Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur notre contribution à l’Union européenne n’est pas simplement l’occasion pour nous d’entériner l’apport financier qui matérialise notre engagement européen et traduit notre participation à ce projet historique commun – bien sûr, le groupe écologiste confirmera par son vote sa volonté européenne !
Ce n’est pas simplement l’occasion de répondre, une fois encore, aux critiques de ceux qui évaluent notre rapport à l’Europe en fonction de ce que cela nous rapporte, selon une logique comptable et transactionnelle fondée sur des sorties et des entrées, le calcul des retours et la contribution nette. Cette logique, nous le savons, a conduit le Royaume-Uni au Brexit. Loin de leur amener la prospérité promise, ce dernier coûte aux Britanniques environ 120 milliards d’euros par an selon l’agence Bloomberg.
En effet, il existe une importante plus-value européenne. Qu’en est-il pour la France ? Sa contribution nette a été de 7,3 milliards d’euros en 2023, les retours s’élevant à 16,5 milliards d’euros, principalement au titre de la PAC et de la politique de cohésion. En tenant compte de l’ensemble des ressources propres traditionnelles, le solde net négatif de notre pays atteint 9,3 milliards d’euros.
Certes, c’est beaucoup, mais bien moins que les gains liés à l’accès au marché européen, qui profite à 55 % de nos exportations ; bien moins que les bénéfices de la monnaie commune ; bien moins que les avantages de la mutualisation des projets de recherche et d’innovation – on sait que seule l’Union européenne a la taille critique pour déployer des infrastructures et des programmes de niveaux comparables à ceux des États-Unis ou de la Chine ; surtout, bien moins que les bénéfices de la paix et du vivre-ensemble entre les peuples européens et entre les États membres.
Ce débat sur l’article 40 est surtout l’occasion pour nous de prendre la mesure des menaces et des exigences budgétaires qui se précisent pour l’Union et d’affirmer notre détermination commune à y répondre.
Je pense à la menace de ne pouvoir faire face aux échéances de remboursement du plan post-covid, qui s’élèveront à 30 milliards d’euros par an pendant trente ans à partir de 2028 ; à la menace que la guerre russe en Ukraine et toutes ses conséquences pèsent très lourdement sur le budget européen ; à l’exigence, aussi, de financer les dépenses d’avenir.
Le rapport Draghi montre combien nous devons axer notre politique sur trois axes prioritaires : la transition écologique, l’ambition industrielle et technologique et le renforcement de la sécurité commune.
Ce débat porte donc bel et bien sur les ressources propres qu’il convient de dégager avant d’être contraints, faute de moyens, à sacrifier des pans entiers de l’action européenne. Et ce n’est pas la ressource en plastique qui compensera le manque de moyens, même si notre pays en est le triste champion, lui qui consomme bien trop de plastique et qui en recycle si peu.
Le système d’échange de quotas d’émission de l’UE, qui est en cours d’évolution, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et la taxation à hauteur de 15 % des bénéfices résiduels d’entreprises multinationales constituent certes des perspectives sérieuses. Mais nous sommes encore loin du compte pour les rendre opérationnelles.
Depuis que le Parlement et la Commission européenne se sont mis d’accord sur ces ressources propres, nous attendons la décision du Conseil. Celle-ci doit être unanime, chaque État membre devant l’approuver selon ses propres règles. Comment faire aboutir ce cheminement décisionnel ? Comment gagner l’adhésion démocratique des peuples ?
Je parle d’adhésion démocratique, alors que le scrutin européen a donné à l’extrême droite près d’un tiers de l’hémicycle européen. Chaque fois que l’extrême droite avance, c’est l’Europe qui recule ! Qu’un vice-président de la commission puisse être issu du néofascisme et siéger dans le même groupe que Marion Maréchal montre combien nos valeurs se délitent au travers de compromis honteux.
Ce n’est pas avec des nationalistes réactionnaires, pro-Pouline, antisociaux, anti-migrants délirants, sourds à la biodiversité et climatosceptiques que l’Union répondra aux menaces budgétaires grandissantes ni qu’elle traduira concrètement les orientations du rapport Draghi !
