Ainsi, si nous devons repenser notre gestion de l’eau, il nous faudra revoir notre rapport à cette dernière.

Dans la continuité des recommandations de notre rapport, plusieurs solutions, je le répète, se dessinent pour anticiper les tensions et garantir une gestion de l’eau plus sereine.

Envisager des retenues d’eau multi-usages pour capter les précipitations hivernales pourrait aider, par exemple, à pallier le manque d’eau en été.

Investir dans des solutions naturelles comme la restauration des zones humides, des prairies et des forêts renforcerait la recharge des nappes phréatiques et limiterait le ruissellement.

Encourager la recherche et l’innovation permettrait encore de réutiliser les eaux usées traitées.

Par ailleurs, notre agriculture est indissociable de ce processus. En effet, ce secteur essentiel pour notre économie et notre souveraineté alimentaire absorbe près des deux tiers de notre ressource en eau, ce qui en fait un acteur clé dans la gestion durable de cette ressource.

Bien que des techniques avancées comme le goutte-à-goutte soient encouragées pour améliorer l’efficacité de l’irrigation, il est nécessaire – j’insiste sur ce point – de repenser les systèmes de culture pour réduire durablement la consommation d’eau.

Évidemment, les changements impliquent des efforts financiers. L’augmentation des budgets des agences de l’eau permettrait de renforcer la résilience collective de nos territoires et de soutenir davantage les projets d’infrastructure et de préservation de l’eau.

Enfin, mes chers collègues, n’oublions pas le rôle fondamental de l’éducation. En tant qu’ancien professeur, je mesure l’importance de l’apprentissage pour préparer notre société de demain.

La sensibilisation des publics de tous âges à la valeur de l’eau et à sa préservation est essentielle. En mobilisant chaque citoyen, nous pourrons construire un modèle de gestion de l’eau capable de répondre aux défis futurs.

Notre responsabilité est d’assurer à nos territoires un accès durable à l’eau, aujourd’hui et pour les décennies à venir, afin que les générations actuelles et futures ne connaissent pas la pénurie.

Le tableau est complexe, mais non apocalyptique. La France peut gérer son eau avec intelligence et anticipation, à condition de mettre en œuvre les transformations nécessaires et de prendre des décisions courageuses.

Les recommandations de notre rapport sénatorial offrent une feuille de route ambitieuse, mais réaliste, pour atteindre cet objectif.

Ensemble, œuvrons pour un avenir où l’eau restera une ressource accessible à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de lénergie, du climat et de la prévention des risques. Madame la sénatrice Belrhiti, il y a de telles résonances entre le plan Eau et votre rapport que l’on pourrait penser que le premier s’inspire du second.

Le plan Eau contient une enveloppe spécifique de 30 millions d’euros pour la modification des pratiques agricoles. Je pense notamment au développement d’un usage plus sobre de l’irrigation grâce, par exemple, aux pratiques de goutte-à-goutte.

Vous avez soulevé par ailleurs, en fin de propos, une question essentielle, qui a pourtant été peu évoquée dans ce débat : celle de l’éducation et de l’information des agriculteurs.

C’est essentiel au moment de l’installation, car les jeunes sont en attente d’un accompagnement pour mieux prendre en compte le dérèglement climatique et développer un projet soutenable dans la durée.

De même, en matière de gestion de l’eau, si les infrastructures doivent rassurer les agriculteurs sur leur capacité à faire, il faut aussi accompagner ces derniers dans l’évolution de leurs propres pratiques.

Je pointe ici l’agriculture, car elle est au cœur de l’actualité, mais les enjeux sont similaires dans bien d’autres secteurs comme l’industrie, où nous n’en sommes qu’au début en matière de réutilisation par exemple.

À cet égard, un certain nombre de pays qui ont été exposés plus tôt que nous à des pénuries d’eau nous montrent le chemin. En Espagne ou en Israël, chaque goutte d’eau est précieusement réinjectée dans le système, de telle sorte que rien ne se perde. C’est une approche que nous devons probablement ancrer en France.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de lénergie, du climat et de la prévention des risques. Au cours de ce débat, de nombreux points ont été abordés et je n’y insisterai pas.

Vous l’aurez compris : j’inscris mes pas dans ceux de mon prédécesseur, Christophe Béchu, qui a lancé le plan Eau et qui en a fait un objet politique très complet. Je souhaite que nous puissions matérialiser ses avancées mois par mois, semestre après semestre.

Cinq chantiers me semblent prioritaires.

Le premier est la protection des points de captage d’eau potable. À partir du moment où une molécule comme le TFA est considérée comme problématique, il devient pertinent de l’intégrer dans le suivi de la qualité des eaux potables. Seule la démonstration inverse – celle de son absence de nocivité – peut justifier de ne pas la suivre.

Je veux rappeler qu’un tiers des points de captage ont été abandonnés ces quarante dernières années en raison d’une qualité des eaux insuffisante.

Certaines agglomérations de plusieurs centaines de milliers d’habitants ne dépendent que d’un seul et même point de captage. On peut donc imaginer qu’un incident ou une pollution à bas bruit puisse mettre en difficulté ces collectivités. Ce sujet préoccupe un certain nombre d’élus d’intercommunalités.

Aussi, l’objectif est d’améliorer nos connaissances sur ces pollutions et d’agir pour les réduire.

À cet égard, trois éléments sont attendus dans le droit fil du plan Eau et de la stratégie Écophyto : un arrêté de définition des points de captage sensibles, un guide à destination des préfets comportant des règles de gestion en fonction des différents cas de figure, et des outils financiers d’accompagnement de changement des pratiques.

Le deuxième chantier est la mise en œuvre du plan d’action pour l’eau et l’assainissement dans les territoires ultramarins, que nous avons évoqué avec Mme Phinera-Horth.

Le troisième chantier, la gestion quantitative de la ressource en eau, a été largement enrichi par vos travaux, mesdames, messieurs les sénateurs, en particulier par ceux de la mission d’information sénatoriale sur la gestion durable de l’eau, présidée par Rémy Pointereau et dont Hervé Gillé était le rapporteur.

Notre stratégie repose sur un usage plus sobre de la ressource, sur l’optimisation de sa disponibilité et sur une meilleure gestion des périodes de sécheresse.

À cet égard, l’objectif est clair : mieux partager la ressource dans le contexte du changement climatique. Certains agriculteurs qui n’irriguent pas aujourd’hui auront besoin, demain, en effet, de recourir à l’irrigation. C’est le cas par exemple dans mon territoire du Pas-de-Calais, qui a connu en 2023, avant les inondations de cette année, un épisode de sécheresse.

Il faut donc anticiper ces besoins d’irrigation et adopter d’emblée les bonnes pratiques.

C’est pourquoi, en parallèle des mesures du plan Eau visant à stabiliser les volumes consacrés à l’irrigation, des réserves de substitution pourront être construites dans les territoires qui sont structurellement en déséquilibre.

Dans ces territoires, les ouvrages de substitution devront s’inscrire, je le répète, dans une démarche de PTGE ou de schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage).

Le quatrième chantier, le financement du plan Eau, a été évoqué à fleurets mouchetés au cours de ce débat. Pour atteindre l’objectif d’un financement à hauteur de 1,95 milliard d’euros, nous travaillons, dans une logique d’équilibre et de pragmatisme, sur une évolution de la redevance pour pollution diffuse.

Enfin, le cinquième et dernier chantier est l’organisation de la conférence nationale sur l’eau annoncée par le Premier ministre. Je vous en ai décrit à l’instant ses principales caractéristiques.

J’en terminerai en réaffirmant mon souhait de continuer à œuvrer – je rencontre d’ailleurs très prochainement les présidents de comité de bassin – avec l’ensemble des instances de gouvernance de la ressource en eau.

Cette gestion et cette gouvernance de l’eau nous sont enviées mondialement. J’ai pu le constater lorsque nous avons accueilli à Bordeaux la 12e assemblée générale mondiale du Réseau international des organismes de bassin (RIOB), consacrée à la gestion de l’eau par bassin.

Dans le cadre du One Water Summit qui se tiendra à Riyad le 3 décembre prochain en marge de la COP16 de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, nous présenterons un plaidoyer autour de ces sujets.

Notre objectif est aussi de contribuer à l’amélioration de la gouvernance mondiale de l’eau et d’accélérer l’action sur l’objectif de développement durable « eau propre et assainissement », en nous appuyant sur l’élan de la Conférence des Nations unies sur l’eau de 2023.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que le groupe Les Républicains ait été à l’origine de ce débat sur la gestion de l’eau, un sujet majeur pour notre avenir.

La richesse de nos échanges témoigne de l’importance de cette thématique.

L’eau, c’est la vie. Sans cette eau nécessaire à l’alimentation humaine comme à la biodiversité animale et végétale, l’espérance de vie est limitée sur Terre.

En raison du changement climatique, nous subissons des sécheresses et des inondations à répétition, qui, nous l’avons vu en Espagne, sont souvent dramatiques.

En cette année 2024, la pluviométrie n’a jamais été aussi abondante depuis l’an 2000 – si l’on excepte les Pyrénées-Orientales, mon cher Jean Sol (Sourires.) – et les nappes phréatiques sont à leur plus haut niveau.

Cet état des ressources n’est peut-être qu’un répit, mais cette situation favorable doit nous permettre de relativiser les prédictions de catastrophes planétaires liées à la pénurie d’eau.

Il faut donc anticiper et faire preuve de pragmatisme pour nous adapter au changement climatique : retenir l’eau quand elle est abondante afin de l’utiliser l’été, créer des bassins d’orage, rehausser les barrages existants pour écrêter les crues et faire face aux inondations.

