Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 312 est présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing et Mme Bourcier.
L’amendement n° 634 rectifié quater est présenté par MM. V. Louault, Médevielle, Rochette et Chevalier et Mme Paoli-Gagin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 312.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement de Mme Marie-Claude Lermytte vise à supprimer cet article.
En l’absence d’une étude d’impact concernant la hausse de la contribution sur les boissons sucrées, le Parlement ne peut se prononcer de manière éclairée sur cet article.
Pour rappel, l’Assemblée nationale avait rejeté, dans une première délibération, le dispositif. Ce débat ne doit pas uniquement reposer sur les boissons sucrées. La question de l’élargissement de l’assiette à tous les produits transformés contenant du sucre doit également être posée. Cette taxe est-elle toujours une taxe comportementale ou devient-elle une taxe de rendement ? Quelle prévention accompagne cette fiscalité ?
Cette demande de suppression vise avant tout à ouvrir le débat sur cette taxe comportementale.
Mme la présidente. L’amendement n° 634 rectifié quater n’est pas soutenu.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je me permets d’intervenir, à cet instant, pour faire deux remarques, l’une sur la forme et l’autre sur le fond.
Sur la forme, tout d’abord : il nous reste à examiner, mes chers collègues, plus de 500 amendements. Cela signifie que, à ce rythme, nous siégerons toute la journée de samedi.
Mme Frédérique Puissat. Ah ça, non !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. J’espère simplement que ceux d’entre nous qui contribuent par leurs interventions à l’allongement du débat seront présents samedi…
Par ailleurs, 51 amendements portant des taxes diverses et variées ont été déposés après cet article. Ils ont tous des justifications et leurs auteurs pourront les présenter sans difficulté. Je demande toutefois formellement à Mme la rapporteure générale et à Mme la ministre de répondre uniquement par « favorable » ou « défavorable ».
Sur le fond, j’indique, pour expliquer la position de la commission, que nous avons été sollicités pour instaurer de nombreuses taxes, sur de nombreux sujets.
La commission a fait le choix, après avoir négocié avec les acteurs des professions concernées et de la santé, de concentrer les taxes sur trois éléments : sur les boissons contenant des sucres ajoutés – c’est la taxe soda –, même si on peut toujours discuter du taux ou du barème ; sur les jeux, à l’exception de ce qui relève du PMU ; et enfin sur le tabac, afin d’accélérer la trajectoire de hausse de la fiscalité prévue en la matière.
Telle est la position constante de la commission depuis le début de l’examen du texte. Je peux donc vous indiquer dès maintenant, mes chers collègues, que les amendements qui ne s’inscrivent pas dans cette ligne, même si les arguments sont bons, recevront un avis défavorable. (M. Xavier Iacovelli proteste.)
Mes propos visent simplement à faire en sorte d’accélérer la discussion sur cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 312 ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président de la commission, vous voulez bâcler le débat !
Nous commençons l’examen des sujets relatifs à la santé. Or Mme la ministre a défendu des positions intéressantes en la matière, et vous êtes en train de lui demander de ne pas s’exprimer !
L’Assemblée nationale n’a pas étudié le texte en entier. Vous nous aviez promis que le Sénat le ferait. Or vous nous dites maintenant qu’il faut tout arrêter, car on n’a plus le temps. Mais ce n’est pas la faute de l’opposition : nous avons passé beaucoup de temps à examiner certains sujets parce que votre majorité est divisée sur de nombreux points, ce qui est d’ailleurs tout à fait légitime. (M. Jean-Jacques Panunzi proteste.)
Les membres de la majorité se sont ainsi largement exprimés sur la fiscalité, sur une éventuelle hausse de la TVA, etc. Et maintenant, vous voudriez qu’on ne discute pas des sujets relatifs à la santé ? La LFSS n’est pas faite pour détricoter les finances sociales ! Pourtant, vous avez passé beaucoup de temps à supprimer des recettes pour la sécurité sociale.
La taxe sur les sodas, comme la fiscalité comportementale, sert un objectif de prévention, lequel doit être articulé avec la fiscalité, car, sur ces sujets, tout ne se réduit pas à cette dernière dimension : il faut concilier les deux.
Je suis en colère, parce que vous voulez arrêter le débat qui commence sur les questions de santé, uniquement parce que vous ne voulez pas que le Sénat siège au-delà de demain soir. N’allez pas dire ensuite que notre assemblée aura complètement délibéré sur le PLFSS, car vous tronquez le débat ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Vous serez là samedi ?
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Je suis un peu surpris par les propos du président de la commission. Ces sujets, qui combinent les enjeux de santé publique et de finances publiques, méritent que nous en débattions.
C’est le cas notamment de la fiscalité comportementale. Selon un rapport récent de l’Institut Montaigne, le sucre a un impact de 125 milliards d’euros sur nos finances publiques. Sans parler de l’obésité, du surpoids ou du diabète de type 2.
Le président Mouiller a raison, je veux bien accélérer le rythme, mais il aurait peut-être fallu le faire avant (M. Bernard Jomier renchérit.), en nous fixant collectivement des règles dès le début, afin de limiter le temps de parole sur les articles.
La taxe comportementale est un sujet important…
M. Bernard Jomier. C’est un sujet majeur !
M. Xavier Iacovelli. Je rejoins les propos de M. Jomier. La ministre de la santé a pris des positions claires, courageuses, mais malheureusement, sous l’effet des arbitrages gouvernementaux, l’orientation du texte ne va pas dans son sens. Il est important que nous en débattions.
Avec Mme Apourceau-Poly, Mme Doineau a rédigé un rapport d’information sur la fiscalité comportementale, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales. Si ce thème ne mérite pas d’être discuté, pourquoi notre commission lui a-t-elle consacré un rapport ?
Nous nous apprêtons à voter une augmentation de la taxe soda, mais l’hypocrisie la plus totale prévaut. Cette taxe comportementale existe depuis 2012. Son taux a été augmenté en 2018. Les parlementaires ont demandé à l’époque un rapport d’évaluation sur l’impact de cette taxe. Il devait nous être rendu en 2023. Or nous ne l’avons toujours pas ! Et on nous demande maintenant de voter une augmentation de cette taxe…
Je rappelle, par ailleurs, que les sodas ne représentent que 4 % de la consommation de sucre dans notre pays. Le problème ne concerne donc pas uniquement les sodas, c’est toute l’industrie agroalimentaire qui est concernée. Il faut s’interroger sur la consommation de sucre dans son ensemble, car celle-ci empoisonne une grande partie de nos enfants. Ayons donc le débat plutôt que d’en rester à une attitude d’hypocrisie totale ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de débat sur le sujet. La commission a organisé des auditions en amont du PLFSS : elle a entendu Mme la ministre et a pu débattre de ces sujets.
M. Bernard Jomier. Nous sommes dans l’hémicycle !
Mme Frédérique Puissat. Nous pouvons les uns et les autres faire en sorte d’accélérer nos débats et de raccourcir nos interventions. Je salue l’intervention du président de la commission qui voit que l’heure tourne. N’oublions pas que nous devons respecter certains délais : si nous n’achevons pas l’examen de ce texte dans les temps impartis, nous ne voterons pas de PLFSS ! Le président de la commission a joué son rôle de garant du débat en nous rappelant ces éléments.
Soyons donc collectivement plus concis, plus efficaces. Nous pourrons à la fois débattre et accélérer le rythme de la discussion, tout en étant plus sereins les uns à l’égard des autres. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Mes chers collègues, je ne voudrais pas allonger les débats,…
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous ne prenez pas le chemin de la concision !
M. François Bonhomme. … mais cet article soulève des questions. Celles-ci sont posées depuis 2012, car, malheureusement, comme cela a déjà été dit, la fiscalité nutritionnelle qui a été instaurée à cette époque n’a pas produit les effets escomptés, pas plus que les modifications intervenues en 2018.
