M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Étienne Blanc. Monsieur le ministre de l'intérieur, le rapport qui a été écrit dans le cadre de la commission d'enquête sénatoriale sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a consacré un chapitre assez important à l'épineuse question de la corruption.
Les choses n'ont pas été faciles, car nous avons constaté que les administrations centrales et les inspections générales avaient peu de documents solides sur ce sujet, laissant entendre que le Gouvernement regardait cela d'un peu loin.
Pourtant, nous savons aujourd'hui qu'un certain nombre de services administratifs connaissent une véritable dérive.
Il en est ainsi de certaines collectivités territoriales, mais aussi de quelques dockers ou agents des douanes qui ont perçu une rémunération après avoir évité qu'un container ne soit fouillé et scanné.
Il en est ainsi de plusieurs greffiers, agents des tribunaux judiciaires et personnels des centres de détention, qui se sont abstenus d'accomplir une formalité dans le but de faire tomber une procédure judiciaire.
Il en est ainsi, hélas ! d'un certain nombre de services de police et de gendarmerie. En effet, nous déplorons une augmentation significative de la consultation illégale de fichiers : des informations sont recueillies et sont ensuite communiquées à des narcotrafiquants, moyennant rémunération.
Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez à plusieurs reprises utilisé le terme de « narco-État ». Nous savons aujourd'hui que la corruption en est un des qualificatifs. Elle est le moyen, sinon de détruire, du moins d'affaiblir les centres névralgiques destinés à la lutte contre la criminalité.
Dans ce contexte, quelle politique le Gouvernement entend-il mener afin que nous comprenions mieux ce phénomène ? Surtout, quelles dispositions seront prises pour lutter contre ce qui peut considérablement affaiblir la puissance de l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Étienne Blanc, vous étiez à nos côtés lorsque le garde des sceaux et moi-même nous sommes rendus à Marseille vendredi dernier ; le président de la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic était également présent.
J'ai été impressionné par deux moments très forts. D'abord, lorsque nous avons rencontré les familles de victimes qui ont toutes relayé ce même message : « Arrêtez ce massacre ! » Ensuite, lorsque nous avons échangé avec les enquêteurs de la police judiciaire (PJ) et de l'Office anti-stupéfiants (Ofast).
Ces derniers nous ont décrit une situation terrible, caractérisée par l'extraordinaire et inquiétante métamorphose de ces organisations criminelles, dont le déploiement tentaculaire sur l'ensemble du territoire est à craindre.
La diversification de leurs activités économiques est indéniable et s'accompagne, bien évidemment, de phénomènes de corruption.
D'effrayantes méthodes sont employées, telles que la torture et la séquestration, parfois mises en scène sur les réseaux sociaux. Il est aussi fait recours à de jeunes tueurs, qui constituent désormais une main-d'œuvre jetable.
Les agents rencontrés nous ont également indiqué qu'ils n'agissaient pas à armes égales face à ces criminels.
Vous avez vous-même réalisé cette description et dressé ces constats, monsieur le sénateur, dans le cadre de la commission d'enquête dont vous étiez le rapporteur. Vous avez même consacré un chapitre à la corruption.
Au vu des sommes en jeu et des menaces qui peuvent peser sur divers agents, à la fois publics et privés, ce phénomène doit désormais être pris au sérieux.
Il y a quelques semaines, au mois d'octobre, un policier a dû rendre des comptes parce qu'il avait vendu un certain nombre d'informations sur le darknet, en échange de cryptomonnaie.
Les moyens de résoudre ces problèmes nous seront conférés par la proposition de loi sénatoriale visant à sortir la France du piège du narcotrafic. En son article 19, celle-ci prévoit de conduire des enquêtes administratives régulières pour les administrations les plus exposées à la corruption.
Il faudra sans doute faire mention du narcotrafic d'une façon claire, car il conviendrait de développer des techniques spéciales d'enquête ; nous aurons l'occasion d'en reparler.
Il faut agir vite et fort : comptez sur nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
politique pénitentiaire
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Nicole Duranton. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Le 14 mai dernier, à Incarville, dans le département dont je suis élue, l'Eure, l'attaque d'un fourgon pénitentiaire a fait deux morts et trois blessés. Elle a suscité une très vive émotion parmi les agents pénitentiaires et toute la population française.
Six mois après, les agents pénitentiaires restent inquiets. Je salue leur courage, car ils œuvrent chaque jour pour la population carcérale.
Je me suis rendue récemment à la maison d'arrêt d'Évreux, où était incarcéré Mohamed Amra. Elle affiche à ce jour un taux de surpopulation carcérale de 189 %, avec quatre détenus par cellule de 10 mètres carrés.
J'y ai constaté les conditions de travail difficiles des agents, qui exercent dans des locaux étroits et vétustes, malgré un plan de travaux pluriannuel.
Cette maison d'arrêt a 112 ans ; je vous invite à la visiter, monsieur le garde des sceaux.
La semaine dernière, je me suis rendue au centre de détention de Val-de-Reuil, dit Les Vignettes, qui est le plus grand d'Europe. Là encore, j'ai eu l'occasion d'échanger avec la directrice, les représentants syndicaux de Force ouvrière (FO) et les détenus.
Les agents d'Évreux et de Val-de-Reuil s'inquiètent de la dégradation de leurs conditions de travail ; surtout, ils craignent pour leur sécurité. Aujourd'hui, je porte leur voix.
Leur constat est implacable : ils se considèrent comme les grands oubliés de l'administration. Il est urgent de replacer les personnels au centre de la prise en charge. La qualité de vie au travail des agents ne pourra s'améliorer que lorsque les conditions de détention auront évolué.
Après le drame d'Incarville, un protocole d'accord pour renforcer la sécurité des agents a été signé par votre prédécesseur avec l'intersyndicale de l'administration pénitentiaire. Toutefois, les agents s'interrogent sur son application effective. Qu'en est-il, monsieur le garde des sceaux ?
Il aura fallu le drame d'Incarville pour réfléchir à des mesures de sécurité réclamées depuis de nombreuses années par les agents.
Vous avez récemment annoncé que l'objectif de construction de 15 000 places nettes de prison d'ici à 2027 ne sera pas atteint : c'est une mauvaise nouvelle.
Comment allez-vous remettre sur les rails ce plan de construction, pour enfin améliorer le quotidien des détenus et assurer la sécurité des agents pénitentiaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Nicole Duranton, vous m'interrogez, à la suite de vos visites à la maison d'arrêt d'Évreux et au centre de détention de Val-de-Reuil, sur l'état des prisons et les conditions de travail et de sécurité des agents de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP).
Vous évoquez en particulier les suites données au protocole dit d'Incarville, après le drame que nous avons vécu : l'attaque d'un fourgon qui, vous l'avez rappelé, a entraîné la mort de deux personnes et fait trois blessés.
Je tiens, comme vous, à saluer l'engagement sans faille des personnels de l'administration pénitentiaire. Ils travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et méritent tout notre soutien et notre solidarité – je ne les oublie pas.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé une enveloppe complémentaire par rapport à la lettre plafond (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.), demande qui a obtenu un arbitrage favorable de M. le Premier ministre. Cela me permettra de respecter les engagements qui ont été pris vis-à-vis de ces personnels.
Les 33 mesures contenues dans ce protocole sont en cours de mise en œuvre et les crédits afférents sont bien sanctuarisés dans le projet de loi de finances pour 2025. Toutefois, les échanges se poursuivent entre les organisations syndicales, l'administration pénitentiaire et la chancellerie.
À l'heure actuelle, les premiers véhicules de nouvelle génération ont commencé à être livrés. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en remettre quatre aux agents de Marseille, vendredi dernier.
D'ici à la fin de l'année 2024, nous disposerons de 60 sites équipés en systèmes anti-drones ; il y en aura 90 en 2025. S'ajoute à cela le déploiement d'une centaine de dispositifs mobiles de brouillage de téléphones.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le garde des sceaux.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. En 2025, ce sont plus de 97 millions d'euros qui seront consacrés au renforcement de la sécurité des personnels et des établissements.
M. le président. Il faut conclure !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. Un dernier mot sur le plan de construction de 15 000 places de prison supplémentaires. J'aurai l'occasion d'y revenir après les arbitrages du Premier ministre sur ce projet qui, nous le constatons, souffre d'un certain retard. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
cop29 (ii)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, sans doute une question au Gouvernement n'aura jamais été autant d'actualité.
Il y a quelques heures, nous pouvions entendre Ilham Aliyev, président de la République d'Azerbaïdjan, déclarer que les leçons des crimes de la France dans ses prétendus territoires d'outre-mer ne seraient pas complètes sans mentionner les récentes violations des droits de l'homme par le régime.
Rappelons que l'agitation a été entretenue en Nouvelle-Calédonie et en Afrique par le Groupe d'initiative de Bakou (BIG).
Selon le président Aliyev, le Parlement européen et le Conseil de l'Europe sont devenus les symboles de la corruption politique et partagent avec le gouvernement du président Macron la responsabilité du meurtre de gens innocents.
Je n'ai pas peur de le dire : le dictateur, c'est le président Aliyev ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, GEST et SER.)
Pensons à Théo Clerc, qui a été condamné à trois ans de prison pour avoir fait des tags dans le métro de Bakou. Le président Aliyev, c'est lui le meurtrier !
Pensons à ce réfugié politique azéri assassiné à Mulhouse, en septembre dernier.
Pensons aux 6 500 morts tombés lors du conflit du Haut-Karabagh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Pensons à ces plus de 100 000 personnes déplacées qui ont dû fuir leurs terres ancestrales.
Madame la ministre, à l'heure où l'Europe et la France sont bafouées, je pense qu'il faut avoir le courage de faire la politique de la chaise vide. (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques. Madame la sénatrice Lavarde, les propos tenus par le président Aliyev contre la France et l'Europe lors de l'ouverture de la COP29 à Bakou sont inacceptables.
Mme Laurence Rossignol. Scandaleux, oui !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les attaques directes contre notre pays, ses institutions et ses territoires sont injustifiables.
L'Azerbaïdjan instrumentalise la lutte contre le dérèglement climatique pour suivre un agenda personnel indigne.
M. Yannick Jadot. La faute à qui ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ces attaques constituent une violation flagrante du code de conduite de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et ne resteront pas sans réponses.
M. Rachid Temal. Quelles réponses ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il est par ailleurs ironique que l'Azerbaïdjan, régime répressif et liberticide, donne des leçons en matière de droits de l'homme. Les propos tenus par les autorités de ce pays en faveur des énergies fossiles sont également inacceptables, alors que les diplomaties française et européenne avait obtenu un accord universel sur la sortie progressive des énergies fossiles lors de la COP28.
Cela est indigne d'une présidence de COP.
À l'inverse, je veux saluer le Brésil et le Royaume-Uni, qui ont pris l'engagement de revoir à la hausse leur trajectoire de baisse d'émissions de gaz à effet de serre. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Encore une fois, quelle sera la réponse de la France ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. C'est de cette dynamique positive, et non d'une attaque d'une déplorable bassesse, que la communauté internationale a besoin pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique.
Compte tenu de cette situation nouvelle, avec l'accord du Président de la République et du Premier ministre, je ne me rendrai pas à Bakou la semaine prochaine. (Applaudissements.)
M. Rachid Temal. Cela ne suffira pas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Du reste, je vous assure que les équipes de négociations françaises ne ménageront pas leurs efforts, avec mon appui à distance et en lien avec nos partenaires européens, pour protéger la planète et nos populations.
Nous continuerons à plaider pour le plus haut niveau d'ambition dans la mise en œuvre de l'accord de Paris, dont nous sommes les gardiens, dix ans après son obtention. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, UC.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, cette décision vous honore, ainsi que le Gouvernement. Toutefois, je pense que nous pouvons aller encore plus loin, compte tenu des liens d'amitié ancestrale que la France entretient avec l'Arménie.
Dois-je rappeler le contrat gazier qui a été signé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, entre l'Union européenne et l'Azerbaïdjan ?
Sur la période 2022-2023, 1 milliard de mètres cubes de gaz russe a transité via l'Azerbaïdjan et a ensuite été livré dans l'Union européenne, sur la base d'un accord entre Gazprom et la State Oil Company of Azerbaijan Republic (Socar).
Cette dernière finance aujourd'hui la COP29, l'achat d'immeubles dans différents endroits du territoire et les actions d'ingérence du régime du président Aliyev.
Par l'intermédiaire de François-Xavier Bellamy, de Nathalie Loiseau et de Raphaël Glucksmann, nous avons su parler d'une voix commune au Parlement européen. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Il est temps que l'État français vienne la conforter et dénonce ce traité gazier. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Adel Ziane. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale.
Le week-end dernier, Nicolas Sarkozy, ancien Président de la République, a une nouvelle fois fustigé les enseignants : ils seraient trop nombreux et leur temps de travail se réduirait à 24 heures hebdomadaires, six mois par an.
Dans un monde où les vérités alternatives progressent, j'y reviendrai, cette affirmation relèverait de l'ironie si la situation de l'école de la République n'était pas aussi catastrophique.
En 2007, sous la présidence de Nicolas Sarkozy – certains d'entre vous siégeaient déjà à cette époque –, la révision générale des politiques publiques (RGPP) actait la suppression de 80 000 postes en cinq ans dans la seule éducation nationale.
On déplorait par ailleurs la fermeture des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).
Aujourd'hui encore, notre école paie le prix d'une diminution des postes et d'un affaiblissement de la formation.
Pourtant, nos enseignants poursuivent leur engagement sans faille au service de notre jeunesse. Contrairement aux chiffres factuellement faux qui ont été diffusés, ils travaillent en moyenne 43 heures par semaine, parfois 50 heures pour les plus jeunes, dans des classes souvent surchargées.
Enfin, ils sont frappés de paupérisation. : en début de carrière, ils ne touchent que 1,2 fois le Smic, contre trois fois dans les années 1980.
La ministre de l'éducation nationale a trop tardé à réagir aux propos de M. Sarkozy. Qu'est-il envisagé pour protéger les enseignants contre ce type de diatribes mensongères, qui non seulement favorisent la dégradation de leurs conditions de travail et des liens qui les unissent à la société, mais abîment aussi l'école de la République ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel.
M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de l'éducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel. Monsieur le sénateur Ziane, quand je pense à nos enseignants, je vois, comme vous, tous ces visages qui ont jalonné nos parcours.
Je pense à ces instituteurs qui, à sept heures et quart du matin, préparent les dernières photocopies, peaufinent les activités du jour et accueillent de manière inconditionnelle tous les enfants, d'où qu'ils viennent. (Et donc ? sur les travées du groupe SER.)
On ne le dit pas assez, l'école est le premier service public de ce pays. C'est le premier lieu où, par définition, nos enfants vont apprendre ce qu'est le collectif, la Nation, la France.
Bien évidemment, les enseignants sont assurés du soutien inconditionnel de tout le Gouvernement, uni derrière Michel Barnier. (Marques d'agacement à gauche.)
Je veux le dire de façon très claire : je ne partage pas les propos que vous avez évoqués ; le soutien financier que nous apportons aux enseignants en est la meilleure illustration. (M. Rachid Temal s'exclame.)
En effet, alors que nous vivons un moment de contraintes budgétaires inédites, nous avons fait le choix de donner à l'école le budget le plus important de son histoire, soit 63 milliards d'euros.
Bien sûr, ce n'est jamais assez et nous pourrions encore faire mieux. En attendant, les moyens supplémentaires alloués à l'éducation nationale nous permettront d'en faire plus sur bien des aspects.
En particulier, nous pourrons réduire le nombre d'élèves par classe et mieux accueillir chacun de nos enfants. (Mmes Céline Brulin et Cathy Apourceau-Poly s'exclament.)
Nous pourrons aussi poursuivre la modernisation du lycée professionnel. Contrairement à certains propos que l'on peut parfois entendre çà et là, nous avons bel et bien ouvert des classes dans ces établissements à la rentrée et avons recruté des enseignants.
Nous serons également en mesure de mieux accueillir les enfants qui ont le plus de difficultés, notamment ceux qui souffrent de handicap. Il s'agit là d'un sujet sur lequel nous pouvons tous nous retrouver.
Quelque 2 500 emplois profiteront bientôt à l'ensemble de la communauté éducative. Les enseignants et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) permettront, j'insiste, de mieux accueillir nos enfants.
Vous serez amenés dans quelques jours à discuter du budget. Vous pourrez ainsi formuler des propositions différentes (Exclamations et rires sur les travées des groupes SER et CRCE-K.),…
Mme Sylvie Robert. Nous n'y manquerons pas !
M. Alexandre Portier, ministre délégué. … dire en quoi consiste votre vision de l'école et présenter les mesures que vous comptez prendre pour améliorer les choses. J'ai hâte que nous puissions en débattre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Cécile Cukierman s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour la réplique.
M. Adel Ziane. Nous vous remercions de ne pas reprendre les propos de Nicolas Sarkozy, monsieur le ministre. Soyez-en assuré, nous aurons énormément de propositions à vous faire.
J'aurais aimé entendre la ministre de l'éducation nationale sur ce sujet – il me semble qu'elle est à Paris en ce moment –, à deux titres.
D'abord sur la forme, car la priorité absolue est de faire en sorte qu'un professeur se tienne devant chaque classe. Or 15 millions d'heures de cours ne sont pas dispensées dans notre pays.
M. Olivier Paccaud. Eh oui !
M. Adel Ziane. L'annonce de l'acte II du « choc des savoirs » a été faite, alors que l'acte I n'a même pas été évalué et que 4 000 postes seront supprimés.
Ensuite, j'aurais souhaité entendre la ministre sur le fond. Durant la crise du covid-19, les agents de la fonction publique étaient loués pour leur abnégation. Ils se trouveront encore en première ligne, demain, pour redresser notre pays face à la crise économique et budgétaire qui va s'abattre sur nous.
Ils méritent mieux que les clichés éculés, alors que le ministre de la fonction publique, dans une forme de trumpisme à la française, n'a rien trouvé de plus judicieux que de s'acoquiner avec Elon Musk, ce matin, sur X, pour mépriser et provoquer les enseignants. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – M. le ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique s'exclame.)
M. Hussein Bourgi. Arrêtez de dire n'importe quoi, monsieur Kasbarian !
M. Adel Ziane. Nous devons faire preuve de considération à l'égard des enseignants et reconnaître, dans la parole comme dans l'action politique, leur rôle et leur travail. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
situation d'ahou daryaei
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, nous avons tous été frappés par le courage d'Ahou Daryaei, cette étudiante iranienne qui a dû affronter la police des mœurs quant à sa manière de porter le hijab.
En se dénudant, elle a eu un geste d'une transgression inouïe, qui exprime l'étouffement d'un peuple.
Roger Karoutchi et moi-même avons souhaité faire pression sur les autorités iraniennes. Nous avons formé un comité de parrainage constitué de 150 sénateurs, afin qu'Ahou Daryaei ne disparaisse pas à la suite de son arrestation. Nous demandons au président iranien sa libération.
L'ambassade de la République islamique d'Iran, à Paris, s'est fendue d'un communiqué de presse surnaturel pour refuser, au nom de Dieu, d'admettre la réalité. Elle a ainsi fait croire qu'Ahou Daryaei était atteinte de troubles mentaux et qu'il s'agissait d'un sujet secondaire.
Monsieur le ministre, vous avez tenu à saluer le courage de cette jeune femme, qui a commis là un acte de résistance et s'est hissée au rang d'icône.
Avez-vous des informations sur ce qui est advenu d'elle et avez-vous eu des contacts avec l'ambassade d'Iran ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous l'avez rappelé, des ténèbres obscurantistes dans lesquelles l'Iran est aujourd'hui plongé a surgi une icône du combat des femmes iraniennes.
Ce combat, c'est celui de Mahsa Amini, des centaines de femmes tuées dans la répression sanglante des manifestations par le régime, des milliers de femmes emprisonnées ou vivant dans la peur de la répression.
C'est bien sûr celui du mouvement « Femmes, vie, liberté », de toutes les femmes iraniennes qui aspirent légitimement à la liberté et à la dignité.
Ahou Daryaei est une icône de la défense des droits des femmes, partout où ils sont contestés : non seulement en Iran ou en Afghanistan,…
M. Stéphane Ravier. Chez nous aussi, dans nos banlieues ! Pas besoin d'aller en Iran ! (Exclamations sur les travées du groupe SER et CRCE-K.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre. … mais aussi dans tous les lieux où les ennemis de la liberté s'en prennent toujours à ces droits en premier.
Une icône pour toutes celles et tous ceux qui résistent à l'obscurantisme, parfois au péril de leur vie, qui défendent inlassablement les droits de l'homme, des femmes, et des enfants.
Cette icône, c'est bien Ahou Daryaei. Nous avons tous été frappés, bouleversés par son courage. La France est consternée par son arrestation brutale et préoccupée par les conditions de son internement présumé.
Sachez que l'ambassade de France à Téhéran a relayé nos messages d'inquiétude et de consternation auprès des autorités iraniennes. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Vous n'avez pas totalement répondu à mes questions, monsieur le ministre. Je voudrais rappeler que la vague de protestations qui a fait suite à la mort de Mahsa Amini, en septembre 2022, n'a fait que s'amplifier.
Le régime des mollahs et le corps des gardiens de la révolution islamique ont exécuté, très majoritairement par pendaison, plus de 800 personnes en 2023, soit une augmentation de 172 % par rapport à 2021.
Compte tenu de l'explosion du nombre d'exécutions et de l'inauguration prochaine en Iran d'une nouvelle clinique psychiatrique pour traiter le problème du dévoilement chez les femmes, nos craintes sont légitimes concernant Ahou Daryaei.
Rendons hommage au courage de toutes ces femmes – Mahsa, Ahou et tant d'autres – qui se battent pour faire valoir leurs droits, sous un régime islamique qui veut les invisibiliser.
Trop de femmes sont victimes d'un véritable apartheid sexuel en Iran, comme en Afghanistan.
Il faut que la France fasse pression sur l'Iran, sans aucun état d'âme. Elle ne doit pas oublier Ahou et doit se tenir clairement aux côtés de ces femmes qui aspirent à une seule chose : la liberté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, GEST, SER et CRCE-K.)
faillites d'entreprises
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Ma question concerne les défaillances d'entreprises et leurs conséquences à la fois sur l'emploi et la création de richesses.
Sur l'année 2024, nous devrons malheureusement comptabiliser 65 000 défaillances d'entreprises. Force est de constater que celles-ci surviennent à un rythme qui s'accélère.
À l'évidence, nous traversons une phase de turbulences. Certaines entreprises qui ont survécu grâce aux aides durant le covid-19 sont menacées de disparition.
Lors d'une matinale organisée par une chaîne de radio, le ministre chargé de l'industrie, Marc Ferracci, a indiqué qu'il fallait s'attendre à d'autres plans sociaux, après les fermetures des sites d'Auchan et de Michelin.
Soyons clairs, un nouveau décrochage de notre pays en matière de création de richesses est à craindre. Je regrette d'ailleurs que cette question constitue trop souvent l'angle mort du débat politique dans notre pays.
Rappelons que, depuis trente ans, la France voit son PIB par habitant stagner, alors qu'il progresse dans les autres pays de l'OCDE.
Enfin, une remontée du chômage est à craindre, avec son cortège de misère pour les salariés.
Les chefs d'entreprise, lorsque nous les interrogeons, évoquent plusieurs causes à ces défaillances : le coût du travail, encore et toujours, le prix de l'énergie, mais aussi le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE).
Ma question est simple : n'y a-t-il pas urgence à agir, à anticiper et à jouer sur les PGE, qui ont le moins de conséquences budgétaires ? Il s'agirait d'utiliser ces derniers comme des amortisseurs, en allongeant leur durée de remboursement au-delà de 2026. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)