Avec mon collègue Hervé Gillé, nous avons récemment présenté un rapport sur la gestion durable de l’eau et nous lançons aujourd’hui, avec Jean-Yves Roux, une mission d’information spécifique sur la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).

Vous voyez qu’au Sénat nous traitons toutes les facettes du problème, qu’il s’agisse du manque ou de l’excès d’eau. Nous avons formulé, d’ailleurs, un certain nombre de propositions.

J’en viens à la gouvernance de l’eau.

Les agences de l’eau ont fait leurs preuves depuis 1964 et jusqu’à ces dernières années. Fondées sur une gestion décentralisée respectant l’un des principes clés de la gestion environnementale, la subsidiarité, elles ont permis de lutter contre la pollution et de concilier les besoins en eau des collectivités locales, de l’agriculture et de l’industrie.

Malheureusement, la politique de l’eau est devenue illisible et complexe. Aux agences de l’eau et comités de bassin s’ajoutent en effet désormais les Sage, les Sdage, les CLE, les Épage, les PTGE et autres Papi.

Le préfet coordonnateur de bassin, qui représente l’État au sein de ces instances, surveille et coordonne l’action des bassins, tandis que le Comité national de l’eau (CNE) donne un avis consultatif sur les actions engagées.

Dans ce véritable labyrinthe crétois, identifier l’acteur qui prend réellement les décisions n’est pas chose aisée.

Cette organisation complexe et chronophage est devenue d’autant plus technocratique qu’elle mobilise bien trop d’acteurs.

Aux côtés des acteurs présents parce qu’élus, on trouve en effet pléthore d’acteurs nommés, d’experts ou d’associations, qui n’aident pas toujours à la compréhension du fonctionnement des agences de l’eau.

Cet ensemble, n’ayons pas peur de le dire, sème le doute sur la capacité des élus, des collectivités ou des chambres consulaires à gérer la politique de l’eau et remet en question leur légitimité.

J’ajoute que les financements sont très variables en fonction des agences. Les actions des collectivités en matière d’eau et d’assainissement sont souvent financées par les fonds issus de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) plutôt que par les agences de l’eau, qui s’appliquent à imposer une réglementation technocratique et préfèrent financer une multitude d’études parfois inutiles.

Pour mieux gérer la ressource, une simplification du labyrinthe s’impose.

En ce qui concerne la gestion quantitative de l’eau, nous devons bien évidemment prioriser l’accès à l’eau potable, puis notre souveraineté alimentaire.

Pour ce qui est de l’accès à l’eau potable, le constat est sans appel : le volume d’eau perdue à cause des réseaux d’eau potable fuyards s’élève à 1 milliard de mètres cubes par an.

Il est urgent de mobiliser les moyens nécessaires pour assumer nos responsabilités dans ce domaine. L’ampleur de cette perte, que l’on peut rapprocher de l’indispensable indépendance alimentaire, relativise le tollé de nos amis écologistes radicaux. (M. Ronan Dantec manifeste son incrédulité.)

En effet, elle équivaut à 2 000 réserves de substitution de 500 000 mètres cubes, soit l’équivalent de 500 000 hectares à irriguer. (M. Ronan Dantec sexclame.) Or le niveau d’irrigation des cultures en France est assez modeste, puisque 6,8 % seulement des cultures sont irriguées.

Nous pourrions également encourager la réutilisation des eaux usées traitées et renforcer l’interconnexion des réseaux, afin de sécuriser l’alimentation en eau potable.

Vous le voyez, madame la ministre, les enjeux relatifs à l’eau sont nombreux. C’est pourquoi, comme je l’avais recommandé dans un rapport en 2015, nous avons besoin d’une nouvelle mouture de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite loi Lema.

Cette « Lema 2 » modernisée et ambitieuse pourrait tenir compte des nouvelles réalités en matière de financement, de gouvernance et de changement climatique, et traduire un effort de simplification.

C’est d’ailleurs ce qu’a appelé de ses vœux le Premier ministre Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale.

La France doit relever le défi d’une gestion de l’eau durable et tournée vers l’avenir. Travaillons ensemble pour faire de cette politique de l’eau une priorité, sans idéologie, sans dogmatisme, mais avec pragmatisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Gestion de l’eau : bilan de l’été 2024 et perspective pour mieux gérer la ressource. »

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 13 novembre 2024 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe du RDSE)

Proposition de loi instituant une ordonnance de sûreté de l’enfant victime de violences, présentée par Mme Maryse Carrère (texte n° 530, 2023-2024) ;

Proposition de loi visant à limiter le paiement en espèces, présentée par M. Christian Bilhac et plusieurs de ses collègues (texte n° 628, 2023-2024).

Le soir :

Débat sur le thème « Financement de la sécurité civile : soutenir les Sdis dans leur gestion des nouveaux risques ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER