M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la ministre, heureusement que vous êtes là ! (Sourires.)

Mme Rachida Dati, ministre. Et que vous êtes là aussi ! (Nouveaux sourires.)

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Je vous aime, madame la ministre, oui, d'autant que vous avez déclaré précédemment que vous considériez la culture et l'audiovisuel comme relevant du domaine régalien. Je suis donc certain que vous écouterez avec une grande attention ce que je vais dire.

L'audiovisuel public extérieur est le parent pauvre de l'audiovisuel public en France. Malheureusement, l'année 2024, pour laquelle la loi de finances initiale prévoyait une légère hausse, aura en réalité été celle d'un massacre, parce qu'il a fallu geler des crédits, renoncer à des remboursements, etc. Bref, l'année dernière, l'audiovisuel public extérieur aura été le parent encore plus pauvre de l'audiovisuel public.

Aussi sommes-nous aujourd'hui dans une situation calamiteuse et catastrophique. Au moment où la Russie augmente considérablement ses moyens audiovisuels extérieurs, où la Turquie multiplie les siens, notamment contre les Kurdes, où la Chine, le Royaume-Uni avec la BBC et les États-Unis font de même, de notre côté, nous sommes toujours dans la stagnation, voire dans la diminution.

Madame la ministre, la France existe aussi au travers de sa parole extérieure. Nous avons sanctuarisé les crédits de la défense ; nous voulons également sanctuariser ceux de l'audiovisuel public extérieur, afin que la présence française dans le monde, l'existence même de notre pays, subsiste.

Aujourd'hui, avec les moyens affectés à France Médias Monde ou à TV5, nous fermons. Nous fermons des antennes, nous cessons les traductions et les sous-titrages, faisant ainsi en sorte que, en réalité, dans le monde francophone et dans le monde francophile, nous existions de moins en moins.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères, mais aussi certains groupes politiques, ont déposé des amendements visant à augmenter – oh, pas de manière irraisonnée ! – de quelque 3 millions ou 4 millions d'euros les moyens de l'audiovisuel public extérieur.

Aussi, madame la ministre, je n'aurai qu'une question à vous poser dans le peu de temps qui m'est imparti : pensez-vous vraiment que, vu la situation – la France écartée d'Afrique et quasi écartée du Proche-Orient –, ces 3 millions ou 4 millions d'euros supplémentaires pour l'audiovisuel public extérieur représentent un coût trop élevé pour assurer la présence de notre pays dans le monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Mireille Jouve, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du contexte budgétaire particulier qui vient d'être dressé par mon collègue Roger Karoutchi, permettez-moi de vous apporter quelques détails sur la situation de chacun des opérateurs.

Commençons par France Médias Monde. La baisse prévue de plus de 10 millions d'euros des crédits de cet opérateur par rapport au contrat d'objectifs et de moyens (COM) non seulement aurait un impact en 2025, mais pourrait en avoir un au cours des années suivantes, selon qu'il y aura ou non un rattrapage. Si la trajectoire financière est durablement dégradée, l'entreprise sera contrainte de revoir le périmètre de ses actions et missions et de solliciter son actionnaire pour une recapitalisation.

Une dégradation persistante des moyens de France Médias Monde aurait pour incidence directe de réduire sa capacité à se transformer numériquement et de présenter un risque industriel majeur pour ses activités historiques, lesquelles ont un impératif besoin d'investissements ; je pense notamment aux infrastructures techniques vieillissantes, telles que les régies de France 24.

La subvention du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), qui était de 2,5 millions d'euros en 2024, sera portée à 4,1 millions d'euros en 2025, puis à 4,9 millions d'euros à partir de 2026. France Médias Monde devrait donc pouvoir développer son hub à Beyrouth, pour enrichir la production numérique de France 24 en arabe et de Monte-Carlo Doualiya, via la production de contenus dans tous les formats.

