M. Max Brisson. Très bien !

Mme Laure Darcos. Notre-Dame de Paris est, en quelque sorte, l'arbre qui cache la forêt.

Par la volonté des pouvoirs publics et avec le soutien d'un mécénat privé incroyable, nous avons été capables de mobiliser tout ce que la France compte de talents au sein de nos métiers d'art pour rendre sa splendeur à l'édifice.

Je forme le vœu que nous puissions mobiliser autant d'énergies et de compétences pour relever l'ensemble de notre patrimoine de la situation de décrépitude dans laquelle il s'enfonce chaque année un peu plus.

En guise de conclusion, je poserai une question : faut-il craindre que les arbitrages auxquels ce projet de loi de finances va donner lieu ne se fassent au détriment de la culture, devenue bien malgré elle une variable d'ajustement ? Je le déplorerais sincèrement, car, s'il est bien une politique publique que nous devons préserver « quoi qu'il en coûte », c'est celle de l'accès de tous à la diversité des champs culturels.

Madame la ministre, je connais votre courage et votre volonté de bousculer les habitudes établies. Je ne doute pas de votre énergie pour trouver les solutions pertinentes et audacieuses, afin de préserver ce qui fait la richesse de notre pays : sa vie culturelle dense et son patrimoine remarquable.

Mon soutien personnel et celui du groupe Les Indépendants, que je représente aujourd'hui, vous seront acquis si, au terme de l'examen des crédits de la mission « Culture », le budget est à la hauteur de nos espérances.

Mme Rachida Dati, ministre. Merci !

M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, chère Rachida Dati, mes chers collègues, j'ose croire, même si parfois j'en doute, que nous sommes tous conscients de la gravité de la situation budgétaire. En tout cas, je sais que, sur les travées de la majorité sénatoriale, nous comprenons que toutes les politiques doivent être mises à contribution.

Dans ce contexte, nous nous apprêtions à saluer le remarquable effort que vous aviez fourni en obtenant, madame la ministre, la stabilisation des crédits de la mission « Culture ». Votre ténacité, ainsi que votre capacité à persuader et convaincre, bien connues, étaient ainsi confirmées.

Les textes que nous avions écrits vous auraient fait rougir... (Mme la ministre sourit.) Hélas, la nuit fut difficile et les arbitrages sont tombés ; Bercy travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Résultat : 50 millions d'euros de moins sur les crédits du ministère, 50 millions d'euros de moins sur l'amendement « patrimoine » et 50 millions d'euros de moins pour l'audiovisuel, dont nous parlerons tout à l'heure. Néanmoins, des crédits à hauteur de 25 millions d'euros ont été prévus pour établir un fonds d'urgence pour la création dans les territoires...

Je suis certain que vous vous êtes battue. Sinon, le coup de rabot aurait été plus dur encore. Mais il vous reste du temps dans la procédure budgétaire pour nous proposer in fine un budget à la hauteur de l'enjeu.

Mme Rachida Dati, ministre. Vous avez raison !

M. Max Brisson. Soyez persuadée que nous serons à vos côtés ! Il le faut, car, si la culture à elle seule ne peut remettre la société française sur le chemin de la prospérité, elle peut a minima fortement contribuer à guérir notre pays du mal-être collectif qui le ronge. La magnifique restauration de Notre-Dame de Paris et le moment de communion nationale qui a présidé à sa réouverture en ont été la plus belle des démonstrations.

Or, à la contrainte du budget de l'État, s'ajoute l'asphyxie budgétaire des collectivités territoriales. Vous êtes, je le sais, pleinement sensibilisée aux conséquences d'un désengagement qui se dessine peu à peu. Celui-ci remettrait en cause l'ensemble de notre système de gouvernance, et nous devons y porter une attention particulière.

Même si nous travaillons avec le Gouvernement à en réduire l'impact, comme en témoignent les échanges d'avant-hier entre le Premier ministre et le président Mathieu Darnaud, nous ne pouvons ignorer les effets de bord qui conduiraient les collectivités à laisser de côté ces compétences partagées, voire optionnelles, couvrant des chantiers de l'action culturelle.

