M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par Mmes Sollogoub, N. Goulet et de La Provôté, MM. Vanlerenberghe, Pellevat et Mizzon, Mme Guidez, MM. Henno et Houpert, Mmes Housseau, Demas et Dumont, M. Saury, Mme Vérien, MM. Lafon et Fialaire, Mme Jacquemet, M. Milon, Mmes Romagny et Evren, M. Wattebled, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Pillefer et Chasseing, Mmes Lermytte et Nédélec et MM. Courtial, J.B. Blanc, Hingray et J.P. Vogel.
L’amendement n° 42 est présenté par Mme Varaillas, M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Il est constitué un fonds mutualisé entre les compagnies d’assurance dédié à la rémunération des experts mandatés et indépendants. Ce fonds, géré de manière paritaire entre les représentants des compagnies d’assurances et les représentants des assurés, désigne les experts et fixe leurs rémunérations. »
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l’amendement n 1 rectifié.
Mme Nadia Sollogoub. L’article 4 a pour objet de garantir l’indépendance des experts vis-à-vis des compagnies d’assurances.
Même si le contrat qui lie l’expert à la compagnie d’assurances qui le mandate ne doit pas comporter de clauses d’intéressement, le contrat, par nature, crée un lien d’intérêt entre un client et un prestataire et n’assure pas la totale indépendance de l’expert.
Pour rompre définitivement ce lien d’intérêt, il est souhaitable que les experts soient rémunérés par un fonds mutualisé et indépendant constitué par les compagnies d’assurances et géré paritairement entre représentants des compagnies d’assurances et représentants des assurés. Ce fonds n’est pas une dépense supplémentaire, puisqu’il est le fruit de la mutualisation des dépenses actuelles des compagnies d’assurances pour la rémunération des experts.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 42.
M. Pascal Savoldelli. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je ne suis pas convaincu à 100 % qu’un fonds mutualisé apporterait une solution.
Il arrive que les compagnies d’assurances ou les mutuelles changent de tableau ou de réseau d’experts. En effet, dans la mesure où elles fixent à ces derniers des objectifs en termes de rapidité et de qualité, chacune d’entre elles définit son cahier des charges avec les uns et les autres.
Mieux vaut, selon moi, établir ce que j’appelle un dialogue entre des intérêts bien compris, étant entendu – sur ce point, je partage le point de vue des auteurs des amendements – que l’assuré doit être au cœur desdits intérêts. En effet, même si la relation contractuelle lie l’assuré et la compagnie d’assurances, c’est un tiers expert qui doit évaluer les dommages. Or le fonds dont la création est proposée ne résoudrait pas le problème ; cette mesure pourrait même avoir pour conséquence de démotiver les parties, en tout cas les assureurs et les experts.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. La création d’un fonds mutualisé pour la rémunération des experts ne permettrait pas forcément de répondre à la problématique de l’indépendance des experts d’assurance.
Les modalités de création de ce fonds nous paraissent imprécises à ce stade.
Par ailleurs, le Gouvernement a déjà engagé des travaux portant sur l’encadrement de l’expertise d’assurance lors de sinistres, notamment en cas de retrait-gonflement des argiles, avant de s’assurer de l’indépendance des experts vis-à-vis des assureurs.
Ces amendements identiques nous semblent aller à l’encontre de la logique d’indépendance que vous défendez, en liant davantage les experts et les assureurs. Aussi, le Gouvernement y est-il défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie de vos explications. Vous me dites que ce fonds n’apporterait pas grand-chose. Mais que risque-t-on à tenter de mettre en place un tel dispositif ?
Peut-être le sentiment qu’il existe un lien entre assureur et expert est-il infondé, mais la mesure proposée serait justement le moyen de tordre le cou à des idées potentiellement infondées et surgies de nulle part… Cela permettrait de clarifier les choses.
Je ne vois pas quelle difficulté poserait ce dispositif. Bien évidemment, ses modalités ne sont pas très précises, parce que je ne fais que poser un principe. Quoi qu’il en soit, un tel système permettrait, non pas de renforcer le lien entre un expert et une compagnie d’assurances, mais au contraire d’écarter toute arrière-pensée à cet égard et de s’assurer que ce lien n’existe pas.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 42.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Masset et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le non-respect des obligations mentionnées aux I et II est puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 75 000 euros. »
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. L’article 4, en l’état, constitue davantage une déclaration d’intention qu’une interdiction, car il sera difficile de l’appliquer concrètement.
L’assuré n’est souvent pas en mesure de disposer des informations nécessaires permettant d’établir les manquements aux nouvelles dispositions, les relations contractuelles entre personnes privées n’étant pas à la disposition du public.
De plus, partie faible au contrat, l’assuré devrait porter un tel cas devant un juge civil pour être indemnisé du préjudice économique subi. Cela fait peser une charge probatoire trop importante sur les assurés.
Ajouter une sanction pénale en cas de méconnaissance de ces nouvelles obligations aurait un effet dissuasif certain et ouvrirait la porte à des poursuites qui ne pèsent pas uniquement sur les assurés. Par une simple plainte déposée ou sur le fondement du contrôle courant exercé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les nouveaux principes seraient ainsi véritablement effectifs.
En outre, inscrire dans le droit pénal une telle infraction me semble proportionné à la gravité des faits. En effet, l’article 4 prohibe les ententes qui se constituent uniquement aux dépens d’assurés sinistrés, car la situation particulièrement compliquée dans laquelle ils se trouvent les place dans une position de faiblesse vis-à-vis de leur assureur.
Cet amendement, qui vise à renforcer les garanties de respect des nouvelles dispositions, s’inscrit dans la philosophie de la présente proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il peut être intéressant de menacer d’une sanction plus lourde le non-respect d’un certain nombre d’obligations, même si des dispositions de droit commun sont d’ores et déjà prévues.
Dans un esprit d’équilibre, je m’en remets à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. L’indépendance des experts est essentielle pour fonder la confiance des sinistrés dans le système assurantiel et dans les conclusions qu’ils formulent.
Par ailleurs, l’ajout de sanctions devrait être discuté avec les parties prenantes, afin de s’assurer de leur proportionnalité et de leur efficacité.
C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet, à ce stade, à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Nous ne voterons pas cet amendement.
La confiance envers les experts et leurs expertises est primordiale. Nous allons d’ailleurs défendre un amendement en ce sens dans quelques instants, afin d’améliorer l’encadrement des expertises, de professionnaliser les experts et de faire respecter les règles propres à cette profession.
Nous considérons, en revanche, que prévoir une telle sanction, et même une peine d’emprisonnement, ne permettra pas de rétablir cette confiance. Cet amendement, quelque peu excessif, va à l’encontre de la modération des sanctions que nous préconisons.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Dantec, Gontard et Benarroche, Mme de Marco, M. Fernique, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 125-2– … – I. – Les experts chargés d’établir le lien entre les dommages et les mouvements de terrain différentiels peuvent obtenir le label “Expert retrait-gonflement des argiles”, dit “Expert RGA”, agréé, ou le label “Expert inondations”. Ce label certifie que ces experts ont reçu une formation spécifique relative au phénomène de retrait-gonflement des argiles.
« Les modalités d’octroi de ce label, notamment les obligations de formation, sont fixées par décret.
« II. – Les entreprises chargées de réaliser les travaux de remise en état des bâtiments ayant subi des dommages liés aux mouvements de terrain différentiels peuvent obtenir le label “Entreprise de remise en état retrait-gonflement des argiles”, dit “Entreprise de remise en état RGA”, agréé. Ce label certifie que les entreprises disposent d’une expertise spécifique relative à ces travaux. »
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Outre l’instauration d’une procédure de qualification, cet amendement vise à créer un mécanisme de labellisation des experts dans le domaine du retrait-gonflement des argiles. Cet objectif de transparence accrue du travail des experts spécialisés dans les catastrophes naturelles s’inscrit parfaitement dans l’esprit du présent article. Il s’agit de parachever la restauration de la confiance des sinistrés envers les experts.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord, cet amendement est soutenu par les experts eux-mêmes. Notre proposition a en effet fait l’objet de discussions et a été validée par la Fédération des sociétés d’expertise (FSE), qui regroupe près de 95 % des experts spécialisés dans les catastrophes naturelles.
Ainsi, la FSE, qui souligne la dégradation des relations de ses membres avec les sinistrés, plaide pour la création d’un label qui porterait, je le rappelle, sur l’expertise des phénomènes de retrait-gonflement des argiles.
Face à la multiplication de ces aléas, il existe un risque de pénurie d’experts. Pour que la mise en place de cette labellisation n’entraîne pas un tel problème, nous proposons que ce dispositif soit mis en œuvre progressivement et qu’il ne soit totalement effectif qu’à l’horizon 2030.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement, ma chère collègue, mais il me semble qu’un décret est en cours d’élaboration sur le sujet. Je crois même savoir que sa rédaction en est très avancée. (Mme la ministre déléguée opine.) Mme la ministre nous communiquera peut-être une information brûlante sur ce point…
Je note également une forme de dissonance : vous nous dites souhaiter la mise en place progressive du label à l’horizon 2030. Or, tel qu’il est rédigé, votre amendement vise une application immédiate du dispositif, ce qui me semble illogique.
Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. Le Gouvernement finalise actuellement les textes d’application de l’ordonnance du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.
Cette ordonnance prévoit notamment un décret encadrant davantage les activités des experts en assurance chargés de procéder à l’établissement des expertises à la suite des sinistres ayant pour cause déterminante le retrait-gonflement des argiles. Dans ce décret, qui devrait être publié d’ici à la fin de l’année – c’est quasiment brûlant, monsieur le rapporteur ! (Sourires.) –, le Gouvernement entend mettre en place pour les sociétés d’expertise qui réalisent des missions d’expertise d’assurance une qualification professionnelle faisant référence aux techniques liées à la sécheresse.
Cet amendement étant satisfait, le Gouvernement vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir le retirer ; à défaut, il y sera défavorable.
M. le président. Madame Senée, l’amendement n° 50 est-il maintenu ?
Mme Ghislaine Senée. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 50 est retiré.
Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
L’article L. 125-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Après la quinzième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Si le montant des travaux de réparation permettant la remise en état effective du bien est supérieur à la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ou si les dommages consécutifs aux mouvements de terrain différentiels rendent le bâti inhabitable, cette obligation d’utilisation de l’indemnité ne s’applique pas. » ;
b) À la seizième phrase, les mots : « , les cas de dérogation » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est établi que des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols sont la cause déterminante d’un sinistre, l’assureur notifie l’information au maire de la commune concernée dans un délai de trois mois. »
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mme Senée, MM. Gontard, G. Blanc, Dossus, Dantec et Benarroche, Mme de Marco, M. Fernique, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. L’article 5, dans sa version actuelle, suscite trop d’interrogations et d’incertitude pour être adopté en l’état. La commission l’a d’ailleurs reconnu dans son rapport : ce dispositif comporte trop de risques.
La commission a modifié la version initiale de cet article, pour faire en sorte que l’obligation d’utilisation des indemnités d’assurance ne s’applique pas dans deux cas exceptionnels, d’abord « si le montant des travaux de réparation permettant la remise en état effective du bien est supérieur à la valeur de la chose assurée au moment du sinistre », ensuite « si les dommages consécutifs aux mouvements de terrain différentiels rendent le bâti inhabitable ».
Que devient le bien abandonné ? Il est urgent que le Gouvernement étudie sérieusement – il est le seul à pouvoir le faire – la possibilité d’une cession du bien à titre gracieux à la commune, dès lors qu’il n’est pas envisageable de le réparer.
Nous sommes pour la densification. Il pourrait, par exemple, être envisagé de construire un bâtiment plus lourd, avec des fondations, en cœur de ville ou de village.
Surtout, deuxième étape, il faut mobiliser le fonds Barnier pour financer des opérations de démolition, de renaturation ou de reconstruction dans le cadre, par exemple, du respect de la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains).
À défaut, ces bâtis abandonnés, qui peuvent être squattés et qui sont bien souvent cause de grandes difficultés pour les maires, seront laissés à la charge des collectivités.
Puisque tous ces problèmes restent pour l’heure sans réponse, nous proposons la suppression des alinéas 2 à 4 de l’article 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Ma chère collègue, nous avons tous constaté l’existence du vide juridique dont vous avez cité deux exemples – il a notamment été mentionné par Christine Lavarde, ainsi que par Jean-François Rapin dans son rapport.
Néanmoins, vous avez rappelé qu’il ne nous appartenait pas de proposer des dispositifs conduisant à alourdir les charges publiques, car ils ne seraient pas recevables financièrement. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement, tout en interrogeant le Gouvernement quant à l’état de la réflexion sur la question : quelles sont, à ce jour, les perspectives ? Selon quelles modalités pourrait-on envisager de répondre à ce vide juridique ? Celui-ci reste, j’y insiste, un véritable sujet de préoccupation, comme vient de le rappeler notre collègue Ghislaine Senée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. Avant d’être ministre, j’ai été maire, et je demeure conseillère municipale : j’ai constaté, et constate toujours, le vide juridique que vous évoquez, madame la sénatrice.
Cela étant dit, le principe d’une obligation d’affectation de l’indemnité d’assurance allouée après un sinistre lié à un RGA se justifie au regard des spécificités de ce péril, qui s’inscrit dans le temps long. Ce principe vise à responsabiliser les assurés et à éviter des sinistres de seconde génération. Le retour en arrière qu’entraînerait l’adoption de cet amendement nous paraît préjudiciable pour le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Ma chère collègue, il serait dommage de supprimer ces alinéas. La rédaction proposée par la commission des finances reprend à la fois une exonération prévue par la réglementation et l’une des idées figurant dans la proposition de loi de Sandrine Rousseau, à savoir la mention du caractère inhabitable du bâti. Il s’agit donc de compléter les dispositions présentées par le Gouvernement et celles qui étaient inscrites dans le texte de Mme Rousseau.
Madame la ministre, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il manque un élément dans le dispositif, mais, en tant que parlementaires, nous ne pouvons rien faire à cause de l’article 40 de la Constitution. Il serait bon que le Gouvernement comble ce vide lors de la navette.
Il s’agit de ne pas contrevenir au principe de l’enrichissement sans cause : à partir du moment où le sinistré utilise son indemnisation pour autre chose, par exemple pour se reloger ailleurs, il ne doit pas pouvoir mettre en location le bien à risque ni le vendre, car une telle opération constituerait un préjudice pour le futur acheteur.
Dans un monde idéal, que nous appelons ici de nos vœux, il faudrait que ces terrains soient rendus à la nature dans le cadre d’une renaturation, notamment permise par une mobilisation des crédits du fonds Barnier, ou bien qu’ils soient affectés à un usage résidentiel sous une forme autre que celle de la maison individuelle non résiliente face au RGA – je pense par exemple à la construction d’immeubles. Pour ce faire, le terrain doit, à un moment donné, tomber dans le giron de la collectivité sans que cela revienne à créer pour elle une charge nouvelle.
Je le répète, les parlementaires que nous sommes ne peuvent pas déposer d’amendement en ce sens. C’est le Gouvernement qui a la main pour combler ce petit vide découlant des textes réglementaires que sont l’ordonnance du 8 février 2023 et le décret du 4 février 2024.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Dantec, Gontard et Benarroche, Mme de Marco, M. Fernique, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après la deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’assuré et l’assureur reçoivent de la part de l’expert l’ensemble du dossier consécutif au sinistre incluant, outre le rapport d’expertise, les études menées, les échanges bilatéraux avec l’assureur et l’assuré, les échanges avec les différentes parties de l’expertise ainsi que les comptes rendus des visites de chantier. » ;
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Il est ici question, une fois encore, de restaurer la relation de confiance entre les experts et les sinistrés. Sur la question de la transparence de l’expertise, il est possible d’aller plus loin. Cet amendement vise donc à rendre automatique la communication des différents éléments de l’expertise aux deux parties du contrat.
L’idée est de mettre l’ensemble des éléments sur la table, à la disposition de tous : les échanges assureurs-experts et assurés-experts, les discussions avec les bureaux d’études et le diagnostiqueur, ainsi que les comptes rendus des visites de chantier.
Il y a là une demande forte des sinistrés, mais également des experts eux-mêmes, qui sont aujourd’hui bien conscients de la nécessité de retrouver la confiance des assurés, ce qui passera par une plus grande transparence.
J’ajoute que plus l’expertise initiale est transparente, moins elle est susceptible d’être contestée à l’occasion d’une contre-expertise : le gain de temps et d’argent n’est pas négligeable.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Sollogoub, N. Goulet et de La Provôté, MM. Vanlerenberghe, Pellevat et Mizzon, Mme Guidez, MM. Henno et Houpert, Mmes Housseau et Demas, M. J.M. Arnaud, Mme Dumont, M. Saury, Mme Vérien, MM. Lafon et Fialaire, Mme Jacquemet, M. Milon, Mmes Aeschlimann, Romagny et Evren, M. Wattebled, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Pillefer et Chasseing, Mmes Lermytte et Nédélec et MM. Courtial, J.B. Blanc, Hingray, Masset et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre d’un sinistre déclaré suite à la sécheresse et à la réhydratation des sols, l’assureur communique à l’assuré, avant toute proposition ou refus d’indemnisation, la copie conforme du rapport d’expertise comprenant l’intégralité des conclusions de l’expert. »
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. L’article A. 241-1 du code des assurances prévoyait que « l’assureur, sur le vu du rapport d’expertise préalablement communiqué à l’assuré, notifie à celui-ci ses propositions définitives ».
Cependant, les associations qui viennent en aide aux sinistrés victimes des phénomènes de retrait-gonflement des argiles constatent que ces dispositions sont bien souvent contournées. Les assurés reçoivent davantage un rapport de constat du sinistre qu’un rapport comportant les conclusions de l’expertise.
Il convient donc de préciser, en l’inscrivant dans la loi, que les assurés doivent être, avant tout refus ou proposition d’indemnisation, destinataires d’un véritable rapport d’expertise comprenant les conclusions intégrales de l’expert, qui doit être la copie conforme du rapport établi à l’attention de la compagnie d’assurances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je demande le retrait de ces deux amendements.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 51 rectifié et la communication de l’ensemble des pièces du dossier relatif à l’indemnisation du sinistre, je veux insister sur un point : ce qui est important, c’est le rapport d’expertise. Dans les multiples échanges par courriel qui peuvent avoir lieu au fil du temps, il sera – je l’imagine – assez facile de trouver matière à contentieux, ce qui peut d’ailleurs être l’objectif de certains. Par exemple, un expert pourra indiquer, à un moment donné, que le sinistre est la conséquence de tel ou tel phénomène ; puis, ayant pris connaissance de nouvelles données, il modifiera son avis pour une raison que l’on peut considérer comme justifiée.
Il faut faire attention à ne pas laver plus blanc que blanc ! Cela risquerait, à mon sens, de se retourner contre l’assuré.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 2 rectifié de Mme Sollogoub, je précise que la loi Baudu prévoit déjà la communication du rapport d’expertise dans les cas de RGA. La bonne mise en œuvre de cette disposition pourra être vérifiée, mais les contrats d’assurance doivent indiquer dans les clauses générales, et non dans les clauses particulières, que la compagnie adresse à l’assuré le rapport d’expertise relatif au sinistre déclaré. Cette mesure paraît tomber sous le sens et nous pourrons, je le répète, vérifier qu’elle est bien appliquée : les compagnies ne transmettent peut-être pas toutes le rapport d’expertise.
En tout cas, le dossier incontournable, c’est bien le rapport d’expertise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. Madame la sénatrice Senée, l’adoption de votre amendement pourrait contribuer à une meilleure compréhension des motivations de l’expertise par l’assuré. Sur le principe, cette évolution paraît utile, mais elle nécessite selon nous davantage de concertation quant à sa mise en œuvre opérationnelle. Le Gouvernement propose de définir le champ d’application de cette disposition par voie réglementaire.
C’est pourquoi nous émettons un avis de sagesse sur l’amendement n° 51 rectifié, tout en restant ouverts à d’autres discussions sur ce sujet.
Madame la sénatrice Sollogoub, pour préserver la confiance dans le système actuel, la transmission des informations nous paraît en effet essentielle. De manière complémentaire, le Gouvernement prévoit de définir par arrêté un modèle de rapport d’expertise qui contribuera – nous l’espérons – à encadrer les expertises et à ce que chacun dispose d’informations homogènes.
Avis favorable sur l’amendement n° 2 rectifié.