Le projet de loi de finances qui nous est présenté prévoit une baisse significative des crédits alloués à la mission « Outre-mer », qui serait l’une des plus touchées par la logique de modération de la dépense publique. Le total des mesures d’économies s’élève, pour les deux programmes, à 500 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 353 millions d’euros en crédits de paiement (CP). La seule exception concerne l’augmentation de 104 millions d’euros destinée au soutien aux entreprises, qui a été largement sous-évalué ces dernières années.

Cette baisse est profondément inquiétante, à l’heure où les manques structurels d’investissement et de volonté politique sont mis en exergue par les drames touchant nos outre-mer, et particulièrement Mayotte. Cette île est le malheureux exemple des manquements de l’État dans le développement et la protection des outre-mer. Des investissements puissants sont non plus nécessaires, mais vitaux pour permettre à ce territoire de se reconstruire et à ses habitants de vivre dans la sérénité.

Dans la liste des maux qui touchent nos outre-mer, on peut bien sûr souligner l’immigration massive et illégale. À Mayotte comme en Guyane, le manque d’investissement pour protéger nos frontières est une carence inacceptable. L’installation d’un radar militaire, le renforcement de la surveillance côtière par la marine nationale et une réforme du droit de la nationalité sont des mesures certes coûteuses, mais bien moins onéreuses que l’immobilisme actuel qui aggrave la situation.

La baisse annoncée de ces crédits est inacceptable au regard des difficultés qui touchent les collectivités ultramarines. Ces territoires ne peuvent supporter une part disproportionnée de l’effort demandé pour redresser des finances publiques déficitaires depuis cinquante ans. D’autres pistes d’économies existent, notamment au sein des opérateurs de l’État. Les outre-mer ne doivent pas être la variable d’ajustement de l’équilibre budgétaire, alors que les tensions ne cessent de s’exacerber sur fond d’abandon des politiques publiques et de difficultés économiques structurelles touchant ces territoires.

L’indifférence des gouvernements successifs envers nos outre-mer a conduit à une accumulation de crises sociales et économiques, aggravées par les catastrophes climatiques et sécuritaires. Il est temps d’agir avec détermination. Des modèles économiques résilients, durables et adaptés à ces territoires peuvent être conçus et déployés. Des investissements sérieux et ciblés permettront à nos compatriotes de retrouver sécurité et services publics de qualité.

Nos territoires ultramarins doivent retrouver leur juste place dans les priorités des politiques publiques. Nous espérons que le Sénat saura adopter des mesures équitables et efficaces pour répondre aux attentes légitimes de nos compatriotes, au risque de renforcer les tensions et, à terme, les divisions. Dans l’attente, nous réservons notre position de vote.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à la date où devait initialement se tenir l’examen de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2025, le 5 décembre dernier, le contexte était déjà très particulier, et je ne parle pas seulement du contexte budgétaire exceptionnellement contraint.

L’outre-mer mérite respect et reconnaissance. Je rappellerai les différents événements qui se sont produits en Nouvelle-Calédonie, depuis mai dernier, et en Martinique, depuis septembre dernier.

Nous condamnons fermement toutes les violences perpétrées dans ces territoires. Je souhaite surtout rendre hommage aux treize personnes, dont deux gendarmes, décédées en Nouvelle-Calédonie l’année dernière, ainsi qu’aux trois personnes qui ont perdu la vie dans le cadre des émeutes en Martinique. Nous adressons toutes nos pensées à leurs familles.

Sur le Caillou, la situation économique et sociale est catastrophique. Plus de 700 entreprises ont été dégradées ou détruites et beaucoup d’autres en subissent les conséquences. Leur chiffre d’affaires s’est effondré, le chômage a explosé. Les recettes des collectivités se sont écroulées, de nombreuses infrastructures publiques ont été détruites ou endommagées. Le montant total des dégâts est estimé à plus de 2 milliards d’euros.

En Martinique, près de 150 entreprises ont été pillées ou endommagées et le coût des émeutes est estimé entre 78 millions et 100 millions d’euros.

