Malgré tout, comme nos collègues, nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Messieurs les sénateurs, je comprends votre interrogation. Lorsqu'on renvoie des dispositions à des ordonnances ou à des décrets, on fait face à chaque fois à la même interrogation : l'intention du législateur sera-t-elle respectée ?
M. Daniel Salmon. Tout à fait !
Mme Annie Genevard, ministre. Sachez que, sur ce qu'il aura décidé, le législateur pourra toujours revenir si les garanties sur lesquelles le Gouvernement s'est engagé ne sont pas remplies.
Permettez-moi de vous donner un exemple.
Je vous ai dit qu'il restera important de garantir la qualité du conseil. Comment la garantit-on ? Par la formation du conseiller : il faut qu'il sache de quoi il parle. Peut-être faudrait-il aussi distinguer le conseiller qui est dédié au conseil de celui qui est dédié à la vente. Vous le voyez, le décret permettra de préciser un certain nombre de choses.
S'agissant par ailleurs de la prévention des conflits d'intérêts, je vous rappelle que cet amendement ne tend pas à abroger totalement la séparation de la vente et du conseil : notamment, l'activité de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques resterait interdite aux fabricants desdits produits. Cet élément a son importance.
En tout état de cause, on ne peut pas rester en l'état, parce qu'aujourd'hui le dispositif ne remplit pas son office. Si, demain, après avoir laissé le temps au dispositif de faire ses preuves, il s'avère qu'il ne le remplit pas davantage, nous y reviendrons. Je le redis, le législateur pourra toujours le modifier – c'est un point très important.
Ce que je souhaite, c'est que l'activité de conseil se développe. Il convient donc de voter les dispositions les plus appropriées aux objectifs que nous voulons tous voir atteints.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, tâchons d'être le plus précis possible. Pour que tout le monde comprenne bien, je vais récapituler, sous votre contrôle, ce que nous venons de voter ou ce que nous nous apprêtons à voter dans le cadre de l'article 1er.
Tout d'abord, nous n'avons pas supprimé l'interdiction des remises, rabais et ristournes.
Mme Annie Genevard, ministre. On y vient !
M. Laurent Duplomb. Nous n'avons pas supprimé la séparation du conseil et de la vente pour les fabricants de produits phytosanitaires.
M. Laurent Duplomb. En revanche, nous avons supprimé la séparation du conseil et de la vente pour les distributeurs, ceux qui distribuent les produits phytopharmaceutiques aux agriculteurs et qui auront la possibilité de les conseiller. Est-ce bien cela ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Merci, monsieur le sénateur Duplomb, vous avez parfaitement résumé la position du Gouvernement. (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Très bien ! Votons !
M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
certifiés, notamment pour leurs connaissances
par les mots :
compétents
II. – Alinéa 18
Remplacer la référence :
L. 254-6-2
par la référence
L. 254-6-4
III. – Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Un décret définit les exigences relatives à l'exercice de la fonction de conseiller mentionnée au I du présent article, notamment en matière de formation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Cet amendement de précision rédactionnelle vise à retirer l'obligation pour les conseillers d'être certifiés, afin d'élargir suffisamment le vivier de ces experts. L'absence de certification permettrait d'éviter un certain nombre de complexités administratives, à plus forte raison lors de la phase de lancement du conseil stratégique global, qui devra faire l'objet d'une massification rapide pour produire tous les effets escomptés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Gacquerre, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Alinéa 17
1° Remplacer les mots :
en gestion économe
par les mots :
en utilisation efficace, économe et durable
2° Après les mots :
viabilité
insérer les mots :
et la pérennité
La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Le sous-amendement n° 107, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement 33, alinéas 6 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Il s'agit également d'un sous-amendement rédactionnel.
Sous réserve de son adoption, la commission émettra un avis favorable sur l'amendement n° 33 rectifié nonies.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 107 et, de facto, à l'amendement n° 33 rectifié nonies, ainsi modifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié nonies, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
…°Au cinquième alinéa du I de l'article L. 254-2 du code rural et de la pêche maritime, les mots « aux 1° et 2° du II de l'article L. 254-1 » sont remplacés par les mots « au 1° du II de l'article L. 254-1 » ;
…° L'article L. 254-10-1 du même code est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots : « auprès desquelles la redevance pour pollutions diffuses est exigible, mentionnées au IV de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement » sont remplacés par les mots : « exerçant les activités mentionnées au 1° du II de l'article L. 254-1 » ;
b) Au II, les mots : « L'autorité administrative notifie à chaque obligé pour les périodes du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 et du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021, puis, à compter du 1er janvier 2022, pour chaque période successive d'une durée fixée par décret en Conseil d'État, dans la limite de quatre ans » sont remplacés par les mots : « L'autorité administrative notifie à chaque obligé, pour chaque période successive ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à recentrer le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques sur ceux qui sont réellement concernés par la mesure.
Vous le savez, ces certificats encouragent la diffusion des pratiques économes en produits phytosanitaires. Ce dispositif a été lancé en 2016, initialement sous la forme d'une expérimentation centrée sur les distributeurs. Cependant, lorsque la loi Égalim les a pérennisés, le périmètre a été élargi à d'autres acteurs, à savoir les déclarants à la redevance pour pollutions diffuses.
Cependant, l'élargissement du dispositif crée des difficultés, car ces acteurs ne disposent pas des leviers auxquels ont recours les distributeurs pour promouvoir des solutions alternatives et, donc, pour générer des certificats.
En outre, ces acteurs ne représentent qu'une très faible proportion – 1 % – des obligations générées par le dispositif, essentiellement, d'ailleurs, dans les zones frontalières.
Dans ce cadre, il me paraît nécessaire, comme le Gouvernement s'y est engagé, de procéder à une simplification administrative en recentrant le dispositif sur les distributeurs de produits phytopharmaceutiques.
M. Vincent Louault. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Par cet amendement, madame la ministre, vous témoignez de votre capacité, quand les dispositifs n'ont pas démontré leur efficacité, à le reconnaître. On ne peut que vous remercier pour cela.
Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 177 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 230 |
Contre | 105 |
Le Sénat a adopté.
Article 2
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° (nouveau) Après le troisième alinéa de l'article L. 1313-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle contribue à encourager l'innovation par l'émergence de technologies nouvelles pour répondre aux défis environnementaux, en particulier des technologies et filières de production de fertilisants agricoles sur le sol national, des filières de produits biosourcés et de la chimie végétale, des technologies relevant de l'article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime et des nouvelles techniques génomiques. » ;
2° (nouveau) L'article L. 1313-5 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le directeur général peut, à l'occasion de l'instruction d'un dossier relevant du onzième alinéa du même article L. 1313-1, s'en remettre à la décision du ministre chargé de l'agriculture. Le ministre chargé de l'agriculture peut évoquer un dossier relevant du même onzième alinéa et statuer sur ce dossier. » ;
a) (Supprimé)
b) (nouveau) Après le second alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre chargé de l'agriculture peut demander à l'établissement d'examiner en priorité un dossier relevant du onzième alinéa de l'article L. 1313-1. »
3° (nouveau) Le deuxième alinéa de l'article L. 1313-6-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché peut également se saisir des mêmes questions. »
II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre III du titre V du livre II est complétée par un article L. 253-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 253-1-1. – Un retrait d'autorisation ou une modification de l'autorisation d'utilisation visant à restreindre l'usage d'un produit emporte l'obligation pour l'État de financer un accompagnement technique et de recherche adapté pour les professionnels.
« Dans le cas d'une décision de retrait, et sous réserve de l'article 46 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, le délai de grâce est systématiquement porté à six mois pour la vente et la distribution, et à un an supplémentaire pour l'élimination, le stockage et l'utilisation des stocks existants. » ;
2° L'article L. 253-8 est ainsi modifié :
a) Le second alinéa du I est remplacé par un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Par dérogation au I, la pulvérisation aérienne par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques au sens du règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, de produits de biocontrôle mentionnés à l'article L. 253-6 et de produit autorisés en agriculture biologique est autorisée s'il n'y a pas d'autre solution viable, lorsqu'elle présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre ou en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maitrisé par d'autres moyens.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé définit les conditions de la présente dérogation, conformément à l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. » ;
b) Les II et II bis sont abrogés ;
3° L'article L. 253-8-3 est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l'article.
Mme Nicole Bonnefoy. Avec cet article 2, nos collègues de la droite sénatoriale veulent parachever leur projet pour l'agriculture française en ligotant l'Anses et en ne lui permettant pas d'exercer son rôle en matière d'autorisations de mise sur le marché des pesticides.
Face à une telle volonté de dérégulation de l'usage des pesticides, y compris pour des produits interdits comme les néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d'abeilles, le rapporteur a lui-même reconnu que le dispositif initial était contraire au droit européen.
La France peut s'enorgueillir d'une expertise scientifique très pointue en matière d'évaluation de la dangerosité de telle ou telle molécule. Les rapports de l'Anses sont exemplaires dans ce domaine. Au lieu de nous féliciter de disposer d'un tel outil, profitable à la santé publique, nous préférons présenter ce type de proposition législative, qui ne fait que jeter le discrédit sur l'Agence, au motif qu'elle créerait une distorsion de concurrence. Je signale au passage que, lorsque l'Anses retire une substance de la vente, elle veille à accorder un délai de grâce pour permettre l'écoulement des stocks.
Face à cette inversion des valeurs qui privilégie le nivellement par le bas de nos normes sanitaires et environnementales, je crois nécessaire de rappeler que ces interdictions de mise sur le marché sont ordonnées non pas pour entraver les travaux agricoles, mais pour protéger la santé des sols et, bien évidemment, celle des travailleurs de la terre.
Je terminerai en évoquant la question de la réorientation de l'épandage aérien. Nous atteignons là le summum de l'ineptie : revenir sur l'interdiction de cette technique interdite depuis 2009 par la loi Grenelle, sur cet acquis écologique, est la marque d'une volonté de détruire le droit de l'environnement.
Par de telles propositions, mes chers collègues, vous cherchez à ériger la législation contre la science, laquelle démontre factuellement la dispersion de ces produits sur d'autres parcelles ou encore vers les habitations. Dépourvues de toute rationalité, la totalité des mesures figurant dans cet article sont une négation de l'impact des pesticides sur l'environnement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, sur l'article.
M. Vincent Louault. Je ne parlerai pas du fond, dans la mesure où beaucoup d'amendements du Gouvernement n'ont été déposés que deux heures avant le début de l'examen de ce texte. Ce qui est sûr, c'est qu'il existe une différence de perception de ce que doit être le rôle de l'innovation chez nos collègues situés à la gauche de cet hémicycle, notamment sur la question des drones.
Quand on voit tout l'intérêt de la pulvérisation par drone pour traiter les vignes, on devrait sécuriser le recours aux drones pour des cultures telles que la banane. Comparer cette technique de pulvérisation aux traitements phytosanitaires par hélicoptère – et assimiler le cadre réglementaire à mettre en œuvre avec la législation mise en place pour l'épandage par hélicoptère –, pardonnez-moi l'expression, mais c'est un peu fort de café !
Encore une fois, l'objectif ne doit pas être de fermer toutes les portes à l'innovation, sauf à condamner notre pays à regarder passer les trains. Déjà que c'est mal barré dans beaucoup de secteurs ! Il s'agit ici de préserver nos capacités d'innovation.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l'article.
M. Bernard Jomier. Cet article modifie le code de la santé publique et a des implications importantes, non seulement sur la procédure applicable aux produits phytopharmaceutiques, mais aussi dans de nombreux autres domaines. En effet, seraient concernés l'ensemble du périmètre des décisions prises par l'Anses, l'ensemble des actes relatifs aux médicaments vétérinaires, à l'agrément des laboratoires pour le contrôle sanitaire des eaux, aux procédés de traitement des eaux, aux produits phytopharmaceutiques, aux fertilisants, aux produits biocides et aux additifs destinés à l'alimentation animale.
Ce principe d'information préalable des tutelles de tout projet de décision pris au nom de l'État que vous souhaitez inscrire dans la loi est très préoccupant. En effet, il est problématique, après avoir confié des compétences propres à une agence de sécurité sanitaire, d'imposer la présence et le regard des tutelles sur chacun de ses actes, en exigeant une information préalable de celles-ci sur chaque dossier.
Cela introduit une confusion sur la notion de tutelle : celle-ci s'exerce, de façon tout à fait légitime, sur la gouvernance et la gestion d'un établissement public, et non pas sur l'exercice des missions qui sont confiées à ce dernier. Il serait inimaginable d'introduire un tel dispositif pour l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui est le pendant de l'Anses en matière de médicaments à usage humain.
Cela est encore plus inconcevable lorsque l'on considère le contexte qui a conduit à la naissance de cette agence sous sa forme actuelle : l'affaire du Mediator a bien montré qu'il importait de préserver les décisions de cette nature de toute tentative d'influence.
Je rappelle, à toutes fins utiles, que le code de la santé publique préserve déjà la capacité de l'État à revenir sur les décisions de l'Anses. En effet, la ministre de l'agriculture a la faculté de s'opposer à toute décision émise par cette agence par arrêté motivé et de demander le réexamen d'un dossier, en l'attente duquel cette décision est suspendue.
Aussi, l'article 2 a une portée qui dépasse largement la question qui nous est posée aujourd'hui. Il introduit un précédent tout à fait fâcheux.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, sur l'article.
Mme Anne-Sophie Romagny. Mes chers collègues, il me semble important, à ce stade de l'examen de la présente proposition de loi, d'expliquer ce qu'est l'acétamipride, afin que nous évitions de tomber dans le dogmatisme politique, qui consisterait, volontairement ou involontairement, à ne pas faire le distinguo entre les différentes formes de néonicotinoïdes.
Un peu de pédagogie et d'éclairage scientifique me semblent importants, afin d'être le plus juste et le plus objectif possible. Les néonicotinoïdes forment une famille de substances chimiquement hétérogènes, dont la structure varie fortement. L'acétamipride se distingue précisément par sa structure chimique ; il est reconnu pour sa faible persistance dans l'environnement et son faible niveau de toxicité pour les abeilles. (Exclamations et moues dubitatives sur les travées des groupes GEST et SER.) Cet insecticide a même reçu le label « abeilles ». (Marques de désapprobation sur les mêmes travées des groupes.)
M. Daniel Salmon. N'importe quoi !
Mme Anne-Sophie Romagny. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) et l'Anses ont rendu de multiples rapports à ce sujet en 2011, 2016, 2021 et 2022. De nouvelles études toxicologiques ont encore eu lieu en 2023 et 2024. Dans une publication de janvier 2022, le groupe scientifique de l'AESA sur les produits phytopharmaceutiques et leurs résidus a conclu qu'il n'existait aucune preuve d'un risque plus élevé associé à l'acétamipride par rapport à l'évaluation antérieure en ce qui concerne la biodiversité, la génotoxicité, la toxicité pour le développement et la neurotoxicité, y compris la neurotoxicité développementale et l'immunotoxicité.
L'AESA est parvenue à la conclusion que, d'une manière générale, les informations fournies ne démontraient pas que l'acétamipride était susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement.
Rappelons que l'acétamipride est aujourd'hui utilisé partout en Europe, sauf en France.
Il me semblait important de partager ces informations avant de poursuivre nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. Vincent Louault. Bravo !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Daniel Salmon. Nous souhaitons supprimer l'article 2, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, je rappelle que le rapporteur a modifié les dispositions initiales de cet article concernant la mise sous tutelle de l'Anses, car elles n'étaient clairement pas en conformité avec le droit de l'Union européenne. Pour autant, la mise en cause de l'indépendance du travail de l'Anses reste problématique. Le présent article permet en effet au directeur général de l'Agence de s'en remettre au ministre de l'agriculture concernant la délivrance, la modification et le retrait des autorisations de mise sur le marché et l'expérimentation de produits phytopharmaceutiques.
Ainsi, le dispositif reste potentiellement non conforme aux règlements européens, qui disposent que l'évaluation en vue d'une autorisation de mise sur le marché d'un produit doit être indépendante, objective et transparente au regard des connaissances scientifiques et techniques actuelles. S'en remettre au ministre chargé de l'agriculture créerait un doute sérieux quant au respect de ces critères.
Le fait de confier cette possibilité au directeur général de l'Anses constitue également un problème en soi, puisque l'on peut craindre que cela ne nuise à l'indépendance de l'évaluation, en cas de pression extérieure pour qu'il la délègue. Rien ne justifie cette mise sous tutelle. L'Anses rappelle elle-même que son indépendance et celle de ses agents sont un critère essentiel de la qualité, de la légitimité et de la crédibilité de l'expertise scientifique qu'elle met en œuvre.
Ensuite, et même si je me suis déjà exprimé à ce sujet lorsque j'ai défendu la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, je précise que l'Anses considère qu'il n'y a aucun intérêt avéré à l'usage des drones à l'heure actuelle. Dans un tel cas, c'est donc le principe de précaution qui s'applique. Certes, les drones ne sont pas des hélicoptères, mais ils utilisent pour la plupart des adjuvants pour éviter toute dérive de pulvérisation : or chacun sait que les cocktails pesticides-adjuvants perturbent encore plus l'environnement et créent davantage encore de risques.
Sur les néonicotinoïdes, je m'exprimerai à ce sujet tout à l'heure, malgré le beau plaidoyer pour l'acétamipride que je viens d'entendre…
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à supprimer l'article 2. Si celui-ci était définitivement adopté par le Parlement en l'état, cela signerait un retour en arrière de plus de dix ans sur la réglementation encadrant les pesticides.
En effet, l'article 2 tend à remettre en cause le cadre existant en matière d'autorisation et d'usage des pesticides, tout en tendant à affaiblir la position de l'Anses, qui serait placée sous tutelle.
Mon groupe s'oppose ainsi à la mise en place d'un délai de grâce systématique en cas de retrait d'une autorisation de mise sur le marché d'un pesticide. Dans la version actuelle de l'article, ce délai pourrait s'étendre jusqu'à dix-huit mois, ce qui semble extrêmement long, notamment si cette décision venait à se fonder sur un risque grave et avéré pour la santé humaine ou l'environnement.
Cet article vise également à introduire une balance des bénéfices-risques en matière d'AMM, qui reposerait notamment sur les risques de distorsion de concurrence.
Je le redis avec fermeté : en matière d'autorisation ou de retrait d'AMM d'un produit chimique, une évaluation des bénéfices-risques ne peut en aucun cas se fonder sur des critères purement économiques. L'évaluation doit avant tout prendre en compte l'impact d'un produit sur la santé humaine et l'environnement.
Par ailleurs, cet article tend à réautoriser l'épandage aérien alors même que cette technique présente des risques supérieurs d'exposition et de dérives.
Pour autant, nous avons bien conscience de la réalité de certains territoires, notamment en outre-mer. À ce titre, nous ne sommes pas opposés à entamer une réflexion pour que des aménagements puissent être trouvés dans ces territoires, dès lors que toutes les garanties de sécurité pour l'homme et l'environnement sont réunies.
Cependant, nous refusons que cela se fasse au détour d'une proposition de loi dépourvue d'étude d'impact, alors même que les dernières études de l'Anses démontrent que le bilan des expérimentations dans ce domaine reste très mitigé.
Enfin, le comble de cet article est qu'il prévoit de réautoriser les néonicotinoïdes en France. Ce retour en arrière serait inacceptable, au vu notamment des débats qui ont déjà animé le Parlement sur le sujet, et, il faut le rappeler, du nombre de dérogations votées ces dernières années.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article, dont les dispositions déséquilibreraient fortement notre système actuel.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Gérard Lahellec. L'article 2 constitue à nos yeux un retour en arrière, puisqu'il prévoit de réintroduire les néonicotinoïdes.
Les experts scientifiques parmi nous nous expliqueront que tout cela n'est pas bien grave. En réalité, si nous voulons nous fonder sur un avis scientifique, appuyons-nous sur l'existence de nos pôles d'excellence, au premier rang desquels figure l'Anses – qu'on le veuille ou non !
Par ailleurs, ces mesures ne résoudront pas les situations d'impasse auxquelles font face certaines filières agricoles. Elles présenteraient même un risque pour la santé publique et la protection de l'environnement.
Ce sont autant de raisons qui nous conduisent à demander la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Je suis naturellement défavorable à ces trois amendements.
L'article 2 est la clé de voûte de cette proposition de loi – l'une de ses clés de voûte, en réalité, car chacun des articles vise à répondre à une problématique qui mine notre agriculture. Ce n'est donc pas le seul qui contient des dispositions majeures, même s'il est sans doute le plus symbolique, et le plus aisé à caricaturer, j'en ai bien conscience.
Comme sur l'ensemble des articles, je salue l'immense travail qui a été effectué par les auteurs du texte avec la ministre de l'agriculture, qui, il faut le souligner, a obtenu des arbitrages complexes et a mis toute son énergie à chercher des compromis. Nous pouvons en effet l'observer à plusieurs égards.