Si nous ne disposons pas du rapport d’évaluation que nous avions demandé, nous pouvons nous appuyer sur plusieurs études, dont certaines ont été réalisées par le Sénat : le rapport d’information Surpoids et obésité, l’autre pandémie, rédigé en 2022 par Mmes Brigitte Devésa, Michelle Meunier et Chantal Deseyne, au nom de la commission des affaires sociales, qui était présidée alors par Mme Catherine Deroche ; le rapport de 2024 de la Mecss sur la fiscalité comportementale, etc.
Heureusement, Mme la ministre est favorable à l’augmentation de la taxe nutritionnelle. On ne part pas de rien en ce domaine. Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2023 sur la fiscalité nutritionnelle est instructif sur deux points.
Tout d’abord, si l’on doit s’attaquer aux boissons sucrées, c’est parce que ce sont les plus grandes pourvoyeuses de sucre. C’est bien le cœur du problème. Les enfants consomment en effet jusqu’à cent grammes de sucre par jour, soit deux fois plus que ce que recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette consommation entraîne le développement de nombreuses pathologies, et notamment de maladies chroniques.
Ensuite, les boissons sucrées n’apportent aucun nutriment. En d’autres termes, leur apport nutritionnel est nul. Elles fournissent des calories nues qui suscitent des inflammations dans l’organisme, lesquelles s’accompagnent de pathologies qui ont un coût social de l’ordre de 10 milliards à 12 milliards d’euros, selon un rapport du cabinet Asterès. Ce cabinet prévoit que ces dépenses sociales s’élèveront à 15 milliards d’euros en 2026.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Bonhomme. Je suis donc favorable à la taxe sur le soda.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, j’ai bien entendu votre message. Mes propos visaient non pas à éluder le débat, mais à le raccourcir. Vous connaissez la position de la commission. Que la discussion ait lieu ne me pose pas de problème ! Je voulais simplement rendre service, mais je constate que mon intervention a eu l’effet inverse et a abouti à relancer le débat. Mes propos s’inscrivaient dans une logique d’efficacité, et nullement dans une visée antidémocratique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le moment choisi était peut-être inopportun…
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. J’en suis désolé !
Mme Raymonde Poncet Monge. Les taxes comportementales n’ont pas pour objet le rendement. Elles réussissent quand elles rapportent de moins en moins. Rappelons-le. Pourquoi cela a-t-il fonctionné sur le tabac ? C’est parce que l’action sur les prix s’est accompagnée d’une démarche systémique.
Il est un point que nous devrions aborder : c’est la publicité. Certes, elle a été un peu encadrée, – très peu en vérité –, notamment en ce qui concerne les programmes pour la jeunesse, mais rien n’interdit la diffusion de spots publicitaires qui font la promotion de certains produits, tout en indiquant en petits caractères, de façon rapide, qu’il ne faut pas manger trop gras, trop sucré…
Si l’on veut obtenir les mêmes résultats qu’en matière de lutte contre le tabagisme, il faut adopter une démarche systémique. Il est essentiel de s’attaquer à la question de la publicité, de mener des campagnes de communication, d’intervenir dans les cantines, dans les crèches, etc. Le prix ne doit être qu’un vecteur parmi d’autres, au sein d’un ensemble qui fonctionne en synergie.
Une telle démarche n’est pas mise en œuvre en ce qui concerne le sucre. Si le rendement de la taxe est faible, c’est parce que nous ne sommes pas assez stricts. J’en reviens à la publicité : on ne peut pas à la fois inciter à consommer et en appeler à la responsabilité individuelle.
Mme la présidente. L’amendement n° 313, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing et Mme Bourcier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 1613 ter du code général des impôts est ainsi modifié
1° À la première phrase du I, les mots : « destinées à la consommation humaine » sont remplacés par les mots : « et sur les produits alimentaires transformés, destinés à la consommation humaine » ;
2° Au II, après chaque occurrence des mots « hectolitre de boisson », sont insérés les mots : « ou quintal de produits transformés ».
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. L’amendement précédent visait avant tout à ouvrir le débat sur la fiscalité comportementale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est réussi !
M. Daniel Chasseing. Le présent amendement tend à élargir l’assiette de la taxe soda aux produits alimentaires transformés destinés à la consommation humaine.
Pour l’heure, seul le secteur des boissons sucrées s’acquitte d’une telle contribution, alors qu’il est avéré qu’une surconsommation d’aliments industriels, notamment de la catégorie des aliments « ultratransformés », favorise la survenance des maladies chroniques et, en premier lieu, une hausse de la prévalence de l’obésité. Pour rappel, ce phénomène a été inscrit par l’OMS au titre des grandes épidémies en 1997.
Au-delà du coût humain qu’elles font supporter aux patients, les maladies chroniques, comme le diabète, représentent pour la société un coût économique et financier considérable. C’est pourquoi nous proposons, dans un esprit d’équité, de faire supporter cette charge à tous les industriels.
Cet élargissement de l’assiette de la taxe inciterait les industriels à réduire les quantités de sucre dans leurs produits pour en limiter le coût, ce qui contribuerait à une alimentation plus saine.
Faire une distinction entre la filière des boissons sucrées et celle des produits transformés n’est pas cohérent. C’est pourquoi cet amendement vise à appliquer la même taxe à l’ensemble des produits contenant des sucres ajoutés.
Enfin, en augmentant les recettes fiscales, l’État pourrait financer des campagnes de prévention et de sensibilisation sur les dangers d’une alimentation trop sucrée, alors que, aujourd’hui, les recettes de cette contribution comportementale ne sont pas fléchées ainsi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je ne suis pas favorable à votre amendement, monsieur le sénateur.
Je ne pense pourtant pas que le sucre soit bon pour la santé – je me suis largement exprimée à ce propos. Nous sommes confrontés à des épidémies très inquiétantes de diabète de type 2 et d’obésité, laquelle entraîne des maladies que l’on connaît tous. Ces épidémies ont un coût pour l’assurance maladie et, surtout, un coût de santé pour les personnes malades – c’est cela qui est le plus important.
Il ne fallait surtout pas supprimer la taxe soda : elle constitue en effet un marqueur, parce que le soda, c’est en fait des morceaux de sucre dans un verre ! Nous devons réguler cela. Certaines entreprises ont d’ailleurs modifié leurs recettes après l’adoption de cette taxe. Nous allons la simplifier, mais il est important de la conserver.
Pour l’agroalimentaire, le problème est différent. Si l’on comprend globalement ce que sont les sucres transformés, la notion n’est cependant pas suffisamment définie : qui utilise de tels sucres ? qui les transforme et comment ? dans quoi sont-ils intégrés ? Les questions sont nombreuses.
Avant de taxer – et je ne sais pas selon quelles modalités on peut le faire –, nous devons commencer par travailler avec l’industrie agroalimentaire pour tenter de définir des objectifs d’amélioration, comme on l’a fait pour le sel avec les boulangers. Si les objectifs de diminution de l’emploi du sucre ne sont pas atteints, alors nous pourrons taxer et recourir à la fiscalité comportementale.
Nous devons procéder dans cet ordre. J’ai entendu à l’Assemblée nationale les propos des uns ou des autres qui voulaient exempter qui les pâtissiers, qui les artisans chocolatiers, etc. De même, si une taxe était votée dès à présent, vous viendriez tous me voir, mesdames, messieurs les sénateurs, pour me dire que votre territoire compte des artisans formidables qui ne doivent pas la payer.
Nous devons encore travailler sur ce dossier compliqué. La problématique n’est pas la même pour les sodas, qui sont produits par des multinationales et dont les teneurs en sucre sont différentes.
