M. Daniel Salmon. Nous souhaitons supprimer l’article 2, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, je rappelle que le rapporteur a modifié les dispositions initiales de cet article concernant la mise sous tutelle de l’Anses, car elles n’étaient clairement pas en conformité avec le droit de l’Union européenne. Pour autant, la mise en cause de l’indépendance du travail de l’Anses reste problématique. Le présent article permet en effet au directeur général de l’Agence de s’en remettre au ministre de l’agriculture concernant la délivrance, la modification et le retrait des autorisations de mise sur le marché et l’expérimentation de produits phytopharmaceutiques.

Ainsi, le dispositif reste potentiellement non conforme aux règlements européens, qui disposent que l’évaluation en vue d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit doit être indépendante, objective et transparente au regard des connaissances scientifiques et techniques actuelles. S’en remettre au ministre chargé de l’agriculture créerait un doute sérieux quant au respect de ces critères.

Le fait de confier cette possibilité au directeur général de l’Anses constitue également un problème en soi, puisque l’on peut craindre que cela ne nuise à l’indépendance de l’évaluation, en cas de pression extérieure pour qu’il la délègue. Rien ne justifie cette mise sous tutelle. L’Anses rappelle elle-même que son indépendance et celle de ses agents sont un critère essentiel de la qualité, de la légitimité et de la crédibilité de l’expertise scientifique qu’elle met en œuvre.

Ensuite, et même si je me suis déjà exprimé à ce sujet lorsque j’ai défendu la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, je précise que l’Anses considère qu’il n’y a aucun intérêt avéré à l’usage des drones à l’heure actuelle. Dans un tel cas, c’est donc le principe de précaution qui s’applique. Certes, les drones ne sont pas des hélicoptères, mais ils utilisent pour la plupart des adjuvants pour éviter toute dérive de pulvérisation : or chacun sait que les cocktails pesticides-adjuvants perturbent encore plus l’environnement et créent davantage encore de risques.

Sur les néonicotinoïdes, je m’exprimerai à ce sujet tout à l’heure, malgré le beau plaidoyer pour l’acétamipride que je viens d’entendre…

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 10.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à supprimer l’article 2. Si celui-ci était définitivement adopté par le Parlement en l’état, cela signerait un retour en arrière de plus de dix ans sur la réglementation encadrant les pesticides.

En effet, l’article 2 tend à remettre en cause le cadre existant en matière d’autorisation et d’usage des pesticides, tout en tendant à affaiblir la position de l’Anses, qui serait placée sous tutelle.

Le groupe SER s’oppose ainsi à la mise en place d’un délai de grâce systématique en cas de retrait d’une autorisation de mise sur le marché d’un pesticide. Dans la version actuelle de l’article, ce délai pourrait s’étendre jusqu’à dix-huit mois, ce qui semble extrêmement long, notamment si cette décision venait à se fonder sur un risque grave et avéré pour la santé humaine ou l’environnement.

Cet article vise également à introduire une balance des bénéfices-risques en matière d’AMM, qui reposerait notamment sur les risques de distorsion de concurrence.

Je le redis avec fermeté : en matière d’autorisation ou de retrait d’AMM d’un produit chimique, une évaluation des bénéfices-risques ne peut en aucun cas se fonder sur des critères purement économiques. L’évaluation doit avant tout prendre en compte l’impact d’un produit sur la santé humaine et l’environnement.

Par ailleurs, cet article tend à réautoriser l’épandage aérien alors même que cette technique présente des risques supérieurs d’exposition et de dérives.

Pour autant, nous avons bien conscience de la réalité de certains territoires, notamment en outre-mer. À ce titre, nous ne sommes pas opposés à entamer une réflexion pour que des aménagements puissent être trouvés dans ces territoires, dès lors que toutes les garanties de sécurité pour l’homme et l’environnement sont réunies.

Cependant, nous refusons que cela se fasse au détour d’une proposition de loi dépourvue d’étude d’impact, alors même que les dernières études de l’Anses démontrent que le bilan des expérimentations dans ce domaine reste très mitigé.

Enfin, le comble de cet article est qu’il prévoit de réautoriser les néonicotinoïdes en France. Ce retour en arrière serait inacceptable, au vu notamment des débats qui ont déjà animé le Parlement sur le sujet, et, il faut le rappeler, du nombre de dérogations votées ces dernières années.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article, dont les dispositions déséquilibreraient fortement notre système actuel.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 45.