En Afrique, France Médias Monde prévoit de lancer une offre numérique panafricaine à destination des jeunes, afin d'offrir des contenus constructifs et de lutter contre les fausses informations circulant sur les réseaux sociaux. En outre, le pôle de Dakar poursuivra le développement de la production africaine de contenus.

En Europe centrale et orientale, le hub de Bucarest maintiendra le développement de la rédaction de Radio France internationale (RFI) en ukrainien, tandis que le projet de rédaction en turc pourrait être reporté, en raison du contexte budgétaire.

Le problème de la prévisibilité des ressources concerne également TV5 Monde, qui a commencé la rédaction de son nouveau plan stratégique quadriennal. Ce plan ne comportant pas de programmation budgétaire, l'entreprise demeure dans l'incertitude quant aux moyens dont elle pourra disposer. Les marges de manœuvre devraient résulter, au cours des années à venir, de l'arrivée de nouveaux pays autour de la table.

TV5 Monde devra néanmoins consolider en 2025 les économies engagées en 2024 dans la diffusion, en supprimant des sous-titrages dans certains pays, en réduisant les productions propres, avec l'arrêt de plusieurs magazines, en cessant la distribution en Allemagne et en renonçant à la distribution par satellite de la chaîne Style en Afrique.

Enfin, grâce aux financements apportés par la partie canadienne, la plateforme TV5 Monde Plus poursuivra son développement dans les 200 pays dans lesquels elle est présente, avec son modèle proposant 6 000 heures de programmes financés par la publicité. L'offre TiVi5 Monde, qui propose des programmes de qualité à la jeunesse africaine, ciblée par les médias russes, chinois et turcs, sera également préservée.

Notre avis sur ces crédits est donc réservé. (M. Henri Cabanel applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les difficultés auxquelles se trouve confronté le secteur de la presse depuis des années ne sont que le reflet de la place de plus en plus contestée de l'information dans nos sociétés.

Les réseaux dits sociaux n'ont pas seulement aspiré les ressources de la presse, ils ont également fait dériver les faits vers l'opinion et les débats vers l'invective. Ainsi, la presse supporte aujourd'hui les charges de Gutenberg et la concurrence de Zuckerberg…

En 2023, la diffusion de la presse a ainsi encore baissé de 4,5 %, variation qui se situe dans la triste moyenne des dernières années. Si le montant des aides demeure stable, ce dont on ne peut que se féliciter, il faut cependant relever qu'elles se caractérisent surtout par leur grande immobilité et par leur incapacité à enrayer cette chute infernale.

Les trois quarts des crédits sont ainsi encore destinés à la diffusion ; cela ne correspond en rien à la réalité d'une pratique de lecture qui passe de plus en plus par le numérique. Nos aides vont ainsi à un ancien monde qui n'a manifestement que peu d'avenir et ne soutiennent pas assez le nouveau monde qui se déploie à grande vitesse.

À cet égard, nous attendons beaucoup maintenant, madame la ministre, du projet de loi qui doit tirer les conclusions des travaux des États généraux de l'information. De nombreux chantiers sont en attente ; certains d'entre eux ont été évoqués à l'occasion de l'examen par le Sénat de la proposition de loi visant à renforcer l'indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes, de notre collègue Sylvie Robert.

Je crois pour ma part que nous pouvons rassembler cet ensemble autour de deux piliers, étroitement imbriqués.

Il faut, d'une part, assurer un avenir économique à la presse, car, sans indépendance financière, l'indépendance éditoriale devient vite une illusion ; cela passe notamment par une réflexion sérieuse sur la répartition des ressources publicitaires et par une évolution de la législation sur les droits voisins.

Il convient, d'autre part, de conforter l'indépendance des rédactions et surtout de la faire vivre, afin que les lecteurs puissent enfin percevoir la spécificité et la valeur du travail des journalistes.

Je ne crois pas à des mesures autoritaires. Je penche plutôt pour des mécanismes incitatifs, notamment au travers du levier des aides à la presse.

