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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur de la présidente du Bundesrat, Mme Anke Rehlinger. (Applaudissements.)
Mme Rehlinger est accompagnée de notre collègue Ronan Le Gleut, président du groupe d’amitié France-Allemagne, dont je salue la forte mobilisation, ainsi que celle des sénateurs membres de ce groupe, en faveur du renforcement des liens avec le Bundesrat.
Cette visite revêt une portée particulière, puisque ce 22 janvier est le jour anniversaire du traité de l’Élysée, signé voilà soixante-deux ans par le général de Gaulle et par le chancelier Konrad Adenauer, ainsi que du traité d’Aix-la-Chapelle, signé en 2019 par le président Emmanuel Macron et par la chancelière Angela Merkel.
J’ai tenu à ce que la visite de la présidente Rehlinger ait toute sa place, en cette année où nous célébrons à la fois le cent cinquantième anniversaire du Sénat de la République et le quatre-vingtième anniversaire du rétablissement du parlementarisme par le général de Gaulle, dans cet hémicycle même.
J’ai moi-même participé à Bonn, le 7 septembre dernier, au soixante-quinzième anniversaire de la première session du Bundesrat, où j’ai eu l’honneur de prononcer une intervention solennelle sur la relation franco-allemande.
Lors de l’audience à laquelle ont pris part nos collègues Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, ainsi que bien entendu Ronan Le Gleut et Audrey Linkenheld, respectivement président et secrétaire du groupe d’amitié France-Allemagne, nous avons pu aborder de nombreux sujets avec mon homologue de la haute assemblée allemande.
Dans ces temps incertains pour la sécurité collective en Europe, dans l’attente des orientations qui présideront à la relation transatlantique et alors que plusieurs États membres de l’Union européenne traversent des turbulences politiques, le couple franco-allemand conserve plus que jamais sa pertinence. La diplomatie parlementaire y a toute sa part.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, je souhaite à Mme la présidente Anke Rehlinger la plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française ! (Applaudissements.)
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
défense du service public
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, lors de votre première intervention devant le Sénat, la semaine dernière, vous avez souligné notre désaccord sur la question cruciale du service public.
Alors que je vous alertais sur les conséquences de votre politique libérale orthodoxe, dont l’alpha et l’oméga sont la réduction continue de la dépense publique, et donc la destruction du service public, vous m’avez répondu avec un aplomb certain – je dois le reconnaître – que notre pays ne manquait pas de services publics et que seule leur inefficacité était en cause.
Quel dogme peut ainsi vous aveugler au point de nier la disparition ou l’agonie de grands services publics dans nos zones rurales comme dans nos quartiers populaires ?
Ignorez-vous la désertification médicale, l’éloignement progressif du service public de la santé des populations ? La question de la santé est cruciale. N’êtes-vous pas frappé par les graves difficultés rencontrées par l’hôpital public pour faire face à l’épidémie de grippe ? Sont-elles imputables, selon vous, à l’inefficacité du personnel ?
Monsieur le Premier ministre, vous qui fûtes ministre de l’éducation nationale, ne constatez-vous pas les défaillances actuelles de notre système éducatif : contractualisation à outrance, sous-rémunération des enseignants, mépris à l’égard des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), quasi-disparition de la médecine ou de la psychologie scolaires ? À cette liste, on pourrait aussi ajouter les difficultés financières des collectivités territoriales, notre dernier rempart.
Pourtant, vous maintenez le cap de l’austérité. Certes, comme vous l’avez dit, on trouve pire ailleurs, en Europe et dans le monde, mais les services publics ont toujours fait la grandeur de la France ; ils sont le ciment de notre société.
Monsieur le Premier ministre, votre refus de redresser le service public, confirmé par les coupes budgétaires de plus de 10 milliards d’euros que vous tentez d’imposer lors de l’examen du projet de loi de finances au Sénat, trouve sa source dans votre opposition à toute politique cohérente et durable de nouvelle répartition des richesses. Comptez-vous infléchir votre politique dans un autre sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Madame la présidente Cukierman, nous avons une différence d’appréciation. Je ne nie pas les difficultés que vous avez évoquées. Je prendrai l’exemple de la santé. Le problème de ce secteur, c’est que nous n’avons pas formé assez de médecins depuis quarante ans, à cause d’un accord entre les gestionnaires de la sécurité sociale, l’État et les professions médicales pour mettre en œuvre une politique, que l’on peut qualifier de malthusienne, tendant à limiter le nombre des médecins, car cela pouvait apporter des avantages à chacun.
Toutefois, je ne crois pas que nos services publics soient au bord du naufrage que vous avez décrit. Ils bénéficient d’un énorme soutien.
J’ai souri en vous entendant dire que nous menions une politique libérale effrénée…
M. Mickaël Vallet. « Orthodoxe » !
M. François Bayrou, Premier ministre. Je vous propose de communiquer votre intervention à divers organes de presse qui ne semblent pas partager exactement votre vision…
Je voudrais simplement vous rappeler les efforts que nous avons faits dans ce budget en faveur du service public.
Dans le domaine de l’éducation, j’ai souhaité que nous abandonnions la proposition du gouvernement de mon prédécesseur Michel Barnier visant à supprimer 4 000 postes de professeur. Lorsque j’ai fait cette annonce – c’était d’ailleurs dans cet hémicycle –, je n’ai pas caché que le vrai problème était celui des difficultés de recrutement des enseignants, pour des raisons que vous avez évoquées en partie et qui tiennent notamment aux conditions de travail et au niveau des salaires.
Nous avons aussi annulé la suppression envisagée de 500 postes au sein de France Travail.
Mme Frédérique Puissat. Ce n’est pas assez !
M. François Bayrou, Premier ministre. Nous avons relevé l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), ce qui est très important, de 3,3 % et l’Ondam hospitalier sera même rehaussé de 3,6 % – nos hôpitaux en ont bien besoin.
Dans le domaine de la justice, nous avons acté, dans le projet de loi de finances, la création de plus de 1 500 postes.
Nous avons aussi augmenté le budget consacré à l’outre-mer, notamment pour faire face à la reconstruction de Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie.
En ce qui concerne l’écologie, nous avons accepté un amendement visant à augmenter les crédits de 150 millions d’euros. (Marques d’ironie sur les travées du groupe GEST.)
Tout cela, madame la présidente Cukierman, ne traduit nullement un abandon de la fonction publique, même dans les temps budgétaires très difficiles que nous connaissons et que personne ne peut ignorer.
Au contraire, je souhaite réaffirmer, en réponse à votre question, ma volonté de soutenir la fonction publique, notamment territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
retrait américain de l’accord de paris
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Certains espéraient que Donald Trump s’assagirait une fois qu’il serait revenu à la Maison-Blanche. Je suis tenté de leur dire : mauvaise pioche !
Le quarante-septième président des États-Unis a commencé son second mandat pied au plancher, en signant, dès le premier jour, quarante-six décrets présidentiels, qui déclinent son programme électoral. Exit ainsi les États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ! Exit également, ou plutôt, re-exit, de l’accord de Paris.
Au moins, on peut lui reconnaître une qualité, celle de la constance dans ses positions. Ce climato-sceptique, qui avait qualifié, à l’époque, le réchauffement climatique de « canular », tourne le dos, pour la seconde fois, au reste du monde, dans le combat contre le dérèglement climatique. Les dramatiques incendies de Los Angeles n’ont pas modifié son analyse.
Les États-Unis rejoindront donc le triste club des trois pays n’ayant pas ratifié l’accord de Paris : l’Iran, la Libye et le Yémen. Ce pied de nez du deuxième pollueur de la planète aux 195 pays qui l’ont signé met en péril les efforts du monde entier pour lutter contre le dérèglement climatique : en effet, si les États-Unis ne réduisent pas fortement leurs émissions de gaz à effet de serre au cours des quatre prochaines années, ils planteront le dernier clou dans le cercueil de l’objectif visant à limiter l’augmentation des températures à 1,5 degré.
De plus, je crains que cette décision du mouton noir américain n’ouvre la porte à d’autres défections.
Madame la ministre, pourriez-vous nous faire part de votre analyse sur le sujet ? Quelles mesures diplomatiques envisagez-vous pour contrecarrer les effets de cette triste décision et pour éviter que ce club des quatre ne grossisse ses rangs à l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Demilly, vous avez raison de souligner que la décision américaine soulève de nombreuses questions. Je sais que vous êtes très bien renseigné sur ce pays.
