M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de lemploi. Madame la sénatrice Annick Jacquemet, vous avez tout dit ! Il s’agit d’un vrai sujet de préoccupation.

La question de l’indemnisation du chômage des travailleurs transfrontaliers relève d’un règlement européen. C’est à ce niveau que nous souhaitons maintenant agir résolument, au regard des chiffres que vous avez cités.

Nous avons déjà pris contact avec la Pologne, qui assurera la présidence du Conseil européen au prochain semestre ; nos partenaires polonais se sont montrés plutôt intéressés, car il faut savoir que la France n’est pas le seul pays concerné par cette question.

Mais il y a des choses que l’on peut faire, d’ores et déjà, à l’échelle nationale.

Premièrement, on peut redéfinir ce qu’est une « offre raisonnable d’emploi ».

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. En effet, aujourd’hui, bon nombre de transfrontaliers de retour en France et inscrits à France Travail sont en droit de refuser une offre d’emploi en France au motif qu’elle n’est pas raisonnable au regard des salaires offerts de l’autre côté de la frontière, que ce soit en Suisse ou au Luxembourg. Nous souhaitons revisiter cette question pour que la notion d’« offre raisonnable d’emploi » soit comprise dans le contexte du marché du travail français.

Deuxièmement, les agences France Travail peuvent offrir un accompagnement renforcé aux travailleurs transfrontaliers. Dix-neuf d’entre elles accueillent aujourd’hui l’essentiel des 77 000 travailleurs transfrontaliers. Depuis quelques semaines, elles leur fournissent un accueil spécifique et un accompagnement renforcé, dans un esprit d’incitation à un retour plus rapide sur le marché du travail.

Cela étant dit, madame la sénatrice, croyez à ma réelle détermination en la matière : dans le contexte actuel de nos finances publiques, ce genre de chiffre n’est tout simplement plus acceptable.

M. Loïc Hervé. Il faut y aller vraiment !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je serai donc heureuse de revenir devant vous dans quelques mois à l’occasion d’une prochaine question pour vous dire où nous en sommes. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

pistes d’économies pour le budget de 2025

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (De nombreux sénateurs des groupes CRCE-K, SER et GEST quittent lhémicycle.)

M. Stéphane Ravier. Merci de cet accueil, mes chers collègues ! Comme d’habitude, le meilleur est pour la fin !

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous cherchez désespérément 60 milliards d’euros pour boucler le budget pour 2025. Or – je vais peut-être vous l’apprendre – il existe un gisement de plusieurs dizaines de milliards d’euros ! En l’occurrence, il s’agit uniquement de baisses des dépenses et non de hausses d’impôts : que des bonnes nouvelles !

En effet, le conseiller d’État Christophe Eoche-Duval estime à 170 milliards d’euros, soit 7 % du PIB, le prix annuel de l’insécurité dans notre pays, dans un ouvrage paru le 12 septembre dernier, Le Prix de linsécurité : Enquête sur une défaillance dÉtat, vendu 18 euros – cette publicité n’est pas rémunérée !

À Marseille, le 4 octobre, au bois de Boulogne, le 21 septembre, à Subles, le 29 septembre, Nessim, Philippine et Kylian avaient la vie devant eux, comme Thomas, Lola, Timothy, Laura, Mauranne et tant d’autres. Leur vie n’avait pas de prix et leur absence laisse une dette ineffaçable à l’égard de leur famille. Ils ont un point commun : leur mort était évitable. Ils sont les victimes de l’impunité organisée, du laxisme judiciaire, de l’immigration incontrôlée et du trafic de drogue trop souvent toléré.

Or moins nous réglons ces problèmes sources, plus nous courons à la dépense sécuritaire. Il faut en urgence briser ce cercle vicieux de l’insécurité, d’abord et avant tout pour son prix humain, mais aussi pour son coût financier démentiel.

À Marseille, les mafieux commanditent les assassinats depuis les prisons et appellent la police pour s’en vanter. Encore ce matin, le tristement célèbre cartel DZ Mafia – DZ veut dire Algérie – diffusait une allocution publique pour donner son point de vue sur la situation : l’humiliation est complète pour les institutions !

Les Français n’attendent pas un tournant d’austérité, mais un tournant d’autorité. Monsieur le Premier ministre, vous avez là un gisement de popularité et d’économie garanti. Mais pour cela, il faut assumer la rupture !

