sur le cadre actuel et le contenu de ce projet de loi et, le cas échéant, nous indiquer quel a été son avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez mon attachement à la protection des données personnelles. Le décret prévu à cet article détaille la procédure de saisine, laquelle n’a pas d’incidence sur les données personnelles.
En effet, cette procédure vise trois objectifs : premièrement, déterminer les cas dans lesquels une enquête peut être ouverte ; deuxièmement, définir la procédure avec le ministère coordinateur qui peut être saisi pour avis par les OIV ; troisièmement, fixer la liste des personnes pour lesquelles cette procédure ne serait pas applicable.
Il n’est donc pas question de données personnelles dans ce décret ou dans cette procédure. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements identiques.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur. Même avis que le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Je m’étonne de l’avis du Gouvernement.
Comme l’a indiqué Hélène Conway-Mouret, nous avons consulté la Cnil, laquelle nous a confirmé que le décret entrait bien dans son champ de compétences.
Par conséquent, en adoptant ces amendements, nous n’accorderions pas à la Cnil de nouvelles prérogatives, pas plus que nous ne surchargerions son pouvoir de contrôle. Au contraire, nous nous appuierons sur les prérogatives qui sont les siennes, dont la Cnil elle-même considère qu’elles recouvrent le contenu de ce décret.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 49.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Chapitre II
Dispositions diverses
Article 2
I. – Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article L. 1333-1, les mots : « certains établissements, installations ou ouvrages, relevant de l’article L. 1332-1 » sont remplacés par les mots : « certaines infrastructures des opérateurs d’importance vitale mentionnés au 1° du I de l’article L. 1332-2 » ;
2° À la fin du premier alinéa de l’article L. 2113-2, les mots : « établissements, aux installations ou aux ouvrages mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « opérateurs d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 » ;
3° Après le mot « personnel », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 2151-1 est ainsi rédigée : « identifié dans les documents de planification des opérateurs désignés au titre de l’article L. 1332-2 visant à garantir la continuité de leur activité. » ;
4° À l’article L. 2151-4, les mots : « d’élaborer des plans de continuité ou de rétablissement d’activité et de notifier aux personnes concernées par ces plans » sont remplacés par les mots : « de notifier aux personnes concernées » ;
5° Au deuxième alinéa de l’article L. 2171-6, les mots : « publics et privés ou des gestionnaires d’établissements désignés par l’autorité administrative conformément aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 » ;
6° Aux premier et quatrième alinéas de l’article L. 2321-2-1, les mots : « mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 » ;
7° L’article L. 2321-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « mentionné aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionné au I de l’article L. 1332-2 » ;
8° À l’article L. 4231-6, les mots : « publics ou privés ou par des gestionnaires d’établissements désignés par l’autorité administrative conformément aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 ».
II. – Au dernier alinéa de l’article 226-3 du code pénal, les mots : « mentionnés à l’article L. 1332-1 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionnés au 1° du I de l’article L. 1332-2 ».
III. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Au e du I de l’article L. 33-1, les mots : « mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 33-14 et au deuxième alinéa du I de l’article L. 34-11, les mots : « mentionnés à l’article L. 1332-1 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionnés au 1° du I de l’article L. 1332-2 ».
IV. – Aux 2° des II et VI de l’article L. 1333-9 du code de la santé publique, les mots : « certains établissements, installations ou ouvrages relevant de l’article L. 1332-1 » sont remplacés par les mots : « certaines infrastructures des opérateurs d’importance vitale mentionnés au 1° du I de l’article L. 1332-2 ».
V. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 1° de l’article L. 223-2, les mots : « exploitants des établissements, installations ou ouvrages mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « opérateurs d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 » ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 223-8, les mots : « établissements, installations ou ouvrages mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » sont remplacés par les mots : « infrastructures des opérateurs d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 ».
VI. – Au troisième alinéa de l’article 15 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, les mots : « publics ou privés gérant des installations d’importance vitale au sens des articles L. 1332-1 à L. 1332-7 » sont remplacés par les mots : « d’importance vitale mentionnés au I de l’article L. 1332-2 » – (Adopté.)
Article 3
I. – La sixième partie du code de la défense est ainsi modifiée :
1° Le chapitre Ier du titre II du livre II est complété par un article L. 6221-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 6221-2. – En l’absence d’adaptation, les références faites, par des dispositions du présent code applicables à Saint-Barthélemy, à des dispositions qui n’y sont pas applicables sont remplacées par les références aux dispositions ayant le même objet applicables localement. » ;
2° Au chapitre II du même titre II, il est ajouté un article L. 6222-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6222-1. – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre III de la première partie n’est pas applicable à Saint-Barthélemy. » ;
3° Le chapitre II du titre IV du livre II est complété par un article L. 6242-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 6242-2. – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre III de la première partie n’est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. » ;
4° Le chapitre II du titre Ier du livre III est complété par un article L. 6312-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 6312-3. – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre III de la première partie n’est pas applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. »
II. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
III. – Le chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le mot « résultant », la fin du 1° du VII de l’article L. 33-1 est ainsi rédigée : « de la loi n° … du … relative à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. » ;
2° Après le mot « résultant », la fin de l’article L. 33-15 est ainsi rédigée : « de la loi n° … du … relative à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. » ;
3° L’article L. 34-14 est complété par les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité ».
IV. – Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure, les mots : « loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … relative à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité » – (Adopté.)
Chapitre III
Dispositions transitoires
Article 4
Le présent titre entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard un an après la promulgation de la présente loi.
Les opérateurs d’importance vitale désignés avant la date d’entrée en vigueur du titre Ier de la présente loi sont regardés comme désignés en application du I de l’article L. 1332-2 du code de la défense dans sa rédaction résultant du chapitre Ier de la présente loi à la date de son entrée en vigueur.
Ces opérateurs restent soumis aux obligations qui leurs sont applicables avant la date d’entrée en vigueur du titre Ier de la présente loi jusqu’à l’accomplissement des obligations prévues aux articles L. 1332-2 à L. 1332-5 et à l’article L. 1332-11 du code de la défense dans leur rédaction résultant de la présente loi – (Adopté.)
Avant l’article 5
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par MM. Dossus, Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Senée, Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I. - Avant l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État met en place un plan national d’accompagnement au renforcement de la cybersécurité sur cinq ans qui identifie les compétences nécessaires et les besoins de formations sur les territoires.
Un volet de ce plan est consacré à l’accompagnement technique et financier des TPE et PME, ainsi qu’aux villes moyennes et petites intercommunalités.
Le plan clarifie le rôle des centres de réponse aux incidents de sécurité informatique territoriaux, et leur financement, dans l’accompagnement des entités nouvellement soumises à la directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, modifiant le règlement (UE) n° 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2) et la mutualisation des moyens des collectivités.
Un bilan de la mise en œuvre de la directive est réalisé deux ans après la promulgation de la présente loi pour évaluer les difficultés et ajuster les mesures d’accompagnement.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre…
De l’accompagnement des entités soumises à des exigences renforcées de cybersécurité
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. La transposition, par ce projet de loi, des directives NIS 2 et REC va considérablement accroître le nombre d’entités régulées en France, celui-ci passant de 500 dans le cadre de NIS 1 à près de 15 000 après l’adoption de ce texte, selon l’exposé des motifs. Cette augmentation massive concerne une grande diversité d’acteurs, une majorité étant des PME-TPE et des collectivités territoriales.
Il est ressorti des nombreuses auditions menées par la commission spéciale qu’un accompagnement était absolument nécessaire d’un point de vue tant technique – pour la mise en place de mesures de sécurité et la bonne compréhension des obligations – que financier, avec l’investissement nécessaire dans la cybersécurité et le besoin de recrutement, de formation ou de sensibilisation. Sans un soutien adéquat, le risque est grand que l’application de ce texte se fasse de façon inégale et potentiellement inefficace, avec un développement des vulnérabilités.
C’est pourquoi nous prévoyons un plan national permettant de structurer cet accompagnement pendant une durée de cinq ans en prévoyant divers dispositifs, notamment : l’identification précise des compétences nécessaires ; la mise en place d’un soutien technique concret pour aider les entités à évaluer leurs risques ; la définition des mécanismes d’aide financière ciblés pour les PME-TPE et les collectivités territoriales ; la clarification du rôle et du financement des centres de réponse aux incidents de sécurité informatique territoriaux ; et la réalisation d’un bilan de la mise en œuvre de la directive deux ans après sa promulgation, afin d’évaluer les difficultés rencontrées et d’ajuster les mesures d’accompagnement en fonction des besoins constatés sur le terrain.
Un accompagnement progressif nous paraît essentiel pour garantir une mise en conformité efficace et éviter d’imposer des charges disproportionnées aux plus petites structures, tout en assurant une élévation générale du niveau de cybersécurité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. Cet amendement semble satisfait par l’article 5 bis introduit par la commission spéciale qui prévoit l’élaboration d’une stratégie nationale en matière de cybersécurité.
Dans le contexte de la transposition de la directive NIS 2, cette stratégie devra bien sûr revenir en détail sur l’indispensable accompagnement des PME-TPE et des collectivités territoriales dans leur montée en maturité cyber.
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, pour les raisons avancées par le rapporteur, mais aussi au regard d’un certain nombre d’autres éléments.
L’accompagnement des entités est au cœur du dispositif de ce projet de loi, j’ai eu l’occasion de le rappeler. C’est un impératif bien identifié sur lequel le Gouvernement est pleinement mobilisé. J’ai demandé à l’Anssi d’entamer un certain nombre d’actions en la matière qui seront progressivement mises en place : MonEspaceNIS2, Cyber PME et MonAideCyber, autant de dispositifs qui prévoient déjà un accompagnement.
Je souhaite aller plus loin et avoir l’assurance que nous communiquerons avec toutes les entités qui seront assujetties au texte, pour les accompagner de façon proactive et les sensibiliser via l’accompagnement de tous les réseaux qui sont mobilisés par le texte : je pense aux associations d’élus, mais aussi aux fédérations syndicales et professionnelles. Nous sommes à l’œuvre afin que ces entités puissent se saisir pleinement des obligations qui sont les leurs.
Cependant, tout cela ne peut figurer dans la loi. En outre, dans cet amendement, il est fait référence aux TPE ; or, dans la mesure où elles sont composées de moins de 50 équivalents temps plein (ETP), celles-ci ne sont pas assujetties aux dispositions du texte.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE II
CYBERSÉCURITÉ
Chapitre Ier
De l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information
Article 5
L’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information mentionnée à l’article L. 2321-1 du code de la défense est chargée de la mise en œuvre de la politique du Gouvernement en matière de sécurité des systèmes d’information régie par le présent titre et de son contrôle.
Le Premier ministre peut désigner un organisme autre que l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information mentionnée au premier alinéa pour exercer à l’égard de certaines entités, à raison de leur activité dans le domaine de la défense, certaines des responsabilités de cette autorité prévues par le présent titre.
Les missions de l’autorité nationale et des organismes désignés par le Premier ministre ainsi que leurs conditions d’exercice sont précisées par décret en Conseil d’État. Ces missions comprennent notamment l’accompagnement et le soutien au développement de la filière cybersécurité en coordination avec les ministères compétents.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l’article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cela a été dit, nos collectivités territoriales, nos hôpitaux et nos entreprises subissent de plus en plus de cyberattaques qui emportent de nombreuses conséquences : coût des réparations, interruption des services ou de l’activité pouvant avoir des conséquences graves, vol de données. Le travail de transposition des directives européennes réalisé aujourd’hui est donc crucial pour que l’ensemble des États membres de l’Union européenne disposent d’un niveau de protection efficace et harmonisé.
En France, c’est l’Anssi, en première ligne dans l’application de la directive NIS 2, qui devra relever au moins deux grands défis.
Le premier défi est celui de l’appropriation par les entités concernées de leurs nouvelles obligations. L’Agence devra construire un cadre de confiance avec les entreprises et les près de 1 500 collectivités territoriales concernées ; pour ces dernières, la mise en conformité nécessitera d’importants moyens humains et financiers. Le Gouvernement devra donc les accompagner dans le cadre des prochaines lois de finances. Cela doit faire partie de l’effort global de défense dont M. Lecornu n’a pas manqué de parler ces derniers jours. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, la menace est grande, la guerre est bien hybride et les menaces cyber, très nombreuses.
Par conséquent, nous attendons aussi du Gouvernement qu’il énonce clairement sa stratégie cyber. Nous la demandons depuis des années. La mission commune d’information créée sur l’initiative du groupe Union Centriste dont j’étais la rapporteure en 2014 plaidait déjà pour une gouvernance stratégique du secteur numérique et une montée en compétences du plus grand nombre.
L’article 5 bis conduisant à l’élaboration d’une stratégie nationale par le Premier ministre, introduit par voie d’amendement par la commission spéciale, est fondamental.
Le second défi à relever concerne la mise en œuvre, enfin, au-delà des plans Draghi, d’une industrie française et européenne compétitive, susceptible de répondre à la demande qui découlera de l’application des directives. Nos entreprises fournissent des solutions fiables et imperméables aux lois extraterritoriales. Elles doivent prioritairement bénéficier de l’effet de ruissellement suscité par la loi. Il y a là un enjeu économique d’emploi, mais aussi de souveraineté.