Il en est ainsi des financements des établissements publics de coopération culturelle, qui maillent nos territoires, comme les centres chorégraphiques nationaux ou les scènes nationales.

Il en est ainsi particulièrement de la situation des écoles supérieures d'art territoriales dont l'assise financière demeure préoccupante.

Certes, le « soclage » de l'aide d'urgence attribuée en 2023 est une mesure importante. Elle se révèle toutefois insuffisante, tant ces établissements ne cessent d'être confrontés à des difficultés structurelles.

Vous aviez annoncé en début d'année un plan global de réformes qui tarde à se concrétiser. La pérennité des écoles supérieures d'art territoriales en dépend. Nous vous invitons donc à accélérer la finalisation de ce dossier primordial pour la création et la démocratisation de la culture partout et au plus près de tous les Français.

Autre point qu'il me tenait à cœur d'aborder aujourd'hui : les restitutions culturelles. Le Sénat s'est particulièrement investi dans un triptyque législatif dont les deux premiers volets – la restitution des biens juifs spoliés et la restitution des restes humains – ont définitivement abouti.

Reste la question plus complexe de la restitution des œuvres d'art. Le consensus est moins facile à établir et une loi-cadre plus difficile à bâtir. Soyez assurée que nous sommes prêts à y travailler avec vous.

Récemment, après que le président Laurent Lafon vous a interpellée, nous avons déjà pu régler ensemble la question de la restitution du tambour parleur Djidji Ayôkwé à la Côte d'Ivoire. Nous vous remercions d'ailleurs du travail que vous avez accompli en la matière. Une proposition de loi, dont j'ai l'honneur d'être coauteur, devrait être prochainement examinée par le Sénat et l'Assemblée nationale, afin de restituer cet objet à la République de Côte d'Ivoire. C'est une bonne chose.

Concernant le programme 175, « Patrimoines », je tiens à vous réitérer, madame la ministre, les alertes récurrentes du Sénat sur la situation du patrimoine religieux, notamment en milieu rural, où nombre d'édifices requièrent entretien et rénovation.

Vous le savez, les communes propriétaires d'un tel patrimoine y sont souvent très attachées. Elles rencontrent cependant d'importantes difficultés de financement, qui les empêchent de l'entretenir et de le rénover.

Les directions régionales des affaires culturelles (Drac), de leur côté, ne peuvent que difficilement intervenir, tant elles sont déjà surchargées par les travaux à mener pour les églises classées ou inscrites. Il semble donc indispensable d'intégrer au Printemps de la ruralité un volet spécifique au patrimoine rural, notamment religieux, vecteur de dynamisme et d'attractivité pour de nombreuses petites communes.

Nous nous tenons bien entendu à votre disposition pour travailler sur ce sujet, sur lequel le Sénat a déjà beaucoup œuvré, comme en témoigne l'excellent rapport de mes collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias.

Vous avez courageusement ouvert un débat en proposant de rendre payante pour les touristes étrangers l'entrée de Notre-Dame de Paris, les recettes ainsi dégagées servant à l'entretien du patrimoine religieux.

Certes, le débat est complexe, car il touche à la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. L'Église catholique y est réticente et, sur ces travées, nous sommes divisés. Il n'en demeure pas moins que les seuls financements publics ne permettront pas l'entretien de ce patrimoine. Vous avez eu le mérite d'ouvrir une réflexion qui devra progresser et prospérer.

Enfin, toujours concernant le patrimoine, mais cette fois dans sa dimension immatérielle, je tiens à évoquer la situation des langues régionales de notre pays, plus particulièrement l'application de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, dite loi Molac. En effet, presque trois années après son adoption, des remontées de terrain indiquent des défaillances de sa mise en œuvre dans de nombreux territoires.

Il faut dire que les propos du Président de la République à l'Académie française ont pu inquiéter dans lesdits territoires...

Pourtant, les langues régionales sont le cœur de l'identité de bien des régions de France. La garantie de leur promotion est indispensable et l'application de la loi Molac nécessaire. C'est la raison pour laquelle j'appelle de mes vœux l'élaboration d'un bilan sur son application dans les territoires, afin d'en déterminer les réussites et les freins, et ainsi garantir sa mise en œuvre effective. Le Sénat, pour sa part, y travaillera.

