PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires
 

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Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi, même s’il s’agit de faire une infidélité à mon hémicycle de cœur, de m’exprimer pour la première fois ici, au Sénat, afin de vous présenter les principaux sujets qui seront traités lors du Conseil européen des 17 et 18 octobre prochains.

J’ai toujours attribué beaucoup d’importance à la diplomatie parlementaire et au rôle des commissions sur les questions internationales. Sachez donc que l’exercice de ce soir m’est particulièrement cher. J’espère qu’il est le début d’un échange régulier entre nous dans le cadre de la culture de dialogue et de respect avec toutes les forces politiques que promeut le Premier ministre. Sachez que je me ferai un plaisir de continuer à échanger régulièrement avec vous.

Ce Conseil européen d’automne sera un moment important pour l’Europe, notamment du fait de la phase de renouvellement institutionnel qui s’est engagée à l’issue des élections européennes.

Les chefs d’État et de gouvernement aborderont des sujets majeurs pour notre pays et je constate que ces thèmes – nous pouvons nous en féliciter – reflètent les priorités de l’agenda d’autonomie stratégique et de souveraineté européenne décliné depuis 2017.

L’Europe commence enfin à être moins naïve et moins dépendante. Elle défend ses frontières et ses intérêts économiques, en investissant dans la réindustrialisation. Elle développe son outil militaire pour assurer sa défense.

Alors que nos partenaires rechignaient à utiliser l’expression « autonomie stratégique », c’est aujourd’hui une évidence dans le débat public européen. Notre priorité est maintenant de décliner cette avancée sur toutes les grandes thématiques qui seront à l’agenda de la Commission européenne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la semaine prochaine, les chefs d’État et de gouvernement aborderont les sujets prioritaires suivants : le soutien à l’Ukraine ; le conflit au Proche-Orient ; la compétitivité, dans la lignée du rapport remis récemment par Mario Draghi ; la réponse aux défis migratoires ; la préparation de la COP29 et de la COP16 ; la lutte contre toutes les formes de discrimination ; enfin, les nombreux défis de politique étrangère qui se posent en Moldavie, en Géorgie, au Venezuela et au Soudan.

Sur l’Ukraine, les chefs d’État et de gouvernement discuteront de la finalisation du volet européen de l’emprunt auquel s’est engagé le G7 en juin sur le fondement des revenus tirés des actifs souverains russes immobilisés. Nous veillerons à ce que soit rappelée l’importance que tous les partenaires du G7 honorent l’engagement pris en juin dernier.

Il est urgent de doter l’Ukraine de ressources financières supplémentaires stables, car – rappelons-le – la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine engage à la fois notre sécurité et nos valeurs.

La France marquera également son attachement à ce que l’aide qui sera apportée aux Ukrainiens dans le cadre de cet emprunt bénéficie à leurs besoins les plus urgents, en particulier sur le volet militaire.

Par la même occasion, nous saluerons l’adoption du nouveau régime de sanctions visant les acteurs russes de déstabilisation dans le monde et contre nos États, dont la France fut, avec d’autres, à l’origine. Vous le savez, la lutte contre les ingérences étrangères russes est une priorité du Gouvernement.

S’agissant de la situation au Proche-Orient, qui est particulièrement mouvante et peut encore évoluer jusqu’au Conseil européen, le principal enjeu sera d’appeler, comme le fait la diplomatie française depuis plusieurs mois déjà, à s’engager encore davantage collectivement en faveur de l’obtention d’un cessez-le-feu, tant à Gaza qu’au Liban.

Le Conseil européen sera aussi l’occasion de présenter les contours de la conférence internationale pour le Liban qui se déroulera à Paris fin octobre, d’appeler à l’accroissement de l’aide humanitaire de l’Union européenne (UE) et des États membres afin de soutenir la population libanaise et de s’engager en faveur d’un soutien plus important envers les forces armées libanaises.

La discussion sur le conflit au Proche-Orient nous permettra de rappeler les fondamentaux de notre position : libération inconditionnelle des otages, acheminement de l’aide humanitaire à la population civile de Gaza et relance d’un dialogue politique menant à une solution à deux États dans le respect de la sécurité de l’État d’Israël – un droit inaliénable.

Sur l’Iran, nous rappellerons l’importance de l’unité des Européens face aux frappes contre Israël et aux activités de déstabilisation qui se poursuivent.

Nous saluerons l’adoption de nouvelles sanctions en réponse aux transferts de missiles balistiques iraniens à la Russie et aux activités déstabilisatrices de l’Iran dans la région, dont la récente attaque massive contre Israël. Le Conseil européen fera également un point sur les relations entre l’Union européenne et le Golfe, au lendemain du sommet UE-Conseil de coopération du Golfe.

Le Conseil se saisira évidemment des enjeux de compétitivité, une priorité de la France comme de la prochaine Commission.

Il s’agira d’un premier échange avant une discussion plus approfondie lors du sommet informel du 8 novembre prochain, qui se tiendra à Budapest en présence de Mario Draghi.

L’enjeu pour la France est d’obtenir une feuille de route concrète et ambitieuse pour mettre en œuvre de façon effective les recommandations formulées par le rapport Draghi qui, vous le savez, dresse un constat sévère, mais réaliste et lucide, du décrochage économique européen vis-à-vis de nos principaux concurrents, les États-Unis et la Chine. L’Europe est confrontée à un triple choc énergétique, commercial et sécuritaire, mais aussi aux défis liés aux transitions écologique et numérique et au vieillissement de sa population.

Nous sommes à un moment de bascule stratégique et nous devons saisir cette opportunité pour mettre en place une stratégie industrielle ambitieuse qui renforce la complémentarité entre les politiques industrielle, de concurrence, commerciale et budgétaire.

C’est à cette condition que l’Union européenne pourra relever avec succès le défi existentiel posé par la concurrence croissante des États-Unis et de la Chine. Je vous le dis ici, l’investissement dans l’innovation pour relancer la compétitivité du continent sera une priorité de notre action ; il s’agit de libérer l’épargne, qu’elle soit publique ou privée, et d’investir massivement dans l’intelligence artificielle, le quantique et les autres technologies d’avenir. Nous devons éviter que notre continent subisse un retard par rapport à ses concurrents qui serait irrattrapable.

La maîtrise des migrations est un enjeu pour le continent. La discussion du Conseil européen devrait porter sur les nombreuses propositions qui sont actuellement sur la table pour renforcer les instruments de la politique migratoire européenne.

La priorité pour la France est d’abord de mettre en œuvre et de renforcer les dispositifs existants. Le pacte sur la migration et l’asile est une première petite révolution. Nous veillerons à sa mise en œuvre rapide.

La révision de la directive 2008/115/CE, dite Retour, apparaît aujourd’hui nécessaire pour nous permettre de faciliter les procédures d’éloignement des déboutés des demandes d’asile.

S’agissant de la dimension externe, nous devons continuer de travailler à des partenariats plus ambitieux en matière de coopération et de réadmission avec les pays tiers, notamment de la rive sud de la Méditerranée, en utilisant tous les leviers dont dispose l’Union européenne.

Une discussion s’engagera également sur les enjeux à venir de la COP29 sur le climat et de la COP16 sur la biodiversité, qui se tiendront respectivement à Bakou et en Colombie en novembre. La France appellera à maintenir collectivement le haut niveau d’ambitions soutenu lors des précédentes COP et soulèvera plus particulièrement l’importance d’accompagner financièrement nos partenaires dans le combat contre le réchauffement climatique.

Ensuite, dans un contexte de recrudescence des menaces et des actes antisémites et racistes, notamment depuis le déclenchement du conflit au Moyen-Orient, le Conseil européen réitérera sa ferme condamnation de toutes les formes de discriminations.

Les échanges sur la Moldavie permettront de faire un point sur la situation politique intérieure de ce pays en proie à des manœuvres russes de déstabilisation, alors qu’il doit élire son président et se prononcer sur son avenir européen le 20 octobre.

Les chefs d’État et de gouvernement aborderont également la situation en Géorgie à la veille d’élections législatives déterminantes pour l’avenir du pays et dans un contexte de dérive persistante de son gouvernement sur les questions d’État de droit, de respect de la société civile et d’indépendance de la justice.

Concernant le Venezuela, la France l’a déjà affirmé : le choix du peuple vénézuélien doit être respecté. Or, face à l’absence de toute transparence du processus électoral, pourtant indispensable pour garantir la sincérité du scrutin, nous devrons conserver collectivement une posture ferme.

Enfin, la discussion s’achèvera par un point sur le conflit au Soudan, pays qui connaît aujourd’hui l’une des crises humanitaires les plus graves du XXIe siècle, faisant peser des risques sur la stabilité de toute une région. Il s’agira pour l’Union européenne et pour les États membres de réaffirmer leur engagement collectif, en poursuivant leur mobilisation pour répondre à la crise humanitaire et accompagner le dialogue inter-soudanais.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je me tiens à votre disposition pour échanger sur tous ces sujets. Je me réjouis de pouvoir travailler avec vous avant ce Conseil, de vous rendre compte en revenant de Bruxelles et de poursuivre nos échanges dans les mois qui viennent.

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Catherine Dumas, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai choisi, au nom de la commission, d’intervenir sur deux points : l’Ukraine et la voix de la France en Europe.

Le Président de la République a promis il y a quelques jours, à la tribune des Nations unies, que la France ferait « tout ce qui est en son pouvoir pour que l’Ukraine tienne bon, se mette hors de danger et obtienne justice », notamment en lui fournissant « des équipements indispensables à sa défense ».

Les dernières semaines de l’été ont été agitées par la question de savoir s’il fallait autoriser l’Ukraine à se défendre en frappant le territoire russe au moyen de missiles occidentaux à longue portée. Le président russe a fait savoir qu’il y verrait une participation directe des pays de l’Otan au conflit, laquelle appellerait une réponse symétrique.

La question semble avoir été tranchée par la négative aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne après un débat public nourri – du moins autant qu’il peut l’être sur ces questions délicates.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser la position de la France à ce jour en la matière ?

Le Président de la République a également réaffirmé notre objectif que l’Ukraine soit « restaurée au plus vite dans ses droits légitimes et qu’une paix juste et durable soit bâtie ». Le 1er octobre, vous-même, monsieur le ministre, avez dit à un quotidien allemand que l’envoi de troupes au sol en Ukraine n’était toujours pas exclu.

Ainsi, nous souhaitons connaître précisément la forme que prendra le soutien français, mais aussi le soutien européen, à l’Ukraine dans les prochains mois.

Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur l’objectif précis de la France à plus long terme. Le Gouvernement se projette-t-il déjà vers l’après-guerre ?

Ce point est particulièrement important, alors que, trois jours avant son discours à l’ONU, M. Macron appelait à « penser une nouvelle forme d’organisation de l’Europe et repenser notre rapport à la Russie » une fois la guerre terminée.

Je voudrais dire qu’ici, dans cette assemblée, les sénateurs sont plus que jamais désireux de participer au débat sur l’architecture de sécurité européenne du futur et nous serons bien sûr à l’écoute du Gouvernement, s’il a des propositions.

Je voudrais également aborder la question de l’influence française au sein de l’Union européenne.

Appelant à faire preuve d’imagination, le Président de la République a encore suggéré qu’il faudrait penser « la réalité d’une Europe dans sa forme géographique, qui n’est ni tout à fait l’Union européenne ni résolument l’Otan ». Est-ce à dire qu’il ne se fait plus guère d’illusions sur l’influence française au sein de l’Union ?

L’ancien commissaire européen Thierry Breton a récemment regretté que le poids de la France y soit « très dilué ». En effet, il détenait auparavant un portefeuille important, qui est à présent éclaté entre cinq commissaires.

Il faut ajouter à cela que les portefeuilles de l’énergie et de la transition écologique ont été confiés à des commissaires notoirement antinucléaires et que le poids de l’Allemagne dans les institutions européennes va croissant.

Thierry Breton n’a sans doute pas tort d’attirer l’attention du public français sur les conséquences pour l’équilibre européen qu’aurait le possible retour de la CDU au pouvoir en Allemagne dans un an.

Dans ce contexte, l’état de nos finances publiques est le plus performant des contre-arguments au soutien du couple franco-allemand. Certes, la santé économique de l’Allemagne n’est pas très bonne non plus, mais au moins elle respecte les traités et, malgré sa faible croissance, elle pèse en Europe.

Face à ce constat, comment entendez-vous mettre un terme à l’affaiblissement continu – malheureusement ! – de nos positions au sein de l’Union ? Comment faire pour que la voix de la France porte en Europe ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Le soutien à l’Ukraine est un enjeu essentiel, puisque c’est finalement toute l’architecture de sécurité européenne qui a été agressée le 24 février 2022 par la Russie. Notre soutien, que ce soit sur le plan militaire, humanitaire, économique ou juridique, se poursuivra aux côtés de nos alliés européens aussi longtemps que nécessaire et que le droit international l’imposera.

Sur les différents points que vous avez mentionnés, le Président de la République a été très clair.

Beaucoup de lignes rouges ont été fixées à l’Ukraine ces deux dernières années, alors que la Russie elle-même ne s’en fixait pas. Par conséquent, nous n’allons pas communiquer sur ce point ; c’est tout le sens de l’ambiguïté stratégique qui a été choisie par le Président de la République.

L’enjeu aujourd’hui, notamment dans le cadre de cette réunion du Conseil européen, est de dégager les ressources dont ont besoin les Ukrainiens sur le plan financier pour pouvoir continuer à tenir d’un point de vue militaire. La priorité est de débloquer l’emprunt décidé par le G7 et financé à partir des intérêts des avoirs russes gelés. Nous sommes pour le moment dans une situation de blocage, notamment due à la position de la Hongrie, et des discussions auront lieu à ce sujet. On parle ici de 50 milliards d’euros répartis entre les différents membres du G7 ; cela permettra de donner de la visibilité à long terme à l’Ukraine.

C’est un enjeu majeur de sécurité pour nous, en particulier dans le contexte des élections américaines qui posent des questions de plus long terme, notamment la fiabilité de nos alliés américains et les garanties de sécurité au sein de l’Alliance atlantique. Vous avez vous-même mentionné les questions d’architecture de sécurité ; les sénateurs doivent naturellement prendre part à ces réflexions.

En ce qui concerne l’influence française, qui va au-delà des questions de portefeuille ou de personne et sur laquelle je suis sûr que j’aurai à revenir dans la suite de notre débat, je voudrais souligner que toutes les priorités que nous portons depuis quelques années – la souveraineté industrielle et technologique, la défense, le nucléaire, la prospérité et la compétitivité, etc. – sont au cœur des priorités de la nouvelle Commission. Nous veillerons naturellement, au-delà de la question du portefeuille du commissaire français, à continuer à les porter, parce que nos intérêts concernent les portefeuilles de tous les commissaires.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué. Je reviendrai tout à l’heure, si j’en ai le temps, sur votre dernière question.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre prochains abordera la question de la préparation de deux temps forts de la diplomatie environnementale : la COP29 sur le changement climatique et la COP16 sur la biodiversité.

Le suivi de ces négociations internationales environnementales est une priorité pour la commission que je préside, tout comme pour notre groupe de suivi consacré à ces sujets et présidé par notre collègue Ronan Dantec.

Je commencerai par la COP29 relative au climat, qui se déroulera à Bakou en Azerbaïdjan du 11 au 22 novembre.

Un des principaux objectifs de la présidence de la COP29 est la négociation d’une nouvelle cible en matière de financement climatique ayant vocation à remplacer en 2025 l’objectif de 100 milliards de dollars par an fixé lors de la COP15 de Copenhague en 2009.

Cette conférence est cruciale pour le respect des objectifs climatiques : si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un nouveau cadre d’aide aux pays en développement, ces derniers pourraient relâcher leurs efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les parties auront à concilier durant cette conférence de nombreuses divergences, qui portent à la fois sur le montant des contributions financières – elles doivent être à la hauteur du défi – et sur la liste des pays contributeurs qui pourrait intégrer les recompositions à l’œuvre de l’économie mondiale.

La France, qui a contribué au financement de l’action climatique à hauteur de 7,6 milliards d’euros en 2022, a aujourd’hui dépassé son objectif de consacrer 6 milliards d’euros par an à ce financement.

À ce titre, la France est donc parfaitement légitime à continuer à cette occasion d’être, avec l’Union européenne, un moteur de la négociation climatique internationale, comme elle l’a superbement montré il y a neuf ans lors de l’adoption de l’accord de Paris à l’occasion de la COP21, en contribuant à l’élaboration d’une position de compromis au-delà des clivages traditionnels lors des négociations climatiques.

Venons-en à l’autre temps fort diplomatique qui fait l’objet de toute l’attention de notre commission : la COP16 relative à la biodiversité qui aura lieu à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre prochains.

Il s’agit, à la différence d’il y a deux ans, d’un rendez-vous plus technique que politique qui vise précisément à mettre en œuvre l’accord de 2022, auquel la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est particulièrement attachée.

Fin 2022, la COP15 avait conduit à la signature de cet accord qui fixe un nouveau cadre mondial en faveur de la biodiversité, remplaçant les précédents objectifs d’Aichi. Il prévoit l’atteinte en 2030 de vingt-trois cibles mondiales définies pour parvenir à un « mode de vie en harmonie avec la nature ».

Une délégation de la commission, composée de Guillaume Chevrollier, Denise Saint-Pé et Jean-Michel Houllegatte, s’était d’ailleurs rendue au Canada dans le cadre de cette conférence. Dans son rapport d’information, la délégation avait salué ce cadre mondial ambitieux en faveur de la biodiversité, tout en alertant sur ses limites : de la robustesse du suivi et des mécanismes de correction des trajectoires en matière de biodiversité dépendra l’atteinte réelle des objectifs. Nous devons éviter le syndrome des « accords de papier » et des ambitions qui restent lettre morte.

Deux ans plus tard, il convient d’assurer la mise en œuvre concrète et opérationnelle du nouveau cadre mondial de la biodiversité, en tirant un premier bilan de la situation et des stratégies nationales élaborées par les États.

Aujourd’hui, il est temps de définir un cadre de financement pour assurer la mise en œuvre de mesures adéquates de protection de la biodiversité. La répartition de ces financements entre pays du Nord et pays du Sud constituera aussi une question épineuse et complexe à laquelle les négociateurs de la COP16 devront apporter des réponses.

Sur ce sujet également, j’invite le Gouvernement à se saisir de ces enjeux majeurs afin que l’Union européenne continue d’être une force motrice en vue de fixer d’ambitieux objectifs communs et répondre ainsi aux multiples défis environnementaux.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le président, nous partageons les objectifs et les constats que vous venez d’évoquer.

Nous devons accompagner nos partenaires en développement dans le combat contre le réchauffement climatique et l’adoption d’un nouvel objectif financier ambitieux doit être une priorité majeure de la COP29. Il faut que tous les pays qui sont en mesure de le faire participent à la solidarité financière internationale.

La France – je vous remercie de l’avoir dit – est l’un des principaux contributeurs : nous nous étions fixé un objectif de 6 milliards d’euros ; avec 7,6 milliards cette année, nous l’avons dépassé.

Sur la COP15 aussi, il nous faut être à la hauteur des ambitions qui ont été affichées. L’adoption du cadre mondial sur la biodiversité de Kunming-Montréal a permis de fixer des objectifs ambitieux pour la restauration et la conservation des écosystèmes et la COP16 doit maintenant nous permettre, dans cette lignée, de mettre en œuvre des stratégies nationales concrètes pour les atteindre.

À ce titre, la mise en place d’un mécanisme de suivi est un élément clé afin d’assurer la transparence et la redevabilité pour tous les acteurs. Soyez assuré que la France est particulièrement engagée dans la mobilisation des financements et l’élargissement de la base des donateurs.

Notre pays excède ses engagements en ayant atteint, avec deux années d’avance, son objectif d’un milliard d’euros d’aide publique au développement (APD) consacrée à la biodiversité et nous sommes très attentifs à la suppression des subventions néfastes.

Soyez assuré, là aussi, que ma collègue qui siège au Conseil Environnement a mis ces sujets au cœur de ses priorités.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prochaine réunion du Conseil européen s’inscrit dans un contexte particulier d’un point de vue économique et financier, puisque le Conseil de l’Union européenne a approuvé, le 26 juillet dernier, l’ouverture d’une procédure de déficit excessif à l’encontre de sept pays de l’Union européenne, dont la France.

Alors qu’à la fin de la crise sanitaire le déficit public de la zone euro a convergé vers les 3 %, le déficit français n’a cessé, depuis 2022, de diverger. Dans son rapport qui présente un état des lieux de la situation économique et budgétaire des États membres fin 2023, la Commission européenne dresse un constat sans appel : la France, avec un déficit public de 5,5 % du PIB et une dette publique à plus de 110 %, est largement en dehors des critères fixés par le pacte de stabilité et de croissance (PSC).

Contrairement aux projections flatteuses inscrites par le gouvernement précédent dans son programme de stabilité pour les années 2024 à 2027, cette situation préoccupante est loin de se corriger en 2024 – bien au contraire !

Tandis que la France s’était engagée à réduire son déficit public à 5,1 % du PIB en 2024, le ministre du budget l’estime désormais à 6,1 %. Par ailleurs, la dette s’établissait déjà à 112 % du PIB à la fin du deuxième trimestre. Si nous ne faisons rien, la situation risque de se dégrader encore en 2025.

Cette situation détériorée est injustifiable hors période de crise et nous singularise – malheureusement – au milieu de nos partenaires européens. Or elle ne saurait être imputée aux seules crises sanitaire ou énergétique, dont les conséquences sur les déficits publics sont aujourd’hui d’une importance réduite.

La Commission européenne souligne dans son rapport que la situation des finances publiques de la France n’est « ni exceptionnelle ni temporaire ». D’après les dernières estimations, le déficit est attendu à 6,5 % en 2025, très loin des 3 % fixés par le PSC. La dette publique devrait dépasser, si rien n’est fait, les 114 % en 2025, largement au-delà de la limite de 60 % fixée par le traité.

Comme je l’ai mis en évidence dans le rapport que j’ai présenté au nom de la commission des finances le 12 juin dernier, la dégradation des finances publiques de la France en 2023 est avant tout le résultat de prévisions macroéconomiques imprudentes des gouvernements précédents et, surtout, du déni dans lequel ils se sont enfermés, alors qu’ils avaient en leur possession toutes les informations permettant d’anticiper cette situation.

Le Sénat n’a pourtant eu de cesse depuis plusieurs années d’alerter les gouvernements sur l’état de nos finances publiques. Il a proposé de nombreuses pistes d’économies, notamment dans le cadre du dernier projet de loi de finances, toutes balayées d’un revers de la main.

Notre pays se trouve désormais dans une situation délicate et sa crédibilité apparaît durablement entamée face à ses partenaires européens.

La procédure de déficit excessif ouvre une période d’ajustement de quatre ans pour retrouver un déficit de 3 %. Si la gouvernance économique européenne réformée permet bien une prolongation de trois ans de cette période, c’est à condition de présenter « un ensemble de réformes et d’investissements vérifiables et assortis d’échéances ».

Monsieur le ministre, comment entendez-vous mettre la France en conformité avec ses engagements européens ? À défaut, le Conseil pourrait enjoindre à la France de prendre des mesures de redressement de ses comptes publics sous six mois.

Enfin, le gouvernement précédent n’a pas été en mesure de transmettre un plan budgétaire et structurel national avant le 20 septembre, comme cela était pourtant requis. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, avoir obtenu de la Commission européenne un délai jusqu’au 31 octobre – tant mieux ! Tiendrez-vous cette nouvelle échéance et quand comptez-vous transmettre ce document au Parlement, conformément à l’article 1 K de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) ?