M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à adresser mes remerciements et mes félicitations à la rapporteure générale, chère Élisabeth, et aux rapporteurs de branche, qui ont réalisé un excellent travail de pédagogie sur ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023.

Avant de parler du fond, je veux faire une remarque sur la forme, sur le calendrier. Lors de la création du Placss, l’objectif était de permettre au Parlement de se pencher sur les comptes de l’année précédente, bien avant le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. La loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale impose en effet le dépôt d’un texte avant le 1er juin. Chacun sait que la situation politique n’a pas permis de respecter cette échéance et les conditions d’examen sont donc loin d’être optimales.

Cela étant dit, ce projet de loi permet de comparer la réalité avec les prévisions. Aussi pouvons-nous constater l’efficacité de la maîtrise des dépenses publiques, qui reste toutefois bien insuffisante.

Pour la deuxième année de suite, en raison d’un grand nombre d’erreurs non rectifiées dans le versement de certaines prestations, la Cour des comptes n’a pas certifié les comptes de la Cnaf ni ceux de la branche famille. Vous l’avez souligné, madame la rapporteure générale, il s’agit non pas tant d’un refus que d’une impossibilité de certification. Si le motif est moins alarmant, c’est loin d’être satisfaisant. Rappelons-le, nous parlons d’une branche qui représente plus de 56 milliards d’euros…

Le déficit de la sécurité sociale est passé de presque 20 milliards à près de 11 milliards d’euros, mais nulle raison de se réjouir de cette évolution : cette amélioration est strictement automatique, elle s’explique par la quasi-disparition des dépenses liées à la covid-19 et à un décalage dans la revalorisation de certaines prestations.

On ne saurait passer sous silence le dépassement du déficit initialement prévu. Nous parlons là de 3,7 milliards d’euros de plus par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et de 2,1 milliards d’euros par rapport à celle pour 2024.

Pour toutes ces raisons, l’adoption de ce texte ne paraît pas évidente, mais encore faut-il en débattre. C’est notre rôle !

À titre personnel, je souhaiterais que l’on approfondisse différents sujets : le non-recours à certaines prestations, notamment au minimum vieillesse, qui atteint 50 %, ou au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, qui atteint 35 % à 40 %, alors que l’amiante pourrait encore tuer 70 000 à 100 000 personnes d’ici à 2050.

Comme cela a été dit en commission des affaires sociales, il est important et sain de tenir un discours équilibré : d’une part, il faut lutter activement contre les fraudes et les abus, qui sont des réalités et qui affaiblissent notre modèle social ; d’autre part, il est tout aussi important de lutter contre le non-recours à certaines aides, qui fragilise notamment nos concitoyens en situation précaire. Je remercie nos rapporteures Pascale Gruny et Marie-Pierre Richer d’avoir mis l’accent sur ce sujet lors de leurs interventions.

Nous souhaiterions pouvoir discuter plus largement de l’annexe de ce texte, notamment de la dette abyssale de 92 milliards d’euros de la sécurité sociale. L’accumulation de déficits met en péril la survie de ce qui est une des fiertés de la République. Notre modèle de couverture sociale, longtemps envié à travers le monde, est aujourd’hui devenu un sujet d’inquiétude.

Nous voudrions également aller plus loin sur les difficultés de la Caisse d’amortissement de la dette sociale. En presque trente ans, celle-ci a amorti 242 milliards d’euros, soit environ 80 milliards par décennie. Comment pourra-t-elle solder les 136 milliards d’euros restants d’ici à la fin supposée de son existence, dans moins de dix ans ?

Tout cela illustre, comme le soulignait la Cour des comptes en mai 2024, le « caractère insoutenable de la trajectoire actuelle de la sécurité sociale et la nécessité » de réformes profondes.

Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. L’examen de ce Placss pour 2023 permet justement de discuter de la réalité budgétaire actuelle, avant de débattre des solutions. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires privilégiera toujours le débat et ne votera donc pas la motion tendant à opposer la question préalable qui nous est soumise. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, les lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale sont une création parlementaire.

Qu’a voulu le législateur ?

Tout d’abord, il a voulu séparer le temps du regard sur la gestion passée, désormais placé à la fin du printemps, du temps du regard vers l’avenir des comptes de la sécurité sociale, à l’automne. Cela devait permettre d’éviter l’examen « à la va-vite », voire en pratique l’absence complète d’examen, des comptes de l’année précédente par le Parlement, ce qui était souvent la norme des projets de loi de financement de la sécurité sociale jusqu’en 2022.

Les Placss devaient aussi reprendre le « chaînage vertueux » qui existe entre les lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année et les lois de finances. Ainsi, à partir des constats, positifs ou négatifs, tirés du contrôle de la gestion passée, le Parlement doit être mieux à même d’analyser le projet de loi de financement de la sécurité sociale quelques mois plus tard, avec tous les éléments qui lui permettent de prendre des décisions.

Hélas ! madame la ministre, les Placss ne sont pas bien nés. Disons en tout cas, si vous me permettez l’expression, que nous constatons un « retard à l’allumage ».

Ainsi, l’année dernière, le Parlement a rejeté le premier Placss, alors que la Cour des comptes avait refusé de certifier les comptes d’une branche et qu’il manquait des éléments essentiels à l’information du Parlement, qui est la vocation première de ces lois.

Cette année, même si nous avons constaté quelques progrès sur ces deux aspects, le compte n’y est toujours pas. Cette réalité regrettable a conduit la commission des affaires sociales à proposer au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable sur ce texte, déjà rejeté la semaine dernière par l’Assemblée nationale. Mme la rapporteure générale devrait détailler cette analyse et cette position en présentant la motion. Je n’irai donc pas plus loin.

Mon dernier regret sur ce projet de loi concerne, bien sûr, le calendrier. Alors que, comme je l’ai dit, le législateur organique a voulu séparer nettement le temps de l’évaluation et le temps de la décision pour l’avenir, les circonstances politiques de cette année nous conduisent à débattre de ce texte alors même que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a commencé l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Drôle de concordance…

Enfin, sans anticiper nos prochains échanges sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, je terminerai en disant un mot sur les comptes de la sécurité sociale que nous présente le Gouvernement. Je ne reprendrai pas ici tous les chiffres qui ont été cités par les différents orateurs avant moi. Quoi qu’il en soit, le constat est pour tout le monde le même : l’état de ces comptes est très préoccupant, madame la ministre.

Certes, en 2023, le déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a été ramené à 10,8 milliards d’euros, contre près de 20 milliards d’euros en 2022.

Néanmoins ce relatif « rebond » n’a, hélas ! rien de structurel : il tient, pour l’essentiel, à la fin des dépenses exceptionnelles enregistrées depuis 2020 afin de faire face à la crise épidémique de covid-19. Il est également le fruit de l’anticipation, en juillet 2022, de l’indexation de diverses prestations, dont les pensions de retraite, afin de faire face au niveau exceptionnel de l’inflation.

Comme nous le verrons bientôt, les déficits devraient se creuser de nouveau dès 2024 et se situer à un niveau désormais comparable à celui des remboursements de la dette sociale auxquels procède la Cades. C’est le point pour nous le plus alarmant : nous ne sommes plus capables de rembourser suffisamment au regard des excédents que nous pourrions dégager.

Cela nous place donc collectivement en situation de responsabilité si nous ne souhaitons pas léguer indéfiniment notre dette sociale aux générations futures.

Très concrètement, le débat est le même tous les ans. Sans réforme de fond attendue depuis plusieurs années, nous nous retrouvons pour constater l’évolution des déficits et discuter du niveau des économies considérables que nous devons proposer, et ce au détriment de la qualité du service public.

Nous l’avons compris, sans réforme de fond, nous restons toujours dans la même situation, en consacrant de plus en plus de moyens pour une qualité de services publics en matière de santé, notamment, qui se dégrade. C’est une équation à laquelle il convient de mettre un terme.

En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission des affaires sociales. Dans le même temps, nous nous engageons à proposer des évolutions structurelles pour 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Fouassin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Stéphane Fouassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me tiens aujourd’hui devant vous avec une double conviction : celle de l’urgence, mais aussi celle du pragmatisme.

La loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale prévoit que nous examinions les comptes de l’exercice clos dans un texte séparé, avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, voulu par le Parlement, et que nous examinons pour la deuxième fois, offre une photographie des comptes de la sécurité sociale en 2023. C’est un exercice de transparence bienvenu, autant sur les résultats financiers que sur l’efficacité des politiques menées. C’est aussi un acte de responsabilité.

L’année 2023 est celle du rééquilibrage. Après le chaos des années covid, après les investissements massifs réalisés – à raison – par les gouvernements d’alors pour protéger nos concitoyens et notre économie – chômage partiel, reports de charges, dépenses de santé massives –, nous retrouvons enfin un semblant de stabilité. Le déficit est passé de 19,7 milliards en 2022 à 10,8 milliards en 2023, soit près de 9 milliards de moins en un an ! C’est près de quatre fois moins que le déficit enregistré en 2020.

Ne nous leurrons pas, cependant : cette nette amélioration, nous la devons, bien sûr, à la quasi-extinction des dépenses liées à crise sanitaire, qui n’auront pesé que pour 1,1 milliard d’euros en 2023, contre 11,7 milliards en 2022. Cette trajectoire, c’est aussi la preuve que la France a su faire face avec courage et cohérence à la pire crise sanitaire de son histoire récente.

Il y a des défis structurels, bien sûr. La branche maladie continue de peser lourd avec un déficit de 11,1 milliards d’euros quand la branche vieillesse enregistre un déficit de 2,6 milliards d’euros. Mais soyons honnêtes : ce déficit, c’est le reflet d’un système qui protège et qui a su protéger. C’est un système qui garantit à nos concitoyens un accès aux soins, sans condition. C’est la mission même de la sécurité sociale : protéger, accompagner, soigner.

La tentation est grande cependant d’examiner ce projet de loi d’approbation des comptes à l’aune des prévisions pour 2024 et des années à venir. Le déficit prévu pour 2024 – 18 milliards d’euros – n’invite en effet pas à se réjouir. Soyons réalistes : ce creusement du déficit à venir n’est pas une surprise. Il résulte de défis structurels que nous devons encore relever. Mais cela, mes chers collègues, ne peut pas nous empêcher de reconnaître ce qui a été accompli en 2023.

Alors, oui, il y a des réformes à mener. Les pistes sont nombreuses : il faut repenser certaines niches sociales, maîtriser le coût des arrêts maladie, mieux réguler les médicaments innovants. Ces réformes, elles s’appuient sur les progrès enregistrés en 2023. Elles s’enracinent dans ce socle de stabilité que nous avons recommencé à bâtir. Rejeter ce projet de loi, ce serait aussi ignorer cet effort.

Au registre des bonnes nouvelles – car il y en a –, l’article liminaire de ce projet de loi montre un excédent des administrations de sécurité sociale de 12,9 milliards d’euros, soit 0,5 % du PIB. Oui, mes chers collègues, un excédent ! C’est la preuve d’un système qui tient bon, malgré les tempêtes, d’un système qui est résilient, qui sait se réinventer quand il le faut.

Excédentaires, les branches famille et AT-MP le sont également avec respectivement 1 milliard et 1,4 milliard d’euros de surplus. Il y a des choses à améliorer, bien sûr. Oui, 2024 sera une année difficile, et celles qui suivront devraient l’être tout autant. Oui, nous devons accélérer les réformes structurelles. Mais ne laissons pas les inquiétudes de demain effacer les efforts réalisés.

Alors, mes chers collègues, faisons le choix de la responsabilité. Ne tournons pas le dos aux progrès accomplis. Ensemble, continuons à bâtir un système social qui protège, qui soigne, qui accompagne. C’est ce modèle que nous défendons. C’est cette solidarité que nous portons. Cela commence maintenant, par un vote responsable.

Oui, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur pour avis, des réformes structurelles sont souhaitables pour que la sécurité sociale puisse continuer à mener sa mission en faveur des Françaises et des Français. Mais ne nous trompons pas de texte ! Refuser ce texte, c’est faire de lui ce qu’il n’est pas. Ce débat, nous l’aurons dans quelques semaines lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Dans quelques minutes, notre hémicycle aura à se prononcer sur une motion tendant à opposer la question préalable. La commission des affaires sociales a en effet estimé que ce projet de loi ne respectait pas le cadre fixé lors de la création des Lacss, qu’il s’agisse de l’exactitude des comptes ou de l’appréciation de l’efficience des dépenses sociales, allant ainsi bien au-delà des conclusions de la Cour des comptes.

