Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis dans l’urgence pour compenser les défaillances du précédent gouvernement.
Voilà deux ans, celui-ci choisissait de supprimer la contribution à l’audiovisuel public sans se préoccuper d’y substituer une solution pérenne. À croire qu’à terme Bercy avait purement et simplement en tête la budgétisation, à l’encontre du paragraphe 5 du règlement européen sur la liberté des médias.
Les réactions de nos amis allemands, avec lesquels nous sommes engagés dans le magnifique projet d’Arte, ne se sont pas fait attendre, pas plus que celles de plusieurs partenaires européens.
À juste titre, ceux-ci se sont émus que notre télévision puisse ainsi devenir une télévision d’État, à l’encontre des propos tenus lors des débats organisés à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE). Les représentants européens de l’audiovisuel public, réunis en 2018 lors d’un colloque au Sénat, avaient déjà rappelé la spécificité de leurs missions et, de facto, l’importance d’un financement prévisible et durable.
Aussi, dans l’urgence, mes collègues Cédric Vial, Roger Karoutchi, Laurent Lafon et moi-même avons pris nos responsabilités en déposant cette proposition de loi organique, qui vise à sanctuariser l’affectation d’une part de TVA, un consensus étant apparu autour de cette solution.
Une telle proposition est d’autant plus nécessaire que les initiatives de nos collègues députés ont été rendues caduques par la dissolution de l’Assemblée nationale.
Toutefois, je regrette que ces débats aient lieu de manière si chaotique. Je m’explique : il y a déjà longtemps que notre commission de la culture, très investie, forte de nombreux travaux qu’avant mon collègue Laurent Lafon j’avais tenu à engager, appelle à une réforme systémique et ambitieuse de l’audiovisuel.
À l’ère du tout-numérique, face à une concurrence internationale exacerbée, il faut mener vite et avec méthode plusieurs chantiers de front. Il s’agit de réaffirmer les missions spécifiques de l’audiovisuel public autour de quelques principes forts, de revoir sa gouvernance et de consolider son modèle financier.
Hélas, il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont ce dossier a été maltraité depuis 2017. Dans la plus totale opacité, l’affectation au secteur du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques voulue par le législateur en 2010 a disparu.
La crise sanitaire a ensuite fourni un prétexte pour abandonner une grande partie des réformes finalement engagées, à commencer par celle qui concerne la ressource publique. Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est bien parce que nous avons renoncé, à l’inverse de nos voisins européens, à nous attaquer à la modernisation de cette dernière.
La seule satisfaction vient de l’aboutissement du chantier de la réglementation et de la régulation. Je salue à cette occasion l’excellent travail de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).
Aujourd’hui, nous devons aller à l’essentiel. Toutefois, je regrette que la question centrale du modèle économique n’ait pu être posée. Une part de l’audiovisuel public reste en effet financée par la publicité, laquelle repose de plus en plus sur le ciblage et le fichage, pour ne pas parler de « cybersurveillance » comme Bruce Schneier. Autant le dire, les médias publics ne sauraient devenir les auxiliaires des marques et de leurs stratégies commerciales – ce serait signer leur arrêt de mort !
Au contraire, l’audiovisuel public doit s’affirmer comme une solution de remplacement par rapport à l’économie des plateformes, basée sur la captation de l’attention du citoyen consommateur. Il s’agit d’un enjeu fondamental de culture et de civilisation. Pour ce faire, nous avons besoin d’un modèle autre, recentré autour de plusieurs missions.
Premièrement, il s’agit de cultiver la proximité et de faire vivre les territoires.
Deuxièmement, il faut porter la voix de la France et de la francophonie dans le monde – à cet égard, France Médias Monde, TV5 et Arte France jouent un rôle fondamental.
Troisièmement, nous devons rassembler l’ensemble des Français autour de moments fédérateurs, qui contribuent à la cohésion nationale – la couverture des jeux Olympiques en a fourni un formidable exemple.