Je suis conscient qu'un tel bilan devra faire l'objet d'une mobilisation conjointe de votre ministère et de celui de l'éducation nationale ; j'en parlerai bientôt à Mme Élisabeth Borne. Il me paraissait néanmoins important d'appeler votre attention, ce jour, quant au travail restant à réaliser sur cette loi.

Pour l'heure, en responsabilité, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission, en réaffirmant le souhait que vous poursuiviez votre combat, pour lequel nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Victor Hugo écrivait : « Il faut des monuments aux cités de l'homme, autrement, où serait la différence entre la ville et la fourmilière ? »

Nous avons tous conscience de l'importance du patrimoine pour notre humanité collective, mais aussi de sa fragilité. Vecteur de rayonnement et de fierté pour nos territoires, il vacille aujourd'hui, ce dont témoignent ces deux chiffres : près d'un quart des édifices protégés en tant que monuments historiques est en mauvais état ; 5 % sont en état de péril.

Dans ce contexte d'urgence, le Gouvernement propose, par voie d'amendement, de consentir un effort budgétaire dont le montant se révèle inférieur à celui initialement annoncé. Nous le déplorons, tout comme le fait d'avoir pris connaissance seulement ce matin de ses derniers chiffrages, à savoir 245 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 149 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Il ne faut par ailleurs pas oublier, d'une part, que ce budget s'inscrit dans un contexte de coupes budgétaires pour nos collectivités, coupes qui risquent d'avoir un impact en cascade sur les crédits alloués à l'échelle locale en matière de valorisation et de sauvegarde du patrimoine, et, d'autre part, que le Gouvernement défend dans le même temps un coup de rabot qui vient d'être aggravé, minorant les crédits de ce programme à hauteur de 48 millions d'euros ! Quelles seront les actions concernées par cette coupe ?

Nous défendrons pour notre part, dans la suite de nos débats, l'obtention de crédits supplémentaires.

Ces crédits viseront, tout d'abord, à traduire la recommandation de la mission d'information Architectes des Bâtiments de France, périmètre et compétences, que j'ai eu l'honneur de présider aux côtés du rapporteur Pierre-Jean Verzelen, préconisant le recrutement d'un architecte des bâtiments de France (ABF) supplémentaire par département.

Ils tendront, ensuite, à revenir sur les 20 millions d'euros de baisse des subventions allouées à plusieurs musées et à augmenter de façon significative les moyens consacrés à l'action 08, « Acquisition et enrichissement des collections publiques », dont la trajectoire de baisse s'inscrit à rebours de la concurrence mondiale accrue sur le marché de l'art.

En outre, nous défendrons un amendement visant à augmenter la subvention attribuée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) pour lui permettre d'exercer ses missions dans de bonnes conditions.

Enfin, nous présenterons un amendement tendant à revaloriser de 2 millions d'euros le montant du fonds incitatif et partenarial (FIP), appui financier ciblé et précieux pour nos communes rurales.

Pour conclure, je souhaite souligner que, si la restauration de Notre-Dame de Paris en un temps record est un succès dont nous pouvons nous féliciter, elle nous rappelle aussi à quel point la mobilisation collective, notamment des acteurs et des services publics, au service d'un objectif commun, nous permet d'aller plus loin.

Formons le vœu que cette mobilisation puisse se poursuivre au service de la sauvegarde de notre patrimoine du quotidien ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » vient de subir voilà quelques heures un projet de coupe inattendu, qui concerne des activités qui nous sont chères, comme le spectacle vivant et les arts visuels, si importants pour nos territoires. Dans le contexte budgétaire actuel, la stabilité desdits programmes aurait pourtant été bienvenue.

La question du patrimoine revient au premier plan.

Nous nous réjouissons de la sanctuarisation des crédits. Comment ne pas voir un signe dans la réouverture de Notre-Dame au public ? Comme les bâtisseurs de cathédrales, nous construisons toujours pour l'avenir, et les pierres que nous posons peuvent aussi bien être des pierres d'angle que des angles morts. D'où la nécessité de bien anticiper, malgré le contexte.