C’est la raison pour laquelle j’ai absolument tenu à préciser que les missions de l’Anssi comprennent aussi l’accompagnement et le soutien au développement de la filière cybersécurité en coordination avec les ministères concernés.
Je remercie les rapporteurs et les membres de la commission spéciale d’avoir soutenu cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 5 bis (nouveau)
Afin de parvenir à un niveau élevé de cybersécurité et de le maintenir, le Premier ministre élabore une stratégie nationale en matière de cybersécurité, qui comprend notamment :
1° Les objectifs et priorités de la Nation en matière de cybersécurité, couvrant en particulier les secteurs mentionnés à l’article 7 ;
2° Une liste des différents acteurs et autorités concernés par la mise en œuvre de la stratégie nationale en matière de cybersécurité ;
3° Un cadre de gouvernance visant une coordination renforcée entre les acteurs et autorités définis au 2° dans le but d’atteindre les objectifs et priorités mentionnés au 1° ;
4° Un inventaire des mesures garantissant le partage d’informations par les acteurs et autorités mentionnés au 2° sur les risques, les menaces et les incidents en matière de cybersécurité ainsi que la préparation, la réaction et la récupération des services après incident ;
5° Un plan comprenant les mesures nécessaires en vue d’améliorer le niveau général de sensibilisation des entreprises, des administrations publiques et des citoyens à la cybersécurité ;
6° Les indicateurs clés de performance aux fins de l’évaluation de la mise en œuvre de la stratégie nationale en matière de cybersécurité.
La stratégie nationale en matière de cybersécurité est mise à jour au moins tous les trois ans.
À compter de 2026 et tous les deux ans, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 septembre des années concernées, un rapport sur la mise en œuvre de la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Ce rapport précise notamment l’évolution des indices de performance définis par ladite stratégie.
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par Mme Gréaume, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Afin de parvenir à un niveau élevé de souveraineté numérique et de le maintenir, le Premier ministre élabore une stratégie nationale, notamment en matière de cybersécurité, qui comprend notamment :
II. - Après l’alinéa 6
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Un plan de financement de la formation et de la recherche en matière de cyber sécurité ;
…° Un plan permettant de financer une véritable doctrine de l’autonomie technologique maximale en matière de renseignement et de cyberdéfense, en faisant du recours à des technologies extra- européennes une exception devant être motivée ;
…° Une évaluation du coût de notre dépendance aux solutions numériques extra-européennes ;
…° Une évaluation fine de l’externalisation des services numériques au sens large et du recours aux prestations intellectuelles informatiques par l’État, les organismes publics et les collectivités territoriales ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il ne peut y avoir de stratégie nationale en matière de cybersécurité sans souveraineté numérique.
Au vu des bouleversements mondiaux – nul besoin d’en dire plus –, on ne peut pas se résigner ou être réduit à acheter ou louer des solutions extérieures, surtout américaines, notamment pour le cloud. Nous devons passer d’une stratégie numérique de la confiance à une stratégie de la souveraineté, en procédant à une évaluation fine de notre dépendance afin d’y remédier. À l’instar du Conseil d’État, nous appelons à un arrêt de l’externalisation en faveur d’un « capitalisme des plateformes ».
Je profite du temps qui me reste pour interroger Mme la ministre. Ce texte n’est pas que technique : on ne peut pas parler de cybersécurité sans évoquer les entreprises et les salariés qui la font vivre. À cet égard, que compte faire le Gouvernement s’agissant d’Atos ?
Madame la ministre, vous êtes en négociation sur les supercalculateurs jusqu’au 25 mai prochain – nous nous en réjouissons tous. Pour autant, il s’agit d’une grande entreprise, qui compte 10 000 salariés en France, 130 000 dans le monde ; elle est l’un des leaders en infogérance, dans le cloud et en cybersécurité.
Faut-il laisser des acteurs privés dépecer l’entreprise ou intervenir au minimum ? Certains plaident pour la nationalisation complète. Pour notre part, dans le cadre d’une mission d’information sur la situation et l’avenir du groupe Atos conduite par un sénateur du groupe socialiste, un sénateur et une sénatrice du groupe Les Républicains et moi-même, nous avons plaidé pour une entrée au capital à hauteur de 15 % pour sauver l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. La stratégie nationale en matière de cybersécurité devra avant tout se concentrer sur les moyens de protéger nos entreprises, nos administrations et nos collectivités territoriales contre les attaques cyber qui peuvent paralyser leurs services et lourdement les pénaliser, tout comme leurs utilisateurs.
Il faut bien sûr encourager parallèlement le développement en France de l’écosystème des entreprises spécialisées en matière de cybersécurité, mais il ne paraît en pratique pas possible de prétendre avoir recours uniquement à des technologies françaises ou européennes.
Pour ce qui relève de la souveraineté numérique, je propose à Fabien Gay de voter en faveur de l’amendement n° 36 que nous examinerons dans quelques instants et qui répond à sa demande.
C’est pourquoi la commission spéciale demande le retrait de l’amendement n° 65 au profit de l’amendement n° 36 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous mentionnez l’importance de la stratégie cyber. Je vous rejoins sur ce point. Elle a été présentée pour la première fois en 2015, réactualisée en 2018 et en 2021 ; le Président de la République a annoncé à la fin de l’année dernière qu’elle le serait de nouveau cette année.
L’Anssi et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) vous apporteront plus de précisions sur ces stratégies, qui visent à avancer dans trois domaines : une réponse à la menace, une sécurisation de notre nation et une protection de nos entités critiques – nous parlons de ce dernier point aujourd’hui.
Après des discussions avec la commission spéciale, le Gouvernement a fait le choix d’ajouter la mention de la stratégie nationale en matière de cybersécurité dans ce projet de loi, conformément à votre souhait, monsieur le rapporteur, alors que telle n’était pas son intention initiale.
Pour autant, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 65 au profit de l’amendement n° 96 qu’il a déposé et qui vise lui aussi à définir cette stratégie. Il nous semble important que cette définition se concentre sur des objets stratégiques – les objectifs, la gouvernance, les indicateurs –, afin de pouvoir en rendre compte devant le Parlement.
L’ajout de plans divers ou autres précisions ne paraît pas relever du niveau stratégique qui est celui que le Gouvernement vise dans l’amendement n° 96. Cette stratégie pourra être déclinée en mesures sectorielles, mais il n’est pas nécessaire que cela figure dans la loi.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le rapporteur, nous avons présenté cet amendement sans préciser que tout devait relever de l’échelon français, ni même européen. Nous appelons à dresser la liste des dépendances et à les évaluer afin d’envisager comment les réduire d’ici cinq ou dix ans et de voir s’il existe une solution française, voire européenne. Évidemment, dans un certain nombre de domaines, nous serons obligés de coopérer. Vous avez bien perçu la nuance : nous n’appelons pas à nous priver dès demain de toute solution extérieure au profit de réponses franco-françaises.