À ce propos, je dois évoquer ce que l'on peut qualifier de psychodrame, à savoir l'incompréhensible baisse de 10 millions d'euros des crédits du soutien aux radios indépendantes, qui permet aux 746 stations locales de faire vivre nos territoires. Cette réduction a fait l'objet d'un véritable tir de barrage, du président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) aux élus locaux, en passant par les parlementaires.

Je me réjouis donc que nous ayons été entendus et que ces crédits puissent être rétablis dans quelques instants, sur l'initiative du Gouvernement. La nécessité absolue de réaliser des économies ne doit pas se confondre avec des frappes aveugles décidées sans aucune concertation…

Je conclus par un dernier mot – rassurant, celui-ci – sur l'Agence France-Presse (AFP), qui allie depuis plusieurs années qualité de la gestion et ambition éditoriale, dans un contexte pourtant extrêmement difficile. Son endettement, qui était de 50 millions d'euros en 2018, devrait être nul en 2028 ; cela nous fait bien entendu rêver, durant cette inédite discussion budgétaire de janvier…

Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits de la presse pour 2025.

M. Laurent Lafon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après bien des frayeurs nées de la crise pandémique et de la crainte que les spectateurs ne perdent le goût de la salle au profit du confort des plateformes, le cinéma a montré en 2024 qu'il était plus vivant que jamais.

Malgré un début d'année très difficile, conséquence de la grève des scénaristes d'Hollywood, la fréquentation s'est spectaculairement redressée au printemps, avec notamment trois grands succès de notre cinéma : Le Comte de Monte-Cristo, qui a attiré plus de 9 millions d'entrées, Un p'tit truc en plus, qui a rassemblé 11 millions de spectateurs – neuvième plus grand succès français de tous les temps –, et la reconnaissance internationale du film de Jacques Audiard, Emilia Pérez.

Un grand film d'aventures, une comédie populaire et une œuvre inclassable mélangeant comédie musicale et drame : cette diversité est la marque de fabrique de notre cinéma, qui est parmi les seuls au monde à pouvoir proposer des créations aussi variées.

Le cinéma a donc prouvé sa capacité de résistance, avec 181 millions d'entrées en 2024. Il peut envisager assez sereinement l'avenir et conserver son statut de sortie culturelle préférée des Français, en étant présent dans tous les territoires, avec un maillage inégalé.

Cette situation favorable ne doit rien au hasard. Comme mes collègues Sonia de La Provôté, Alexandra Borchio Fontimp et moi-même l'indiquions l'année dernière, notre cinéma bénéficie du soutien d'une politique publique qui est menée avec constance depuis soixante-quinze ans et qui nous place aux tout premiers rangs mondiaux.

Le cinéma devra néanmoins, dans les années à venir, se confronter à de nouveaux enjeux, en particulier à la pleine prise de conscience des violences sexuelles et sexistes sur les plateaux de tournage et à l'irruption de l'intelligence artificielle, qui rebattra les cartes pour tout le monde.

De fortes inquiétudes sont apparues très récemment. J'y consacrerai la fin de mon propos.

Le budget proposé cette année pour le bras armé de la politique de ce secteur, à savoir le CNC, est principalement marqué par un prélèvement de 450 millions d'euros sur les réserves de la structure. Vous noterez, avec raison, qu'il faut être riche pour supporter une telle ponction sans trop de souffrance... Je préciserai qu'il faut surtout être bien géré et ne pas céder à la facilité de dépenser tout l'argent disponible !

Ce prélèvement représente une fraction tout à fait significative de l'effort global exigé par la situation budgétaire. Il me paraît lourd, mais, à ce stade, encore supportable.

La commission des finances avait souhaité porter le montant à 650 millions d'euros, ce qui aurait placé le CNC dans une position très risquée. Je remercie donc mes collègues qui, sur l'initiative de notre président Laurent Lafon, sont finalement parvenus à un compromis plus acceptable, à hauteur de 500 millions d'euros.