Le gouvernement français est-il déterminé à raviver la ligne d’une majorité démocrate et pro-européenne sur notre continent ? Saurons-nous réactiver l’espoir européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce premier jour d’examen du projet de loi de finances pour 2025, nous abordons l’article 40, relatif au prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Cette contribution, qui représente environ 1 % du revenu national brut de la France, s’établira en 2025 à 23,3 milliards d’euros, soit une hausse de près de 8 % par rapport à 2024.
Bien qu’elle soit notable, cette augmentation doit être relativisée, car elle s’inscrit dans la continuité des tendances récentes. Le faible niveau observé en 2024 était dû à des circonstances exceptionnelles, notamment des retards dans l’exécution des fonds de cohésion.
En réalité, notre contribution au budget européen s’établit, depuis plusieurs années, autour de 25 milliards d’euros, contre environ 20 milliards d’euros dans les années 2010.
Cette évolution résulte de plusieurs phénomènes.
Tout d’abord, le Brexit a provoqué une augmentation mécanique de notre contribution relative dans le budget européen, laquelle est passée de 15 % à 17 %.
Ensuite, les nouvelles priorités européennes, dictées par des crises majeures d’une ampleur et d’une complexité inédites – dérèglement climatique, guerre en Ukraine, pandémie, tensions commerciales – ont exigé une révision à la hausse du cadre financier pluriannuel. Surtout, elles ont mis en lumière les limites du modèle financier de l’Union européenne. Car c’est bien là que réside le problème : un financement européen fondé quasi exclusivement sur les contributions nationales.
D’un côté, nous demandons toujours plus à nos budgets nationaux, déjà sous tension. Pour la France, ce sont potentiellement 75 milliards d’euros supplémentaires à l’horizon 2058, soit 2,5 milliards d’euros de plus par an.
De l’autre, comme l’a indiqué le président Rapin, nous constatons que les taux de retour restent décevants. En 2023, les dépenses européennes en France représentaient 16,5 milliards d’euros, dont environ 60 % pour la PAC. En termes de retour par habitant, la France n’est que le vingt-deuxième bénéficiaire des dépenses de l’Union européenne en 2023. Est-ce satisfaisant ? Non, bien évidemment. Nous devons faire mieux, notamment sur des programmes comme Horizon Europe.
Au-delà des chiffres se pose une question plus fondamentale : l’Europe a-t-elle aujourd’hui les moyens de son ambition ? Nous le savons, les défis sont immenses : transition écologique, compétitivité industrielle, montée en puissance des tensions géopolitiques. Face à cela, continuer à fonctionner avec un budget limité et une dépendance quasi totale aux contributions nationales nous conduit à l’impasse.
Aussi, que faire ?
Tout d’abord, avancer réellement sur les ressources propres. Le rapport Draghi, publié en septembre dernier, est très clair : pour sortir de cette dépendance, il faut un choc d’investissement, financé par des ressources autonomes.
Les pistes existent : l’extension du marché carbone européen, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou la taxation des multinationales sont autant de solutions concrètes, déjà identifiées, mais leur adoption reste bloquée, souvent par une logique de « paquets » qui paralyse totalement les négociations. Il est temps de sortir de cette impasse.
Ensuite, il faut envisager un nouvel emprunt européen commun. Nous y sommes favorables, à condition qu’il repose sur des ressources propres pérennes. Cet emprunt serait un outil puissant pour financer des investissements à long terme : le renforcement de la défense et de la sécurité européenne, des infrastructures décarbonées pour accélérer la transition énergétique, des cofinancements pour les transports du quotidien, qui touchent directement nos concitoyens.
Ce que nous défendons, c’est une Europe qui prend son destin en main, une Europe qui investit, non pas pour alourdir sa dette, mais pour créer des actifs durables et renforcer sa souveraineté. Il s’agit de bâtir une autonomie financière européenne, qui permette à l’Union européenne d’être à la hauteur de ses ambitions.
Mes chers collègues, nous sommes à un moment charnière. L’Europe ne peut plus se permettre d’hésiter. Regardons autour de nous : les États-Unis et la Chine avancent à grands pas, tant dans leur transition énergétique que dans leur compétitivité industrielle. L’Europe, elle, reste empêtrée dans ses limites financières. Si nous ne réagissons pas rapidement, c’est non seulement notre position dans le monde qui est menacée, mais aussi notre capacité à garantir un avenir prospère à nos concitoyens.