La France regrette évidemment la décision des États-Unis de sortir de l’accord de Paris et de se retirer de l’Organisation mondiale de la santé. Je tiens à vous rassurer : cette annonce ne fait que renforcer notre ambition de mener avec détermination les combats sur ces thématiques au niveau international et au sein de l’Union européenne. Ursula von der Leyen a d’ailleurs pris une position très claire sur la question de l’accord de Paris.
Voilà dix ans, 195 États ont signé un accord historique à Paris visant à accélérer de manière décisive la lutte contre le dérèglement climatique. Cet accord, qui fait notre fierté et qui a été défendu par les ministres de l’époque, a permis de ralentir la courbe de progression des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Ce n’est sans doute pas suffisant, mais cela a constitué une avancée majeure dans cette lutte pour faire face au défi climatique.
Alors que Mayotte est victime des conséquences du changement climatique – j’associe d’ailleurs à ma réponse M. Thani Mohamed Soilihi, qui représente aujourd’hui le Quai d’Orsay –, la France compte maintenir ses ambitions en la matière.
Notre diplomatie travaillera auprès d’une partie importante des États américains fédérés, afin que nous puissions continuer à agir, au sein de différentes coalitions, aux États-Unis. Nous chercherons également à sécuriser le soutien des autres pays, continent par continent.
C’est une question de survie et de protection des populations – ceux qui ont vécu les inondations, les cyclones ou les incendies récents le savent. C’est aussi une question régalienne, de souveraineté, car il y va de l’accès à des biens communs essentiels : l’eau, l’énergie, les matières premières.
Vous pouvez donc compter sur la France pour ne rien lâcher sur ces sujets ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.)
réactions du gouvernement face aux attaques répétées contre l’écologie en france comme à l’international
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, comment ne pas être sidéré par l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il menace militairement le Panama, le Groenland et le Canada. Il a déjà déclaré la guerre à l’État de droit, au droit à l’avortement, au droit du sol, aux immigrés et aux personnes transgenres.
Quant à Elon Musk, soutien de l’extrême droite allemande, il n’a pas hésité à faire le salut nazi. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il y a huit ans, quand Trump avait fait sortir les États-Unis de l’accord de Paris et attaqué l’Agence américaine de protection de l’environnement, Emmanuel Macron avait lancé, en réponse – on s’en souvient –, un appel vibrant aux scientifiques américains pour qu’ils viennent poursuivre leurs recherches en France.
Que s’est-il donc passé en huit ans pour que le trumpisme ait à ce point contaminé nos débats et nos politiques publiques ? Pour que nos chercheurs, pourtant de renommée mondiale, se sentent aujourd’hui méprisés ? Pour que le Premier ministre en vienne à agresser verbalement les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), alors que ces derniers sont déjà agressés physiquement par certains syndicats agricoles ? (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Que s’est-il passé pour que la ministre de l’agriculture soutienne publiquement l’obscurantisme et l’emmurage de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), socle de notre recherche en agronomie ? (Huées sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST.) Pour que le Gouvernement et nombre de nos collègues relativisent la vérité des travaux scientifiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur la santé humaine et sur l’environnement ? Pour que notre assemblée questionne l’existence même de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et vote la suppression de l’Agence bio ? (Mêmes mouvements.)
M. Yannick Jadot. Monsieur le Premier ministre, le populisme, la démagogie et les vérités alternatives détruisent la démocratie et font le lit du chaos. (Protestations et marques d’impatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
En sacrifiant le budget de l’écologie, en remettant en cause le fondement scientifique et rationnel de nos politiques publiques, n’êtes-vous pas en train de faire sortir la France de l’accord de Paris par la petite porte ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Jadot, vous m’accorderez qu’il y a un certain écart entre les propos du nouveau président américain lors de son investiture et la politique ambitieuse que nous menons en matière d’écologie ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Hussein Bourgi. Vous n’avez rien fait ! Vous venez d’arriver !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous avez appartenu, entre 2012 et 2017, à un gouvernement qui n’a pas tenu ses objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre. Nous, nous avons tenu nos objectifs en la matière et nous avons même dû rattraper votre retard. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Ainsi, selon le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), nos émissions de CO2 ont baissé de 30 % depuis 1990. Tels sont les faits !
