M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. De mon point de vue – et je ne suis pas seule à penser ainsi –, la technologie ne fera pas de miracle, surtout dans un monde au climat détraqué. Notre collègue parlait des sols lessivés.
M. Laurent Duplomb. Ce sont les drones qui les ont lessivés ?
Mme Nicole Bonnefoy. Quand on voit les pollinisateurs décimés, les sols lessivés et contaminés, qui ont perdu leur fertilité et leur capacité à infiltrer l’eau, franchement, je ne pense pas que ce sera la technologie qui nous sauvera.
M. Laurent Duplomb. Venez donc au Sénat à vélo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, je ne partage pas du tout votre avis. Au contraire, je suis persuadée que l’innovation et la technologie offriront des réponses puissantes de progrès.
M. Thomas Dossus. Cela ne suffira pas !
Mme Nicole Bonnefoy. Même pour le changement climatique ?
Mme Annie Genevard, ministre. Tout à fait, pour le changement climatique également.
Permettez-moi de donner un exemple. Lors de la semaine de l’industrie agroalimentaire, j’ai fait la tournée des entreprises du secteur. Vous n’imaginez pas à quel point le progrès technologique comporte d’incidences sur l’empreinte carbone. (M. Vincent Louault fait des signes d’approbation.) La décarbonation de l’industrie, c’est très important !
M. Thomas Dossus. Quel est le rapport ?
Mme Annie Genevard, ministre. La technologie permet de réduire l’empreinte environnementale en diminuant la pression hydrique et les prélèvements en eau. Il est très important que les industries soient moins gourmandes en cette ressource !
La technologie a facilité la vie des agriculteurs, au quotidien. J’ai visité une entreprise qui produit des compotes de fruits. Elle contractualise avec les producteurs de fruits et a mis à leur disposition des appareils pour la cueillette automatique des pommes. Voilà un exemple de réduction de la dureté du travail, qui permet de répondre au manque de main-d’œuvre ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Bien sûr, la technologie et l’innovation apporteront des moyens très importants à l’agriculture ! Votre vision de l’agriculture est non seulement décliniste, mais aussi passéiste ! (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Vincent Louault. Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. L’agriculture, c’est moderne, et c’est facteur de progrès !
Je reviens aux drones. Aujourd’hui, leur utilisation est interdite. Monsieur le sénateur Louault, cette technologie a beau être utilisée depuis longtemps ailleurs, elle est encore en France l’objet d’une méfiance extrême. Pourtant, j’en suis convaincue, elle permet l’administration plus ciblée, plus efficace et donc plus économe de produits, tout en protégeant mieux l’applicateur – je ne reviens pas sur le cas de la culture de la banane.
Nous proposons de passer par une expérimentation, cette technique devant faire ses preuves avant d’être pérennisée. C’est ainsi que nous progresserons. Nous avons commencé par les vignes mères et les vignes porte-greffes, nous avons continué avec les bananeraies. Cette démarche itérative peut être appliquée à d’autres cultures.
Madame la sénatrice Loisier, en cas de conditions climatiques exceptionnelles, on peut imaginer que des demandes d’utilisation à titre expérimental soient déposées. Lors des dernières inondations – au fond, le sujet est le même –, les préfets ont reçu des demandes d’autorisation d’épandages au-delà du 1er novembre, parce qu’il était impossible de faire circuler un tracteur dans les champs inondés. Lorsque les conditions météorologiques et climatiques sont particulières, on peut imaginer être amené à prendre des dispositions particulières.
La méthode que nous proposons est une bonne méthode. Aujourd’hui, il y a une faible acceptation sociale des drones, parce que la population méconnaît les avantages que présente cette technologie. Il faut y aller, pour que celle-ci soit acceptée et que l’on n’ait pas d’idées préconçues à son égard. Je la crois véritablement utile à l’agriculture.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Encore une fois, je suis assez stupéfait. Le progrès et la robotique, cela existe ! Mes chers collègues, je vous invite dans une ferme 3.0 dans la Somme, à Aizecourt-le-Haut, où, dans le cadre d’une expérimentation, la mesure des reliquats d’azote est permise par passage de drones.
Demain, si l’on autorise l’épandage non seulement de produits phytosanitaires, mais aussi d’amendements du sol par drone, on pourra cibler les zones où il y a réellement des manques et éviter de disperser ces produits sur toute une surface, même là où ce n’est pas utile.