Ma question est donc simple : accepterez-vous de lever le tabou du coût de l’insécurité en proposant à la Cour des comptes d’évaluer annuellement son montant exact ? (MM. Aymeric Durox, Christopher Szczurek et Alain Duffourg applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.

M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le sénateur Ravier, je ne suis pas tout à fait sûr que votre question me soit adressée, mais je veux répondre tant à la préoccupation que vous exprimez, me semble-t-il, quant à la baisse de la dépense publique en général, qu’à vos interrogations quant aux moyens que nous déployons pour la sécurité de nos concitoyens.

Je l’ai dit tout à l’heure en réponse à une autre question : oui, nous devons redresser nos comptes publics, c’est l’affaire de tous ; oui, nous devons prioritairement faire baisser la dépense publique dans notre pays. Nous avons annoncé notre ambition : les deux tiers de l’effort de 60 milliards d’euros nécessaire pour revenir à 5 % de déficit doivent passer par la baisse de la dépense publique. Au sein de ces 40 milliards, la moitié de l’effort reviendra à l’État.

Alors, où peut-on faire baisser la dépense publique sans abîmer les services publics de proximité dont bénéficient nos concitoyens ?

D’abord, il nous faut savoir retirer les boucliers de protection que nous avons mis en place pendant les crises. L’argent public a été abondamment utilisé pour protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens, notamment face aux hausses des factures d’électricité.

Nous devons aussi faire gagner en efficience la dépense publique. Il y aura beaucoup de travail à mener autour des opérateurs de l’État, leur fusion doit être étudiée, mais il faut aussi déterminer comment les aides à l’emploi peuvent être reciblées, repensées, pour être plus efficaces.

Mais tout cela, monsieur le sénateur, ne devra pas se faire au détriment des fonctions régaliennes de notre pays et de la sécurité de nos concitoyens. Nous veillerons en particulier au respect des lois de programmation en vigueur dans notre pays, qu’il s’agisse des moyens de la police et de la gendarmerie, de ceux de nos armées, de ceux de la justice, ou de ceux de la recherche. Oui, je peux vous le dire, les crédits de tous ces ministères resteront en hausse, pour leur sécurité, mais aussi pour leur avenir et leur investissement.

Nous avons finalement besoin de savoir baisser la dépense publique avec intelligence : cela ne doit pas seulement passer par le rabot et les coupes aveugles. L’ambition qui nous anime suscitera évidemment le débat, au sein de cet hémicycle, pendant de longues semaines, mais nous devons aussi savoir assumer les priorités du Gouvernement : la sécurité de nos concitoyens est l’une d’entre elles. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 16 octobre 2024 à 15 heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable (39 voix pour, aucune voix contre) à la nomination de M. Jean Castex aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes
Discussion générale (suite)

Réduction du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes

Rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, présentée par M. François Bonneau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 890 [2022-2023], texte de la commission n° 664, rapport n° 663).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes
Article unique

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Bonneau, auteur de la proposition de loi.

M. François Bonneau, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la vie d’élu est d’abord un engagement personnel, pas toujours un engagement rationnel, au service de sa commune et du collectif pour un CDD qui sera renouvelé selon son choix ou celui des habitants.

Voilà qui résume ce qu’est la fonction d’élu local, en particulier dans les petites communes. Il s’agit d’un engagement largement bénévole, souvent à temps plein. Qui plus est, les élus des communes rurales font face à de plus en plus d’incivilités. Le constat est là : près de 10 000 élus ont démissionné depuis 2020, ce qui souligne la gravité de la situation.

Dans nos territoires ruraux, la dynamique démographique et sociale évolue. Les petites communes, qui constituent l’essence même de notre tissu rural, sont confrontées à des défis de plus en plus complexes. L’un des problèmes auxquels elles font face est la difficulté à maintenir un conseil municipal complet et opérationnel : atteindre le quorum indispensable pour tenir les réunions du conseil municipal se transforme parfois en obstacle récurrent.

M. François Bonneau. Avec un nombre de conseillers fixé sans réelle considération des réalités locales, il est courant de constater que des conseils municipaux peinent à réunir suffisamment de leurs membres pour pouvoir délibérer. Cette situation paralyse les décisions et compromet le bon fonctionnement de la commune.

