Mme la présidente. Madame Vogel, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
Mme Mélanie Vogel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 est retiré.
Article unique
Le livre Ier du code civil est complété par un titre XV ainsi rédigé :
« TITRE XV
« DES MESURES DE SÛRETÉ DES ENFANTS VICTIMES DE VIOLENCES
« Art. 515-13-2. – Lorsqu’il apparaît vraisemblable qu’un enfant a subi un viol incestueux, une agression sexuelle incestueuse ou des faits de violence susceptible de le mettre en danger, commis par une personne titulaire sur celui-ci d’une autorité de droit ou de fait, et lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de sûreté de l’enfant.
« Art. 515-13-3. – L’ordonnance de sûreté est délivrée par le juge, saisi par l’un des parents ou le ministère public. Sa délivrance n’est pas conditionnée à l’existence d’une plainte pénale préalable.
« Dès la réception de la demande d’ordonnance de sûreté, le juge convoque pour une audience, par tous moyens adaptés, la partie demanderesse et la partie défenderesse, assistées, le cas échéant, d’un avocat, ainsi que le ministère public à fin d’avis. Ces auditions peuvent avoir lieu séparément. L’audience se tient en chambre du conseil. À la demande de la partie demanderesse, les auditions se tiennent séparément.
« Avant de délivrer l’ordonnance de sûreté, le juge peut donner mission en urgence à toute personne qualifiée d’effectuer une enquête sociale. Celle-ci a pour but de recueillir des renseignements sur la situation de la famille et les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants.
« Art. 515-13-4. – L’ordonnance de sûreté est délivrée, par le juge aux affaires familiales, dans un délai maximal de quinze jours à compter de la fixation de la date de l’audience, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des faits de viol incestueux, d’agression sexuelle incestueuse sur l’enfant ou de violence susceptible de le mettre en danger par une personne titulaire sur celui-ci d’une autorité de droit ou de fait. À l’occasion de sa délivrance, après avoir recueilli les observations des parties sur chacune des mesures suivantes, le juge aux affaires familiales est compétent pour :
« 1° Se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité sur l’enfant victime, ainsi que sur les frères et sœurs mineurs de la victime. Il se prononce également sur les modalités du droit de visite et d’hébergement ;
« 2° Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer l’enfant victime, les frères et sœurs mineurs de la victime ou toute autre personne spécialement désignée par le juge aux affaires familiales, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
« 3° Interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge aux affaires familiales dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse ;
« 4° Proposer à la partie défenderesse une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. En cas de refus de la partie défenderesse, le juge aux affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République.
« Le cas échéant, le juge présente à l’enfant et à son représentant une liste des personnes morales qualifiées susceptibles de l’accompagner pendant toute la durée de l’ordonnance de sûreté. Il peut, avec leur accord, transmettre à la personne morale qualifiée leurs coordonnées afin qu’elle les contacte.
« Lorsque le juge délivre une ordonnance de sûreté, il en informe sans délai le procureur de la République.
« Art. 515-13-5. – I. – Lorsque l’interdiction prévue au 2° de l’article 515-13-4 a été prononcée, le juge aux affaires familiales peut prononcer une interdiction de se rapprocher de l’enfant victime à moins d’une certaine distance qu’il fixe et ordonner, après avoir recueilli le consentement des deux parties, le port par chacune d’elles d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse ne respecte pas cette distance. En cas de refus de la partie défenderesse faisant obstacle au prononcé de cette mesure, le juge aux affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République.
« II. – Ce dispositif fait l’objet d’un traitement de données à caractère personnel, dont les conditions et les modalités de mise en œuvre sont définies par décret en Conseil d’État.
« Art. 515-13-6. – Les mesures mentionnées à l’article 515-13-4 sont prises pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de l’ordonnance.
« Le juge aux affaires familiales peut, à tout moment, à la demande du ministère public ou de l’une ou l’autre des parties, ou après avoir fait procéder à toute mesure d’instruction utile, et après avoir invité chacune d’entre elles à s’exprimer, supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l’ordonnance de sûreté, en décider de nouvelles, accorder à la personne défenderesse une dispense temporaire d’observer certaines des obligations qui lui ont été imposées ou rapporter l’ordonnance de sûreté. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et sept sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Masset, Bilhac, Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Jouve, MM. Laouedj et Roux, Mme Briante Guillemont, MM. Grosvalet et Cabanel, Mmes Pantel et Conte Jaubert et MM. Daubet et Guiol, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 515-9 est ainsi rédigé :
« Art. 515-9. - Le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection :
« 1° Lorsque des violences sont exercées au sein du couple, y compris lorsqu’il n’y a pas eu de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation, et qu’elles mettent en danger la personne qui en est victime ou un ou plusieurs enfants ;
« 2° Lorsqu’il apparaît vraisemblable qu’un enfant a subi un viol incestueux, une agression sexuelle incestueuse ou des faits de violence commis par un de ses parents ou, lorsqu’il y a cohabitation, le conjoint ou concubin de ce dernier, et qu’en raison de ces faits l’enfant est dans une situation de danger. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l’article 515-10 est complétée par les mots : « , sauf dans les cas mentionnés au 2° de l’article 515-9 » ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11, après le mot : « compris », sont insérés les mots : « , pour les cas mentionnés au 1° de l’article 515-9, » ;
4° À la première phrase du I de l’article 515-11-1, après le mot : « et », sont insérés les mots : « , sauf dans les cas mentionnés au 2° de l’article 515-9, » ;
5° L’article 515-12 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase est supprimée ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas mentionnés au 1° de l’article 515-9, les mesures prévues à l’article 515-11 peuvent être prolongées au-delà du délai de douze mois mentionné au premier alinéa du présent article si, durant ce délai, une demande en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale » ;
6° Au premier alinéa de l’article 515-13-1, après le mot : « Lorsque », sont insérés les mots : « , pour les cas mentionnés au 1° de l’article 515-9, ».
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Mes chers collègues, ma proposition de loi, dans sa rédaction initiale, tendait à créer une ordonnance spécialement destinée à la sûreté de l’enfant victime de violences. Si cet objectif a suscité un large consensus, il a également été souligné qu’une telle ordonnance pourrait être difficile à articuler avec les textes en vigueur.
Plutôt que de créer un nouvel outil qui se superposerait aux dispositifs actuels de protection, je vous propose donc d’élargir le champ de l’ordonnance de protection aux cas vraisemblables de violences subies par un enfant dans le cercle familial, au-delà des violences commises au sein du couple. Nous ferions ainsi de l’ordonnance de protection l’outil général de protection judiciaire d’urgence des victimes de violences intrafamiliales en cas de danger manifeste, que ces violences touchent ou non les adultes du couple.
Un tel dispositif nous permettrait d’entériner législativement une pratique des juges : ces derniers n’hésitent pas à aller au-delà de champ actuel de l’ordonnance de protection, tel qu’il est prévu par les textes, lorsqu’il faut protéger en urgence des enfants au sein de la famille.
Évidemment, plusieurs points peuvent encore être débattus, à commencer par le dépôt obligatoire d’une plainte pénale, qui ne figure pas dans ma proposition de loi initiale : étant donné l’incapacité de l’enfant à agir en justice pour lui-même, cette disposition peut en effet sembler nécessaire. Nous pourrons nous pencher sur cette question : c’est tout l’intérêt de nos débats de cet après-midi et, au-delà, de la navette parlementaire.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 13, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Amendement n° 1, alinéa 6
1° Après les mots :
un de ses parents ou
insérer les mots :
une personne titulaire sur celui-ci d’une autorité de droit ou de fait
2° Remplacer les mots :
ce dernier
par les mots :
ces derniers
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Les violences sexuelles sur mineurs ne sont pas commises par les seuls parents : elles peuvent être perpétrées par un grand-parent, une grand-tante, un beau-père, un frère, une sœur, un cousin ou un oncle. Si une violence intrafamiliale sur trois est commise par le père ou le beau-père, dans 13 % des cas, c’est l’oncle qui se révèle être l’agresseur.
Il est urgent de prendre des mesures pour mieux protéger les enfants.
Quel que soit son lien de parenté avec l’enfant, l’agresseur est souvent protégé par la famille, qui veille à ce que le silence ne soit pas rompu. Une ordonnance de protection est donc nécessaire pour protéger l’enfant et lui permettre d’échapper à l’emprise de son agresseur, ce qui suppose de lever le verrou familial.
Par ce sous-amendement, nous souhaitons que le champ de l’ordonnance de protection s’étende à toute personne titulaire sur l’enfant d’une autorité de droit ou de fait : elle ne doit pas être limitée aux parents.
Mme Céline Brulin. Très bien !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 10, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 1, alinéa 6
Après les mots :
ou concubin de ce dernier,
insérer les mots :
ainsi que toute personne titulaire d’une autorité de droit ou de fait
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. La Ciivise a établi que, dans 19 % des cas, l’auteur des violences intrafamiliales commises était un frère et que, dans 13 % des cas, il s’agissait d’un oncle, comme Mme la rapporteure le rappelle d’ailleurs dans son rapport.
Protéger les enfants des violences commises par leurs parents, c’est évidemment très important, mais cela ne saurait suffire. Il faut répondre à cette réalité : dans bien des cas, les violences sont perpétrées par le frère, l’oncle ou encore le grand-père. Dans ces hypothèses, le juge aux affaires familiales doit également pouvoir recourir à l’ordonnance de protection.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 14, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Amendement n° 1, alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ce sous-amendement vise à supprimer l’obligation de déposer une plainte pour bénéficier de l’ordonnance de protection.
Les femmes victimes de violences conjugales peuvent bénéficier d’un tel dispositif avant même le dépôt de plainte : pourquoi n’en serait-il pas de même des enfants ?
En dénonçant des violences sexuelles, un enfant accepte de livrer un secret honteux, enfoui au plus profond de lui-même. Il a le sentiment que quelque chose ne va pas. Il éprouve un terrible malaise qu’il s’efforce de décrire, mais il ne parle généralement pas de violences, et pour cause, on lui a présenté ces outrages comme un jeu ; un jeu à la fois honteux et secret.
Aujourd’hui, nous devons être aussi courageux que ces petites victimes qui osent briser le silence des violences sexuelles. Les enfants ne connaissent pas la loi. Ils ignorent la procédure de dépôt de plainte. Le simple fait de dénoncer une violence devrait leur donner droit à une protection.
Ne pas protéger un enfant qui révèle les violences qu’il a subies, c’est prendre le risque de le pousser à se taire et ajouter à son traumatisme.
L’enfant, s’il n’est pas cru, peut éprouver un sentiment d’abandon de nature à affecter gravement sa santé, notamment mentale, pour de nombreuses années. Il risque ainsi d’intégrer la violence comme un schéma normalisé, ce qui peut le conduire, à l’avenir, à être de nouveau victime, ou à devenir un futur agresseur.
Pour éviter de nouvelles violences, il faut donc permettre à toutes les victimes de bénéficier d’une ordonnance de protection, même lorsqu’aucune plainte n’a été préalablement déposée.
L’objectif d’encourager le dépôt de plainte afin de poursuivre les agresseurs est louable. Pour autant, le cap de ce texte doit rester la protection de l’enfant. D’autres leviers devront permettre de favoriser le dépôt de plainte, sans pénaliser, dans le même temps, les enfants victimes.
Mme la présidente. Les deux sous-amendements suivants sont identiques.
Le sous-amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Le sous-amendement n° 15 est présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 1, alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter le sous-amendement n° 11 rectifié.
Mme Mélanie Vogel. Ce sous-amendement a également vocation à élargir le champ d’application du dispositif.
Cette fois, il s’agit non pas d’inclure dans le dispositif tout titulaire d’une autorité de droit ou de fait, mais de préciser que l’ordonnance de sûreté pourra être prononcée lorsque l’auteur des violences n’habite pas avec l’enfant.
On peut en effet facilement considérer que l’enfant est plus exposé lorsqu’il partage le domicile de la personne qui l’agresse. Mais il peut arriver que l’agresseur soit le parent qui n’habite pas avec l’enfant, un grand-père qui lui rend visite tous les week-ends, ou encore son entraîneur sportif. Il serait donc utile que le juge aux affaires familiales puisse se prononcer sur les cas où l’auteur des violences n’habite pas avec la victime.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter le sous-amendement n° 15.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par ce sous-amendement, nous proposons également que l’enfant victime puisse bénéficier d’une ordonnance de protection, même quand il ne cohabite pas avec son agresseur.
Que ce soit à l’occasion d’une visite, d’une fête de famille ou de vacances, un agresseur a mille occasions d’exercer des violences sexuelles sans même habiter avec sa victime. Conditionner l’ordonnance de protection à la cohabitation serait donc très dangereux pour l’enfant.
Au nom de la sécurité du mineur – même si celui-ci n’est pas menacé au quotidien –, nous ne pouvons prendre aucun risque de récidive. Et si vous ne me croyez pas sur parole, allez lire les plaintes, même celles qui ont été classées sans suite, de ces enfants devenus adultes qui décrivent les violences sexuelles qu’ils ont subies…
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 16, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Amendement n° 1, avant-dernier alinéa
Supprimer les mots :
Dans les cas mentionnés au 1° de l’article 515-9
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ce sous-amendement vise à permettre la prolongation de l’ordonnance de protection au-delà de douze mois, comme c’est le cas pour les femmes victimes de violences conjugales.
La prolongation au-delà de douze mois est, en tout état de cause, décidée par le juge aux affaires familiales. Celui-ci devrait également pouvoir l’accorder aux enfants victimes de violences incestueuses. La protection et la sécurité d’un enfant ne peuvent être compromises par des délais de procédure trop longs.
Quand on connaît la saturation des services de la justice, on ne peut voir là qu’une mesure de bon sens. Nous reconnaissons tous qu’un enfant doit être protégé en raison de sa vulnérabilité. Alors pourquoi n’aurait-il pas droit à la même protection que les femmes victimes de violences conjugales ? Pourquoi n’aurait-il pas droit à la meilleure protection que permet notre droit ?
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 17, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Amendement n° 1, dernier alinéa
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par ce sous-amendement, nous proposons que les enfants puissent bénéficier de l’ordonnance provisoire de protection immédiate.
Ce dispositif d’urgence, que nous avons adopté en juin dernier afin de protéger les femmes victimes de violences conjugales, est essentiel.
Nous étions partis du constat suivant : chaque jour compte. Chaque jour où l’enfant risque de subir des violences est une perte de chance pour lui. La violence subie pendant l’enfance a un impact immédiat sur la scolarité et la capacité d’apprentissage des victimes.
Le temps de l’enfance est un temps compté. C’est le temps où l’on se construit, où l’on apprend, où l’on se forme.
Il faut protéger les enfants de potentielles nouvelles violences, car les conséquences de ces agressions sont dramatiques pour leur développement, notamment cognitif, leur construction et leur scolarité.
Aucune perte de temps ne saurait être admise, aucun risque de récidive ne peut être pris. Il est donc essentiel que les enfants puissent bénéficier de ce dispositif d’urgence.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Iacovelli, Mmes Havet, Cazebonne et Nadille et MM. Buis et Rambaud, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 515-9 est ainsi rédigé :
« Art. 515-9. - Le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection :
« 1° Lorsque des violences sont exercées au sein du couple, y compris lorsqu’il n’y a pas eu de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation, et qu’elles mettent en danger la personne qui en est victime ou un ou plusieurs enfants ;
« 2° Lorsqu’il apparaît vraisemblable qu’un enfant a subi un viol incestueux, une agression sexuelle incestueuse ou des faits de violence commis par un de ses parents ou, lorsqu’il y a cohabitation, le conjoint ou concubin de ce dernier, et qu’en raison de ces faits l’enfant est dans une situation de danger. » ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11, après le mot : « compris », sont insérés les mots : « , pour les cas mentionnés au 1° de l’article 515-9, » ;
3° À la première phrase du I de l’article 515-11-1, après le mot : « et », sont insérés les mots : « , sauf dans les cas mentionnés au 2° de l’article 515-9, » ;
4° L’article 515-12 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase est supprimée ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas mentionnés au 1° de l’article 515-9, les mesures prévues à l’article 515-11 peuvent être prolongées au-delà du délai de douze mois mentionné au premier alinéa du présent article si, durant ce délai, une demande en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale » ;
5° Au premier alinéa de l’article 515-13-1, après le mot : « Lorsque », sont insérés les mots : « , pour les cas mentionnés au 1° de l’article 515-9, ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Comme cela a été dit lors de la discussion générale, le dispositif de cette proposition de loi pourrait entraver l’application rapide et efficace des outils de protection existants.
C’est pourquoi je vous présente un amendement de rédaction globale de l’article unique. Je propose d’étendre le champ d’application de l’ordonnance de protection aux situations vraisemblables de violences commises au sein du cercle familial proche, pour cibler les agressions commises contre les enfants, et non seulement celles qui ont lieu au sein du couple.
Cet amendement prévoit également des adaptations spécifiques de l’ordonnance de protection pour les violences commises à l’encontre d’un enfant, en excluant la possibilité d’ordonner le port d’un bracelet antirapprochement.
L’auteure de la proposition de loi, dans son amendement de rédaction globale, a indiqué qu’elle souhaitait également écarter le recours à cette mesure. L’ensemble des groupes s’accorde en effet à reconnaître que ce dispositif est inadapté aux enfants, même s’il était prévu qu’ils ne portent qu’un boîtier de signalement. En effet, je ne vois pas pourquoi ce serait à l’enfant de porter le fardeau du viol qu’il a subi.
Contrairement à Mme Carrère, je pense qu’il faut conserver les dispositions de l’article 515-10 du code civil, qui ne conditionnent pas la délivrance de l’ordonnance de protection à l’existence du dépôt préalable d’une plainte. Il me semble qu’une telle exigence risquerait d’alourdir des démarches précisément prévues pour répondre à l’urgence.
En juin 2024, le Parlement a voté la loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate. Cette adoption est donc intervenue après le dépôt, en avril, de la proposition de loi que nous examinons.
L’OPPI permet au juge de décider, dans un délai de vingt-quatre heures, du placement immédiat d’un enfant en situation de danger, et ce indépendamment du dépôt d’une plainte.
Madame la ministre, il est important que vous saisissiez le garde des sceaux pour faire paraître au plus vite le décret d’application de la loi de juin 2024, pour enfin protéger les enfants et appliquer le droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, la solution proposée par Maryse Carrère dans son amendement n° 1 rectifié permet de répondre à une part significative des limites du texte initial, lesquelles nous ont été signalées par la quasi-totalité des personnes que nous avons entendues.
En élargissant le champ de l’ordonnance de protection aux cas des violences familiales, et non plus aux seuls cas de violences au sein du couple, nous évitons la superposition des dispositifs de protection judiciaire. L’ordonnance de protection devient un dispositif général de protection des victimes présumées, qu’elles soient mineures ou majeures.
Cet amendement présente également l’avantage d’éviter au juge aux affaires familiales d’avoir à se prononcer sur des violences commises, par exemple, par un professeur ou un moniteur d’activité extrascolaire, car cela ne fait pas partie de son office.
Je note, par ailleurs, que l’amendement apporte des adaptations au dispositif de l’ordonnance de protection pour tenir compte de la spécificité des violences commises à l’égard des seuls enfants. Je pense en particulier à l’obligation du dépôt de plainte, à l’impossibilité d’ordonner le port d’un bracelet antirapprochement, ou encore à l’irrecevabilité d’une demande d’ordonnance provisoire de protection immédiate, qui est octroyée sans contradictoire. Nous attendons, à cet égard, la prochaine publication du décret d’application.
La commission, néanmoins, n’est pas entièrement convaincue du bien-fondé de cet amendement, notamment au regard du droit en vigueur, qui semble suffisant. Je considère donc que l’amendement représente une piste intéressante, qui mériterait un examen plus poussé, notamment lors de la navette. Nous avons en effet eu trop peu de temps pour mener nos auditions.
C’est pourquoi j’émets un avis de sagesse sur l’amendement n° 1 rectifié, afin que le débat parlementaire se poursuive à l’Assemblée nationale pour enrichir le texte.
En ce qui concerne l’ensemble des autres sous-amendements et de l’amendement n° 12 rectifié bis, l’avis est défavorable.
L’extension prévue par les sous-amendements nos 13 et 10 n’est pas opportune, car les personnes titulaires d’une autorité de droit ou de fait correspondent à un spectre bien plus large que le cercle familial restreint. D’une part, le droit en vigueur est suffisant lorsqu’il ne s’agit pas des plus proches parents, a fortiori quand le caractère urgent de la réponse judiciaire est moins évident. D’autre part, il revient non pas au juge aux affaires familiales, mais au juge pénal, de statuer sur ces cas.
Concernant le sous-amendement n° 14 et l’amendement n° 12 rectifié bis, qui n’est pas tout à fait identique à l’amendement n° 1 rectifié, le dépôt d’une plainte me semble un corollaire indispensable, compte tenu – j’y insiste – de l’incapacité de l’enfant à agir en justice et de la gravité des faits invoqués, lesquels doivent absolument obtenir une réponse pénale.
Je rappelle par ailleurs, pour répondre aux arguments très émotionnels évoqués par les auteurs de ces propositions, que nous ne sommes pas – fort heureusement ! – face à un vide juridique : notre droit prévoit déjà de très nombreux dispositifs de protection. Soyons donc vigilants. Lorsque nous faisons face à un enfant présumé victime de violences, écoutons-le, protégeons-le, et lançons une enquête.
Sur l’absence de cohabitation, qui est l’objet des sous-amendements identiques nos 11 rectifié et 15, j’estime que l’urgence est moins caractérisée dans ce cas, et que l’assignation à bref délai prévue par l’article 1137 du code de procédure civile permet déjà d’y répondre. Elle apparaît ainsi préférable à l’ordonnance de protection qui, bien qu’efficace, restreint fortement les droits de la défense.
Le sous-amendement n° 16 tend à confondre les situations de séparation conflictuelle, et éventuellement violente, entre adultes et les cas de violence à l’égard de l’enfant uniquement.
Enfin, le sous-amendement n° 17 vise à ouvrir l’ordonnance provisoire de protection immédiate aux cas de violences contre les seuls enfants. Cette procédure d’extrême urgence sans contradictoire me paraît inadaptée, dès lors qu’un parent protecteur est présent, condition nécessaire à l’octroi de l’ordonnance de protection. Sans cela, ce sont les ordonnances de placement qui sont pertinentes.