compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à Gérard César, ancien sénateur

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de Gérard César, ancien sénateur de la Gironde. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)

Nous honorons non seulement la mémoire du sénateur qu’il a été, de l’élu de terrain – il fut maire et conseiller général –, mais aussi et peut-être avant tout le viticulteur, l’ardent défenseur du vin, patrimoine de la culture française.

Ce viticulteur dans l’âme milita au sein du syndicalisme agricole et devint, au milieu des années 1960, président des Jeunes Agriculteurs de la Gironde. Il dirigea la belle cave coopérative de Rauzan.

En 1973, année durant laquelle il fut élu conseiller général du canton de Pujols, il devint suppléant de Robert Boulin. L’année suivante, il fut élu maire de Rauzan, fonction qu’il a exercée jusqu’en 2022.

Il devint député en 1976, lorsque Robert Boulin entra au Gouvernement.

Gérard César devient sénateur en juin 1990, à la suite du tragique décès de Jean-François Pintat. Il siège alors au groupe du Rassemblement pour la République (RPR). Il est d’abord membre de la commission des affaires sociales, avant que nous ne nous retrouvions au sein de la commission des affaires économiques, dont il devient vice-président en 2001. Il fut aussi membre de la délégation du Sénat pour l’Union européenne, puis de la commission des affaires européennes.

Notre ancien collègue a toujours été en première ligne pour défendre l’agriculture française et l’activité viticole au Parlement. Il a créé et présidé avec brio le groupe d’études Vigne et vin du Sénat. Je ne vous citerai pas la définition qu’il donnait du vin, je rappellerai simplement que, pour lui, ce n’était pas de l’alcool ! (Sourires.)

Il fut rapporteur de la loi d’orientation agricole, en 2005, puis de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, en 2010.

En octobre 2017, il quitte le Sénat, ayant choisi de se consacrer à ses mandats locaux. Il présida avec passion, jusqu’en 2022, l’Association des maires de Gironde. Il est resté jusqu’au bout attaché à cette terre qu’il arpentait entre les rangs de ses vignes, cette terre qui produit le Haut-Mazières.

Je serai demain aux côtés de son épouse et de sa fille. À elles, à toute sa famille, ainsi qu’à ses collègues de l’Amicale gaulliste du Sénat, dont il fut le secrétaire général, je souhaite dire la part que la Haute Assemblée prend à leur chagrin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

3

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. J’ai le plaisir de saluer la présence dans la tribune d’honneur d’une délégation de sept parlementaires de la Chambre des conseillers du Royaume du Maroc, conduite par le docteur Mohammed Zidouh, président du groupe d’amitié Maroc-France de cette chambre, accompagné de sa vice-présidente et de ses rapporteurs. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

La délégation est accompagnée par notre collègue Christian Cambon, président du groupe d’amitié France-Maroc de notre assemblée.

À l’invitation de ce groupe d’amitié, la délégation effectue une visite d’étude en France, qui l’aura conduite de Marseille et Toulon jusqu’à Paris ; elle s’est focalisée sur les questions de sécurité et de défense, en particulier en Méditerranée.

Cette visite intervient alors que nous célébrons cette année le quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Provence, auquel les troupes marocaines ont éminemment contribué : souvenons-nous, mes chers collègues, des dix mille Marocains morts pour la libération de notre pays ! Notre mémoire partagée rappelle la profondeur des liens tissés au fil de l’histoire entre la France et le Royaume du Maroc.

Ce matin, j’ai eu plaisir à recevoir la délégation pour un entretien qui nous a permis d’identifier les prochaines étapes du rapprochement entre nos deux assemblées.

Le dynamisme de notre coopération interparlementaire, qui doit tant au président Cambon, contribue éminemment à la relance, dans toutes ses dimensions, de la relation bilatérale franco-marocaine, que nous appelons de nos vœux les plus profonds.

Cette relation a également trouvé une expression forte dans le jumelage européen, achevé en mars 2023, dont le Sénat a été le chef de file, qui a marqué une collaboration intense entre nos chambres.

En votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos amis et collègues de la Chambre des conseillers du Maroc la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, applaudissent longuement.)

4

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Avant d’aborder une série de questions dont certaines porteront sur la Nouvelle-Calédonie, je souhaite appeler solennellement l’ensemble de la population calédonienne à la raison et au calme, comme viennent de le faire, dans un communiqué commun, les forces politiques calédoniennes, indépendantistes et non-indépendantistes. Tout embrasement supplémentaire mettrait à mal le vivre ensemble et la construction du destin commun si cher aux signataires de l’accord de Nouméa. Il y a déjà eu trop de morts, ce n’est pas acceptable.

Je tiens à rendre un hommage particulier aux forces de l’ordre, à leur courage et à leur engagement face au déchaînement de violence auquel elles font face depuis plusieurs jours ; le nombre de blessés en témoigne. J’ai une pensée particulière pour le gendarme qui lutte pour la vie en ce moment.

J’exprime également ma solidarité aux Calédoniens qui ont été victimes de ces débordements et exactions.

Enfin, mes pensées vont aussi aux membres du personnel pénitentiaire qui, dans l’exercice de leur mission pour l’État de droit, ont été assassinés, pour deux d’entre eux, et grièvement blessés, pour les trois autres.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurai en effet l’occasion, dans un instant, de répondre à plusieurs questions posées par des présidents de groupe sur la situation en Nouvelle-Calédonie.

Mais, avant de le faire, je veux ici, comme devant l’Assemblée nationale, avoir un mot pour les deux agents de l’administration pénitentiaire qui ont été froidement et lâchement assassinés hier dans l’Eure.

Ce drame absolu bouleverse évidemment l’administration pénitentiaire, dont je veux saluer l’engagement quotidien, au service de la République et des Français. C’est également un bouleversement absolu pour l’ensemble de nos concitoyens, qui éprouvent une reconnaissance totale pour celles et ceux qui se lèvent tous les matins pour les défendre, pour défendre nos lois, pour défendre les règles de la République.

Or c’est bien elle qui a été attaquée hier : la République. C’est sur nos lois qu’on a tiré, sur le respect de nos règles, sur des femmes et des hommes qui se battent, tous les jours, contre l’impunité. Je veux dire ici, comme j’ai eu l’occasion de le faire il y a quelques instants encore à l’Assemblée nationale, que notre détermination à retrouver les auteurs de ce crime, pour les juger, pour les sanctionner le plus lourdement possible, est totale.

Le ministre de l’intérieur a déployé des moyens absolument exceptionnels. L’enquête progresse ; évidemment, aucun moyen n’est économisé pour retrouver ces criminels. Je le redis : ils sont traqués, ils seront trouvés et ils paieront !

Plus largement, nous travaillons avec l’administration pénitentiaire. Le garde des sceaux était hier à Caen auprès des collègues des victimes. Il reçoit, depuis treize heures aujourd’hui, des représentants de l’intersyndicale pour identifier avec eux, avec l’ensemble des organisations syndicales, tous les moyens que nous pouvons mettre en œuvre pour renforcer encore la protection que nous devons à nos agents pénitentiaires. Nous la leur devons, parce qu’eux-mêmes protègent, chaque jour, notre République ! (Applaudissements.)

nouvelle-calédonie (i)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a convoqué ce matin un conseil de défense et de sécurité nationale. Il a souhaité que l’état d’urgence soit instauré en Nouvelle-Calédonie, où la situation – vous l’avez dit, monsieur le président – revêt un caractère exceptionnel.

C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris ce matin le décès de trois de nos compatriotes en Nouvelle-Calédonie.

Les habitants de l’archipel ont traversé une deuxième nuit de violences, plus terrible encore que la précédente. Là-bas, le temps s’est arrêté ; des policiers et gendarmes ont été blessés, des gendarmeries prises d’assaut.

Après vous, monsieur le président, monsieur le Premier ministre, nous tenons ici à rendre un hommage appuyé au courage et à l’engagement des forces de l’ordre. Nos pensées émues vont à nos concitoyens calédoniens qui vivent dans l’angoisse, pris qu’ils sont au milieu des tirs, des incendies et des attaques à l’arme blanche.

Nous sommes tous conscients que la violence doit cesser. Les premières victimes de ces violences sont les Calédoniens eux-mêmes. Je tiens à saluer le courage des responsables politiques, loyalistes comme indépendantistes, qui ont appelé au calme. C’est ce sens des responsabilités qui doit s’imposer.

L’accord de Nouméa a affirmé le destin commun de tous les citoyens de la Nouvelle-Calédonie. Par trois fois, les Calédoniens ont eu à écrire ce destin. Par trois fois, ils ont choisi la République.

Le projet de loi constitutionnelle que nous avons voté et que l’Assemblée nationale a adopté la nuit dernière est une étape nécessaire de ce processus, qui, depuis plus de trente ans, a toujours suivi la voie démocratique.

Le temps est venu de panser nos blessures et d’ouvrir une nouvelle page de notre histoire commune.

Le Président de la République a tendu la main aux représentants calédoniens. La solution sera le dialogue. Nous avons tous la responsabilité de le rendre possible, car les violences n’apporteront pas de réponse pour le présent, elles ne panseront pas les blessures du passé et, plus grave encore, elles compromettront l’avenir de la population calédonienne et de sa jeunesse.

Alors, monsieur le Premier ministre, quelles mesures immédiates le Gouvernement entend-il prendre pour ramener l’ordre dans l’archipel ?

Quelles voies permettront de rétablir le dialogue et de bâtir un avenir commun, pour tous les Calédoniens ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Annick Jacquemet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président François Patriat, depuis le début de la semaine, la Nouvelle-Calédonie est frappée par des violences d’une rare gravité.

Ces violences ont provoqué des dégâts majeurs, blessé plusieurs centaines de personnes, parmi lesquels des dizaines de policiers et de gendarmes. Ces dernières heures, ajoutant au drame, plusieurs personnes sont décédées lors de ces violences. Je veux avoir une pensée pour elles et pour les Calédoniens qui veulent le retour au calme.

Je veux le dire de nouveau devant vous, comme je l’ai fait hier à l’Assemblée nationale : aucune violence n’est justifiable ou tolérable ; la violence ne peut jamais être acceptée. Je le redis, aucune violence ne sera jamais tolérée !

Je tiens aussi à rendre hommage, une nouvelle fois, à l’engagement exceptionnel des forces de l’ordre. Policiers et gendarmes parviennent à garder leur sang-froid, malgré les attaques, malgré parfois les tirs d’armes à feu. Ces policiers et ces gendarmes assument et tiennent courageusement leur rôle pour protéger les vies et permettre le retour au calme.

Notre urgence, aujourd’hui, c’est le rétablissement de l’ordre et le retour du calme et de la sérénité. Ce matin, le Président de la République a convoqué un conseil de défense et de sécurité nationale pour aborder la situation en Nouvelle-Calédonie. Des décisions fortes ont été prises.

À l’issue de cette séance de questions au gouvernement, le conseil des ministres sera réuni, exceptionnellement un mercredi après-midi, pour acter la déclaration de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, qui va nous permettre de déployer des moyens supplémentaires massifs pour le rétablissement de l’ordre. Ces moyens s’ajouteront à ceux que le ministre de l’intérieur et des outre-mer a d’ores et déjà annoncés, à savoir quatre escadrons de gendarmerie mobile, ainsi que des renforts du Raid et du GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale).

Vous savez également que le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé l’instauration d’un couvre-feu et pris d’autres mesures pour tenter de rétablir l’ordre.

On ne sait que trop bien, particulièrement en Nouvelle-Calédonie, jusqu’où peuvent mener les violences. C’est pourquoi, je le répète, le retour de l’ordre et du calme est la priorité absolue.

Je veux saluer, comme vous l’avez fait, monsieur Patriat, la très grande responsabilité dont ont fait montre les responsables calédoniens, non-indépendantistes comme indépendantistes, qui ont unanimement appelé, dans un communiqué, à cesser les violences.

Au mois de mars dernier, à une très large majorité, le Sénat a adopté le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral. Hier, l’Assemblée nationale l’a adopté à son tour. Ce texte s’inscrit dans la lignée du processus engagé depuis la décision souveraine des Calédoniens, affirmée par trois fois, lors de trois référendums, de demeurer dans la République.

Le dégel du corps électoral est un enjeu démocratique ; je rappelle que le Conseil d’État nous a enjoint de prendre cette mesure. Il s’agit de permettre à des milliers de personnes nées en Nouvelle-Calédonie, ou y résidant depuis de nombreuses années, de participer aux prochaines élections provinciales, qui sont des élections locales.

Dans ce contexte, nous n’avons jamais cessé d’appeler au dialogue ; nous n’avons jamais cessé de créer les conditions du dialogue, en tendant la main à tous les acteurs, indépendantistes comme non-indépendantistes. Nous gardons invariablement ce cap, le cap du dialogue.

Nous cherchons, de nouveau, à créer les conditions d’un accord politique global. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé qu’il ne convoquerait pas le Congrès immédiatement après l’adoption conforme du projet de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi le Président de la République a écrit à l’ensemble des responsables calédoniens pour leur proposer de se réunir à Paris et de tenter, de nouveau, de trouver un consensus. Si ce consensus est trouvé, nous pourrons évidemment continuer à avancer. S’il ne l’est pas, il faudra aussi continuer à avancer, selon la manière que nous avions prévue.

Je crois fermement qu’il est possible de trouver la voie d’un consensus. Je crois fermement qu’avec toutes les bonnes volontés autour de la table nous y parviendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

sécurisation des jeux olympiques

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux d’abord exprimer tout mon soutien aux familles des agents décédés, ainsi que de ceux qui ont été gravement blessés, dans l’assaut ignoble et barbare d’un fourgon pénitentiaire dans l’Eure. Une telle violence n’est pas tolérable, justice doit être faite !

Cette attaque survient quelques semaines avant le début des jeux Olympiques et Paralympiques dans notre pays. Ces Jeux sont une chance formidable pour la France, pour notre rayonnement et pour notre économie, mais l’organisation de cet événement mondial représente un défi majeur, a fortiori pour ce qui est de sa sécurisation.

Monsieur le Premier ministre, nos forces de sécurité font déjà face à de multiples menaces. Nos policiers et nos gendarmes doivent en effet assurer le maintien de l’ordre public, malgré des émeutes de plus en plus violentes et récurrentes. Les forces de l’ordre sont également engagées dans la lutte contre la drogue, à travers des opérations « place nette » de grande ampleur. Elles doivent enfin continuer de protéger nos concitoyens contre la menace terroriste, portée au niveau d’alerte « urgence attentat ».

Nous saluons le travail de ces femmes et de ces hommes. Plus que jamais, ils assurent une mission essentielle sans ménager leurs efforts.

Dans un tel contexte, certains s’inquiètent de notre capacité à maintenir l’ordre : parviendrons-nous à assurer la sécurité des jeux Olympiques sans fragiliser celle des territoires les plus reculés, notamment lors des manifestations sportives, culturelles ou touristiques qui auront lieu cet été, ou encore sans remettre en cause la lutte contre l’immigration irrégulière vers l’Angleterre depuis nos côtes du Nord et du Pas-de-Calais ?

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer ? Les moyens de sécurité mis en œuvre sont-ils à la mesure des défis qui se posent sur l’ensemble du territoire ? N’allons-nous pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Wattebled, permettez-moi à mon tour de présenter mes condoléances, auxquelles s’associe le garde des sceaux, aux familles de ces agents pénitentiaires, ainsi que d’avoir une pensée toute particulière pour les forces de l’ordre qui servent en Nouvelle-Calédonie et, notamment, pour ce gendarme qui lutte pour sa vie en ce moment même.

Votre question porte sur l’organisation des jeux Olympiques et les conséquences que celle-ci peut avoir sur la sécurité de notre pays pendant la période assez longue qui s’étend depuis l’arrivée de la flamme olympique à Marseille, le 8 mai dernier, jusqu’en septembre, puisque les jeux Paralympiques aussi requerront du temps et de l’énergie des forces de l’ordre : rappelons que leur cérémonie d’ouverture, place de la Concorde, rassemblera autant de monde que le Stade de France peut en contenir avant que ne se déroulent, jusqu’à la mi-septembre, de très nombreuses épreuves, partout sur le territoire national.

J’ai déjà eu l’occasion de présenter les dispositions que nous avons prises, notamment l’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, que vous avez vous-mêmes approuvée, mesdames, messieurs les sénateurs – onze escadrons de gendarmerie et de CRS ont été recréés, tous ont été inaugurés –, ou encore le refus de tout congé pendant cette période pour les policiers, les gendarmes, les agents de préfecture, toute la hiérarchie et, bien sûr, les membres de mon cabinet. De la sorte, l’intégralité du ministère de l’intérieur, 100 % des policiers et des gendarmes seront présents, partout en France, pendant les jeux Olympiques, alors que d’ordinaire, l’été, on ne dispose que de 50 % de leurs effectifs.

Cette présence intégrale nous permettra à la fois d’aligner, si j’ose dire, les 45 000 policiers et gendarmes supplémentaires qui seront nécessaires en Île-de-France pour assurer la sécurité des jeux Olympiques et de leur cérémonie d’ouverture, mais aussi de garantir le même niveau de sécurité qu’habituellement, voire un niveau bien supérieur, partout sur le territoire national, d’accueillir le Tour de France à Nice, d’organiser les festivités du 14 juillet, les manifestations culturelles, ainsi que de faire face à d’éventuels événements dramatiques, comme les mégafeux de forêt qui pourraient se reproduire cette année.

On pourra aussi affronter les difficultés qui surviendraient aux frontières. Dans notre département du Nord, monsieur le sénateur, comme dans les Alpes-Maritimes, il y aura plus de policiers et de gendarmes que l’été dernier pour tenir la frontière. Partout sur le territoire national, il y aura plus de policiers et de gendarmes !

Regardez l’arrivée de la flamme olympique à Marseille : un succès populaire sans aucun incident ! Depuis, huit étapes se sont déroulées sans aucun incident. La flamme était en Corse hier, la voici aujourd’hui dans les Pyrénées-Orientales. Soyons fiers de nos forces de l’ordre ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour la réplique.

M. Dany Wattebled. Merci de votre réponse, monsieur le ministre, et surtout, vive les Jeux ! Faisons en sorte, tous ensemble, que tout se passe très bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Je tiens au préalable, au nom du groupe du RDSE, à dire que nous partageons les inquiétudes exprimées à l’instant au sujet de la situation en Nouvelle-Calédonie et à adresser toutes nos condoléances aux familles des victimes. J’ai aussi une pensée pour la famille et l’entourage des deux agents de l’administration pénitentiaire assassinés dans l’Eure.

Monsieur le Premier ministre, dans une récente étude, la Fédération hospitalière de France a présenté la situation financière préoccupante des Ehpad publics : près de 85 % d’entre eux enregistrent un résultat déficitaire pour l’année 2023 alors que, en 2019, ils n’étaient que 44 % à boucler leurs budgets dans le rouge.

Cette tendance confirme qu’il est urgent de mener une réforme structurelle du financement de ces établissements essentiels. Les fonds d’urgence répétés – 100 millions d’euros l’année dernière, 695 millions cette année – ne font que calmer superficiellement l’hémorragie qui touche principalement les établissements publics, mais aussi les Ehpad associatifs à but non lucratif.

Les directeurs d’établissement dénoncent l’impact de l’inflation sur les charges d’exploitation, mais également la compensation incomplète des revalorisations salariales et l’évolution insuffisante des tarifs d’hébergement.

La situation pousse ces responsables à chercher à faire des économies sur tout et sur tous ! La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a mis en place un système de dotation « soins et dépendance » en faveur des Ehpad, mais celui-ci ne leur permet plus d’assurer une prise en charge de leurs résidents répondant à leurs besoins, malgré des taux d’occupation proches des 95 %.

Ce n’est pas une question de volonté de la part des membres du personnel de ces établissements : dans ces conditions précaires, ils font preuve d’un dévouement que nous pouvons saluer. La question du financement de la cinquième branche du régime général de la sécurité sociale, relative à l’autonomie, reste au cœur du débat. Ce financement doit faire l’objet de choix concrets, à la hauteur des besoins du secteur, qui devront permettre de ne plus faire peser sur les résidents ou leurs familles cette situation budgétaire intenable.

Aussi, monsieur le Premier ministre, afin de garantir aux Ehpad les moyens d’assurer un accompagnement respectueux de la dignité des personnes âgées, quelle réforme de leur financement envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, ces derniers mois ont été émaillés d’images et de témoignages scandaleux, révoltants, sur les conditions de vie dans certains Ehpad. Ces images et ces témoignages ont fait douter certaines familles et ont jeté l’opprobre, injustement – j’insiste sur ce point –, sur toutes les femmes et les hommes qui travaillent dans nos Ehpad, des femmes et des hommes qui, dans leur écrasante majorité, se donnent sans compter et s’engagent pour les autres ; je veux leur rendre hommage avec vous.

Nous devons répondre aux défis des Ehpad, d’autant que le grand âge est un enjeu de société majeur et le sera encore plus à l’avenir au vu de l’allongement de l’espérance de vie.

Au-delà des cas particuliers que vous connaissez, l’ensemble du secteur souffre de l’inflation et d’un manque d’attractivité des métiers. Fadila Khattabi, tout le Gouvernement et moi-même avons pleinement conscience des difficultés des Ehpad et nous répondons présent !

Nous répondons présent pour rétablir la confiance dans ces établissements, avec un vaste plan de contrôle. Nous répondons présent aussi, évidemment, pour préserver leur viabilité. Tel est le sens du fonds d’urgence de 100 millions d’euros créé l’an dernier, ainsi que de l’augmentation inédite des dotations entre 2019 et 2023, fruit du Ségur de la santé : cela signifie 4 milliards d’euros de plus pour nos aînés, pour que le personnel des Ehpad soit mieux payé et plus nombreux.

Malgré tout, je sais que des établissements connaissent toujours des difficultés structurelles. Là aussi, nous prenons le problème à bras-le-corps. Nous avons entendu l’appel des différents acteurs : nous augmentons de 5 %, en 2024, la dotation des Ehpad publics pour réduire le déficit et poursuivre les revalorisations salariales. À l’échelle locale, les situations difficiles font l’objet d’un suivi par les agences régionales de santé (ARS), en lien avec les élus, et des crédits complémentaires sont alloués aux Ehpad les plus en difficulté.

Nous agissons enfin, madame la présidente Carrère, pour que ce ne soient pas les plus modestes qui pâtissent de cette situation difficile. Ainsi, la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, ou loi Bien Vieillir, que vous avez votée, a donné aux établissements la possibilité de définir deux tarifs d’hébergement différenciés en fonction des revenus.

Ces mesures sont importantes, mais je pense, comme vous, que nous devons aller plus loin, notamment en faisant évoluer la gouvernance des Ehpad. Mon gouvernement a donc proposé aux présidents de conseils départementaux une expérimentation qui verrait l’État financer la dépendance, comme le demandent les professionnels. Près d’un quart des départements s’y sont portés candidats, et je souhaite que le mouvement se poursuive. Par ailleurs, comme vous le savez, Éric Woerth a effectué un important travail sur l’approfondissement de la décentralisation, qui l’a évidemment conduit à aborder également cette question-là ; il nous remettra son rapport dans les tout prochains jours.

Vous voyez, madame la présidente, que nous reconnaissons l’importance de cette question pour notre cohésion sociale ; nous continuerons donc à agir avec force pour le bien vieillir dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

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