M. Gérard Lahellec. L’article 2 constitue à nos yeux un retour en arrière, puisqu’il prévoit de réintroduire les néonicotinoïdes.

Les experts scientifiques parmi nous nous expliqueront que tout cela n’est pas bien grave. En réalité, si nous voulons nous fonder sur un avis scientifique, appuyons-nous sur l’existence de nos pôles d’excellence, au premier rang desquels figure l’Anses – qu’on le veuille ou non !

Par ailleurs, ces mesures ne résoudront pas les situations d’impasse auxquelles font face certaines filières agricoles. Elles présenteraient même un risque pour la santé publique et la protection de l’environnement.

Ce sont autant de raisons qui nous conduisent à demander la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Je suis naturellement défavorable à ces trois amendements.

L’article 2 est la clé de voûte de cette proposition de loi – l’une de ses clés de voûte, en réalité, car chacun des articles vise à répondre à une problématique qui mine notre agriculture. Ce n’est donc pas le seul qui contient des dispositions majeures, même s’il est sans doute le plus symbolique, et le plus aisé à caricaturer, j’en ai bien conscience.

Comme sur l’ensemble des articles, je salue l’immense travail qui a été effectué par les auteurs du texte avec la ministre de l’agriculture, qui, il faut le souligner, a obtenu des arbitrages complexes et a mis toute son énergie à chercher des compromis. Nous pouvons en effet l’observer à plusieurs égards.

Malgré tout, un point de blocage majeur avec le Gouvernement demeure. Néanmoins, je ne mésestime pas le chemin parcouru sur l’article 2, notamment concernant l’Anses et les drones.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. J’émets également un avis défavorable.

Les auteurs de ce texte ont identifié des difficultés relatives à l’Anses. Pour autant, leurs propositions ne sont pas adaptées. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement n° 91, qui tend à réécrire les dispositions concernant l’Anses.

Il est en effet prévu dans l’article 2 que le ministre se substitue, dans la prise de décision, au directeur général de l’Anses. Cependant, le ministre serait assujetti au même respect des conclusions d’évaluation que l’Agence ! Cela ne changera rien aux obligations qui lui incombent !

Par ailleurs, quand bien même nous pourrions remettre entre les mains d’un ministre une telle décision, il n’est pas garanti que celui-ci satisfasse toujours les objectifs partagés par une partie ou l’autre de cet hémicycle…

Cette proposition me paraît donc périlleuse. Il faut abandonner cette fausse bonne idée. J’y reviendrai en défendant l’amendement n° 91.

J’insiste toutefois dès à présent : il ne s’est jamais agi, dans mon esprit, de mettre l’Anses sous tutelle. Du reste, le voudrais-je que je ne le pourrais pas, tout simplement parce que les prérogatives du directeur général de l’Anses sont encadrées par des dispositions européennes ! L’Agence ne fonde ses décisions qu’au regard de la santé et de l’environnement. Tel est le cadre législatif européen dans lequel s’inscrit la fonction de son directeur général.

M. Vincent Louault. Parfaitement !

Mme Annie Genevard, ministre. C’est donc parce que nous devons avoir ce débat et examiner mes propositions que j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Nous avons débattu sur la question des drones à l’Assemblée nationale lors de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés de Jean-Luc Fugit. Il me semble que nous ne pouvons pas nous opposer à l’innovation que vantait tout à l’heure M. Louault – car ce n’est rien de moins que cela !

Dans les bananeraies, l’utilisation du drone est préférable, car elle protège l’agriculteur, tandis que l’aspersion depuis le sol l’expose aux produits tout autant que les bananiers traités… (M. Fabien Gay proteste.)

En outre, cette méthode permet un ciblage plus précis que l’aspersion. Là encore, j’aurai des propositions à vous faire, sur la base du texte de M. Fugit.

Enfin, nous aurons l’occasion de débattre plus spécifiquement des néonicotinoïdes.

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.

Mme Vanina Paoli-Gagin. L’urgence est de trouver des alternatives et d’autoriser rapidement leur mise sur le marché, et non pas d’interdire des produits qui sont utilisés ailleurs dans l’Union européenne.

Les arboriculteurs sont particulièrement concernés. Lorsque les cultures pérennes, comme les noisetiers, ne sont pas protégées, il en résulte souvent des maladies, et, à terme, le dépérissement des arbres, puis leur remplacement, ce qui est extrêmement coûteux, puisqu’il faut les replanter.

