M. François Bayrou, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je profite de la référence que M. Gontard vient de faire au discours que j’ai tenu hier, à l’Assemblée nationale, pour corriger une injustice que j’ai commise en citant le gouvernement de Lionel Jospin dans la liste de ceux qui ont contribué à aggraver le déficit et la dette du pays. En effet, Lionel Jospin, lorsqu’il était à la tête du Gouvernement entre 1997 et 2002, a légèrement réduit l’endettement du pays. Il faut lui en donner acte. (Marques d’approbations et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.) Comme je m’efforce d’être honnête et juste dans mes jugements, je voulais le faire devant vous.
M. Darnaud a défendu à juste titre notre Constitution et nos institutions et a rappelé que l’audace n’était jamais une impasse. Il a pris la mesure des tensions géopolitiques auxquelles notre pays était soumis, tout comme je me suis efforcé de le faire. Conformément à la position que défendent les membres du parti Les Républicains, notamment M. Laurent Wauquiez, il a lancé l’idée d’un audit des agences et opérateurs de l’État, afin de saisir la pertinence de leur travail et d’avoir la capacité de les contrôler.
Je suis prêt, monsieur Darnaud, à discuter avec vous et avec vos collègues de la forme que pourra prendre cet audit, qui ne sera pas facile à mener pour la simple raison que l’on ne connaît pas exactement le nombre des agences. Telle est la vérité ! Il est même difficile d’apprécier la part de budget qui leur est attribuée : en 2018, on la chiffrait officiellement à 20 milliards d’euros ; en 2019, à 30 milliards d’euros ; et l’année dernière, à 83 milliards d’euros. L’augmentation est donc rapide et exponentielle.
Au sujet de ces agences, nombreux sont ceux qui défendent l’utilité de leur engagement et le rôle qu’elles remplissent au nom de l’État. Nombreux sont ceux également qui considèrent qu’elles sont plus efficaces que l’État lui-même. C’est d’ailleurs ce qui a justifié leur création, puisque les gouvernements successifs ont décidé de se servir de cet outil pour éviter d’avoir à assumer directement la charge d’un certain nombre d’actions publiques.
Vous avez également défendu le rôle du Parlement dans la réforme de notre système de retraite et je souscris à vos propos.
La surtransposition des normes agricoles est un problème qui est souvent dénoncé. Toutefois, je considère comme plus grave encore le déséquilibre qui consiste à imposer aux agriculteurs français des normes et des règles qui ne s’appliquent pas dans les autres pays, même au sein de l’Union européenne. C’est là, bien évidemment, ce qui a justifié la contestation et le rejet de l’accord avec le Mercosur, par exemple. Si donc nous commencions par rendre équitables les règles et les normes à l’intérieur de l’Union européenne, nous aurions déjà fait un grand pas.
Je vous confirme que M. Retailleau a tout mon soutien, ce dont vous vous êtes réjoui à la tribune. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Vincent Louault applaudit également.) J’ai même souhaité qu’il soit ministre d’État, ministre de l’intérieur. Malgré l’étonnement qu’ont exprimé certains d’entre vous, je soutiens également l’action du ministre d’État, ministre de la justice. En effet, au cours des années, voire des décennies précédentes, le manque de coordination et de communauté d’inspiration entre sécurité et justice a souvent été dénoncé. Or la construction gouvernementale que nous avons établie y remédie, avec la garantie de l’État de droit, qui reste pour moi essentielle. À cet égard, j’ai apprécié que l’un des orateurs précédents rappelle les combats qui ont été les miens sur ce sujet.
Plus précisément, la lutte contre le narcotrafic est un enjeu important. Il nous faudra aussi développer une politique et une action efficaces pour mettre fin à la délinquance des plus jeunes.
M. Kanner a rappelé que les membres du groupe socialiste n’ont jamais envisagé de faire partie du Gouvernement ou de rejoindre la majorité, mais qu’ils étaient prêts à saisir une éventuelle main tendue afin que les forces qui soutiennent le Gouvernement ou qui y participent – comment parler de « majorité » ? – et celles de l’opposition qui choisiraient le dialogue puissent avancer ensemble.