Le patrimoine est une porte d'accès concrète de nos contemporains à la culture.

Le patrimoine religieux doit être protégé, comme nous l'avions souligné et demandé à maintes reprises au sein de la commission de la culture, et je salue tous mes collègues qui ont attiré l'attention sur ce sujet. Qu'en est-il de la protection de nos églises, qui reste si fragile et pour laquelle nous sommes toujours inquiets, surtout en territoire rural ?

La question du financement de l'accès aux églises est sensible. Comment concilier le principe de gratuité de cet accès avec l'idée de financement quand il s'agit, par exemple, d'accéder à un patrimoine de nature muséale ? Comment trouver un financement libre, volontaire, mais efficace et pérenne ?

Dans ce domaine, le rôle des collectivités locales est indispensable et même vital. Rappelons que celles-ci possèdent 48 % des immeubles protégés au titre des monuments historiques. Elles doivent donc être plus que jamais appuyées et encouragées. Dans cette maison, nous avons justement déploré la lourdeur des procédures et des démarches, face auxquelles les collectivités territoriales sont souvent démunies.

Évidemment, cela suppose le renforcement de l'action déconcentrée de l'État, qu'assurent les Drac et des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap).

Madame la ministre, comment protéger le patrimoine local sans pénaliser les acteurs, lesquels sont parfois démunis, voire peu au fait des procédures ? Je sais que ce sujet vous préoccupe.

Il y a urgence, car une partie de ces immeubles protégés, soit 5 % d'entre eux, sont en situation de péril, comme l'avait souligné le rapporteur des crédits du programme « Patrimoines » devant la commission de la culture. Et ce n'est pas seulement une question de rénovation. Comment réfléchir à des projets innovants ? Nous conservons le passé, mais nous préparons l'avenir.

La culture, c'est aussi la création. Je reste soucieuse du spectacle vivant et des festivals. Je me réjouis du soutien continu qui leur est apporté, mais la sonnette d'alarme n'est pas loin...

Les festivals de cet été ont traversé un cap, une course d'obstacles qui nous a fait beaucoup craindre pour leur pérennité, du fait de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Mais les problèmes structurels perdurent. Une course de fond, vitale, est engagée, et la survie de ces événements – pardonnez-moi encore cette métaphore olympique – nécessite une véritable lutte. La question du modèle de nos festivals est posée.

Madame la ministre, il y a urgence dans ce domaine. Comment aider nos festivals à s'adapter, ce qui est indispensable, tout en respectant leur identité ? Comment les accompagner et trouver avec eux un nouveau modèle ? Il faudrait aussi procéder à un réel inventaire de ce qui existe dans nos territoires.

Enfin, le théâtre privé doit être un souci constant de nos politiques publiques. La légère hausse du plafonnement de la taxe sur les spectacles qui finance l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), adoptée récemment dans cet hémicycle, est une mesure d'amélioration et nous espérons qu'elle sera maintenue dans le texte final.

La passion du théâtre, celle de ceux qui entreprennent dans l'un de ces premiers arts de la scène, doit être soutenue et ne pas rester prisonnière d'un cénacle d'initiés ou se heurter à une certaine inertie.

Concernant la ruralité – cette question légitime le renforcement du rôle de la culture dans nos territoires face aux soucis de mobilité –, nous voyons, enfin, la mise en place d'un plan Culture et ruralité.

La mise à disposition d'un service d'emprunt d'œuvres d'art en zone rurale et l'appui à des festivals hors saison estivale me semblent essentiels. On ne peut donc que regretter le manque d'ambition de ce plan, notamment pour le soutien à la création ou l'orientation vers des publics qui sont encore éloignés de l'offre culturelle.

Comment appuyer en zone rurale ce soutien à la création ? Comment prendre en compte l'évolution des publics ? Comment permettre le recrutement en zone rurale, parfois problématique, si l'on se réfère à la situation des scènes de musiques actuelles (Smac) ?

J'aborderai ensuite la question du pass Culture et de la démocratisation des savoirs.

Nous avions salué et appuyé, avec prudence, la création de ce pass et son extension à de nouveaux publics, certes tout en regrettant son usage consumériste et le risque qu'il ne se transforme en plateforme d'achats constituant un énième carnet de chèques. Il est indispensable de le recentrer intelligemment, puisque le contexte budgétaire nous appelle à maintenir ce qui est nécessaire. Il doit toucher tous les milieux, évidemment dans tous nos territoires, et permettre une véritable diversification des pratiques culturelles.

Le pass Culture doit être un outil de découverte et d'éveil à la culture, et non pas un instrument de pure consommation. Le plaisir de l'âme n'est pas que de l'argent de poche !

J'en viens au volet de la transmission, en évoquant la situation de l'enseignement supérieur Culture (ESC) et celle des écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa). Nous devons nous réjouir du renforcement des crédits qui y sont consacrés. Mais la question de leur réforme reste posée, en particulier celle de leurs ressources propres, afin d'éviter qu'elles ne soient sous perfusion perpétuelle.

Madame la ministre, je veux aussi vous parler d'un sujet qui m'est cher : la France est abondamment sollicitée, mais surtout concurrencée, dans le domaine de l'expertise patrimoniale internationale.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Else Joseph. Dans le rapport d'information que nous avions rédigé sur ce sujet, Expertise patrimoniale internationale française : des atouts à valoriser, une stratégie qui reste à affirmer et coordonner, ma collègue Catherine Morin-Desailly et moi-même avions réfléchi à des solutions. Notre action patrimoniale ne doit pas être considérée comme un enjeu subalterne, car c'est l'influence de notre pays, son soft power – pardonnez-moi cet anglicisme –, qui est en cause. Il convient de développer ce levier stratégique à l'international.

Notre ingénierie patrimoniale a connu un succès avec le centre Pompidou Al-‘Ula et le Louvre Abu Dhabi. Madame la ministre, je sais que vous êtes sensible à ce sujet, car nous l'avons déjà évoqué ensemble. Comment rendre l'expertise patrimoniale de notre pays plus efficace ? Comment organiser un pilotage et coordonner tous nos services impliqués dans cette expertise ?

Le groupe Les Républicains votera en faveur des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances – cher Claude Raynal –, monsieur le président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport – cher Laurent Lafon –, monsieur le rapporteur général de la commission des finances – cher Jean-François Husson –, messieurs les rapporteurs spéciaux Vincent Éblé et Didier Rambaud, mesdames les rapporteurs pour avis Sabine Drexler et Karine Daniel, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, la reprise de l'examen du projet de loi de finances pour 2025 intervient dans un contexte d'une grande sensibilité, pour la culture et pour notre pays.

De manière assez inédite, nous entamons d'ailleurs cette nouvelle année sans budget adopté.

Pour la culture, l'année qui s'ouvre est aussi une année de très grands défis. Je le dis devant la Haute Assemblée, celle où le cœur de nos territoires bat un peu plus fort, il n'y a pas de plus grand enjeu aujourd'hui pour notre culture que de refonder le pacte entre l'État et les collectivités territoriales. Je m'y emploie tous les jours et à chaque déplacement dans nos territoires, comme vous le savez.

Je formulerai tout d'abord un constat : depuis 2017, les financements en faveur de la culture ont augmenté de 1,4 milliard d'euros. C'était un engagement du Président de la République, qui a été tenu. Vous l'avez rappelé, cette augmentation connaît désormais une stabilisation.

Cette stabilisation correspond à la double nécessité de nous inscrire dans le contexte actuel de gravité de la situation nos finances publiques – cela a été dit sur ces travées – et de réaliser de véritables vrais efforts, y compris de manière innovante, en développant de nouvelles ressources.

Les collectivités, de leur côté, vous le savez mieux que quiconque, portent les deux tiers de la dépense culturelle de notre pays. Cette dernière est aussi le meilleur investissement pour l'avenir de ces territoires.

La culture, singulièrement dans les territoires, ne doit pas être caricaturée ! La culture, c'est le cadre de vie, c'est l'attractivité touristique, ce sont les horizons nouveaux, différents, que nous donnons à notre jeunesse et à tous les âges. C'est le cœur battant de notre pays. C'est pourquoi cela fait mal au cœur de voir que nos politiques culturelles, ici et là, font l'objet de choix que je ne puis approuver en tant que ministre de la culture.

