Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie-Pierre Richer,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Hommage aux victimes du terrorisme

M. le président. Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, depuis 2019, le 11 mars est la journée nationale d'hommage aux victimes du terrorisme. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre déléguée, se lèvent.)

C'est également la date choisie par l'Union européenne, en souvenir de l'attentat qui a eu lieu en 2004 à Madrid. Le terrorisme n'a pas de frontières.

En cette journée de commémoration, nous pouvons nous souvenir des nombreuses victimes des actes de terrorisme qui ont ensanglanté à plusieurs reprises notre pays. Plus que jamais, nous devons rester unis face à cette menace et défendre les valeurs de la République.

À la demande de M. le président du Sénat, je vous propose de commencer notre séance en observant une minute de recueillement en mémoire des victimes. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre déléguée, observent une minute de recueillement.)

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité
Article 1er

Parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal et mode de scrutin aux élections municipales

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié et, en procédure accélérée, d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal (proposition n° 451 [2021-2022], texte de la commission n° 399, rapport n° 398) et de la proposition de loi organique visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, présentée par Mme Nadine Bellurot, M. Éric Kerrouche, Mme Sonia de La Provôté, M. Didier Rambaud et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 11 rectifiée, texte de la commission n° 400, rapport n° 398).

La procédure accélérée a été engagée sur ce dernier texte.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur.

M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi, déposée par Élodie Jacquier-Laforge et adoptée en février 2022 par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, ainsi que la proposition de loi organique visant à harmoniser le scrutin de liste aux élections municipales, que Nadine Bellurot, Sonia de La Provôté, Didier Rambaud et moi-même avons déposée en octobre 2024 avec plusieurs de nos collègues, à la suite des recommandations formulées par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que connaît très bien Mme la ministre.

L'objectif premier de ces textes est simple : étendre aux communes de moins de 1 000 habitants le scrutin de liste aujourd'hui appliqué dans celles de plus de 1 000 habitants.

Proposition de loi après proposition de loi, mission d'information après mission d'information, le constat de la crise de l'engagement local s'est imposé avec force, en particulier dans les communes rurales.

Cette crise, qui s'apparente malheureusement de plus en plus à une tendance de fond, se traduit par un double phénomène que vous connaissez toutes et tous, mes chers collègues : la diminution du nombre de candidats aux élections locales, associée à la hausse du nombre d'élus démissionnaires en cours de mandat.

Rappelons des chiffres éloquents. Au premier tour des élections municipales de 2020, quelque 106 communes ne disposaient d'aucun candidat. À l'issue du renouvellement général, 345 communes disposaient d'un conseil municipal incomplet. Ces chiffres sont nettement supérieurs à ceux qui avaient été observés en 2014, quand 74 communes étaient restées sans candidats et 228 sans conseil municipal complet.

Le nombre de démissions en cours de mandat s'établit quant à lui à un niveau inédit : au 7 février 2025, pas moins de 2 647 maires, soit 7,6 % des maires, avaient démissionné de leur mandat, avec une prépondérance dans les communes de moins de 1 000 habitants. On recensait également près de 30 000 démissions de conseiller municipal à mi-mandat.

Cette situation engendre pour les conseils municipaux des petites communes des difficultés de fonctionnement que chacun de nous ne connaît que trop bien.

Les facteurs de crise des vocations électorales au niveau local sont multiples. En tête figure bien entendu la dégradation des conditions d'exercice des mandats locaux, à laquelle nous avons tenté de répondre au travers de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, qui sera bientôt discutée à l'Assemblée nationale.

Nous sommes convaincus que les modalités du scrutin municipal qui s'appliquent dans les communes de moins de 1 000 habitants ne sont pas sans lien avec la démobilisation constatée et, plus généralement, avec les difficultés rencontrées.

Comme vous le savez, les communes ont été soumises historiquement, depuis 1884, au scrutin de liste majoritaire à deux tours. Progressivement, le scrutin de liste proportionnel sans panachage ni vote préférentiel a été étendu à une part croissante des communes, la dernière extension intervenant en 2013 pour celles qui comptent entre 1 000 et 3 500 habitants.

En conséquence, les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent 70 % des communes françaises et 13 % de la population totale, sont désormais les seules à être soumises au scrutin majoritaire.