Et tout cela, c’était avant Chido, qui a ravagé Mayotte le 14 décembre dernier. Après le passage de ce cyclone, le plus violent qu’ait connu le territoire depuis quasiment un siècle, on déplore au moins trente-neuf personnes décédées et quelque 5 000 blessés. Nous adressons aux Mahorais touchés par cette catastrophe, et maintenant par une tempête tropicale, tout notre soutien, ainsi qu’aux pompiers, gendarmes, policiers, soignants et bénévoles déployés sur le territoire.

Par ailleurs, l’habitat précaire de près de 100 000 personnes a été totalement détruit. Les infrastructures publiques ont été touchées et les risques sanitaires restent encore très importants – tout cela, dans le département le plus pauvre de France, qui cumulait déjà tant de difficultés…

En 2024, plusieurs événements ont eu lieu dans les outre-mer et nous ont rappelé la réalité de leurs difficultés en termes de statut, de sécurité, de pouvoir d’achat, d’urbanisme, d’accès aux soins ou encore d’immigration illégale.

L’année 2025 devra être celle qui permettra d’apporter des réponses concrètes, efficaces et pérennes à l’ensemble des difficultés que traversent la Nouvelle-Calédonie, la Martinique, Mayotte et l’ensemble des territoires ultramarins.

Nous ne pouvons plus reporter l’examen de nombreux sujets. À ce titre, nous aurons d’ailleurs très prochainement l’occasion d’examiner le projet de loi d’urgence pour Mayotte.

Certes, il ne s’agit pas ici d’apporter des solutions à l’ensemble de ces préoccupations. Je rappelle en effet que la mission « Outre-mer » ne représente qu’une petite part de l’effort global consenti par l’État en faveur de ces territoires. Pour 2025, ledit effort s’élève à 21 milliards d’euros en crédits de paiement, dont seulement 12 % au titre de la mission « Outre-mer », comme le rapporteur spécial de la commission des finances l’a rappelé.

Si elle ne peut tout résoudre, cette mission doit cependant y contribuer, dans la limite du cadre qui est le sien. Après une hausse sensible en 2024, que nous avions saluée, les crédits de la mission « Outre-mer » diminuent malheureusement de 9 % en 2025, s’établissant à 2,55 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 250 millions d’euros de moins.

La dégradation particulièrement forte du déficit public entraîne logiquement une diminution des crédits de presque toutes les missions du projet de loi de finances. C’est une nécessité, alors que la note de la France a déjà été dégradée et que la procédure de déficit excessif a été engagée à notre encontre par l’Union européenne. Notre groupe a d’ailleurs déposé plusieurs amendements afin de rétablir la solidité de nos finances publiques.

Toutefois, nous avons mis un point d’honneur à ce que les crédits de certaines missions ne diminuent pas, comme l’éducation, la défense, la santé ou la sécurité. Nous souhaitons également placer les outre-mer au rang de priorité.

Les crises qui ont touché ces territoires en 2024 ne sont que la manifestation violente de difficultés préexistantes et structurelles – taux de chômage et niveau de pauvreté élevés, difficultés d’accès à l’eau potable, part importante de l’habitat insalubre, coût de la vie exorbitant. En Guadeloupe, par exemple, le panier alimentaire moyen est 50 % plus cher que dans l’Hexagone.

Pour ces raisons, nous estimons que la baisse des crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » de plus de 300 millions d’euros est très inopportune. Ce programme permet en effet de financer des dispositifs visant à développer les habitats décents. Je rappelle que la part de logements insalubres s’établit à 18 % dans les outre-mer, contre 1,2 % dans l’Hexagone.

De même, la baisse des crédits du programme « Emploi outre-mer », qui finance notamment les prêts de développement outre-mer aux PME ou encore l’aide au fret, qui permet de renforcer la production locale et de lutter contre la vie chère, ne nous paraît pas raisonnable. Baisser les crédits dans des territoires qui sont déjà en crise est toujours un très mauvais calcul sur le long terme.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission « Outre-mer », sous réserve du respect des engagements pris par le gouvernement précédent et visant à un réajustement significatif et indispensable des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel.

