M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Cet amendement est très important : il concerne le dossier distinct, qui va emporter des conséquences, y compris d’ailleurs pour les douanes. Muriel Jourda défendra tout à l’heure un amendement sur ce point.
En premier lieu, je tiens à dire à la commission qu’elle a réalisé un bon travail. Il nous faut impérativement, pour protéger des vies humaines, des éléments, des techniques, des modalités, les placer dans un dossier distinct et secret. Je reviendrai sur les modalités de fonctionnement de ce dossier.
En second lieu, et le Gouvernement a beaucoup insisté sur ce point, le Conseil constitutionnel a indiqué dans une décision du 25 mars 2014 qu’on peut parfaitement mettre en œuvre un dossier distinct, mais que, alors, les éléments recueillis au moyen de techniques protégées et secrètes, ainsi que les noms des personnes qui les ont obtenus et le lieu, la date et l’heure où ils ont été recueillis, ne peuvent pas être versés comme preuves au dossier. Il faut faire un choix. Si vous voulez garder les éléments secrets, très bien, mais vous ne pouvez pas vous en servir comme preuves dans le dossier contradictoire.
C’est donc la jurisprudence.
Tout en prenant en compte cette jurisprudence, nous avons souhaité consolider le dispositif juridique prévu par la commission et essayé de trouver une meilleure proportionnalité, plus robuste, afin que la rédaction puisse résister à l’examen du Conseil constitutionnel. Il nous semblait en effet que l’aléa constitutionnel était tout de même assez fort.
Comment s’y est-on pris ? On a élaboré une sorte de fusée à trois étages, que je vais à présent vous présenter.
Je vous ai déjà décrit le premier étage. Vous voulez que la date, l’heure et le lieu restent secrets. De même, vous ne voulez pas que les techniques spéciales employées soient dévoilées, pour ne pas éventer ce que font les enquêteurs, les moyens par lesquels ils obtiennent un certain nombre d’éléments. Vous ne voulez pas non plus que les noms soient connus, pour éviter les menaces.
Pour résumer : vous voulez le secret absolu, auquel cas les éléments obtenus grâce à ces techniques ne peuvent pas être versés comme preuves.
Deuxième étage : on franchit un cran. On applique la règle de la proportionnalité. Vous souhaitez toujours garder le secret, mais vous estimez que les éléments que vous avez pu obtenir grâce aux techniques spéciales d’enquête, notamment des noms, pourraient permettre à l’enquête de rebondir et de prendre une nouvelle direction. Il faut alors faire un choix.
Si vous choisissez de faire rebondir l’enquête, il faut alors révéler les éléments que vous avez obtenus au moyen des techniques spéciales. Ils ne peuvent plus rester secrets. On applique une règle de proportionnalité.
Le troisième étage est très particulier : d’un côté, un secret, et de l’autre, la certitude que ce secret est indispensable à la manifestation de la vérité. Et sa révélation mettrait des vies humaines en danger – celle d’un enquêteur ou celle d’un membre d’une organisation criminelle.
Imaginons par exemple que vous ayez sonorisé une grosse cylindrée. Vous apprenez des écoutes qu’un règlement de comptes est imminent. Vous êtes devant un dilemme. Il faut absolument utiliser cette information pour sauver des vies humaines. Mais il faut sauver non seulement celle de la victime éventuelle du règlement de comptes, mais aussi celle de la personne qui a rendu possible la sonorisation de la voiture…
La règle de proportionnalité est complexe, tout simplement parce que nous voulons suivre scrupuleusement les termes de la décision du Conseil constitutionnel de mars 2014.
Je précise que nous demandons un élargissement de ce dispositif aux douanes.
Pour tenir compte des mises en garde de la commission, nous prévoyons un encadrement ex post et ex ante.
D’ailleurs, qui demande l’utilisation de tels éléments ? Ce n’est pas un policier ; ce n’est pas non plus le ministre de l’intérieur : c’est un juge d’instruction ou un procureur. Ensuite, c’est le juge des libertés et de la détention qui tranchera, dans un processus encadré par la chambre de l’instruction.
Nous avons voulu bien encadrer les choses, parce que nous savons parfaitement quelles critiques nous pourrions encourir. Nous avons donc prévu un maximum d’assurances et de garanties.