Madame la ministre, je vous remercie d’avoir répondu complètement à côté de ma question… Je sais qu’il faut aller vite, qu’il est déjà tard, qu’il ne faut pas retarder les débats, mais le sujet est important et le Sénat n’est pas une assemblée technique : on peut sortir de ses fiches !
Comment avoir un débat sur la cybersécurité sans parler du réel ? Que fait-on de l’entreprise Atos, qui, je le répète, compte 10 000 salariés en France, 130 000 dans le monde ? D’accord, l’État veut sauver les supercalculateurs ; nous nous en réjouissons, nous le redisons.
Atos est un leader dans le domaine de la cybersécurité et de l’infogérance informatique, qui s’est notamment occupé des jeux Olympiques et gère de nombreux ministères. D’ailleurs, certains appels d’offres ne sont pas renouvelés. J’interpelle donc le Gouvernement. Continuons-nous à ne pas renouveler les appels d’offres qu’a remportés Atos et à les attribuer à d’autres ? C’est tout de même une question dont on devrait débattre ici !
La cybersécurité ne se réduit pas à des aspects techniques : il faut entrer dans le réel, y compris celui des 10 000 salariés qui font cette entreprise.
Après, ce n’est pas grave : je ne voulais secouer personne, surtout pas Mme la ministre qui n’était pas prête à répondre à cette question…
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vos propos me surprennent. L’amendement que vous avez déposé concerne la stratégie nationale en matière de cybersécurité.
La question que vous posez à propos d’Atos a été jugée irrecevable dans le cadre de ce débat.
M. Fabien Gay. Donc on n’en reparle pas ? Excusez-moi !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Vous avez présenté un amendement sur la stratégie, je vous réponds donc sur la stratégie.
La question d’Atos est importante, mais elle n’est pas l’objet de nos discussions et ne relève pas de ce texte. C’est pourquoi je vous invite à la poser à d’autres occasions, qui sont nombreuses, par exemple dans le cadre d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je vais suivre l’avis du rapporteur, car il s’agit ici de transposer trois directives portant sur les questions de cybersécurité, de cyberdéfense et de cyberrésilience. Cela étant, pour avoir travaillé pendant de nombreuses années sur ces sujets, je comprends parfaitement les questions qui ont été posées par mon collègue.
J’ai l’impression de radoter en le répétant, mais depuis 2013, la commission des affaires européennes du Sénat a mis ce sujet sur la table et a dénoncé, gouvernement après gouvernement, l’absence totale de stratégie globale et offensive en faveur de la souveraineté numérique. Aujourd’hui, on pleure parce qu’on se rend compte, dans le nouveau contexte international, que nos dépendances technologiques sont très dangereuses. Elles nous menacent désormais directement, et nos infrastructures sont particulièrement vulnérables.
Si nous ne nous réarmons pas, tant sur le plan militaire que sur le plan cyber, nous serons mal, c’est vrai. Sébastien Lecornu l’a d’ailleurs rappelé ce week-end : nous pouvons avoir l’arme de dissuasion nucléaire, mais si nous ne sommes pas du tout équipés en matière de cybersécurité, nous avons déjà perdu la guerre.
Je comprends donc l’agacement de certains collègues, madame la ministre déléguée, car nous avons alerté à maintes reprises sur ces enjeux, à travers des résolutions européennes. Bien sûr, la France n’est pas seule responsable, puisque ce secteur est régulé par l’Union européenne. Mais, pour reprendre l’expression de la journaliste Maria Ressa, nous avons remporté ce qu’elle a appelé « la course des tortues ». Nous avons fini par réglementer, en adoptant le règlement européen sur les services numériques (DSA) et le règlement sur les marchés numériques (DMA), afin de créer des conditions plus équitables d’émergence de nos propres entreprises.
Toutefois, le chemin reste long, et nous avons encore énormément de travail pour enfin mettre en place une politique industrielle ambitieuse, laquelle nous fait cruellement défaut et devrait être notre priorité absolue, aux côtés des réglementations.
Pour autant, je respecte la logique du texte et les priorités qu’il fixe. Gardons néanmoins en tête l’ampleur de la tâche qui nous attend. (M. Mickaël Vallet applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
, couvrant en particulier les secteurs mentionnés à l’article 7
II. – Alinéas 3, 5 et 6
Supprimer ces alinéas
III. -Alinéa 4
Remplacer les mots :
définis au 2°
par les mots :
concernés par la mise en œuvre de la stratégie nationale en matière de cybersécurité
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. J’ai déjà évoqué cet amendement, qui vise à compléter les ajouts pertinents de la commission spéciale en intégrant explicitement la notion de stratégie dans le texte, conformément à ce qui était prévu par la directive. Il tend aussi à préciser ce que doit contenir cette stratégie : ses objectifs, son cadre de gouvernance et les indicateurs de performance sur lesquels nous pourrons nous appuyer pour l’évaluer.
J’en profite pour rebondir sur votre propos, madame la sénatrice. Depuis de nombreuses années, le Gouvernement défend, notamment à l’échelon européen, l’ambition de construire notre souveraineté technologique et numérique, tout en renforçant notre résilience. C’est absolument essentiel.
Les discours que nous entendons aujourd’hui à l’échelle européenne montrent que cette politique industrielle et cette vision commencent à porter leurs fruits. Elles intègrent désormais pleinement des exigences en matière de cybersécurité. L’appui à notre écosystème numérique, comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, est une véritable priorité.
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par M. M. Vallet, Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, M. Ros et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
publiques
Insérer les mots :
, des communes
La parole est à M. Mickaël Vallet.
M. Mickaël Vallet. Cet amendement porte sur la diffusion et l’intégration de la culture du risque jusqu’à l’échelon communal. J’avais proposé à la commission spéciale un amendement visant à inclure la question du risque cyber dans les plans communaux de sauvegarde, mais celui-ci a été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution.
Cette fois, l’amendement soutenu par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tend à prévoir que la stratégie nationale en matière de cybersécurité mentionne explicitement les communes, afin que l’échelon communal soit pleinement pris en compte, accompagné et intégré dans le dispositif.
Nous savons tous à quel point la question du risque cyber concerne les communes, comme en attestent les incidents qui ont touché nos départements ces dernières années.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale sur ces deux amendements ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 96. Le Gouvernement propose en effet de revenir sur le texte qu’elle avait adopté en supprimant plusieurs alinéas de l’article 5 bis. Or ces dispositions sont essentielles, notamment celles qui précisent que la stratégie nationale en matière de cybersécurité comprend un cadre de gouvernance, un plan de sensibilisation à destination des entreprises, des administrations publiques et des citoyens, ainsi que des indicateurs clés de performance permettant d’évaluer la mise en œuvre de cette stratégie.