M. Georges Naturel. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » ne saurait être un simple exercice budgétaire. Elle est l’expression de la solidarité nationale envers ces territoires, qui font la richesse et la diversité de la République ; or plusieurs d’entre eux traversent des crises d’une intensité exceptionnelle.

Mayotte vient d’être frappée de plein fouet par le cyclone Chido. Ce phénomène climatique dévastateur a tout détruit sur son passage – habitations, infrastructures, réseaux essentiels. Nos compatriotes mahorais se retrouvent dans une détresse absolue face à l’ampleur des dégâts. Ils ont besoin de l’aide immédiate de la Nation, sans quoi la reconstruction prendra des années et l’instabilité sociale s’aggravera.

Pour autant, dans ce moment de solidarité pour Mayotte, nous ne devons pas oublier la Nouvelle-Calédonie. Notre territoire est plongé dans une crise économique d’une gravité sans précédent, conséquence directe des émeutes du 13 mai dernier. L’économie calédonienne, déjà fragilisée, a subi un véritable séisme : commerces incendiés, entreprises ruinées, secteurs clefs à l’arrêt. Les dégâts sont considérables et les réparations ne peuvent attendre.

Aujourd’hui, le pays s’enfonce. Le temps qui passe aggrave la situation et rend plus difficile encore la relance. La chute du gouvernement local n’a fait que nourrir l’instabilité et freiner la mise en place de solutions concrètes.

Le Gouvernement a prévu des prêts pour soutenir la Nouvelle-Calédonie. Mais ces dispositifs ne seront pas opérationnels avant plusieurs mois. Or le temps est un luxe dont nous ne disposons pas. L’urgence est là : les trésoreries sont vides, les licenciements s’accélèrent et nous risquons une rupture de financement dans les mois qui viennent.

C’est pourquoi nous plaidons pour des subventions directes et immédiates. J’ai déposé des amendements visant à débloquer un total de 200 millions d’euros pour éviter l’effondrement de l’économie calédonienne. Ces fonds ne sont pas un privilège : ils sont une nécessité absolue pour préserver les entreprises, maintenir l’emploi et empêcher que la Nouvelle-Calédonie ne sombre définitivement dans la récession.

Mes chers collègues, l’heure est à la mobilisation. Mayotte et la Nouvelle-Calédonie sont en détresse. Si l’État ne se montre pas à la hauteur de ces défis, nous prendrons le risque de voir ces territoires s’enfoncer durablement dans la crise sociale, économique et politique. L’État doit agir maintenant. (Mmes Vivette Lopez, Nadine Bellurot et Annick Petrus applaudissent, ainsi que M. Marc Laménie.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, faire des outre-mer un ministère d’État est un bon signal et une invitation au travail, car les outre-mer sont au cœur de notre République et doivent être au cœur de notre action. Telle est notre conception, fidèle à nos valeurs.

Les crises successives, qu’elles soient sociales, migratoires ou climatiques, ont mis en lumière l’urgence de répondre avec force et clarté aux défis qui touchent nos concitoyens ultramarins. Nous serons donc très attentifs aux premiers signes que vous pourrez donner en leur faveur dès à présent.

Nous sommes prêts à examiner les crédits de la mission budgétaire consacrée aux outre-mer. Après plusieurs années de hausses consécutives, ces crédits enregistrent une nette diminution en 2025, conséquence de la dégradation des finances publiques.

L’effort financier global de l’État en faveur des outre-mer s’élève à 19 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 21 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 4 % en AE et de 3 % en CP.

Nous partageons la nécessité de réduire le déficit public. Toutefois, cet effort ne devrait pas peser avec la même rigueur sur les régions les plus fragiles de notre pays, où les carences structurelles sont importantes et où le coût de la vie dépasse de 40 % celui de l’Hexagone.

C’est pourquoi le groupe RDPI proposera un amendement visant à rétablir les crédits au niveau de 2024. Cet ajustement permettra de garantir la continuité des actions engagées et le respect des engagements de l’État envers ces régions ultrapériphériques.

Un tel budget d’austérité ne peut être opposé à un territoire entièrement dévasté. Je parle ici de Mayotte, mon territoire, avec émotion. Les amendements qui seront débattus aujourd’hui ne tiennent pas compte du désastre causé par le cyclone Chido. Nous attendons du Gouvernement des mesures fortes pour rééquilibrer ce budget, dans l’esprit de justice sociale et de solidarité qui caractérise la France.

Le groupe RDPI soutient l’adoption de ce budget pour les outre-mer, tout en émettant des réserves sur certaines coupes budgétaires.

Nous notons une légère hausse des crédits pour soutenir nos entreprises locales via des compensations d’allégements et d’exonérations de charges sociales. Ces mesures sont essentielles pour un tissu économique composé majoritairement de TPE et PME.

Cependant, des baisses préoccupantes affectent des dispositifs majeurs comme les prêts de développement outre-mer. Nous proposerons de réabonder cette action à hauteur de 24 millions d’euros afin de renforcer le soutien aux économies locales et d’offrir des solutions de trésorerie souples à nos entreprises.

Il est urgent d’agir pour réduire le coût de la vie dans les outre-mer. Ce budget doit intégrer des mesures de compensation des coûts liés au fret pour les produits de première nécessité.

Nous déplorons une baisse des crédits consacrés au service militaire adapté (SMA) et à l’aide à la mobilité via l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom). Ces coupes envoient un mauvais signal à notre jeunesse, pourtant porteuse d’avenir. À Mayotte, le régiment du service militaire adapté (RSMA) pourrait être mobilisé pour contribuer à la reconstruction et former les artisans de demain.

Le programme « Conditions de vie outre-mer » subit également une baisse notable, malgré la poursuite d’efforts dans l’habitat social au travers du nouveau plan Logement outre-mer. Nous préconisons de renforcer le fonds régional d’aménagement foncier et urbain (Frafu) pour soutenir les collectivités et réduire le coût du foncier viabilisé.

La baisse de 76 % des crédits de paiement affectés aux contrats de convergence et de transformation est alarmante. Elle compromet la signature de nouveaux contrats de redressement en outre-mer en 2025 et affaiblit les outils de redressement financier des collectivités.

Enfin, les crédits du Fonds de secours pour les outre-mer (FSOM), essentiels pour répondre aux catastrophes naturelles, doivent être révisés à la hausse pour faire face aux dégâts causés par le cyclone Chido. Les Mahorais sont véritablement en attente de cette aide.

Bien conscients de leurs responsabilités, les membres du groupe RDPI approuveront, sous cette réserve, le budget de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

(Mme Anne Chain-Larché remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ruel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Marc Ruel. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’année 2024 a été particulièrement difficile et instable pour nos concitoyens ainsi que pour nos institutions. J’en veux pour preuve que nous voici, en ce 15 janvier, en train de débattre du budget de l’année 2025, déjà entamée.

Nos territoires d’outre-mer ne dérogent pas à ces difficultés, bien au contraire. Nous pouvons d’ailleurs faire un triste constat : quatre ministres des outre-mer se sont succédé en 2024, et l’histoire retiendra que chacun d’entre eux a eu à gérer une crise.

Tout avait déjà commencé avec Mayotte et une crise de l’eau que le gouvernement de l’époque tentait de résoudre.

En mai, la Nouvelle-Calédonie s’est embrasée à la suite du projet de loi constitutionnelle que nous connaissons, laissant le territoire dans une inquiétude sociale et économique croissante.

En septembre dernier, les Martiniquais ont manifesté avec beaucoup de vigueur contre la vie chère, nous rappelant l’urgence de la problématique du coût de la vie qui touche nos concitoyens ultramarins.

Enfin, après le cyclone Chido, qui a très durement touché Mayotte, est survenue la tempête Dikeledi, à laquelle nos compatriotes mahorais ont dû faire face. Je tiens d’ailleurs à leur témoigner ici la solidarité des habitants de mon archipel.

Monsieur le ministre, en tant que Saint-Pierrais et Miquelonnais, je me réjouis de la décision du Premier ministre de nommer un ministre d’État à Oudinot. Je rappelle d’ailleurs que vous restez à ce jour le dernier Premier ministre à être venu sur notre archipel.

Nous connaissons votre abnégation et je sais pouvoir compter sur votre action concernant nos sujets locaux : l’eau et l’assainissement, le transport maritime et aérien, le déplacement du village de Miquelon, entre autres.

Nos rapporteurs, dont je salue la clarté de l’exposé et le sérieux du travail, ont rappelé les chiffres du projet de loi initial : la prévision s’élève à 2,78 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 12,52 % par rapport à l’exercice précédent. Les crédits de paiement diminuent aussi, s’établissant à 2,55 milliards d’euros, en diminution de 8,89 %.

Il y a de quoi s’étonner. Le programme « Conditions de vie outre-mer », notamment, présente une baisse plus qu’inquiétante de près de 37 % en autorisations d’engagement et de 34 % en crédits de paiement.

Monsieur le ministre, vous héritez donc dans ce projet de loi de finances pour 2025 d’une réduction significative des crédits alloués aux territoires d’outre-mer, après plusieurs années successives de hausse. Nos territoires additionnent un trop grand nombre de défis à relever : ce budget initial fortement en baisse est inacceptable.

Je resterai prudent quant à l’avenir des amendements déposés hier soir par le Gouvernement. Cependant, le RDSE salue l’effort réalisé afin de rétablir les crédits des outre-mer pour 2025 à hauteur de ceux de 2024.

Au regard des récents éléments introduits dans cette mission, notre groupe votera en faveur des amendements du Gouvernement, ainsi que de ce budget consacré aux outre-mer.

Par ailleurs, j’ai entendu le Premier ministre évoquer, dans sa déclaration de politique générale, un nouveau plan de développement et de financement dans le cadre d’un comité interministériel des outre-mer.

La méthode n’est pas nouvelle – le dialogue entre les élus est toujours une bonne chose. Cependant, nous avons pu nous rendre compte depuis trois ans qu’elle a produit peu de résultats. Pourquoi ? Parce qu’il est nécessaire de faire émerger des solutions du terrain, voulues par les populations, les associations et l’ensemble des acteurs locaux réunis partout sur nos territoires, dans nos communes et nos collectivités. Cette stratégie avait été adoptée en 2018 avec le Livre bleu outre-mer, faisant suite aux Assises des outre-mer. C’est ce que nos compatriotes demandaient à l’époque, et nous avons perdu le cap.

J’ai commencé mon propos en notant le changement récurrent de ministres des outre-mer. Mais le problème n’est pas seulement là : il réside aussi dans l’absence de continuité stratégique.

Je conclurai, monsieur le ministre, en vous interrogeant : quelle méthode comptez-vous adopter pour mener à bien le plan annoncé par le Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE. – MM. Teva Rohfritsch et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Lana Tetuanui. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues présents, iaorana ite matahiti api ! Je vous adresse ainsi, vous l’aurez compris, mes meilleurs vœux. (Sourires.)

Après le vote de la motion de censure du 4 décembre dernier, le train « PLF 2025 » s’est arrêté brusquement sur la voie du Sénat. Espérons que, cette fois-ci, il arrivera à bon port, sans nouvelle censure – je croise les doigts…

Je voudrais avant tout saluer l’ancien Premier ministre, devenu ministre d’État chargé des outre-mer, et lui souhaiter la bienvenue au Sénat.

Je tiens également à adresser une pensée à nos compatriotes mahorais, durement éprouvés par le cyclone Chido le 14 décembre dernier. Près d’un mois après cette catastrophe, Mayotte peine à se reconstruire. L’électricité n’est pas intégralement rétablie, l’accès à l’eau potable reste difficile, la rentrée des classes se fait avec du retard et dans des conditions dégradées.

Les Mahorais nous le disent, aujourd’hui, tous les foyers sont vulnérables et la solidarité nationale, notamment au travers du déploiement de l’aide alimentaire et de la distribution en eau, doit se maintenir. Le cyclone Chido a dévasté Mayotte, mais il offre aussi la possibilité de reconstruire mieux, en s’attaquant aux racines des problèmes déjà présents avant son passage.

Le groupe Union Centriste soutiendra les démarches pour la reconstruction de Mayotte et sera très attentif à l’élaboration du projet de loi d’urgence pour Mayotte, qui sera examiné dans quelques jours.

Je me dois d’évoquer aussi la situation de nos voisins du Caillou.

En mai 2024, la Nouvelle-Calédonie a connu des émeutes d’une très rare violence. Les dégâts résultant de ces événements ont été chiffrés à près de 2 milliards d’euros, dont 400 millions concernent directement les infrastructures publiques.

Près de 800 entreprises ont été dégradées, pillées ou incendiées alors qu’une majorité d’entre elles ne sont pas assurées au titre de la garantie « émeutes et mouvements populaires ». Les dernières évaluations du PIB calédonien font état d’une contraction brutale, estimée entre 20 % et 30 % depuis le début des émeutes. Sur ce territoire, les pertes fiscales, douanières et sociales sont estimées à plus de 500 millions d’euros pour 2024.

Les collectivités territoriales peinent à faire face à leurs dépenses de fonctionnement. Un réamorçage des finances du territoire est donc nécessaire pour relancer l’économie de l’archipel, que le groupe centriste soutiendra bien évidemment. Il est également essentiel que des discussions sereines reprennent autour de son avenir institutionnel.

Pour ce qui concerne la mission « Outre-mer », et dans la continuité de nos travaux, le projet de loi de finances prévoyait une diminution de 12,5 % des autorisations d’engagement, soit 2,7 milliards d’euros, et une baisse des crédits de paiement de 9 % par rapport à la loi de finances initiale de 2024, soit une inscription de 2,55 milliards d’euros. Ce recul enregistré pour 2025 est, hélas, regrettable, notamment pour les collectivités d’outre-mer, où les crises sociales et économiques s’enchaînent au fil des jours et où la solidarité nationale s’impose.

Néanmoins, outre ces situations d’urgence pour lesquelles les crédits de la mission sont réajustés à la hausse, nous devons rester raisonnables dans nos demandes de crédits afin de participer à l’effort national et réfléchir à une meilleure gestion de nos politiques publiques. L’accompagnement de l’État est insuffisant et les crédits européens sont sous-utilisés. Le prochain Ciom, qui avait été annoncé par votre prédécesseur, doit être l’occasion de mener cette réflexion.

Nous sommes tous conscients du retard accumulé dans nos outre-mer : dans le secteur du logement, mais aussi du point de vue de la cherté de la vie, de la pauvreté qui est plus forte, du taux de chômage qui est plus élevé, de l’accès à l’eau potable qui n’est pas assuré correctement dans de nombreuses collectivités, et de l’insécurité grandissante liée au trafic de drogue.

Le Gouvernement a bien pris conscience de ces fragilités économiques et sociales. En écoutant la déclaration de politique générale, hier, nous avons compris que nous bénéficierions d’un accompagnement spécifique et renforcé malgré le contexte financier très difficile pour toute la Nation.

Concernant plus particulièrement ma collectivité – la plus belle : la Polynésie française ! (Sourires.) –, je vous rappelle combien je m’étais opposée à l’augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), le coût du vol vers notre territoire étant déjà exorbitant en raison de son éloignement.

Le correctif adopté en séance au Sénat pour limiter la hausse de la taxe sur les billets d’avion en classe économique était un moindre mal pour préserver la continuité territoriale. Mais le fait de nous opposer les directives européennes me laisse perplexe : les outre-mer sont en effet des pays et territoires relevant de la législation des pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP). Ce motif d’interdiction d’exonération mériterait un examen approfondi en vue d’une dérogation, notamment face à la concurrence offensive des compagnies aériennes américaines dans notre zone Pacifique. Je tiens d’ailleurs à remercier nos collègues venus nous soutenir à l’occasion de la défense de notre amendement.

Vous aurez compris, monsieur le ministre, que le sujet de la taxe sur les billets d’avion était clos au Sénat : on n’en parle plus.

En matière de santé publique, j’ai bien noté le maintien du soutien de l’État à la politique de santé en Polynésie française à hauteur de 4 millions d’euros. Pour autant, c’est largement insuffisant. Je déplore une nouvelle fois l’absence, dans ce projet de loi de finances, de crédits pour le renouvellement de la convention relative au soutien de l’État à la politique de santé en Polynésie française. Nous savons que le Président, indépendantiste, de la Polynésie française est en ce moment à Paris, sûrement pour renégocier ladite convention…

Monsieur le ministre, cette convention si importante pour ma collectivité est-elle en voie de disparition ? Sans connaître l’avancement des pourparlers avec notre gouvernement local, nous attendons un retour de l’État dans le financement de notre protection sociale généralisée (PSG) au titre de la solidarité nationale.

Par ailleurs, j’ai relevé l’absence de crédits de paiement dans la gestion de nos contrats de convergence et de transformation 2024-2027. Le montant contractualisé est loin d’être négligeable, mais cet écran vide en matière de délégation de crédits de paiement pour 2025 m’interroge. La faute en revient-elle au pays, en l’absence de dossiers ficelés, ou est-ce dû aux méandres des couloirs parisiens ? J’attends votre réponse à cet égard.

Concernant toutes les autres dotations propres à ma collectivité, le maintien est de rigueur et n’appelle donc pas de demandes complémentaires.

Dans la seconde partie du projet de loi de finances relative aux articles non rattachés, un amendement sera présenté par mon collègue Vincent Delahaye ; je le soutiens fortement, car il traduit les termes d’une proposition de loi que j’avais déposée en août 2022 et qui visait à supprimer l’indemnité d’éloignement (IE) des fonctionnaires de l’État affectés en Polynésie française.

Il s’agit non pas ici de retirer l’indexation appliquée sur la rémunération, qui se justifie eu égard à la cherté de la vie dans nos îles, mais de supprimer cette prime d’éloignement égale au versement de cinq mois de traitement indiciaire brut à chaque séjour administratif de deux ans.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Lana Tetuanui. Une prime d’installation d’un montant égal pour tous permettrait à l’État de diminuer ses dépenses publiques. Cette proposition vise donc à réaliser des économies.

Le groupe Union Centriste votera en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Teva Rohfritsch et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, alors que le Gouvernement a été censuré, le pays réclame un changement de cap. Le peuple français et la France des outre-mer méritaient un autre budget, au moins 10 000 fois plus ambitieux.

À l’heure où la décision du dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie a provoqué un chaos politique et social, où des protestations contre la vie chère ont éclaté en Martinique et en Guadeloupe, où le cyclone Chido a dévasté Mayotte et où l’épidémie de chikungunya à La Réunion a déclenché le niveau 3 du dispositif Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile) « Arboviroses », nos territoires ultramarins auraient besoin d’un soutien massif de l’État.

Nous connaissons des difficultés structurelles qui justifient des interventions spécifiques : la vie chère ; un taux de chômage supérieur à celui de l’Hexagone et un taux de pauvreté plus élevé : de 36 % à La Réunion ; de 42 % à Mayotte ; de 21 % en Martinique ; de 19 % en Nouvelle-Calédonie. Les services essentiels y sont parfois mal assurés, notamment l’accès à l’école et à la santé, l’approvisionnement en eau et en électricité ; s’y ajoute un manque criant de logements.