M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le président Gontard, vous avez vous-même reconnu qu’il s’agissait d’un amendement inspiré de débats antérieurs : c’est pourquoi j’en demande le retrait.

N’étant pas ministre de l’économie et des finances, mais ministre des armées, je suis dans une position de client de solutions stratégiques importantes vis-à-vis d’Atos. Mon ministère a toujours utilisé les outils à sa disposition pour bien identifier la partie l’intéressant et devant faire l’objet d’un contrôle.

À l’inverse, j’ai toujours veillé à ce que les questions de défense nationale ne soient pas instrumentalisées pour outrepasser ce périmètre très clairement défini. Dans ce dossier, je m’attache à ce que mon ministère se borne à se comporter comme le client d’une solution critique.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Je comprends parfaitement l’intention des auteurs de cet amendement d’appel, puisque je rappelle que mon groupe politique a lancé, le 2 août 2023, dans le Figaro, un appel au secours au Gouvernement au sujet d’Atos, au moment où il a semblé que Daniel Kretinsky allait racheter l’entreprise en catimini pendant l’été, ce qui ne s’est finalement pas fait.

Je ne reviendrai pas sur les supercalculateurs et les questions de défense évoquées par le ministre. Il appartient évidemment à Bercy de gérer ce dossier.

Monsieur Gontard, vous prélevez les crédits sur le programme 146 « Équipement des forces », ce qui me pose un sérieux problème. En effet, comme je l’ai expliqué précédemment, nous traversons une période dans laquelle la nécessité de se réarmer est importante.

Je voudrais également revenir sur l’amendement n° II-1173 rectifié, qui n’a pas été défendu, ses auteurs ayant battu en retraite, si je puis dire. (M. Roger Karoutchi rit.) En voyant cette proposition de supprimer 1,5 milliard d’euros de crédits du budget de la mission « Défense », je me dis que nous ne vivons pas tous sur la même planète. La somme de 70 millions d’euros avancée par M. Gontard est bien moindre, mais elle représente également un trou dans la LPM.

Comment peut-on, dans les circonstances actuelles, en lisant le journal tous les matins, vouloir soustraire 1,5 milliard d’euros au budget de la défense ? Pardonnez-moi de me répéter, mais les bras m’en tombent ! C’est proprement hallucinant ! Soyons raisonnables. Le Sénat a la réputation d’être une assemblée de sages, de gens qui réfléchissent avant de déposer des amendements et de parler. Je lance donc un appel pour que la raison revienne dans cet hémicycle dans les années à venir.

Je ne sais pas si de tels amendements sont téléguidés par Bercy ou par quelqu’un d’autre, ce qui serait dramatique, mais j’espère qu’ils seront vite de l’histoire ancienne. Monsieur Gontard, je parle des amendements en général et non du vôtre, qui est tout de même un peu gênant.

En tout état de cause, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Permettez-moi de dire un mot de la situation d’Atos. Ce ne serait pas la première fois qu’une entreprise française passe sous pavillon étranger, que ce soit par la vente de brevets ou par un rachat. À chaque fois, le Parlement doit se montrer vigilant.

Lorsque nous débattrons de la nouvelle revue nationale stratégique, il conviendra de veiller à ce que la question des nouvelles technologies et celle des matières premières y soient davantage intégrées, dans l’optique de construire une filière durable. Et en effet, cela peut impliquer des financements publics.

En ce qui concerne Atos, comme Cédric Perrin et ses collègues, le groupe socialiste a plaidé pour une telle solution. Je l’ai fait avec d’autant plus d’entrain qu’une partie des activités d’Atos sont situées dans le département du Val-d’Oise, dont je suis élu.

Nous sommes avant tout solidaires des conclusions de la mission d’information du Sénat qui a travaillé sur l’avenir d’Atos. Il convient de faire la part des choses entre le caractère privé de l’entreprise et les intérêts nationaux vitaux qu’il nous faut protéger.

Aussi, nous ne voterons pas cet amendement, non pas parce que nous ne soutenons pas Atos, au contraire, mais parce qu’il est possible de trouver des solutions plus pérennes, dans ce cas comme de manière plus globale.

Par ailleurs, il ne me semble pas opportun de supprimer le moindre financement attribué à nos forces armées. C’est du reste pourquoi mon groupe n’a voté aucun des amendements déposés sur les crédits de cette mission. Il faut être cohérent avec les discours que nous tenons.

Cela étant, je sais que d’autres budgets sont en souffrance, comme celui de la mission « Aide publique au développement », que nous avons examinée il y a seulement deux jours de cela, et dont je rappelle qu’elle représente 1 % du budget de l’État, mais 10 % des économies. Attention, comme nous l’avons vu dans certains territoires, les questions de défense et de développement vont parfois de pair !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Évidemment, je ne m’attendais pas à ce que l’on règle, ce matin, par cet amendement – qui est, de fait, un amendement d’appel –, la situation d’Atos. Néanmoins, j’aurais trouvé gênant qu’elle ne soit à aucun moment évoquée dans le cadre de ce débat budgétaire.

Je l’entends bien, cette question a fait l’objet de précédents débats et même d’un récent rapport d’information. Seulement, il va bien falloir décider à un moment donné !

D’une part, que faut-il faire ? La nationalisation est-elle la bonne solution ? Je n’en sais rien, même si, pour ma part, j’ai tendance à la penser. En tout cas, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.

D’autre part, quelles activités doivent être protégées ? Seulement les activités stratégiques, militaires ? La définition du périmètre est une vraie question. Et, là encore, j’attends une réponse de la part du Gouvernement.

Enfin, permettez-moi de vous dire que, forcément, un amendement comme celui-ci doit être, d’une manière ou d’une autre, gagé. Et c’est bien pourquoi nous avons demandé au ministre de lever le gage. Par conséquent, votre argument, mes chers collègues, n’en est pas un.

À tout le moins, nous souhaitions, je le dis une nouvelle fois, que ce dossier Atos soit abordé dans le cadre de notre discussion. Et, je me répète, il faut ne pas traîner pour trouver des solutions et ne pas attendre que la situation s’aggrave, compte tenu notamment des enjeux stratégiques liés à cette entreprise.

Toujours est-il que je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° II-1230 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI, INDEP et SER.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à douze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le montant des crédits de cette mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », à laquelle nous sommes tous très attachés, n’est pas du même ordre que celui des crédits de la mission « Défense », dont nous venons d’achever l’examen : 1,9 milliard d’euros de crédits de paiement contre 60 milliards d’euros… Pour autant, ce budget a une valeur hautement symbolique.

Pour la deuxième année consécutive, les crédits de cette mission enregistrent une légère baisse – de 16,5 millions d’euros, cette année –, en lien avec les évolutions démographiques, le nombre de bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance du combattant et de la pension militaire d’invalidité (PMI) continuant malheureusement de décroître.

Ces deux pensions, qui relèvent du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », concentrent 1,17 milliard d’euros et sont versées respectivement aux titulaires de la carte du combattant et aux militaires et anciens militaires souffrant d’une invalidité du fait de leur engagement.

Le montant de ces deux pensions est fixé en fonction de la valeur du point de PMI, lequel est indexé sur les rémunérations publiques. Il a ainsi été revalorisé de 1 % au 1er janvier 2025, passant à 16,07 euros, soit une revalorisation légèrement supérieure à celle qui avait été annoncée à l’automne, et qui devait conduire à ce que la valeur du point s’établisse à 16,05 euros.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2025, plusieurs éléments concernant cette mission méritent que l’on s’y arrête.

Ainsi, l’effort en faveur des rapatriés se poursuit, après l’augmentation exceptionnelle des crédits qui leur sont alloués en 2022. Pour 2025, ils croissent de 11,3 millions d’euros, conséquence de la décision prise en loi de finances pour 2024 de revaloriser le montant des rentes viagères qui leur sont versées, ainsi qu’à leurs veuves.

De plus, la décision Tamazount et autres c. France du 4 avril 2024 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) portant sur le dispositif de réparation prévu par la loi du 23 février 2022 indemnisant les rapatriés du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire national dans les camps ou hameaux de forestage va conduire à renchérir le coût de ce dispositif. En effet, à la suite de cette décision, certains dossiers devront faire l’objet d’un nouveau traitement, ce qui entraînera le versement d’indemnités plus importantes, pour un coût budgétaire supplémentaire estimé à 41 millions d’euros. Néanmoins, ce surcoût pourra être lissé dans le temps.

Les crédits dédiés à la Journée défense et citoyenneté (JDC) enregistrent une forte hausse – plus 15 millions d’euros – à la suite de la refonte dont elle a fait l’objet.

Les crédits de l’action « Mémoire » connaissent une légère baisse, à hauteur d’un peu plus de 9 millions d’euros, car la programmation mémorielle pour 2025 est moins importante qu’elle ne l’a été en 2024, année qui a vu se dérouler les célébrations du 80anniversaire des débarquements et de la Libération.

Cependant, mes chers collègues, j’attire votre attention sur les crédits consacrés à l’entretien du patrimoine mémoriel militaire de l’État. Si leur montant est demeuré stable entre 2024 et 2025, à hauteur de 16,6 millions d’euros, une partie d’entre eux, 8 millions d’euros, ont fait l’objet d’une annulation. Ces contraintes budgétaires entraînent des retards dans l’entretien des sépultures militaires.

Je tiens également à saluer l’action des opérateurs de la mission : l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), l’Institution nationale des invalides (INI) – établissement de santé reconnu – et l’Ordre de la Libération.

J’appelle à accorder une vigilance particulière au financement de l’INI, qui fait face à une situation budgétaire contrainte du fait de difficultés conjoncturelles. Je tiens vraiment à souligner le dévouement et l’engagement de l’ensemble de ses personnels.

Enfin, je tiens à mentionner ici tous les bénévoles, les porte-drapeaux, qui œuvrent dans les associations patriotiques et de mémoire à l’occasion des cérémonies nationales ou locales, sur tous nos territoires, en métropole comme en outre-mer. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

Pour conclure, je me permets de vous renvoyer, mes chers collègues, à l’ensemble des rapports d’information produits par la commission des finances : sur la JDC, sur l’ONaCVG – en lien avec la Cour des comptes –, sur l’INI, sur la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS), sur le service militaire volontaire (SMV) ou sur la prise en charge des militaires blessés, notamment au sein des maisons Athos, qui témoignent d’un bel engagement de l’État.

La commission des finances émet un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission, qui revêt une haute valeur symbolique.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’évoquer les enjeux financiers, je regrette d’emblée que les termes « anciens combattants » retenus, une fois encore, dans l’intitulé de cette mission, ne soient pas en conformité avec la nouvelle réalité du monde combattant… Peut-être cet intitulé sera-t-il modifié un jour… En tout cas, je renouvelle ma demande, comme je l’ai fait les deux années précédentes. Je ne comprends pas pourquoi rien ne bouge. (Sourires.)

Le projet de loi de finances prévoit que cette mission bénéficie, pour 2025, de 1,906 milliard d’euros en crédits de paiement. Cette enveloppe serait donc en diminution de 20 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Le léger repli des crédits initialement demandés par rapport à l’an passé s’explique par la diminution continue du nombre de bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité et des autres prestations versées aux combattants.

Il faut toutefois souligner que la modération des dépenses de PMI et d’allocation de reconnaissance du combattant s’explique aussi par une faible augmentation du montant de ces prestations. La revalorisation du 1er janvier 2025 est de seulement 1,07 %, soit une stricte application de la formule prévue par décret. Si elle reste en deçà de l’inflation prévisionnelle pour 2025, qui s’établit à 1,6 %, cette hausse est toutefois supérieure aux prévisions initiales du projet de loi de finances, à savoir 0,94 %. Sans doute faut-il s’en satisfaire, dans le contexte budgétaire contraint.

À l’avenir, il faudra tout de même, madame la ministre, réévaluer l’évolution sur les dernières années du pouvoir d’achat des pensionnés, afin de déterminer les mesures nécessaires de correction de la valeur du point de PMI. Pareillement, cela fait plusieurs années que nous en parlons.

S’agissant des autres lignes budgétaires de cette mission, la commission a regretté que l’indemnisation des harkis et des autres membres des formations supplétives en raison de l’indignité de leurs conditions d’accueil fasse l’objet d’une sous-budgétisation problématique. Cette situation ne peut qu’allonger la durée de traitement des demandes d’indemnisation, qui est un droit reconnu et non un poste pilotable de dépenses.

En revanche, nous nous réjouissons que l’enveloppe budgétaire globale allouée au dispositif Athos de réhabilitation psychosociale des blessés psychiques soit portée à 6,1 millions d’euros. La consolidation des moyens financiers des maisons Athos, qui ont pleinement prouvé leur utilité, est une bonne chose. Je sais que vous y êtes sensible, madame la ministre.

Enfin, alors que l’examen de cette seconde partie du projet de loi de finances s’accompagne de la demande d’efforts budgétaires supplémentaires, la présente mission semble être relativement épargnée par de nouvelles coupes.

Cela étant, j’attire plus particulièrement l’attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas sacrifier, dans l’exécution budgétaire à venir, les dispositifs qui portent leurs fruits. Outre le programme Athos, que je viens d’évoquer, je pense en particulier au service militaire volontaire. Pour m’en être entretenue avec vous, madame la ministre, je sais que vous êtes favorable à ce qu’il continue d’évoluer.

La commission des affaires sociales émet un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission, sous le bénéfice des observations formulées sur le point de PMI. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur spécial et M. Cédric Perrin applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de 1,91 milliard d’euros consacré à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » reflète des choix budgétaires qui limitent les avancées sociales et mémorielles, pourtant indispensables à la cohésion nationale.

La revalorisation du point de PMI demeure insuffisante face à l’inflation. Les anciens combattants, blessés et invalides continuent de porter les stigmates physiques et psychologiques de leur engagement. Pourtant, cette revalorisation reste limitée, laissant les bénéficiaires à la merci d’une perte de pouvoir d’achat, alors même que l’inflation pèse lourdement sur leur quotidien.

Cette situation exige une réponse budgétaire plus ambitieuse et un soutien accru pour ceux qui incarnent le sacrifice au service de la Nation.

Par ailleurs, la baisse de 10 millions d’euros des crédits alloués aux actions mémorielles, si elle marque un retour au niveau antérieur, suscite néanmoins des inquiétudes quant à la capacité de l’État à entretenir et à développer des initiatives essentielles.

Alors que la mémoire joue un rôle central dans la transmission des valeurs républicaines et l’éducation des jeunes générations, ces réductions mettent en péril les projets locaux et nationaux, notamment la préservation des lieux de mémoire et les initiatives éducatives.

Permettez-moi de souligner une lacune récurrente dans nos priorités budgétaires et mémorielles : la transmission de la mémoire des guerres coloniales et, plus largement, de l’histoire du XXe siècle.

Trop souvent, cette mémoire complexe, riche de leçons et de récits multiples, est reléguée au second plan dans les politiques publiques et les débats nationaux.

Cette absence pèse lourd dans un contexte où les enjeux de politique étrangère et les relations internationales nécessitent une compréhension claire et nuancée de notre passé. Aujourd’hui, cette mémoire est trop souvent réduite à des caricatures qui alimentent les clivages, alors qu’elle devrait servir d’outil pour renforcer la cohésion nationale et éclairer les générations futures.

Il est donc impératif d’amorcer un véritable chantier pour transmettre cette mémoire de manière responsable et inclusive. Cette démarche devrait viser à sortir des oppositions stériles et à offrir une compréhension globale des faits historiques, sans nier leur complexité ni les zones d’ombre qu’ils comportent.

Des milliers de jeunes Français sont les héritiers de cette histoire, qu’ils soient descendants de combattants, de victimes, ou simplement citoyens désireux de mieux comprendre les défis auxquels leur pays a été confronté.

En parler, en faire un pilier central du récit national, c’est leur permettre de s’approprier pleinement cette histoire et d’y trouver un sens qui nourrit leur sentiment d’appartenance à la République.

L’inscription de cette mémoire dans le roman national est un puissant outil pour rassembler les Français autour de valeurs partagées. Elle offre une occasion unique de montrer comment les épreuves et les contradictions peuvent forger une nation plus forte et plus unie.

Transmettre cette mémoire, c’est également une manière de répondre aux défis de notre époque : lutter contre les replis identitaires et construire une citoyenneté éclairée, capable d’affronter les défis démocratiques, écologiques et sociaux du XXIe siècle.

Cette mémoire, loin d’être un poids, peut être une boussole pour notre jeunesse. La négliger, c’est passer à côté d’une occasion historique, celle de transformer un passé parfois douloureux en une force pour l’avenir.

Pour conclure, bien que ce budget manque d’ambition face aux défis contemporains, notre groupe votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. le rapporteur spécial et Mme Marie-Laure Phinera-Horth applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, examen pour le moins troublé cette année, nous sommes aujourd’hui amenés à discuter des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Je tiens tout d’abord à rappeler l’immense respect que porte le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à l’ensemble des acteurs du monde combattant d’hier et d’aujourd’hui. La question de la reconnaissance mémorielle revêt une importance primordiale : elle participe aux fondations du vivre-ensemble dans notre pays. Ces valeurs sont aujourd’hui fondamentales et doivent plus que jamais être défendues.

En 2025, le nombre de bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité diminuant tendanciellement, les crédits de cette mission se réduisent très légèrement, de l’ordre de 1,1 % par rapport au montant prévu en loi de finances pour 2024.

Concernant les pensions et allocations, il apparaît que la revalorisation du point de PMI est une nouvelle fois inférieure à l’inflation. Nous vous avions déjà alertée sur ce sujet l’année dernière. Bien que je salue la volonté exprimée par le gouvernement précédent de revaloriser de 1,07 % ce point, il ne progresse toujours pas au rythme de l’inflation, qui, selon les prévisions, devrait s’établir à 1,6 %.

