M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur Marc-Philippe Daubresse, vous n’avez pas manqué de le rappeler : c’est bien parce que le Premier ministre et son gouvernement ont pleine conscience de la situation d’urgence qui frappe le secteur du logement, et avec lui tous les acteurs économiques qui le sous-tendent, qu’ils ont décidé d’en faire une priorité.
Pour répondre à la crise, il faut non pas opposer l’offre et la demande, mais plutôt agir sur les deux leviers – c’est du reste ce que vous dites.
La primo-accession est la priorité des priorités du Premier ministre ; il l’a indiqué dans sa déclaration de politique générale. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la généralisation partout sur le territoire du prêt à taux zéro pour le logement neuf, individuel comme collectif.
Par ailleurs, certaines propositions formulées dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances visent à faciliter les dons au sein de la famille en vue de l’acquisition d’un logement. Nous sommes prêts à soutenir les mesures qui vont en ce sens, et vous aurez sans doute ici l’occasion d’en débattre et d’apporter en la matière votre contribution.
Il faut aussi agir sur l’offre, c’est-à-dire libérer du foncier. Le Premier ministre nous a chargées, Catherine Vautrin et moi-même, de nous pencher sur le sujet du ZAN.
Il convient également de travailler sur l’accompagnement et l’appui à l’ingénierie des collectivités, car il s’agit de questions essentielles. Tel est d’ailleurs l’objectif du programme Action cœur de ville, mais aussi du plan de transformation des zones commerciales, lancé l’année dernière.
En outre, la simplification des procédures doit être notre boussole. Je suis tout à fait encline à mener des expérimentations dès lors qu’elles sont cohérentes avec nos objectifs.
Ces expérimentations peuvent notamment être conduites, comme vous l’avez suggéré, monsieur le sénateur, en matière de transformation du foncier commercial. Nous serons à votre écoute, et je sais que des projets de ce genre sont menés dans votre région. Du reste, je soutiens d’ores et déjà cette démarche : j’ai demandé aux préfets de région de porter le message en me faisant part des propositions d’adaptations législatives ou réglementaires qui sont faites en ce domaine. Je sais que vous participerez largement à ce travail, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP. – M. Olivier Paccaud applaudit également.)
fermeture à la pêche du golfe de gascogne
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche, concerne l’interdiction temporaire de pêche dans le golfe de Gascogne pour les années 2024, 2025 et 2026.
Cette fermeture est imposée par l’Union européenne pour lutter contre les prises accidentelles. En 2024, trente-sept bateaux vendéens sont restés à quai. Les trois criées vendéennes estiment la perte à 540 tonnes, soit 2,4 millions d’euros de chiffre d’affaires. À l’échelle nationale, les pertes s’élèveraient à 22 millions d’euros.
La fermeture à la pêche du golfe de Gascogne s’ajoute à la crise d’un secteur déjà éprouvé. Selon un rapport de la Banque de France, 35 % des entreprises de la filière aval étaient déjà en situation de dépôt de bilan en 2023.
Les pêcheurs français avaient investi 30 millions d’euros dans des systèmes de répulsifs afin d’éviter les prises accidentelles. La fermeture leur a été imposée sans attendre les résultats de cette expérimentation : c’est un camouflet infligé à une pêche qui figure parmi les plus vertueuses au monde.
Le 25 janvier dernier, alors que vous étiez maire de Lorient et président de Lorient Agglomération, vous demandiez des mesures fortes en lien avec cette interdiction et dénonciez le lobbying des écologistes radicaux.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous déclarez vouloir « sortir de cette fermeture » en 2027. Vous actez donc les fermetures pour 2025 et 2026, ce qui n’est pas acceptable pour la pêche française.
Quelles démarches allez-vous engager à l’échelle européenne pour éviter l’échouement de la pêche française ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Max Brisson et Louis Vogel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche.
M. Fabrice Loher, ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé de la mer et de la pêche. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Billon. Elle me permet de saluer le grand sens des responsabilités dont ont fait preuve les professionnels de la pêche l’hiver dernier.
Ce sont la Commission européenne et le Conseil d’État qui ont appelé le Gouvernement à prendre des mesures de protection adéquates.
Le rapport scientifique consolidé sur les échouages pour la période 2024-2025 me sera remis au mois de novembre par l’observatoire Pélagis. Il devra être objectivé.
Je vous le dis très clairement, ma priorité est d’anticiper le mieux possible la fermeture du golfe de Gascogne en 2025, en lien avec la profession. Comme cette année, l’État sera au rendez-vous pour soutenir les pêcheurs et les mareyeurs qui subissent les conséquences économiques de cette fermeture.