Vous vous rappelez sans doute que, dans l’une de mes interventions, après ma nomination, j’avais défini trois cercles : le premier était formé de ceux qui participent au Gouvernement, le deuxième de ceux qui sont radicalement opposés au Gouvernement et le troisième de ceux qui, étant dans une attitude d’opposition intellectuelle, choisissent cependant de dialoguer.
Par conséquent, monsieur Kanner, je ne peux que vous donner acte de la position que vous avez défendue.
En outre, vous avez rappelé les efforts que vous avez consentis – et je vous en donne acte aussi – pour que nous travaillions ensemble, de bonne foi, sans qu’il y ait la moindre compromission dans les positions que nous avons adoptées, en faisant des propositions qui nous ont permis, au cours de ces dernières heures, de progresser dans l’appréhension de ce que l’avenir pourrait être.
Je peux prendre deux engagements pour vous satisfaire.
Premièrement, un peu plus tôt à l’Assemblée nationale, alors que j’annonçais que la conférence sociale travaillerait durant trois mois, on m’a rétorqué que ce serait trop court. Si donc la conférence sociale demandait un délai supplémentaire de quelques semaines, je me suis engagé à le donner. Toutefois, il ne faudrait pas perdre trop de temps si nous voulons aboutir à un accord avant le mois d’octobre prochain, date qui correspond, comme vous le savez, au franchissement d’un nouveau seuil.
Par conséquent, trois hypothèses se dessinent. La première est celle où nous trouvons un accord qui aboutira à un texte que nous pourrons soumettre au Parlement, ce qui serait la meilleure issue possible. La deuxième est celle où nous ne trouvons pas d’accord et nous en venons à une situation de confrontation – toutefois, je ne crois pas à cette dernière hypothèse : pour avoir échangé avec les représentants des forces sociales qui participeront à cette conférence, je reste persuadé que chacun d’entre eux aura en tête de trouver une voie de progrès. S’il n’y avait aucun accord, il n’y aurait pas lieu de produire un nouveau texte. Troisième hypothèse, nous trouvons une zone d’accord ou une zone de progrès, identifiée par les participants et à laquelle le Gouvernement aura donné du crédit : nous préparerons alors un texte que nous soumettrons à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Autrement dit, avec cette dernière hypothèse, on sort du tout ou rien. C’est là le deuxième engagement que je prends : nous pourrons prendre acte des progrès que nous ferons, même si nous n’aboutissons pas au grand œuvre ou à la cathédrale sociale et législative à laquelle nous aspirons. Il s’agira simplement de marquer des points ou, du moins, de constater que nous l’avons fait, ce qui devrait satisfaire un certain nombre de vos demandes.
Quant aux autres propositions budgétaires sur lesquelles nous avons travaillé, je veux faire un geste de bonne volonté. Ainsi, je suis prêt à renoncer à la suppression de 4 000 postes dans l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC. – M. Stéphane Sautarel applaudit également.) Permettez-moi cependant de relativiser quelque peu mon propos à partir de la réalité : Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sait très bien, tout comme chacun d’entre vous, que nous n’arrivons pas à pourvoir les postes que nous mettons au concours. Il faudra réaliser un travail important sur l’attractivité…
Mme Laurence Rossignol. Il faut mieux payer les enseignants !
M. François Bayrou, Premier ministre. Pas seulement, madame la sénatrice. Mais il est vrai que si les gouvernements précédents, notamment de votre bord politique, avaient amélioré les salaires des enseignants, nous n’en serions pas là.
Vous avez rappelé à juste titre que le niveau de recrutement des nouveaux enseignants, lorsque j’étais ministre de l’éducation nationale, était supérieur à deux fois et demie le Smic. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Aujourd’hui, hélas, les marges sont beaucoup plus étroites. Pour avoir des enfants qui exercent le métier d’enseignant, je connais la faiblesse des salaires dans l’éducation nationale.
Pouvons-nous redresser la situation ? Je crois en tout cas que nous pouvons y travailler. Les enjeux budgétaires étant considérables, ces problèmes ne pourront être résolus si nous n’améliorons pas l’équilibre général du budget.
Monsieur le président Kanner, voilà des réponses précises qui permettront d’apprécier la bonne foi qu’il y a eu dans nos échanges.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. On avance !
M. François Bayrou, Premier ministre. Vous avez souligné que vous aviez fait un pas vers nous ; je suis prêt à en faire autant pour que nous puissions avancer utilement sur ces sujets.
L’augmentation du taux de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) de 3,3 %, au lieu de 2,8 %, permettra de satisfaire certaines de vos demandes.
Mme Laurence Rossignol. Et les jours de carence ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – D’un geste de la main, Mme Laurence Rossignol intime aux sénateurs de la droite de l’hémicycle de se taire.)
M. François Bayrou, Premier ministre. Le geste est d’une élégance moyenne, madame la sénatrice…
La question des jours de carence est entre les mains du Parlement. (M. Victorin Lurel proteste.) Le Sénat en débattra prochainement dans le cadre de la discussion d’un amendement au projet de loi de finances que vous avez déposé. Je trouve intéressant que le débat ait lieu au cours de l’examen d’un texte budgétaire. La solution n’est peut-être pas forcément dans le nombre de jours de carence (Mme Colombe Brossel proteste.) et le Gouvernement pourra développer d’autres propositions devant vous.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est dingue, on ne négocie pas ainsi !
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur Kanner, comme d’autres orateurs issus de la gauche de l’hémicycle, vous avez fustigé la politique de l’offre. Puis-je vous rappeler que cette politique a commencé d’être promue en France à partir de 2014 ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le CICE !
M. François Bayrou, Premier ministre. C’est donc un gouvernement que vous souteniez qui a fait avancer notre pays dans cette voie, de manière décisive et déterminante, au risque même de perdre une partie de ses soutiens. Je ne veux pas manquer de lui rendre hommage sur ce point.
Enfin, vous voulez être « constructif et exigeant », deux adjectifs qui me paraissent absolument justifiés.
Monsieur le président Marseille, vous avez insisté sur la place qui a été faite aux sénateurs au sein du Gouvernement. Je veux rappeler qu’ils sont sept ou huit à y être entrés. (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) L’hésitation vient du fait que Valérie Létard était sénatrice juste avant de devenir députée. Je la salue donc doublement, en lui adressant mes compliments et en lui déclarant toute ma satisfaction. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.) Les sénateurs n’étaient pas aussi nombreux dans les gouvernements précédents ; il n’y en avait parfois qu’un seul, si ma mémoire est fidèle.
Vous avez insisté sur la stabilité institutionnelle. C’est en effet l’une des clefs non seulement de l’image de la France et de notre capacité d’action, mais aussi du jugement que les Français portent sur le monde parlementaire et politique que nous créons. Or l’on constate un immense rejet de l’instabilité dans tous les électorats, hormis peut-être celui de La France insoumise, ou plutôt une immense demande d’un retour à la stabilité, ce qui suppose que nous rétablissions des règles et une discipline pour doter notre pays d’un budget et nous attaquer aux priorités qui sont les vôtres, et que j’approuve, à savoir le logement, la loi d’orientation agricole et le partage de la valeur ajoutée.
M. le président Patriat… (Murmures amusés alors que M. le Premier ministre remet de l’ordre dans ses notes.) a déclaré à juste titre qu’il était important d’offrir toutes ses chances à l’amélioration du projet de réforme des retraites. Il a également raison d’évoquer les altérations que le blocage résultant de la censure a entraînées dans la vie quotidienne des Français. L’expérience qui est la sienne et le regard aiguisé qu’il porte sur la vie politique sont, pour le Gouvernement, suffisamment précieux pour que je le souligne devant la Haute Assemblée.
M. François Patriat. Il est bon ce Premier ministre !
M. François Bayrou, Premier ministre. M. Malhuret a dressé un tableau grave et responsable de la situation. Nous connaissons tous l’esprit et l’humour qui le caractérisent ainsi que son sens de la formule.
Il fait porter à une partie des courants politiques du pays, qu’il désigne comme « la gauche modérée », une certaine responsabilité dans la censure, et tous ceux qui s’intéressent à la démocratie française partageront certainement ce constat.
Il a rappelé que, depuis 2017, l’attractivité du pays, la modération de la fiscalité et l’ordre étaient des acquis, et constaté que trop de gens dépendaient en France de l’État. Il a ainsi posé les enjeux qui justifient une reconfiguration de notre politique budgétaire et de notre action publique.
Je souscris à son analyse lorsqu’il juge que trop de dépenses publiques ne correspondent pas à l’action la plus efficace que nous pourrions mener. C’est un énorme travail que de rebâtir la structure budgétaire de notre pays, mais je reste persuadé qu’il faudra le faire.
Il a terminé son propos, comme il se doit, en évoquant l’unité européenne, rempart nécessaire contre la fragilité de l’Europe.
Madame Cukierman… (M. le Premier ministre cherche du regard Mme Cukierman.)
M. Bruno Sido. À gauche toute, M. le Premier ministre ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bayrou, Premier ministre. Pour paraphraser Pascal, je ne vous chercherais pas si je ne vous avais pas trouvée. (Sourires.)
Vous avez rappelé, même si cela est profondément perturbant, que la démocratie libérale comporte des ferments d’illibéralisme. M. Elon Musk est bien évidemment l’un des acteurs, ou plutôt devrais-je dire agitateurs, de cette tendance. Il considère que les moyens considérables à sa disposition lui donnent le droit de s’immiscer dans la vie démocratique non seulement – et massivement – de son pays, mais aussi d’autres pays.
Vous avez insisté sur le fait que le pluralisme et la tolérance – je ne peux que me retrouver dans ces mots – étaient la marque de notre démocratie.
Vous avez rappelé que la réindustrialisation avait été remise en cause par un certain nombre de choix.
Vous avez condamné l’optimisation fiscale. Il se trouve que le Gouvernement y travaille afin que, cette année ou l’année prochaine, nous puissions disposer de mécanismes à même d’empêcher que l’injustice s’installe là où il devrait y avoir la certitude de la justice.
Enfin, vous avez dénoncé la faiblesse ou, du moins, l’importance insuffisante du service public en France. C’est le seul point sur lequel je suis en désaccord avec vous : nous sommes, de très loin dans le monde, le pays dans lequel les services publics sont les plus importants, les plus présents, les plus répandus dans tous les secteurs de la vie et, accessoirement, les plus chers. La question n’est donc pas tant celle de l’importance des services publics que celle de leur efficacité, de leur organisation et de leur implantation. Il y a selon moi une mauvaise répartition entre la fonction publique « de papier », pour reprendre une expression que j’ai déjà eu l’occasion d’employer, c’est-à-dire la fonction publique de bureaucratie, et la fonction publique de service, celle qui est sur le terrain – je pense notamment aux lits d’hôpitaux et aux salles de classe. C’est en mettant fin au déséquilibre de cette organisation que l’on pourra améliorer ce que vous dénoncez.
Madame Carrère, j’ai beaucoup apprécié votre intervention, d’autant que nous sommes l’un et l’autre fiers et heureux de venir du même coin du monde, les Pyrénées, cette région dont les représentants ont constamment apporté dans la vie nationale un sens de l’écoute, de la tolérance et parfois de l’humour que je trouve utile.
Vous avez dit que les Français étaient nombreux à souhaiter le compromis, et je suis d’accord avec vous : c’est là, me semble-t-il, une marque de l’époque.
Vous avez annoncé que vous détermineriez votre position au cas par cas et texte par texte. C’est là une évidence, qui vaut pour tous les groupes. M. Darnaud a tenu le même propos et le groupe centriste fera de même.
Selon vous, la conférence sociale devrait permettre de traiter le sujet de la pénibilité, celui de l’usure au travail et celui des rémunérations, notamment les avantages complémentaires en cas d’engagement civique. Vos suggestions sont bonnes et il nous reste à définir ensemble le moyen de les traduire concrètement.
Enfin, vous avez défendu la capacité d’action des collectivités locales. Je vous en donne acte.
Monsieur Gontard, vous m’avez offert l’occasion de corriger le propos erroné que j’avais eu sur l’héritage du gouvernement de M. Jospin.
Laissez-moi vous rappeler les propositions du Gouvernement qui satisferont vos demandes. Le plan Eau bénéficiera de 475 millions d’euros supplémentaires. La stabilité des taxes affectées aux agences de l’eau est un acquis. Le fonds Barnier, qui a pour objet de financer la prévention des risques naturels, notamment ceux qui sont liés aux sécheresses et aux bouleversements qu’elles provoquent sur les terrains argileux, sera doté de 75 millions d’euros supplémentaires, soit une augmentation de 33 % sur un an. Le fonds Chaleur verra ses crédits maintenus au même niveau, en hausse de 33 % par rapport à 2023. Le budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) sera augmenté pour couvrir le paiement des subventions.
Le fonds vert est abondé de 150 millions d’euros supplémentaires, ce qui porte à 1,2 milliard d’euros le montant des crédits de paiement pour 2025. Vous avez haussé les épaules lorsque j’ai évoqué le plan Vélo, (Marques d’ironie sur les travées du groupe GEST.) mais les 50 millions d’euros supplémentaires dont il est doté ne me semblent pas négligeables. Nous avons également maintenu la taxe de solidarité sur les billets d’avion, laquelle, comme vous le savez, est sujette à débat.
De plus, nous avons renforcé la capacité d’investissement des régions en prenant une décision qui paraît technique, mais que tous les élus locaux comprennent. Jusqu’à présent, le coût des péages ferroviaires était inscrit en dépenses de fonctionnement des régions, ce qui était extrêmement pénalisant puisque le budget de fonctionnement est fortement dépendant des excédents de fonctionnement. Nous avons décidé d’inscrire ces coûts en section d’investissement afin de donner un peu d’oxygène aux régions en leur permettant de dégager des excédents plus généreux pour équilibrer leur budget de fonctionnement. Cette décision change beaucoup de choses pour le budget des conseils régionaux.
Pour ce qui est du programme de développement, je m’engage à ce que nous reprenions la dynamique positive en 2026. Monsieur Gontard, il n’est pas juste de dire que ces mesures ne représentent rien. Ce sont des efforts importants dans le sens d’une politique suivie en faveur du développement durable et de la lutte contre le changement climatique.
Par ailleurs, je maintiens que la production d’électricité non émettrice de gaz à effet de serre, non carbodépendante, c’est-à-dire l’électricité d’origine nucléaire et les calories et frigories géothermiques, est essentielle.
Monsieur Hochart… (M. le Premier ministre cherche du regard M. Joshua Hochart.)
M. Joshua Hochart. Au centre ! (Sourires.)
M. François Bayrou, Premier ministre. Je vois que vous siégez au sein des non-inscrits. J’ai moi-même siégé en tant que non-inscrit pendant suffisamment d’années pour défendre le caractère non condamnable de cette position.
Mmes Cécile Cukierman et Marie-Pierre de La Gontrie. C’est l’extrême droite !
M. François Bayrou, Premier ministre. Je raconte souvent que François Mitterrand, de même qu’Aimé Césaire, ont été non-inscrits. Aussi suis-je assez fier de l’avoir été aussi. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Mickaël Vallet. On est loin d’Aimé Césaire !
M. François Bayrou, Premier ministre. Au fond, vous avez dit quelque chose d’essentiel sur le projet de loi de finances en déclarant que ce budget n’était pas le nôtre. C’est la vérité : ce budget est le vôtre, puisque nous allons repartir des décisions, des orientations et des précisions issues des débats qui se sont tenus au Sénat.