Par ailleurs, même si les drones font peur, les sauterelles agricoles que l’on voit dans les champs font également peur, notamment en raison des odeurs. Limiter la pulvérisation est forcément plus efficace.
En outre, il faut prendre en compte les conséquences au regard de la consommation des énergies fossiles. Les tracteurs qui tirent des sauterelles consomment du pétrole ou du gaz : un tracteur électrique de 300 chevaux, ce n’est pas pour demain !
Enfin, mes chers collègues, vous êtes très attentifs à la qualité et à la portance des sols. Justement, les drones permettent de ne pas les détruire.
M. Laurent Duplomb. Ils font même le contraire !
M. Laurent Somon. Je ne comprends pas cette opposition à la robotique.
Mes chers collègues, je le redis, je vous invite à Aizecourt-le-Haut, où des robots permettent même de désherber mécaniquement des cultures de radis.
M. Jean-Claude Tissot. C’est très bien ça !
M. Laurent Somon. Si vous savez comment sont cultivés les radis, vous comprendrez que cela permet de régler des problèmes, étant donné qu’on ne trouve plus de personnel pour le faire.
La robotique et l’intelligence artificielle, c’est l’avenir de notre agriculture.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’ai entendu des collègues demander du respect. Madame la ministre, je vous propose de remiser dans un carton les arguments selon lesquels nous serions passéistes et dogmatiques, et de les garder pour l’Assemblée nationale ! (M. Fabien Genet proteste.)
Au Sénat, nous échangeons des arguments politiques, et nous essayons de progresser ensemble en nous écoutant.
Personne ne le nie, le progrès technique et technologique a permis aux travailleurs et aux travailleuses de moins s’épuiser, à l’usine comme aux champs. C’est la marche du monde. Une usine d’aujourd’hui n’est pas la même qu’une usine d’il y a cinquante ans, ce qui vaut aussi pour les fermes. Et c’est tant mieux ! D’ailleurs, il y a un débat pour savoir si ce progrès technologique doit bénéficier au capital ou au travail : faut-il plus de rendement ? à qui vont les profits ? Il faut creuser ces sujets.
Le vrai débat porte sur l’utilisation des pesticides, que ceux-ci soient épandus par des humains ou par des drones. Quoi qu’il arrive, ces produits ont des conséquences sur le vivant et la biodiversité. Qu’un drone permette un épandage plus précis qu’un avion, personne ne le remet en cause ; mais qu’en est-il de la nocivité de ces produits pour les corps et pour les sols, qui est exactement la même ? C’est cela, le débat !
Nous rappelons notre opposition à vos positions, et nos propositions d’aller vers un autre modèle de transition agricole. Cher Laurent Somon, ne prenez pas comme prétexte le progrès technologique et ne mélangez pas le fait de désherber avec un robot – c’est très bien – et le fait d’épandre des produits par drone ! Excusez-moi, mais ce n’est pas exactement la même chose.
M. Olivier Rietmann. C’est plus efficace !
M. Laurent Somon. C’est plus ciblé !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je partage les propos de Fabien Gay.
L’un des précédents orateurs a avancé l’idée que nous serions « décroissants ». Pourquoi pas, cela ne me dérange pas : cela dépend de la manière dont on définit la croissance. Ce que je constate, c’est le bilan de la politique agricole que vous avez portée et soutenue. C’est elle qui a amené l’agriculture en décroissance ! N’inversons pas les choses. (M. Laurent Duplomb proteste.)
En ce qui concerne les pesticides, nous devons réfléchir collectivement. Nous sommes tous – peut-être pas tous, car j’ai aussi entendu des points de vue inverses – d’accord pour dire qu’ils sont néfastes pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, pour l’eau et pour la biodiversité. Personne ne pourra prouver le contraire.
Nous sommes donc tous d’accord pour dire qu’il faut diminuer très fortement leur utilisation, qui n’est souhaitable pour personne et n’est pas une solution d’avenir. Il faut agir : là-dessus, nous pourrions au moins nous mettre d’accord.
Évidemment, personne n’est contre la technique ou le progrès, au contraire. Nous disons justement qu’il faut davantage s’appuyer sur la science. Des techniques d’agroécologie élaborent d’autres modèles, qui fonctionnent. En effet, ceux-ci demandent peut-être plus de travail, parfois plus de mécanisation, mais il faut en tout cas une adaptation, une réflexion et donc un accompagnement.
Vous proposez de dépenser de l’argent dans des drones qui permettent peut-être de pulvériser moins de pesticides, mais le volume de l’utilisation de ceux-ci a augmenté et non baissé ces dix dernières années ! La véritable question, c’est de savoir si l’on continue avec le modèle que vous proposez ou si l’on inverse les choses pour accompagner des politiques vers un changement de modèle, afin de construire une véritable indépendance.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour explication de vote.
M. Patrick Chauvet. J’ai connu ce débat à l’Agence de l’eau Seine Normandie. Si nous étions presque tous d’accord pour rechercher l’efficience économique ou environnementale, certains pensaient que les nouvelles technologies étaient contraires à ces objectifs.
Objectivement, comme l’illustrent les cartographies aériennes des foyers de maladies sur les végétaux, l’utilisation des drones permet d’éviter de traiter toute la parcelle, dès le foyer repéré. Elle est très efficace tant en volume qu’en énergie. En outre, elle évite le compactage des sols. Cette technique a de nombreuses vertus, et va dans le sens de ce que l’on souhaite tous, y compris celui de la protection de la santé humaine.
M. Gontard avançait que l’on utilise davantage de produits phytosanitaires. Il faut regarder cela de plus près, car la seule baisse des surfaces dédiées à l’élevage a provoqué une hausse de la production végétale, qui a besoin de produits phytosanitaires.
M. Laurent Duplomb. Exactement ! Il n’y a plus d’élevage !
M. Patrick Chauvet. Tout est lié, et à l’hectare, il n’y a pas plus de pression phytosanitaire qu’auparavant. C’est dû au fait que le paysage des productions a changé et que l’élevage a décliné, ce que je regrette. Les nouvelles technologies sont bonnes pour l’environnement et l’économie ; elles sont pleines de vertus.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 85 rectifié, 74 rectifié et 54 rectifié n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 75 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 105, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. L’article 2 de la proposition de loi vise à abroger, purement et simplement, l’article du code rural et de la pêche maritime qui interdit l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de la classe des néonicotinoïdes et assimilés en France.
Cette interdiction avait été approuvée par le législateur en 2018. Il s’agissait à l’époque d’une surtransposition assumée par les parlementaires.
S’il est vrai que l’acétamipride reste autorisé jusqu’en 2033 à l’échelon européen, le Gouvernement ne juge pas raisonnable la proposition de réautoriser l’usage de cette molécule.
M. Daniel Salmon. Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. En effet, cette proposition ne tient pas compte de la décision du Conseil constitutionnel, qui a validé en 2020 un encadrement strict de la dérogation exceptionnelle accordée pour la culture de la betterave.
Au regard de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel pourrait ainsi censurer ces dispositions législatives, au motif qu’elles pourraient priver « de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
En l’état, la rédaction de l’article ne permet pas de répondre aux prescriptions validées par le Conseil constitutionnel en 2020. Elle court donc un risque avéré de censure, considérant que « les limitations portées par le législateur à l’exercice de ce droit ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ».
Dans la décision qu’il a rendue en 2020 sur la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, dite loi Betteraves, le Conseil constitutionnel a validé l’autorisation de cette molécule en considérant qu’elle était justifiée par un motif d’intérêt général et proportionnée à l’objectif visé grâce aux aménagements proposés. Je vous rappelle ceux-ci : cette dérogation avait un caractère exceptionnel, était ciblée uniquement sur la filière des betteraves sucrières, pour une période strictement transitoire, et était prise après l’avis d’un conseil spécialisé.
Ces différentes prescriptions ayant permis de limiter les risques pour la santé et pour l’environnement, le Conseil constitutionnel les a validées.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande la suppression des alinéas relatifs à la réautorisation globale, lesquels permettraient une utilisation très large de l’acétamipride.
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Masset, Cabanel, Bilhac et Gold, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
b) Le deuxième alinéa du II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Jusqu’au 1er juillet 2026, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, pris après avis du conseil de surveillance mentionné au II bis, peuvent autoriser la pulvérisation aérienne de produits contenant de l’acétamipride, substance appartenant à la famille des néonicotinoïdes dont l’utilisation est interdite en application du présent code.
« Cette pulvérisation s’opère selon les modalités fixées par décret. » ;
3° À l’article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « de semences betteraves sucrières » sont remplacés par les mots : « d’insecticides destinés à la culture de la noisette ».
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement étant similaire au précédent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié est retiré.
L’amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Longeot, Levi et Bazin, Mmes P. Martin et Antoine, MM. Maurey, Kern et Bonhomme, Mmes Herzog et Gacquerre, M. Chatillon, Mmes Billon et Patru, MM. Chauvet et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. V. Louault et Chevalier et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l’Agence mentionnée à l’article L. 1313-1 du code de la santé publique définit les filières agricoles pour lesquelles l’usage de l’acétamipride est autorisé. » ;
c) Le II bis est abrogé ;
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. L’Anses doit pouvoir déterminer les filières agricoles habilitées à employer l’acétamipride pour la protection des cultures et des récoltes, en cas d’impasse technique.
Nous entendons la demande des agriculteurs, qui ne veulent pas d’interdiction sans solution.
M. le président. L’amendement n° 60 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Longeot et Levi, Mmes P. Martin et Antoine, MM. Maurey, Kern et Bonhomme, Mmes Herzog et Gacquerre, M. Chatillon, Mmes Billon et Patru, MM. Chauvet et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. V. Louault, Chasseing et Chevalier et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l’usage de l’acétamipride est autorisé jusqu’au 28 février 2033. » ;
c) Le II bis est abrogé ;
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. Cet amendement vise à s’arrimer aux décisions de l’Union européenne en autorisant de nouveau l’acétamipride jusqu’au 28 février 2033, date jusqu’à laquelle l’usage de cette substance est permis dans les États membres, pour les traitements employés dans les filières qui n’ont pas d’autre solution.
M. le président. L’amendement n° 71, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, l’usage du néonicotinoïde acétamipride en traitement foliaire est autorisé jusqu’en décembre 2027 pour les cultures de betteraves où l’afflux de pucerons et le risque de présence de jaunisse sont avérés. » ;
c) Le II bis est abrogé ;
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Supprimer ou affaiblir ces dispositions, c’est toucher au cœur du présent texte.
La commission est naturellement défavorable à l’amendement de suppression du Gouvernement, dont la position ne nous semble pas acceptable. De même, elle est défavorable aux amendements nos 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71 ?
Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements, au profit de l’amendement que j’ai présenté. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je suggère de mettre à profit la suspension de séance pour élaborer avec les deux auteurs de cette proposition de loi, ainsi qu’avec M. le rapporteur, une nouvelle rédaction tenant compte des obstacles juridiques signalés par Mme la ministre.
Monsieur le président, pourriez-vous nous indiquer l’heure de reprise de la séance ?
M. le président. A priori, vingt et une heures trente-cinq.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission se réunira donc à vingt et une heures vingt en salle 263 pour examiner cette nouvelle rédaction.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 2, aux amendements nos 105, 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71, en discussion commune.
Avant la suspension de séance, ces amendements ont été présentés, puis la commission et le Gouvernement ont donné leur avis. Mme la présidente de la commission des affaires économiques a quant à elle annoncé le dépôt d’un amendement supplémentaire.
Il s’agit de l’amendement n° 112, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par treize alinéas ainsi rédigés :
1° Les deuxième et troisième alinéas du II sont supprimés ;
2° Le II bis est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- À la première phrase, les mots : « , ainsi que la conformité de ces avancées au plan de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes de la filière concernée par un arrêté de dérogation mentionné au deuxième alinéa du II. » sont supprimés ;
- La deuxième et la troisième phrases sont supprimées.
b) Le troisième alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« II ter.- Sans préjudice de la nécessité d’obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009, un décret peut à titre exceptionnel, après avis du conseil de surveillance prévu au II bis, déroger à l’interdiction d’utilisation des produits mentionnée au II, ainsi que des semences traitées avec ces produits, pour un usage déterminé, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Les substances actives contenues dans les produits sont approuvées en application du règlement (CE) n° 1107/2009 ;
« 2° Les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ;
« 3° Il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation.
« Ce décret peut interdire temporairement et pour une durée qu’il détermine la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs après l’emploi de semences traitées ainsi autorisées à titre exceptionnel.
« Le conseil de surveillance prévu au II bis se prononce, dans son avis, sur la nécessité d’une dérogation exceptionnelle, sur les conditions auxquelles cette dérogation serait adéquate et strictement proportionnée et sur l’état de la recherche d’alternatives.
« Le conseil de surveillance publie chaque année, et remet avant le 15 octobre au Gouvernement et au Parlement, un rapport relatif à chaque dérogation exceptionnelle et portant sur ses conséquences notamment environnementales et économiques, ainsi que sur l’état d’avancement du plan de recherche, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d’exploitation ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. L’acétamipride étant autorisé dans l’Union européenne jusqu’en 2033, nous proposons d’aménager l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime afin de permettre une dérogation à titre exceptionnel, prononcée par décret.
Limitée dans le temps, cette dérogation devrait être justifiée par l’absence de solution de substitution à même de garantir la pérennité de la filière concernée.
Une telle mesure bénéficierait aux quelques filières aujourd’hui dans l’impasse, sous réserve que la substance active considérée soit approuvée à l’échelle européenne.
Je précise que les filières dont il s’agit devraient être engagées dans « un plan de recherche sur les alternatives » à l’utilisation des produits visés.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je demande le vote par priorité sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi par la commission des affaires économiques d’une demande de priorité sur l’amendement n° 112.
Selon l’article 44, alinéa 6, du règlement, la priorité est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est donc ordonnée.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 112 ?
Mme Annie Genevard, ministre. Avant la suspension de séance, j’ai rappelé que les dispositions de cet article risquaient fort, en l’état, d’être censurées par le Conseil constitutionnel.
Désormais, la commission propose uniquement une dérogation permettant l’usage de l’acétamipride, substance qui reste autorisée à l’échelle européenne.
Nécessairement limitée dans le temps et strictement proportionnée, une telle dérogation ne pourrait s’appliquer qu’à une substance active autorisée dans l’Union européenne. Il faudrait, en outre, que les solutions de substitution soient inexistantes ou insuffisantes. Il faudrait, enfin, prouver l’existence d’un plan de recherche en vue du remplacement des produits phytosanitaires considérés.
En conséquence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, nous nous trouvons là face à un cas d’école.
Avant la suspension de séance, je vous parlais du flufénacet : interdit depuis 2013, ce produit a bénéficié en tout et pour tout de neuf dérogations.
De telles procédures ne font que perdre du temps ; dans les faits, elles ne favorisent pas la recherche d’autres solutions. Or il en existe déjà, n’en déplaise à certains ! J’en conviens, elles vont parfois de pair avec une baisse de rendement, mais cette conséquence n’est pas toujours rédhibitoire.
Si l’on en croit les chiffres de FranceAgriMer relatifs aux betteraves à sucre, le rapport entre notre production et notre consommation est, ainsi, de 1,69. En d’autres termes, notre production excède notre consommation de près de 70 % ! (M. Vincent Louault lève les bras au ciel.)
Donner la priorité au rendement, pourquoi pas ? Mais gardons à l’esprit qu’un tel choix se fait au détriment de la biodiversité et, in fine, de la santé humaine.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Mon cher collègue, j’entends bien votre argument, mais dans certains cas les solutions de substitution s’apparentent à des légendes urbaines… (M. Daniel Salmon s’exclame.) Elles ne sont pas établies et ne peuvent être mises en œuvre par les agriculteurs.
Sur ce sujet, dont je parle souvent avec M. Tissot, il faut savoir garder les pieds sur terre. Si l’on en croit les rapports – et ils sont nombreux –, les solutions existent ; mais, dans la pratique, on ne les trouve pas. Restons dans le réel.
Madame la ministre, je tiens à vous remercier de l’avis de sagesse que vous avez exprimé : peut-être allons-nous pouvoir atterrir.
Jusqu’à présent, je peinais à comprendre la position du Gouvernement : certains ministres doivent être plus puissants que d’autres et donc peser un peu plus lors des réunions interministérielles (RIM)… Fut un temps où tous les membres du Gouvernement prenaient part à ces arbitrages. J’ai bien l’impression que cette époque est révolue et que les hauts fonctionnaires gardent maintenant les RIM pour eux-mêmes… Je le regrette.
La filière noisette et une filière d’excellence, en particulier grâce à sa coopérative, Koki. Pourtant, elle joue aujourd’hui sa survie. Elle a perdu presque 60 % de son rendement – le chiffre est référencé et scientifiquement incontestable, contrairement à ce que l’on peut entendre quant aux baisses constatées ici ou là. Cette filière et cette coopérative d’excellence seront peut-être sauvées grâce à l’amendement de la commission.
De même, les betteraviers ont besoin d’une solution. Ils doivent pouvoir procéder à la pulvérisation d’acétamipride. (M. Daniel Salmon s’exclame.)