Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je lis avec intérêt l’exposé des motifs. Il est parfait : le ministre indique vouloir créer un « état-major » qui sera animé par la direction nationale de la police judiciaire, avec le concours d’autres services. Pourquoi ne pas l’écrire dans la loi ?

Soyons précis. Autrement, c’est flou et, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie rit.)

Mme Audrey Linkenheld. Expression lilloise !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et labellisée ! (Sourires.)

M. Olivier Paccaud. Il y a des droits d’auteur ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, j’interviens sur l’article 1er, mais j’aurais pu le faire sur de nombreux autres articles.

Je veux en effet soulever un problème de méthode dont nous nous sommes émus ce matin en commission des lois.

Nombre de nos collègues ici présents partagent sans doute mon sentiment. Aussi voudrais-je regretter profondément la façon de faire du Gouvernement et m’en étonner une nouvelle fois.

En effet, vous le savez peut-être, nous avons reçu très tardivement dans les heures précédant la réunion de la commission, pas moins de 41 amendements gouvernementaux.

Certains d’entre eux sont très techniques, ce qui est logique et normal. Ce qui l’est moins, c’est que la plupart, voire la totalité des sénateurs – à l’exception peut-être des rapporteurs – n’ont pas eu la possibilité d’étudier sereinement et dans le détail ces amendements déposés tardivement. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)

Cette façon de travailler nuit à la clarté comme à la sincérité du débat parlementaire. Elle ne nous aide pas à confectionner la loi dans de bonnes conditions.

La commission d’enquête a travaillé longuement et consciencieusement pour permettre à son président et à son rapporteur de rédiger un texte issu de ses conclusions. Les rapporteurs de la commission des lois ont également travaillé sérieusement.

Il est navrant de voir le Gouvernement agir avec autant de légèreté, de non-professionnalisme, voire de cynisme.

Monsieur le ministre, si vos idées sont à ce point nombreuses et abouties, modifiez-les en amont dans la proposition de loi ou, mieux, reprenez-les dans un projet de loi, ce qui nous aurait au moins permis de connaître l’avis du Conseil d’État.

La commission d’enquête s’est très longuement penchée sur la question de l’Ofast. Elle a auditionné ses membres. Nous avons échangé avec de nombreux parlementaires, magistrats et représentants des forces de sécurité dans le but de réarmer son action.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Guy Benarroche. Je le répète, nous regrettons la méthode, mais nous regrettons aussi – je rejoins sur ce point Marc-Philippe Daubresse – le renvoi au décret pour ce qui est des mesures principales contenues dans cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, sur l’article.

M. Hussein Bourgi. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, depuis le début de l’après-midi, nous nous accordons tous à saluer le travail transpartisan qui a été réalisé. Nous nous accordons tous à constater le fléau et la gangrène que représente le narcotrafic en France.

L’état d’esprit constructif et consensuel qui nous réunit est aussi celui que nous relevons dans la société, auprès des élus locaux – des maires en particulier –, auprès des gendarmes et des policiers, auprès de la population.

J’aimerais que cet esprit irrigue également certaines organisations corporatistes – un peu trop corporatistes –, qui considèrent qu’il n’y a absolument rien à faire et qui, cet après-midi encore, publient des articles et des tribunes affirmant que cette proposition de loi remet en cause les droits de la défense, telle ou telle liberté publique, tel ou tel droit fondamental.

Je m’inscris totalement en faux contre de telles prises de position. Nous ne pouvons pas à la fois faire le constat que le narcotrafic est un fléau pour la France et considérer que l’arsenal législatif et judiciaire actuel suffit. Non, il ne suffit pas ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Catherine Conconne et M. Denis Bouad applaudissent également.)

Cet arsenal, il faut l’améliorer, il faut le parfaire ; c’est ce à quoi nous nous employons, toutes et tous, au fil de l’examen de ce texte, n’en déplaise à certains !

Il importe aussi – c’est le vœu que je formule – que les outils nouveaux que nous créons soient accompagnés des moyens indispensables à leur mise en œuvre. Si tel n’était pas le cas, malgré toute la bonne volonté dont nous pouvons faire preuve sur toutes nos travées, ainsi qu’au banc du Gouvernement, je crains fort que nous ne décevions celles et ceux qui attendent que nous prenions notre part de ce combat contre le narcotrafic. Je pense naturellement aux policiers, aux gendarmes, aux magistrats, aux élus locaux, aux bailleurs sociaux et à la population.

Aussi, je souhaite que nous soyons tous à la hauteur des attentes qui s’expriment dans la société. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, sur l’article.