Si ce budget est utile à bien des égards, il ne correspond pas à la définition que nous aurions donnée d’un équilibre idéal, ni à celle que d’autres que nous auraient donnée. Toutefois, il s’agit du seul budget qui permette de répondre à l’urgence. Il n’existe pas d’autre démarche politique, budgétaire et parlementaire pour doter le pays d’un budget.
Je crois que les Français se rendent très bien compte de la précarité dans laquelle l’absence de budget plongerait notre vie publique. Aussi, je revendique le choix d’aller le plus vite possible, car je mesure l’ampleur des dégâts causés par la non-adoption d’un projet de loi de finances en raison de la censure du Gouvernement précédent. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 36 de notre règlement et concerne plus précisément l’organisation de nos travaux.
Nous assistons à un véritable coup de force contre la démocratie et le Parlement. Lorsque le gouvernement de Michel Barnier a été censuré le 4 décembre dernier, c’est l’ensemble de sa politique qui a été rejeté, et non le seul projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous savons toutes et tous que les textes financiers constituent le socle de la politique menée à l’échelon local comme national – qui pourrait le contester au sein de cet hémicycle ?
Refuser d’examiner un nouveau projet de loi de finances revient à mépriser une nouvelle fois les électeurs. Cela revient aussi à mépriser profondément la représentation nationale, puisque les députés, qui ont renversé un gouvernement pour la première fois depuis 1962, et par une majorité nette, seront très certainement privés de tout débat budgétaire.
Au mieux, ils reprendront l’examen d’un texte qu’ils ont rejeté en disposant d’un pouvoir d’amendement considérablement réduit du fait de la règle de l’entonnoir, qui s’applique aux textes examinés en deuxième lecture. Au pire, ils accepteront les conclusions d’une commission mixte paritaire sur un texte qu’ils n’auront jamais étudié jusqu’au bout.
Le Président de la République Emmanuel Macron avait lui-même demandé, le 5 décembre dernier, la préparation d’une nouvelle loi de finances. Ce faisant, il faisait, pour une fois, ce que je salue, preuve de respect envers nos institutions.
Reprendre l’examen de ce projet de loi de finances soutenu par un gouvernement tout aussi minoritaire que le précédent constitue à nos yeux un non-sens démocratique d’une grande violence à l’égard du Parlement.
J’ai écouté M. le Premier ministre avec attention cette après-midi. Oui, il nous faut un budget ; mais à vouloir aller trop vite, le Gouvernement va imposer au forceps un mauvais budget pour la France et les Français. Ce n’est pas la meilleure façon de préparer l’avenir.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur les articles 36 et 42 du règlement du Sénat ainsi que sur l’article 47 de la Constitution.
En reprenant le projet de loi de finances d’un gouvernement censuré, au cours d’une nouvelle année civile et budgétaire, le nouveau Premier ministre et la majorité de cette assemblée ne respectent pas la Constitution. On peut même dire qu’ils réalisent un coup de force institutionnel inédit. Cela doit être non seulement dit, mais aussi inscrit au Journal officiel.
Le cinquième alinéa de l’article 47 de la Constitution est clair : « Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session. » Or la session n’a pas été interrompue.
De fait, le seul moyen de passer en force et d’imposer le budget censuré était de le faire adopter par ordonnance. Ne me dites pas qu’expliquer cela revient à remettre en cause les droits du Parlement ! Vous nous faites reprendre une discussion sans nous permettre de revenir sur les recettes.
Pourtant, il est toujours possible d’apporter une réponse démocratique au vote de notre peuple en déposant un nouveau projet de loi de finances et en le soumettant aux deux chambres, comme le prévoit la Constitution.
La ficelle est grosse : vous savez que vous bâillonnez un vrai débat. Si l’hypothèse d’une adoption du texte en commission mixte paritaire sans que les députés puissent examiner la seconde partie se vérifiait, il s’agirait bel et bien d’un oukase.
Personne n’a le monopole de la responsabilité ! Non seulement nous voulons un budget, mais nous voulons un budget qui réponde aux nécessités politiques et aux urgences économiques et sociales. L’irresponsabilité serait de renverser le fondement démocratique de l’initiative parlementaire comme vous le faites. Nous vous le demandons avec gravité et solennité : ne confinez pas la démocratie !
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour un rappel au règlement.
M. Thomas Dossus. Mon intervention se fonde sur l’article 42 du règlement du Sénat relatif au déroulement des débats.
Je tiens à souligner à mon tour la situation d’anomalie démocratique dans laquelle nous nous trouvons au moment d’examiner ce budget. Alors que le gouvernement précédent a été censuré, quatorze de ses ministres ont été reconduits au sein de l’actuel gouvernement. De plus, le Premier ministre qui a été nommé est un soutien historique du Président de la République ; il s’inscrit donc dans la continuité de la politique qui a été menée jusqu’à présent.
Deux questions majeures devraient interpeller chacun d’entre nous.
La première est de savoir qui est politiquement responsable de ce budget, à un moment cardinal de notre histoire parlementaire. Il a en effet été construit par Gabriel Attal, endossé par Michel Barnier et désormais repris par des ministres qui vont devoir défendre des arbitrages qui ne sont pas les leurs. Dans le moment critique que nous traversons, nous savons qui est responsable de la situation budgétaire – ceux qui ont mené la politique de ces sept dernières années –, mais nous nous demandons qui, au bout du compte, sera responsable de ce budget et des mesures qu’il comporte.
La deuxième question se pose surtout dans l’esprit de nos concitoyens : à quoi sert de se rendre aux urnes ? La majorité gouvernementale y a été deux fois désavouée l’année dernière. Si l’on ne peut dire qui a réellement remporté les précédentes échéances électorales, nous savons qui les a perdues. Nous savons donc aujourd’hui que lorsque les citoyens se mobilisent, la démocratie les ignore. Notre Ve République permet de néantiser le vote : nous avons l’impression de regarder une voiture aux pneus crevés qui continue de rouler sur les jantes.
Nous reprenons l’examen de ce budget par la mission « Outre-mer », qui répond à des urgences, puisqu’un département français a été rasé par un cyclone dopé par nos émissions de gaz à effet de serre. Mais des adaptations nécessaires, rien n’a été dit. Le budget que nous allons examiner ne porte qu’à la marge sur ces questions : c’est proprement scandaleux pour notre démocratie !
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour un rappel au règlement.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mon intervention se fonde sur l’article 44 bis du règlement du Sénat, en vertu duquel les sénateurs et sénatrices, au même titre que le Gouvernement, ont le droit de présenter des amendements au texte soumis à discussion devant cette assemblée.
Ce droit nous est ici refusé. En reprenant ce budget, dont l’examen a commencé avant la censure du gouvernement de Michel Barnier, vous ne respectez pas la démocratie, comme viennent de l’expliquer mes collègues. De plus, en refusant que nous déposions de nouveaux amendements, vous ne faites que démontrer l’hypocrisie et la dangerosité de la manœuvre.
Nous nous apprêtons à discuter de la mission « Outre-mer ». Or la situation n’a-t-elle pas évolué depuis le 4 décembre dernier ? Mes chers collègues, comment pouvons-nous entamer cette discussion alors qu’aucun d’entre nous n’a pu déposer d’amendements visant à remédier au mieux à la catastrophe intervenue à Mayotte, pour ne citer que ce département ?
Les outre-mer sont des territoires particulièrement exposés aux risques naturels majeurs. L’exercice budgétaire fixe le cap pour l’investissement, pour le développement et pour la protection de la population. Votre méthode nous condamne pour encore au moins une année. Nous faisons face à un déni de démocratie et à un décalage complet entre les ambitions personnelles de quelques-uns et la réalité du terrain, qui est catastrophique.
La négation de notre droit d’amendement est une entrave dont les conséquences concrètes sont très graves.
M. Pascal Savoldelli. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour un rappel au règlement.
M. Michel Canévet. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 44 bis et 44 ter de notre règlement.