Quatrièmement, il faut développer l’éducation aux médias, faire en sorte que l’audiovisuel renforce sa dimension éducative et se préoccupe davantage de la jeunesse, dans une logique de reconquête de ce public.
Cinquièmement, l’audiovisuel public doit participer à l’éveil de l’esprit critique, en faisant sienne une exigence de différenciation en matière d’information.
Enfin, des programmes innovants doivent s’adresser à tous et soutenir la création française et européenne, sans rien céder à la qualité ni à l’exigence culturelle.
Pour tout cela, il faut enfin une stratégie d’ensemble, qui concerne tant la télévision que la radio. Comme l’a dit Roch-Olivier Maistre devant notre commission la semaine dernière, l’heure est au « média global ». Les présidentes des organismes concernés ont certes entrepris des efforts de rapprochement et de rationalisation, mais l’approche reste encore trop en silo.
Sans aller jusqu’à la fusion, encore à expertiser sérieusement, très lourde et complexe en l’état, la proposition de Laurent Lafon de création d’une holding, reprise du rapport Leleux-Gattolin, permettrait d’avancer autour de projets fédérateurs.
Elle pourrait, par exemple, donner l’occasion de s’attaquer au développement de l’offre numérique accessible à tous. L’échec de Salto ne doit pas nous faire renoncer à l’idée d’une plateforme rassemblant de manière claire et lisible tous les programmes du service public – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde, INA –, tout en conservant les principes de gratuité et d’anonymat.
Madame la ministre, beaucoup de travail reste donc encore à faire ; nous comptons sur vous. Il faut aussi prendre en compte les conclusions récentes des États généraux de l’information. Le débat sur le financement du secteur mérite en tout cas d’être approfondi. Toujours est-il qu’en adoptant ce texte nous assurerons le fonctionnement des six entreprises de l’audiovisuel public, dont je salue au passage l’excellent travail.
Je remercie le rapporteur ainsi que nos collègues des commissions des finances et de la culture, qui ont soutenu notre démarche. (MM. Laurent Lafon et Cédric Vial applaudissent, ainsi que Mmes Sabine Drexler et Marie Mercier.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 31 décembre 2024 prendra fin le système provisoire instauré en 2022 pour remplacer la redevance audiovisuelle. C’est dire l’incertitude qui plane sur l’avenir du financement de l’audiovisuel public et qui assaille non seulement les acteurs du secteur, mais aussi les usagers de ce service public si particulier.
Pour répondre aux enjeux relatifs à la défiance des citoyens envers les médias, à la problématique concentration des groupes médiatiques ou encore à la prolifération des « infox », l’audiovisuel public constitue un atout. Ce secteur forme l’une des digues les plus solides contre les tentatives d’instrumentalisation de l’information, notamment de la part de milliardaires qui, au service d’une mission civilisationnelle, prennent le contrôle de titres de presse, de chaînes de télévision et de radios.
L’audiovisuel public fait également obstacle au projet de l’extrême droite, dont les médias représentent un terrain de jeu privilégié. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles elle souhaite la privatisation de ce secteur.
L’audiovisuel public est donc plus que jamais nécessaire pour garantir la diversité et la pluralité des opinions. Les citoyens et citoyennes, qui soutiennent massivement un audiovisuel public pérenne et fort, ne s’y trompent pas. Les fortes audiences apparaissent à ce titre comme de véritables plébiscites. En effet, le service public ne cesse d’amplifier ses succès. France Inter, radio la plus écoutée en France depuis 2019, bat des records historiques en enregistrant 7,18 millions d’auditeurs quotidiens entre janvier et mars 2024. France Télévision a cumulé près de 30 % de parts d’audience en avril 2024, se plaçant de fait comme le premier média français.