L’amendement n° 39 semble satisfait par l’alinéa 6 de l’article 5 bis, qui mentionne explicitement les administrations publiques, qui incluent les collectivités territoriales et leurs groupements. En conséquence, la commission spéciale en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable sur son adoption.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 39 ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Le Gouvernement demande son retrait au profit de l’amendement n° 96.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Je souhaite expliquer mon vote sur l’amendement du Gouvernement pour témoigner de la surprise qui est la mienne et rejoindre l’avis du rapporteur.
Nous avons collectivement admis qu’il était nécessaire d’inscrire dans ce projet de loi la notion de stratégie nationale en matière de cybersécurité. Je trouve extrêmement surprenant, madame la ministre, que vous nous expliquiez qu’une telle stratégie ne concernerait pas ce qui fait Nation, en particulier les collectivités locales.
Vous avez eu l’occasion de vous rendre dans ma commune. Je vous ai relaté l’incident que j’ai également évoqué à la tribune : la cyberattaque dont a été victime la ville de Lille. Vous avez aussi visité notre campus cyber, le premier en région, et constaté les besoins d’accompagnement et de sensibilisation, notamment pour les collectivités locales. Vous les avez vus et vous avez souscrit à leurs demandes. Alors, comment allons-nous expliquer demain à ces collectivités territoriales qu’elles ne relèveraient pas de la stratégie nationale en matière de cybersécurité ? Même question pour les entreprises, d’ailleurs…
La commune que j’évoquais, victime d’une cyberattaque, est aujourd’hui soumise à un contrôle de la chambre régionale des comptes. Je ne m’étendrai pas davantage sur ce point, n’ayant pas compétence pour en parler ici. Mais savez-vous ce que la chambre régionale des comptes demande à cette collectivité territoriale ? Une stratégie en matière de cybersécurité ! Et demain, nous devrions affirmer que les stratégies locales en matière de cybersécurité n’ont aucun lien avec la stratégie nationale ? Que tout ce que nous avons dit sur la nécessité d’un accompagnement technique et financier, à la fois public et privé, au niveau local, n’aurait rien à voir avec cette stratégie nationale ?
Cela me semble absolument incompréhensible pour l’ensemble des entités concernées par ce projet de loi, alors même que nous partageons tous l’objectif de cyberrésilience et de cyberprotection. C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas cet amendement. Notre groupe ne le votera pas.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je tiens à clarifier mon propos : nous sommes absolument d’accord sur l’objectif de cette stratégie. Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans mon propos liminaire, il est essentiel d’assurer la protection de toutes nos entités et de les accompagner face aux cybermenaces.
La différence entre nous porte simplement sur la rédaction de cet article. Pour notre part, nous proposons un cadre général, qui englobe bien entendu les entreprises et les collectivités territoriales, mais aussi l’ensemble des acteurs concernés, allant ainsi au-delà de la précision que vous souhaitez apporter. Toutefois, l’objectif reste le même, et j’y suis particulièrement attentive.
Vous l’avez souligné, j’ai rencontré de nombreuses personnes ayant subi des cyberattaques, et je suis pleinement consciente du rôle central des collectivités territoriales dans ce domaine. C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement a fait le choix de les inclure parmi les entités soumises à la directive NIS 2. Nous avons pleinement conscience de cet enjeu, et il constitue un élément fondamental de notre stratégie nationale en matière de cybersécurité.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Le cadre d’intervention et le rôle des Csirt (Computer Security Incident Response Team) territoriaux dans la politique de cybersécurité, leur financement et leur déploiement sur le territoire en hexagone comme en outre-mer ;
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. À travers cette série d’amendements, nous cherchons à décliner concrètement ce que pourrait être un véritable plan d’accompagnement local, tel que nous l’avions présenté en commission spéciale et tel que nos collègues écologistes l’ont également repris précédemment dans leur amendement général.
Cet amendement n° 43 porte plus spécifiquement sur les Csirt, les centres de réponse aux incidents cyber (Computer Security Incident Response Teams). En commission, comme sur le terrain, nous avons souligné à plusieurs reprises la nécessité de clarifier leur rôle ainsi que leur financement, qui arrive à échéance avec la fin des fonds européens. Or, jusqu’à présent, nous n’avons eu ni débat ni clarification sur l’avenir de ces structures.
Par cet amendement, nous souhaitons donc ouvrir cette discussion et connaître la position du Gouvernement sur la pérennité des Csirt, qui sont absolument indispensables pour assurer une réponse opérationnelle sur le terrain, pour accompagner les entreprises ou les collectivités territoriales confrontées à des menaces, voire à des attaques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Les Csirt territoriaux relaient dans les territoires l’action de l’Anssi, ce qui est essentiel. Leur importance est consacrée par l’article 24 du projet de loi, qui prévoit leur agrément afin de leur donner plus de poids et d’importance dans la politique de cybersécurité du pays.
Il est dès lors très opportun que la stratégie nationale en matière de cybersécurité précise leur cadre d’intervention et leur déploiement dans tous les territoires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Pour autant, l’ajout de cet alinéa ne me paraît pas indispensable. Cet amendement semble en effet satisfait par les alinéas 2 et 3 de l’article 5 bis. La commission spéciale demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Mon avis est le même sur cet amendement que sur le précédent.
Il convient de distinguer ce qui relève de la stratégie de ce qui doit être inscrit dans la loi. Les objectifs figurant dans la stratégie ne sont pas nécessairement identiques aux dispositions que nous avons choisi d’inscrire dans la loi, justement pour préserver un cadre général.
Cela étant, les Csirt font bien sûr partie intégrante de cette stratégie, et je tiens à réaffirmer ici tout mon attachement à ces centres – j’en ai visité dans plusieurs territoires –, qui constituent un accompagnement de proximité. Toutefois, il nous semble que, tel qu’il est rédigé, l’article 5 bis les intègre déjà.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par Mmes Blatrix Contat et Linkenheld, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Les orientations permettant une approche intégrée des enjeux de cybersécurité et de souveraineté numérique ;
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. L’autonomie stratégique de la France et de l’Union européenne impose une protection renforcée face aux menaces posées par les législations extraterritoriales, en particulier celles des États non membres de l’Union européenne.
Il est impératif de poursuivre les investissements dans des infrastructures, des solutions et des logiciels de cloud localisés en Europe, financés par des capitaux européens et nationaux. Notre collègue Catherine Morin-Desailly a parfaitement souligné nos faiblesses et nos lenteurs en la matière. L’enjeu est donc bien de soutenir les acteurs européens et de défendre nos intérêts numériques et géostratégiques.
Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à inscrire dans la stratégie nationale de cybersécurité des orientations claires en matière de souveraineté numérique. Il s’agit de favoriser le recours à des infrastructures et des solutions françaises ou européennes souveraines.