Notre groupe votera, sans surprise, contre cette motion qui s’apparente davantage au rejet d’une politique menée qu’elle ne traduit une vision purement comptable. Il vous invite – si cela a du sens – à voter pour ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.

Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le deuxième projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, que nous avons souhaité décorréler du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Auparavant expédiée à l’automne dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’approbation des comptes de l’année précédente fait, depuis la loi organique du 14 mars 2022, l’objet d’un projet de loi à part entière, présenté, en théorie, chaque année au mois de juin et accompagné d’un rapport de la Cour des comptes.

Le présent texte succède à un autre projet de loi identique présenté par le gouvernement précédent en mai 2024, mais devenu caduc du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen est très attaché à cet exercice de transparence, qui constitue un espace d’échanges primordial pour confronter nos regards sur les dépenses sociales et de santé. La philosophie de « chaînage » qui caractérise ce texte d’approbation ou de rejet des comptes s’inscrit pleinement dans notre mission de contrôle et d’évaluation de l’action du Gouvernement.

Nous en sommes d’autant plus convaincus que nous sommes acquis à l’idée selon laquelle notre sécurité sociale est l’expression de la solidarité nationale. À ce propos, je rappellerai toujours qu’elle repose sur un contrat implicite qui lie tous les citoyens : « Chacun y contribue selon ses moyens et en bénéficie selon ses besoins ».

Encore plus que l’expression de la solidarité nationale, ce contrat est à mon sens une véritable promesse républicaine de l’égalité face aux risques sociaux.

Or force est de reconnaître que ce système est en sursis. La dégradation continue des comptes sociaux, avec les 10,8 milliards d’euros de déficit et les trajectoires très pessimistes, n’augure rien de bon.

Cette situation n’est pas le fruit du hasard puisqu’elle correspond à des choix politiques court-termistes ayant substantiellement rogné les recettes de la sécurité sociale.

Par exemple, si nous pouvons admettre que les exonérations de cotisations sociales donnent une bouffée d’air frais aux petites entreprises dans nos territoires, il est néanmoins plus discutable que ces exonérations concédées aux grandes entreprises n’aient parfois pas été assorties de conditions plus rigides.

Ce manque d’anticipation entraîne des transferts considérables de recettes de l’État, notamment de la TVA, vers la sécurité sociale, ce qui s’apparente à un piège inextricable et à un développement de modèle de financement particulièrement injuste.

Par ailleurs, comme l’a évoqué Mme la rapporteure générale, dont je salue le travail, la Cour des comptes a refusé en 2023 de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales. Cette année, la Cour des comptes s’est seulement déclarée dans l’impossibilité de les certifier. Cette évolution signifie que la Cour des comptes ne déclare plus que les comptes sont faux, mais qu’elle ne parvient pas à mesurer s’ils sont justes. Les erreurs de paiement sont les principaux motifs de cette conclusion.

Dans la mesure où ce motif semble récurrent, il est donc plus que jamais nécessaire de l’endiguer au mieux par le réarmement financier, technique et humain des institutions de la sécurité sociale. C’est l’orientation que nous défendrons dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je profite de cette discussion pour saluer le caractère atypique du fonctionnement des organismes de sécurité sociale dans le département de la Lozère et leur efficacité au service du territoire.

En effet, la caisse commune de sécurité sociale (CCSS) de la Lozère est un organisme tribranches, qui assure l’ensemble des missions d’une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), d’une caisse d’allocations familiales (CAF) et d’une Urssaf. L’harmonie dans l’exécution des tâches qui leur incombe, sans perte d’identité propre, est une référence qui pourrait s’exporter dans d’autres territoires.

Ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023 est aussi l’occasion de préparer le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, mais surtout de se poser la question de la meilleure utilisation de l’argent public, non pas uniquement pour aboutir à un équilibre financier – certes nécessaire –, mais surtout pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, de protection, d’accompagnement et de solidarité envers les personnes vulnérables. Il s’agit aussi d’un enjeu fondamental de qualité de vie au travail des personnels des secteurs de la santé et du social, qui évoluent souvent dans des environnements en mode dégradé.

Pour conclure, je tiens à ce moment de la discussion à rappeler que la position constante du groupe du RDSE est de s’opposer aux motions tendant à opposer la question préalable, préférant systématiquement privilégier le débat quand s’en présente la possibilité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Viviane Malet applaudit également.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tel qu’il est présenté, ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale souffre d’une altération générale de l’état financier. Il souffre aussi, et surtout, de projections inquiétantes pour les prochaines années.

Devant ces dérapages, on est en droit d’espérer une démarche corrective susceptible d’apporter une sorte de « guérison ».

Malheureusement, madame la ministre, le principe d’annualité budgétaire semble condamner les gouvernements successifs à piloter les comptes de la sécurité sociale à la petite semaine, sans perspective de retour à l’équilibre. On donne de petits coups de barre, ici et là, au lieu de prendre le temps de penser une réforme structurelle de notre système.

Prenons l’exemple de la branche vieillesse. Les ajustements paramétriques de la dernière réforme des retraites, pour nécessaires qu’ils soient et douloureux qu’ils furent, ne sont au mieux que des palliatifs. C’est pourtant la moitié de notre dette. Le haut-commissaire au plan, ainsi que l’ancien directeur général des impôts, Jean-Pascal Beaufret, ont levé le voile sur cette question sans être écoutés…

Une refonte du système s’impose, car le déficit est en grande partie masqué par les subventions de l’État aux régimes publics : 40 milliards d’euros pour la fonction publique d’État – dont la pyramide des âges est en déséquilibre –, sans compter les apports supplémentaires pour l’équilibre permanent des régimes spéciaux déficitaires. Au total, la somme s’élève à 60 milliards ou à 70 milliards d’euros.

Il est donc urgent d’agir. L’une des pistes, à mes yeux, serait de décomposer le système des retraites en trois secteurs – privé, public et libéral – afin d’y appliquer les réformes appropriées, en les différenciant. Nous l’évoquerons lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Revenons aux comptes de 2023. Avec mes collègues, nous n’avons cessé de proposer des solutions pour remettre les comptes sociaux sur la voie de l’équilibre. Or cet équilibre est indissociable de la question démographique, car sans politique favorisant la natalité, la dégradation des recettes des branches vieillesse, santé et autonomie entraînera inévitablement une baisse des prestations.

Ensuite, qu’il s’agisse de maîtriser l’Ondam, de lutter contre les actes médicaux inutiles et redondants ou la fraude sociale, de rendre l’inscription obligatoire de tous les actes dans le dossier médical partagé (DMP), d’améliorer l’emploi des seniors ou de repenser le rôle des mutuelles, notre commission et notre groupe ont fait des propositions. Elles n’ont été que timidement suivies.

Sur ce dernier point, à savoir les mutuelles et plus généralement les complémentaires santé, je veux soulever la question de leur place dans notre système. Ne doit-on pas revoir leur rôle en les cantonnant, par exemple, à la prévention et au remboursement de certains actes ciblés ? Doit-on continuer sur la voie du financement croisé, au fil de l’eau, la sécurité sociale leur renvoyant ce qu’elle estime ne plus pouvoir payer, au risque, in fine, d’alourdir encore les cotisations des assurés, particulièrement des plus âgés ?

On le sait, une autre voie est possible. Le nouveau gouvernement serait inspiré de l’emprunter.

Il faut, en effet, refonder notre système de santé sur des bases claires, qui nous permettront d’économiser des milliards et d’en investir autant pour relever les défis de la protection sociale de nos concitoyens.

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le Sénat avait pris ses responsabilités et formulé des propositions pour réduire le déficit. Le gouvernement de l’époque n’a retenu qu’une infime partie de notre travail, balayant le reste d’un 49.3.

L’objectif, pourtant, nous paraissait commun à tous autant qu’ambitieux : garantir la viabilité financière de notre système tout en maintenant une protection sociale de qualité pour les Français.

À l’évidence, les comptes de la sécurité sociale pour 2023 n’atteignent pas cet objectif. L’administration, aussi experte soit-elle, ne parviendra pas à gérer la crise sans la participation de nos concitoyens et de tous les élus – à commencer par les parlementaires –, qui se battent pour conserver ou recruter des médecins et créer des maisons de santé dans leurs territoires. Ils sont les premiers témoins de la situation dégradée de l’accès aux soins, qui surcharge les urgences de l’hôpital public.

Au final, c’est la confiance et la foi dans le service public qui s’érodent, en premier lieu au sein des personnels. De nombreux rapports l’attestent. La Cour des comptes elle-même le confirme. Elle a même refusé – ou plutôt, elle a été dans l’impossibilité de le faire – de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales, concluant qu’ils étaient inexacts. Élisabeth Doineau, notre rapporteure générale, l’a parfaitement démontré : cela en dit long sur l’état des comptes sociaux.

Nous n’avons pas été écoutés, nous avons peut-être même été ignorés, lors des débats sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Comment pourrions-nous alors nous prononcer aujourd’hui sur ces comptes ?

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera la motion tendant à opposer la question préalable que Mme la rapporteure générale présentera dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande aujourd’hui d’approuver les comptes de la sécurité sociale pour 2023, contre lesquels nous avions voté et dont nous mesurons aujourd’hui les échecs.

Selon le dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes écrit : « Un tel niveau de déficit est un point de bascule, car le financement des déficits de la sécurité sociale n’est plus assuré à terme. »

Le déficit de la sécurité sociale pour 2023 s’élève à 10,8 milliards d’euros, soit 4 milliards d’euros de plus que les prévisions de la loi de financement initiale.

Cette photographie des comptes de la sécurité sociale en 2023 illustre les conséquences des politiques d’austérité et le refus obstiné de dégager de nouvelles recettes en mettant à contribution les entreprises et les revenus financiers.

Ce texte illustre également les conséquences du refus du Gouvernement de prendre en charge les coûts de la pandémie de covid-19 et le transfert de l’addition sur le dos de la sécurité sociale.

Surtout, comme c’était le cas sur la question du budget évoqué tout à l’heure, le déficit des comptes s’explique en grande raison par les moindres recettes perçues par le Gouvernement.

La croissance a été moindre que ce que le gouvernement précédent avait espéré. Il fallait s’en douter, mais les conséquences sont importantes : moins de croissance, c’est moins d’emplois, moins de cotisations et donc un déficit structurel.

Pour la première fois depuis trois ans, nous constatons une baisse des effectifs salariés. Le chômage augmente et les salaires stagnent en raison du développement des compléments de salaire, qui privent la sécurité sociale de 18 milliards d’euros non compensés par l’État.

Au-delà du niveau d’emploi dont se félicite le Président de la République, la question qui se pose est celle des allégements de cotisations sur les bas salaires qui ont le double défaut de maintenir les salaires autour du Smic et de priver les comptes de la sécurité sociale de rentrées nécessaires.

Selon la Cour des comptes, les niches sociales, qui représentaient 87,5 milliards d’euros versés aux salariés en 2022, contribuent à remplacer les augmentations de salaire et à aggraver le déficit de la sécurité sociale.

Si l’on ajoute à cela les 74 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales, vous comprendrez vite d’où vient le déficit organisé de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, vous qui avez voté en faveur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, vous devez assumer la situation des hôpitaux publics, les urgences saturées, les professionnels épuisés. Assumez le déficit de 2 milliards d’euros des hôpitaux publics en 2024 ! Assumez la coresponsabilité avec le gouvernement précédent des 85 % d’Ehpad publics qui sont aujourd’hui déficitaires !

Pour notre part, nous sommes cohérents, nous refusons de valider les comptes de la sécurité sociale de 2023 alors que les orientations prises ont amplifié une crise sanitaire et sociale déjà catastrophique.

Nous refusons de valider un texte qui prévoyait un Ondam largement sous-évalué et qui ne tenait même pas compte du niveau de l’inflation.

Pour paraphraser Bossuet, nous déplorons l’attitude qui vise à se plaindre des conséquences dont on a chéri les causes.

Nous refusons enfin de donner quitus à l’acharnement d’Emmanuel Macron de saigner les dépenses publiques au seul bénéfice du CAC 40.

Par cohérence avec notre vote contre la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, nous voterons contre l’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)