L’enjeu, fondamental pour notre démocratie, est donc de préserver l’existence d’un audiovisuel public fort, indépendant du pouvoir politique et pluraliste. Or, à nos yeux, la présente proposition de loi organique n’y répond que partiellement.
Alors que la version initiale du texte tendait à allouer une fraction de TVA au financement de l’audiovisuel, nous étions déjà pour le moins circonspects d’une telle pérennisation du système provisoire décidé en 2022. En effet, si ce mécanisme permet d’éviter la budgétisation stricte du financement de l’audiovisuel public, il ne nous semble pas idoine, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, la TVA est un impôt injuste, et le mécanisme proposé fait peser le financement de l’audiovisuel public sur l’ensemble des ménages, y compris les plus vulnérables.
Ensuite, le financement des organismes de l’audiovisuel public par la TVA s’apparente à une forme de budgétisation. En effet, l’audiovisuel public reste tributaire de la volonté politique, susceptible de faire fluctuer la part du produit de la TVA qui lui est affectée. À cela s’ajoute le possible conditionnement du versement total du montant, qui constitue un moyen de pression sur la gouvernance de l’audiovisuel public.
Toutefois, la sanctuarisation d’un financement par un pourcentage du produit de la TVA permet malgré tout de réellement pérenniser l’indépendance de l’audiovisuel public.
Depuis l’examen du texte en commission, il n’est plus question de pourcentage de TVA, mais de « montant déterminé ». Cela constitue à nos yeux une forme de reprise en main durable du politique sur les recettes affectées à l’audiovisuel public, à laquelle nous ne sommes pas favorables.
C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à revenir à la rédaction initiale de l’article 1er. Sauf disposition contraire décidée en loi de finances, nous souhaitons, quelle que soit la dynamique de la TVA, qu’un pourcentage du produit de cette taxe soit par défaut affecté aux organismes de l’audiovisuel public afin de pérenniser leurs recettes.
Nous défendons également le principe d’une loi de programmation pluriannuelle, de nature à rassurer les acteurs de l’audiovisuel en accroissant la visibilité sur leurs ressources.
En outre, il nous semble important de ne pas clore, dès la discussion de ce texte au Sénat, le débat relatif à la création d’une nouvelle recette visant à financer directement l’audiovisuel public. En l’état de la rédaction actuelle, des propositions qui ne se cantonneraient pas à l’attribution une fraction d’une recette déjà existante demeureraient contraires à la loi organique.
C’est pourquoi, afin de ne pas limiter l’initiative parlementaire en la matière, nous avons déposé un amendement visant à créer le cadre organique approprié pour que les parlementaires puissent, lors de l’examen du projet de loi de finances, avancer des propositions tendant à affecter des recettes au service public de l’audiovisuel.
Malgré toutes ces remarques, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie à mon tour les auteurs de cette cruciale proposition de loi organique, qui viennent opportunément au secours du Gouvernement et de ses indécisions.
La défense de l’indépendance et de la pérennité du service public de l’audiovisuel en France est un sujet qui doit nous réunir.
L’enjeu principal est simple : maintenir un financement autonome et juste de l’audiovisuel public. Toutefois, cette proposition de loi organique arrive après des mois de bricolage – il n’y a pas d’autre mot – du Gouvernement visant à tenir une promesse non financée du candidat Macron.
Rappelons-le, la suppression soudaine de la redevance télévisuelle a eu lieu au détour d’un projet de loi de finances rectificative, lors de l’été 2022. La question du financement du secteur n’avait alors pas du tout été anticipée. Cette décision a donné naissance à un système temporaire et bancal, construit sur l’affectation d’une fraction de la TVA.
Nous savions déjà, à l’époque, que ce mécanisme arriverait à terme en décembre 2024. Si aucune nouvelle solution n’est trouvée avant cette date, l’audiovisuel public sera financé directement par le budget général de l’État, ce que nous voulons tous absolument éviter.
Il s’agit d’une menace sérieuse pour l’indépendance de ces médias, car un financement par le budget général placerait l’audiovisuel public sous la menace des aléas politiques. Les sociétés seraient exposées aux arbitrages budgétaires et aux réductions de crédits en cours d’année, en sus d’être privées de la visibilité pluriannuelle nécessaire à leurs investissements.
En d’autres termes, le statu quo pourrait compromettre leur capacité à produire une information indépendante de qualité, pendant que le paysage médiatique se transforme radicalement sous l’effet de la concentration des médias privés entre les mains de milliardaires assumant leurs objectifs idéologiques et de l’essor des plateformes numériques.
Nous voilà donc face à un échantillon chimiquement pur de l’impasse de la politique budgétaire menée depuis sept ans : supprimer des recettes de manière précipitée et non ciblée, affaiblir au passage les services publics et finalement aggraver la dette de l’État. Comme dans beaucoup d’autres domaines, nous sommes contraints de légiférer pour réparer l’amateurisme des précédents gouvernements.
Pour y remédier et éviter la budgétisation du financement de l’audiovisuel public, plusieurs propositions ont émergé. Parmi celles-ci se trouve celle qui consiste à pérenniser ce financement via l’affectation d’une fraction de la TVA, que nous examinons aujourd’hui. La Lolf l’empêchant, nous changeons la Lolf.
Disons-le d’emblée, nous envisageons cette méthode comme une méthode de repli ; elle est certes « moins pire » que la budgétisation, nous ne ferons donc pas obstacle à son adoption, mais il faut ici souligner ses limites.
Tout d’abord, la solution du recours à la TVA est injuste sur le plan fiscal, car elle fait peser la charge sur tous les consommateurs, y compris les ménages les plus modestes. Ensuite, elle reste soumise aux décisions annuelles du Parlement, ce qui est assez bancal du point de vue de la stabilité et de la prévisibilité nécessaires pour planifier des investissements à long terme.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires aurait donc préféré une approche plus juste et pérenne : nous plaidons pour la mise en place d’une redevance progressive, calculée en fonction des revenus des ménages. Il n’est pas question pour nous de rétablir la contribution à l’audiovisuel public sous son ancienne forme, nous sommes conscients de ses défauts et du poids financier qu’elle faisait supporter aux ménages les plus modestes.
Toutefois, en faisant payer les usagers en fonction de leur revenu, notre modèle de contribution permettrait de maintenir un financement stable et adapté aux besoins, tout en garantissant que chacun contribue selon ses capacités. Nous sommes persuadés que ce principe d’équité fiscale doit être remis au cœur du financement de l’audiovisuel public.
Pour ce qui concerne la tuyauterie budgétaire de ce dispositif, ma collègue Monique de Marco vous proposera l’établissement d’un compte d’affectation spéciale, permettant de flécher cette nouvelle taxe affectée.
L’indépendance des médias publics est un pilier de notre démocratie. Face aux risques d’ingérence politique, aux fake news, à la précarité des conditions d’exercice des journalistes et du personnel de l’information, aux menaces venant de l’extrême droite de livrer entièrement l’audiovisuel public au secteur privé en général et à leur ami Vincent Bolloré en particulier, il est de notre devoir de trouver une solution qui protège cette indépendance et permette à nos médias publics de continuer de jouer leur rôle dans la diffusion d’une information fiable, diversifiée et accessible à tous.
Pour cela, je l’ai dit, nous devons légiférer rapidement. La réponse contenue dans le présent texte est incomplète et insatisfaisante. Nous voterons pour la proposition de loi organique par esprit de responsabilité, mais nous ne saurions nous en contenter. Dès l’examen du projet de loi de finances, qui va arriver au Sénat dans quelques semaines, nous devrons rouvrir le débat et proposer des solutions pérennes visant à garantir la viabilité et l’indépendance de nos médias publics. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert. Enfin ! enfin, nous nous penchons sérieusement sur le financement de l’audiovisuel public depuis la suppression de la redevance, en 2022.
Depuis bientôt trois ans, nous n’avons cessé de regretter la disparition de la contribution à l’audiovisuel public, qui s’est faite dans une précipitation extrême et qui s’est apparentée à un tour de passe-passe budgétaire, les Français continuant de financer l’audiovisuel public via l’impôt le plus injuste : la TVA. Nous n’avons cessé non plus d’alerter les gouvernements successifs quant à la nécessité de trouver rapidement un mécanisme pérenne ni, enfin, de proposer des solutions garantissant réellement l’indépendance de notre audiovisuel public.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Précisément là où nous voulions éviter de nous retrouver ! À deux mois de l’échéance fatidique, l’audiovisuel public est dans le brouillard et nous, parlementaires, sommes acculés. Je regrette d’autant plus cette situation, qui était amplement évitable, que nous sommes plusieurs à avoir tiré la sonnette d’alarme.
Simplement, il eût fallu pour cela une volonté politique. Or ni le Président de la République ni les gouvernements successifs ne l’ont eue. La preuve : c’est une proposition de loi organique d’initiative sénatoriale qui va peut-être – espérons-le – permettre d’éviter le pire, à savoir la budgétisation.
Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, le mécanisme contenu dans cette proposition de loi organique n’est qu’un pis-aller, il ne constitue pas la solution optimale pour assurer un financement pérenne et dynamique de l’audiovisuel public, de nature à lui octroyer de la visibilité et à préserver son indépendance. Vous le savez, notre choix premier consiste en l’instauration d’une contribution à l’audiovisuel public, juste et progressive, qui concilie les principes de justice fiscale et sociale avec la défense d’un service public de l’audiovisuel fort, tourné vers l’avenir.
C’est pourquoi, l’été dernier, nous avons actualisé et redéposé notre proposition de loi visant à assurer la qualité et l’indépendance du service public de l’audiovisuel par un financement affecté, juste et pérenne. Cette proposition de loi n’est pas seulement notre contribution, notre « écot », à la réflexion, elle est l’affirmation selon laquelle le financement et l’indépendance de l’audiovisuel public sont des intérêts fondamentaux pour les citoyens et la Nation. L’audiovisuel public mérite non pas une protection de second rang, mais une protection absolue. D’ailleurs, il n’est pas anodin que les premiers concernés soient unanimement en faveur de cette contribution remodelée. Comme certains d’entre eux l’écrivent, elle est la solution la plus souhaitable.
Malheureusement, le dogmatisme fiscal auquel nous faisons face depuis sept ans et les délais qui nous sont impartis nous empêchent de faire prospérer notre proposition de loi. Je le déplore, mais je demeure convaincue qu’à long terme le modèle que nous soutenons est le seul qui satisfasse réellement aux obligations en matière de financement et d’indépendance de l’audiovisuel public. Il est l’optimum que nous continuerons de défendre.
Face au couperet qui est devant nous, deux options sont envisageables : le rejet de cette proposition de loi organique, au risque que la budgétisation devienne réalité et porte un coup fatal à l’audiovisuel public ; le vote de cette proposition de loi organique sans engouement, mais en faisant montre de responsabilité.
Nous choisirons cette seconde voie, car nous ne voulons ni déstabiliser ni fragiliser plus encore l’audiovisuel public, dans une période où, souvenez-vous-en, mes chers collègues, son existence même a été remise en cause. Vous l’aurez compris, cet assentiment ne constitue pas un chèque en blanc et n’épuise nullement la question du financement de l’audiovisuel public.
Avant de conclure mon propos, je tiens à réaffirmer plusieurs exigences, puisque nous sommes en plein examen des contrats d’objectifs et de moyens des différentes sociétés de l’audiovisuel public.