L’ambition affichée par l’Union européenne de supprimer toute dépendance aux systèmes non européens d’ici à 2030 doit être réaffirmée, dans un contexte où l’alignement des priorités stratégiques des pays européens reste fragile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement.
Dans un contexte géopolitique particulièrement difficile, la souveraineté numérique française et européenne constitue une priorité, ce qui justifie que cette question soit traitée dans la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Je suis donc favorable à l’ajout de cet alinéa, car, tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 5 bis ne couvre pas cette question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Ces orientations figurent déjà à l’article 1er parmi les objectifs de la Nation. Il ne nous semble donc pas nécessaire de les inclure dans l’article 5bis, le Gouvernement souhaitant une rédaction ayant une portée générale. Nous sommes néanmoins très attachés à ces orientations.
Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je voterai cet amendement. Florence Blatrix Contat et moi avons mené de nombreux travaux sur ce sujet pour la commission des affaires européennes. Il est important d’énoncer les conditions de la reconquête d’une souveraineté que nous avons laissée s’effilocher au fil du temps. Nous avons plus que jamais besoin d’autonomie stratégique et d’une politique dédiée.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Les modalités de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements ;
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à préciser la stratégie nationale en matière de cybersécurité et à définir les éléments qui, selon nous, doivent y être ajoutés afin de répondre aux préoccupations des entités concernées par ce projet de loi, en particulier les collectivités territoriales.
Il tend donc à indiquer que la stratégie comprend également les modalités de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Je parle ici non pas du principe même de ce soutien, mais de la manière dont il sera mis en place, qui reste à définir concrètement.
Si nous avons déposé cet amendement et les deux suivants, c’est parce que nous avons estimé qu’ils n’étaient pas satisfaits, monsieur le rapporteur, par l’amendement que vous avez vous-même déposé sur la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Après la commission spéciale, nous avons fait l’effort de retravailler ces propositions et avons échangé avec vos collègues en votre absence. Si nous avions estimé que nos préoccupations étaient pleinement prises en compte, nous n’aurions pas déposé ces amendements.
Madame la ministre, lorsque nous posons des questions précises, c’est pour obtenir des réponses précises. Sur les Csirt, la question n’était pas de savoir si le Gouvernement les soutient ou non – j’espère bien qu’il y est attaché, tout comme nous le sommes –, la question posée était claire : comment seront-ils financés lorsque les fonds européens ne seront plus disponibles et alors que les régions rencontrent des difficultés financières ?
Je ne reviendrai pas sur le cas d’Atos, mais alors que nous faisons notre travail, que nous avançons des propositions, nous attendons en retour des réponses concrètes. Nous n’avons pas besoin d’être tous d’accord sur ces réponses, mais essayez au moins de nous en donner !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Les modalités de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements devront, bien sûr, être prévues par la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Il ne me paraît cependant pas nécessaire d’ajouter cet alinéa à l’article 5 bis, son objet étant déjà couvert par les alinéas 2 et 5. Néanmoins, la commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Même avis.
Je profite de mon intervention pour revenir sur la question du financement, qui mérite d’être discutée. Je connais les difficultés que rencontrent certains Csirt, mais ces dispositifs en sont pour la plupart à leur première année d’existence. Certains ont déjà trouvé leur modèle économique et fonctionnent de façon stable et fluide. Il convient d’être attentifs à la situation dans toutes les régions. Je renvoie ce sujet aux discussions budgétaires.
De plus, nous aurons plusieurs débats sur le contexte géopolitique international : la cybersécurité sera abordée dans ce cadre. Je n’ai pas de réponse plus précise à vous apporter sur ce dispositif particulier, mais sachez que nous avons bien en tête la nécessité de continuer à renforcer la cybersécurité.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°L’identification et le renforcement des compétences et formations nécessaires sur l’ensemble du territoire ;
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement porte sur la question, essentielle, de l’identification et du renforcement des compétences et des formations nécessaires pour assurer la cyberrésilience et la cyberprotection. Cette problématique a été largement évoquée dans la discussion générale. Bien sûr, le coût est un facteur majeur, mais la question des moyens humains est tout aussi cruciale, d’autant que toutes les collectivités territoriales ne disposent pas forcément des ressources suffisantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Le renforcement des compétences et des formations nécessaires en matière de cybersécurité sur l’ensemble des territoires est bien sûr une priorité et devra être traité comme tel par la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Cet amendement semble donc en grande partie satisfait. Pour autant, la commission spéciale s’en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans chaque département, un sous-préfet est identifié en qualité de référent en matière de cybersécurité et résilience pour coordonner l’accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de leurs obligations en matière de cybersécurité et dans l’aide au maintien des services publics essentiels en cas de perturbation des services numériques.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Comme les précédents, cet amendement vise à préciser l’accompagnement apporté, dans les territoires, tant aux collectivités territoriales qu’aux entreprises concernées par ce projet de loi.
Cet amendement vise à ce que soit identifié, dans chaque territoire, un sous-préfet qui pourrait assurer la coordination des questions de cybersécurité. Ce sous-préfet aurait un rôle en amont, pour aider les entités à mieux se protéger, mais aussi en aval, si l’une d’entre elles était malheureusement victime d’une attaque.
De nombreux exemples d’attaques ont été cités au cours de nos débats, et nous savons à quel point un accompagnement, par une personne bien identifiée, est nécessaire. Il s’agit non pas de créer un poste supplémentaire, mais bien de désigner, parmi les sous-préfets déjà en poste, celui ou celle qui pourrait assumer cette mission cyber, en complément de ses autres responsabilités, qu’elles soient thématiques ou territoriales, selon les départements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. L’idée d’identifier un sous-préfet par département comme référent en matière de cybersécurité me paraît intéressante, mais il nous semble que c’est plutôt aux équipes d’intervention d’urgence en informatique, les Cert (Computer Emergency Response Teams) ou aux Csirt régionaux de jouer le rôle d’animation de la cybersécurité à l’échelon local, sous l’égide de l’Anssi.
Sur cet amendement, la commission spéciale souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement ; toutefois, la création d’une mission pour les sous-préfets relève du domaine réglementaire.
Une réflexion est en cours sur le renforcement du rôle des préfets et des sous-préfets dans la coordination de l’action publique à l’échelon local. Mieux vaut ne pas percuter ces travaux et en préserver la logique d’ensemble. L’appui des préfectures dans l’accompagnement des collectivités territoriales est absolument fondamental, comme je l’ai encore vu récemment dans votre département, monsieur Saury, mais le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est à présent l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 38 ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 bis, modifié.
(L’article 5 bis est adopté.)
