compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

Mme Catherine Conconne.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

attaques de loups en haute-marne

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 287, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Bruno Sido. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la recrudescence des attaques de loups dans le département de la Haute-Marne. Le loup est dans la bergerie, si je puis dire. Il y a urgence, chaque jour la situation devient de plus en plus dramatique : depuis novembre 2024, soixante-dix-sept bêtes ont été tuées, dont cinquante-quatre en 2025, et vingt-sept blessées.

Les attaques se multiplient à un rythme alarmant. Les loups prolifèrent sans contrôle. Sans prédateur naturel, la pression sur les troupeaux ne cesse d’augmenter. Les conséquences sont catastrophiques : les ovins sont stressés, l’agnelage est menacé et la filière est en grand danger.

Les éleveurs n’en peuvent plus. Excédés, désespérés, ils assistent impuissants à ces attaques répétées et font face à une administration qui reste sourde à leur détresse. Certains, à bout de forces, vont jusqu’à vendre leurs troupeaux.

Les moyens de protection engagés par l’État se révèlent largement insuffisants : les filets de protection, censés dissuader les loups, sont contournés ; les chiens de protection et les tirs de défense, très encadrés, ne suffisent pas. Les loups attaquent toujours. Ce n’est plus tenable.

L’avenir de l’élevage ovin dans le département est en péril. Les agriculteurs veulent simplement pouvoir vivre de leur travail et exercer leur métier dans des conditions sereines.

Aussi, madame la ministre, quels moyens concrets l’État compte-t-il mettre en place ? Quels engagements budgétaires et quelles actions durables le Gouvernement envisage-t-il pour protéger la filière ovine en Haute-Marne ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Bruno Sido, la prédation du loup est un sujet très difficile et je connais le désarroi de nos éleveurs. Élue moi-même d’un territoire très touché, je suis résolue à agir de manière déterminée en la matière.

Tout d’abord, je rappelle l’adoption du nouveau plan national d’action loup, qui, pour la première fois, traduit une réelle ambition de protection des activités d’élevage aujourd’hui menacées.

Les chiffres sont terribles : la prédation lupine, c’est plus de 4 000 constats d’attaque par an et plus de 12 000 animaux tués. Il nous faut donc réagir.

En 2024, mon ministère a engagé 41 millions d’euros pour soutenir les éleveurs. Nous poursuivrons cet effort en 2025, malgré les difficultés budgétaires.

En ce qui concerne les réparations, la prise en compte des dommages indirects est notre objectif. Nous avons donc anticipé une augmentation d’environ 50 % des indemnisations dans le budget 2025, pour un total de 9 millions d’euros.

Pour les troupeaux non protégeables, le travail se poursuit pour faciliter in fine la délivrance des autorisations de tirs de défense et permettre les indemnisations. J’ai pris, la semaine dernière, un arrêté allant en ce sens. L’article 16 du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PJLOA), en cours de discussion, viendra renforcer la sécurité juridique de ces dispositions.

Par ailleurs, vous savez que je me suis engagée de toutes mes forces, sans tergiverser, dans le combat européen du déclassement du loup pour permettre enfin de passer d’une logique de défense à une logique de régulation de la population. Soyons clairs, monsieur le sénateur, l’indemnisation ne résout pas tout : nous souhaitons qu’il y ait moins de prédation.

Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement votre département de la Haute-Marne, les attaques sont le fait d’un loup solitaire bien identifié. Mon cabinet a pris l’attache du préfet coordonnateur du plan national d’actions sur le loup, qui connaît bien votre département. À ma demande, une brigade de l’Office français de la biodiversité (OFB) sera dépêchée sur place dès la semaine prochaine pour tenter de prélever ce loup, qui n’a causé que trop de dégâts.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.

M. Bruno Sido. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je regrette tout de même que l’administration ait tendance à minimiser le nombre d’attaques. Par ailleurs, pour poser des filets de protection, les éleveurs demandent des moyens financiers d’urgence – ils comptent sur vous !