Au-delà de cette première difficulté, nous constatons également un taux alarmant de démissions parmi les élus locaux. Depuis le début de la mandature, les départs se multiplient – la Charente en est un exemple flagrant avec une centaine de démissions pour seulement 362 communes. Ces départs en cascade provoquent des situations d’instabilité, imposent la tenue d’élections partielles et plongent certaines communes dans d’infinies complications. Cette instabilité fragilise nos institutions locales.

Par ailleurs, le processus électoral lui-même pose problème. Constituer des listes électorales complètes se révèle un véritable casse-tête. Dans de nombreuses communes, certains candidats se présentent uniquement pour compléter des listes, sans avoir le temps ni la volonté de s’engager dans la vie municipale. Lorsque la liste n’est pas complète, la commune risque de se retrouver sous tutelle préfectorale, une situation qui ne peut être tolérée dans une démocratie locale comme la nôtre. Au fil des ans, ce désintérêt se transforme en absentéisme lors des réunions, compromettant ainsi l’équilibre et l’efficacité du conseil municipal.

Il faut souligner l’inadéquation entre le nombre de conseillers municipaux requis et la réalité démographique de nos communes rurales. Dans certaines d’entre elles, le conseil municipal représente jusqu’à 10 % de la population totale, tandis que, dans les grandes villes, ce pourcentage est infime. Ce décalage rend nécessaire une réévaluation des exigences en matière de représentation. Il est impératif de les rééquilibrer pour éviter des distorsions qui mettent en péril leur fonctionnement démocratique.

En 2023, la France comptait 3 379 communes de moins de 100 habitants et 14 977 communes de 100 à 500 habitants. Si l’on s’en tient à l’état actuel du droit, cela représente 23 653 élus pour les communes de moins de 100 habitants et 164 747 élus pour celles comprises entre 100 et 500 habitants. Ces chiffres nous rappellent combien la France est majoritairement rurale et combien l’engagement citoyen est important pour nos villages.

L’objet de ma proposition de loi visait initialement ces communes, qui sont les plus touchées par la difficulté de constituer une liste.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui vise donc à adapter le nombre de conseillers municipaux à la réalité des petites communes et s’inscrit dans le droit fil de la réforme du statut de l’élu pour mieux accompagner les représentants de nos communes.

Il s’agit, après examen en commission des lois, de réduire le nombre de membres composant le conseil municipal pour que celui-ci soit « réputé complet », en le ramenant à cinq pour les communes de moins de 100 habitants, à neuf pour celles comptant entre 100 et 499 habitants, à onze pour celles de 500 à 1 499 habitants, à quinze pour les communes de 1 500 à 2 499 habitants, à dix-neuf pour les villes de 2 500 à 3 499 habitants.

Cette réduction permettra non seulement de faciliter la prise de décision, mais aussi d’assurer une gestion municipale plus efficiente et plus proche des besoins réels.

Quand bien même un certain nombre de nos collègues voudraient que l’on donne toute latitude aux communes pour définir le nombre de leurs élus, une telle mesure se heurterait au Conseil constitutionnel et pourrait conduire à des disproportions importantes entre communes.

Nous ne devons pas perdre de vue que nos communes rurales sont souvent les premières victimes des rigidités administratives. Cette situation est d’autant plus problématique que, si l’on exclut les résidents non permanents et les étudiants, le nombre de personnes éligibles se réduit drastiquement. Dans de nombreux cas, il a fallu mobiliser quasiment 10 % de la population, alors que le ratio est de l’ordre de 1 pour 1 000 dans les plus grandes villes.

En allégeant ces contraintes, nous permettons aux communes de mieux fonctionner et de se concentrer sur leurs missions premières : servir leurs administrés.

Il est également important de rassurer ceux qui craignent une diminution de l’influence des petites communes au sein des intercommunalités et du corps électoral des grands électeurs. La proposition de loi se limite à réduire le nombre de conseillers municipaux au sein des conseils, sans toucher à leur poids politique et à leur influence dans les instances intercommunales – il convient de le souligner. L’objectif est de simplifier et d’optimiser le fonctionnement local, sans affaiblir la voix de ces communes ni le nombre de leurs adjoints dans les instances supérieures.

Mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans une démarche de bon sens et de pragmatisme. Elle répond à un besoin de nos petites communes, qui doivent pouvoir fonctionner de manière plus fluide et plus efficace. En adaptant le nombre de conseillers municipaux à la réalité démographique et en simplifiant les exigences administratives, nous permettons à nos élus locaux de mieux gérer leurs dossiers et le quotidien de nos concitoyens. La mairie constitue bien souvent la porte d’entrée pour tout type de démarche, et c’est un service précieux.

Madame la ministre déléguée, avant de conclure, je tiens à vous remercier de l’écoute toujours attentive dont vous avez fait montre lors de l’examen de cette proposition de loi en commission.

Mes chers collègues, je vous invite à soutenir cette proposition de loi, non seulement pour le bien de nos petites communes, mais aussi pour préserver et renforcer la vitalité de notre démocratie locale. Ensemble, faisons en sorte que nos communes puissent continuer à être des lieux de vie, de solidarité et d’engagement citoyen. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous sommes actuellement confrontés à une véritable crise des vocations à l’échelon local, régulièrement mise en lumière par les travaux du Sénat.

Elle s’illustre notamment par l’accélération des démissions d’élus locaux en cours de mandat : 1 787 maires, soit plus de 5 % des maires élus en 2020, avaient démissionné de leur mandat au début du mois d’octobre 2024, ainsi que 29 000 conseillers municipaux, soit 6 % d’entre eux. Des chiffres sans précédent !

Cette crise se manifeste également par la diminution du nombre de candidats aux élections locales. En 2020, après le dernier renouvellement général des conseils municipaux, 345 communes ne disposaient pas d’un conseil municipal complet contre 228 en 2014, soit une augmentation de 51 %.

Cette situation a engendré de nombreuses difficultés de fonctionnement pour les conseils municipaux, particulièrement dans les communes rurales. Cela se traduit par le recrutement de conseillers municipaux moins motivés et moins investis dans leur mandat, un absentéisme plus élevé et des élections municipales complémentaires plus fréquentes.

Cette crise s’explique principalement par la dégradation implacable des conditions d’exercice des mandats locaux, régulièrement dénoncée par le Sénat : hausse intolérable des violences contre les élus locaux, indemnités et garanties insuffisantes pour compenser leur engagement, complexification générale des affaires publiques locales, poids croissant des exigences citoyennes, manque d’autonomie financière et de reconnaissance. Ces obstacles entravent l’action concrète de terrain et concourent gravement au mouvement de désengagement observé.

Pourtant, les élus locaux sont bien les garants de la préservation du lien social ; ils sont les sentinelles de la République. Nous avons besoin que ces femmes et ces hommes continuent de s’engager pour la vie de nos communes et de nos concitoyens.

Sur l’initiative du Sénat, des mesures fortes ont déjà été prises pour tenter d’entraver cette tendance inquiétante. Je pense notamment au statut de l’élu et à l’entrée en vigueur de la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.

J’en viens à la présente proposition de loi, déposée par notre collègue François Bonneau, dont je salue l’initiative et avec qui j’ai travaillé en étroite collaboration. Je tiens également à remercier l’ensemble de mes collègues cosignataires du texte que j’ai moi-même déposé sur ce sujet.

Afin de combattre la crise des vocations dans la perspective des élections municipales de 2026 et de renforcer l’attractivité des mandats municipaux, l’article unique de la proposition de loi prévoyait initialement d’abaisser le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants, plus précisément de sept à cinq dans celles de moins de 100 habitants et de onze à sept dans celles de 100 à 499 habitants.

L’objectif est de permettre aux communes rurales de constituer plus facilement leur conseil municipal, dans un contexte où le nombre de conseillers municipaux peut parfois excéder le nombre d’administrés disponibles pour un engagement citoyen. À titre d’exemple, dans l’Indre, à Giroux, commune de 121 habitants, l’effectif du conseil municipal représente plus de 9 % de la population en l’état du droit, alors que, pour la commune de Châteauroux, qui compte 43 000 habitants, l’effectif exigé représente 0,09 % de la population. Il s’agit là d’un écart considérable en termes de représentativité de la population municipale au sein du conseil municipal entre les petites communes et les villes moyennes.

La commission des lois a donc accueilli favorablement cette initiative, qui, si elle ne résout pas les causes de la crise des vocations municipales, permettra aux communes rurales de constituer leur conseil municipal plus facilement. Elle a adopté cette proposition de loi après avoir apporté cinq modifications, avec l’accord de François Bonneau.