Dans ce contexte, la proposition de loi d'Élodie Jacquier-Laforge adoptée voilà trois ans par l'Assemblée nationale franchit la dernière étape, celle de la généralisation du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants.

En parallèle, le texte assortit cette extension de trois adaptations réservées auxdites communes.

Premièrement, l'article 1er y autorise le dépôt de listes incomplètes. Seraient ainsi permis les dépôts de listes comportant au moins cinq candidats dans les communes de moins de 100 habitants, au moins neuf candidats dans les communes de 100 à 499 habitants et au moins onze candidats dans les communes de 500 à 999 habitants.

Deuxièmement, l'article 3 étend aux communes de 500 à 999 habitants le bénéfice de la présomption de complétude, qui concerne, en l'état du droit, les seules communes de moins de 500 habitants.

Vous vous en souvenez sûrement : depuis la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite loi Engagement et Proximité, l'effectif légal du conseil municipal des communes de moins de 100 habitants, fixé à sept membres, est réputé complet dès lors qu'il en compte au moins cinq. De la même manière, dans les communes comptant entre 100 et 499 habitants, l'effectif légal du conseil, fixé à onze membres, peut être réputé complet dès lors qu'il en compte au moins neuf.

Troisièmement, l'extension de la règle du « réputé complet » se conjugue, dans la proposition de loi, avec la création d'une strate intermédiaire regroupant les communes de 500 à 999 habitants, dont l'effectif légal du conseil municipal passerait de quinze à treize membres. En conséquence des dispositions des articles 2 et 3, le conseil municipal de ces communes serait réputé complet à onze membres.

La commission a souscrit à l'objectif principal de la proposition de loi et de la proposition de loi organique. Nous sommes convaincus en effet de la nécessité d'étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants afin d'harmoniser les règles applicables à l'ensemble des communes et de résoudre certaines des difficultés posées par le scrutin majoritaire.

C'est la raison pour laquelle, à la suite d'un rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, nous avons déposé une proposition de loi organique transpartisane visant à unifier le mode de scrutin aux élections municipales. Nous proposons également des adaptations destinées à répondre aux spécificités des communes concernées.

Trois arguments, essentiellement, militent en faveur du scrutin de liste proportionnel.

En premier lieu, le scrutin majoritaire et la pratique actuelle du panachage favorisent une personnalisation excessive du vote. Le fait même, pour un citoyen, de rayer des noms sur une liste entre en contradiction avec l'essence du vote, qui est de voter non pas contre un individu pour se débarrasser de tel ou tel élu, mais bien pour un projet.

Il est temps de mettre un terme à la pratique du « tir aux pigeons ». En plus de mieux protéger les maires, le scrutin de liste garantit la cohésion de l'équipe municipale autour d'un projet politique défini préalablement, là où le scrutin majoritaire contraint parfois le maire à constituer sur le tas, et de manière improvisée, une équipe visant à conduire la politique au quotidien.

Le scrutin proportionnel permet une expression du pluralisme politique, la diversité politique s'exprimant dans la liste.

En deuxième lieu, nous estimons que la différence de traitement qui existe entre les communes de moins de 1 000 habitants et celles de plus de 1 000 habitants n'est plus justifiée : les communes de moins de 1 000 habitants sont des communes comme les autres.

En troisième lieu, enfin, il semble difficilement concevable que les communes de moins de 1 000 habitants demeurent les seules collectivités à ne pas être concernées par le principe constitutionnel de parité. La part des femmes dans les conseils municipaux y est inférieure de plus de dix points – 37 % contre 48 % – à celle des autres communes.

D'aucuns expriment la crainte que n'émergent, dans certaines des communes les moins peuplées, des difficultés pour constituer des listes paritaires.

À cette préoccupation, nous répondons que le niveau d'engagement des femmes dans les petites communes de nos territoires n'est plus à prouver. Il suffit de rappeler que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, la proportion de maires femmes est supérieure de plus de trois points à celle qu'on constate dans les autres communes.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. Les associations d'élus, à l'instar de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et d'Intercommunalités de France, ont pris position en faveur de cette réforme.

Comme nous, elles se disent convaincues du puissant levier qu'elle pourrait constituer pour enclencher une nouvelle dynamique au sein de l'engagement local. Il y a là un enjeu de vitalité démocratique pour les prochaines élections. (M. Francis Szpiner s'exclame.)

Enfin, au sujet de l'entrée en vigueur des mesures proposées, il serait difficilement compréhensible que cette réforme ne s'applique pas dès l'année prochaine.