Je demeurerai extrêmement vigilant sur cette question. Les réserves du CNC sont non pas un trésor, jalousement protégé, mais une enveloppe destinée à compenser au cours d'une année l'écart entre dépenses et recettes, ainsi qu'à couvrir les risques contentieux.

Sous cette réserve, qu'il me semblait important de mentionner, la commission de la culture a exprimé un avis favorable à l'adoption des crédits alloués au cinéma pour 2025.

M. Laurent Lafon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, en remplacement de M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, en remplacement de M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je présente les conclusions de la commission de la culture sur les crédits du programme « Livre et industries culturelles » à la place de notre collègue rapporteur pour avis Mikaele Kulimoetoke, dont je regrette l'absence.

Les industries culturelles, qui englobent l'audiovisuel, l'édition, le jeu vidéo et la musique, sont en voie de normalisation après la crise pandémique. Elles réunissent en 2023 un chiffre d'affaires de 15 milliards d'euros, qui progresse six fois plus vite que le PIB, signe de la vitalité du secteur.

Les crédits budgétaires sont globalement stables, nonobstant des mesures d'économie sur des opérateurs comme la Bibliothèque publique d'information (BPI), le Centre national du livre (CNL) et le Centre national de la musique (CNM). Le secteur apporte donc sa contribution à l'effort national.

Cette politique rigoureuse a permis de concentrer les moyens sur le plus important opérateur du programme, à savoir la Bibliothèque nationale de France (BNF), qui voit sa dotation progresser de 4,7 millions d'euros.

L'objectif est de l'aider à faire face au véritable mur d'investissements qui se dresse devant elle. Je pense au chantier du centre de conservation d'Amiens, dont le budget devra vraisemblablement être rehaussé, et, surtout, à la rénovation du site François Mitterrand, lequel fête ses 30 ans en 2025. Mes chers collègues, j'attire votre attention à tous sur les années à venir, qui s'avéreront cruciales pour la BNF.

Comme vous le savez, notre commission a toujours suivi très attentivement la trajectoire du Centre national de la musique, qui a été créé grâce à une initiative parlementaire adoptée à l'unanimité. L'année dernière, nous avons su mener un combat commun avec la commission des finances pour doter le CNM d'une fiscalité à la hauteur des objectifs ambitieux qui lui sont assignés par la loi. De fait, la taxe streaming, si elle n'est pas encore pleinement acceptée par le secteur, doit encore monter en puissance.

Le plafonnement de la taxe sur les spectacles de variétés nous alerte. Cette dernière a enregistré d'excellents résultats, signe de la vitalité des acteurs de la musique.

Toutefois, la limite de 50 millions d'euros pose de redoutables questions au Centre, car cette somme revient en partie à l'émetteur. Face au risque de rupture d'égalité, j'approuve pleinement l'amendement de rehaussement du plafond déjà adopté, sur l'initiative du Gouvernement, même s'il est clair que le débat ressurgira dès l'année prochaine. Peut-être le CNM aura-t-il durant cette période le temps de faire évoluer les modalités de reversement de cette taxe.

Avant de conclure, je dirai un mot sur le secteur de l'édition, en soulevant deux problèmes qui devront être résolus en 2025.

D'une part, nous n'avons connu que de maigres progrès en 2024 sur la question lancinante des relations entre auteurs et éditeurs, la répartition de la valeur entre ces deux acteurs incontournables donnant lieu à des débats sans fin qui menacent le monde de l'édition. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour mener à bien un travail d'écoute et de dialogue et, ainsi, avancer.

D'autre part, des tentatives de contournement de la loi du 30 décembre 2021 visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs, dite loi Darcos, ont lieu de la part d'un grand acteur du commerce en ligne en matière de facturation des livraisons.

Son interprétation très souple des dispositions pourtant claires que nous avons adoptées dans cet hémicycle fragilise considérablement, en premier lieu, les librairies indépendantes. Nous ne nous y trompons pas : il s'agit d'une première attaque en règle contre notre souveraineté culturelle. Nous demeurons extrêmement vigilants concernant l'application de ce texte, auquel nous tenons tout particulièrement.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un géant des réseaux sociaux a récemment renoncé à son programme de vérification de l'information, tandis que le propriétaire d'une autre plateforme majeure invoque régulièrement la liberté d'expression pour diffuser de fausses nouvelles.

Parallèlement, la liberté de la presse est bafouée dans de nombreux États, où les médias deviennent des instruments de propagande, non seulement sur leur sol, mais aussi à l'étranger.

Ce ne sont là que quelques exemples du chaos informationnel auquel nous sommes confrontés. Dans ce contexte, disposer de médias fiables, solides et indépendants est essentiel.

Plusieurs textes européens ont pour objet cette exigence. Celle-ci passe par un financement indépendant et prévisible de l'audiovisuel public. Alors que la suppression de la contribution pour cette dernière, appelée redevance, a plongé le secteur dans l'incertitude pendant deux ans, le Sénat a entamé une réforme de la loi organique relative aux lois de finances, qui est désormais aboutie. En effet, le texte a été adopté et promulgué ; il a même été validé à la fin du mois de décembre dernier par le Conseil constitutionnel.

L'État doit ne pas pouvoir revenir, en cours d'année, sur le montant d'imposition affecté à l'audiovisuel public par la loi de finances. Les tentatives de cette nuit de la part de Bercy, cherchant à prélever 50 millions d'euros supplémentaires sur de tels crédits, sont la parfaite illustration de l'intérêt à mener le combat de l'adoption de notre réforme du financement. L'indépendance du service public de l'audiovisuel est un principe fondamental sur lequel nous ne devons pas transiger ; celui-ci est désormais garanti.

Nous l'affirmons : nous ne soutiendrons pas le coup de rabot supplémentaire de 50 millions d'euros proposé par voie d'amendement. Ce n'est finalement rien d'autre que la facture des concessions faites au parti socialiste par le Gouvernement ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Max Brisson. Absolument !

Mme Sylvie Robert. Et la dissolution, on en parle ?

M. Cédric Vial. Voilà le coût de la non-suppression des 4 000 postes d'enseignants et du retrait de l'extension de la période de carence pour les fonctionnaires ! Nous refusons de faire payer la note à l'audiovisuel public.

Mme Sylvie Robert. Ce n'est pas au niveau !

M. Cédric Vial. Ce préalable établi, la question du niveau de financement se pose.

La situation budgétaire du pays implique que chacun prenne sa part des économies à réaliser. Le Sénat a voté, en première partie de la loi de finances, 65 millions d'euros d'économies supplémentaires, soit une baisse de 1,6 % des crédits de l'audiovisuel public.

Cet effort mesuré témoigne de notre soutien au secteur. Il doit toutefois être réparti de manière équitable, en tenant compte de la taille et des spécificités de chaque entreprise. Il est notamment crucial de préserver France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel, qui sont confrontés à des défis particuliers.

Avec le rapporteur de la commission des finances, Jean-Raymond Hugonet, j'ai plaidé, par ailleurs, pour le maintien du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », garant de l'effectivité du contrôle parlementaire. Nous remercions le Gouvernement de présenter un amendement en ce sens, ainsi que la commission des finances.

Enfin, je souligne l'importance de la réforme de l'organisation du secteur qui sera présentée dans le courant de l'année. Je sais pouvoir compter sur le Gouvernement et particulièrement sur Mme la ministre pour soutenir cette réforme essentielle, défendue par notre président Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dix ans après les terribles attentats de Charlie Hebdo, que reste-t-il du droit à la liberté d'expression ? Les moyens pour la préservation du pluralisme et de l'indépendance dans les médias sont-ils à la hauteur des menaces actuelles que certains font planer sur nos démocraties ?

Ces dernières semaines, Elon Musk a utilisé l'algorithme et les fonctionnalités de sa plateforme, X, pour tenter de déstabiliser les démocraties européennes : Royaume-Uni, Allemagne, Espagne. Ces ingérences sont insoutenables pour notre vie publique. Le Parlement français doit parler d'une voix unanime contre ces attaques.

Aussi, nous serons particulièrement vigilants quant à l'évolution des crédits de cette mission. Il nous appartient de déterminer l'ampleur des moyens à déployer pour prévenir les dérives, pour réguler et pour sanctionner ceux qui se permettent de s'affranchir de certaines règles pourtant essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie.

Dans ce contexte, il nous semble nécessaire de renforcer les crédits consacrés à l'audiovisuel public, de préserver son modèle de financement et d'éviter à tout prix la budgétisation, qui serait désastreuse pour l'indépendance des lignes éditoriales. Ces crédits diminuent pourtant, ce qui nous inquiète.

Tout a commencé le 21 février dernier, avec l'annulation par décret de 20 millions d'euros de crédits, dans le cadre des efforts budgétaires généralisés auxquels le secteur a contribué de manière significative.

Cette réduction s'est poursuivie avec le report d'un versement de 30 millions d'euros, étendant ainsi le calendrier initial du programme de transformation de trois à quatre ans. Ce décalage a aggravé les tensions financières des acteurs de l'audiovisuel public : pour 2024, les crédits réellement versés pour ce programme représentent moins du tiers de ceux qui ont été votés dans la loi de finances initiale.

Cette tendance se prolonge au sein de ce budget, dans lequel les crédits du programme sont limités à 30 millions d'euros, au lieu des 74 millions d'euros initialement prévus. Pis encore, la trajectoire financière des contrats d'objectifs et de moyens (COM) n'est plus respectée. La dotation totale plafonne à 3,98 milliards d'euros, au lieu des 4,12 milliards d'euros attendus.

Concernant les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », la réduction des moyens pour 2025 pénalise principalement les radios associatives, qui supportent 84 % de l'effort budgétaire, soit 10,3 millions d'euros sur les 12,3 millions d'euros de baisse de crédits. Cette baisse frappe durement le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale.

Or ces structures jouent un rôle essentiel, madame la ministre, dans la vitalité du débat public local et participent à la cohésion des territoires. Leur fragilisation financière pourrait entraîner la disparition de nombreuses antennes locales et réduire drastiquement la pluralité des voix sur nos territoires, où si peu de radios nationales émettent suffisamment.

À cette occasion, le groupe du RDSE s'associe aux efforts du rapporteur pour ramener les crédits sur une trajectoire décente. Votre amendement, madame la ministre, a pour objet de rétablir la situation.

Les crédits de la mission sont aussi marqués par l'incertitude autour du rendement de la taxe dite streaming, qui connaît un décalage budgétaire de 2 millions d'euros. Aussi, nous considérons que les mécanismes de financement de la création musicale méritent une attention renforcée, pour éviter tout effet d'assèchement.

Plusieurs acteurs de la filière musicale ont avancé l'idée de relever le plafond de la taxe sur les spectacles de variétés, actuellement fixé à 50 millions d'euros. Cette proposition mérite d'être étudiée avec sérieux, car elle permettrait de soutenir davantage l'ensemble du secteur.

Mes chers collègues, face à ces constats, il nous appartient de défendre un budget qui garantisse la diversité culturelle et le pluralisme médiatique. L'audiovisuel public et les médias de proximité ne doivent pas être perçus comme de simples variables d'ajustement budgétaire. Ils sont des biens communs, des outils démocratiques essentiels, qui méritent un financement stable et ambitieux.

Le RDSE salue les efforts de maîtrise budgétaire, mais appelle à un rééquilibrage plus juste et plus respectueux des engagements pris. En ce sens, nos voix seront partagées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui sur les crédits des missions « Audiovisuel public » et « Médias, livre et industries culturelles », qui sont essentiels à notre souveraineté culturelle.