Je l'ai dit dès ma nomination en janvier dernier, je considère que le ministère de la culture est un ministère régalien, car il structure aussi notre cohésion républicaine.

Cette force de la France est reconnue dans le monde. Il n'y a de désert culturel dans aucun de nos territoires : il faut préserver ce modèle ! C'est mon combat.

La plupart des choix que j'évoquais sont contraints, et je veux saluer l'esprit de responsabilité de nos élus locaux qui ont décidé, dans leur large majorité, de minimiser l'impact des baisses de dotation sur les politiques culturelles locales.

Sauvegarder et consolider notre modèle culturel ; assumer de prendre une part légitime à l'effort collectif que nous devons réaliser pour nos finances publiques ; soutenir et accompagner nos acteurs culturels dans tous les défis qu'ils rencontrent ; être à l'écoute, toujours, de toutes les collectivités ; travailler à refonder le pacte culturel qui les unit à l'État ; essayer d'accélérer et de porter des transformations, des rénovations, des réinventions même, qui sont nécessaires : voilà l'état d'esprit qui est le mien et qui a inspiré ce projet de budget.

Ce budget intègre quelques évolutions récentes. Je l'ai dit, la situation de nos finances publiques nous oblige, et ce budget prévoit une diminution nouvelle de 50 millions d'euros des crédits de mon ministère. J'évoquerai ultérieurement la situation de l'audiovisuel public.

Avec la baisse arbitrée par le gouvernement de Michel Barnier, ce projet de budget intègre donc une baisse totale de 150 millions d'euros des crédits du ministère, équitablement répartie entre les programmes – à la différence de ce qui s'était passé en février dernier, je tiens à le préciser.

Le précédent gouvernement avait souhaité, sur mon initiative, porter un amendement exceptionnel de 300 millions d'euros pour nos besoins d'investissement, avec 300 millions d'euros en autorisations d'engagement et 200 millions d'euros en crédits de paiement. Le Gouvernement a souhaité confirmer cet amendement.

La situation politique et le retard pris du fait de la censure justifient simplement que nous décalions une partie du besoin, selon la logique des dix douzièmes : puisque nous commençons l'année par des services votés, l'idée n'est pas de dépenser en dix mois ce que l'on aurait voulu dépenser en douze. Cela veut dire que nous avons ajusté les montants disponibles, avec 175 millions d'euros de crédits de paiement au lieu de 200 millions d'euros.

Dernière nouveauté, ces 175 millions d'euros, qui étaient majoritairement fléchés vers l'investissement au bénéfice du patrimoine, intègrent 25 millions d'euros qui vont alimenter un fonds exceptionnel en 2025, afin de nous aider à agir au profit des situations les plus critiques pour la création artistique dans les territoires. C'est une grande innovation, que j'ai vivement souhaitée.

Telles sont les dernières évolutions envisagées par le Gouvernement depuis la déclaration de politique générale du Premier ministre. Je voudrais vous dire ma conviction qu'elles répondent à la gravité de la situation. Elles contribuent au redressement de nos finances publiques, d'une manière qui me semble légitime et proportionnée. En même temps, elles préservent l'essentiel et nous dotent de moyens nouveaux et dédiés pour gérer les situations les plus complexes qui vont se présenter dans nos territoires cette année.

Ce projet de budget nous permettra donc de répondre aux principaux enjeux culturels qui sont devant nous.

Dans le secteur de la création artistique, tout d'abord, lors des annulations de crédits de février dernier, j'avais dit que pas un euro ne manquerait dans les régions. Au terme de cette année, j'ai tenu parole : pas un euro de l'État n'a manqué pour la création dans les territoires. Je souhaite remercier le directeur général de la création artistique, Christopher Miles, qui y a veillé.

Il n'en reste pas moins que la situation de la création artistique, singulièrement du spectacle vivant, est très difficile. Les structures ont été touchées par la crise inflationniste ; et alors que les salles sont très souvent pleines, signe d'un engouement du public, le modèle économique montre des signes de fragilité.