Enfin, sachez que deux jeunes éleveurs, qui travaillent dans le secteur où attaque le loup, sont aujourd’hui suivis par la cellule psychologique de la Mutualité sociale agricole (MSA).

situation préoccupante des services d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 093, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur la situation très préoccupante des services d’inspection vétérinaire et phytosanitaire affectés aux frontières, tout particulièrement au port de Fos-sur-Mer.

Comme vous le savez, ces services jouent un rôle vital dans la surveillance sanitaire des importations animales et végétales. Ils garantissent la sécurité des consommateurs, ainsi que la protection des filières agricoles et agroalimentaires françaises. Or, depuis plusieurs années, les professionnels du secteur signalent des dysfonctionnements notables. Ces difficultés, dues en partie à un manque d’effectifs, ont un impact sur l’efficacité des contrôles sanitaires, retardent fortement les importations et affectent in fine la compétitivité des entreprises françaises.

La situation est particulièrement catastrophique sur le port de Fos-sur-Mer, où des emplois locaux sont menacés. Madame la ministre, il est vital de maintenir la chaîne d’approvisionnement, tout comme le haut niveau de service, afin d’enrayer le phénomène grandissant de report des trafics vers d’autres ports européens, notamment celui de Barcelone.

Face à ce constat des plus alarmants, je souhaiterais connaître les mesures concrètes que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour renforcer les moyens humains et matériels des services vétérinaires, améliorer leur fonctionnement et ainsi garantir la compétitivité des ports français. Je m’interroge également sur les perspectives envisageables à court terme pour résoudre les difficultés rencontrées par les opérateurs économiques concernés sur le port de Fos-sur-Mer.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Stéphane Le Rudulier, le Gouvernement partage pleinement vos préoccupations : le bouclier sanitaire aux frontières est très important pour garantir la compétitivité des ports français.

Notre objectif est bien de limiter le temps d’attente des marchandises dans les postes de contrôle frontaliers (PCF) du service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (Sivep) du ministère, tout en garantissant un niveau élevé de sécurité sanitaire pour les consommateurs et pour les filières agricoles et agroalimentaires de l’Union européenne.

C’est dans cette perspective que, chaque année, les moyens mis à disposition de chaque poste de contrôle frontalier sont revus au regard des flux réels contrôlés dans les douze derniers mois : il s’agit d’adapter les effectifs présents à la réalité des opérations de contrôle.

J’insiste sur les contrôles qui ne peuvent être réalisés que par des vétérinaires, ce qui peut être particulièrement gênant en cas de vacance de poste. Pour éviter ces carences, un décret en Conseil d’État encadre notamment, depuis 2019, le recrutement de vétérinaires de nationalité étrangère.

En outre, un dispositif de recrutement d’agents en contrat à durée indéterminée, dès le premier contrat, a été mis en place depuis 2023 pour renforcer l’attractivité de ces services.

Concernant plus précisément le poste de contrôle frontalier de Fos-sur-Mer, un dispositif adapté de soutien a été déployé afin de faciliter la réorganisation des opérations sur place et le recours à d’autres PCF, grâce à la dématérialisation des procédures de contrôle sanitaire et phytosanitaire. En seulement quelques jours, le retard ponctuel qui avait été constaté a pu être rattrapé. Ce dispositif pourra être déployé de nouveau en cas de difficulté à Fos-sur-Mer et sur d’autres sites.

En outre, une dotation supplémentaire est prévue cette année pour le port de Fos-sur-Mer au titre de la loi de finances pour 2025.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, les services de l’État sont pleinement mobilisés pour assurer la fluidité des opérations de contrôle sanitaire et phytosanitaire à l’importation.

label « breizhmer » et loi égalim

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, auteur de la question n° 310, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, l’article 24 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim) a fixé un objectif d’au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits bio, dans la restauration collective publique à partir du 1er janvier 2022.

En application de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, introduit par l’article 24 précité, le décret du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs précise la liste des signes d’identification de la qualité et de l’origine, les fameux Siqo, et des mentions valorisantes entrant dans le décompte de l’objectif de 50 %. Il s’agit notamment des produits issus de l’agriculture biologique ou en conversion, des produits bénéficiant d’autres signes ou mentions figurant à l’article L. 640-2 du même code, qui sont définis par décret, ou encore des produits issus du commerce équitable ou bénéficiant de l’écolabel « pêche durable ».

C’est dans ce contexte que la région Bretagne soutient la mise en place du label marque « Breizhmer », avec l’ambition qu’il soit reconnu comme « Siqo Égalim », mais les pouvoirs publics ne peuvent favoriser un label privé plutôt qu’un autre. En outre, ils ne peuvent autoriser les acheteurs publics à intégrer unilatéralement de nouveaux labels dans cette liste.

Pour autant, les acheteurs qui exigent des produits bénéficiant du label « pêche durable » sont dans l’obligation, conformément au code de la commande publique, de prendre également en considération les produits équivalents, c’est-à-dire les autres produits apportant les mêmes garanties. L’appréciation de cette équivalence est laissée au jugement de l’acheteur, lequel peut considérer qu’un faisceau d’indices existe, conformément à l’article R. 2111-15 du code de la commande publique.

Concernant l’appréciation de l’équivalence, aux termes de l’article 24 de la loi Égalim, les acheteurs doivent être guidés par la satisfaction des exigences des labels concernés, ce qui ouvre la voie à une approche multi-labels.

Madame la ministre, le Gouvernement prévoit-il de modifier le décret du 23 avril 2019 pour reconnaître d’autres labels ? L’approche multi-labels pour apprécier l’équivalence peut-elle être considérée comme la procédure idoine à mettre en œuvre par les acheteurs ? Quelle position l’acheteur doit-il adopter pour que cette reconnaissance soit ensuite juridiquement opposable ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Simon Uzenat, il existe aujourd’hui cinq signes d’identification de la qualité et de l’origine, communément appelés les Siqo : l’appellation d’origine protégée ou contrôlée (AOP-AOC) ; l’indication géographique protégée (IGP) ; le label rouge (LR) ; la spécialité traditionnelle garantie (STG) ; l’agriculture biologique (AB).

Ces signes répondent tous à une définition précise et appellent au respect strict d’un cahier des charges transparent et contrôlé. Ils apportent donc des garanties aux consommateurs.

Ainsi, les Siqo ne se limitent pas à un engagement ponctuel ou à la signature d’une charte. Les produits relevant de ces labels font l’objet de contrôles réguliers par des organismes de défense et de gestion pour garantir leur conformité continue au cahier des charges.

C’est d’ailleurs le message de la campagne de communication lancée par l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) en novembre dernier.

La loi Égalim de 2018, comme vous le soulignez, a introduit l’obligation d’atteindre 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de bio, en restauration collective. Les produits durables et de qualité entrant dans le décompte des 50 % doivent répondre à l’un des onze critères précisés à l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime.

La volonté du Gouvernement est bien d’assurer la souveraineté alimentaire, notamment dans un objectif de soutien de l’économie agricole des territoires, de réduction de l’impact environnemental des filières et de sécurisation des approvisionnements en produits vivriers.

C’est pourquoi l’utilisation combinée de certains critères permet, dans le cadre de marchés publics ou d’appels d’offres, la sélection de produits locaux, y compris hors Siqo. Ainsi, des labels privés peuvent facilement être sélectionnés. C’est notamment le cas de « Bleu-Blanc-Cœur ».

Néanmoins, vous en conviendrez, cette liste est déjà à la fois exhaustive et souple, ce qui permet de prendre en compte certaines équivalences. Le Gouvernement n’envisage donc pas de révision des critères à ce stade.

J’ajoute que plus l’on multiplie les labels, moins la lisibilité est grande pour le consommateur. Je ne suis pas mue par une sorte de réflexe de protection des Siqo : simplement, trop de labels peut tuer le label.

renforcement de la filière aluminium en france

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Rojouan, auteur de la question n° 286, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Bruno Rojouan. De nombreuses industries font face à des difficultés structurelles qui les mettent en péril. À titre d’exemple, l’entreprise de la filière aluminium Sadillek, située à Montmarault, dans le département de l’Allier, illustre ces défis. Spécialisé dans l’affinage de l’aluminium, cet acteur de l’économie locale doit pourtant surmonter des obstacles majeurs.

Tout d’abord, il y a le recyclage. Bien que Sadillek contribue activement à la transformation des déchets d’aluminium, la France manque d’une politique ambitieuse avec des infrastructures adaptées pour soutenir et retenir ces déchets sur le territoire. Chaque année, nous exportons plus de 500 000 tonnes de déchets d’aluminium non traités, privant nos affineurs de matières premières pour leur activité. Cette fuite des ressources limite directement la capacité de nos industriels à augmenter leur production et contribue à notre dépendance aux importations de métal.

Ensuite, il y a la compétitivité énergétique. L’affinage de l’aluminium est une activité très énergivore, avec des coûts d’énergie parmi les plus élevés en Europe. Ces charges pèsent lourdement sur les marges des entreprises et réduisent leur compétitivité, particulièrement face à des concurrents étrangers soutenus par des politiques énergétiques avantageuses, comme en Chine.

Ces difficultés conjuguées à une concurrence internationale intense et aux tensions géopolitiques mettent à mal l’ensemble de la filière aluminium française, pourtant stratégique. Avec plus de 10 000 emplois directs et un rôle clé dans des secteurs comme l’aéronautique ou l’automobile, cette filière est indispensable.

Madame la ministre, quelles initiatives concrètes le Gouvernement entend-il prendre pour garantir la compétitivité de notre industrie aluminium et renforcer notre souveraineté ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de lintelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Bruno Rojouan, vous attirez notre attention sur les défis que traverse la filière aluminium en France, et notamment l’entreprise Sadillek, présente dans votre circonscription.

La position de la France depuis plusieurs années est constante : l’aluminium est considéré comme un métal stratégique. En effet, il joue un rôle clé dans la transition énergétique, étant notamment indispensable pour la mobilité électrique. C’est pourquoi la France a défendu au niveau européen la définition de dix-sept métaux stratégiques en y incluant l’aluminium.

Nous pouvons d’ailleurs être fiers et de la filière française, qui représente 10 % de la production européenne, et de compter sur notre territoire le premier site européen d’aluminium primaire : Aluminium Dunkerque.

La politique française de soutien à la filière a permis de développer ses capacités de production sur le territoire national, ce qui devrait permettre de couvrir 70 % de nos besoins actuels dès 2025.

En conséquence, nous avons divisé par deux les importations de billettes d’aluminium depuis 2020 et avons pu ouvrir de nouvelles usines, par exemple l’usine de recyclage de Constellium à Neuf-Brisach, construite avec le soutien de France Relance et inaugurée en 2024, pour une capacité supplémentaire de 130 000 tonnes par an.

Sur ce point précis du recyclage, nous devons, autant que possible, recycler les déchets à proximité de l’endroit où ils sont produits tant pour réindustrialiser la France que pour décarboner son industrie. L’Union européenne a d’ailleurs adopté en 2024 un règlement fixant des règles plus strictes pour le transfert de déchets, en particulier vers des pays hors OCDE.

Ensuite, concernant la concurrence internationale accrue qui pèse sur cette filière, les droits de douane de 25 % annoncés par Donald Trump sonnent comme une alarme. La France plaide, comment elle l’avait fait lorsque des mesures similaires avaient été prises en 2018, pour un message de fermeté en matière de politique commerciale. L’Union européenne doit se départir de toute naïveté pour protéger son industrie.

Enfin, comme vous le soulignez, le prix de l’électricité est un élément absolument fondamental de notre compétitivité. C’est pourquoi les ministres de l’économie, Éric Lombard, et de l’industrie, Marc Ferracci, travaillent avec EDF pour que le parc nucléaire permette à notre industrie de bénéficier de contrats compétitifs sur le long terme.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que le Gouvernement fait de la souveraineté industrielle une priorité.

conséquences de la modification du régime fiscal des chambres d’hôtes

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 211, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme.

M. Olivier Paccaud. Madame la ministre, je vais vous parler non pas d’intelligence artificielle ou de numérique, mais de chambres d’hôtes… (Sourires.)

La récente loi adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 7 novembre 2024 vise à répondre à un besoin légitime de régulation du marché locatif des logements. Toutefois, en modifiant le régime fiscal des chambres d’hôtes pour les assimiler aux meublés de tourisme, cette loi porte un coup sévère à une activité essentielle à l’attractivité et au dynamisme économique de nos territoires, notamment dans la ruralité.

Contrairement aux meublés de tourisme, les chambres d’hôtes proposent des nuits uniquement avec des services associés, tels que le petit-déjeuner, le ménage ou encore le linge de maison. Il s’agit d’une activité proche de la para-hôtellerie, encadrée par des règles strictes, et n’ayant aucune incidence sur le parc immobilier résidentiel.

Or, en alignant leur régime fiscal sur celui des meublés de tourisme, avec une réduction drastique de l’abattement fiscal à 50 % pour les chambres d’hôtes, contre 71 % précédemment, et une baisse significative du seuil de revenus à 77 700 euros, contre 188 700 euros auparavant, cette réforme menace la viabilité économique de nombreux exploitants.

Cette activité procure des revenus limités, malgré une implication quotidienne importante et des horaires étendus, nécessaires pour maintenir le confort et la satisfaction d’une clientèle qui contribue aussi à l’attractivité touristique et économique de nos régions.

Les exploitants de ces hébergements, souvent investis en milieu rural et engagés dans la réhabilitation de bâtiments anciens, jouent un rôle clé dans le soutien de l’économie locale et du tourisme de passage.

Madame la ministre, cet alignement fiscal pourrait-il être revu pour tenir compte des spécificités des chambres d’hôtes, dont le fonctionnement et les retombées sont radicalement différents de ceux des meublés de tourisme ? Ce ne serait que justice !

Il peut arriver que le Gouvernement et le Parlement se trompent, c’est alors une erreur. Si celle-ci n’est pas corrigée, cela devient une faute inexcusable : Errare humanum est, perseverare diabolicum !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de lintelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Olivier Paccaud, l’article 7 de la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale modifie en effet le régime micro-BIC prévu à l’article 50-0 du code général des impôts (CGI).

Conformément au 2° du 1. de cet article 50-0, modifié par le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire, la location de chambres d’hôtes relève désormais du régime micro-BIC dans la limite de 77 700 euros de chiffre d’affaires, avec un abattement de 50 %.

Ce seuil est très supérieur à celui des locations meublées de tourisme non classées, qui a été abaissé à 15 000 euros, avec un abattement de seulement 30 %.

Le législateur a souhaité maintenir un abattement différencié au bénéfice des meublés classés de tourisme et des chambres d’hôtes, incitant les propriétaires à se tourner vers un bien classé plutôt que vers des locations meublées de tourisme non classées.

À cet égard, un seuil de 77 700 euros de chiffre d’affaires a paru au législateur suffisamment élevé pour tenir compte de la situation des petits propriétaires de chambres d’hôtes recherchant un revenu d’appoint.

Par ailleurs, les propriétaires qui supportent des charges d’un montant supérieur à l’abattement de 50 % conservent la possibilité d’opter pour le régime réel, c’est-à-dire la déduction du montant réel des frais et charges. En effet, le régime micro-BIC est un régime d’imposition simplifié qui ne revêt aucun caractère incitatif et qui n’a donc pas pour vocation à offrir aux propriétaires une réduction de leur base imposable déconnectée des charges qu’ils supportent effectivement.

Enfin, je vous précise que les nouvelles dispositions de l’article 50-0 du CGI, qui s’appliquent de plein droit aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2025, n’appellent aucun décret pour leur application.

conditions d’harmonisation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 293, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) impose aux intercommunalités d’harmoniser leur taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) dans un délai de dix ans à partir de leur création.

En Seine-Maritime, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole a été créée le 1er janvier 2019 et s’est engagée dans cette procédure. En octobre 2023, par délibération, elle a mis en place le lissage des taux de Teom sur une durée de quatre années, avec des zones correspondant à des niveaux de service différents, afin d’arriver à une harmonisation totale en 2029.

Cependant, certaines communes, qui trouvent cette harmonisation trop rapide, ont une interprétation différente : elles estiment qu’il est possible d’adopter des durées de lissage différentes selon les communes et, surtout, jugent que le point de départ du délai de dix ans doit être la date de la délibération et non celle de la création de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Avec mes collègues parlementaires, nous avions interrogé à plusieurs reprises le ministre de l’économie et des finances, afin qu’il clarifie la situation. Nous sommes toujours sans réponse à ce jour.

Aussi, madame la ministre, je vous pose deux questions, qui exigent des réponses claires.

Premièrement, peut-on appliquer des durées de lissage différentes en fonction des communes et, si oui, sur la base de quels critères ?

Deuxièmement, ce délai de dix ans court-il à compter de la création de l’EPCI ou du vote de la délibération ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de lintelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice Agnès Canayer, un établissement public de coopération intercommunale ayant mis en place une taxe d’enlèvement des ordures ménagères doit, en principe, voter un taux unique sur l’ensemble de son territoire.

Toutefois, il peut créer des zones de perception sur lesquelles sont appliqués des taux différents en vue de proportionner le montant de la taxe à l’importance du service rendu, c’est-à-dire des conditions de réalisation du service et de son coût.

En l’occurrence, les zones créées par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole doivent être justifiées au regard des éléments liés à la réalisation du service rendu et ne peuvent simplement correspondre aux différences de taux entre les communes avant fusion.

Par ailleurs, lorsque des EPCI fusionnent, des règles particulières peuvent s’appliquer.

Tout d’abord, lorsqu’un nouvel EPCI, issu d’une fusion, décide de ne pas délibérer immédiatement pour instituer la Teom, comme ce fut le cas pour Le Havre Seine Métropole en 2019, ce sont les délibérations antérieures qui continuent de s’appliquer. Ce régime prend fin dès que le nouvel EPCI institue la taxe d’enlèvement des ordures ménagères sur l’ensemble de son territoire. Ainsi, Le Havre Seine Métropole l’ayant instituée en 2023, pour une première application en 2024, il a été mis fin au même moment aux délibérations antérieures.

Un dispositif d’unification progressive des taux d’une durée maximale de dix ans est alors applicable, sous réserve que des mécanismes différents de financement du service d’enlèvement et de traitement des déchets ménagers préexistent au sein du groupement ou que l’unification des taux au sein de l’EPCI conduise à des hausses de cotisations pour les redevables.

Ainsi, dans le cas du Havre Seine Métropole, le conseil délibérant a décidé de lisser les taux sur une période de quatre ans à compter de 2024. Durant cette période, l’intercommunalité détermine librement les modalités de l’harmonisation progressive des taux sous réserve de parvenir, à l’issue de la période de lissage, au taux cible de Teom dans chacune des zones qu’elle a définies.

Cette période pourra être prolongée sur délibération de l’EPCI, sans que la durée totale de lissage puisse excéder dix ans.