D’abord, aucune régulation infra-annuelle ne doit être possible. Comme pressenti, les crédits dits de transformation – part conditionnelle et ajustable d’un montant de 69 millions d’euros qui figurait dans le projet de loi de finances pour 2024 – ont largement été amputés en cours d’exercice. Il eût été plus responsable d’étudier d’abord les missions, puis – vous l’avez souligné, ma chère collègue Morin-Desailly – le modèle économique de notre audiovisuel public au regard des enjeux contemporains, ensuite le financement et, enfin, la gouvernance. Tout a été fait à l’envers…
L’État ne peut plus être l’actionnaire inconstant qu’il est depuis des années, qui ne respecte jamais la trajectoire des contrats d’objectifs et de moyens. Au contraire, il doit accompagner les sociétés de l’audiovisuel public dans leur politique de transformation, dans un secteur marqué par une concurrence féroce. En somme, il doit être l’État stratège que nous attendons.
J’appelle à l’élaboration d’une stratégie d’ensemble de l’audiovisuel public pour les dix prochaines années, conduite par l’État et couvrant toutes les dimensions : culturelle, informationnelle, territoriale. Plutôt que d’œuvrer dans l’urgence, prenons, madame la ministre, le temps de préparer l’avenir et donnons vraiment à notre audiovisuel public les moyens d’être ce que nous voulons qu’il soit. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Monique de Marco applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le système actuel de l’audiovisuel public français souffre de nombreux travers, que nous dénonçons depuis longtemps : un manque de pluralisme, une orientation idéologique souvent biaisée et une déconnexion par rapport aux réalités quotidiennes de nos compatriotes.
Les contribuables français, dont les moyens sont déjà lourdement sollicités, ne devraient pas être contraints de financer un service qui semble parfois plus soucieux de promouvoir une ligne politique que de refléter fidèlement la diversité des opinions et des préoccupations de notre nation.
La présente proposition de loi organique pérennise le système de financement de l’audiovisuel public, assis sur le transfert d’une fraction de TVA. Au-delà des justifications techniques de ce texte, nous savons que l’audiovisuel public représente un coût considérable pour les contribuables : en 2023, son budget atteignait près de 4 milliards d’euros. À l’heure où le Gouvernement s’efforce de chercher 60 milliards d’euros, comme rustine pour sa mauvaise gestion, voilà une source d’économie qui pourrait être utile et immédiatement liquidable !
En permettant l’affectation directe d’une partie des ressources fiscales aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, cette proposition de loi organique contribue à renforcer la transparence et la responsabilité budgétaires.
Ce mécanisme oblige ces organismes à une gestion plus rigoureuse et à un usage plus efficient des fonds publics, car, rappelons-le, le service public n’est pas la propriété d’une camarilla de journalistes militants (Protestations sur les travées du groupe GEST.), c’est une institution assurant la neutralité et la libre expression de toutes les opinions. Or, il faut le rappeler, c’est ce même service public qui avait – je ne peux que croire à un pur hasard – diffusé un reportage, totalement vide, mais à charge, sur Jordan Bardella (Mêmes mouvements. – Mme Catherine Morin-Desailly s’exclame.), qui caracolait alors en tête des sondages pour les élections européennes. Heureusement, les Français ne se sont pas laissé duper…
Le Rassemblement national a toujours plaidé pour une meilleure utilisation des deniers publics et une réduction des dépenses superflues. Nous ne comprenons pas qu’une démocratie mature doive conserver, au-delà de l’outre-mer, un service public de l’information, alors que les acteurs privés peuvent, s’ils sont régulés, remplir d’une meilleure façon la mission d’information, vitale pour l’expression démocratique la plus juste et éclairée.
M. Pierre Ouzoulias. Cela reste à prouver !
M. Joshua Hochart. Nous espérons que cette réforme ne sera qu’une première étape vers une transformation totale, profonde, de l’audiovisuel public.