Après l’article 5 bis
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par M. Cardon, Mmes Linkenheld, Blatrix Contat, Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Vallet, Ros et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 244 quater Y du code général des impôts, il est inséré un article 244 … ainsi rédigé :
« Art. 244 … – Jusqu’au 31 décembre 2027, les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des microentreprises et petites entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 30 % de la somme :
« – des dépenses d’audit de cybersécurité ;
« – des dépenses d’acquisition, de souscription ou de maintenance d’un produit ou service de cybersécurité ;
« – des dépenses de formation en cybersécurité engagées par l’entreprise ;
« Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit.
« Le crédit d’impôt est plafonné à 15 000 €.
« Le crédit d’impôt est imputé sur le résultat imposable à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés de l’entreprise. »
II. – Le I s’applique aux dépenses exposées à compter du lendemain de la promulgation de la présente loi.
III. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
V. – Un décret en Conseil d’État détermine les critères nécessaires à l’obtention de ce crédit d’impôt.
La parole est à M. Rémi Cardon.
M. Rémi Cardon. Poser une règle est une chose – c’est toujours facile – ; se donner les moyens de la faire respecter en est une autre.
Voilà quelques années, au sein de la délégation aux entreprises – je salue d’ailleurs son président, Olivier Rietmann, ici présent –, nous avons adopté à l’unanimité un rapport sur les TPE-PME, grandes oubliées de la cybersécurité. Nous avions notamment recherché des pistes pour leur donner les moyens de se moderniser et de se protéger.
En effet, les opérateurs d’importance vitale, qui sont protégés par l’Anssi, disposent déjà d’un certain nombre de services et d’outils. En général, quand on ne peut pas passer par la porte, on passe par la fenêtre. En l’occurrence, la « fenêtre », ce sont souvent les TPE-PME qui travaillent avec ces grands groupes !
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à instituer un crédit d’impôt en faveur des microentreprises et des petites entreprises. Dans un contexte marqué par la nécessité de faire des économies, j’ai accepté d’abaisser son plafond de 30 000 euros à 15 000 euros. L’idée est d’impulser une dynamique : n’attendons pas NIS 3, NIS 4 ou NIS 5 pour le faire !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Dans le cadre de nos travaux, nous avions effectivement envisagé un crédit d’impôt en faveur des PME, conscients des efforts importants qui leur seront réclamés en matière de cybersécurité. Mais, après réflexion, une telle mesure nous est apparue déraisonnable dans le contexte très dégradé de nos finances publiques.
J’attire en outre l’attention de nos collègues sur le fait que le crédit d’impôt proposé par les auteurs de cet amendement créera inévitablement des effets d’aubaine. En effet, des entreprises auxquelles le présent projet de loi n’impose pas de nouvelles obligations dès lors qu’elles se situent sous les seuils prévus par NIS 2 bénéficieront du dispositif.
Au cours de nos échanges, le Gouvernement a indiqué travailler sur une forme de labellisation NIS 2 permettant aux entreprises de valoriser leurs efforts en matière de cybersécurité auprès des banques, des assurances et de leurs clients.
Dans un contexte où l’argent public devient très rare, une telle piste nous semble devoir être explorée en priorité. Je suppose que Mme la ministre déléguée nous apportera des précisions à cet égard.
En attendant, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je partage totalement la volonté qui est la vôtre d’accompagner les entreprises de taille modeste dans leur mise en conformité numérique. Je salue d’ailleurs les travaux que vous avez menés sur le sujet.
Ainsi que j’ai eu l’occasion de le souligner lors de la discussion générale, six attaques sur dix concernent de petites structures. C’est d’ailleurs bien pour cela que nous discutons de NIS 2 aujourd’hui.
Pour autant, le crédit d’impôt nous semble un outil inadapté. Vous connaissez, je pense, le contexte budgétaire ; nous passons beaucoup de temps à rechercher des solutions pour nos finances publiques. Il ne paraît vraiment pas opportun d’introduire une telle mesure aujourd’hui.
Par ailleurs, le crédit d’impôt envisagé par les auteurs de l’amendement pose des difficultés de fond. M. le rapporteur en a mentionné quelques-unes.
D’abord, une dépense fiscale est, par définition, très difficilement pilotable.
Ensuite, comme cela a été souligné, un tel crédit créerait des effets d’aubaine, ce qui est contraire à l’objectif de bonne gestion des finances publiques du Gouvernement.
Par ailleurs, l’amendement vise les TPE, qui ne sont pas concernées par la directive NIS 2, celle-ci s’appliquant seulement aux entreprises d’au moins cinquante équivalents temps plein (ETP). La différence de traitement ainsi créée serait peu justifiable au regard de l’objet du texte.
Enfin, le dispositif envisagé rend éligibles des dépenses ne couvrant qu’une partie de l’exercice de mise en conformité, ce qui créera nécessairement des distorsions préjudiciables à l’atteinte des objectifs.
Je n’en disconviens pas – je l’ai d’ailleurs rappelé dans la discussion générale –, la mise en conformité numérique représente un coût pour les entités concernées. Mais ces dernières doivent inscrire les dépenses en question dans le cadre d’une politique de bonne gestion. D’ailleurs, cette démarche est avant tout dans leur intérêt : encore une fois, le coût d’une cyberattaque est près de dix fois supérieur à celui de la mise en conformité.
C’est pourquoi nous avons réfléchi à une autre solution, à savoir un label qui permettra de valoriser les entités assujetties au texte. J’aurai l’occasion d’en dire un peu plus demain.
Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention.
Le contexte budgétaire, dites-vous, est difficile. Visiblement, il ne l’est pas pour tout le monde ! Le Président de la République vient en effet de nous expliquer que nous allions nous surarmer et, pour cela, adhérer à un plan européen visant à lever jusqu’à 800 milliards d’euros. Comment allons-nous financer tout cela ?
Nous avions bien compris qu’il n’était pas possible de sortir les dépenses sociales ou environnementales des critères de Maastricht ; en revanche, pour les dépenses d’armement, là, cela ne pose aucun problème ! Nous aurons à en débattre.
En vous écoutant, madame la ministre, je buvais du petit lait. Je suis le rapporteur de la commission d’enquête, présidée par Olivier Rietmann, sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants. Il existe quelque 2 200 dispositifs, dont le tiers environ sont des crédits d’impôt. Or je viens d’entendre parler d’« effets d’aubaine » et de dispositifs « mal ciblés » ou « difficilement pilotables ». Mais c’est formidable !
Avec M. Rietmann, nous avons prévu d’auditionner quelque vingt-cinq PDG. Lorsque nous recevrons celui de Sanofi, nous pourrons vous citer et lui expliquer que le crédit d’impôt dont son groupe bénéficie est « mal ciblé », qu’il crée des « effets d’aubaine » et qu’il faut peut-être y mettre un terme ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Je vous remercie vraiment de cette belle annonce ; n’hésitez pas à en faire part à M. Lombard, qui sera certainement ravi ! (M. Rémi Cardon rit.)