Le retard dans le calendrier d'examen du texte n'est pas sans lien avec les soubresauts politiques des derniers mois. Je vous rappelle que la proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale voilà trois ans. En outre, l'article 28 de la loi Engagement et Proximité est ainsi rédigé : « Avant le 31 décembre 2021, les dispositions du code électoral relatives à l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires sont modifiées pour étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements. »

En tout état de cause, si le législateur a souhaité consacrer le principe de stabilité électorale, il a également admis la possibilité d'y déroger au cas par cas. En l'espèce, cette dérogation nous paraît totalement justifiée.

Je rappelle, du reste, que l'élargissement du scrutin de liste aux communes de 1 000 à 3 500 habitants a été acté par la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, pour une entrée en vigueur lors des élections de mars 2014. Nous sommes donc dans une logique comparable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Anne-Sophie Patru et Sonia de La Provôté applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot, auteure de la proposition de loi organique et rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme Nadine Bellurot, auteure de la proposition de loi organique et rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'a indiqué par Éric Kerrouche, la commission partage pleinement l'objectif de l'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.

La différence de traitement qui demeure entre ces dernières et les autres communes n'a pas lieu d'être, et nous devons entendre les demandes formulées par les associations d'élus représentant l'ensemble des maires de France.

Pour autant, généralisation ne signifie pas uniformisation systématique. C'est pourquoi la commission a prévu des aménagements complémentaires de manière à garantir un dispositif opérationnel, suffisamment souple et adapté aux petites communes.

Elle y est d'autant plus attentive que cette réforme a vocation à s'appliquer dès les prochaines élections municipales.

La commission a ainsi apporté sept principales modifications à la proposition de loi, avec deux objectifs : d'une part, rendre le dispositif opérationnel en l'adaptant aux spécificités inhérentes aux communes les moins peuplées ; d'autre part, le sécuriser afin d'en assurer la pleine applicabilité et neutraliser les effets de bord qui pourraient résulter de la généralisation du scrutin de liste telle qu'elle est prévue par la proposition de loi initiale.

Deux apports substantiels ont donc été introduits.

En premier lieu, l'autorisation de déposer des listes incomplètes nous a semblé indispensable. Conçue dans un esprit de pragmatisme, cette dérogation est de nature à garantir le respect du pluralisme. Aussi la commission a-t-elle prévu d'autoriser les listes comportant treize candidats au lieu de quinze pour les communes de 500 à 999 habitants.

Cette extension du « réputé complet » permettrait à ces communes de faire face tant à l'augmentation des démissions – le chiffre de 30 000 démissions de conseiller municipal a été cité – qu'à la diminution du nombre de candidatures, sans pénaliser, bien sûr, les communes qui atteindraient l'effectif légal de quinze candidats.

L'application de cette règle, qui a emporté l'adhésion des associations d'élus, faciliterait le fonctionnement des conseils municipaux des communes concernées.

Tout en conservant l'esprit du « réputé complet » pour les communes dont l'effectif légal du conseil municipal est fixé à quinze membres, nous avons ainsi supprimé l'article 2 du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, qui créait une nouvelle strate de communes alors même que le texte a été rédigé dans un objectif d'harmonisation.

Nous estimons par ailleurs que la possibilité de complétude qui est offerte aux communes de 500 à 999 habitants est suffisamment souple.

Afin d'encourager l'engagement local, la commission a introduit en parallèle la faculté, aujourd'hui admise pour les communes de plus de 1 000 habitants, de prévoir deux candidats supplémentaires.

Dans les communes de moins de 100 habitants, une liste pourra ainsi compter cinq, sept ou neuf candidats. Cette disposition vise à éviter la situation – certains ont exprimé des inquiétudes à ce sujet – dans laquelle des élus ne pourraient pas être reconduits du fait de la parité.

En second lieu, afin de tenir compte du risque inhérent à la taille réduite des effectifs de ces communes de multiplication des cas d'élections partielles intégrales, nous proposons la création d'un mécanisme d'élections complémentaires réservé aux communes de moins de 1 000 habitants.

Le déclenchement de ces élections complémentaires répondrait aux mêmes conditions qu'aujourd'hui : elles seraient obligatoires dès lors que le conseil a perdu un tiers de son effectif ou qu'il doit être complété en vue d'élire le maire ou plusieurs adjoints.

Toutefois, ces élections auraient lieu au scrutin de liste, avec une plus grande souplesse pour le dépôt des listes.

Si le principe est d'avoir des listes comportant le nombre de candidats nécessaire pour compléter le conseil, il serait néanmoins possible de déposer des listes comportant entre deux candidats de moins et deux candidats de plus.

Prenons l'exemple d'une commune de 400 habitants dont le conseil municipal voit son effectif tomber à sept membres et qui, de ce fait, doit légalement procéder à une élection : il sera possible d'y présenter une liste comportant de deux à six candidats. Loin d'être rigide, ce dispositif est d'une grande souplesse.

Par cohérence avec l'ensemble de la réforme, la commission a par ailleurs procédé à deux harmonisations essentielles.

La première consiste dans l'unification du mode de désignation des conseillers communautaires, grâce à la généralisation du système de fléchage lors du renouvellement général. Nous y reviendrons toutefois, à l'occasion de la présentation d'un amendement visant à assouplir ce dispositif.

La seconde porte sur le mode de désignation des adjoints au maire. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les adjoints au maire seraient élus, comme c'est le cas dans les autres communes, au scrutin de liste paritaire. Toutefois, il est prévu une dérogation à la règle du remplacement de l'adjoint par un adjoint conseiller de même sexe, afin de répondre à la réalité de nos petites communes.

En outre, la commission a souhaité répondre à une difficulté dont nous ont fait part les associations d'élus, et dont nous avions déjà connaissance, à propos de l'application de la présomption de complétude en cas de vacance au sein du conseil intervenant postérieurement au dernier renouvellement général ou à la dernière élection.

En effet, certaines communes de moins de 500 habitants – c'est un point important – ont dû organiser des élections complémentaires avant de procéder à l'élection d'un nouveau maire, alors même qu'elles atteignaient l'effectif équivalent au « réputé complet ».

La lecture des services de la préfecture, qui n'ont pas voulu considérer ce « réputé complet », nous a semblé contraire à l'intention du législateur de 2019.

C'est pourquoi la commission a souhaité, à l'article 3, lever toute ambiguïté d'interprétation et permettre aux conseils qui se trouveraient dans cette situation de procéder directement à l'élection du nouveau maire, sans avoir au préalable à organiser des élections complémentaires.

En outre, la commission a été attentive à neutraliser les effets de bord qui auraient pu résulter du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Elle a ainsi garanti, pour les communes de 500 à 999 habitants, le maintien du nombre actuel de délégués désignés au collège électoral des sénateurs, c'est-à-dire trois, quand bien même ces communes compteraient treize conseillers municipaux au bénéfice de l'incomplétude.

Ainsi modifiée, la proposition de loi nous paraît comporter toutes les garanties de souplesse et d'opérationnalité nécessaires au fonctionnement des petites communes. Elle semble répondre également à l'objectif d'harmonisation auquel participe l'instauration, que nous proposons, du scrutin de liste.

Par ailleurs, la commission a apporté deux modifications à la proposition de loi organique, dans un souci de cohérence et de lisibilité.

Ce texte vise à favoriser l'engagement de nos concitoyens. Au travers du scrutin de liste, c'est un projet, une équipe, une dynamique collective qui sont proposés. On écarte le risque d'élire une addition d'individualités n'ayant pas de projet commun à proposer à nos concitoyens, quand l'engagement d'une équipe au service des électeurs peut être un gage de réussite pour nos communes.

Expliquer aux électeurs qu'ils doivent avoir pour première démarche un acte négatif – rayer des noms – ne me semble pas favoriser la démocratie locale. Il faut dépersonnaliser le vote, éviter le « tir aux pigeons » qui démobilise nos élus locaux et nos maires, qui sont en première ligne.

Dans nos petites communes, l'engagement des hommes comme des femmes est difficile ; il doit être facilité et encouragé. Cette réforme doit évidemment s'accompagner de celle du statut de l'élu. La proposition de loi que le Sénat a adoptée à l'unanimité sur le sujet sera discutée très prochainement à l'Assemblée nationale.

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption de trois amendements rédactionnels, la commission vous propose d'adopter cette proposition de loi et cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi soumise à votre assemblée revêt une dimension démocratique non négligeable pour notre démocratie locale (M. Jean-Jacques Panunzi s'exclame.) : il s'agit de garantir des règles électorales plus favorables à la constitution d'équipes cohérentes et moins fragiles, au service de toutes nos communes.

Elle permet aussi d'œuvrer à une plus juste représentativité entre les hommes et les femmes.

Ce texte privilégie le scrutin de liste et donne ainsi l'occasion de sortir du fameux panachage, lequel conduit trop souvent à des oppositions interpersonnelles parfois douloureuses au sein de conseils municipaux qui n'ont pas été constitués sur la base d'un projet partagé.

Ce mode de désignation, appelé communément « tir aux pigeons », semble en effet de moins en moins accepté par ceux qui y sont soumis.

De nombreuses remontées de terrain indiquent une souffrance grandissante des maires des plus petites communes qui, tout en ayant privilégié l'intérêt général – ils étaient par exemple adjoints à l'urbanisme auparavant –, ont obtenu un très faible nombre de suffrages lors de l'élection municipale et se retrouvent ainsi placés dans une situation d'inconfort, voire de déstabilisation au quotidien.

Le Gouvernement est bien évidemment conscient de ces difficultés, à l'heure où les vocations pour les mandats électoraux municipaux pourraient se tarir.

À cet effet, le Parlement a déjà adopté une proposition de loi sénatoriale renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, et l'Assemblée nationale débattra, dans la semaine du 26 mai prochain, d'une autre proposition de loi sénatoriale adoptée ici à l'unanimité et portant création d'un statut de l'élu local.

Je pense toutefois, chers sénateurs, qu'il peut être aussi difficile de trouver des colistiers que des colistières. N'oublions pas que, en milieu rural, les femmes sont souvent les premières engagées dans la vie sociale et associative des communes.

Par ailleurs, près de 3 700 communes, bien au-delà de 1 000 habitants, ont connu en 2020 une situation de liste unique. C'est un fait qui préexiste à la généralisation du scrutin de liste.

D'ailleurs, l'instauration du scrutin de liste n'a pas engendré, dans les communes de plus de 1 000 habitants, de politisation de la vie communale.

Pour autant, le travail des rapporteurs et de la commission, que je salue, a permis deux aménagements d'ampleur, qui répondent à bon escient à un certain nombre d'interrogations et que nous devrions placer en tête de nos réflexions.

Le premier est la possibilité de déposer, dès le premier tour, des listes incomplètes comptant deux membres de moins que l'effectif légal.

Le second est l'extension de l'incomplétude aux communes comptant jusqu'à 1 000 habitants, dont les conseils seraient réputés complets avec treize membres, pour un effectif légal de quinze conseillers.

Ces dispositions majeures très attendues paraissent à même de garantir l'équilibre du texte, ainsi que le respect de l'exigence constitutionnelle de parité et d'expression pluraliste des opinions.

À ce titre, puisque cette proposition de loi induit des adaptations du code électoral et qu'il est de la responsabilité du Gouvernement de sécuriser sur le plan juridique la tenue des élections municipales de 2026, le Conseil constitutionnel sera bien évidemment saisi.

Si ce texte semble marquer une évolution significative, son adoption ne serait pas une révolution. Souvenons-nous des craintes qui s'étaient exprimées en 2013 lorsque le seuil d'application du scrutin de liste avait été abaissé de 3 500 habitants à 1 000 habitants. Plus de dix ans plus tard, force est de constater que cette réforme n'a pas compromis le fonctionnement de notre démocratie locale ni engendré de politisation particulière.

Enfin, la parité dont il est ici question s'inscrit dans une évolution de la société qui s'étend à de nombreux champs professionnels. Ainsi, des dispositions de ce type encadrent, conformément à l'article 1er de notre Constitution, les élections dans les ordres professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes ou encore des architectes.

Alors que la part des femmes parmi les élus locaux atteint près de 42 %, cette exigence d'une représentation équilibrée correspond également à une demande affirmée des associations d'élus locaux, exprimée dans un communiqué du 6 février dernier signé par l'AMF, l'AMRF et Intercommunalités de France.

Dans un autre communiqué du 5 mars 2025 consécutif à l'adoption du texte en commission des lois, l'AMRF a rappelé une fois de plus le sens profondément démocratique, ainsi que l'importance de cette proposition de loi. L'élection dans les 35 000 communes, dit-elle, doit se faire « autour du triptyque ″une commune, une liste, un projet″ ».

Au-delà de cette question centrale du scrutin de liste, la présente proposition de loi nous conduit également à examiner d'autres aspects de nos institutions locales.

Sur les modalités d'élection des adjoints au maire, j'entends les arguments qui opposent les adversaires et les partisans d'une obligation paritaire. Je m'en remettrai, sur ce point, à la sagesse de votre assemblée.

En ce qui concerne la désignation des conseillers communautaires, la logique d'extension du « fléchage », lequel est aujourd'hui en vigueur dans les communes de plus de 1 000 habitants, présente un risque significatif : un maire élu en cours de mandat à la suite de la démission de son prédécesseur pourrait en effet ne pas représenter sa commune à l'intercommunalité.

Une telle situation constituerait un irritant et engendrerait des difficultés au sein d'une intercommunalité. Le Sénat et l'Assemblée nationale l'ont d'ailleurs admis en 2019, en précisant que, dans une commune qui ne possède qu'un seul délégué communautaire, cette fonction est assurée par défaut par le maire, sauf si celui-ci en décide autrement.

Par ailleurs, des dispositions complémentaires sont prévues pour traiter la question de l'ajustement de l'effectif des conseils municipaux des communes nouvelles.

À cette occasion, je souhaite saluer l'engagement de nombreux parlementaires au sein d'un groupe de travail que j'ai constitué sur les communes nouvelles. Celui-ci regroupe des députés, des sénateurs et des élus locaux. Je tiens ainsi à remercier particulièrement Mme la ministre Canayer, Mme la présidente Cuckierman, Mme la sénatrice de La Provôté et MM. les sénateurs Kerrouche et Sautarel.

Ces communes doivent bénéficier d'une période de transition suffisante afin de lisser l'effectif de leur conseil municipal, avant que celui-ci ne soit aligné de manière définitive – disons-le clairement – sur le droit commun.

Compte tenu des demandes exprimées sur le terrain par les élus concernés, et de la concordance d'opinions entre l'Assemblée nationale et le Sénat, plusieurs sénateurs proposent d'allonger la période de convergence et de reporter jusqu'au troisième renouvellement général suivant la création de la commune nouvelle le moment où l'effectif du conseil municipal devra être aligné sur celui de la strate démographique à laquelle appartient la commune. Le Gouvernement sera favorable à ces propositions.

L'ensemble des dispositions contenues dans cette proposition de loi ont vocation à entrer en vigueur à l'occasion de la prochaine échéance municipale de 2026. Certains pourront dire que c'est trop tôt ou que c'est trop tard, mais sans doute est-il tout simplement temps !

Enfin, cette proposition de loi est examinée conjointement à une proposition de loi organique qui tire les conséquences de la généralisation du scrutin de liste en ce qui concerne les obligations auxquelles sont soumis les candidats ressortissants d'autres pays de l'Union européenne. Le Gouvernement est favorable aux évolutions proposées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis en conscience : ce texte est une nouvelle étape pour renforcer la démocratie locale et la rendre plus juste, mais aussi plus sûre. Il permettra de renforcer la cohérence des équipes municipales, de mieux protéger le maire, de consolider le fonctionnement de nos institutions locales et d'assurer une meilleure représentation, plus équilibrée et plus démocratique.

Chacun ici connaît mon attachement profond et sincère à des communes fortes vivantes. Elles méritent toutes que l'élection de leur conseil municipal soit bâtie autour d'un projet et d'une équipe.

En conclusion, je veux remercier les rapporteurs et la commission de leur travail.

Cette proposition de loi, qui suscite beaucoup d'attention, est le fruit d'un travail approfondi et d'une volonté transpartisane. Elle nous offre l'occasion de franchir, tranquillement, un pas de plus vers l'objectif que j'ai décrit. Pour cette raison, je souhaite, à nouveau, remercier ses auteurs, ainsi que tous ceux qui l'ont amendée avec intelligence et pragmatisme.

Notre démocratie ne peut demeurer figée dans des règles de droit ou des institutions immuables. Elle vit à travers celles et ceux qui s'engagent, à travers la diversité de nos élus, mais aussi à travers la capacité de nos collectivités à représenter la société.

C'est dans ce même esprit de responsabilité et de dialogue que je vous invite à entamer l'examen de ces deux textes, dont vous avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que, sans suspense, le Gouvernement soutiendra l'adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)