M. le président. L’amendement n° 96, présenté par M. E. Blanc, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Après la référence :
706-99
insérer la référence :
, 706-99-1
La parole est à M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. L’amendement n° 67 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Carlotti, MM. Bacchi, Cozic et M. Weber, Mme Canalès, M. Devinaz, Mmes Bonnefoy et G. Jourda, MM. Pla et Fichet, Mme Apourceau-Poly, M. Ouzoulias, Mme Narassiguin, M. Mérillou, Mme Espagnac, MM. Chantrel, Redon-Sarrazy, Vayssouze-Faure et Ros et Mme Briquet, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
témoins protégés au titre des articles 706-57 et 706-58
par les mots :
personnes protégées au titre des articles 706-57, 706-58 et 706-62-2
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement de coordination vise à tenir compte de l’adoption de l’article 14.
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 24, première phrase
Supprimer les mots :
et à l’exclusion de toute autre voie de recours
II. – Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La personne mise en examen ou le témoin assisté peut, dans les dix jours à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance du contenu des opérations réalisées, contester, devant le président de la chambre de l’instruction, le recours à la procédure prévue au présent article. S’il estime que les opérations n’ont pas été réalisées de façon régulière, que les conditions prévues audit article ne sont pas remplies ou que les informations mentionnées sont indispensables à l’exercice des droits de la défense, le président de la chambre de l’instruction ordonne l’annulation des techniques spéciales d’enquêtes. Le président de la chambre de l’instruction statue par décision motivée, qui n’est pas susceptible de recours, au vu des pièces de la procédure et de celles figurant dans le dossier.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet d’améliorer le dispositif du procès-verbal distinct – mais il est peut-être satisfait par les amendements de plusieurs pages que le Gouvernement a déposés, les amendements nos 271 et 267.
Il vise à renforcer le respect des droits de la défense et le principe du contradictoire, principe garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, communément appelée Convention européenne des droits de l’homme.
La technique du procès-verbal distinct figurant à l’article 16 comporte des restrictions attentatoires au principe du contradictoire et aux droits de la défense. L’atteinte aux droits de la défense réside dans le fait que, les parties n’ayant pas accès à ces informations, elles se trouvent dans l’impossibilité de formuler d’éventuelles critiques quant à la légalité de ces actes.
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, dans une décision du 25 mars 2014 – citée à l’instant par le ministre d’État – sur une technique de procès-verbal distinct similaire appliquée pour la géolocalisation. Les Sages ont jugé que cette technique était conforme, car les parties disposent d’un délai de dix jours pour demander au président de la chambre de l’instruction de contrôler le recours à la procédure. Un recours similaire existe aussi pour les témoignages anonymes. Or le dispositif proposé n’a pas intégré ce recours.
Le présent amendement a donc pour objet d’intégrer ce recours de contrôle de la procédure par les parties.
M. le président. L’amendement n° 138, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des éléments recueillis dans les conditions prévues par le présent article. » ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet d’améliorer le dispositif du procès-verbal distinct.
Toujours dans sa décision du 25 mars 2014, portant sur le procès-verbal distinct qui existe déjà dans le cadre du recours à la technique de géolocalisation, le Conseil constitutionnel a tenu compte, pour valider le dispositif, de l’interdiction de prononcer une condamnation sur le seul fondement des éléments de géolocalisation recueillis.
Les juges ont ainsi considéré qu’une information mettant en cause une personne ne peut pas constituer un élément de preuve devant la juridiction répressive si la personne mise en cause est privée de la possibilité de contester les conditions dans lesquelles cette indication a été recueillie.
Une personne ne peut pas être condamnée uniquement sur la base d’éléments qui ne figurent que dans le dossier distinct.
Il faut inclure cette garantie dans la nouvelle procédure du procès-verbal distinct. Mais peut-être cet amendement est-il satisfait par les amendements nos 271 et 267 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Chacun aura compris que toutes ces suspensions de séance avaient pour but de trouver un point d’accord avec le Gouvernement, puisque nous avons le même objectif en la matière.
La procédure du procès-verbal distinct est un apport extrêmement important de la commission d’enquête, qui a été repris par les auteurs de la proposition de loi. Elle consiste à conserver à part, sans pour autant les dissimuler à tout le monde – et il y a un contrôle judiciaire –, des éléments relatifs à la mise en œuvre de techniques spéciales d’enquête, limitativement énumérées. Nous sommes d’accord sur le principe.
Nous partageons aussi avec le Gouvernement la volonté de rendre ces dispositions compatibles avec les décisions du Conseil constitutionnel. Mais nous n’avons pas la même façon de le faire, ni même d’ailleurs d’interpréter ces décisions, qui ne sont pas d’une clarté totale.
