Sommaire
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.
régularisation des médecins étrangers hors union européenne
Question n° 1049 de M. Stéphane Sautarel. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Stéphane Sautarel.
dispositif « cantine à 1 euro »
Question n° 1184 de M. Christian Redon-Sarrazy. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Christian Redon-Sarrazy.
encadrement des centres de santé dentaire
Question n° 1244 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
situation des infirmiers et infirmières du réseau de l’action de santé libérale en équipe
Question n° 1251 de Mme Nicole Duranton. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
campagne de vaccination contre le papillomavirus dans les collèges
Question n° 1206 de Mme Patricia Demas. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
situation de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes « les escales » au havre
Question n° 1274 de Mme Céline Brulin. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Céline Brulin.
difficultés rencontrées par les établissements de santé privés
Question n° 1277 de Mme Marie-Do Aeschlimann. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
Question n° 1198 de M. Jean-Claude Anglars. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Jean-Claude Anglars.
risque d’augmentation de la surpopulation carcérale durant les jeux olympiques
Question n° 1247 de Mme Corinne Narassiguin. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Corinne Narassiguin.
suppression de postes dans l’enseignement public à paris à la rentrée 2024
Question n° 1112 de Mme Colombe Brossel. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
difficultés des municipalités concernant la délivrance d’autorisations d’instruction en famille
Question n° 1151 de Mme Laurence Garnier. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Laurence Garnier.
Question n° 1173 de Mme Catherine Morin-Desailly. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
difficultés financières des établissements et services d’aide par le travail
Question n° 1168 de Mme Nicole Duranton, en remplacement de Mme Nadège Havet. – M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
régime spécifique d’approvisionnement
Question n° 1226 de Mme Viviane Malet. – Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
compatibilité des aides de la politique agricole commune avec l’agrivoltaïsme
Question n° 999 de M. Jean-François Longeot. – Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
accueil d’enfants palestiniens blessés en provenance de gaza
Question n° 1209 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Raymonde Poncet Monge.
baisse de l’indice de parité de pouvoir d’achat dans plusieurs circonscriptions consulaires en 2024
Question n° 1205 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Hélène Conway-Mouret.
difficultés matérielles d’exercice des missions de lieutenant de louveterie
Question n° 821 de M. Philippe Bonnecarrère. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.
absence de réponse de l’agence nationale de l’habitat au défenseur des droits
Question n° 965 de Mme Nadia Sollogoub. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ; Mme Nadia Sollogoub.
congés frauduleux donnés par les propriétaires à l’occasion des jeux olympiques.
Question n° 1159 de M. Ian Brossat. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ; M. Ian Brossat.
gratuité de l’autoroute a62 et avenir des concessions autoroutières
Question n° 1204 de M. Hervé Gillé. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ; M. Hervé Gillé.
crues de l’armançon et du serein
Question n° 1228 de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.
Question n° 1246 de M. Jean-Gérard Paumier. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.
transfert obligatoire des compétences « eau et assainissement » au 1er janvier 2026
Question n° 1231 de M. Didier Mandelli. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ; M. Didier Mandelli.
plan de développement des compétences pour la filière cynégétique
Question n° 1241 de M. Olivier Cigolotti. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ; M. Olivier Cigolotti.
avenir du projet de réseau express métropolitain des hauts-de-france
Question n° 1276 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.
interdiction d’atterrissage et de dépose des aéronefs à des fins de loisirs en zone de montagne
Question n° 1269 de M. Jean-Michel Arnaud. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ; M. Jean-Michel Arnaud.
Question n° 1260 de Mme Anne Souyris. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.
situation des ligneurs de la pointe de bretagne
Question n° 1181 de M. Jacques Fernique. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ; M. Jacques Fernique.
modalités d’affectation de la dotation de solidarité rurale
Question n° 1195 de Mme Sylviane Noël. – M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ; Mme Sylviane Noël.
Question n° 1266 de M. Pierre-Jean Verzelen. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; M. Pierre-Jean Verzelen.
Question n° 1167 de M. Stéphane Demilly. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
multiplication et mutualisation des antennes de télécommunication
Question n° 1268 de Mme Sylvie Valente Le Hir. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; Mme Sylvie Valente Le Hir.
création d’une nouvelle taxe exceptionnelle
Question n° 1207 de M. David Ros. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; M. David Ros.
Question n° 1258 de Mme Nathalie Delattre. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
principe de libre administration des communes
Question n° 1001 de M. Michaël Weber. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; M. Michaël Weber.
tva applicable aux produits utilisant des matériaux réemployés
Question n° 1222 de M. Guislain Cambier. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; M. Guislain Cambier.
activité commerciale et conséquences des zones réglementées lors des jeux olympiques à paris
Question n° 1234 de M. Francis Szpiner. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; M. Francis Szpiner.
Question n° 1253 de M. Christophe Chaillou. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; M. Christophe Chaillou.
Question n° 1271 de Mme Marie-Claude Lermytte. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
Question n° 1279 de Mme Jocelyne Guidez. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; Mme Jocelyne Guidez.
reconsidération de la loi sur l’exploitation des hydrocarbures en guyane française
Question n° 1256 de M. Pierre-Antoine Levi. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
devenir de l’industrie et fermetures d’entreprises sur l’axe seine
Question n° 1278 de Mme Agnès Canayer. – Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
3. Candidatures à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
5. Académie nationale de chirurgie. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi
M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 2 de la commission. – Adoption.
Adoption, par scrutin public n° 182,- de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mardi 30 avril 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
régularisation des médecins étrangers hors union européenne
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 1049, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le ministre, comme vous le savez, les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) qui veulent exercer en France doivent passer par une lourde et longue procédure administrative avant de pouvoir pratiquer librement leur profession : épreuves de vérification des connaissances (EVC), parcours de consolidation des compétences (PCC) – celui-ci nécessite d’effectuer deux ans de fonctions hospitalières en qualité de praticien associé –, puis demande d’autorisation d’exercice de la profession en France.
C’est seulement à l’issue de ce long processus administratif et pratique que les médecins étrangers peuvent exercer librement dans notre pays.
Le Président de la République s’est engagé le 16 janvier dernier à sécuriser la situation des Padhue. Celle des candidats non lauréats fait encore l’objet de décisions dérogatoires et temporaires et fait suite à la fin d’un régime dérogatoire qui existait jusqu’au 31 décembre 2023.
Cependant, la situation de ces médecins étrangers ne peut plus faire l’objet de régimes dérogatoires successifs : il faut des mesures efficaces et définitives.
Dans le Cantal, alors que nous manquons cruellement de médecins et que nous sommes confrontés à des déserts médicaux, comme bien d’autres territoires ruraux, des médecins ou des dentistes étrangers candidats à l’installation rencontrent des difficultés pour exercer et en sont souvent empêchés.
Leur installation est pourtant une véritable solution d’urgence pour pallier ou tenter de pallier le manque de médecins. Cela permettrait de rendre un véritable service à nos populations, qui ont droit, comme tous les Français, à un accès aux soins.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour assouplir et faciliter le travail des médecins étrangers à diplôme hors Union européenne, ainsi que pour accélérer et simplifier leur installation ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Stéphane Sautarel, l’autorisation d’exercice pour les praticiens à diplôme hors Union européenne est à la fois un enjeu individuel pour les intéressés et une mesure permettant de garantir, dans de nombreux territoires, le maintien d’une offre de soins.
La loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, que j’ai portée en tant que député, permet une réforme structurelle du dispositif pour faciliter le parcours administratif des praticiens appelés Padhue.
Il n’existe qu’une seule voie d’accès permettant l’obtention du plein exercice : les praticiens à diplôme hors Union européenne doivent se présenter aux épreuves de vérification des connaissances et, à leur issue, réaliser un parcours de consolidation des compétences de deux ans. Ce concours a lieu chaque année.
Une refonte de la procédure concernant les Padhue est actuellement engagée, afin de fluidifier leur parcours de demande d’autorisation d’exercice.
Depuis la loi du 27 décembre dernier, les praticiens peuvent disposer d’une autorisation temporaire d’exercice de treize mois en attendant de passer le concours, et celle-ci est renouvelable une fois en cas d’échec.
Par ailleurs, les praticiens qui exerçaient déjà en France au moment des résultats du concours de 2023 ont pu bénéficier d’une affectation prioritaire sur leur établissement employeur.
D’autres évolutions seront mises en œuvre à compter de la saison 2024. Ainsi, les épreuves de vérification des connaissances qui auront lieu à l’automne permettront notamment de prendre en compte l’expérience acquise sur le territoire français par ces praticiens.
Par ailleurs, en application de l’article 36 de la loi du 27 décembre 2023, la durée et le parcours de consolidation des compétences seront aménagés. Le praticien lauréat du concours pourra se voir délivrer une autorisation de plein exercice à la suite d’un stage d’évaluation, après l’examen de son dossier par une commission d’autorisation d’exercice.
Par toutes ces mesures, j’ai la conviction que nous facilitons la régulation et la régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne tout en veillant à la qualité de leurs compétences, gage de la qualité des soins.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces éléments de réponse.
En effet, un certain nombre de décisions récentes, à l’initiative desquelles vous avez été, permettent d’accélérer et de fluidifier l’installation des Padhue – je l’ai souligné dans ma question.
Il n’en reste pas moins que la gestion du stock, si je puis m’exprimer ainsi, mériterait de nouveaux assouplissements. J’espère que les orientations que vous avez mentionnées les permettront.
Aujourd’hui, nous connaissons tous des praticiens qui sont en situation d’exercer, qui donnent pleinement satisfaction, dont les compétences ne sont pas remises en cause et qui répondent aux besoins de nos territoires. J’espère donc que nous pourrons apporter une solution administrative à cette difficulté.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je salue la présence dans nos tribunes d’une délégation de la caserne Parmentier de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.
J’en profite pour les remercier de leur engagement. (Applaudissements.)
dispositif « cantine à 1 euro »
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 1184, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, en mars dernier, plusieurs communes de Haute-Vienne ont été informées que, en raison du plan d’économies gouvernemental, les dépenses exécutées sur les programmes du ministère du travail, de la santé et des solidarités étaient suspendues, dans l’attente de la finalisation des arbitrages par le cabinet du Premier ministre.
Cette décision affecte directement le remboursement du dispositif « cantine à 1 euro ». Cette mesure de tarification sociale mise en place par l’État en avril 2019, à destination des communes rurales de moins de 10 000 habitants, permet aux enfants des familles modestes de déjeuner dans les cantines scolaires pour 1 euro maximum.
Depuis le mois de février dernier, le ministère n’a pu abonder la trésorerie du dispositif. Les demandes de remboursement sont donc suspendues, en attendant d’être traitées par l’Agence de services et de paiement (ASP), qui gère ce dispositif.
Il a été précisé aux maires concernés que la reprise des paiements interviendrait dès que possible, avec un retour à la normale qui avait alors été projeté, sans garantie, avant la fin du mois de mars. Or nous sommes aujourd’hui le 7 mai, et, d’après les informations que j’ai prises auprès des élus concernés, la situation demeure la même. Rien n’a avancé !
Il avait été précisé aux élus locaux que le principe de remboursement ne serait pas remis en cause. Compte tenu de cet important retard et de l’absence totale d’informations régulières délivrées sur l’évolution de la situation, les élus sont en droit de craindre le pire, à savoir que cette suspension de paiement ne soit le prélude à une suppression du dispositif.
Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de nous indiquer quand les arbitrages attendus seront rendus, et si ce dispositif reprendra son fonctionnement normal dans la foulée ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Christian Redon-Sarrazy, le dispositif de soutien des communes rurales dans la mise en place d’une tarification sociale est un succès.
Pour preuve, en 2023, ce sont près de 2 500 communes ou regroupements de communes qui ont reçu une subvention de 3 euros par repas, servi à un tarif social de 1 euro ou moins.
Autre chiffre significatif, plus de 15 millions de repas servis à tarif social ont été subventionnés par l’État et, en moyenne, quelque 194 000 élèves ont pu rester ou retourner à la cantine grâce au dispositif sur l’année scolaire 2022-2023.
Comme votre question le souligne, une évolution supplémentaire vient enrichir la mesure depuis janvier 2024, avec le versement d’une subvention qui peut passer de 3 à 4 euros par repas – c’est « le bonus Égalim » – lorsque la collectivité s’engage à tout mettre en œuvre pour atteindre l’objectif de la loi Égalim visant à introduire dans les cantines 50 % de denrées locales et de qualité, dont 20 % de bio.
Cette bonification peut être demandée dès maintenant par les communes qui bénéficient d’ores et déjà du dispositif ou par de nouvelles communes qui y sont candidates.
Par ailleurs, la prolongation de cette mesure, qui fait ses preuves, est inscrite au pacte des solidarités annoncé, le 18 septembre 2023, par la Première ministre Élisabeth Borne et, à ce titre, est confortée jusqu’en 2027.
L’Agence de services et de paiement gère ce dispositif pour le compte de l’État. C’est avec cette agence que les communes passent la convention pluriannuelle et que les services de l’État ont préparé la prolongation et l’évolution de la mesure, pour être en ordre de marche dès janvier 2024.
Il est confirmé, tout d’abord, que les collectivités qui ont déjà passé une convention pluriannuelle peuvent la renouveler auprès de l’Agence de services et de paiement au moment de son échéance, sous réserve de continuer à respecter les critères d’éligibilité, et, ensuite, que les collectivités le souhaitant peuvent signer à tout moment un avenant à la convention en cours pour bénéficier du bonus Égalim, sous réserve d’avoir pris connaissance des engagements qui y sont associés.
Toutes ces informations et les modèles d’avenant peuvent être obtenus auprès de l’Agence de services et de paiement.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, je pense que les communes qui attendent les versements de l’ASP sont au clair quant à toutes ces procédures !
Le problème est que des sommes qui sont dues ne sont pas versées. Je suis bien conscient que les erreurs de calcul du Gouvernement concernant les dépenses publiques le conduisent aujourd’hui à trouver des économies dans la panique… Je vous mets néanmoins en garde contre la tentation de mettre une fois de plus en difficulté les collectivités locales et nos concitoyens !
La tarification sociale des cantines est une mesure juste, à laquelle de nombreuses communes rurales ont recours, et elle est destinée à bénéficier aux enfants des familles modestes. Les priver d’un tel dispositif serait aller à l’encontre de la justice sociale.
Si l’État a besoin d’argent, s’il connaît des difficultés de trésorerie, qu’il taxe les riches et les superprofits, non les plus fragiles, et qu’il cesse de faire les poches des collectivités !
encadrement des centres de santé dentaire
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1244, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, les dérives commerciales récentes d’un certain nombre de centres de santé dentaires ont eu de graves conséquences, tant sur la qualité et la sécurité des soins bucco-dentaires que sur leur coût pour l’assurance maladie. Parmi elles, je citerai des cas de mutilation et la réalisation d’actes non nécessaires et même, parfois, fictifs.
Le Parlement a adopté la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Mais pour que ce texte soit pleinement efficace, encore faut-il que les six mesures réglementaires qui l’accompagnent soient appliquées rapidement… Or, à ce jour, elles n’ont pas été mises en œuvre.
La loi votée l’année dernière accroît les missions de contrôle des agences régionales de santé (ARS), avec notamment le rétablissement de la procédure d’agrément préalable des centres. Cette procédure avait été supprimée, faute de moyens suffisants pour les ARS, par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite HPST, du 21 juillet 2009.
Cette suppression a sans aucun doute favorisé les dérives constatées ces dernières années, dénoncées par les professionnels de santé chirurgiens-dentistes. Il convient donc de ne pas reproduire les mêmes erreurs et de traduire l’esprit de la loi en actes.
Afin de m’assurer que le texte voté l’année dernière ne soit pas privé d’effets, je souhaite savoir, monsieur le ministre, à quelle échéance seront publiées les mesures réglementaires d’application et quels sont les moyens financiers et humains qui ont été alloués aux ARS pour conduire les opérations qui leur ont été confiées par le législateur sur les centres de santé.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur l’encadrement nécessaire des centres de santé, en particulier à la suite de dérives constatées dans certains centres – vous avez cité les centres dentaires, mais on pourrait évoquer également les centres d’ophtalmologie. Ces dérives portent atteinte à la solidarité nationale, comme vous l’avez rappelé.
Vous avez pu constater que nous avons d’ores et déjà agi. L’assurance maladie a ainsi décidé de sanctionner une dizaine de centres de santé dentaires dans certaines grandes villes à compter de la mi-mai.
Ainsi que vous l’avez indiqué, ces dérives portent parfois sur la qualité des soins pour nos concitoyens. C’est pour cette raison que la loi du 19 mai 2023 visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, que vous avez citée, instaure d’importantes mesures de régulation et de sanction de ces centres de santé.
Les textes d’application ont été élaborés et concertés avec les acteurs concernés : représentants des centres de santé, syndicats des professionnels médicaux et dentaires, salariés des centres de santé, ordres des médecins et chirurgiens-dentistes, ainsi que l’Union des centres de santé dentaires. Le décret d’application de la loi devrait être publié d’ici au mois de juillet 2024.
Puisque vous m’appelez, dans votre question, à être précis, je le serai ! Ce décret fait actuellement l’objet de consultations obligatoires, tout d’abord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui doit rendre son avis le 16 mai prochain, ensuite du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), qui se prononcera le 6 juin, et, enfin, des caisses d’assurance maladie.
Je tiens à vous rassurer sur un point : dans les missions qui leur sont dévolues par la loi, les agences régionales de santé sont accompagnées, sur les plans méthodologique et juridique, par les services du ministère, ce qui permettra aux ARS d’appréhender au mieux le traitement des dossiers de demande d’agrément et l’instruction des pièces justificatives demandées.
Madame la sénatrice, soyez assurée de l’engagement du Gouvernement en faveur de l’accès à des soins de qualité. De même, nous serons d’une très grande fermeté à l’égard des établissements qui ne respectent pas la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui semble rassurante.
Je pense que les professionnels de santé, plus particulièrement les chirurgiens-dentistes, feront preuve de vigilance quant à la publication du décret d’application qui est annoncé pour le mois de juillet 2024.
Les dérives qu’il s’agit d’éviter portent aujourd’hui lourdement atteinte à l’accès aux soins d’un certain nombre de nos concitoyens. J’espère donc véritablement que les annonces seront suivies par des actes.
situation des infirmiers et infirmières du réseau de l’action de santé libérale en équipe
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, auteur de la question n° 1251, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le ministre, je suis alertée par des infirmières et des infirmiers délégués à la santé publique (IDSP) et par des infirmières en pratique avancée (IPA) de mon département de l’Eure, qui travaillent pour l’association Asalée (Action de santé libérale en équipe), une association nationale qui s’appuie sur des antennes départementales. J’en profite pour saluer le travail remarquable qu’ils réalisent.
Ces infirmières et infirmiers, qui exercent sur tout le territoire, permettent aux populations les plus isolées d’avoir accès à des soins réguliers – notamment aux patients diabétiques, aux patients présentant des facteurs de risque cardiovasculaires et aux patients âgés souffrant de troubles cognitifs et d’autres pathologies.
Leur rôle est essentiel. Ils collaborent avec des médecins généralistes et avec tous les acteurs des soins primaires pour prendre en charge au plus près les patients, dans le cadre d’un exercice coordonné. Cette collaboration est particulièrement importante dans notre département, qui est malheureusement devenu, au fil des années, un désert médical.
Cette collaboration est importante pour plusieurs raisons : elle redonne de l’autonomie aux patients sur la prise en charge de leur santé ; elle permet aux médecins généralistes de libérer du temps de consultation ; elle diminue les coûts en matière de santé.
La présence de ces infirmières et infirmiers est d’un grand soutien pour les patients et elle permet aux équipes médicales de gagner un temps précieux en cas de problème grave.
Or l’association Asalée, dispositif qui a fait ses preuves, est actuellement dans la tourmente compte tenu du désengagement financier de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Des négociations sont en cours, mais Asalée est en difficulté pour payer ses salariés.
La situation est paradoxale : la Cnam soutient officiellement Asalée, mais, dans le même temps, elle ne verse pas les dotations en temps et en heure !
Je suis convaincue que le Gouvernement continuera de soutenir et d’accompagner le dispositif Asalée, essentiel pour nos territoires ruraux. Monsieur le ministre, quelles sont les mesures que vous comptez déployer pour venir en aide à cette association ? Et où en sont les négociations avec la Cnam ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Nicole Duranton, vous m’interrogez sur l’avenir du dispositif Asalée. C’est effectivement un sujet qui inquiète beaucoup aujourd’hui les élus, tant nationaux que territoriaux.
Je suis d’accord avec vous sur l’intérêt de ce dispositif, qui appelle également toute mon attention.
Le Gouvernement est pleinement convaincu de l’intérêt majeur du dispositif Asalée et de la réponse efficace qu’il apporte aux besoins des patients. En effet, il permet une prise en charge de qualité et facilite l’accès aux soins.
Ce dispositif a fait ses preuves, tant scientifiquement qu’en matière de santé publique. Il fonctionne et, je veux répéter ici très nettement ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire, il n’est pas question de le remettre en cause.
Les pouvoirs publics ont accompagné le projet depuis sa création et dans sa croissance, avec un financement intégral du dispositif par l’assurance maladie. Le montant annuel important versé à l’association pour faire fonctionner ce dispositif national est important – il est supérieur à 80 millions d’euros.
Les montants investis par les pouvoirs publics sont alloués aux soins. En revanche, la convention actuelle entre l’association et l’assurance maladie ne prévoit pas de prise en charge des loyers, contrairement à ce que souhaite l’association. En effet, le souci constant du ministère comme de l’assurance maladie est de garantir la bonne utilisation de l’argent public ; je pense que les membres de cette assemblée le partagent.
L’assurance maladie n’a donc pas suspendu ses financements à l’association, qui reçoit quelque 6 millions d’euros par mois.
Néanmoins, une convention doit effectivement être signée. Ce texte, permettant de financer 1 500 emplois à temps plein pour l’année 2024, a été proposé le 2 mai dernier, c’est-à-dire il y a quelques jours, à la signature de l’association, dont nous attendons le retour.
J’espère qu’Asalée signera très vite cette convention, afin de regagner en lisibilité et de retrouver la plénitude de son fonctionnement.
Soyez assurée, madame la sénatrice, de l’engagement du Gouvernement en faveur de l’accès aux soins et du soutien tout particulier qu’il accorde à ce dispositif, dont je redis qu’il est efficace et utile et qu’il appelle un soutien plein et entier de l’État, nonobstant le règlement des quelques questions de gestion qui ont été évoquées.
campagne de vaccination contre le papillomavirus dans les collèges
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 1206, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
Mme Patricia Demas. Monsieur le ministre, ma question porte sur la vaccination contre le papillomavirus des jeunes dans notre pays.
Le papillomavirus est une infection responsable chaque année de 6 000 nouveaux cas de cancers et de 30 000 lésions précancéreuses du col de l’utérus. Un vaccin est disponible et il est très efficace, d’autant plus quand la vaccination a lieu tôt, c’est-à-dire dès le collège. À cet âge, deux doses suffisent aux jeunes pour être protégés, alors que trois doses sont nécessaires à partir de 15 ans.
Le vaccin étant coûteux – autour de 100 euros la dose –, c’est une raison supplémentaire pour vacciner tôt, monsieur le ministre !
À l’échelle nationale, la couverture vaccinale des jeunes contre le papillomavirus est globalement en progression notable, bien qu’elle soit largement inférieure à celle des pays voisins. Elle se fait principalement hors du cadre scolaire.
À la fin de l’année 2023, la première dose avait été administrée à 55 % des collégiennes et à seulement 41 % des collégiens. La couverture vaccinale doit encore être améliorée, car, pour être totalement efficace, elle doit atteindre un taux de 80 %, dont nous sommes encore bien loin.
Et si l’on se réfère aux résultats très décevants de la première campagne de vaccination, menée dans les collèges en septembre 2023, seuls 10 % des jeunes y avaient reçu une première injection. Il y a matière à se demander pourquoi, à l’aube de la deuxième campagne, programmée pour la rentrée 2024…
Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement dispose enfin d’un bilan précis de cette première campagne vaccinale dans les collèges, pour identifier les freins à la vaccination et en affiner les leviers.
Par ailleurs, pouvez-vous m’assurer de votre détermination à conduire efficacement les campagnes à venir ?
Enfin, dans la mesure où les taux semblent différer très sensiblement d’une région à l’autre, je souhaite comprendre les inégalités entre les territoires. La région Sud, par exemple, est identifiée comme l’une des moins bien couvertes. Pour quelles raisons ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Patricia Demas, la première campagne de vaccination contre les infections à papillomavirus humain (HPV) au collège a permis de progresser dans trois champs. Je tiens à le réaffirmer devant vous.
Tout d’abord, son déploiement dans tous les collèges publics et dans les collèges privés volontaires est un succès. Au total, ce sont plus de 117 000 élèves de cinquième qui ont reçu leur première dose de manière sûre, gratuite et facile d’accès et qui s’apprêtent à recevoir la seconde dose.
Ensuite, nous avons informé efficacement les jeunes et leurs parents de l’importance d’être vaccinés contre toute exposition au papillomavirus.
Enfin, nous constatons un véritable effet d’entraînement de cette campagne au collège sur la vaccination spontanée en ville.
Au total, et pour répondre très précisément à votre question, plus de 400 000 adolescents âgés de 12 ans en 2023 ont reçu au moins une dose en ville ou au collège, soit 48 % de la classe d’âge. C’est 17 points de plus que la génération précédente – celle qui avait 12 ans en 2022.
Forte de ces résultats encourageants, la campagne sera renouvelée dans les collèges dès la rentrée prochaine. Notre objectif reste le même : vacciner 80 % d’une tranche d’âge d’ici à 2030, pour éradiquer les cancers liés aux HPV.
Nous avons mené une évaluation interne auprès des agences régionales de santé et allons adapter le dispositif, afin de le rendre encore plus souple et plus opérationnel.
Nous allons notamment renforcer l’information et la communication à plusieurs niveaux. Les parents d’élèves de sixième recevront un premier courrier d’information d’ici à la fin de ce mois de mai, et des séances d’information et de sensibilisation à destination de ces élèves seront menées dans les collèges en juin, pour la vaccination qui aura lieu à partir de la rentrée. En outre, à la rentrée en cinquième, un second courrier d’information sera envoyé aux parents d’élèves.
Parallèlement, une large campagne de communication grand public et à destination des professionnels de santé sera déployée à la rentrée scolaire.
Pour ce qui concerne, enfin, les différences territoriales, elles ne s’expliquent que par l’adhésion au vaccin, puisque cette démarche est proposée à l’ensemble des élèves, quel que soit leur lieu d’habitation.
situation de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes « les escales » au havre
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 1274, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, depuis novembre dernier, l’Ehpad Les Escales du Havre, qui est le plus grand Ehpad public de France, regroupant plusieurs établissements et plus de 600 lits, est placé sous administration provisoire. La dette de l’établissement s’élève à 12,5 millions d’euros.
L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux propose la suppression d’une centaine de postes sur les 566 équivalents temps plein. Cela suscite évidemment et légitimement de très grandes inquiétudes parmi les soignants, qui sont déjà soumis à une charge de travail très lourde en raison de leur sous-effectif.
Avec une infirmière pour 120 patients, certaines unités fonctionnent en permanence en mode dégradé, ce qui affecte la qualité des soins. L’unité qui vient d’être construite fonctionnera, elle, avec un ratio d’une aide-soignante pour 24 patients. Ce n’est pas tenable !
Les soignants sont épuisés physiquement et psychologiquement. Ils – le plus souvent, elles, vous le savez bien – souffrent de ne pouvoir assumer convenablement l’accompagnement dû aux résidents.
À ces problèmes structurels, des dysfonctionnements et des problèmes de gestion et de management se sont ajoutés, conjugués à un manque extrême de communication en direction des agents. La restructuration en cours ne fait qu’aggraver des conditions de travail déjà difficiles, avec des horaires modifiés, des personnels en moindre effectif, notamment avec le retrait annoncé du personnel de bionettoyage.
La situation est vraiment délétère ; j’y insiste. Les professionnels de santé de l’établissement subissent un très grand mal-être, et je crois qu’il est urgent que des mesures concrètes soient prises pour garantir la sécurité des patients et du personnel.
Monsieur le ministre, quels soutiens, quelles actions et quels moyens entendez-vous mobiliser à titre tout à fait exceptionnel pour cet établissement, qui traverse de très grandes difficultés ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Céline Brulin, l’Ehpad des Escales, vous l’avez rappelé, est un établissement public autonome accueillant plus de 600 résidents sur 6 résidences situées dans la ville du Havre.
Sa situation financière est telle que vous l’avez décrite : elle était maîtrisée jusqu’en 2020, quand le budget annuel était de 32 millions d’euros. Dès le début de l’année 2023, l’agence régionale de santé (ARS) et le conseil départemental ont mis en place un accompagnement de cet établissement, compte tenu de sa singularité – son nombre de résidents, sa taille absolument unique, ses lieux multiples –, dans la transformation de son organisation et de son fonctionnement.
Les tutelles ont été alertées sur une dégradation de sa situation financière dès le mois de septembre 2023. Dès lors, l’ARS, le conseil départemental et la ville se sont mobilisés lors de réunions hebdomadaires avec l’établissement et le groupe. L’ARS a apporté des aides exceptionnelles, de plus de 3,4 millions d’euros en 2023 et de plus de 5,5 millions d’euros en 2024.
Face à cette situation et au départ de la directrice, la décision des tutelles de placer l’Ehpad sous administration provisoire a été prise, en coordination avec le président du conseil d’administration.
Des engagements sont prévus. Ainsi, des crédits pérennes de l’ARS, pour le développement de trois pôles d’activité et de soins adaptés, à hauteur de 200 000 euros, ont été actés, de même que des crédits pérennes du département, de l’ordre de 750 000 euros, pour le renfort de certains effectifs et des actions de formation dans le cadre du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM).
Une action a été engagée pour l’amélioration du taux d’occupation des établissements. Une nouvelle évaluation de la charge en soins et dépendance pour mieux valoriser l’activité des professionnels, en lien avec la lourdeur de certains accompagnements, est en cours. Une action a été engagée au titre de la récupération de la TVA dans le cadre du chantier de travaux. Enfin, des partenariats ont été activés avec tant les acteurs du domicile que les établissements médico-sociaux.
Des actions de réduction des dépenses étant également nécessaires, tous les groupes de dépenses sont analysés. En matière d’exploitation, l’objectif est d’optimiser l’organisation et le fonctionnement des fonctions supports. Pour ce qui concerne le personnel, l’objectif est de se rapprocher des ratios, tout en assurant la qualité et la sécurité des accompagnants.
Je vous annonce que l’administration provisoire donnera lieu à une prorogation à compter du 14 mai 2024, pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois. En tout état de cause, toutes les actions engagées visant à pérenniser l’offre d’accueil seront maintenues et mises en œuvre par les acteurs qui concourent à la gestion de ce site.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Je regrette que vous n’ayez pas répondu sur les emplois, monsieur le ministre.
Vous comprenez bien que, compte tenu des difficultés qu’il rencontre, l’établissement ne peut fonctionner avec des effectifs moindres. Au-delà, je vous invite à réfléchir sur les mouvements de fusion d’établissements. Ce cas précis nous rappelle que fusionner de la misère n’a jamais produit de la richesse !
difficultés rencontrées par les établissements de santé privés
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, auteure de la question n° 1277, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le ministre, la Fédération de l’hospitalisation privée et les syndicats de médecins libéraux seront en grève totale et reconductible à compter du 3 juin prochain. Vous pouvez empêcher cela !
Ils déplorent la hausse de 0,3 % des tarifs hospitaliers privés en 2024, un chiffre jugé dérisoire, voire désobligeant, face aux 4,3 % concédés au secteur public.
Cette augmentation est dérisoire, car l’hôpital privé supporte la même inflation, les mêmes contraintes réglementaires et des besoins d’investissement et d’innovation importants.
Elle est désobligeante, dans la mesure où le privé prend sa part dans l’offre de soins en étant présent dans 90 départements. Il est même parfois majoritaire, comme dans le département où je suis élue, les Hauts-de-Seine, mais aussi en Corse, dans les Alpes ou dans le Nord-Est, où l’hôpital situé à trente minutes est un hôpital privé.
Avec seulement 18 % des financements publics, le millier d’hôpitaux privés accueille 9 millions de patients et assure la moitié de la chirurgie, 33 % de l’activité hospitalière et 40 % de la chirurgie du cancer. Il participe aux urgences, intervient en aval, grâce aux collaborations public-privé, appréciées sur le terrain, qui limitent l’attente et optimisent les plateaux techniques.
Alors que l’hôpital public est en crise, que les déserts médicaux se multiplient, que 10 % de la dette de soins héritée de la crise sanitaire est absorbée par le rebond de l’activité privée, est-il judicieux d’opposer les deux systèmes ?
Alors que 50 % des cliniques privées ont enregistré un déficit en 2023, qui peut croire que l’asphyxie du privé suffira à réoxygéner le public ?
Les patients en seront les premières victimes, avec plus de renoncements, d’inégalités d’accès, de réductions de services, la concentration de l’offre de soins et la financiarisation dont nous ne voulons pas. Les soignants emboîteront le pas, car, en niant les efforts de gestion, en différenciant les traitements selon les exercices professionnels, l’attractivité des métiers reculera.
Monsieur le ministre, les secteurs publics et privés ne sont pas concurrents : ils sont complémentaires, et la ruine de l’un ne sauvera pas l’autre.
Dans mon département des Hauts-de-Seine, les cliniques renforcent l’hôpital public dans les services de chirurgie pédiatrique, de cancérologie ou de recherche. Mais elles jetteront l’éponge si vous maintenez votre arbitrage.
Monsieur le ministre, vous êtes pragmatique. Accepterez-vous une juste convergence tarifaire pour préserver le fragile équilibre du système hospitalier français ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, depuis plusieurs années, l’État marque son engagement financier en faveur des établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés. L’intention n’a jamais été d’opposer les uns aux autres.
Depuis 2019, les ressources versées aux cliniques privées par l’assurance maladie au titre de leur activité en médecine, chirurgie et obstétrique ont augmenté de 2,2 milliards d’euros. Depuis 2021, ce sont au total 3,5 milliards d’euros de financements publics qui ont été attribués aux cliniques privées pour accompagner leurs activités et financer une partie des revalorisations salariales de leur personnel.
Pour mémoire, sous la majorité précédente, entre 2013 et 2017, les tarifs pour le secteur privé lucratif ont évolué à la baisse chaque année, et cela pendant six ans. Ce n’est pas le cas cette année, même si la hausse – 0,5 % – est modeste. Il s’agit même de la sixième année de progression consécutive des tarifs applicables au secteur privé lucratif depuis 2019, avec une augmentation de 5,3 % pour les tarifs du privé en 2023.
Face aux difficultés que vous mentionnez, les cliniques privées comme les établissements publics ont également bénéficié en février 2024 du dispositif de soutien exceptionnel en appui à la reprise d’activité, pour un montant global de 500 millions d’euros pour l’ensemble du secteur.
Le geste n’a donc rien de dérisoire ni de désobligeant pour les cliniques privées, ces dernières ne faisant l’objet d’aucune discrimination. Pour fixer les tarifs applicables aux activités des différents secteurs cette année, ce sont les mêmes critères, j’y insiste, qui ont été appliqués aux hôpitaux publics et aux cliniques privées.