Premièrement, je m'exprimerai sur l'audiovisuel public au nom de ma collègue Catherine Morin-Desailly, que je supplée. Comme celle-ci le souligne très justement, nous ne pouvons aborder ces crédits sans les mettre en perspective.

Alors que de nombreuses politiques publiques se voient pour la première fois assigner des objectifs de rigueur, ce secteur y est soumis depuis huit ans déjà. En effet, entre 2016 et 2023, son budget n'a pas augmenté, absorbant près de 200 millions d'euros d'économies.

Les crédits ont connu une hausse seulement l'année dernière et uniquement pour compenser la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. À présent, 50 millions d'euros d'économies supplémentaires sont demandés, auxquels se rajouteront, dans quelques minutes, plusieurs millions qui feront l'objet de négociations.

Si nous comprenons le contexte de crise budgétaire, ces efforts ne seront utiles que s'ils s'inscrivent dans une vision et dans une stratégie d'ensemble cohérentes. Plusieurs points nous interpellent particulièrement.

Je pense à la disparition des 30 millions d'euros du programme de transformation lors de l'exécution 2024. Celle-ci est inexpliquée et s'apparente à un détournement pur et simple. Je pense également à la disparition incompréhensible de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, le dispositif ayant pourtant été voté en 2009 pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures.

Nous plaidons depuis des années en faveur d'un plan d'ensemble pour l'audiovisuel public. Celui-ci doit s'articuler autour de trois volets essentiels.

Le premier est le financement. En ce sens, une proposition de loi organique déposée notamment par Catherine Morin-Desailly et par Cédric Vial vise à en assurer la pérennité.

Le deuxième relève de la gouvernance. Une proposition de loi de Laurent Lafon a pour objet de regrouper les chaînes de l'audiovisuel public dans une holding commune.

Le troisième participe de la stratégie. Pour redéfinir les missions de service public, nous pourrons nous appuyer utilement sur les conclusions des États généraux de l'information.

Deuxièmement, pour le cinéma, l'année 2024 a été marquée par des inquiétudes légitimes sur la pérennité du modèle français de financement. Le maintien du budget du CNC à 780 millions d'euros montre néanmoins la volonté de préserver les fondamentaux de notre politique en la matière.

L'effort demandé de 450 millions d'euros sur la trésorerie du centre est, certes, substantiel, mais il a été calibré pour ne pas affecter la capacité d'intervention de cet acteur. Ce point est essentiel : l'argent des spectateurs continuera d'être intégralement consacré au soutien à la création et à la modernisation du parc de salles.

Quatre avancées significatives méritent d'être soulignées dans le domaine du cinéma.

Tout d'abord, les dispositifs de crédit d'impôt sont sanctuarisés. Leur efficacité n'est plus à démontrer : chaque euro de dépense fiscale donne lieu à 6 à 7 euros de dépenses sur notre territoire.

Ensuite, les espaces ruraux reçoivent un engagement fort. Un plan de 10 millions d'euros vise à soutenir les festivals locaux, les circuits itinérants et la modernisation des salles.

De plus, le programme La Grande Fabrique de l'image se poursuit au travers des 300 millions d'euros qui figurent dans le cadre du plan France 2030. Cet investissement est crucial pour maintenir notre compétitivité.

Enfin, notre système de financement connaît une adaptation réussie à l'ère numérique. Désormais, 20 % des ressources du CNC proviennent des plateformes internationales.

Troisièmement, la presse, comme l'a rappelé Michel Laugier, traverse une crise profonde. Les chiffres en témoignent de manière alarmante : baisse de 4,5 % des ventes en 2023, chute de 60 % pour la presse nationale et de 36 % pour la presse régionale sur la période récente.

Comme l'a si justement résumé un professionnel auditionné, Michel Laugier tenant les mêmes propos, « la presse a les charges de Gutenberg et la concurrence de Zuckerberg ». Cette formule illustre parfaitement le double défi du secteur : maintenir une infrastructure de production et de distribution coûteuse tout en affrontant des plateformes numériques qui captent désormais plus de 70 % des revenus publicitaires en ligne.