Vous vous interrogez à juste titre sur le montant du budget. Je vous rappelle, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire lundi soir, lorsque j’étais au banc, dans cet hémicycle, lors de l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », que la censure a un impact budgétaire… (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel. – Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, qui couvrent la voix de la ministre. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
M. Mickaël Vallet. Vous en voulez une deuxième ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il faut bien que son coût, de 12 milliards d’euros, soit absorbé par les crédits des ministères ! Les ministères qui, comme le mien, ont essentiellement des crédits d’intervention, ont perdu deux mois parce que des membres de votre famille politique ont voté la censure ! (Brouhaha.)
Monsieur le sénateur, plutôt que de pleurer sur le lait renversé, je vous propose de travailler ensemble. Le Premier ministre s’est engagé à reconduire les crédits du fonds Chaleur au même niveau – élevé – qu’en 2024, à augmenter de 30 % les sommes allouées au fonds Barnier, à consacrer 1,6 milliard d’euros à la décarbonation de notre industrie, à ajouter 150 millions d’euros au fonds vert, ce qui permettra notamment de financer le plan Vélo – on connaît votre attachement à ce dispositif. (Les exclamations continuent de fuser sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. Yannick Jadot. Et l’OFB ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous allez certainement me dire que nous pouvons aller plus loin : ma porte, monsieur le sénateur, est ouverte aux écologistes pour trouver un accord sur ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
incident entre un chalutier français et un navire britannique dans le détroit du pas-de-calais
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Dans la nuit du 14 au 15 janvier, dans le détroit du Pas-de-Calais, un chalutier français, qui avait tout à fait le droit d’y pêcher, a subi une attaque en règle, préméditée, d’un navire de pêche battant pavillon anglais.
Il s’agissait bien d’une attaque préméditée, car l’approche s’est faite tous feux éteints, radar d’identification en rideau. Le navire anglais, bien plus imposant, a soulevé et tronçonné le câble de chalutage du navire français. Sans l’expérience et le sang-froid du pilote français, cette manœuvre très dangereuse aurait pu provoquer un drame.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Marc-Philippe Daubresse. Il nous faut un Jean Bart !
M. Jean-François Rapin. Une plainte a été déposée en France.
Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il réagir à cette violente agression auprès des autorités britanniques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Sébastien Fagnen applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Rapin, vous avez raison : la semaine dernière, un incident grave a eu lieu dans les eaux du Royaume-Uni, au large du Pas-de-Calais, entre un navire de pêche boulonnais et un navire de pêche sous pavillon britannique. La vie des marins pêcheurs aurait pu être mise en danger.
Heureusement, les dégâts ne sont que matériels, mais je considère que cet événement est inacceptable. Nous avons échangé avec le patron-pêcheur concerné, M. José Leprêtre.
Je connais votre engagement sur ce sujet, monsieur le sénateur Rapin, ainsi que celui du député Fait. Nous avons d’ailleurs souvent l’occasion de discuter de ces questions.
Une plainte de l’armateur du navire boulonnais a été déposée le 17 janvier. Il importe que la justice fasse toute la lumière sur cette affaire et détermine les responsabilités de chacun.
Cet incident met en évidence, de manière concrète, les conflits d’usage dans ce détroit concernant l’accès aux eaux de pêche du Royaume-Uni à la suite du Brexit.
Je m’entretiendrai avec mon homologue britannique et je serai très claire : il est de notre responsabilité collective d’éviter toute tension dans la Manche et dans la mer du Nord entre bateaux de pêche, quel que soit leur pavillon.
Je verrai aussi au début du mois de février les commissaires et les ministres européens pour préparer les futures négociations post-Brexit sur la pêche. Je plaiderai pour le maintien d’un accès de nos flottes aux eaux britanniques : il y va de la pérennité de notre filière pêche et de notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Madame la ministre, ma question avait en effet un lien direct avec les négociations post-Brexit. Il semble que le gentlemen’s agreement qui prévalait jusque-là, concernant l’accès aux eaux de la Manche, n’a désormais plus cours. Il conviendra de définir un vrai plan de gestion de la pêche dans la Manche.