Pour le reste, je ne suis pas un fanatique des crédits d’impôt en général. Mais, en l’occurrence, celui-ci serait plafonné à 15 000 euros et s’appliquerait aux sous-traitants. Or vous venez de nous indiquer que six cyberattaques sur dix concernaient les petites entreprises.
Après avoir fait adopter un amendement visant à exclure les sous-traitants du dispositif prévu à l’article 1er, arguant qu’il serait trop difficile de les y maintenir, vous refusez maintenant d’armer les petites entreprises, qui sont pourtant les plus ciblées ; c’est par elles que passent les cyberattaques qui frappent ensuite les grands groupes !
Il va falloir nous expliquer quelle est votre stratégie globale, madame la ministre. Votre objectif est-il de protéger l’ensemble de nos entreprises ? Si oui, il faut commencer par aider celles qui sont le plus attaquées et qui ont le moins de moyens pour se défendre. Vous ne voulez pas d’un crédit d’impôt ? Dont acte. Mais que proposez-vous à la place ? Vous ne pouvez pas exclure les petites entreprises du dispositif prévu à l’article 1er et refuser de les armer financièrement à l’article 5 !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
De la cyber résilience
Section 1
Définitions
Article 6
Au sens du présent titre, on entend par :
1° Bureau d’enregistrement : une entité fournissant des services d’enregistrement de noms de domaine ;
2° Office d’enregistrement : une entité à laquelle un domaine de premier niveau spécifique a été délégué et qui est responsable de l’administration de ce domaine, y compris de l’enregistrement des noms de domaine en relevant et de son fonctionnement technique, notamment l’exploitation de ses serveurs de noms, la maintenance de ses bases de données et la distribution de ses fichiers de zone sur les serveurs de noms, que ces opérations soient effectuées par l’entité elle-même ou qu’elles soient sous-traitées, mais à l’exclusion des situations où les noms de domaine de premier niveau sont utilisés par un registre uniquement pour son propre usage ;
2° bis (nouveau) Incident : un événement compromettant la disponibilité, l’authenticité, l’intégrité ou la confidentialité des données stockées, transmises ou faisant l’objet d’un traitement, ou des services que les réseaux et systèmes d’information offrent ou rendent accessibles ;
3° Prestataire de services de confiance : un prestataire de services de confiance au sens du paragraphe 19 de l’article 3 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE ;
4° Prestataire de service de confiance qualifié : un prestataire de services de confiance au sens du paragraphe 20 de l’article 3 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 précité ;
5° Représentant : une personne physique ou morale établie dans l’Union qui est expressément désignée pour agir pour le compte d’un fournisseur de services de système de nom de domaine, d’un registre de noms de domaine de premier niveau, d’une entité fournissant des services d’enregistrement de noms de domaine, d’un fournisseur d’informatique en nuage, d’un fournisseur de services de centre de données, d’un fournisseur de réseau de diffusion de contenu, d’un fournisseur de services gérés, d’un fournisseur de services de sécurité gérés ou d’un fournisseur de places de marché en ligne, de moteurs de recherche en ligne ou de plateformes de services de réseaux sociaux non établi dans l’Union, qui peut être contactée par une autorité compétente ou un centre de veille, d’alerte et de réponse aux attaques informatiques (CERT) à la place de l’entité elle-même concernant les obligations incombant à ladite entité en application de la présente loi ;
6° Service de centre de données : un service qui englobe les structures, ou groupes de structures, dédiées à l’hébergement, l’interconnexion et l’exploitation centralisées des équipements informatiques et de réseau fournissant des services de stockage, de traitement et de transport des données, ainsi que l’ensemble des installations et infrastructures de distribution d’électricité et de contrôle environnemental ;
7° Système d’information : l’ensemble des infrastructures et services logiciels informatiques permettant de collecter, traiter, transmettre et stocker sous forme numérique des données ;
8° (nouveau) Vulnérabilité : une faiblesse, susceptibilité ou faille de produits ou services des technologies de l’information et de la communication, ou d’origine humaine, qui peut être exploitée par une cybermenace.
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer les mots :
d’origine humaine
par les mots :
d’un utilisateur de ces derniers
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Cet amendement vise à préciser qu’une vulnérabilité peut avoir pour origine un facteur humain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Hugues Saury, rapporteur. Cet amendement de précision nous semble à la fois cohérent et utile. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Section 2
Des exigences de sécurité des systèmes d’information
Article 7
I. – Sont considérés au titre de la présente section comme des secteurs hautement critiques pour le fonctionnement de l’économie et de la société les secteurs :
1° De l’énergie ;
2° Des transports ;
3° Des banques ;
4° Des infrastructures des marchés financiers ;
5° De la santé ;
6° De l’eau potable ;
7° Des eaux usées ;
8° De l’infrastructure numérique ;
9° De la gestion des services des technologies de l’information et de la communication ;
10° De l’espace.
II. – Sont considérés au titre de la présente section comme des secteurs critiques pour le fonctionnement de l’économie et de la société les secteurs :
1° Des services postaux et d’expédition ;
2° De la gestion des déchets ;
3° De la fabrication, de la production et de la distribution de produits chimiques ;
4° De la production, de la transformation et de la distribution des denrées alimentaires ;
5° De la fabrication de certains biens, équipements et produits ;
6° Des fournisseurs de certains services numériques ;
7° De la recherche.
III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. Il détermine les sous-secteurs et les types d’entités relevant des secteurs mentionnés aux I et II – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné vingt amendements au cours de la soirée ; il en reste quatre-vingt-quatre à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 12 mars 2025 :
À quinze heures :
Questions d’actualité du Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
Projet de loi autorisant l’approbation de la résolution n° 259 portant modification de l’article 1er de l’accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement afin de permettre l’élargissement limité et progressif du champ d’action géographique de la Banque à l’Afrique subsaharienne et à l’Irak (procédure accélérée ; texte de la commission n° 406, 2024-2025) ;
Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Observatoire du réseau d’antennes d’un kilomètre carré (SKAO) relatif à l’adhésion de la France à l’Observatoire (procédure accélérée ; texte de la commission n° 408, 2024-2025) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le Royaume d’Espagne (texte de la commission n° 404, 2024-2025) ;
Explications de vote, puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à proroger le dispositif d’expérimentation favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public (texte de la commission n° 397, 2024-2025) ;
Suite du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité (procédure accélérée ; texte de la commission n° 394, 2024-2025) ;
Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, présentée par MM. Guislain Cambier, Jean-Baptiste Blanc et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 373, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 12 mars 2025, à zéro heure trente-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER