M. le président. L’amendement n° 70, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Le montant des remboursements de prescriptions par l’assurance maladie s’établit en 2022 à 57 milliards d’euros. Certes, la croissance de ces dépenses doit nous inviter à agir. Toutefois, alors que nombre d’entre vous appelaient à un choc de simplification, je dois vous avouer ma surprise face à cet article qui obligera les prescripteurs à établir des documents administratifs supplémentaires pour justifier de la pertinence de leur ordonnance.

Une telle mesure pourrait aussi limiter l’accès à des prescriptions potentiellement bénéfiques, reconnues comme telles par la communauté médicale, mais non encore validées par la Haute Autorité de santé. Je prendrai l’exemple de la vaccination HPV, sur laquelle je veux attirer votre attention, monsieur le ministre : autorisée jusqu’à 45 ans aux États-Unis, elle l’est seulement jusqu’à 26 ans en France, principalement en raison d’un défaut de mise à jour des recommandations. La vaccination est recommandée et remboursée jusqu’à 26 ans pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, mais seulement jusqu’à 19 ans chez les jeunes filles et femmes.

Cet état des choses est très dommageable, car il ne laisse aux jeunes femmes qu’une année pour recourir aux trois doses de vaccins, si elles n’avaient pas pu être vaccinées avant leur majorité avec l’accord de l’autorité parentale.

Pourtant, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) semblait indiquer que l’efficacité du vaccin était également démontrée pour les jeunes femmes jusqu’à 26 ans. L’Académie nationale de médecine a recommandé, le 29 janvier dernier, d’étendre à la population générale, jusqu’à 26 ans, la campagne de vaccination. Pouvez-vous confirmer que la Haute Autorité de santé se penchera sur le sujet ?

Pour revenir à l’article 16, le groupe écologiste s’oppose à la « surresponsabilisation » teintée de culpabilisation des patients et des prescripteurs. Pour maîtriser les dépenses liées aux prescriptions, nous appelons plutôt à une meilleure formation des prescripteurs et à une meilleure transmission des informations entre les équipes de santé. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ma chère collègue, qui peut être opposé à la pertinence des prescriptions ? Cela me paraît d’autant plus difficile qu’il s’agit d’un enjeu financier et sanitaire de premier plan, qui met chacun devant ses responsabilités.

Je suis d’accord avec vous : ce dispositif ne doit pas s’accompagner d’une surcharge administrative pour les médecins. Dans cet objectif, notre commission a, là aussi, grandement amélioré cet article 16, qu’elle soutient. Celui-ci permettra notamment de s’assurer que le prescripteur a consulté préalablement le fameux dossier médical partagé du patient, afin d’éviter des actes inutiles et redondants.

En conséquence, la commission est défavorable à votre amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Madame la sénatrice, je partage les propos de la rapporteure : on ne peut être contre la pertinence et l’efficience des prescriptions, sous réserve que le dispositif ne s’accompagne pas d’une surcharge administrative pour les professionnels de santé.

Je rappelle que la mesure est surtout ciblée sur les molécules onéreuses et qu’elle vise à éviter le mésusage. Je ne citerai pas de noms, mais je pense à certaines classes thérapeutiques, par exemple les antidiabétiques, qui peuvent être utilisés pour d’autres usages que la régulation d’une glycémie.

Concernant la vaccination contre le papillomavirus, je vous confirme que la Haute Autorité de santé sera saisie du sujet. J’espère que les indications vaccinales pourront être élargies, que ce soit contre la grippe, le papillomavirus ou le méningocoque. Dans le pays de Pasteur, nous devons parvenir à vacciner davantage.

Vous le savez, le cancer du col de l’utérus pourrait quasiment avoir disparu en France, comme c’est le cas dans d’autres pays. Une étude publiée cette semaine a montré, chiffres à l’appui, que ce cancer était en voie d’éradication en Australie. Nous avons des marges de progression et je veux être le ministre de la santé qui aura fait avancer la vaccination dans notre pays. Encore faudra-t-il que nous soyons solidaires, car l’obscurantisme est extrêmement puissant sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la rapporteure, nous sommes bien évidemment tous d’accord pour améliorer l’efficience des prescriptions – cela ne fait aucun doute ! Nous sommes très favorables, par exemple, à l’obligation de mettre en place le DMP pour éviter les actes redondants, comme passer des scanners à quelques jours d’intervalle.