Tout d’abord, la commission a étendu la baisse du nombre de conseillers municipaux à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, qui sont confrontées à des tensions grandissantes pour mobiliser suffisamment de candidats. Cette extension aura le mérite de favoriser la constitution des listes.

Ensuite, la commission a souhaité modifier l’effectif des conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants pour éviter une baisse trop brutale du nombre de conseillers municipaux dans ces communes et ne pas pénaliser celles qui réussissent à mobiliser suffisamment de candidats. L’effectif des conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants serait donc fixé à sept, et celui des communes de 100 à 499 habitants à neuf.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement visant à rétablir le dispositif du conseil municipal « réputé complet » pour les communes de moins de 500 habitants, ce qui leur laissera de la souplesse. Ainsi, les communes de moins de 100 habitants devront réunir sept conseillers municipaux, mais leur conseil municipal sera « réputé complet » avec cinq membres, ce qui permettra notamment d’élire un maire sans procéder préalablement à des élections complémentaires pour pourvoir les postes vacants. De même, les communes de 100 à 499 habitants devront réunir neuf conseillers municipaux, mais leur conseil municipal pourra être « réputé complet » avec sept conseillers municipaux.

Qui plus est, la commission a apporté deux modifications pour garantir l’opérationnalité du dispositif et ainsi éviter tout effet de bord non souhaitable : d’une part, l’abaissement du nombre maximal de conseillers forains dans les communes de moins de 500 habitants, afin d’éviter que leurs conseils municipaux ne soient en quasi-intégralité composés d’élus ne résidant pas dans la commune ; d’autre part, la garantie pour les communes concernées par la baisse du nombre de conseillers municipaux de conserver le même nombre de délégués au collège électoral des sénateurs.

Enfin, lors de l’examen du texte, la commission des lois a insisté sur la nécessité de garantir aux communes concernées le même nombre d’adjoints au maire.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. En raison des règles de recevabilité financière découlant de l’article 40 de la Constitution, elle n’a pu adopter d’amendement en ce sens. J’appelle donc le Gouvernement à bien vouloir s’engager en faveur de cette disposition.

Je tiens à insister sur un point : si ce texte constitue un progrès, il est urgent d’agir parallèlement pour résoudre les causes de la crise de la démocratie locale en enrayant enfin la dégradation des conditions d’exercice des mandats locaux. Cela devra passer, entre autres, par la mise en place d’un statut de l’élu protecteur et par la généralisation du mode de scrutin de liste à l’ensemble des communes.

Je salue ainsi les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. La semaine dernière, elle a adopté un rapport d’information sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux en vue du dépôt d’une proposition de loi transpartisane.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l’adoption d’un amendement de coordination et de trois amendements identiques sur l’extension du principe du « réputé complet » pour les communes de 500 à 999 habitants, la commission des lois vous propose d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le sénateur François Bonneau, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue la présence à mes côtés de Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation : c’est une grande marque de considération à l’endroit du Sénat.

Cela vient d’être rappelé, la commune est le cœur de notre démocratie, le premier kilomètre d’une action publique efficace. Comme élus et comme citoyens, nous savons tous dans cet hémicycle à quel point l’engagement municipal est précieux, exigeant et ce qu’il représente dans nos vies.

Dans les petites communes, puisque nous parlerons plus particulièrement de celles-ci, le conseiller municipal, c’est celui qui écoute et qui s’applique à résoudre les problèmes du quotidien. C’est celui qui donne de son temps pour ses concitoyens. C’est aussi celui qui reçoit les parents d’élèves, retrouve ses concitoyens à la boulangerie ou dans la rue, prête toujours une attention bienveillante à tous et cherche à inventer des possibles pour améliorer le quotidien de chacun.

Rendre ainsi service à ses concitoyens sur un territoire auquel on est attaché, en y consacrant tant d’énergie et de générosité, c’est la force, la vitalité, mais aussi l’honneur de notre République, l’illustration de ce que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a appelé la « démocratie implicative ».

En revanche, et cela été rappelé, tous, nous connaissons la fragilité grandissante de cet engagement citoyen. Nos territoires ruraux ne sont malheureusement pas épargnés par la lassitude qui s’empare aujourd’hui des élus locaux, pour les raisons que vous avez évoquées, madame la rapporteure.

Dans son discours de politique générale ici, au Sénat, le Premier ministre a clairement exprimé la haute idée qu’il se fait du rôle de nos collectivités locales dans la République. Il a appelé à bâtir un « nouveau contrat de responsabilités entre les collectivités territoriales et l’État ».

Je sais aussi l’attention et le soutien du Sénat à la reconnaissance et à la consolidation de l’engagement des élus.

Les difficultés sont là, comme en témoignent les chiffres. Pour compléter ceux de François Bonneau, je précise que, lors des élections municipales de 2020, dans près de 3 700 communes soumises au scrutin de liste, l’élection s’est jouée avec une liste unique. En outre, depuis le mois de mars 2023, 1 466 élections partielles se sont tenues du fait de l’incomplétude des conseils municipaux.

Inlassablement, le Sénat a œuvré pour renforcer la protection des élus et pour faciliter leur engagement. Cela s’est traduit concrètement par l’adoption d’une proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, présentée par le sénateur François Bonneau et le groupe Union Centriste, dont je salue l’initiative, et signée par nombre d’entre vous, est la première pierre d’une réflexion plus large qui devra se poursuivre en impliquant étroitement les associations d’élus, mais aussi les deux chambres du Parlement.

Cette proposition extrêmement concrète apporte une réponse attendue aux difficultés des 18 000 communes de moins de 500 habitants dans la constitution de leur conseil municipal, en abaissant le nombre d’élus. Elle s’inscrit dans le prolongement de la souplesse donnée par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite Engagement et Proximité, qui a permis d’instaurer une exception d’incomplétude des conseils municipaux.

Enrichi par la commission des lois, à partir de l’excellent travail de la rapporteure Nadine Bellurot, le présent texte reprend un certain nombre de propositions de loi défendues par votre chambre, à l’image de celle de Mme la rapporteure et du sénateur Éric Kerrouche.

Je salue également tout particulièrement le travail utile auquel ont contribué votre rapporteure, Éric Kerrouche et Didier Rambaud et qui a conduit à l’adoption du rapport d’information sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux, le 3 octobre dernier, par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Ce travail collectif et transpartisan a élargi la réflexion sur le nombre de conseillers municipaux à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, confrontées à des difficultés diverses de constitution d’assemblées municipales.

Le Gouvernement partage la nécessité de traiter ce sujet en retenant un nombre adapté d’élus à la situation de chaque strate. Cela répond à un véritable besoin. Il soutiendra ainsi les évolutions proposées, soit le passage de onze à neuf conseillers municipaux pour les communes de 100 à 499 habitants, de quinze à onze pour les communes de 500 à 1 499 habitants, de dix-neuf à quinze pour les communes de 1 500 à 2 499 habitants, de vingt-trois à dix-neuf pour les communes de 2 500 à 3 499 habitants.

Cette répartition respecte les strates de communes retenues au sein du code général des collectivités territoriales. Il s’agit là d’un point important, car je sais que certains amendements visent à prévoir des modalités différentes. Il nous semble nécessaire de veiller au respect des strates existantes, car chacune d’elles prévoit des droits et des devoirs pour les communes concernées : veillons à ne pas bouleverser ce qui ne pose pas véritablement problème aujourd’hui.

Au vu des échanges avec les associations d’élus, il ne semble pas pertinent de modifier la loi pour les communes de plus de 3 500 habitants, mais il convient de cibler les évolutions législatives et de les flécher sur les situations qui appellent un changement, à savoir le cas des petites communes, dans l’esprit du principe de différenciation cher au Sénat et aux collectivités.

À cet égard, je tiens à rassurer la sénatrice Lana Tetuanui : conformément à ce principe, le texte ne s’appliquera pas à la Polynésie française.

Prolongeant l’esprit d’équilibre voulu par le sénateur Bonneau et ses cosignataires, la proposition de loi tire également les conséquences – le sujet vous intéresse tout particulièrement ici ! – des modifications du nombre de conseillers municipaux sur la représentation des communes de moins de 3 500 habitants au sein du collège électoral du Sénat, et c’est heureux !

Le Gouvernement est très attaché à la préservation de la représentation de toutes nos communes, en particulier des communes rurales, lors de la désignation de la Chambre haute. Aussi, nous n’approuverons pas les amendements dont l’adoption conduirait à une remise en cause de la place des plus petites communes dans le collège électoral des sénateurs. Il y va de la préservation de ce lien essentiel entre le Sénat et tous les territoires.