Notre souhait initial de mettre à part ces informations était réel. Il est respecté par l’amendement du Gouvernement. La difficulté porte non pas sur la mise en œuvre des techniques d’enquête, mais sur la façon de traiter les éléments recueillis. Pour nous, ils doivent être soumis à un débat contradictoire afin d’être discutés par les personnes concernées.
Le Gouvernement, lui, propose que ces éléments restent dans le procès-verbal distinct. Ils seront donc dissimulés, sauf aux yeux des magistrats. De ce fait, ils ne seront pas incriminants, c’est-à-dire qu’ils ne pourront pas être utilisés contre la personne concernée par l’enquête. Cela semble acceptable : la personne n’a pas accès à ces éléments, mais ceux-ci ne peuvent pas non plus être utilisés contre elle. Lorsqu’on les utilise à son encontre, on les remet dans le contradictoire.
Le ministre d’État l’a rappelé, nous avons veillé à intégrer tous les apports du Sénat pour garantir un contrôle judiciaire de part en part : ces informations ne seront jamais laissées dans un lieu auquel personne n’aura accès avant de ressortir impromptu.
Au regard de l’ensemble de ces considérations, les deux rapporteurs considèrent que l’amendement n° 271 répond à leurs souhaits et émettent donc un avis favorable à son adoption – nous n’avons pas eu le temps de réunir la commission pour qu’elle se prononce.
L’amendement n° 96 est un amendement de coordination. La commission a émis un avis favorable, mais il deviendra sans objet si l’amendement du Gouvernement était adopté. Même avis sur l’amendement n° 67 rectifié. Les amendements nos 137 et 138 deviendront sans objet si l’amendement du Gouvernement est adopté. La commission a émis un avis défavorable à leur adoption.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 96, 67 rectifié, 137 et 138 ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’amendement n° 67 rectifié.
M. Guy Benarroche. Pourquoi mon amendement n° 67 rectifié deviendrait-il sans objet en cas d’adoption de l’amendement du Gouvernement ? Il concerne l’article 14… Et, si nous ne l’adoptons pas, cet article ne sera pas applicable !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La coordination en question a été prévue dans l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lorsque je me suis exprimée sur l’article 16, j’ai indiqué les limites de cet exercice du procès-verbal distinct, qui s’est longtemps appelé, y compris dans la presse, « dossier coffre ». J’ai rappelé les principes qu’il fallait respecter pour que ce dispositif soit, éventuellement, acceptable. J’ai précisé aussi où passait notre « ligne rouge ».
La commission des lois, après plusieurs séquences de travail, y compris collectives, avait fort opportunément considéré qu’il était possible de sérier les données figurant dans ce procès-verbal distinct, donc au « coffre », et indiqué qu’il fallait prévoir des protections, des autorisations, un juge des libertés, le contrôle par la chambre de l’instruction, etc.
L’amendement du Gouvernement montre que nous ne sommes plus dans ce schéma, puisqu’il ne limite pas aux données techniques énumérées dans la proposition de loi les éléments pouvant figurer le procès-verbal distinct.
Pour nous, cela ne respecte pas le principe du contradictoire, puisque certains éléments ne seraient plus accessibles aux parties, et ce n’est donc pas acceptable.
Je dis avec un clin d’œil au ministre et à la rapporteure que j’apprécie l’attention toute particulière qu’ils portent aux décisions du Conseil constitutionnel. Cela n’a pas toujours été le cas dans cet hémicycle, et c’est fort appréciable.
Mme Audrey Linkenheld. Oui !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pour autant, nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’amendement n° 271.
M. Guy Benarroche. Marie-Pierre de La Gontrie a raison. Le périmètre de ce dossier de seconde instance est modifié par cet amendement. Sur le reste, à savoir la façon de traiter le procès-verbal distinct, les recours possibles, nous sommes très favorables. Clairement, ce dispositif améliorera les choses. Mais pourquoi élargir le périmètre, et y inclure les résultats de ces techniques spéciales ? L’idée était justement de les protéger…
Y a-t-il une raison particulière d’avoir élargi ce périmètre ? Ou bien pouvons-nous sous-amender cet amendement pour revenir au périmètre initial, tout en conservant les autres dispositions ? Sinon, nous ne le voterons pas, alors même qu’il améliorerait considérablement la rédaction de l’article.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Je vais essayer de m’expliquer mieux. En réalité, nous avons repris le raisonnement de la commission, en prévoyant davantage d’assurances.
