M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier Philippe Folliot de s’être emparé de ce sujet, puis d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Il cherche, ce faisant, à répondre à une difficulté à laquelle sont confrontés bon nombre de nos concitoyens : la fermeture abrupte de leur compte bancaire, décidée sans la moindre justification.
J’ajoute que notre collègue fait preuve de pragmatisme et de bon sens, en nous proposant une réponse à la fois juste et équilibrée.
Perçues comme arbitraires par les clients concernés, ces fermetures de comptes sont souvent vécues comme une injustice.
Certes, l’usager, face à cette difficulté, n’est pas sans solution. En plus du préavis obligatoire de deux mois, il peut demander à la Banque de France de désigner un établissement de crédit pour l’ouverture d’un nouveau compte – le droit au compte. Mais de nombreux Français restent démunis pour engager cette démarche : il faut être informé de cette possibilité, connaître la Banque de France, savoir comment en faire la demande, quelle procédure suivre, etc. Cela peut être aisé pour une partie de nos concitoyens, mais, à coup sûr, plus complexe, voire insurmontable, pour certains d’entre eux.
À cela s’ajoute le développement des démarches dématérialisées, qui multiplient les cas de non-recours au droit. La situation est encore plus grave pour les habitants des territoires ruraux, éloignés des villes centres, qui n’ont parfois accès qu’à une seule banque. Comment faire, en ces cas ? Ainsi, le défaut de justification laisse nos concitoyens démunis dans une situation parfois vécue comme une forme d’humiliation.
Dès lors, la possibilité, pour une banque, de fermer un compte sans justification n’apparaît pas acceptable. Il est donc nécessaire de garantir l’accès à l’information pour le client, d’autant plus que celui-ci doit pouvoir tirer des leçons de la fermeture de son compte. L’idée n’est donc pas de revenir sur la liberté contractuelle, mais bien de permettre au client de demander la motivation de la fermeture de son compte, afin d’effacer tout sentiment d’injustice.
Le texte qui nous est présenté est juste pour les consommateurs et équilibré pour les établissements bancaires. La charge administrative nouvelle qui en résulterait est parfois mise en avant, mais elle s’avère très faible. Cet argument ne saurait donc être retenu.
Ainsi, l’équilibre du texte vient de la réponse donnée à une situation problématique, sans qu’il constitue une réelle contrainte nouvelle pour les banques.
La commission a, légitimement, procédé à l’insertion d’autres éléments fondamentaux au nom de la sécurité nationale. Je salue, à cet égard, le travail et la clairvoyance de notre rapporteur, Marc Laménie. En cas de soupçon de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, la fermeture d’un compte ne pourra être motivée auprès du client. Cette disposition utile lève la possibilité d’injonction contradictoire spécifique à la déclaration de soupçon.
Vous l’aurez compris, l’évolution – légitime – prévue par ce texte va dans le bon sens, puisqu’il s’agit de répondre à un risque d’arbitraire auquel peut être exposé le client, créant une incompréhension bien naturelle. C’est pour ces raisons que les sénateurs du groupe Union Centriste voteront, évidemment, le texte de notre collègue Philippe Folliot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sans compte bancaire, nulle activité sociale n’est possible : pas de versement de salaire, pas de versement de loyer, pas de pension de retraite.
Nous voterons cette proposition de loi déposée par Philippe Folliot et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste, même si nous estimons qu’elle ne s’attaque pas frontalement aux fermetures abusives de comptes bancaires. Elle permet en effet seulement, sur demande du client, la production d’un courriel explicitant les raisons de la fermeture du compte.
Puisque, en l’état, le texte n’entrave pas les fermetures abusives de comptes, nous proposerons, par amendement, d’en rendre systématique la justification, à l’instar de ce qui est prévu pour les titulaires du droit au compte.
Surtout, dans le respect de la liberté contractuelle, madame la secrétaire d’État, nous proposons d’interdire les clôtures décidées par les banques ayant pour motif le défaut de rentabilité. L’obligation sociale de détenir un compte bancaire ne peut en effet s’accompagner d’une obligation de rentabilité. Sinon, c’est la double peine. Or, pour notre groupe, l’obligation sociale passe avant l’obligation de rendement – ce qui est un choix de société.
Nous devons rompre avec le non-droit bancaire, qui frappe les particuliers, mais aussi des entreprises. Mes chers collègues, nous avons examiné, sur la dernière session, cinq textes ayant trait aux comptes bancaires. Nous sommes face à un problème systémique : dans une forme d’entente, les banques s’adonnent à une concurrence que je qualifierais à la fois de non libre et quelque peu faussée, situation que les banques en ligne n’ont en rien bouleversée. La population demeure donc dans un rapport de force défavorable. Nos concitoyennes et concitoyens sont confrontés aux commissions exorbitantes, aux ruptures abusives d’autorisation de découvert, au non-respect des conventions de compte et aux refus d’exécution d’ordre.
Ce système organisé a fait émerger des professionnels du litige bancaire ! Certains disposent d’un numéro surtaxé à 80 centimes d’euro la minute, font payer 90 euros pour une adhésion et 200 euros pour une conciliation, nous révèle Le Parisien. Cette organisation prospère sur la dissuasion des clients lésés, trop ignorants de leurs droits, trop pauvres pour se faire accompagner. Bref, c’est faire de l’argent sur le malheur des autres !
Tout cela a lieu dans un contexte où le résultat net des six principaux groupes bancaires progresse, en 2023, à, tout de même, 32,3 milliards d’euros. Pour la gestion des 2 179 milliards d’euros de dépôts des ménages, les banques facturent, selon la banque de France, « des commissions qui s’inscrivent à un niveau stable de 54,7 milliards d’euros et historiquement élevé ».
Évidemment, le bilan d’une banque inclut la couverture des risques et un endettement important, qui alourdit son passif. Mais l’argument selon lequel les frais bancaires financent les coûts administratifs de la gestion des comptes est peu crédible.
Que l’on comprenne bien : nous parlons là d’un courriel envoyé au client dont on ferme unilatéralement le compte, uniquement sur la demande dudit client, et ce serait déjà trop ! En l’état, cette proposition de loi ne règle pas tous les problèmes soulevés. Aussi proposons-nous de la renforcer, sans contrevenir aux volontés de ses auteurs. Dans le cas contraire, nous créerions un droit fictif plutôt que réel.
C’est pourquoi nous portons d’ailleurs, plus largement, l’idée d’un pôle public bancaire doté d’une nouvelle mission de service public du crédit et de l’épargne. Il s’agit de la séparation des banques de dépôt et d’investissement, qui consacrerait ainsi le droit des citoyens consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Grégory Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi va dans le bon sens. Nous relevons cinq points essentiels dans ce texte, que nous voterons, bien évidemment.
Premièrement, cela a été dit, il participe de la protection des citoyens consommateurs. Perdre l’accès à un compte bancaire signifie souvent être privé de moyens de paiement, avec des conséquences directes sur la vie quotidienne. Ce n’est pas possible dans le contexte de bancarisation que nous connaissons : il faut donc y remédier.
Deuxièmement, ce texte participe de la transparence que nous sommes en droit d’attendre du système bancaire. Trop souvent, les fermetures de comptes sont opérées de manière opaque, sans explications suffisantes. Les banques doivent faire preuve d’une plus grande transparence, non seulement au bénéfice des clients, mais aussi pour se protéger elles-mêmes de toute accusation de discrimination ou d’arbitraire.
Troisièmement, cette proposition de loi est simple et non coûteuse à mettre en œuvre, ce qui mérite d’être souligné dans la période que nous traversons.
Quatrièmement, madame la secrétaire d’État, vous avez fait part de certaines réserves. Nous voterons toute mesure tendant à y répondre, tant au cours du débat qui nous occupe que dans la suite de la navette parlementaire.
Cinquièmement, nous défendrons un amendement relatif à la situation spécifique des Français de l’étranger, pour qui la fermeture d’un compte bancaire a des conséquences parfois très problématiques, au-delà de ce que subissent leurs concitoyens vivant sur notre territoire. Par exemple, quand on vit à l’étranger, comment payer ses impôts sans compte ? En outre, les délais postaux étant plus lents et les notifications électroniques, auxquels ils sont contraints, n’étant pas toujours garanties, le préavis de deux mois peut s’avérer insuffisant. Nous proposons donc, par amendement, d’étendre le préavis les concernant à quatre mois.
Nous saluons donc cette proposition de loi et espérons que nos débats permettront d’en améliorer la rédaction, tant pour répondre aux problématiques que vous avez soulevées, madame la secrétaire d’État, mais aussi pour traiter la question, peu évoquée dans nos échanges, des Français de l’étranger. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. le rapporteur et M. Philippe Folliot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec l’émergence des néobanques et des plateformes bancaires en ligne, le phénomène des fermetures abusives de comptes bancaires a pris de l’ampleur ces dernières années. En 2022, les établissements N26 et ING ont, en effet, été accusés de fermetures abusives sous couvert de lutte contre le blanchiment, aspect pris en compte, je le souligne, par le rapporteur.
Les fermetures de comptes par Orange Bank, en 2024, avaient quant à elles touché 800 000 clients. Il est cependant difficile d’évaluer précisément le nombre de comptes clos abusivement chaque année.
Pour les clients, les délais de remboursement des avoirs se révèlent longs et nombre d’entre eux se sont retrouvés sans accès à leurs fonds pendant des mois. Qui plus est, les justifications restent souvent vagues et les recours peu efficaces. Les conséquences des fermetures abusives de comptes sont lourdes, entraînant parfois des difficultés financières importantes. Les clients se trouvent ainsi souvent démunis face à la puissance et aux moyens administratifs et juridiques des établissements bancaires.
Actuellement, nos concitoyens peuvent contacter le médiateur bancaire ou rejoindre des collectifs d’usagers pour mener des actions communes. Cependant, ces démarches sont souvent longues et incertaines. La jurisprudence montre que les banques peuvent être tenues pour responsables en cas de fermeture abusive, mais il est nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice réel, ce qui n’est pas toujours évident.
Selon la législation en vigueur, les établissements bancaires ont le droit de fermer un compte, mais doivent respecter un préavis de deux mois et en informer le client par écrit. La convention de compte, signée entre la banque et le client, régit ces procédures.
L’apport principal de cette proposition de loi est l’obligation pour la banque de motiver la fermeture d’un compte. Cependant, cette disposition risque fort d’être peu opérante faute de sanction, le pouvoir unilatéral de fermeture détenu par les établissements bancaires demeurant donc intact.
Par ailleurs, le texte proposé ne prend pas en compte les différences de législation entre pays, ce qui soulève des difficultés pour les clients de néobanques dont les comptes sont domiciliés à l’étranger.
Si cette proposition de loi n’a pas pour objet, bien évidemment, de régler toutes les situations, elle va, incontestablement, dans le sens d’une amélioration des relations entre les banques et leurs clients. C’est pourquoi le groupe socialiste la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur ainsi que MM. Daniel Chasseing et Pascal Savoldelli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Louis Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accès au système bancaire est un enjeu clé pour la cohésion sociale et territoriale de notre pays.
Sociale, d’abord, car sans compte en banque, l’intégration à la collectivité est difficile, sinon impossible. Se loger, travailler se nourrir : tout ce qui y participe impose en pratique d’avoir un compte en banque.
Territoriale, ensuite : tous les Français n’ont pas un égal accès aux agences bancaires. En milieu urbain ou périurbain, il est ainsi souvent possible de se rendre, à pied, dans plusieurs agences. En milieu rural, il n’est au contraire pas rare de devoir prendre sa voiture pour se rendre dans une seule d’entre elles…
Compte tenu de ces deux dimensions, on comprend que la fermeture de compte puisse être un facteur d’exclusion. C’est pourquoi je remercie nos collègues du groupe Union Centriste d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour.
Quelle est l’importance du phénomène ? Vous posiez la question, madame la secrétaire d’État : combien de nos concitoyens sont-ils concernés par la fermeture abusive de leur compte en banque ? À la vérité, on ne le sait pas très bien… En 2019, une enquête menée par l’UFC-Que Choisir estimait à 11 % la proportion de personnes déclarant avoir déjà fait l’objet d’une fermeture de compte par leur banque sans leur accord. Mais parmi ces fermetures, certaines étaient justifiées.
La proposition de loi que nous examinons concerne les personnes dont le compte a été fermé sans leur accord, qui n’en comprennent pas la raison et qui ne peuvent ouvrir un compte dans une autre banque, soit en agence, soit en ligne. Cependant, comme cela a été souligné, ces personnes bénéficient du droit au compte prévu par la loi française. En outre, nous disposons du maillage territorial le plus important d’Europe.
Dans ces conditions, certains membres de notre groupe s’interrogent sur la pertinence de la solution proposée, dont vous reconnaissiez vous-même, madame la secrétaire d’État, qu’elle méritait une analyse approfondie.
Le texte initial posait une obligation sans prévoir de sanction : c’était prendre le risque que rien ne change. En effet, vous connaissez tous le mot de Richelieu : « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre. » Le rapporteur, Marc Laménie, dont je tiens à saluer le travail et dont le groupe Les Indépendants soutiendra majoritairement la position, a réécrit, à juste titre, ce texte. Les banques seraient désormais obligées, lorsque le client en fait la demande, de motiver leur décision de fermeture du compte, sauf lorsque cela contrevient aux objectifs de sécurité nationale et de maintien de l’ordre.
La réécriture ainsi proposée a, indéniablement, le mérite de préciser le dispositif, ce qui était indispensable. Cependant, la condition ajoutée pose tout de même une difficulté, car l’absence de réponse de la banque équivaut à faire peser un soupçon sur la personne concernée. Nous espérons donc que ce texte sera encore amélioré tout au long de son examen parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Sophie Briante Guillemont et Olivia Richard applaudissent également.)
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Cela faisait trente-cinq ans que j’avais un compte en France, sans incident bancaire. Lorsque je suis parti à l’étranger pour travailler et rejoindre ma famille, la banque m’a envoyé une lettre recommandée : “Nous n’avons plus convenance à maintenir la relation de compte que nous avons avec vous […]. Cette relation de compte prendra fin dans soixante jours.” Je n’ai pu obtenir une explication de la part de ma conseillère de clientèle. »
Voilà un exemple parmi tant d’autres des messages que je reçois régulièrement de la part de Français de l’étranger en proie au désarroi et à l’incompréhension face à la fermeture soudaine de leur compte bancaire en France.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Ce compte bancaire leur permet en effet de recevoir la pension de retraite française, le remboursement de leurs soins et les loyers qu’ils tirent des biens dont ils sont propriétaires en France ; de payer leurs impôts en France, d’adhérer à une mutuelle ou de régler les études de leurs enfants ; ou, tout simplement, d’épargner.
Quelles sont les raisons notifiées par les banques françaises aux Français de l’étranger pour ces fermetures ? Aucune, madame la secrétaire d’État !
Quelles sont les deux raisons invoquées par les collaborateurs bancaires ?
La première est la réglementation de l’Union européenne contre la corruption, le financement du terrorisme et le blanchiment. Elle justifie la fermeture des comptes bancaires dès lors que le pays de résidence est jugé trop sensible ou à risque comme c’est le cas en Afrique de l’Ouest, au Moyen-Orient ou en Amérique latine.
La seconde est la réglementation extraterritoriale américaine du Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca), qui impose aux institutions françaises de déclarer aux autorités américaines les comptes détenus par des citoyens américains ou franco-américains. Pour éviter de gérer des obligations complexes, les établissements français préfèrent clôturer les comptes de ces non-résidents.
Face à de telles régulations internationales, les banques, par prudence, surinterprètent des textes dont l’objectif initial n’était pas la fermeture de comptes bancaires. D’ailleurs, aucun des pays considérés comme étant sensibles ou à risque ne fait aujourd’hui l’objet d’une interdiction générale et absolue de transactions financières. Il n’y a donc aucune raison d’empêcher, par principe, des transactions par la fermeture de comptes bancaires.
À ces Français dont la banque a subitement fermé le compte, l’on répond qu’ils peuvent exercer leur droit au compte, comme s’ils étaient des faillis ou des interdits bancaires. Outre ce manque de considération, je relève deux écueils majeurs à ce dispositif. En effet, la banque de substitution désignée par la Banque de France donne uniquement accès à des services bancaires de base et peut, à son tour, clore le nouveau compte dans certaines situations. C’est notamment le cas lorsqu’elle prétend ne pas être en mesure de satisfaire aux obligations de vigilance, principales causes actuelles de fermeture des comptes des Français de l’étranger.
Vous l’avez compris, la motivation d’une décision de fermeture d’un compte bancaire ou le rallongement du délai de préavis sont totalement inopérants pour résoudre le problème de la clôture des comptes bancaires des Français de l’étranger. En effet, l’État ne saurait apporter son soutien financier aux banques françaises dans leurs projets à l’international alors que ces dernières ferment les comptes des clients français installés à l’étranger !
Je rappelle, madame la secrétaire d’État, qu’en 2019, lors d’un déplacement en Côte d’Ivoire, le Président de la République, interrogé sur le sujet, dénonçait une situation inacceptable, estimant « anormal que les Françaises et les Français ici soient amenés à aller vers des banques étrangères parce qu’ils sont abandonnés par les banques françaises ».
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Exactement !
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Depuis la loi du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, dite loi bancaire, posséder un compte de dépôt est un droit reconnu aux résidents en France comme aux Français de l’étranger.
Madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas qu’il est grand temps de faire appliquer le droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Briante Guillemont et M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons vise à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires. Notre groupe votera pour cette proposition de loi.
Pourquoi ?
Sans nier les éventuelles zones d’ombre de ce texte, il s’agit bel et bien de corriger une situation injuste pour le client d’une banque. En effet, aujourd’hui, à l’exception du cas de l’ouverture d’un compte bancaire via la procédure du droit au compte, la législation en vigueur permet à une banque de résilier unilatéralement un compte bancaire sans avoir à se justifier sur les motifs de cette fermeture de compte. Autrement dit, si un client apprend que son compte bancaire fait l’objet d’une fermeture et qu’il souhaite en connaître les raisons, l’établissement peut, en toute légalité, ne pas indiquer les motivations de cette fermeture, laissant ainsi le client dans un flou sidérant.
Est-ce bien logique ? Non ! Une telle situation crée une incompréhension légitime et suscite peut-être encore un peu plus de méfiance à l’égard d’un secteur déjà largement décrié… Ce texte rééquilibre la situation au bénéfice du client en lui permettant, s’il le demande, d’obtenir en toute transparence les raisons justifiant la fermeture de son compte en banque. Cette transparence éviterait des abus, à savoir les fermetures aléatoires ou injustifiées, raison pour laquelle nous sommes en faveur de l’adoption de cette proposition de loi.
Toutefois, un certain nombre de zones d’ombre devront être éclaircies au cours de la navette parlementaire. Je pense, notamment, aux incertitudes juridiques, à commencer par celles qui concernent le droit communautaire.
En effet, l’article 55 de la deuxième directive européenne sur les services de paiement, transposé dans le code monétaire et financier français, rappelle la faculté pour l’établissement de résiliation unilatérale du contrat-cadre et la soumet à la seule condition de respecter un préavis de deux mois. La motivation de la résiliation n’est donc pas prévue en tant que telle par la directive, ce qui pose la question de l’éventuelle absence de conformité avec le droit de l’Union.
Si la représentation nationale souhaite adopter cette proposition de loi, il convient donc d’évacuer le moindre risque à cet égard, afin d’éviter toute sanction européenne.
Enfin, je souhaite également aborder une autre préoccupation : celle des conséquences de l’adoption de ce texte sur la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment. Si un client auteur de faits pouvant, par exemple, être qualifiés de blanchiment ou de financement du terrorisme découvre la décision de clôture de son compte bancaire, il pourrait dès lors considérer qu’il fait l’objet d’une enquête. Cela reviendrait donc ni plus ni moins à lui mettre la puce à l’oreille, lui laissant ainsi l’opportunité de procéder à la destruction de preuves utiles et nécessaires à la manifestation de la vérité, et ce avant la fin de l’enquête.
Je crains que l’amendement du rapporteur n’ait pas résolu ce problème dans la mesure où le refus de justification permettrait de raisonner a contrario, lui mettant une fois encore la puce à l’oreille. Face à de tels risques, j’ai donc déposé un amendement à ce sujet, en proposant une piste de réflexion.
Malgré ces zones d’ombre, je pense néanmoins qu’il est nécessaire de ne pas laisser le droit en vigueur figé. Je voterai donc pour cette proposition de loi, dans l’intérêt d’une plus grande transparence des établissements bancaires à l’égard de leurs clients, tout en appelant à la vigilance quant aux inquiétudes que j’ai soulevées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ronan Le Gleut. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les Français établis hors de France sont les premières victimes, parfois tragiques, des fermetures abusives et arbitraires de comptes bancaires en France.
Combien de fois n’ai-je été confronté à ces retraités dont la seule source de revenus, leur petite retraite, devenait inaccessible ? Combien de fois n’ai-je été sollicité par ces entrepreneurs français qui participent à notre commerce extérieur et qui voient leurs comptes bancaires brutalement et injustement fermés ? N’oublions pas non plus ceux que l’on appelle les Américains accidentels, particulièrement concernés.
Ces fermetures abusives de comptes bancaires n’ont que trop duré. Il est enfin temps d’agir pour nos compatriotes établis hors de France.
Depuis la loi bancaire du 24 janvier 1984, tout Français, qu’il réside dans l’Hexagone, dans les outre-mer ou à l’étranger, a le droit de posséder un compte de dépôt dans une banque en France. C’est le droit au compte, prévu en particulier par l’article L. 312-1 du code monétaire et financier.
Mais ce droit au compte est malmené. D’une part, pour des Français établis a à l’étranger, les décalages horaires, les délais postaux et la distance avec la France complexifient les procédures, surtout pour les naufragés du numérique. D’autre part, dans la plupart des cas, l’établissement bancaire désigné par la Banque de France n’offre que les seuls services bancaires de base, ce qui représente une détérioration du service rendu.
En effet, de nombreuses banques ferment arbitrairement et abusivement les comptes de nos compatriotes établis à l’étranger après avoir notifié un préavis de deux mois. La lutte contre le terrorisme, la fraude et le blanchiment ne s’appliquent pas à ces Français à l’attitude irréprochable et exemplaire dont le seul crime serait de se battre pour le rayonnement de la France à l’étranger !
Sont particulièrement concernés les Français qui habitent dans des pays n’ayant pas souscrit à la norme d’échange automatique d’information (Automatic exchange of Information, AEOI) définie par l’OCDE. Celle-ci fait référence à l’échange entre les autorités fiscales internationales, dans le but de réduire l’évasion fiscale mondiale et d’accroître la transparence fiscale. À cela s’ajoutent les recommandations du Groupe d’action financière (Gafi), qui définissent un cadre complet de mesures devant être mises en œuvre par les pays afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Concrètement, plutôt que de faire l’objet d’un examen au cas par cas, des Français de l’étranger voient injustement leur compte bancaire fermé, ce qui les place en grande difficulté.
Nous soutenons donc cette proposition de loi, qui tend à protéger les Français de la fermeture abusive de leur compte bancaire en contraignant les établissements bancaires à se justifier. Or l’expérience a montré que les banques procédaient souvent sans discernement.
Madame la secrétaire d’État, nous connaissons votre attention à la protection du consommateur et savons que nous pouvons compter sur vous, votre rigueur et votre ténacité. C’est pourquoi nous sommes d’accord avec vous pour que des travaux complémentaires d’analyse soient menés. À ce titre, nous saluons votre engagement à saisir le Comité consultatif du secteur financier de ce sujet, et nous serons attentifs à ses conclusions.
La lutte contre le blanchiment est évidemment une dimension essentielle, à laquelle nous sommes attentifs.
Au-delà de cette proposition de loi, formons ici le vœu que la Fédération bancaire française (FBF) et le gouverneur de la Banque de France entendent notre appel à plus de justice pour les Français de l’étranger. Ceux d’entre eux qui détiennent un compte bancaire en France ne sont ni des fraudeurs, ni des criminels, ni des exilés fiscaux, mais ils ont besoin d’un tel compte pour de multiples raisons : régler leurs impôts, percevoir une retraite, régler des frais de scolarité, acquitter une pension alimentaire, etc.
Nous sommes ici leurs avocats face aux abus bancaires qui les frappent. Rendons justice aux Français de l’étranger ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)