Si nous saluons le maintien des aides au pluralisme, à hauteur de 25,9 millions d'euros, et la préservation – je vous en remercie, madame la ministre – du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, qui est essentiel pour nos 746 stations de proximité, la réforme de la distribution de la presse accuse un retard préoccupant.

Le duo mortifère entre deux opérateurs, dont l'un est lourdement subventionné, n'est pas viable. Le coût pour les finances publiques est considérable : plus de 600 millions d'euros en quatorze ans pour la seule société Presstalis et pour ses avatars. Une réorganisation en profondeur de la filière est devenue urgente.

Quatrièmement, le jeu vidéo est la première industrie culturelle française, avec plus de 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Sa situation mérite une attention particulière.

Si nous saluons la reconduction du crédit d'impôt en faveur des entreprises de jeux vidéo, qui a fait ses preuves avec plus de 150 projets soutenus en 2023, le fonds d'aide au jeu vidéo (FAJV), doté de seulement 4 millions d'euros, paraît dérisoire face aux dispositifs de nos concurrents directs : le Québec mobilise plus de 35 millions d'euros par an, tandis que le Royaume-Uni vient de porter son fonds de soutien à 25 millions de livres.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que nous disposons en France d'atouts considérables : des écoles d'excellence reconnues mondialement, des studios créatifs qui ont fait leurs preuves, comme Ubisoft, Quantic Dream ou PulluP Entertainment, et un vivier de talents qui ne demande qu'à s'épanouir. Pour préserver cette excellence, nous soutiendrons un amendement visant à porter la dotation du FAJV à 8 millions d'euros.

Notre stratégie industrielle pour le jeu vidéo doit être plus ambitieuse. Le renforcement du soutien à l'innovation, notamment dans les technologies émergentes, comme l'intelligence artificielle et la réalité virtuelle, est crucial.

Cinquièmement, j'en viens au livre et à la lecture publique. Si la progression des crédits du Centre national du livre est un signal positif, elle reste insuffisante face aux défis que doit relever le secteur. Le maintien d'un réseau dense de librairies indépendantes sur l'ensemble du territoire nécessite un soutien accru, particulièrement dans nos zones rurales, où ces établissements jouent un rôle culturel et social irremplaçable.

La transformation numérique et le développement de services innovants doivent être accompagnés plus vigoureusement, pour faire face à la concurrence du commerce en ligne.

Le développement de l'intelligence artificielle générative pose également des questions cruciales pour l'ensemble de nos industries culturelles. L'utilisation non autorisée d'œuvres protégées pour l'entraînement des modèles, la création de contenus dérivés et la juste rémunération des créateurs sont autant d'enjeux qui appellent une réponse politique forte et coordonnée.

L'absence dans ce budget de moyens spécifiques pour accompagner nos industries face à ces défis est regrettable, alors même que nous disposons en France d'une expertise reconnue dans ce domaine.

Pour conclure, le groupe Union Centriste votera en faveur de l'ensemble des crédits des missions « Audiovisuel public » et « Médias, livre et industries culturelles », car ils préservent l'essentiel dans un contexte contraint.

Néanmoins, nous resterons particulièrement vigilants sur plusieurs aspects déterminants : la mise en œuvre d'une réforme ambitieuse de la distribution de la presse, l'émergence d'un véritable plan stratégique pour l'audiovisuel public et le renforcement substantiel du soutien à la transition numérique de l'ensemble de nos industries culturelles.

Il y va de notre souveraineté culturelle, dans un monde où l'influence est devenue un enjeu géopolitique majeur. Ces investissements sont non pas des dépenses de confort, mais bien des choix stratégiques pour notre rayonnement. La France dispose d'atouts considérables dans tous ces secteurs. Notre responsabilité est de leur donner les moyens de se développer et de s'adapter aux mutations profondes qu'impose la révolution numérique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)