Nous ne pouvons que regretter cet écart. En effet, préserver le pouvoir d’achat de ces retraités dont les pensions sont déjà très faibles est indispensable.

Un autre point dont nous nous réjouissons est le maintien des subventions versées à l’INI et l’augmentation de 3,2 millions d’euros des crédits de l’ONaCVG.

Nous saluons enfin la hausse des crédits accordés au dispositif Athos pour financer le renforcement de l’accompagnement des militaires blessés psychologiquement et de leurs familles. Les quatre maisons Athos accueillaient, au début de 2024, plus de 400 militaires blessés. En 2024, une nouvelle maison Athos a par ailleurs vu le jour en Haute-Garonne, très près de chez moi, à Villefranche-de-Lauragais.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. C’est également mon territoire ! (Sourires.)

Mme Émilienne Poumirol. Ayant commis, en 2014, un rapport sur le syndrome de stress post-traumatique, je ne peux que m’en réjouir. Il convient de pérenniser l’existence de ces maisons.

Ce projet de loi de finances consacre aussi une augmentation de 10,1 % des crédits alloués aux actions en faveur des rapatriés.

Les crédits moyens accordés pour le versement des allocations de reconnaissance et des allocations viagères sont en augmentation, conséquence de la levée, en 2022, de la forclusion.

Nous proposerons par voie d’amendement d’aller plus loin et de mettre fin aux disparités existantes, en étendant la rente viagère de 700 euros par mois accordée aux veuves d’anciens supplétifs à toutes les veuves, sans tenir compte de la date de décès de leur mari, et ce dans un souci d’équité et d’équilibre. Il s’agirait d’un acte de reconnaissance fort à l’égard de ces retraitées à la pension modique.

Comme tous les ans, nous soutiendrons un amendement visant à assurer l’indemnisation des 22 supplétifs concernés de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie qui se sont vu refuser l’allocation de reconnaissance.

La diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des allocations s’accompagne dans ce budget d’une hausse des dépenses de réparation du préjudice subi par les harkis pour l’indignité des conditions de leur accueil, fixées par la loi du 23 février 2022. Nous l’avions dit lors de son examen en séance, ce texte ne pouvait valoir solde de tout compte.

Le travail de reconnaissance et de réparation doit se poursuivre. La France a d’ailleurs été condamnée par la CEDH le 4 avril 2024, pour les conditions de vie « pas compatibles avec le respect de la dignité humaine » des harkis dans les camps de Bias et de Saint-Maurice-l’Ardoise, dans lesquels les rapatriés souffraient d’une privation de liberté.

Ainsi, la CEDH « considère que les montants accordés par les juridictions internes en l’espèce ne constituent pas une réparation adéquate et suffisante pour redresser les violations constatées ». Selon elle, « les sommes allouées aux requérants sont modiques par comparaison avec ce que la Cour octroie généralement dans les affaires relatives à des conditions de détention indignes ». Or il semblerait que le coût budgétaire de la revalorisation n’ait pas été répercuté dans les crédits inscrits dans la mission.

À ce sujet, madame la ministre, comment comptez-vous faire respecter le droit et limiter les délais d’indemnisation ?

Enfin, nous notons dans ce projet de loi de finances une augmentation significative – 57,4 % – des crédits consacrés au lien armées-jeunesse. Elle marque la volonté du Gouvernement de réformer la JDC pour la rendre plus immersive, afin de susciter davantage de vocations pour les carrières militaires.

Au-delà de la JDC, obligatoire pour tous les jeunes, M. Macron a mis en place le service national universel en 2019, qui avait pour objectif de permettre aux jeunes de tous horizons de vivre un « séjour de cohésion », séjour suivi d’une mission d’intérêt général.

Cependant, dans son rapport de septembre 2024, la Cour des comptes a pointé du doigt « des objectifs incertains » et l’« insuffisante planification des moyens nécessaires à sa montée en charge », le Président de la République ayant affirmé sa volonté de le généraliser en 2026.

Ce dispositif apparaît aujourd’hui comme peu lisible pour les jeunes et ils sont chaque année moins nombreux à participer à ces séjours de cohésion d’une durée de douze jours. Ainsi, en 2023, ils étaient environ 40 000, alors qu’on en attendait 64 000.

Au regard des conclusions de ce rapport, il apparaît opportun de se questionner sur l’avenir même du service national universel, dont la généralisation coûterait entre 3,5 milliards et 5 milliards d’euros.

Nous espérons, madame la ministre, que ces pistes de réflexion seront prochainement étudiées par le Gouvernement.

En tout état de cause, le groupe SER votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)