Mme Corinne Narassiguin. Dans le prolongement des propos de notre collègue Guy Benarroche, je regrette également que les amendements du Gouvernement aient été déposés si tardivement, hier, alors qu’il s’agit d’un sujet particulièrement technique et d’une proposition de loi transpartisane, par laquelle nous essayons tous de travailler dans le sens de l’intérêt général.

Je pense en particulier à l’article 1er, qui a pour objet l’Ofast. On peut bien comprendre qu’il faille modifier son dispositif au vu de la transformation, décidée par la commission des lois à l’article 2, du parquet national anti-stupéfiants (Pnast) en parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco). Nous aurons l’occasion d’en débattre lorsque nous examinerons l’amendement n° 155 rectifié du Gouvernement, qui tend à réserver au pouvoir réglementaire la définition du dispositif.

Cela étant dit, on peut aussi se demander si cet amendement ne traduit pas une certaine mésentente sur ce point entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice – peut-être cela explique-t-il, d’ailleurs, que le garde des sceaux ne soit plus assis au banc du Gouvernement… Il est pourtant indispensable de renforcer la coopération interministérielle sur ce sujet. Dès lors, le renvoi des détails du dispositif à des dispositions réglementaires nous inquiète quant à la volonté réelle du Gouvernement d’impulser un pilotage politique fort dans ce domaine.

L’Ofast peut être renforcé, transformé, mais il doit garder sa centralité en matière de lutte contre les stupéfiants et les narcotrafics, en lien, bien sûr, avec la lutte contre tous les aspects du phénomène tentaculaire qu’est la criminalité organisée.

Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements et deux sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 155 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 à 8

Rédiger ainsi ces alinéas :

I. – Au chapitre 1er du titre II du livre Ier du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 121-1. – Il est institué par voie réglementaire un service chef de file en matière de lutte contre la criminalité organisée.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles :

« - il impulse, anime, pilote et coordonne l’action des services de l’État qui y concourent, dans le respect de leurs missions, de leurs pouvoirs et de leur autorité de rattachement ;

« - il organise les échanges d’informations utiles à l’accomplissement de leurs missions, y compris par l’accès à des traitements informatisés de données, dans des conditions garantissant notamment la confidentialité de leurs échanges. »

II. – Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre d’État.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Cet amendement est très important : son adoption sera un moment fondateur dans la définition du dispositif de lutte contre la criminalité organisée pour ce qui concerne le ministère de l’intérieur.

Dans le texte initial de la proposition de loi, cette mission était confiée à l’Ofast et l’organisation de cet office devait être inscrite dans la loi, alors qu’elle relève du domaine réglementaire.

Pour notre part, nous cherchons, au travers de l’organisation que je vais vous détailler, à parvenir à un double alignement.

Il s’agit, d’une part, d’aligner l’organisation opérationnelle du ministère de l’intérieur sur l’organisation juridictionnelle, c’est-à-dire le Pnaco. En effet, dans le texte de la commission, celui-ci ne se réduit pas à un simple parquet national anti-stupéfiants, comme c’était le cas dans la rédaction initiale : ses compétences sont désormais bien plus larges et incluent la criminalité organisée. L’organisation du ministère de l’intérieur devra donc, en miroir, permettre de mener ensemble la lutte contre le narcotrafic et la lutte contre la criminalité organisée.

Nous voulons, d’autre part, nous aligner sur ce qui a été fait en matière de combat contre le terrorisme. Permettez-moi de rappeler nos résultats : l’an dernier, neuf attentats ont été commis, qui n’ont fait aucune victime. En la matière, il existe un état-major permanent, l’EMaP, qui réunit, autour d’une même table, les treize services de l’État – services de renseignement et services judiciaires d’enquête – qui participent à cette lutte et qui peuvent avoir des informations en la matière. C’est ce qui a fait la force du dispositif. Or l’EMaP n’a été créé ni par la loi ni même par un décret en Conseil d’État.

Nous proposons donc que le chef de filat en matière de criminalité organisée soit confié à la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), parce que celle-ci s’occupe déjà de 85 % des affaires de criminalité organisée. Ainsi, seront réunis en permanence, sur un même plateau à Nanterre, les services compétents sur ces sujets de quatre ministères : le ministère des armées, avec la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le ministère de l’intérieur, le ministère de l’économie et des finances, avec notamment les douanes et Tracfin, et enfin le ministère de la justice et son service de renseignement. Telle est notre proposition, qui nous semble très robuste.

