Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Philippe Mouiller, mes chers collègues, nous allons aujourd’hui nous prononcer sur la proposition de loi relative à l’amélioration de la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique, plus communément appelée maladie de Charcot, et d’autres maladies évolutives graves.
Le texte a été déposé par nos collègues Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller, dont je tiens à saluer l’initiative et le travail. Je remercie également les rapporteures Laurence Muller-Bronn et Corinne Féret. Par ailleurs, j’associe à mon propos ma collègue Anne-Sophie Romagny, qui, étant retenue aujourd’hui, ne pourra pas s’exprimer avec moi au nom du groupe Union Centriste.
La maladie de Charcot est une maladie rare. Elle est aujourd’hui considérée comme la plus répandue des maladies impactant le neurone moteur en France. Entre 6 000 et 7 000 personnes sont actuellement concernées dans notre pays.
Nous ne disposons pas, à l’heure actuelle, de traitement capable de guérir ces patients. Cependant, nous avons la capacité d’apporter des améliorations aux dispositifs de prise en charge les concernant. C’est précisément sous cet angle que le présent texte aborde la maladie.
Tout d’abord, je souhaiterais faire un point de clarification. Si le texte concerne essentiellement les personnes atteintes de la maladie de Charcot, nous n’oublions pas les personnes atteintes de pathologies évolutives graves entraînant notamment une diminution de la capacité à marcher, à parler, à s’alimenter et à respirer. Ces personnes pourront également bénéficier des dispositions dont nous allons débattre.
Ensuite, j’aimerais vous dire quelques mots sur les spécificités de cette maladie, qui nécessite une prise en charge adaptée.
Les travaux de nos rapporteures ont mis en lumière les multiples formes de handicap qui apparaissent ainsi au fil de son évolution. Les activités simples de la vie quotidienne deviennent progressivement difficiles, voire impossibles. Toutefois, la chronologie et le rythme de progression de l’atteinte motrice sont spécifiques à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap.
S’il est impossible de compenser les besoins par anticipation, il existe un dispositif de prise en charge permettant aux patients de faire face à leurs besoins du quotidien ; je pense par exemple aux aides humaines, ainsi qu’à l’adaptation de leur logement ou de leur véhicule. Les personnes dont la SLA a été diagnostiquée avant l’âge de 60 ans bénéficient d’une prise en charge à 100 % de leurs frais de santé par l’assurance maladie, et elles peuvent demander en complément une prestation de compensation du handicap.
Le cœur du texte est l’article 1er, relatif à l’efficacité du traitement des dossiers des personnes atteintes des pathologies précitées, afin de permettre à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de les identifier directement.
Pour que la personne puisse percevoir la prestation de compensation du handicap, la CDAPH doit se prononcer sur la base de l’évaluation de l’équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées.
La réglementation donne à la CDAPH un délai de quatre mois pour statuer sur une demande de PCH. Seulement, en réalité, ce délai varie selon les départements ; il peut doubler, voire, dans certains cas, aller jusqu’à neuf mois.
Les délais de traitement des dossiers, qu’il s’agisse d’une ouverture de droits ou d’une actualisation d’une demande de PCH, se révèlent bien trop longs au regard de la rapidité de l’évolution de la maladie.
En effet, les familles doivent souvent avancer les frais occasionnés par la compensation des handicaps, alors que les besoins du malade peuvent avoir changé avant même que la demande n’ait abouti.
Si des procédures spéciales existent pour permettre l’attribution d’une PCH de manière plus rapide, ce n’est qu’à titre provisoire.
C’est pour pallier la longueur de ces délais de traitement et leur inégalité selon les territoires que l’article 1er instaure une procédure dérogatoire des demandes de traitement des PCH dans le cas de maladies évolutives graves comme la SLA.
Un amendement des rapporteures en commission a d’ailleurs permis d’enrichir le dispositif en rendant systématique l’identification par la MDPH, dès leur dépôt, des dossiers relatifs à une telle pathologie et en prévoyant que ces dossiers soient traités en partenariat avec les centres de référence pour les maladies rares chargés du suivi des personnes concernées.
Toutefois, je souhaiterais soulever deux points de vigilance auxquels la commission a été attentive.
La rédaction initiale du texte prévoyait que la liste des maladies concernées par cette procédure dérogatoire serait fixée par arrêté. Cette formulation n’étant pas assez précise, la commission a fait le choix de circonscrire le champ des pathologies concernées en destinant le dispositif aux « pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles ».
Il est envisagé dans le texte d’introduire au sein de cette procédure dérogatoire la possibilité pour un membre de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH de proposer directement à la CDAPH, sur la base d’une prescription médicale ou de la prescription d’un ergothérapeute présentée par le demandeur, les adaptations nécessaires au plan personnalisé de compensation. La collégialité est un élément essentiel dans le traitement des dossiers des patients. Dans ces circonstances, il faudra veiller en pratique à ce que le membre de l’équipe pluridisciplinaire désigné pour proposer des adaptations à la MDPH ne soit pas soumis à une trop grande responsabilité.
L’article 2 renforce le dispositif prévu par l’article 1er en supprimant la condition d’âge, fixée à un âge inférieur à 60 ans au moment du diagnostic, pour bénéficier de la PCH. Actuellement, les personnes pour lesquelles le diagnostic de la SLA est posé après leur soixantième anniversaire ne peuvent pas bénéficier de la PCH. Une telle différence de traitement emporte des conséquences directes sur les conditions de vie des patients et sur leurs choix thérapeutiques.
Grâce à l’article 2, les personnes atteintes d’une telle pathologie pourraient également bénéficier du dispositif de l’article 1er dans les mêmes conditions que les patients âgés de moins de 60 ans. Cela me semble plus juste.
Enfin, l’article 3 prévoit un concours financier de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux départements, afin de compenser le surcroît de dépenses de PCH occasionné par le dispositif.
Les gages financiers semblent souvent bien cosmétiques. Au moment où les budgets annoncent une maîtrise importante des dépenses, nous attendons que soient apportées des garanties, afin que les départements soient intégralement compensés de cette dépense supplémentaire.
Au regard des éléments étayés par les rapporteures et par les membres de la commission des affaires sociales, le groupe Union Centriste est bien évidemment favorable à l’amélioration de la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves. Il votera sans réserve la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de nos collègues Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller nous invite à réfléchir à l’amélioration de la prise en charge des maladies évolutives graves, notamment celle de la sclérose latérale amyotrophique.
Je veux saluer ici le courage et la détermination de notre collègue Gilbert Bouchet, qui était présent à l’ouverture de cette séance. Je remercie également le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, d’avoir cherché à associer largement à cette proposition de loi, indépendamment des divergences politiques sur d’autres sujets, pour qu’elle rassemble le plus possible de signataires. Après votre interpellation, monsieur le président, l’intégralité du groupe CRCE-K a su répondre présent en vingt-quatre heures sur cet objectif.
Cela a été souligné, la sclérose latérale amyotrophique, également appelée maladie de Charcot, est une pathologie neuromusculaire progressive dont on compte chaque année 1 700 nouveaux cas chez des personnes dont l’âge se situe entre 50 ans et 70 ans. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), son origine est encore complexe à déterminer, mais elle serait multifactorielle. Il existe des facteurs génétiques, mais également des facteurs environnementaux, comme l’exposition aux métaux lourds.
Monsieur le ministre, j’attire votre attention à cet égard. Dans le bassin minier du nord de la France, et plus particulièrement du Pas-de-Calais, nous subissons encore aujourd’hui les conséquences de la pollution au plomb des raffineries de métaux.
Je pense notamment – ma collègue Cathy Apourceau-Poly m’a demandé d’insister sur ce point – à l’entreprise Metaleurop, qui a contaminé au plomb les sols de la ville d’Évin-Malmaison ; on compte des milliers de victimes et des enfants atteints de graves troubles neurologiques.
Il y a donc un travail à effectuer pour éviter les contaminations en responsabilisant davantage les entreprises pollueuses.
Cette proposition de loi pointe les difficultés rencontrées par les malades à concilier l’évolution rapide de la maladie et les lenteurs administratives des délais de traitement des dossiers par les maisons départementales des personnes handicapées. Patienter en moyenne cinq mois apparaît à contretemps du rythme d’évolution de la maladie.
Vous proposez donc, mes chers collègues, de créer une procédure dérogatoire simplifiée et accélérée devant les MDPH. Selon le rapport de la commission des affaires sociales, cette procédure d’urgence existe déjà et permet d’attribuer une prestation à titre provisoire dans un délai de quinze jours. Dès lors, il faudrait la généraliser, afin de garantir aux personnes concernées des délais rapides, tout en maintenant l’analyse des besoins par une équipe pluridisciplinaire.
J’en profite pour rappeler notre attachement aux MDPH, dont la responsabilité dans les délais de traitement incombe principalement au manque de moyens humains et financiers mobilisés par les gouvernements successifs.
Nous étions inquiets des conséquences de la procédure dérogatoire pour les personnes handicapées en créant, finalement, un système à deux vitesses. Je le dis très sincèrement ici, nous sommes rassurés par les modifications introduites en commission pour limiter cette procédure dérogatoire aux pathologies d’évolution rapide causant des handicaps sévères et irréversibles.
La proposition de loi prévoit également la création d’une exception pour les personnes atteintes de la maladie de Charcot, afin de bénéficier de la PCH après 60 ans. La suppression de cette barrière d’âge de 60 ans est un progrès ; nous espérons une suppression totale à terme. Notre groupe – dois-je le rappeler ? – le demande depuis 2015 en déposant un amendement sur chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale ; comme la majorité sénatoriale l’a accepté dans ce texte, elle y sera, n’en doutons pas, favorable lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Je termine en évoquant le financement du dispositif. Le texte prévoit une compensation des dépenses aux départements par la CNSA. La contribution de cette dernière aux départements, dont les dépenses d’accompagnement de la perte d’autonomie progressent chaque année, est indispensable. Mais nous refusons – je le dis nettement – que les 30 millions d’euros supplémentaires reposent uniquement sur les salariés. La CNSA étant financée à 90 % par les salariés et les retraités, la solidarité des entreprises devrait jouer beaucoup plus fortement.
Loin de toute polémique sur ce texte, nous n’avons pas déposé d’amendement pour mettre à contribution les entreprises au financement de la perte d’autonomie. Pour autant, au pays de Voltaire et de Hugo, je demeure convaincue que, sur ce sujet comme sur d’autres, la question de la justice fiscale se pose pour répondre aux défis de notre société.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera cette proposition de loi pour apporter une réponse concrète aux difficultés rencontrées par les personnes atteintes de maladies évolutives graves. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et RDSE ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la nécessaire proposition de loi qui permet d’aménager les procédures et les conditions d’accès à la PCH pour les personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide causant des handicaps sévères et irréversibles, comme la sclérose latérale amyotrophique, dite maladie de Charcot.
Pour nous, législateur, l’heure de modifier une procédure inadaptée est venue. En effet, bien que la CDAPH bénéficie de quatre mois pour statuer sur l’octroi de la PCH, en réalité, le délai moyen est de presque six mois, pouvant même aller jusqu’à neuf mois ! Il arrive ainsi que des patients reçoivent la décision de la commission ou les matériels demandés après leur décès ou alors que leur situation a nettement évolué, rendant le plan de compensation inadapté. Nous devions donc nous attaquer à ce dysfonctionnement.
Dans une tribune publiée au mois de juin 2023 dans le journal Le Monde, Valérie Goutines Caramel, présidente de l’association pour la recherche sur la SLA (Arsla), relève que le « temps nécessaire à l’administration pour statuer sur des dossiers ne coïncide pas avec le temps des malades, qui voient leur situation se dégrader inexorablement ». Elle ajoute qu’il est « urgent de repenser le parcours de soins et d’adapter les politiques publiques aux besoins réels des patients ».
Aussi, nous nous réjouissons que la proposition de loi instaure pour ce type de maladie une procédure dérogatoire de traitement des demandes d’adaptation du plan PCH et qu’elle en permette le bénéfice aux personnes dont la maladie s’est déclenchée après 60 ans. En effet, la majorité des personnes atteintes de la maladie de Charcot relèvent de l’APA, qui couvre mal les nombreuses aides techniques dont elles ont besoin. Il est choquant que beaucoup renoncent ainsi à certains dispositifs médicaux pour des raisons financières, creusant les inégalités sociales de santé.
Les personnes handicapées subissent déjà une perte de revenus, alors qu’elles font face à de multiples coûts supplémentaires liés à leur handicap. Selon l’Observatoire des inégalités, plus le handicap est sévère, plus le revenu est faible, et le niveau de pauvreté élevé. L’économiste Thomas Blavet constate que, selon les estimations, le surcoût lié au handicap serait plus important quand la personne handicapée est âgée de moins de 60 ans que quand elle est âgée de 60 ans et plus, quelle que soit la configuration familiale, y compris à cause des critères d’éligibilité à la PCH.
Il faut donc aller plus loin et appliquer enfin l’article 13 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui prévoit la fin de la « distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge » de survenue du handicap, et ce dans l’attente d’une prestation unique d’autonomie pour tous, personnes handicapées comme personnes âgées, et de la fin de la barrière d’âge, que les écologistes appellent de leurs vœux.
Il faut aussi diminuer le reste à charge, qui est encore souvent trop important, même pour les personnes qui reçoivent la prestation. Selon l’association pour la recherche sur la SLA, le reste à charge total sur les aides techniques est deux fois plus important dans le cas de l’APA que dans celui de la PCH.
L’accompagnement des aidants et des aidantes doit aussi être amélioré et les effets de leur rôle sur leur santé physique comme psychologique doivent être mieux pris en compte.
En outre, nous invitons à un effort de financement de la recherche sur d’éventuelles incidences de facteurs environnementaux. Selon une fondation dédiée exclusivement à la recherche sur la maladie de Charcot, « bien qu’aucune cause environnementale directe – j’insiste sur l’adjectif “directe” – n’ait été retenue, les recherches épidémiologiques effectuées partout dans le monde démontrent d’une manière constante que les facteurs environnementaux peuvent jouer un rôle dans le déclenchement de la maladie ». Ils peuvent soit l’accélérer, soit, au contraire, le retarder. Nous pouvons mentionner le tabac, qui est évidemment un facteur d’accélération, le sport de haut niveau, l’exposition à des pesticides, aux métaux lourds ou encore à une toxine présente dans certaines algues.
Nous soutenons également d’autres demandes de l’association pour la recherche sur la SLA, comme l’accélération du diagnostic pour mettre fin à l’errance des patients, le renforcement de la coordination du parcours de soins, l’amélioration de l’évaluation et du financement des nouvelles thérapeutiques.
Enfin, nous nous félicitons que la commission ait adopté des amendements tendant à bonifier le texte ; ces mesures vont dans le sens de propositions émanant du Conseil national consultatif des personnes handicapées et renforcent la coordination entre les équipes des centres de référence pour les maladies rares, chargées de l’expertise médicale, et les équipes des MDPH, ce qui permet d’améliorer le délai de réponse aux besoins des malades.
Vous l’avez compris, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera avec détermination cette utile proposition de loi. (M. Philippe Mouiller et Mme Évelyne Perrot applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. « Un philosophe qui a traversé et ne cesse de traverser plusieurs états de santé a passé par autant de philosophies. » Avec Nietzsche, dans Le Gai Savoir, on voit, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la maladie comme un instrument de connaissance : le corps pense.
Le corps pense, et il s’agit d’harmoniser le corps et l’esprit… avec sagesse !
Législateurs, nous souhaitons être artisans de l’harmonisation, aider l’homme à exercer son corps dans l’état qui se dégrade et l’enfermement dans un monde sans mouvement physique possible. La SLA est probablement une des maladies les plus dramatiques ; elle illustre cette pensée et, pour nous, la nécessité d’agir.
Le texte qui nous réunit ce jour a pour objet l’amélioration de la prise en charge sociale des personnes atteintes de maladies évolutives graves comme la sclérose latérale amyotrophique, en facilitant l’accès aux aides et aux réseaux de professionnels au chevet des patients.
J’ai connu cinq cas. Trois sont des proches : René, mon premier adjoint ; Michèle, la présidente de l’association des élus de mon canton ; Jean Manuel, mon ami et confrère vétérinaire. Ma pensée et ma voix sont pour eux aujourd’hui.
Elles sont également pour Loïc Résibois, voisin samarien, que j’ai rencontré et qui est parti trop tôt, voilà quelques semaines. Vous l’aviez auditionné ici dans le cadre des travaux sur le texte relatif à la fin de vie. Son épouse poursuit le combat.
Grâce à Gilbert Bouchet, dont je salue le courage, la présence et le témoignage, grâce aussi à l’engagement de Philippe Mouiller, le Sénat a souhaité entendre la voix de ceux que la maladie emprisonne dans leur corps et celle des aidants qui accompagnent la souffrance.
Dépourvu de la capacité de soulager, le législateur décide aujourd’hui d’alléger administrativement et financièrement les personnes en perte d’autonomie.
Ce texte se distingue de celui sur la fin de vie, qui prolonge les demandes des malades atteints par cette pathologie d’avoir l’assurance de pouvoir choisir l’issue. Il permet en premier lieu d’amoindrir l’anxiété d’une fin prédite comme épouvantable par un accompagnement facilité et adapté.
Aujourd’hui, la SLA, ce sont 8 000 patients ; ce sont cinq nouveaux diagnostics par jour. Cette maladie concerne l’ensemble de la population, jeunes ou seniors. Mon département, la Somme, fait l’objet d’une attention particulière, car cinq cas ont été recensés en quinze ans dans une même rue, et l’agence Santé publique France a été saisie.
Je le rappelle, 89 % des malades expriment l’envie de vivre et le besoin de moyens pour combattre la maladie. Cela passe par l’accès à des traitements innovants, mais aussi par une prise en charge qui entende les besoins évolutifs, dans un cadre administratif respectant les souffrances et la nécessité d’anticiper l’urgence des besoins et leur évolution, comme l’accompagnement technique pour le bien-être physique, mais aussi la vie sociale, via l’assistance humaine, la communication ou les distractions culturelles.
Le 5 juin dernier, la commission des affaires sociales du Sénat, sous la présidence de notre collègue Philippe Mouiller, a adopté la présente proposition de loi, qui met en place une procédure dérogatoire devant la MDPH pour déclencher le plan personnalisé de compensation du handicap, lève le critère de 60 ans pour l’obtention de la PCH et compense le surcroît de dépenses occasionnées avec le concours financier de la CNSA aux départements.
La grande majorité des malades SLA vivent à domicile, où leur sont prodigués les soins et les mesures d’accompagnement. Les plus proches organisent l’aménagement du logement selon les normes requises. Encore faut-il que la réalisation soit techniquement possible, dans les temps, et que la capacité financière du malade et de la famille soit suffisante pour anticiper les besoins à venir au rythme de la maladie.
Les aides humaines – je pense aux soins médicaux, aux soins corporels, aux repas, ainsi qu’aux matériels, comme le fauteuil roulant électrique, le lit médicalisé, le lève-malade – et les logistiques d’assistance par intelligence artificielle, comme les commandes vocales et audio pour téléphone, télévision, ordinateur, lumière et autres appareils, représentent des dépenses importantes.
Les retours d’expérience concernant la situation des malades vivants seuls sont souvent dramatiques. Mais je dois saluer l’exemple du Morbihan, qui mérite d’être suivi.
À la différence de ce qui se pratique pour la maladie d’Alzheimer, il n’existe pas d’établissement d’accueil dédié ponctuellement ou définitivement, en dehors du service hospitalier de soins palliatifs – quand il y en a un ! –, lorsque le patient est en situation de fin de vie.
Fort heureusement, les associations pallient le vide, proposant une écoute aux malades et à leurs aidants et les orientations pour trouver des solutions au rythme de l’évolution de la maladie. Elles ont accompagné depuis quarante ans 35 000 patients et proches. Je tiens à les remercier, comme je tiens à remercier Gilbert de son témoignage, ainsi que la commission des affaires sociales de l’attention portée à cette pathologie bien particulière qu’est la maladie de Charcot en dehors du débat sur la fin de vie.
Le choix est celui de parler de la prise en charge d’un combat outillé contre cette terrible maladie avec l’assurance que les prises en charge seront facilitées pour l’ensemble des malades, quel que soit l’âge au moment de la déclaration de la maladie.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Laurent Somon. Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains votera le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie Mercier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Gilbert, c’est Marguerite Yourcenar qui a su parler de la dégradation physique. Elle disait ceci : « Corps, mon vieux compagnon, nous périrons ensemble. Comment ne pas t’aimer, forme à qui je ressemble, puisque c’est dans tes bras que j’étreins l’univers ? »
Je ne reviendrai pas sur la description de la SLA. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui crée une procédure dérogatoire devant la MDPH pour les maladies évolutives graves comme la SLA. Il est envisagé de supprimer la limite d’âge de 60 ans pour l’accès à la prestation de compensation du handicap. Les personnes de plus de 60 ans ne peuvent évidemment bénéficier que de l’APA, dont le montant est, bien évidemment aussi, insuffisant pour couvrir les besoins spécifiques liés à de telles pathologies.
Cette proposition de loi est une avancée certaine, mais les patients méritent encore davantage. Sans traitement curatif, seuls les traitements symptomatiques améliorent vraiment significativement la qualité de vie des patients. À ce titre, je veux insister sur le rôle capital des aidants. La recherche sur la SLA et autres maladies neurodégénératives graves progresse, mais des défis importants demeurent. Des associations comme l’Arsla jouent un rôle crucial en finançant des projets de recherche, mais il faut augmenter la prise en charge de ces pathologies complexes, développer des thérapies plus efficaces et, à terme, évidemment, trouver un traitement curatif.
Mais, pour cela, monsieur le ministre – nous comptons sur vous –, il faut des moyens. Si la France se positionne à l’avant-garde de la recherche sur les maladies graves, cancers, maladies rares, avec une organisation de la recherche reconnue à l’échelle internationale, elle doit absolument maintenir une politique volontariste et solidaire, impliquant une forte mobilisation de l’ensemble des partenaires du système de santé et de recherche. Un financement adéquat et pérenne est nécessaire. Car, malgré des efforts notables, les financements publics alloués à la recherche sur ces maladies restent insuffisants face aux besoins, et certaines pathologies bénéficient de financements plus importants que d’autres, ce qui crée des disparités dans l’avancement des recherches.
Les coûts élevés de la recherche de pointe, les difficultés de financement des essais cliniques, la complexité des partenariats public-privé, freinés par des procédures administratives et juridiques longues et coûteuses et – osons le dire – par des divergences d’intérêts ou de priorités sont autant d’obstacles à surmonter.
La France doit continuer à investir dans la recherche sur les maladies graves, veiller à une répartition plus équitable des ressources, favoriser des financements pérennes et des collaborations efficaces entre tous les acteurs concernés. Elle doit absolument maintenir son niveau d’excellence au service des patients.
La loi vient des gens. Merci, cher Gilbert, mon voisin d’hémicycle, d’avoir contribué à la rédaction de cette proposition de loi ! Merci à nos patients, qui nous donnent de formidables leçons de vie ! Merci à Olivier Goy, qui écrit dans son livre Invincible : « La mort ne va pas m’empêcher de vivre et de vivre intensément. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves
Article 1er
La section 2 du chapitre VI du titre IV du livre Ier du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifiée :
1° (nouveau) Après l’article L. 146-7, il est inséré un article L. 146-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 146-7-1. – La maison départementale des personnes handicapées identifie, à leur dépôt, les demandes de compensation des personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et des personnes handicapées.
« Elle organise le traitement de ces demandes en partenariat avec les centres désignés en qualité de centre de référence pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares dont l’expertise porte sur les pathologies mentionnées au premier alinéa. » ;
2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 146-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande de la personne concernée, lorsque ses besoins de compensation et d’accompagnement résultent des conséquences d’une pathologie mentionnée à l’article L. 146-7-1, un membre de l’équipe pluridisciplinaire propose à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées l’attribution des droits et prestations et les adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap nécessaires au regard de l’évaluation d’un centre désigné en qualité de centre de référence pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares, ou déterminées par une prescription médicale ou par la prescription d’un ergothérapeute présentée par le demandeur. La commission statue sur ces adaptations lors de sa première réunion suivant la réception de la demande. »