Vous mangez des gâteaux au praliné ? Vous aimez les noisettes du Piémont ? Eh bien, elles ont été traitées avec ces produits !

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je n’étais pas auprès du berceau lorsque les sénateurs Duplomb et Menonville ont rédigé leur proposition de loi.

Un politique sans scientifique ne vaut rien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Nous pouvons tous plier les gaules : nous voilà au moins d’accord sur une chose !

Toutefois, lors de nos auditions des représentants de l’AESA et de l’Anses, nous avons appris que la France a demandé à trois reprises à la demande de certains ministres, notamment de la transition écologique, la réévaluation de l’acétamipride auprès de la première, qui semblait en avoir tout simplement assez !

Il est complètement anormal de harceler l’AESA, au prétexte qu’une nouvelle étude a été menée, et que ce serait la vérité vraie – on se rappelle l’affaire Séralini, qui avait fait tant de mal… Je tiens à le dire publiquement : ce genre de comportement doit cesser.

Les scientifiques, nous les écoutons ! On entend souvent dire que les agriculteurs seraient antieuropéens. Ce qu’ils me disent, eux, c’est qu’ils voudraient que l’Anses et l’AESA fusionnent (M. Gérard Lahellec renchérit.), pour que toutes les règles soient définies à l’échelon européen. Ça, au moins, ça aurait de la gueule ! Et là, les vrais proeuropéens pourront l’être véritablement. Les agriculteurs me le disent : ils en ont marre de ces histoires franco-françaises. L’Anses et l’AESA devraient être regroupées dans une unité, au niveau européen.

Si tel était le cas, nous n’aurions pas ce débat. Nous ne serions pas embourbés à cause de la loi Biodiversité, dans laquelle le nom d’une molécule est cité, alors que cela n’aurait pas dû être le cas : celui-ci ne peut être précisé que dans un texte réglementaire, pas dans un texte de loi ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je veux revenir sur le cas de la noisette, dont on entend parler en permanence. C’est en effet un sujet central dans la politique agricole française. Je consomme moi-même des noisettes. J’ai des noisetiers tout autour de mon jardin, et ils se portent très bien ! (Sourires.) Cependant, contrairement à certains, je ne fais pas de mon cas particulier un cas général.

Observons la situation à l’échelle de l’Europe. La France reste le premier producteur de noisettes. L’Italie, où l’acétamipride est toujours utilisé, connaît les mêmes baisses de rendement que la France – et il en est de même en Turquie ! (M. Laurent Duplomb proteste.) Je peux vous montrer les courbes qui le prouvent ! La tendance est similaire, parce que la problématique est avant tout celle du réchauffement climatique (Marques dironie sur des travées du groupe Les Républicains.), et non de l’acétamipride.

Revenons sur cette molécule. On connaît bien la fabrique du doute : ce produit serait finalement un peu moins mauvais que les autres.

L’acétamipride a des effets sur le couvain des abeilles, c’est prouvé ! Or 75 % des espèces cultivées ont besoin des pollinisateurs.

La Franche-Comté a ainsi connu une très forte baisse de rendement des cassis. L’analyse de l’Inrae et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a démontré que ce phénomène était lié à l’effondrement de la population de pollinisateurs.

Il faudra bien finir par regarder les choses en face : le nombre de pollinisateurs s’écroule, tout comme, dans un même mouvement, les rendements de certaines productions. La baisse atteint 30 % pour le colza.

En outre, l’acétamipride est rémanent. Moins que les autres molécules, certes, mais tout de même.

Mme Anne-Sophie Romagny. C’est pour ça qu’il a le label « abeilles », justement !

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. J’étais très content d’entendre M. Louault dire qu’il n’y avait pas de politique sans fondement scientifique. Pour autant, il ne faut pas s’arrêter à la dernière étude parue.

Une étude vaut ce qu’elle vaut, mais ce sont les grandes cohortes qui sont intéressantes – prenez par exemple la cohorte américaine Agricultural Health Study, qui suit 60 000 agriculteurs, l’Agrican, qui en suit 180 000, ou encore l’International Lymphoma Epidemiology Consortium (InterLymph), qui regroupe 17 000 patients porteurs de lymphome.

Que disent ces cohortes ? Que les agriculteurs ont été, sont et seront les premières victimes des maladies dues aux pesticides ! Elles prouvent…

M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas ce qui se passe !

M. Bernard Jomier. M. Duplomb n’est pas d’accord, parce qu’il conteste la science en permanence pour servir d’autres intérêts ! C’est dramatique ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Jomier a la parole.

M. Bernard Jomier. M. Louault a raison de nous inviter à regarder la réalité en face avant de procéder aux arbitrages politiques !

En matière de santé, trois cancers touchent les agriculteurs dans des proportions 30 % à 70 % supérieures à la population générale. Et d’ailleurs, ces cancers ont été inscrits au tableau des maladies professionnelles, non du régime général, mais du régime agricole !

Pourquoi nier que les agriculteurs sont victimes de maladies dues aux pesticides ? Je ne comprends pas pour quelles raisons vous refusez une réflexion dépassionnée sur cette question.

Mme Anne-Sophie Romagny. Quel est le rapport avec l’acétamipride ?

M. Bernard Jomier. Les chiffres sont là, depuis les années 1990 ! Maintenant, il s’agit d’en minimiser les effets, et, par conséquent, l’usage des pesticides.

Vous avez évoqué l’utilisation de ces produits, mais il faut aussi rappeler le phénomène de réentrée avec les semences enrobées. Tout cela a des conséquences sur la santé.

Aussi, regardons des données scientifiques et prenons nos décisions en conséquence. (MM. Daniel Salmon et Guillaume Gontard applaudissent.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

M. Franck Menonville. Je veux faire un rappel scientifique. Que pensez-vous de la divergence entre l’avis publié par l’Anses en 2016 et celui de l’AESA, favorable à l’autorisation de mise sur le marché jusqu’en 2033, après de nombreux investigations et contrôles pour validation ?

Je l’ai dit à l’occasion de la discussion générale : il ne me semble pas que l’Europe ait la main qui tremble en matière de normes et d’exigences dans les domaines de l’environnement et de la santé publique, dès lors qu’il est question d’interdire une matière active qui ne répondrait pas à un certain nombre de critères. C’est cela aussi, la science.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je crois que nous nous trompons de combat. Vous dites que ces substances sont dangereuses. Je l’entends, mais nous sommes aussi ici pour faire de la politique.

Nous sommes pris entre les États-Unis et leur nouveau président, d’un côté, et l’Asie, de l’autre, dans une compétitivité extrême. Plus que jamais, l’Union européenne doit faire bloc.

Dans ce contexte, même si j’entends vos propos, comment la France peut-elle pénaliser ses agriculteurs vis-à-vis de ses voisins ? C’est donc à l’échelon de l’Union européenne que vous devriez porter ce combat ! C’est ainsi seulement que nous parviendrons à davantage de cohérence entre tous les États membres dans l’utilisation de ces produits. Vous avez raison, donc, mais le débat doit avoir lieu non pas ici, mais au niveau européen.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. Dans ce débat, méfions-nous des conclusions un peu trop hâtives. Rapportons-nous à une autre science, à savoir l’épidémiologie. Il y a quelques années, preuve a été faite de l’existence de liens directs entre certaines maladies professionnelles touchant les agriculteurs, notamment les viticulteurs, et l’utilisation de plusieurs substances organophosphorées et organochlorées. Celles-ci provoquaient des maladies de Parkinson et des tumeurs cérébrales avec des taux jusqu’à onze fois plus importants que dans la population générale.

Dans ces cas précis, il y avait bien une preuve scientifique. Mais il est trop facile de mettre tous les cancers des agriculteurs sur le dos des pesticides ! (M. Daniel Salmon proteste.) Bien sûr, cela arrange quelques juristes qui promettent des indemnisations. Pour autant, il arrive que des personnes, qui ne travaillent pas dans ce milieu et qui ne sont pas en contact avec ces produits, développent les mêmes cancers ! Attendons d’avoir des preuves.

Je reviens aux néonicotinoïdes. En 2015, avec Nicole Bonnefoy et Joël Labbé, notamment, j’ai voté dans cet hémicycle l’interdiction de ces produits pour protéger les populations d’abeilles. Or cette mesure n’a pas eu de résultat. En effet, le problème est multifactoriel. Personne n’a parlé des reines importées de pays d’Europe de l’Est qui ne se sont pas acclimatées ni des frelons asiatiques ! Les néonicotinoïdes n’étaient pas seuls responsables des problèmes relatifs aux abeilles. Soyons donc prudents.

M. Daniel Salmon. C’est la mondialisation qui est en cause.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Mon intervention a valeur de rappel au règlement. M. Jomier a insulté publiquement l’un de ses collègues dans l’hémicycle, il y a quelques minutes. (M. Bernard Jomier le conteste.) Je considère qu’il devrait donc lui présenter ses excuses publiquement. (Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Et cela vient de quelqu’un qui m’avait lui-même insultée en 2014…

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Rappelons-nous l’exemple de l’amiante. Son danger pour l’homme a été découvert dès le début du XXe siècle, mais il a fallu un siècle de combats pour obtenir son interdiction en 1997 !

La première réglementation pour protéger les travailleurs et travailleuses n’a été adoptée qu’en 1977. Pourtant, la maladie professionnelle était reconnue depuis 1945. L’évolution a été lente…

Il en est de même pour le chlordécone. Ses effets nocifs ont été mis au jour trente ans avant son interdiction totale !

On peut bien sûr débattre. Les pesticides servent un modèle intensif inventé pour soulager les agriculteurs, produire plus, nourrir plus.

M. Pierre Médevielle. On en a tous profité !

M. Fabien Gay. Bien sûr, nous en avons tous profité. Mais Henri Cabanel pose une question centrale. Nous connaissons désormais les méfaits de l’acétamipride sur la biodiversité, en particulier sur les abeilles, mais aussi sur les humains. En effet, ce qui est nocif pour les premières l’est tout autant pour le reste du vivant. Il ne faudrait pas croire que seules les abeilles seraient les victimes de ces produits, tandis que l’homme pourrait continuer à les épandre sans que cela pose problème.

Cependant, depuis l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018, aucune alternative n’a été favorisée. Et c’est la deuxième ou troisième fois qu’il est demandé au Parlement de prolonger l’utilisation de l’acétamipride, en raison de cette absence d’alternative.

M. Laurent Duplomb. Il fallait trouver une alternative !

M. Fabien Gay. Mais faire cela ne revient qu’à reculer pour mieux sauter !

Cette remise en question ne résoudra rien sur le long terme. Toutes et tous, dans la diversité de nos opinions, nous savons que les conséquences se font ressentir non seulement pour les abeilles, mais aussi pour l’homme.

Depuis 2018, à chaque fois que nous revenons sur cette interdiction, nous retardons l’ensemble des alternatives qui seraient bonnes pour le vivant, pour la planète, et surtout pour nos agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Il y a des alternatives aux néonicotinoïdes, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire. Un travail est mené à ce sujet par l’Inrae. (Cest faux ! sur des travées du groupe INDEP.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Pas sur l’acétamipride !

M. Jean-Claude Tissot. Je croyais que l’on s’écoutait !

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Tissot. Je disais donc qu’il existe des alternatives, comme l’a notamment démontré l’Inrae. Mais vous ne voulez pas engager le moindre changement, parce que cela est compliqué. J’en conviens !

La culture des endives en est bien la preuve : c’est la onzième année consécutive que les producteurs bénéficient d’une dérogation, alors qu’il existe des solutions alternatives. (M. Vincent Louault proteste.) De même, je n’entrerai pas dans les détails techniques, mais il est possible de combattre autrement la jaunisse de la betterave : d’importantes cohortes l’ont démontré – je ne parle pas de simples études portant sur un demi-hectare de terrain…

Monsieur le rapporteur, vous avez été producteur. Je reconnais qu’il est souvent compliqué d’instaurer ces alternatives. Il faut accompagner les agriculteurs. Mais c’est précisément ce que nous faisons, depuis longtemps. Désormais, il faut le dire fermement : les néonicotinoïdes, c’est terminé ! (M. Daniel Salmon applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je veux revenir sur la relation entre l’AESA, au niveau européen, et l’Anses, à l’échelon national. Je partage ce qui a été dit à ce sujet.

Au fond, notre débat porte sur la distorsion qui peut s’observer entre l’avis émis par l’AESA, qui se prononce sur les substances, et celui de l’Anses ou de ses homologues dans les États membres, qui concerne les produits. C’est en effet le cadre réglementaire actuel.

Je suis tout à fait d’accord avec ceux d’entre vous qui préconisent de s’en tenir à un seul niveau d’évaluation, qui serait en l’occurrence européen. Cela nous épargnerait en effet d’interminables débats, comme celui que nous allons avoir sur l’acétamipride. De même, cela éviterait les distorsions de concurrence résultant de surtranspositions.

Je suis donc favorable à cette idée. L’initiative de cette démarche revient aussi bien au ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire qu’au ministère de la transition écologique.

L’échelon européen est un bon niveau d’arbitrage, d’analyse et de partage de l’information sur les produits phytopharmaceutiques. C’est une voie prometteuse qu’il faut explorer.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 10 et 45.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 91, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° Au premier alinéa de l’article L. 1313-5, après le mot : « État », sont insérés les mots : « et après en avoir informé ses tutelles » ;

II. – Alinéas 12 à 14

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

1° Après l’article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 253-8-4 ainsi rédigé :

« L. 253-8-4. – I.- Constitue un usage prioritaire toute solution permettant de lutter contre un organisme nuisible ou un végétal indésirable qui affecte ou est susceptible d’affecter de manière significative le potentiel de production agricole et alimentaire lorsque les alternatives sont inexistantes, insuffisantes, ou susceptibles de disparaître à brève échéance.

« II. – Un conseil d’orientation pour la protection des cultures suit la disponibilité des méthodes et moyens de protection des cultures, chimiques et non chimiques.

« Il avise le ministre chargé de l’agriculture des usages qu’il considère prioritaires.

« III. – Le ministre chargé de l’agriculture fixe par arrêté, après avis du conseil d’orientation pour la protection des cultures, la liste des usages prioritaires.

« IV. – L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail établit, pour les usages prioritaires, un calendrier d’instruction des demandes tenant compte du cycle cultural et s’emploie à le respecter. Ce calendrier est présenté au conseil d’orientation pour la protection des cultures.

« V. – Un décret précise les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de fonctionnement et la composition du conseil d’orientation pour la protection des cultures. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Comme je l’indiquais aux sénateurs qui préconisaient la suppression de l’article 2, voici une alternative qui permet de répondre aux difficultés posées par la version actuelle du texte concernant l’Anses.

J’insiste : l’Anses délivre ses avis de manière indépendante. La réglementation européenne précise que l’Anses prend ses décisions en tenant compte des risques pour la santé et l’environnement, et non au regard de considérations économiques. Il est important de rappeler ce contexte réglementaire, auquel on ne peut déroger.

Toutefois, lors de la reprise des travaux du comité des solutions que j’ai réuni lors de ma prise de fonctions, il est apparu que l’organisation des travaux de l’Anses pouvait être améliorée sur trois points.

Premièrement, il est nécessaire de prioriser les décisions de l’Anses, qui s’échelonnent actuellement sur trois niveaux.

D’abord, l’Inrae et les instituts techniques assurent la recherche fondamentale afin de mettre au point des alternatives aux produits phytopharmaceutiques.

Ensuite, à moyen terme, le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) doit préparer le retrait des molécules probables afin d’aider les filières concernées.

Enfin, il est parfois nécessaire d’apporter une réponse urgente. La filière de la noisette, par exemple, se trouve en situation d’urgence vitale.

Ainsi, par cet amendement, je propose que l’Anses priorise ses travaux sur les filières les plus à risque. Cela relève, me semble-t-il, du bon sens.

Deuxièmement, je souhaiterais demander à l’Anses d’informer les tutelles, dont les deux principales sont les ministères de l’agriculture et de la transition écologique. Nous avons besoin d’être informés des travaux de l’Anses et de leur priorisation. Il est incompréhensible que je puisse apprendre le retrait de certaines molécules par la presse ou par les professionnels du secteur. La tutelle doit être tenue informée des travaux conduits par l’Anses.

Troisièmement, je propose la création d’un conseil d’orientation pour la protection des cultures, qui émettra des avis pour que soient orientés vers telle ou telle filière, par priorité, les travaux de l’Anses.

Cet amendement ne revient aucunement sur l’indépendance de l’Anses, qui est garantie non seulement par la loi, mais aussi par le droit conventionnel.

C’est la raison pour laquelle je vous propose cet amendement, au nom du Gouvernement, qui a notamment été travaillé avec les ministères qui ont la tutelle de l’Anses.

En résumé, il s’agit donc de mieux prioriser, de créer un conseil d’orientation pour la protection des cultures et de renforcer l’information des tutelles.