Ce qui me gêne avec cet article, c’est le travail supplémentaire qu’il va imposer aux médecins. On pourrait peut-être trouver une solution pour remplir les documents en un clic… Surtout, il risque de pénaliser les patients, d’autant que nous parlons de médicaments qui coûtent cher. Pourquoi un patient se ferait-il prescrire un médicament qui vaut plus de 2 500 euros plutôt qu’un autre ? Et même si le médicament ne coûtait que 20 euros, je ne crois pas que ce soit aux patients de supporter cette gêne financière supplémentaire, même si je comprends la nécessité de s’assurer de l’efficience des prescriptions, car c’est bien le médecin qui n’a pas suivi les recommandations !

Petite précision : les recommandations visées sont celles de la HAS, qui ne sont pas toujours, sur le plan scientifique, les plus adaptées – nous en avons plusieurs exemples. C’est la raison pour laquelle les médecins se montrent un peu réticents à mettre en œuvre le présent dispositif.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 70.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 16.

(Larticle 16 est adopté.)

Article 16
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Article 16 bis B

Article 16 bis A

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 114-9 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est supprimé ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un organisme local d’assurance maladie ou l’organisme national agissant au nom et pour le compte d’un ou de plusieurs de ces organismes dépose plainte, il communique au procureur de la République, à l’appui de sa plainte, le nom et les coordonnées des organismes d’assurance maladie complémentaire concernés ainsi que toute information qu’il détient sur le préjudice causé à ces organismes. » ;

2° Après le même article L. 114-9, il est inséré un article L. 114-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 114-9-1. – Lorsque les investigations menées en application de l’article L. 114-9 mettent en évidence des faits de nature à faire présumer un cas de fraude en matière sociale mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 114-16-2 et qu’au moins une des conditions définies par décret en Conseil d’État est remplie, les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 114-10 du présent code ou à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime communiquent aux organismes d’assurance maladie complémentaire les informations strictement nécessaires à l’identification de l’auteur de ces faits et au repérage des actes et prestations sur lesquels ils portent. Dans le cadre de cette communication, les données à caractère personnel concernant la santé sont strictement limitées à la nature des actes et des prestations concernés. Les informations transmises ne peuvent être conservées par l’organisme d’assurance maladie complémentaire que pendant la durée strictement nécessaire aux fins de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice. Lorsqu’une décision de placement hors de la convention est prononcée, les agents chargés du contrôle en informent les organismes d’assurance maladie complémentaire.

« Lorsque l’organisme d’assurance maladie complémentaire de l’assuré a connaissance d’informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude et qu’au moins une des conditions définies par décret en Conseil d’État est remplie, il communique aux agents de l’organisme compétent chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 114-10 du présent code ou à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime les informations strictement nécessaires à l’identification de l’auteur de ces faits et au repérage des actes et prestations sur lesquels ils portent. Les informations transmises ne peuvent être conservées par l’organisme d’assurance maladie obligatoire qu’aux fins de déclencher ou de poursuivre la procédure de contrôle ou d’enquête mentionnée au premier alinéa de l’article L. 114-9 du présent code, de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice , de déposer une plainte devant les juridictions du contentieux du contrôle technique dans les cas prévus aux articles L. 145-1 et L. 145-5-1 ou de mettre en œuvre une procédure de sanction administrative prévue à l’article L. 114-17-1 ou l’une des procédures de placement hors de la convention définies aux articles L. 162-15-1 et L. 162-32-3 pour les organismes d’assurance maladie obligatoire.

« Toute personne employée par les organismes d’assurance maladie complémentaire dont les interventions sont nécessaires aux finalités mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article est tenue au secret professionnel.

« Les informations communiquées en application des mêmes deux premiers alinéas ne peuvent être utilisées à d’autres fins que celles prévues au présent article, sous peine des sanctions prévues à l’article 226-21 du code pénal. Les organismes concernés s’assurent de la mise à jour des informations transmises et procèdent sans délai à la suppression des données enregistrées lorsque la personne physique ou morale concernée est mise hors de cause.

« Pour la mise en œuvre des échanges d’informations prévus au présent article, les organismes précités peuvent recourir à un intermédiaire présentant des garanties techniques et organisationnelles appropriées assurant un haut niveau de sécurité des données. Les organes dirigeants de cet intermédiaire présentent toute garantie d’indépendance à l’égard des organismes d’assurance maladie complémentaire.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les conditions et les modalités de mise en œuvre des échanges d’informations prévus au présent article, notamment les conditions d’habilitation des personnels de l’organisme d’assurance maladie complémentaire concerné ainsi que les modalités d’information des assurés et des professionnels concernés par ces échanges. Il définit le rôle et les attributions de l’intermédiaire mentionné à l’avant-dernier alinéa. » ;

3° (nouveau) À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 161-36-3, les mots : « de l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « du troisième ».

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il y a une semaine, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a été victime d’une importante fuite de données. Des informations relatives à la retraite de 70 000 personnes – agents contractuels de la fonction publique, élus locaux ou praticiens hospitaliers – ont été volées.

Cette fuite est la dernière en date, après le vol massif des données de 33 millions de personnes à la suite du braquage de deux organismes gérant le tiers payant pour des complémentaires de santé.

Les données de santé sont particulièrement sensibles. Nous voyons d’un très mauvais œil la proposition du Gouvernement de faciliter leur transfert entre l’assurance maladie et les organismes privés. L’argument de la lutte contre la fraude ne peut justifier de mettre l’ensemble des données de santé à la disposition des assurances, qui pourront demain s’en servir comme elles l’entendent.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ma chère collègue, vous avez raison : les données de santé sont sensibles, ce qui pose un enjeu de cybersécurité.

Pour autant, le rapprochement des données entre l’assurance maladie et les assurances complémentaires doit retenir notre attention dans le cadre de la lutte contre la fraude. Par ailleurs, il permettra de réaliser des économies, qui ne pèseront pas directement sur les assurés.

Depuis trop longtemps, l’assurance maladie et les complémentaires, qui travaillent bien souvent sur les mêmes paniers de soins, luttent contre la fraude chacune de leur côté, en silo, comme l’ont bien illustré nos collègues Carrère-Gée et Iacovelli dans leur récent rapport sur les complémentaires santé. Il y a là des gisements d’économies très importants, dont il ne faut pas se priver.

En revanche, l’article que vous souhaitez supprimer vise justement à améliorer la coordination et l’articulation entre l’assurance maladie et les assurances complémentaires, en prévoyant des échanges d’informations dans un cadre sécurisé, tout en prenant en compte les enjeux de cybersécurité, qui concernent l’ensemble des domaines de la santé, y compris, bien évidemment, l’hôpital.

La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, la fraude est un sujet. Elle a été estimée par le Haut Conseil du financement de la protection sociale à plus de 13,5 milliards d’euros. Nous avons recouvré 500 millions d’euros en 2024 ; notre objectif est fixé à 900 millions d’euros dans le PLFSS pour 2025. Nous avons donc des marges d’amélioration.

Des garde-fous, qui sont clairement détaillés dans cet article, ont été prévus pour répondre aux exigences du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Partager les données, dans le respect de ces garde-fous, permettra de lutter contre les fraudes : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 16 bis A.

(Larticle 16 bis A est adopté.)

Article 16 bis A
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Article 16 bis C

Article 16 bis B

I. – (Non modifié)

II. – Au plus tard le 1er octobre 2025, les organismes locaux d’assurance maladie mettent à la disposition des assurés qui leur sont rattachés le moyen d’identification électronique interrégimes immatériel mentionné à l’article L. 161-31 du code de la sécurité sociale, sous la forme d’une application sécurisée à installer sur un équipement mobile.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 21 est présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 71 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 21.

Mme Silvana Silvani. Cet article prévoit la création d’une carte Vitale sécurisée afin de lutter contre la fraude. Nous sommes opposés à cette mesure pour diverses raisons.

D’abord, la fraude à la carte Vitale est un fantasme, qui a été démenti par un rapport d’information du Sénat de 2019, qui a chiffré le montant de la fraude documentaire aux prestations sociales à 117 millions d’euros.

Par ailleurs, le gouvernement Attal avait précisément évalué le nombre de cartes Vitale en surnombre à 949. Ces cartes, dites en double, appartiennent en général à des personnes ayant changé de régime de sécurité sociale : un peu moins de 300 d’entre elles concernent, par exemple, d’anciens parlementaires.

De plus, la Cour des comptes avait eu l’occasion de s’exprimer contre la création d’une carte Vitale sécurisée, dont le coût serait supérieur au montant à recouvrer.

Enfin, je rappelle qu’une expérimentation est en cours dans vingt-trois départements. Je vous propose d’en attendre l’évaluation et le bilan avant d’inscrire le dispositif dans notre droit, et donc de le généraliser. Le principal obstacle semble venir des professionnels de santé, qui refusent de contrôler l’identité de leurs patients. De surcroît, retirer des médicaments dans une pharmacie avec la carte Vitale d’une autre personne est toujours autorisé.

La carte Vitale sécurisée repose en réalité sur un discours démagogique et stigmatisant, qui permet de véhiculer très dangereusement des discours xénophobes. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 71.

Mme Anne Souyris. Décidément, cette année est placée sous l’augure de la carte Vitale : après les propos de Mme Borne sur la carte Vitale, qui ne pourrait plus fonctionner sans budget de la sécurité sociale, voilà un article qui prévoit de conditionner la délivrance de la carte à la présentation d’une preuve d’identité via le dispositif France Identité numérique.

Cette mesure soulève trois objections de ma part.

D’abord, la collecte et le traitement accru de données sensibles au travers de ce dispositif pourraient ouvrir la voie à des abus, à des fuites de données ou à des usages détournés, compromettant ainsi la confidentialité des informations médicales des patients.

Ensuite, la généralisation de l’application mobile carte Vitale pourrait accentuer la fracture numérique. Une partie significative de la population, notamment les personnes âgées ou en situation de précarité, ne dispose pas de smartphone ou n’est pas à l’aise avec les technologies numériques. Rappelons que 15 % de la population est en situation d’illectronisme selon l’Insee, dont 61,9 % des 75 ans ou plus et 24,1 % des 60-74 ans. Imposer une telle application comme moyen principal d’accès aux soins risque d’exclure ces personnes du système de santé, aggravant ainsi les inégalités existantes.

Enfin, la mise en place de mesures de sécurisation, incluant le déploiement de l’application et l’intégration à France Identité numérique, entraînera des coûts substantiels. Selon les données disponibles, la fraude sociale, qui représente environ 1,7 milliard d’euros pour l’assurance maladie, est majoritairement – à hauteur de 1,12 milliard d’euros – le fait des professionnels de santé et non des assurés. Il serait donc plus pertinent de renforcer les contrôles et les audits des professionnels de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Sans surprise, l’avis sera défavorable.

Nous savons tous que le PLFSS s’inscrit dans un contexte financier difficile, particulièrement dégradé pour l’assurance maladie. Nous pouvons, je le crois, nous accorder à dire que chaque euro compte. La recherche d’efficience de la dépense publique va de pair avec une lutte résolue contre les fraudes, une question que nous avons déjà abordée lors de l’examen des articles précédents.

Même si ce n’est pas la plus importante, il y a bel et bien une fraude à la carte Vitale. Nous critiquons donc l’insuffisante sécurisation de cette carte et les fraudes qui en découlent. Il s’agit, de fait, de dépenses évitables.

L’application carte Vitale sécurisée ne remplace pas la carte Vitale – je rappelle d’ailleurs que certains patients utilisent encore tout à fait légalement des cartes sans photographie. Cette application doit être déployée au plus vite et la délivrance de la carte Vitale doit, quant à elle, être subordonnée à la présentation d’une preuve d’identité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Mesdames les sénatrices, j’entends vos arguments.

Madame Silvani, vous vous êtes appuyée sur le rapport sénatorial de 2019 pour souligner que la fraude à la carte Vitale n’était pas si importante que cela. Il faudrait peut-être se pencher de nouveau sur la question : on peut acheter aujourd’hui des cartes Vitale sur le dark web. Certes, il ne faut pas grossir le trait, mais nous ne devons pas non plus être trop naïfs.

Madame Souyris, vous avez évoqué l’argument de la fracture numérique, qui touche 15 % de la population. On peut aussi retourner le raisonnement : le dispositif proposé permettra de sécuriser les cartes Vitale des 85 % restants.

Au fond, qu’est-ce qu’une carte Vitale ? C’est tout bonnement une carte bleue pour l’achat de médicaments.

Mme Céline Brulin. La comparaison est hasardeuse !

M. Yannick Neuder, ministre. Oui, mais elle est parlante ! Ce que l’on accepte pour une carte bleue, qui nous permet de faire des paiements, pourquoi ne l’accepterait-on pas pour la carte Vitale, comme dans les vingt-trois départements en phase d’expérimentation ?

J’entends la question de la fracture numérique, mais nous sommes nombreux à utiliser notre téléphone pour faire des achats, après avoir enregistré notre carte bleue sur des applications, par exemple. Nous nous sommes donc approprié cet usage malgré la fracture numérique. Un dispositif similaire pourrait être utilisé pour la carte Vitale afin de lutter contre la fraude à l’encontre de notre système social, qui est si précieux et pour la conservation duquel nous nous battons tous.