Un décret en Conseil d’État précisera l’ensemble de l’organisation. Le chef de file sera, quant à lui, désigné par un décret simple. À l’instar de ce que nous avons fait pour la lutte contre le terrorisme, ne figeons pas dans la loi une organisation qui doit, au contraire, être agile.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 261, présenté par M. Daubresse, est ainsi libellé :

Amendement n° 155 rectifié, alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, animé par la Direction nationale de la police judiciaire, qui s’appuie sur les services d’enquête généralistes, l’Office anti-stupéfiants, l’Office central de lutte contre la criminalité organisée, la Police judiciaire de la préfecture de police de Paris, les unités spécialisées de la Gendarmerie nationale, avec le concours des services de renseignement et des services des autres ministères : douanes, services fiscaux, transports, Marine nationale concourant à l’action de l’État en mer

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps le sous-amendement n° 262.

Mme la présidente. Volontiers, mon cher collègue.

Le sous-amendement n° 262, présenté par M. Daubresse, est ainsi libellé :

Amendement n° 155 rectifié, alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, animé par la Direction nationale de la police judiciaire

Veuillez poursuivre, monsieur Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. J’avais déposé ces deux sous-amendements visant à compléter l’amendement du Gouvernement, mais le ministre d’État vient de répondre précisément à mes interrogations. Je l’en remercie.

J’attendais qu’il dise clairement que l’état-major en question, qui sera le bras armé de la lutte contre le crime organisé, sera animé par la DNPJ. Il l’a fait ; j’en suis satisfait.

Mon sous-amendement n° 261 vise en outre, en reprenant l’exposé des motifs de l’amendement du Gouvernement, à détailler l’ensemble des services avec lesquels la DNPJ devrait travailler. Le ministre vient de les citer ; je n’y reviens donc pas. L’objet du sous-amendement n° 262 est plus limité : sans énumérer les services concernés, il vise simplement à préciser que le service chef de file sera « animé par la direction nationale de la police judiciaire ».

Dans la mesure où le ministre vient de prendre, publiquement, un engagement qui me semble essentiel, je retire ces deux sous-amendements.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je les reprends, madame la présidente !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 261 rectifié et d’un sous-amendement n° 262 rectifié, présentés par Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sous-amendements dont les libellés sont strictement identiques, respectivement, à ceux des sous-amendements nos 261 et 262.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 5 rectifié est présenté par M. Daubresse, Mme Dumas, M. Rapin, Mme Estrosi Sassone, M. Panunzi, Mmes Garnier et L. Darcos, MM. Brisson, Chatillon, Reichardt et Chaize, Mme Gosselin, M. Bouchet, Mme M. Mercier, MM. Saury et J.P. Vogel, Mmes P. Martin et Lopez et MM. Milon et Paumier.

L’amendement n° 196 est présenté par M. Bourgi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 1

Après les mots :

L’Office anti-stupéfiants

Insérer les mots :

de la direction nationale de la police judiciaire

II. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

l’Office anti-stupéfiants procède aux enquêtes mentionnées au sixième alinéa de

par les mots :

la direction nationale de la police judiciaire, par l’intermédiaire de ses offices centraux, de leurs antennes zonales et leurs détachements départementaux, procède aux enquêtes mentionnées à

III. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

il procède également, le cas échéant concurremment avec d’autres services ou unités de police judiciaire

par les mots :

elle procède, le cas échéant avec d’autres services ou unités de police judiciaire dont elle assure la coordination opérationnelle

et les mots :

de trafic de stupéfiants

par les mots :

relevant de la criminalité organisée

IV. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

L’office est également informé

par les mots :

La direction nationale est également informée

et les mots :

en particulier les enquêtes qui présentent une dimension internationale marquée et visent des filières d’importation complexes

par les mots :

qui concernent la lutte contre le crime organisé

et le mot :

il

par le mot :

elle

V. – Alinéa 7

1° Première et deuxième phrases

Remplacer le mot :

Il

par le mot :

Elle

2° Troisième phrase

Remplacer les mots :

il est rendu

par les mots :

elle est rendue

et les mots :

le trafic de stupéfiants

par les mots :

la criminalité organisée

VI. – Alinéa 8

Remplacer les mots :

L’office

par les mots :

La direction nationale, par l’intermédiaire de l’Office anti-stupéfiants

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 196.

M. Hussein Bourgi. Monsieur le ministre, les hommes et les femmes qui travaillent dans la police judiciaire disposent d’une expertise et d’un savoir-faire reconnus.