Il y a d’abord les techniques que nous ne souhaitons pas éventer. Il y a ensuite les éléments concrets qu’on obtient par ces techniques : quand vous sonorisez une voiture, vous recevez des comptes rendus. Enfin, il y a la procédure, des preuves, des éléments.
Dans le raisonnement de la commission, Muriel Jourda a indiqué qu’il y avait une assez grande fluidité entre le deuxième bloc, les éléments obtenus, et leur versement comme preuve au dossier. Pour nous, ce n’est pas assez solide au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Celui-ci dit en effet que, dès lors que vous utilisez des éléments incriminants comme preuve dans la procédure, il ne peut pas y avoir de secret. Nous avons donc essayé de concevoir une architecture robuste, tout en respectant le raisonnement de la commission. Nous souhaitons non pas détruire ce que celle-ci a imaginé, mais l’entourer de meilleures garanties.
D’ailleurs, il y a des juges. Celui qui autorise le procès-verbal distinct, c’est le JLD ; celui qui le demande, c’est le juge d’instruction, ou le procureur. Enfin, c’est la chambre d’instruction qui contrôlera l’ensemble. Que voulez-vous que nous fassions encore ? Auriez-vous préféré que le Gouvernement écrase la rédaction de la commission ? Au contraire, nous la renforçons, en prévoyant un dispositif plus rigoureux et mieux proportionné. Personne ne peut prétendre le contraire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 271.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 182 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l’adoption | 227 |
Contre | 81 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 96, 67 rectifié, 137 et 138 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 16, modifié.
(L’article 16 est adopté.)
Après l’article 16 (précédemment réservé)
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par M. E. Blanc, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 706-95-20 du code de procédure pénale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .… – Au cours de l’enquête, en vue de mettre en place un appareil ou un dispositif technique mentionné au I du présent article et sur la requête du procureur de la République, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l’introduction dans un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59 du présent code, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous son contrôle. Le présent alinéa s’applique également aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique mis en place.
« Au cours de l’information, en vue de mettre en place un appareil ou un dispositif technique mentionné au I du présent article, le juge d’instruction peut autoriser l’introduction dans un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59 du présent code, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. S’il s’agit d’un lieu d’habitation et que l’opération doit intervenir hors des heures prévues au même article 59, cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d’instruction. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place de l’appareil ou du dispositif technique, sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du juge d’instruction. Le présent alinéa est également applicable aux opérations ayant pour objet la désinstallation de l’appareil ou du dispositif technique mis en place.
« La mise en place du dispositif technique ne peut concerner les lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 ni être mise en œuvre dans le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7.
« La décision autorisant le recours au dispositif mentionné au I du présent article comporte tous les éléments permettant d’identifier ou les lieux privés ou publics visés, l’infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que la durée de celles-ci. »
La parole est à M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. Cet amendement a pour objet d’autoriser la technique des IMSI catchers dans les lieux privés. Il s’agit d’appareils de surveillance utilisés pour intercepter les communications mobiles en récupérant les informations à distance, ce qui permet de pister les mouvements des utilisateurs, lesquels utilisent régulièrement des lignes occultes. Les IMSI catchers permettent de relever leurs communications, qu’on peut ensuite trier, avec l’aide de l’intelligence artificielle.
Ce système est très encadré. Il doit être autorisé par le juge des libertés et de la détention, et le juge doit être informé sans délai des actes accomplis et des procès-verbaux dressés. Enfin, seuls les éléments utiles à la manifestation de la vérité font l’objet d’une transcription. L’usage de cette technique est limité strictement à la recherche d’informations sur les infractions visées par le magistrat dans sa requête. Cet amendement a pour objet de faciliter la possibilité pour nos enquêteurs d’entrer dans les systèmes de communication protégés des narcotrafiquants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Comme hier, je rappelle que je ne suis pas spécialiste du sujet ; je fais partie des « amateurs ». Je comprends de ce que je lis et entends à l’instant que cet amendement tend à autoriser les IMSI catchers dans les lieux privés. Or l’amendement suivant du Gouvernement indique, dans son exposé des motifs, que « la pénétration dans les lieux privés pour activer un IMSI catcher est déjà possible dans le cadre judiciaire ». Dès lors, quel est l’objet de cet amendement ? Difficile de se positionner à ce stade !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 16.
