M. Fabien Gay. Avant tout, je tiens à dire qu’il est plaisant d’avoir, au banc du Gouvernement, une ministre qui répond à un certain nombre de nos interrogations : nous avons le sentiment d’engager un débat, ce qui est précisément le rôle du Parlement.
Madame la ministre, vous nous dites que l’énergie, pour vous, c’est une question de territoire. Pour notre part, nous avons une autre vision, mais les points de vue peuvent bien sûr se confronter. À nos yeux, l’énergie, c’est de l’aménagement du territoire ; sa vocation est de répondre aux besoins des populations, de produire là où c’est nécessaire. C’est précisément pourquoi nous prônons un service public unifié.
Le 2 septembre dernier, nous avons déposé une proposition de loi pour nationaliser TotalEnergies et Engie ; placées au côté d’EDF, ces nouvelles entreprises publiques permettraient de créer un grand service public de l’énergie. C’est une idée que je défends régulièrement dans cet hémicycle et un projet auquel nous travaillons depuis maintenant deux ans.
L’État disposerait ainsi d’un bras armé pour répondre à deux besoins : premièrement, continuer à décarboner notre mix énergétique, qui, comme chacun sait, dépend encore essentiellement des énergies fossiles ; deuxièmement, sortir 15 millions de personnes de la précarité énergétique, notamment via un tarif, différent du prix, se rapprochant des coûts de production.
Nous disposerions dès lors de trois établissements publics industriels et commerciaux (Épic) distincts : le premier pour l’électricité, le deuxième pour le gaz et le troisième pour le pétrole.
Madame la ministre, cette idée doit faire son chemin ; elle mérite d’être débattue. C’est pourquoi nous proposons que le Gouvernement se saisisse de notre proposition de loi et remette des rapports sur le sujet. Pour ma part, je suis à votre disposition pour y travailler avec un membre de la majorité.
Je précise que notre proposition de loi est chiffrée : elle coûte 193 milliards d’euros, somme amortissable en sept à dix ans. Elle porte en elle la promesse d’un nouveau service public de l’énergie, différent de celui qu’a créé Marcel Paul par la loi du 8 avril 1946 et marquant une nouvelle étape de la nationalisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Mon cher collègue, les dispositions de cet amendement me semblent tout à fait inédites.
Vous l’avez rappelé vous-même d’entrée de jeu, il s’agirait de créer un service public de l’énergie englobant à la fois l’électricité, le gaz et le pétrole. Or une telle structure serait contraire au cadre européen : les directives du 13 juillet 2009 régissant les marchés de l’électricité et du gaz organisent une mise en concurrence dans ces deux secteurs.
Un tel service public serait aussi contraire au cadre national. En effet, la loi de nationalisation du 8 avril 1946, votée notamment par vos collègues de l’époque, n’a jamais concerné le marché public du pétrole.
M. Fabien Gay. Il n’est pas interdit d’innover !
M. Alain Cadec, rapporteur. La commission émet donc, évidemment, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous proposez que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la création d’un Épic Groupe Énergie de France.
L’organisation du système énergétique national repose sur un ensemble d’institutions dont les missions sont aujourd’hui clairement établies. Ce point a d’ailleurs été largement discuté lors de l’examen de la proposition de loi Brun, en avril 2024, texte qui a notamment acté formellement la détention à 100 % du capital d’EDF par l’État.
La création d’un tel groupe public ne semble ni étayée ni éclairée par d’éventuels bénéfices : le Gouvernement émet en conséquence un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, la proposition de loi Brun, qui a fait l’objet de trois lectures dans notre assemblée, ne procède pas à la renationalisation, mais à la ré-étatisation d’EDF. En effet, cette entreprise garde son statut de société anonyme : on est bien loin d’un nouveau service public démocratisé impliquant les usagères et les usagers – je vous ferai parvenir le texte de notre proposition de loi et vous pourrez le constater par vous-même.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison : en l’état, ces dispositions sont contraires au droit européen. Mais, sur ces questions, nous proposons précisément d’engager un débat politique, et même un combat politique, en posant la question suivante : pourquoi ne pas employer cet outil que l’on appelle le service public pour répondre à un certain nombre de besoins humains dans tel ou tel domaine ?
Pour notre part, nous considérons que l’énergie doit être mise à l’abri du secteur marchand, reconnue comme un besoin fondamental et placée sous domaine public. Un tel projet suppose une lutte politique.
Prenons garde ! Se contenter de répondre à chaque question posée que « de toute façon, on ne peut rien faire ; le débat est intéressant, mais il est interdit d’y réfléchir, car cette idée n’est pas conforme au droit européen », c’est nourrir le désespoir et, de facto, le vote pour l’extrême droite.
Le Parlement doit aussi être le lieu de débats et de luttes politiques. Certains persistent à penser que l’énergie doit être un bien marchand, soumis aux aléas du marché ; mais – on l’a vu au cours des trois dernières années – de telles idées nous conduisent droit dans le mur.
Nous proposons un autre chemin. Bien sûr, je ne m’attends pas à ce que la droite sénatoriale vote une loi de nationalisation plus ambitieuse encore que celle de Marcel Paul. (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) Mais, a minima, il faut avoir ce débat : c’est pourquoi nous demandons la remise d’un rapport.
Je le répète, je suis à disposition pour travailler sur ce sujet, y compris avec quelqu’un qui est en désaccord avec notre projet. Le rôle du Parlement, c’est au moins d’en débattre.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Après le 3° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, sont insérés des 3° bis et 3° ter ainsi rédigés :
« 3° bis Garantir le maintien du principe de péréquation tarifaire et l’existence des tarifs réglementés de vente d’électricité, la détention par l’État de la totalité des parts du capital de l’entreprise dénommée « Électricité de France », conformément à l’article L. 111-67, la propriété publique du réseau de distribution d’électricité, conformément à l’article L. 322-4, la propriété publique du réseau de transport d’électricité, la sécurité d’approvisionnement en électricité ainsi que la recherche d’exportations dans ce secteur ;
« 3° ter Garantir le maintien d’un prix repère de vente de gaz naturel, publié par la Commission de régulation de l’énergie, la détention par l’État d’une partie du capital de l’entreprise dénommée « Engie », conformément à l’article L. 111-68 du présent code, la propriété publique du réseau de distribution de gaz, conformément à l’article L. 432-4, la sécurité d’approvisionnement en gaz, ainsi que la diversification des importations dans ce secteur ; ».
M. le président. L’amendement n° 40, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au 2° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, après le mot : « nécessité », sont insérés les mots : « notamment en favorisant une tarification sociale et progressive selon le niveau de consommation des ménages et leur composition » ;
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement vise à inscrire à l’article L. 100-2 du code de l’énergie une nouvelle exigence pour la politique énergétique.
Dans un contexte géopolitique incertain favorisant l’instabilité des prix de l’énergie, nous devons protéger les ménages autant que faire se peut. Voilà pourquoi nous souhaitons favoriser une tarification sociale et progressive de l’énergie résidentielle. Ce faisant, l’on pourra engager une transition écologique socialement plus juste : c’est la condition sine qua non du succès de la transition énergétique.
En outre, une telle tarification permettra de répondre à l’urgence sociale. Je pense en particulier à nos concitoyens les plus affectés par la hausse des prix de l’énergie, les dépenses énergétiques étant par nature captives et progressant régulièrement dans le budget des ménages depuis plusieurs années.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Mon cher collègue, non seulement nous sommes défavorables à ces dispositions sur le fond, mais, sur la forme, ces dernières soulèvent une difficulté juridique majeure.
La construction des TRVE s’en trouverait déstabilisée, ce qui nuirait in fine aux consommateurs. Je rappelle au passage que, pour le gaz, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en date du 7 septembre 2016 et un arrêt du Conseil d’État du 19 juillet 2017 ont mis fin aux tarifs réglementés de vente. Ces derniers se sont éteints le 1er juillet 2023, en application de la loi Énergie-climat de 2019.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, la tarification progressive que vous proposez serait très complexe à mettre en œuvre. Vous vous souvenez comme moi de la loi Brottes de 2013 : ce texte, qui mettait en œuvre une tarification semblable, avait été censuré par le Conseil constitutionnel.
Or nous disposons aujourd’hui d’un autre outil, à savoir le chèque énergie, pour aider les ménages modestes quelle que soit l’énergie qu’ils utilisent.
Enfin, les dispositions que vous suggérez contreviendraient au droit communautaire.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet à son tour un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Madame la ministre, pour savoir ce qu’il adviendra du chèque énergie pour des millions de familles, nous attendons l’issue des débats budgétaires…
La Cour des comptes l’a souligné dans divers rapports : en la matière – je pense notamment au bouclier énergétique –, on a dépensé des dizaines de milliards d’euros d’aides, dont ont bénéficié des ménages qui en réalité n’en avaient pas besoin. Il aurait fallu concentrer l’effort sur les familles les plus en difficulté.
Il paraît juste que les premiers kilowattheures soient gratuits pour les ménages les plus modestes : s’il y avait une volonté politique, nous pourrions – j’en suis sûr – trouver le chemin d’une telle tarification progressive.
Je le souligne à mon tour, il s’agit là d’une dépense contrainte, qui représente des montants très élevés. À l’heure où l’on parle de nouvelles fiscalités, y compris sur le gaz, il est temps d’affiner nos dispositifs. Rien ne justifie que l’on traite les familles françaises de la même manière, qu’elles soient pauvres ou qu’elles soient riches.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
et l’existence
Par les mots
, l’existence de prix stables et abordables de l’électricité reflétant les coûts complets du système de production électrique, le maintien
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. La crise énergétique a révélé la défaillance du marché européen de l’électricité ainsi que son incapacité à répondre à l’urgence écologique et sociale, et donc, en la matière, aux trois défis du XXIe siècle : la décarbonation de notre économie ; la sécurité de notre approvisionnement énergétique ; et le maintien de prix à la fois abordables pour nos ménages et compétitifs pour tous nos concitoyens.
En effet, à partir de l’été 2021, les prix de l’électricité ont explosé, atteignant des pics non seulement sans précédent, mais décorrélés de nos coûts de production. Cette situation a entraîné de graves conséquences pour tous les acteurs économiques, à commencer par une hausse vertigineuse des factures.
De même que l’inflation, la volatilité des prix nuit gravement à l’activité économique. Les entreprises ont besoin de visibilité à long terme au sujet de leurs coûts de production ; or l’énergie représente souvent une grande part de ces derniers.
À nos yeux, la volatilité des prix de l’électricité ne doit pas devenir une donnée structurelle. Alors que la réforme du marché européen de l’énergie est en cours, nous devons veiller à ce que ces prix ne soient pas indexés sur ceux des énergies fossiles. À l’inverse, ils doivent refléter fidèlement les coûts complets de notre système de production d’électricité.
Notre amendement tend à compléter en ce sens l’alinéa 2 du présent article.
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
l’existence
par les mots :
le maintien
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 34 rectifié et défavorable à l’amendement n° 30.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le Gouvernement approuve évidemment votre objectif : garantir, pour l’électricité, un prix à la fois stable et abordable, représentatif des coûts du système électrique. C’est précisément ce que nous avons défendu à l’échelle européenne, avec la refonte des textes relatifs au marché de l’électricité.
Toutefois, ces objectifs sont déjà mentionnés à l’article L. 100-2 du code de l’énergie : je vous suggère donc de retirer l’amendement n° 34 rectifié.
En revanche, pour ce qui concerne l’amendement rédactionnel n° 30, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Michau, l’amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Michau. Oui, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 30 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 118 rectifié, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin et Patriat, Mme Havet, M. Omar Oili, Mme Phinera-Horth, M. Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
transport d’électricité
insérer les mots :
, conformément aux articles L. 111-19, L. 111-41 et L. 111-42
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. À l’instar de l’amendement COM-11 rectifié, relatif au réseau de distribution d’électricité, adopté en commission, cet amendement vise à lever une ambiguïté en apportant la précision suivante : le principe de propriété publique du réseau de transport s’apprécie au regard des autres dispositions législatives du code de l’énergie prévoyant, premièrement, que le capital du gestionnaire du réseau de transport est détenu en totalité par Électricité de France, l’État ou d’autres entreprises appartenant au secteur public et, deuxièmement, que ce gestionnaire est propriétaire des actifs nécessaires à son activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement intéressant, qui a pour objet la propriété du réseau public de transport d’électricité, tend à renvoyer à des dispositions plus précises du code de l’énergie.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Cet amendement vise à lever une ambiguïté relative à la propriété publique du réseau de transport d’électricité, afin d’assurer la cohérence des dispositions de cette proposition de loi avec celles du code de l’énergie traitant du même sujet.