L’année dernière, vous le savez, une réforme de la police judiciaire est entrée en vigueur. Or on constate aujourd’hui que la nouvelle organisation n’est pas à la hauteur des enjeux. En tout cas, elle n’a pas fait la preuve de son efficience sur le terrain.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, par cet amendement, de mettre la police judiciaire au cœur du réacteur.

Je voudrais faire une comparaison avec un autre service qui a été démantelé : les renseignements généraux. Quelques années après cette décision, la France a subi les émeutes dans les banlieues, ainsi que les attentats terroristes islamistes. Lorsqu’ils analysent ces deux phénomènes, beaucoup de sociologues et de criminologues s’accordent pour reconnaître que, si les renseignements généraux « à l’ancienne », tels que nous les avons connus, avaient été maintenus, ils auraient peut-être pu détecter ces menaces en amont.

Nous devons nous instruire du passé et tirer les leçons de l’erreur que fut la suppression des renseignements généraux, avant leur recréation sous d’autres formes.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous invite ardemment, avec insistance et beaucoup de gravité, à mettre la police judiciaire au cœur du dispositif : je ne voudrais pas que nous éprouvions, dans quelques années, les mêmes regrets que ceux qui ont supprimé les renseignements généraux.

Mme la présidente. L’amendement n° 158, présenté par Mmes Narassiguin, de La Gontrie et Linkenheld, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Roiron, Chaillou et Kerrouche, Mmes Conconne, Carlotti et Daniel, MM. Kanner et Montaugé, Mme Monier, MM. Ros et M. Weber, Mme S. Robert, M. Mérillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer les mots :

conjointe des ministres de l’intérieur et chargée de l’économie et des finances

par les mots :

du Premier ministre

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à placer l’Ofast sous la tutelle du Premier ministre.

Comme je l’expliquais tout à l’heure, notre intention est de renforcer le pilotage politique de cet office et le caractère interministériel des enquêtes de police et de gendarmerie qu’il sera amené à coordonner. Il nous semble très important de garantir que ces enjeux seront appréhendés de manière transversale, cohérente et globale.

Un positionnement interministériel renforcerait non seulement la visibilité politique de cet office, mais aussi sa capacité à acquérir les moyens nécessaires pour accomplir ses missions. On sait très bien que le manque de moyens est le premier obstacle à la lutte contre le narcotrafic.

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet et M. Canévet, est ainsi libellé :

Alinéa 1, seconde phrase

Supprimer les mots :

et de renseignement

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement tombera si celui du Gouvernement est adopté, mais je le défends, monsieur le ministre, afin d’obtenir des explications.

Le texte de la commission dispose que l’Ofast aura autorité sur l’ensemble des services du renseignement. Voilà qui soulève de nombreux problèmes.

Quoi qu’il en soit, je suis très favorable à l’amendement du Gouvernement. Mon collègue Olivier Bitz avait déjà souligné, lors de la réunion de la commission des lois, que les dispositions relatives à la création de l’office relevaient du domaine réglementaire. La rédaction proposée par le Gouvernement permet d’éclaircir les choses de façon tout à fait cohérente et prospective.

Mme la présidente. L’amendement n° 132, présenté par Mme Souyris, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

Premier ministre,

insérer les mots :

et notamment la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives,

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. « Dans aucun pays, la répression n’a réglé le problème des toxicomanies. » Ces mots ne sont pas les miens ; c’est Pierre Mazeaud, alors député gaulliste et rapporteur de la loi pénalisant l’usage de drogue, qui les a prononcés en 1970 devant l’Assemblée nationale. J’adhère entièrement à ce propos : sans approche sanitaire et sociale, l’action publique dans ce domaine ne pourra être qu’inefficace.

Regardons les chiffres : en 2020, 81 % des 162 204 interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants concernaient uniquement l’usage simple. Autant dire, puisque l’on évoque beaucoup, depuis tout à l’heure, la question des moyens, ou plutôt celle du manque de moyens, que la plupart, pour ne pas dire la quasi-exclusivité, des ressources consacrées à la lutte contre les infractions à la législation sur les stupéfiants sont concentrées sur l’usage.

À quoi bon faire une loi pour lutter contre le narcotrafic si celle-ci ne comporte absolument rien sur le volet sanitaire et social ? Tous nos voisins européens commencent pourtant à envisager cette perspective comme une part de la solution. La question est de savoir comment on peut articuler la répression et la prévention.

Nous proposons donc, par cet amendement, que l’Ofast travaille en lien avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), le seul organisme qui, actuellement, aborde à la fois les enjeux de santé et de sécurité.

Mme la présidente. L’amendement n° 173, présenté par M. Montaugé, Mmes Narassiguin, de La Gontrie et Linkenheld, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Roiron, Chaillou et Kerrouche, Mmes Conconne et Carlotti, M. Kanner, Mme Monier, MM. Ros et M. Weber, Mme S. Robert, M. Mérillou, Mme Daniel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Il coordonne également l’action des services locaux et des effectifs territoriaux affectés à la lutte contre les trafics de stupéfiants et relevant de la police judiciaire, de la douane judiciaire, des services de renseignement et de la gendarmerie nationale, notamment au travers de ses antennes et détachements.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à répondre à la nécessité, identifiée par la Cour des comptes dans son rapport de 2024 sur le sujet, d’améliorer la coordination des actions menées sur le terrain par les forces de sécurité intérieure engagées dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Aujourd’hui, comme l’ont très bien souligné nos collègues Jérôme Durain et Étienne Blanc dans leur rapport, le trafic de stupéfiants ne concerne plus uniquement les villes. Les zones rurales, outre qu’elles constituent de potentiels lieux de consommation, deviennent des bases arrière pour les réseaux de trafiquants. Nos forces de l’ordre ne disposent souvent pas de moyens à la hauteur des besoins pour intervenir dans la durée. Même lorsque ces moyens existent, une coordination renforcée entre les différents services permettrait une action plus efficace.

À ce titre, l’Ofast, tant par la localisation de son siège que par ses antennes locales, est l’acteur le mieux placé pour orchestrer cette lutte de terrain. Lui confier la coordination des forces de sécurité intérieure sur l’ensemble du territoire garantira un maillage plus efficace et une meilleure collecte de renseignements sur ces zones de trafic, qui sont certes éloignées des grandes villes, mais qui – j’y insiste – n’en sont pas moins étroitement liées à elles, du moins pour les trafiquants.

Cette synergie renforcée permettra aux forces de l’ordre d’agir avec la vision d’ensemble indispensable pour lutter efficacement contre ce fléau.

Par cet amendement, nous proposons donc, à la lumière de l’expérience vécue des élus locaux ruraux, dont je fais partie, d’apporter une réponse pragmatique et opérationnelle à un défi majeur. Mes chers collègues, je vous invite à le soutenir pour mieux protéger nos territoires ruraux et les citoyens qui y vivent.

Je me permets d’ajouter, monsieur le ministre, que je ne trouve pas dans l’amendement n° 155 rectifié du Gouvernement cette dimension territoriale rurale. Elle est pourtant fondamentale. On ne peut pas l’omettre. Sans doute me demanderez-vous de retirer mon amendement, mais je préfère le maintenir dans l’espoir que vous pourrez me répondre sur ce point.

Mme la présidente. L’amendement n° 120, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. – Le procureur de la République national anti-criminalité organisée, le pôle de l’instruction, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises de Paris composée selon les règles fixées à l’article 242-1 du code de procédure pénale peuvent saisir l’un des offices centraux rattachés à la direction nationale de la police judiciaire afin qu’il procède aux enquêtes mentionnées au sixième alinéa de l’article 706-74-1 du même code.

II. – Alinéa 5

Remplacer le mot :

il

par les mots :

l’Office anti-stupéfiants

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement a été rédigé dans le même souci que celui qu’a exprimé le ministre Bruno Retailleau : il importe d’établir une correspondance entre les missions du Pnaco, d’une part, et l’organisation des services de renseignement et de l’Ofast, d’autre part.

Cet amendement vise à donner au procureur de la République du parquet national anti-criminalité organisée, au pôle de l’instruction, au tribunal correctionnel et à la cour d’assises de Paris, si telle est bien la juridiction concernée, la possibilité de choisir, parmi les services d’enquête qui relèvent de la DNPJ, le plus adéquat pour l’affaire en question.

Il pourra s’agir de l’Ofast, pour toutes les enquêtes concentrées sur le trafic de stupéfiants, même si elles relèvent aussi, par leurs dimensions criminelles ou financières, du grand banditisme, mais également, quand il n’y a pas de lien avec le narcotrafic, de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), qui est spécialisé dans la lutte contre le banditisme armé et les groupes criminels, ou encore de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), qui traite des affaires importantes de blanchiment, lesquelles ne sont pas toutes liées au narcotrafic.

(Mme Sylvie Vermeillet remplace Mme Anne Chain-Larché au fauteuil de la présidence.)