Ce n’est ni plus ni moins qu’un outil, qui ne stigmatisera personne.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Je veux vous rassurer, monsieur le ministre : nous ne sommes pas du tout naïfs. Mais ce que j’entends, c’est un discours si bien construit et si solide qu’il ne prend pas en compte les données disponibles. Nous parlions d’archéologie tout à l’heure, mais le rapport que je citais date de 2019 : ce n’est pas si lointain.

Lorsque nous avons évoqué les employeurs qui ne respectaient pas le droit du travail, nous avons suscité une levée de boucliers ! En l’occurrence, nous parlons de patients qui fraudent avec leur carte Vitale. Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Il faut avoir accompagné des personnes en soins palliatifs à domicile pour savoir à quel point il est essentiel de pouvoir, par exemple, retirer des médicaments à leur place. Où est la naïveté ? Où est la fraude ?

Votre façon de monter en épingle la fraude des patients pour obtenir des médicaments est effrayante.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir sur l’historique de la carte Vitale : au Sénat, nous avons, les premiers, défendu la création d’une carte Vitale biométrique, qui évolue vers une carte Vitale sécurisée.

D’après les informations que nous avons obtenues de l’assurance maladie, le nombre de cartes Vitale frauduleuses est beaucoup plus important que celui qui a été évoqué.

On ne cherche pas à gêner les patients. Ce que nous voulons, c’est éviter qu’un certain nombre de cartes Vitale, qui seraient en quelque sorte dans la nature, soient massivement utilisées par des personnes qui n’en ont pas le droit. Je vous invite à faire l’expérience, mes chers collègues : sur le darknet, vous pouvez acheter pour 40 euros une carte Vitale qui fonctionne.

J’y insiste, les patients ne sont pas du tout concernés. C’est sur la question des réseaux que nous voulons avancer. Je tenais à vous alerter sur ce point, mes chers collègues. Des études sont en cours et nous aurons bientôt le résultat de l’expérimentation.

Par ailleurs, le déploiement de cartes Vitale sécurisées demandera la création de nouvelles cartes, ce qui permettra d’améliorer le dispositif existant dans la mesure où de nombreuses personnes utilisent encore une carte Vitale sans photographie.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 71.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 16 bis B.

(Larticle 16 bis B est adopté.)

Article 16 bis B
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Article 16 bis D

Article 16 bis C

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l’article L. 123-2-1, les mots : « exerçant dans le service du contrôle médical » sont supprimés ;

2° Le 5° de l’article L. 221-1 est ainsi rédigé :

« 5° De définir les orientations mises en œuvre par les organismes de son réseau en matière de contrôle médical. Elle veille en outre au respect de l’indépendance technique des praticiens conseils exerçant dans son réseau ; »

3° Le dernier alinéa de l’article L. 224-7 est complété par les mots : « , des caisses primaires d’assurance maladie ou des caisses générales de sécurité sociale » ;

4° L’article L. 315-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du VIII, les mots : « à l’article L. 224-7 » sont remplacés par les mots : « au 5° de l’article L. 221-1 » ;

b) Il est ajouté un IX ainsi rédigé :

« IX. – Au sens du présent code, sont entendus par “service du contrôle médical” les services d’un organisme national ou local de sécurité sociale dans lesquels les personnels exercent les missions relevant du contrôle médical mentionné au I du présent article. »

II. – (Non modifié)

III. – Au cours d’une période dont le terme ne peut excéder le 31 janvier 2027, la Caisse nationale de l’assurance maladie, les caisses primaires d’assurance maladie et les caisses générales de sécurité sociale préparent le transfert des contrats de travail des personnels administratifs et, le cas échéant, conformément à la nouvelle organisation du service du contrôle médical prévue par décret, des praticiens conseils des échelons locaux et des directions régionales du service médical aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale.

La Caisse nationale de l’assurance maladie détermine la caisse primaire d’assurance maladie ou la caisse générale de sécurité sociale dont le siège se situe dans la circonscription de travail des salariés de chaque échelon local et régional du service médical à laquelle doivent être transférés les contrats de travail ainsi que la date de réalisation du transfert pour chaque entité concernée.

Au plus tard le 31 janvier 2027, les contrats de travail des personnels administratifs et, le cas échéant, conformément à la nouvelle organisation du service du contrôle médical prévue par décret, des praticiens conseils du service médical sont transférés de plein droit aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale, conformément au critère mentionné au deuxième alinéa du présent III.

IV. – (Non modifié)