J’ajoute que ladite fermeture doit s’appliquer à tous les navires, qu’ils soient français ou étrangers, susceptibles de pêcher dans cette zone. Il y va d’un principe d’équité sur lequel nous ne transigerons pas.
Ce cadre étant posé, nous partageons tous le même objectif, à savoir la réouverture du golfe de Gascogne en 2027. Pour y parvenir, nous avons identifié des solutions techniques – je pense en particulier aux répulsifs acoustiques – qui devront permettre de réduire les risques de capture accidentelle.
Il nous faut aussi mieux comprendre les interactions entre les navires de pêche et les cétacés. À cette fin, en lien avec les professionnels, nous devons désormais déployer dans les meilleurs délais les dispositifs que j’ai évoqués et équiper certains navires – je dis bien : « certains navires » ! – en caméras, afin de contribuer à l’amélioration de la collecte de données.
Je mesure pleinement la sensibilité de ces dispositions pour la profession, mais je tiens à exprimer mon attachement à un discours de vérité et à des actions responsables.
Les professionnels de la pêche bénéficieront toujours, avec moi comme avec le Gouvernement tout entier, d’un soutien fidèle et déterminé ; notre but est que nous trouvions ensemble les solutions qui permettront d’assurer la continuité de l’activité de pêche dans le respect de la protection de l’environnement et du droit. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Merci de cette réponse, monsieur le ministre. En tant que sénatrice de la Vendée, et plus particulièrement des Sables-d’Olonne, je suis particulièrement engagée sur les questions touchant au littoral et à la pêche. Un emploi en mer, c’est quatre emplois à terre, et c’est toute la filière pêche qui est en danger, à l’instar, d’ailleurs, de ce qui se passe pour l’agriculture.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
situation de l’agriculture
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
Mme Kristina Pluchet. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Madame la ministre, j’ai été alertée sur les perspectives bien sombres du marché européen du sucre pour les agriculteurs français. La betterave, aujourd’hui cotée à 50 euros la tonne, est annoncée à 25 euros pour la prochaine campagne. Certains planteurs sont même invités à réduire leur surface cultivée d’environ 15 %.
En cause, la suppression des droits de douane sur le sucre ukrainien. Par solidarité avec ce pays, nous avons absorbé 500 000 tonnes de sucre qui ont complètement déséquilibré le marché, et le contingentement mis en place en juin dernier n’a été qu’une rustine sur une jambe de bois.
Aujourd’hui, cerise amère sur le gâteau, les négociations entre l’Union européenne et le Mercosur ont repris à Brasilia et le bruit court qu’un fonds de compensation serait à l’étude pour endormir les dernières résistances.
Madame la ministre, c’est la mise à mort de notre agriculture ! L’Union européenne, qui malmène tous les jours nos agriculteurs avec son caporalisme normatif et environnemental, ose livrer en pâture son agriculture aux agriholdings internationales. Franchement, de qui se moque-t-on ?
Le double jeu de l’Union européenne a assez duré : elle organise méthodiquement la destruction de nos filières d’excellence au nom d’un libre-échange affairiste qui n’illusionne plus qu’elle-même.
Je me tiens donc devant vous, madame la ministre, pour défendre l’agriculture française à taille humaine, familiale, labellisée, conservatrice de nos paysages, face à des géants agro-industriels qui menacent notre modèle agricole, auquel je vous sais très attachée.
Dès lors, madame la ministre, comment comptez-vous mener la bataille de la défense de l’agriculture française dans nos instances européennes, pour sauvegarder nos filières d’excellence ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Madame la sénatrice Kristina Pluchet, j’entends votre émotion, je la partage et je voudrais reprendre les deux points que vous avez évoqués dans votre question.
Pour ce qui est du projet d’accord avec le Mercosur, j’ai eu l’occasion de le rappeler à Luxembourg, hier et avant-hier, lors de la réunion du conseil des ministres européens de l’agriculture : en l’état, il est inacceptable, et ce pour deux raisons.
La première, et sans doute la plus importante, est que je suis la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, donc de la compétitivité des entreprises agricoles. Or celle-ci ne résistera pas à des importations telles que celles que prévoit cet accord ; et ce qui est vrai pour le sucre, dont vous avez parlé, est vrai aussi pour le bœuf, pour la volaille ou pour l’éthanol.
La deuxième raison pour laquelle ce projet d’accord – rappelons qu’il n’est pas signé ! – est inacceptable est la suivante : les denrées importées aux termes de l’accord n’auraient pas à respecter nos propres conditions de production, sur le plan environnemental notamment.
Pour cette double raison, mais surtout pour la première, cet accord est inacceptable. Le Premier ministre et le Président de la République l’ont dit clairement ; il leur appartiendra de défendre les intérêts de la France – ils le font déjà.
Je suis très préoccupée, comme vous, par l’hypothèse selon laquelle cet accord pourrait être signé à l’occasion du sommet du G20 au Brésil, au mépris du recueil de l’opinion du Parlement. Il est primordial, en effet, que celui-ci puisse s’exprimer sur un tel accord commercial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.) Je l’ai dit hier très clairement à Luxembourg : passer outre serait un déni de démocratie.
Pour ce qui est de l’Ukraine, c’est compliqué… La France veut soutenir ce pays dans le conflit qui l’oppose à la Russie, car son combat est légitime. La décision a été prise de soutenir financièrement l’Ukraine via un accord avec l’Union européenne qui se fait, effectivement, au détriment de nos propres filières.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Annie Genevard, ministre. Le mécanisme de « frein d’urgence » est précisément destiné à rétablir un équilibre qui nous fait aujourd’hui défaut, et sans lequel il n’est pas possible de continuer sur ces bases. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.
Mme Kristina Pluchet. Madame la ministre, je salue votre détermination et vous en remercie.
Cependant, je me permets d’insister : on ne saurait continuer à imposer aux agriculteurs français toujours plus de normes, toujours plus de contraintes, toujours plus de contrôles – je sais de quoi je parle ! –, tout en signant toujours plus d’accords de libre-échange avec des pays qui ne respectent aucune de nos normes.
Oui, vraiment, nous marchons sur la tête ; il faut que ça change ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur des travées du groupe INDEP.)
cycliste tué à paris
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)
M. Rémi Féraud. Ma question aurait pu porter sur la mise en œuvre du plan Vélo et sur le développement des infrastructures cyclables, mais tel n’est pas le sujet aujourd’hui.
Le meurtre de Paul Varry, cycliste écrasé volontairement par un automobiliste le 15 octobre à Paris, est un drame qui illustre une violence routière trop banalisée, une agressivité largement tolérée et rendue plus dangereuse encore par la taille sans cesse croissante des véhicules.
L’enjeu va bien au-delà de la cohabitation entre cyclistes et automobilistes : il s’agit de la violence sur la route, dont peuvent être victimes tous les Français, quel que soit leur mode de transport. Il faut sortir du déni de la violence routière, qui représente un danger d’abord pour les usagers les plus vulnérables, piétons comme cyclistes.
Mettant fin au silence initial du Gouvernement après la mort de Paul Varry, le ministre des transports a enfin annoncé la création d’une mission contre les violences visant à « protéger tous les usagers de la route ».
Les associations de cyclistes ont salué cette initiative, mais, au-delà de la communication, entendez-vous vraiment, monsieur le Premier ministre, vous attaquer en profondeur et dans la durée au problème de la violence routière, en associant à cet effort l’ensemble du Gouvernement, c’est-à-dire non seulement le ministre chargé des transports, mais aussi ceux de l’intérieur et de la justice ?
La mort de Paul Varry a suscité à Paris et dans tout le pays une émotion immense, dont doit naître une politique publique forte, contribuant à un changement des mentalités, des pratiques et de notre société elle-même. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Rémi Féraud, vous l’avez rappelé, alors qu’il circulait à vélo sur une voie protégée le mardi 15 octobre à 17 heures 45, Paul Varry a perdu la vie après avoir été percuté, semble-t-il volontairement, par un automobiliste qui circulait sur la voie réservée aux cyclistes, boulevard Malesherbes. Malgré l’intervention rapide des services de secours, que je tiens à saluer, Paul Varry a succombé à ses blessures.
Face à cet acte d’une grande violence, j’ai ici, au nom du Gouvernement, une pensée pour sa famille et pour ses proches. L’émotion qui nous étreint a légitimement traversé le pays tout entier, comme vous l’avez rappelé.
Le conducteur a été interpellé par les forces de l’ordre et déféré le 17 octobre dernier, puis placé en détention provisoire. Une information judiciaire est ouverte et nous faisons toute confiance aux enquêteurs placés sous l’autorité du magistrat instructeur pour qu’ils mènent l’enquête jusqu’à son terme le plus vite possible. Je n’en dirai pas davantage, s’agissant d’une affaire judiciaire en cours.
Je veux néanmoins redire que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, est fortement engagé dans la lutte contre l’insécurité routière et fermement mobilisé contre toutes les formes de violence sur la route. L’enjeu du partage de la route et de la protection des usagers, en particulier des plus vulnérables, est une priorité que le Gouvernement a faite sienne, sous l’autorité du Premier ministre. Les cyclistes représentent 8 % des morts sur la route, les piétons 15 %.
Concrètement, la délégation à la sécurité routière, sous l’impulsion de la déléguée interministérielle Florence Guillaume, a fait de cette question l’un de ses enjeux prioritaires, avec une nouvelle signature à la clé : « vivre, ensemble ».
Cette orientation se traduit par une réglementation des nouveaux modes de déplacement, par des actions de sensibilisation organisées auprès des préfectures dans le domaine de la prévention, par une campagne de communication intitulée « Attention à vélo, attention aux vélos » ou encore par un travail mené en matière de signalisation et d’éducation routière, entre autres actions déjà engagées. Tous ces efforts doivent être intensifiés pour améliorer la conscience des enjeux du partage de la route.
Vous l’avez rappelé, le ministre François Durovray a lancé tout récemment une mission. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour s’engager pleinement et en tirer les conclusions.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Une voiture est un moyen de transport, non une arme par destination. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous vous demandons de tout faire pour que la sécurité routière et la lutte contre la violence motorisée redeviennent des priorités de l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
fermeture du site de production de volailles à blancafort
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Ma question, à laquelle j’associe ma collègue Marie-Pierre Richer, s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture ; elle porte sur notre souveraineté alimentaire.
Madame la ministre, la situation de la production de volailles en France est extrêmement préoccupante. Actuellement, 50 % des poulets consommés dans notre pays sont importés de Pologne, de Belgique, des Pays-Bas, et souvent ces produits sont réemballés afin de dissimuler leur provenance réelle, comme le Brésil ou la Thaïlande. La faible valorisation de la stratégie de montée en gamme et nos coûts de production trop élevés mettent en péril notre compétitivité.
L’exemple de l’entreprise Les Volailles de Blancafort, filiale du groupe LDC implantée dans le Cher, est emblématique. Spécialisée dans la dinde, un marché en déclin, cette entreprise dispose pourtant des infrastructures nécessaires pour produire du poulet, dont la consommation est en pleine croissance.
Elle employait encore il y a quelque temps 250 salariés et une centaine d’éleveurs, contre 120 salariés et une soixantaine d’éleveurs aujourd’hui, sans compter les emplois indirects. Demain, jeudi, ses salariés seront réunis par la direction et connaîtront leur sort.
Madame la ministre, tout le monde s’offusque de la possible délocalisation de la production de Doliprane, mais personne ne s’indigne de voir importer en France des milliers de tonnes de poulet de qualité inférieure. (Mais oui ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quelles mesures urgentes comptez-vous prendre pour soutenir le site de Blancafort, favoriser une reconversion adaptée et éviter une délocalisation, afin de préserver notre souveraineté alimentaire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Rémy Pointereau, je vous remercie de votre question sur la filière volaille, à propos de laquelle j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer dans cette enceinte.
La viande de volaille est très populaire en France ; vous rappelez à juste titre que 50 % de la volaille qui y est consommée est d’origine étrangère, et j’ajoute que 80 % de la volaille consommée hors domicile vient de l’étranger. Or on voudrait consommer de la volaille française ; mais l’on ne veut pas de poulailler près de chez soi… (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.) C’est un véritable sujet.
Cette filière est très concurrentielle, et il est vrai que la guerre russo-ukrainienne y a avivé les tensions jusqu’à la déstabiliser. La situation que vous avez décrite, monsieur le sénateur, est malheureusement le stigmate d’une perte de compétitivité de la France, dans un secteur où la valorisation céréalière possède pourtant les meilleurs atouts.
Je rappelle que notre pays a perdu son statut de premier exportateur de viande de volaille, qu’il a détenu par le passé ; nous en exportions alors un million de tonnes chaque année, quand nous n’en exportons plus que 400 000 tonnes. C’est une évidence : nous avons besoin de retrouver de la souveraineté alimentaire, donc de la compétitivité, notamment – vous avez raison de le souligner – sur l’entrée de gamme.
Beaucoup de filières ont fait le choix de la montée en gamme, mais nous devons poser la question de l’entrée de gamme de qualité, car l’entrée de gamme n’est pas et ne doit pas être synonyme de mauvaise qualité. C’est sur ce créneau qu’il nous faut travailler, dans la volaille comme dans d’autres secteurs – je pense à la viticulture.
Pour ce qui est de l’abattoir de Blancafort, je partage votre préoccupation ; c’est la raison pour laquelle je reçois demain, à ma demande, son président. Les abattoirs jouent un rôle tout à fait considérable ;…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Annie Genevard, ministre. … ils sont ancrés dans les territoires et contribuent à la construction de la valeur économique des filières. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Je salue ce début de réponse, madame la ministre : merci de recevoir le directeur de l’abattoir et le groupe LDC.
Pour autant, j’aimerais que vous vous rendiez sur le terrain afin de constater les difficultés que cumule ce territoire : il s’agit d’une zone intermédiaire qui, en tant que telle, a perdu en 2017 le bénéfice de l’indemnité compensatoire des handicaps naturels. C’est tout un territoire qui perçoit désormais beaucoup moins d’aides qu’auparavant et qui risque, à l’avenir, de se désertifier encore davantage.
Il faut donc réagir très vite, madame la ministre, pour éviter que ne soit prise une décision hasardeuse pour notre Pays-Fort. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation pénitentiaire à mayotte
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. Stéphane Demilly. Mon collègue Georges Patient et moi-même, corapporteurs pour le bassin océan Indien, nous sommes rendus à Mayotte il y a quelques semaines avec la délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par Micheline Jacques. J’associe donc à cette question mes collègues, et notamment le local de l’étape, Saïd Omar Oili.
Monsieur le ministre, vous le savez, la situation à Mayotte est explosive. Comment pourrait-il en être autrement dans le département le plus jeune, le plus pauvre et le plus violent de France ?
Au cours de cette mission, nous nous sommes notamment rendus au centre pénitentiaire de Majicavo, une prison sursaturée – doux euphémisme ! Quatre voire cinq détenus s’y entassent dans des cellules de treize mètres carrés prévues initialement pour une ou deux personnes. Le nombre de détenus vaut à lui seul démonstration : 650 pour 278 places !
Vous le savez, monsieur le ministre, le chef d’établissement de la prison, Nicolas Jauniaux, a annoncé sa démission de l’administration pénitentiaire il y a quelques jours pour dénoncer cette situation particulièrement intenable.
Les mutineries sont pléthore. La presse s’est notamment fait l’écho de celle du 28 septembre, à laquelle ont pris part plus de cent détenus. La tension qui règne à l’intérieur de la prison est tout simplement le reflet de ce qui se passe à l’extérieur, sur l’île.
En mars 2022, le Gouvernement s’était engagé à construire un nouvel établissement. Aucune décision n’a pour l’instant été actée, alors que l’établissement public foncier local a proposé plusieurs terrains. Nous attendons la réponse de l’État.
Monsieur le garde des sceaux, vous venez de prendre vos fonctions. Avez-vous été informé de cette situation mahoraise spécifique ? Surtout, avez-vous des informations à nous communiquer sur le calendrier de création du second établissement pénitentiaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP. – M. Saïd Omar Oili applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Stéphane Demilly, je vous remercie de votre question.
Le centre pénitentiaire de Majicavo connaît bel et bien un taux d’occupation très important : il accueille 663 détenus pour 278 places. Des opérations de désencombrement sont régulièrement réalisées, grâce au transfèrement de personnes détenues vers les établissements pénitentiaires de La Réunion et de l’Hexagone. Ces opérations, dont le nombre a été multiplié par deux au cours de l’année 2023, se sont poursuivies tout au long de l’année 2024.
Compte tenu de la surpopulation carcérale de cet établissement, le ministère de la justice s’est engagé à ouvrir un second établissement pénitentiaire de 400 places, auxquelles s’ajouteraient 15 à 20 places de semi-liberté. De manière plus générale, je dois dans quelques jours faire le point avec M. le Premier ministre sur l’application du plan de construction de 15 000 places de prison. Pour ce qui est du cas spécifique dont vous me saisissez, monsieur le sénateur, des études foncières et d’urbanisme sont actuellement conduites par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij), en lien avec les services compétents à Mayotte, pour identifier un site adapté.
La sécurisation du centre pénitentiaire de Majicavo fait l’objet d’une vigilance de tous les instants de la part de mon ministère. L’équipe locale de sécurité pénitentiaire du centre pénitentiaire de Saint-Denis de La Réunion vient régulièrement au soutien de l’établissement. Des agents des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Éris) ont également été mobilisés à plusieurs reprises afin de renforcer les équipes du centre pénitentiaire de Majicavo et de réaliser des missions de sécurisation du site.
Je porte une attention toute particulière à la situation du territoire mahorais. D’ailleurs, les événements survenus le mois dernier à Majicavo nous rappellent que la sécurisation de cet établissement est primordiale, de même que l’avancement du projet dont je viens de confirmer la réalisation. (M. François Patriat applaudit.)