Nous devons donc travailler avec l’industrie agroalimentaire et avec les artisans pour définir des objectifs programmés et prévisibles de diminution du taux de sucre, afin qu’ils puissent s’organiser et changer leurs recettes. C’est ainsi que l’on améliorera la santé publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Madame la ministre, je souscris totalement à vos propos. Monsieur Iacovelli, nous avions déjà discuté de cette question l’an passé : nous avions conclu que les taxes sur le sucre n’étaient pas la solution et qu’il valait mieux réfléchir ensemble, ce que l’on n’a pas fait parce que nous avons dû traiter d’autres questions, à réglementer, en négociant avec les industriels pour définir le taux de sucre adéquat selon les aliments. Nous avions même envisagé d’interdire d’ajouter du sucre dans les aliments pour bébés, ce que l’on n’a pas fait non plus – mea culpa…
Je ne voterai pas l’amendement de M. Chasseing, qui ne me semble pas efficace. Il conviendrait plutôt de mener une réflexion sur les taux de sucre admissibles en fonction des aliments. (Mme la ministre renchérit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je partage les propos de Mme la ministre : il n’est pas aisé de définir la notion de sucres transformés dans l’alimentation.
La fiscalité n’est pas le seul outil. Mais, attention ! Les incitations ne fonctionnent pas en la matière. (Mme Solanges Nadille acquiesce.)
Je suis d’accord avec M. Milon : est-il normal qu’il y ait du sucre dans les pots d’aliments salés pour bébés ou dans la blanquette de veau ? Vous mettez du sucre, vous, quand vous préparez une blanquette de veau ? (Sourires.)
L’industrie agroalimentaire met du sucre partout. Si nous n’avions pas adopté, en 2013, la loi visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer, dite loi Lurel, qui est malheureusement insuffisamment appliquée, les industriels continueraient à ajouter plus de sucre dans les produits vendus outre-mer, au motif que les Français d’outre-mer aimeraient les aliments sucrés, et ce au risque d’aggraver la prévalence de l’obésité et du surpoids. (Mme Solanges Nadille renchérit.)
Défendre une filière, ce n’est pas défendre ses excès. Il faut réglementer. La fiscalité n’est pas le seul moyen d’agir, mais il faut avancer sur ce sujet.
Il n’y a aucune raison d’autoriser l’industrie agroalimentaire, au nom des prétendus intérêts de la filière, comme j’ai pu le lire dans ces mails que nous recevons tous, à mettre du sucre partout ! Nous en paierons le prix collectivement.
Nous ne rétablirons jamais les comptes sociaux si nous ne menons pas de vraies politiques de prévention, de même que nous n’enrayerons pas la progression du surpoids et de l’obésité si nous ne faisons pas manger mieux les enfants.
Je le répète pour que mes propos ne soient pas caricaturés, cela ne passe pas seulement par la fiscalité. Il y a bien d’autres mesures à envisager, mais il est urgent d’avancer. Aussi, je suis désolé que le Gouvernement rende des arbitrages qui désavouent son discours de santé publique.
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Avec cet amendement, il est question d’élargir le champ de taxation de la fiscalité nutritionnelle. Les aliments ultra-transformés (AUT) se sont développés fortement dans l’industrie agroalimentaire depuis vingt-cinq ans.
Le rapport de 2022 de la mission d’information du Sénat de Mmes Deseyne, Deroche, Meunier et Devésa disait très clairement que 36 % des calories qui sont ingérées par les adultes et 46 % de celles qui sont absorbées par les enfants provenaient d’AUT. Ce sont, je le rappelle, des aliments dont la matrice a été affectée par des procédés industriels, qui nuisent totalement à leurs facultés nutritionnelles.
Pourquoi est-on obligé de rendre des grains de blé impropres d’un point de vue nutritionnel en les transformant ? Il faut bien expliquer à l’industrie agroalimentaire que les personnes qui consomment ces produits n’y trouvent aucun intérêt sanitaire.
Maintenant, je pense que l’extension de la fiscalité aura des effets de bord tels que nous serons confrontés à des complications et à des problèmes d’une autre nature. Les AUT sont un vrai sujet, qui doit faire l’objet d’une réflexion et être traité par le Gouvernement sur le long terme.
La fiscalité additionnelle n’a pas seulement un but financier, même si nous avons un problème de comptes publics : elle a vocation à inciter fortement, et pas simplement par l’incantation, l’industrie agroalimentaire à changer la composition des recettes. Et elle concerne aussi d’autres produits.
Aujourd’hui, nous nous attaquons plus fermement à la question des boissons gazeuses, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) ayant estimé qu’il fallait franchir une marche à cet égard, pour rendre le dispositif plus incitatif. Mais j’espère que la question des AUT sera soulevée dans un avenir proche, afin que l’industrie comprenne le message.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec les chiffres de M. Bonhomme. Selon les miens, la consommation des sodas représente 4 % de la consommation de sucre. Tout le reste, ce sont les sucres ajoutés.
Quand on achète des bonbons ou des gâteaux sucrés, on sait que l’on consomme du sucre, mais quand on achète du hachis parmentier ou de la blanquette de veau, on ne s’attend pas à en manger !
Un yaourt aux fruits représente cette quantité de sucre. (M. Xavier Iacovelli brandit six morceaux de sucre.) Est-ce que vous ajouteriez autant de sucre en une seule cuillérée ? Non, c’est impossible !
Aujourd’hui, il y a un combat à mener contre le sucre caché, le sucre ajouté, qui pose un véritable problème.
Toutes les politiques de risque ont été menées sous la contrainte. Les incitations peuvent fonctionner un peu dans les entreprises vertueuses. Celles-ci les utilisent d’ailleurs pour faire la promotion de leurs produits, et c’est tant mieux. Par exemple, sur les 20 000 entreprises du secteur, 1 400 utilisent le Nutri-score, qui est non pas obligatoire, mais incitatif. C’est pour elles un élément de marketing. Mais on voit bien que cela ne suffit pas.
Il y avait 15 000 morts par an sur les routes en 1960. Nous sommes maintenant à 3 000 morts par an grâce à des mesures de sécurité routière contraignantes : ceinture obligatoire, permis à points, radars…
Nous devons faire de la pédagogie. Je suis d’accord, il faut réunir les entreprises de l’agroalimentaire pour les inciter à mieux produire ; d’ailleurs, j’ai organisé une table ronde la semaine dernière et j’ai pu constater que certaines d’entre elles étaient disposées à avancer sur ces sujets. Mais ce n’est pas le tout d’avoir la carotte : il faut aussi le bâton !
Nous avons déposé un amendement quasi identique, dont les dispositions s’insèrent différemment dans l’article et qui sera discuté plus tard. En tout cas, nous sommes favorables à l’alignement de la taxe soda sur la taxe de l’agroalimentaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous ne pouvons tous qu’être d’accord sur les risques que représentent l’alimentation transformée et le sucre. Je suis d’accord avec MM. Jomier et Milon, la présence de sucre dans les pots pour bébés est un scandale.
M. Iacovelli vient d’évoquer le Nutri-score. Nous avions déposé un amendement sur le sujet, mais il a été retoqué, pour une raison qui m’a échappé. Or nous pensons qu’il serait nécessaire de rendre le Nutri-score obligatoire sur l’ensemble des aliments, en particulier les aliments transformés. L’exemple de la blanquette de veau, qui a été évoqué, m’apparaît révélateur à cet égard.
Je ne vais pas revenir sur les risques que représente l’obésité majeure chez les enfants, qui, à 14 ans, ne peuvent plus courir la même distance qu’il y a trente ans. Les conséquences sont très nombreuses, sur le plan tant de la santé publique que des finances.
Le Nutri-score permet d’améliorer la consommation de nos concitoyens, et il serait intéressant de le généraliser.
M. Iacovelli nous a rappelé que certains industriels jouaient le jeu. Mais j’ai tout de même quelques doutes. Je me souviens ainsi d’une audition au sujet de la fiscalité comportementale que nous avions réalisée dans le cadre de la mission d’information de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) : une marque de bonbons réputée, dont je ne citerai pas le nom,…
M. François Bonhomme. Carambar !
Mme Émilienne Poumirol. … nous avait affirmé qu’elle avait bien entendu le message. Au lieu de paquets de 300 grammes, elle proposait des paquets de 175 grammes, qu’elle vendait bien sûr au même prix et sans changer la composition du produit. Si c’est cela la contribution de l’industrie, permettez-moi d’exprimer de forts doutes sur nos chances de succès…