La révision du cadre financier pluriannuel intervenue en février 2024, qui a entraîné une augmentation de nos contributions, était une nécessité, mais, à terme, donner à l’Europe les moyens de ses ambitions ne pourra pas reposer uniquement sur nos budgets nationaux, qui ne peuvent tout porter seuls.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera bien sûr cet article, mais il appelle également à un sursaut. Investir, se renforcer, redistribuer : tels sont les impératifs d’une Europe qui se veut écologique, souveraine, compétitive et protectrice.
Ce sont les enjeux du futur cadre financier pluriannuel qui sera présenté par la Commission européenne en 2025. Nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo. C’est à nous, parlementaires, de porter cette vision, pour que l’Europe redevienne ce qu’elle a toujours aspiré à être : un moteur de progrès, une force de paix, un espace de prospérité partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la participation de la France au budget de l’Union européenne pour l’année 2025 connaît, avant que nous ne l’examinions, une hausse de 4,79 % par rapport à 2024. Cette augmentation s’explique par la reprise du paiement des fonds de cohésion et par la faible hausse des ressources propres traditionnelles.
Cette participation devrait d’ailleurs augmenter plus fortement encore dans les années à venir, en raison de la hausse de notre contribution au cadre financier pluriannuel pour 2026 et 2027, mais aussi pour financer le plan Next Generation EU.
La France est toujours le deuxième plus important contributeur au budget de l’Union européenne, après l’Allemagne, mais il ne faut pas oublier ce que l’Union européenne nous apporte en retours directs et indirects.
Il faut le dire une énième fois, mes chers collègues, l’Union européenne n’a jamais été une option, et elle l’est de moins en moins. Elle est un levier fondamental pour répondre aux nombreux enjeux qui nous attendent : objectifs climatiques, compétitivité, cohésion, Horizon Europe, etc. L’Union européenne est confrontée à de tels enjeux mondiaux en matière de défense, de transitions, de recherche, d’innovation, de technologies telles que le quantique, le cloud ou l’intelligence artificielle qu’il est impératif de lui octroyer les moyens d’y faire face.
Ce budget permettra de poursuivre dans les priorités que nous nous sommes fixées et dans les engagements politiques que nous avons pris, ainsi que de faire face aux crises urgentes, aux niveaux nationaux et européen. L’Union européenne, plus que jamais, se doit d’être solidaire et puissante.
Certes, de nombreux chantiers se profilent : la rationalisation des instruments existants, une plus grande flexibilité, sans compter la révision du prochain cadre financier pluriannuel ou la nécessité de se mettre d’accord pour trouver de nouvelles ressources propres.
Ce sont là autant de sujets qui peuvent inquiéter quant au montant des futures contributions de la France. Toutefois, au-delà de la reconstruction de nos industries, de notre engagement pour une économie plus durable, de la restauration de notre indépendance, il faut que l’Union européenne se pense et se considère comme puissance.
Les conflits en cours à nos portes nous y obligent, et le résultat des élections américaines ne fait que confirmer la nécessité d’accepter notre rôle. Nous devons nous donner les moyens de notre ambition, et nous devons nous donner les moyens de notre dimension.
Si nous n’acceptons pas de contribuer, quels Européens décidons-nous d’être ? Quelles ressources consacrons-nous pour garantir notre autonomie ? Je vous pose la question, mes chers collègues.
Nous devons donner l’impulsion à l’Union européenne dans le sens prôné par MM. Draghi et Letta. Démocratie, marché commun, climat, défense, autonomie stratégique : donnons-nous les moyens d’être cette Europe forte. Nos peuples le méritent. Je crois, avec Julia Kristeva, que, « sans l’Europe, ce sera le chaos ».
Mes chers collègues, soyons enfin ce que nous devons être. C’est à cela que notre contribution participe. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Michel Masset applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cadec.
M. Alain Cadec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un transfert de plus de 23 milliards d’euros, auxquels il faudra ajouter au moins 2 milliards d’euros net au titre des ressources propres traditionnelles, l’apport de la France au financement de l’Union européenne approchera les 26 milliards d’euros l’année prochaine.
C’est, à l’évidence, un montant tout à fait considérable. En effet, au travers de cette contribution, ce sont 7 % de ses recettes fiscales nettes que l’État consentira à mettre à disposition de l’Europe. Si cette participation était considérée comme une dépense sur le plan comptable, elle se situerait parmi nos missions budgétaires les mieux dotées, au coude à coude avec la mission « Sécurités ».