L’amendement n° 267, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure, après la référence : « L. 851-5, », est insérée la référence : « L. 851-6, ».
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Cet amendement prolonge le précédent. Certains lieux privés détenus par les trafiquants sont très protégés, ce qui empêche d’y placer un IMSI catcher. Vous avez prolongé hier l’expérimentation de l’algorithme et les interceptions satellitaires. Vous venez d’adopter l’amendement d’Étienne Blanc. Le Gouvernement vous demande d’autoriser à placer l’IMSI catcher à l’extérieur de certains lieux privés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Nous aurons travaillé vite : le rapport de la commission d’enquête a été rendu le 14 mai, et nous aboutissons moins d’un an plus tard. Cela peut paraître long pour nos concitoyens, mais c’est rapide, en réalité.
Cette mise en mouvement est bienvenue, mais peut avoir pour conséquence que les choses se bousculent un peu. Dans cette dernière ligne droite, pour nos derniers échanges, sur ces derniers amendements, c’est le cas.
Cet amendement a été déposé très tardivement ; nous n’avons donc pas pu organiser des auditions pour l’expertiser. Il me semble qu’il sort du périmètre de la proposition de loi, contrairement à celui d’Étienne Blanc, qui suffit pour la lutte contre la criminalité organisée. Il est même superfétatoire : inutile en matière de criminalité organisée et, pour le reste, nous ne pouvons pas l’apprécier. Dès lors, je trouve difficile de donner un avis favorable à son adoption.
À titre personnel, je veux quand même dire ceci : ne bousculons pas les choses sur ces sujets, qui ne sont tout de même pas anodins, monsieur le ministre ! Ce fut déjà le cas avec l’adoption de l’amendement n° 73 rectifié ter de M. Perrin. Ces sujets sont complexes, respectons la dynamique transpartisane qui nous anime, et ne bâclons pas le travail.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 267.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Après l’article 21 (suite) (précédemment réservé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 25 rectifié quater est présenté par Mmes Vermeillet et N. Goulet, MM. Henno, Levi, Laugier, Longeot et Delahaye, Mme Guidez, MM. Maurey et Cambier, Mme Jacquemet, M. Kern, Mme Housseau, M. Dhersin, Mmes Perrot, Billon et Gacquerre, MM. J.M. Arnaud et Lafon, Mme Devésa, M. Courtial, Mmes Saint-Pé et Romagny, M. Parigi, Mme Herzog et MM. Pillefer, L. Hervé et Fargeot.
L’amendement n° 78 rectifié bis est présenté par MM. Nougein, Duplomb, Rapin et Bruyen, Mme Lavarde, MM. Milon, Karoutchi, Bouchet et Chasseing, Mme Josende, M. Khalifé, Mmes Belrhiti et Dumont et M. C. Vial.
L’amendement n° 257 est présenté par Mme M. Jourda et M. Durain, au nom de la commission.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 28-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 5° du I est complété par les mots : « et, lorsqu’elles font suite à des constations effectuées en application du code des douanes, par l’article 222-38 du code pénal » ;
2° À la première phrase du premier alinéa du II, après la référence : « 222-40 », sont insérés les mots : « , sans préjudice du 5° du I du présent article, ».
II. – La section 7 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par deux articles 67 bis-6 et 67 bis-7 ainsi rédigés :
« Art. 67 bis-6. – Si les nécessités de l’enquête douanière relative aux délits mentionnés au dernier alinéa de l’article 414, lorsqu’ils sont commis en bande organisée, au troisième alinéa de l’article 414-2 et à l’article 415 l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions définies par décret peuvent être autorisés par le juge des libertés et de la détention à utiliser les techniques mentionnées aux articles 706-99, 706-99-1 et 706-102-1 du code de procédure pénale. Cette utilisation se fait dans les conditions et selon les modalités prévues à la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du même code.
« Est compétent juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la mise en place de la technique est envisagée. En cas d’autorisation, l’emploi de la technique s’effectue sous son contrôle ; il est informé sans délai des actes accomplis en application de son autorisation et peut à tout moment interrompre l’utilisation de la technique.
« Art. 67 bis-7. – Pour la mise en œuvre des procédures mentionnées au II de l’article 67 bis et aux articles 67 bis-2, 67 bis-5 et 67 bis-6, les agents des douanes peuvent recourir au procès-verbal distinct prévu à l’article 706-104 du code de procédure pénale. Ce recours s’effectue selon les mêmes conditions, formes et procédures. »
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié quater.