L'État en tout cas n'a ni failli ni fait défaut. Il a soutenu ces structures, avec des crédits consacrés au spectacle vivant, hors opérateurs nationaux, en hausse de 45 millions d'euros entre 2022 et 2024, soit une augmentation de 11 %, dont près de 9 millions d'euros en 2024 dans le cadre du plan Mieux produire, mieux diffuser.

Ce plan est pérennisé, avec ses 9 millions d'euros de financement, et c'est heureux, car son bilan est très positif : l'effet de levier fonctionne à plein en partenariat direct avec les collectivités locales. En 2024, pour 9 millions d'euros apportés par l'État, les élus locaux ont déployé 12,5 millions d'euros. Le plan a fait ses preuves, aussi, parce qu'il permet aux collectivités de codécider. Ce soutien du ministère sera poursuivi en 2025.

Il n'en reste pas moins que l'horizon s'assombrit pour le spectacle vivant. Je veux dire les choses telles qu'elles sont, et j'ai d'ailleurs eu des discussions très franches et très constructives avec tous les représentants de ce secteur. La situation nécessite, selon moi, que l'État continue de s'engager, ce qui sera le cas. Je pense qu'un désengagement nous coûterait beaucoup plus cher, en termes de pacte républicain, que le maintien de cet engagement.

Cette situation, qui menace les conditions d'exercice de la compétence culturelle partagée et négociée, appelle aussi une refondation du pacte culturel dans nos territoires.

J'ai lancé un travail très concret, qui doit aboutir d'ici à la fin du mois de février, pour objectiver la situation du spectacle vivant. J'espère que nous pourrons ainsi constater le réengagement d'un certain nombre de collectivités après les annonces difficiles de janvier dernier, au regard de la moindre baisse des dotations de l'État. Je veux en tout cas être claire devant vous qui représentez nos territoires : le premier critère pour mon action sera un engagement croisé État-collectivités.

L'État ne se substituera pas à des désengagements volontaires, mais il répondra présent aux côtés des collectivités qui maintiendront leur engagement et leur soutien, y compris dans un contexte contraint.

Les Drac vont ouvrir, dans chaque région, des discussions avec les collectivités intéressées, afin de déployer des contrats de territoire pour la création artistique, voire, lorsque c'est possible, des contrats territoriaux culturels de plus grande ambition englobant les enjeux de patrimoine et d'éducation artistique et culturelle ; j'ai signé le premier d'entre eux en septembre dernier dans le département de Charente-Maritime.

Ces contrats nous donneront la possibilité de fixer ensemble les priorités et d'avoir une visibilité sur des engagements financiers pluriannuels, permettant de faire des choix structurants.

Mes échanges récents avec François Sauvadet, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), vont dans ce sens. Les départements sont, je le rappelle, les collectivités qui investissent le plus dans la culture, en termes de montants consacrés et d'ampleur des engagements. Une convention sera d'ailleurs bientôt signée entre le ministère de la culture et l'ADF pour soutenir l'investissement dans la culture.

Je souhaite mener ce travail, plus largement, avec les collectivités d'ici à la fin du mois de mars prochain. Je tiendrai un Conseil des territoires pour la culture (CTC) en avril prochain pour examiner les conclusions de ces concertations.

J'en viens à la démocratisation culturelle, qui est aujourd'hui la ligne de front du ministère et de nos politiques culturelles. À qui nous adressons-nous ? Avec quel objectif d'émancipation personnelle, de cohésion nationale et de liberté d'expression ?

La culture doit être chez elle partout, à la ville comme dans les campagnes, dans les lieux labellisés comme dans les écoles, les hôpitaux et les prisons. J'ai ainsi porté un plan, dont les mesures doivent être mises en œuvre, de lutte contre toutes les atteintes à la liberté de création.

Vous l'avez noté, le budget consacré à la démocratisation culturelle est marqué par une baisse, qui contribue ainsi à notre besoin global d'économies. Je tiens à m'y arrêter, car elle porte sur le pass Culture.

Concernant le pass Culture, il y a ceux qui sont absolument pour…