Bien sûr, si l’on prend en compte les retours des politiques européennes sur le territoire national, le solde repasse sous la barre des 10 milliards d’euros. N’oublions pas non plus que notre économie tire des bénéfices très substantiels de son intégration au marché unique : au minimum 120 milliards d’euros par an, soit 4 % de notre PIB, tout de même.
Il n’en reste pas moins que, à l’heure où l’état de nos finances nous contraint à un exercice budgétaire inédit, autoriser ce transfert de ressources va bien au-delà du simple fait de satisfaire à une obligation contractuelle de la France.
Il s’agit d’un geste financier fort, auquel le groupe Les Républicains souscrira en votant l’article 40 de ce projet de loi de finances. Il s’agit, surtout, d’un engagement politique sans équivoque vis-à-vis d’une Union européenne qui, au regard des grands bouleversements mondiaux, n’a jamais paru aussi nécessaire.
En effet, face à la menace russe, qui perdure, face à la concurrence chinoise, qui s’intensifie, et face à la distance américaine, qui s’accroît, l’Europe est la bonne échelle, la seule en réalité qui nous donne une chance de rester à la table du monde, la seule qui nous permette de relever les défis de notre temps, qu’il s’agisse de l’enjeu énergétique et climatique, de la compétition technologique et stratégique ou encore de la gestion des flux migratoires.
Pour remplir ces missions, l’Europe devra néanmoins apprendre à voir le monde tel qu’il se dessine, avec sa fragmentation croissante et ses rapports de force exacerbés.
Elle devra aussi accepter de livrer de nombreuses batailles. La première d’entre elles sera économique, tant il est vrai que, sans prospérité, et donc sans moyens, aucun défi ne peut être relevé.
Or Enrico Letta et Mario Draghi l’ont rappelé : malgré sa force collective, l’Europe n’est pas aujourd’hui sur une trajectoire qui lui permettra d’être au rendez-vous du XXIe siècle. Leur constat est clair : l’Union européenne doit accélérer sa transformation économique.
En premier lieu, ses politiques fondamentales devront se mettre au diapason de la nouvelle donne internationale.
Certes, les principes d’ouverture commerciale et de libre concurrence devront rester au cœur du fonctionnement de notre marché. Cependant, face aux politiques industrielles agressives conduites à Pékin, à Washington ou ailleurs, leur mise en œuvre ne pourra rester en l’état : elle devra nécessairement évoluer pour intégrer de nouveaux concepts clés, par exemple celui de la réciprocité. Le traité Union européenne-Mercosur en est un exemple douloureux.
Puissance normative par excellence, l’Europe devra par ailleurs se rendre compte que, de l’agriculture aux technologies de rupture, la performance des entreprises passe aussi par l’efficacité réglementaire et par la retenue bureaucratique. Qu’elle passe, en outre, par des prix de l’énergie maîtrisés, donc par un marché de l’électricité révisé et une filière nucléaire confortée.
Des réformes fondamentales devront donc être mises en œuvre. Elles seront toutefois insuffisantes si l’Europe n’investit pas massivement pour atteindre ses objectifs stratégiques en matière de défense, d’énergie, d’alimentation ou de maîtrise des frontières.
Elles seront vaines si les capitaux nécessaires ne sont pas mobilisés pour stimuler l’innovation dans les technologies de demain : celles du spatial, du numérique ou de la transition écologique.
Or, nous le savons tous, les financements nécessaires pour rester dans cette course sont colossaux. Alors que le prochain cadre financier pluriannuel devrait être mis en discussion l’année prochaine, ces besoins financiers relancent légitimement le débat sur la taille du budget européen. Mais ils relancent surtout l’idée de nouveaux emprunts !
Soyons toutefois réalistes : comment pourrait-on envisager d’accroître nos dettes communes alors que, à ce jour, à peine un tiers des fonds du plan de relance post-covid ont été consommés ? Comment accepter de s’engager sur de nouvelles émissions alors que, quatre ans après son élaboration, le plan de financement de Next Generation EU n’est toujours pas bouclé ?
En effet, comme l’on pouvait malheureusement s’y attendre, la question des nouvelles ressources propres est encore en suspens. Je me rappelle que, déjà en 2009, à l’occasion de mon premier mandat de député européen, on évoquait l’urgence de mettre en place ces ressources propres…
Certes, la Commission a fait des propositions en 2021, puis de nouveau en 2023. Mais, depuis lors, il s’est en réalité passé bien peu de choses au Conseil, et les divergences entre États membres restent particulièrement marquées.
L’enjeu est pourtant fondamental : c’est d’abord une question de crédibilité pour l’Europe, mais c’est surtout une question financière, qui devient chaque jour plus urgente. En effet, si le remboursement des intérêts a déjà commencé, à des taux d’ailleurs bien plus élevés que cela avait été anticipé, le remboursement du principal, lui, commencera dans un peu plus de trois ans. À partir de là, ce seront au minimum 15 milliards d’euros supplémentaires qu’il faudra trouver chaque année.
Si les nouvelles ressources propres devaient manquer à l’appel, cela se traduirait par un ressaut de la contribution française de plus de 2,5 milliards d’euros par an, soit une hausse d’environ 10 % du prélèvement sur recettes actuel. Dans de telles conditions, la charge que le budget européen ferait peser sur les finances nationales deviendrait une question encore plus sensible qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il est donc essentiel de chercher les moyens d’en maîtriser la soutenabilité.
Tout d’abord, bien sûr, il faut aboutir sur les nouvelles ressources propres.
Puis, il faut mettre enfin sur pied une union des marchés de capitaux capable de mobiliser l’épargne inexploitée, donc de suppléer en partie aux fonds publics européens pour le financement des investissements d’avenir.
Ensuite, il convient d’exiger, dans le prochain cadre financier pluriannuel, la fin des rabais que la France finance aujourd’hui à hauteur de 1,4 milliard d’euros par an, et ce, au profit d’États membres pourtant plus riches qu’elle.
Enfin, il faut aller chercher beaucoup mieux que nous ne le faisons actuellement les financements communautaires : voilà une vingtaine d’années, près de 17 % des dépenses européennes étaient effectuées sur le territoire français ; aujourd’hui, ce taux de retour est tombé à 11,5 %.
Certes, la composition de l’Union européenne a beaucoup changé depuis le début des années 2000, ce qui explique cette évolution défavorable. Il n’en reste pas moins qu’il y a là des gisements de ressources inexploités qui, en ces temps de disette budgétaire, doivent impérativement être mieux identifiés et mieux captés par notre pays.
Cette recherche d’efficacité, en somme, devra plus que jamais devenir, dans les années qui viennent, le maître mot de la France, comme celui de l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour l’année 2025, la contribution française à l’Union européenne s’élèvera à 23,3 milliards d’euros, marquant une augmentation de 1,7 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2024.
Ce montant confirme la position de la France en tant que deuxième contributeur au budget de l’Union européenne, derrière l’Allemagne. Surtout, notre pays demeure le premier bénéficiaire, en volume, des dépenses de l’Union européenne : en 2023, quelque 16,5 milliards d’euros ont été redistribués à notre tissu économique et associatif, ainsi qu’à nos collectivités.
Ce montant global comprend notamment les subventions allouées au titre de la politique agricole commune : 9,5 milliards d’euros pour notre secteur agricole, afin de favoriser notre souveraineté alimentaire, d’assurer un revenu à nos agriculteurs et de répondre au mieux aux enjeux du changement climatique.
La contribution nette de la France à l’Union européenne pour 2025 sera de plus de 7 milliards d’euros. À cela s’ajoutent environ 2 milliards d’euros issus des ressources propres traditionnelles, principalement des droits de douane prélevés sur les importations de pays tiers, nets des frais de perception, portant ainsi la contribution nette totale à 9 milliards d’euros.
Des hausses significatives du prélèvement sur recettes sont prévues pour les années 2026 et 2027 ; celui-ci sera porté à 30,4 milliards d’euros puis à 32,4 milliards d’euros. C’est pourquoi, monsieur le ministre, il est impératif d’œuvrer à l’adoption de nouvelles ressources propres pour l’Union européenne, afin de limiter ces augmentations futures.
En effet, l’engagement financier de la France au titre de l’emprunt Next Generation EU avoisine 75 milliards d’euros, et cet emprunt est censé être remboursé par le biais de nouvelles ressources propres. À cet égard, la Commission européenne a proposé en 2023 plusieurs mécanismes pour garantir un financement durable.
Une part accrue des recettes du système européen d’échange de quotas d’émission de CO2 constituerait un premier volet de financement, dont 30 % seraient affectés au budget de l’Union européenne dès 2028.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui vise à prévenir les fuites de carbone et à égaliser les coûts pour les importations extra-européennes, pourrait également rapporter 1,5 milliard d’euros annuels à l’Union européenne.
La taxation des bénéfices résiduels des multinationales dans le cadre de l’accord OCDE-G20 sur la fiscalité internationale représenterait une contribution supplémentaire comprise entre 2,5 milliards d’euros et 4 milliards d’euros par an.
Enfin, la Commission propose une ressource temporaire fondée sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises nationales, qui rapporterait annuellement 16 milliards d’euros entre 2028 et 2030 pour répondre à des besoins ponctuels.
Il est absolument nécessaire de parvenir à un accord sur la question des nouvelles ressources propres. Le groupe RDPI y sera attentif.
Nous voterons évidemment cet article 40. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour entamer nos discussions sur le projet de loi de finances, nous examinons l’article 40, qui concerne la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Pour 2025, cette contribution suit la trajectoire de hausse, après deux exercices budgétaires européens qui s’étaient soldés par une sous-exécution des dépenses, trajectoire tracée par le cadre financier pluriannuel 2021-2027, lequel a été entériné par la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Notre participation par le prélèvement sur recettes s’établit cette année à 23,3 milliards d’euros. Globalement, l’ambition exprimée par l’Union européenne au travers de son budget porte la marque des enjeux actuels du continent.
Ainsi, la relance économique qui a suivi la crise de la covid-19 a conduit les membres à s’accorder sur le plan Next Generation EU à hauteur de 750 milliards d’euros. Sur ce point, d’ailleurs, il demeure des questions relatives à son remboursement : je nous invite à la vigilance pour éviter que cela ne pèse sur les contributions des États membres.
Cherchons plutôt vers de nouvelles ressources propres qui s’ajouteraient aux ressources actuelles. La création d’une taxe carbone aux frontières ou la mise en place d’une contribution des géants du numérique sont des mesures soutenues depuis longtemps par le RDSE.
Dans cet effort commun, il faut également mentionner le soutien à la défense de l’Ukraine face à l’agression de la Russie, guerre qui conduit l’Europe à financer fortement son indépendance énergétique vis-à-vis du gaz russe.
Ces dépenses constituent des investissements dans la coopération européenne. L’adoption par le Sénat de cet article 40, que l’Assemblée nationale a rejeté dans les circonstances que l’on sait, ne doit pas nous exonérer d’une réflexion large sur l’état de l’Union européenne et ses perspectives d’évolution.
En effet, les défis auxquels nous faisons face appellent sans doute des réflexions structurelles : face à la défiance, le renforcement du parlementarisme européen est indispensable pour légitimer de nouvelles dépenses qui doivent être menées au niveau communautaire.
Le renforcement de notre souveraineté politique et budgétaire est pressant au regard de l’agenda politique outre-Atlantique.
Je pense notamment à l’insuffisance des crédits alloués à la défense européenne à l’heure où la prochaine installation du président élu américain nous contraint à nous poser cette question : devons-nous avoir la capacité de nous défendre sans les États-Unis ?
Cette défense doit être fondée sur une souveraineté du continent en matière d’armement, au travers de commandes publiques européennes et d’investissements dans les lignes de production.
Je pense également au défi climatique : les investissements pour atteindre les objectifs d’ici à 2050 sont estimés à 3 600 milliards d’euros par la Commission européenne. La mutualisation de ces crédits permettra leur soutenabilité.
Rappelons également que la France bénéficie de son adhésion à l’Union européenne, notamment au titre de la PAC, sans laquelle notre modèle agricole, qui connaît des difficultés importantes, n’aurait peut-être pas fait sa mue structurelle pour mener sa transition écologique et être capable de surmonter de nouveaux – et nombreux – défis.
Ainsi, cette participation de la France au budget de l’Union européenne doit recevoir toute notre attention et faire l’objet de toute notre vigilance, mais, en l’état, elle renforce notre capacité à faire face aux enjeux contemporains.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE votera dans sa très grande majorité en faveur de cet article 40. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Frédéric Buval applaudit également.)