Ces clarifications sont bienvenues et le Gouvernement émet à son tour un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 78, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
d’exportations dans ce secteur
par les mots :
de solidarité électrique européenne par le développement des interconnexions
II. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
diversification
par les mots :
réduction graduelle
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. L’article 1er réaffirme, bien sûr à juste titre, l’importance de la sécurité de notre approvisionnement et, partant, de notre souveraineté.
En revanche, il a le tort de traduire une vision très exportatrice de notre électricité. Tous les scenarii le soulignent : d’ici à 2035, horizon somme toute proche, notre problème sera en réalité de boucler notre équation énergétique. Nos usages et nos modes de production vont probablement largement s’électrifier, sans que nous disposions forcément de l’offre à même de satisfaire la demande.
Dès lors, nous préférons mettre l’accent sur la solidarité électrique européenne et sur les interconnexions : on sait à quel point ces dernières sont gages de souveraineté à l’échelle de notre continent et de stabilité du marché.
En outre, cet article insiste sur la nécessité de diversifier nos approvisionnements gaziers, alors même qu’il faut sortir du gaz !
Permettez-moi de vous renvoyer aux travaux de la commission d’enquête sénatoriale relative à Total : dans ce cadre, nous avons appelé la France à mettre un terme à ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe.
Le GNL – on le sait – est extrêmement polluant. Il est beaucoup plus polluant que le gaz naturel ; quand il vient d’Amérique du Nord, c’est du gaz de schiste, lequel est plus polluant que le pétrole et même, selon certaines estimations, que le charbon… L’enjeu est donc non pas de diversifier nos importations de gaz, mais bien d’y mettre fin ; et, pour cela – nous y reviendrons –, il faut renforcer nos objectifs de production d’énergies renouvelables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Mon cher collègue, de telles dispositions ne nous semblent pas opportunes. D’une part, elles éroderaient l’ambition énoncée à l’article 1er. De l’autre, elles se révéleraient redondantes. En effet, l’article 9 de la proposition de loi relève déjà de 20 % à 30 % l’objectif de réduction de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030, en commençant par le gaz.
J’ajoute que les mécanismes de solidarité européenne évoqués sont prévus, pour l’énergie électrique, par la réforme du marché européen de l’électricité proposée en 2023 et, pour le gaz, par le paquet gaz présenté en 2021.
Quant aux interconnexions, elles figurent d’ores et déjà dans notre droit national.
Aussi, je vous prie de bien vouloir de retirer votre amendement, même si je pense que vous ne le ferez pas !
M. Yannick Jadot. Jamais ! (Sourires.)
M. Alain Cadec, rapporteur. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Disposer de marges sur le système électrique est un enjeu majeur pour notre sécurité d’approvisionnement : il y va en effet de notre souveraineté énergétique.
Ainsi, la France a vocation à conserver un solde exportateur positif, ce qui fut le cas pendant trente-neuf des quarante dernières années.
En outre, les précisions prévues dans cet amendement figurent déjà pour l’essentiel dans notre droit. Pour l’électricité, le code de l’énergie contient un objectif de développement des interconnexions ; et, pour le gaz, le même code fixe l’objectif d’une réduction progressive de la consommation d’énergies fossiles.
Aussi, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Jadot, l’amendement n° 78 est-il maintenu ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Le jour où notre collègue retirera un amendement… (Sourires.)
M. Yannick Jadot. Je maintiens mon amendement, monsieur le président.
Madame la ministre, avant la guerre en Ukraine, l’économie européenne s’est largement construite, à bas coût, sur le gaz russe : on sait combien nous avons payé cette dépendance.
Quoi qu’il en soit, le gaz russe était acheminé par gazoduc ; comment peut-on croire qu’en y substituant du GNL en provenance du monde entier l’on obtiendra la même équation de prix et la même garantie d’approvisionnement ? On se berce d’illusions !
Le GNL transporté par tankers va par définition au plus offrant : aucun lien contraignant n’associe l’acheteur au vendeur. Si nous refusons d’admettre qu’il faut à tout prix sortir du gaz, nous dépendrons d’un marché mondial en proie à la guerre économique. Dès qu’elle amorcera sa reprise, la Chine monopolisera les tankers de GNL et nous serons en difficulté – sans parler des enjeux de pollution que j’ai mentionnés précédemment.
Bref, si nous voulons être souverains en matière énergétique, le GNL est la pire des solutions.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. J’estime que M. Jadot pose une question absolument fondamentale.
Nous travaillons tous aujourd’hui au développement d’énergies décarbonées ; et, à un horizon qui n’est peut-être pas si lointain, nous pourrions disposer d’un système énergétique totalement décarboné. Comment les prix seront-ils fixés ?
Vous le savez : à l’heure actuelle, c’est la dernière centrale appelée, laquelle fonctionne en général au gaz naturel, qui dicte le prix à partir duquel tout est élaboré, notamment le prix que paient les consommateurs, tous autant qu’ils sont, pour leur électricité. C’est là, me semble-t-il, toute la question posée par cet amendement.
Madame la ministre, pourrez-vous nous expliquer, maintenant ou plus tard dans ce débat, comment votre gouvernement compte aller vers un mix complètement décarboné ? Comment un tel système fonctionnera-t-il concrètement ?
Il s’agit non seulement de s’affranchir du gaz naturel, comme le souligne notre collègue, mais de savoir quelle sera finalement l’énergie marginale, permettant de faire fonctionner la dernière centrale ou la dernière unité de production appelée sur le réseau ? Je vous remercie par avance d’expliciter les orientations et la vision du Gouvernement sur cette question.
M. le président. L’amendement n° 131, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après les mots :
régulation de l’énergie
insérer les mots :
et la création d’un prix repère « offres fixes »
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Est exclue de la construction du prix repère de vente de gaz naturel l’indexation sur l’inflation des coûts commerciaux ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Parallèlement à la fin des tarifs réglementés de vente de gaz, on a décidé la publication par la CRE d’un prix repère de vente de gaz naturel (PRVG), censé accompagner les consommateurs et consommatrices résidentiels dans le choix de leur offre de fourniture gazière.
Le but affiché était de refléter la construction d’une offre de marché par un fournisseur efficace. Ce prix repère traduit donc les variations mensuelles et trimestrielles du prix du gaz. En conséquence, il est susceptible de différer sensiblement des tarifs d’une offre à prix fixe.
Mes chers collègues, à la suite de nos échanges avec plusieurs associations de consommateurs, parmi lesquelles l’UFC-Que Choisir, nous vous proposons d’exclure l’indexation des coûts commerciaux sur l’inflation de la construction du PRVG. En effet, une part non négligeable de ces coûts est imputable aux démarchages téléphonique et physique, ainsi qu’à la publicité.
Pour être utile au consommateur final, le PRVG devrait être établi sur la base de coûts stables et transparents, indépendants de la performance moyenne des fournisseurs. À défaut, ce prix repère est détourné de son objectif premier et ne sert qu’à favoriser le positionnement des fournisseurs.
De plus, il faut souligner que de nombreux consommateurs optent pour des offres à prix fixe sur un ou deux ans pour échapper aux fluctuations du marché. Ces particuliers doivent eux aussi pouvoir se référer à des offres à un prix repère fixe, comme les consommateurs ayant opté pour des offres à prix variable ; or, pour l’heure, cette possibilité ne leur est pas ouverte.
Aussi, nous souhaitons garantir la publication d’un tarif de référence pour les offres à prix fixe en complément du PRVG. La CRE elle-même le relève dans une délibération de mai dernier : une telle publication « présenterait l’intérêt de mettre en avant la diversité des offres de marché et permettrait aux consommateurs de comparer les offres à prix fixe avec une référence homogène ».