Alors que les débats budgétaires commencent à l’Assemblée nationale et sont sur le point d’arriver au Sénat, certains proposent de nouvelles vagues de privatisations, qui abîmeraient les comptes et l’action de l’État. Mes chers collègues, si vous cherchez un service à privatiser, vous en avez un devant vous, pour 4 milliards d’euros !
M. Thomas Dossus. Nous n’en cherchons pas !
M. Joshua Hochart. Dans tous les cas, nous continuerons d’être vigilants quant à l’application de ce texte et au respect des obligations qui incombent au service public pour la bonne tenue du débat public.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ces temps de crise, alors que notre pays doit maîtriser ses dépenses publiques dans tous les domaines, il est rare de trouver encore un secteur qui fasse recette.
C’est pourtant le cas de l’audiovisuel public français, qui a, cette année, établi de nouveaux records sur l’ensemble des supports du service public. France Télévisions, tout d’abord, a enregistré des chiffres d’audience impressionnants, avec plus de 23 millions de téléspectateurs lors de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de Paris 2024. Radio France, ensuite, attire quotidiennement 14 millions d’auditeurs sur ses différentes antennes. Enfin, la plateforme numérique France.tv, rassemble désormais 34 millions de visiteurs par mois.
Face à un tel succès, qui pourrait se douter que ce fleuron de la créativité nationale, cet ambassadeur de la culture française, soit menacé d’extinction d’ici à la fin de cette année, faute de financement ? C’est pourtant la situation ubuesque dans laquelle nous nous trouvons, à l’aube de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.
Depuis la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, à l’été 2022, rien n’a été fait ni même envisagé par le Gouvernement pour assurer un financement pérenne de l’audiovisuel public. Aujourd’hui, le temps presse. En effet, dès le 1er janvier 2025, la loi actuelle ne permettra plus d’utiliser la fraction du produit de la TVA qui a suppléé cette contribution, contraignant ainsi nos médias publics à dépendre exclusivement du budget général de l’État.
Cette échéance est redoutée par les six sociétés qui composent l’audiovisuel public français. Faute de modification de la loi, nos médias publics seraient ballottés, au gré des fluctuations budgétaires et politiques, situation inacceptable dans un État de droit et en contradiction totale avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Face à cette urgence, le texte adopté par la commission des finances du Sénat et présenté aujourd’hui devant la Haute Assemblée constitue le meilleur compromis à court terme. En cherchant à inscrire dans la loi organique relative aux lois de finances la possibilité de financer des organismes publics de communication audiovisuelle par le recours à une taxe affectée, le texte sécurise un budget fixe et pérenne pour ce secteur.
Cela permettra au Parlement de réviser ce mécanisme annuellement, ce qui dotera en outre ces organismes des marges de manœuvre nécessaires à leur développement. Je tiens donc à saluer et à féliciter Cédric Vial, auteur de cette proposition de loi organique.
Mes chers collègues, ce texte soulève bien plus qu’une question financière : il constitue un enjeu démocratique et culturel. Dans un paysage médiatique en mutation permanente, alors que se multiplient les atteintes à son indépendance, donc à notre souveraineté, nous devons non seulement penser au financement de l’audiovisuel public, mais également songer à réviser son modèle économique. Ne nous voilons pas la face, une fois actée la question de son financement, le projet de fusion de l’audiovisuel public français reviendra nécessairement sur la table.
Devant la concurrence accrue des plateformes numériques mondiales, il est essentiel de renforcer ce secteur stratégique, non seulement pour préserver l’équilibre du paysage audiovisuel national, mais encore pour protéger l’influence culturelle et médiatique de la France à l’international.
Comme le soulignait le président de l’Arcom lors de son audition au Sénat la semaine dernière, l’heure est dorénavant aux médias globaux, regroupant l’ensemble des supports. L’audiovisuel public français semble prêt à franchir ce pas décisif pour son avenir. La majorité sénatoriale sera à ses côtés pour accompagner sa transformation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)