En outre, les Anglais interdisent l’accès aux aires marines protégées, mais nous ne connaissons pas la doctrine du Gouvernement sur cette question. Une réunion aura lieu à Nice prochainement. Des décisions devraient y être prises. Quelle sera la position de la France sur ces questions, qui concernent non seulement la Manche, mais aussi toutes les eaux françaises de pêche.
Madame la ministre, je compte sur vous pour faire émerger un vrai plan de gestion de la Manche : l’activité économique du territoire est en jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
situation à mayotte
M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Salama Ramia. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, l’insécurité grandissante à Mayotte, en raison du maintien sur l’archipel de personnes en situation irrégulière, suscite une vive inquiétude parmi la population et entrave la reconstruction après le cyclone Chido.
Alors que le Parlement examine un projet de loi d’urgence, il est essentiel d’explorer sans délai des leviers d’action concrets et adaptés aux réalités du territoire.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien la complexité de la situation de l’archipel. Le titre de séjour territorialisé constitue un outil, dont il faut éprouver les limites.
Alors que les États européens se répartissent la prise en charge des migrants, la France refuse d’instaurer un principe de solidarité à l’égard de Mayotte, afin de répartir les milliers de migrants qui y accostent chaque année. Le cyclone Chido ne les a pas arrêtés et les arrivées en masse se poursuivent sur un territoire dévasté.
Cet effet de « cocotte-minute » se traduit par une augmentation significative de la violence : plus de 50 % des infractions pénales commises à Mayotte le sont par des personnes en situation irrégulière. La situation est dramatique. Encore aujourd’hui, des échauffourées ont eu lieu entre la population et les migrants. Par usure, les Mahorais se substituent aux forces de l’ordre et organisent eux-mêmes des expulsions, à leurs risques et périls.
L’absence de radars pour lutter contre ces arrivées massives et d’un rapatriement des délinquants dans leur pays d’origine fait que les Mahorais sont en carence d’ordre, de sécurité et de justice.
Mayotte n’est ni une terre d’asile ni le réceptacle de la misère du monde. Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre l’immigration illégale dans le Mayotte de l’après-Chido ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Bitz applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Salama Ramia, vos propos, sur cet archipel que vous connaissez bien, confirment ce que tous nos compatriotes Mahorais ont pu déjà nous dire.
On ne reconstruira pas Mayotte si l’on n’apporte pas des solutions concrètes et très fermes pour faire face à l’immigration illégale. Cela suppose une volonté, que Français Bayrou et moi-même partageons, une stratégie globale, et des moyens renforcés et concrets, comme vous le demandez, dans quatre directions.
Il faut d’abord détecter les migrants. Nous comptons employer tous les moyens disponibles à cette fin. Les quatre radars seront réinstallés en février, après avoir été réparés. Afin de repérer les kwassa-kwassa, nous allons aussi déployer, outre le Falcon 50 de la marine nationale, quatre aéronefs de surveillance, un satellite, des drones.
Puis il faut les intercepter. Nous construisons une base avancée sur l’îlot de Mtsamboro. Nous pourrons ainsi aller beaucoup plus vite au-devant des kwassa-kwassa. De même, la marine nationale déploiera dans le canal du Mozambique, l’autre grande voie d’immigration illégale, une frégate équipée d’un hélicoptère Panther.
Ensuite, il faut procéder à leur éloignement. En plus du centre de rétention administrative (CRA), qui est désormais restauré et qui compte 136 places, nous construirons une zone d’attente pour pouvoir retenir, dans des conditions dignes, des individus en situation irrégulière susceptibles d’être expulsés immédiatement. Je me rendrai prochainement dans les pays africains d’origine pour passer des accords, notamment bilatéraux, afin de faciliter l’éloignement.
Enfin, il faut s’attaquer aux causes : un changement législatif s’impose, afin de durcir le droit au séjour et de traiter le problème des reconnaissances de paternité frauduleuses.
Comme vous le constatez, le Gouvernement est totalement mobilisé. Nous apporterons des réponses très concrètes à une question brûlante. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)
politique pénitentiaire