L’écart entre les évolutions des tarifs hospitaliers des deux secteurs en 2024 reflète essentiellement l’impact des revalorisations salariales importantes décidées depuis l’été 2023 par le Gouvernement. Ces dernières ciblent notamment les personnels travaillant la nuit dans les hôpitaux publics, les gardes et astreintes ayant été sérieusement accompagnées et rehaussées en septembre dernier.
Cet écart des tarifs entre public et privé s’explique également par le soutien apporté par l’État à certaines activités structurellement sous-financées, qui n’ont pas retrouvé, depuis la crise sanitaire, un niveau à la hauteur des besoins de santé de la population.
Vous conviendrez sans doute que les tarifs de la pédiatrie, des maternités, de la médecine, des greffes et des soins palliatifs méritaient d’être levés.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Ces activités, essentiellement assurées par le secteur public, expliquent également cet écart entre les tarifs.
réforme de l’allocation spécifique de solidarité et compensation du transfert de charges vers les départements
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 1198, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, monsieur le ministre, l’allocation de solidarité spécifique (ASS) est gérée par France Travail et financée par l’État. Elle a été instaurée en 1984 pour les demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits à l’assurance chômage.
Au début du mois de février dernier, lors de son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé la suppression de l’ASS pour les chômeurs en fin de droits, en les redirigeant vers le revenu de solidarité active (RSA).
Cette décision soulève des préoccupations quant aux effets qu’elle pourrait entraîner sur la précarité financière des demandeurs d’emploi. Elle a également fait l’objet de très vives critiques de la part des départements.
Tout d’abord, il s’agit une nouvelle fois d’une décision unilatérale de l’État vis-à-vis des collectivités territoriales, qui n’étaient pas au courant de ce projet de transfert. Cette réforme n’a donc pas été concertée avec les collectivités concernées, ce qui ne manque pas d’interpeller sur le peu de considération que le Gouvernement porte aux départements et à la décentralisation.
Ensuite, et surtout, le transfert des personnes concernées par l’ASS vers le RSA aura des conséquences sur les départements. Il est en effet estimé que 300 000 personnes bénéficient de cette allocation, pour un montant de 2,1 milliards d’euros. Il n’est donc pas raisonnable de penser que ce transfert de charges se fasse sans transfert de moyens !
En effet, la charge financière supplémentaire que cette décision ferait peser sur les finances départementales n’est pas supportable par les départements, qui connaissent déjà « une situation d’étranglement » de leurs finances selon les termes de l’Association des départements de France.
Pour l’Aveyron, le coût de cette réforme est estimé entre 6 et 7 millions d’euros par an, sans compter les moyens humains supplémentaires qui seront nécessaires à la mise en œuvre du dispositif.
Monsieur le ministre, cette annonce est-elle toujours d’actualité ? Les départements seront-ils consultés ? L’État s’engage-t-il à compenser en intégralité le transfert de charges vers les départements ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, le Gouvernement s’est engagé dans un vaste chantier de modernisation et de simplification de notre système de solidarité.
C’est la réforme de la solidarité à la source, qui est guidée par trois principes : rendre notre système plus équitable, faciliter l’accès à nos prestations de ceux qui y ont droit et, surtout, veiller à l’accompagnement vers l’emploi de leurs bénéficiaires.
Or l’ASS ne respecte pas ces conditions. Ainsi, contrairement au RSA, cette prestation ne peut se cumuler avec un revenu d’activité pendant plus de trois mois. En revanche, elle peut se cumuler avec des revenus du patrimoine. Est-ce logique ou équitable ?
L’ASS est aujourd’hui la seule prestation de solidarité qui donne des droits à retraite. Or ses conditions d’éligibilité sont complexes, et une même personne peut, ou non, avoir droit à l’ASS et aux trimestres de retraite associés, en fonction des revenus de son conjoint. Cela n’est pas équitable et cela n’incite pas, au sein des couples, à travailler plus.
Comme l’a dit le Premier ministre, nous avons une conviction : la retraite doit être le fruit du travail. Mais la suppression de l’ASS se fera progressivement et ne concernera que les personnes qui pourraient entrer dans le dispositif, et non celles qui y sont déjà. C’est donc une réforme qui ne fera pas de perdants. Personne ne verra sa situation changer brutalement.
J’entends enfin l’inquiétude des départements sur la charge financière supplémentaire qui leur incomberait.
D’une part, je le répète, cette suppression se fera de façon très progressive. L’impact sur les départements n’est donc pas immédiat.
D’autre part, cette réforme doit être analysée de façon globale, en lien avec celle de la solidarité à la source, qui conduira à la fois à faire baisser le non-recours au RSA et à lutter contre la fraude et les indus, ce qui représentera aussi des économies pour les départements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Les départements sont attentifs à vos propos. L’Aveyron est l’un des départements d’expérimentation des nouvelles modalités de l’accompagnement des allocataires du RSA. Nous aurons donc l’occasion d’en discuter de nouveau.
risque d’augmentation de la surpopulation carcérale durant les jeux olympiques
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, auteure de la question n° 1247, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le ministre, ma question porte sur les risques d’augmentation de la surpopulation carcérale durant les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024.
En effet, comme l’a récemment documenté l’Observatoire international des prisons (OIP), tous les ingrédients semblent réunis pour faire craindre une hausse substantielle des incarcérations : multiplication des patrouilles de police dans les transports à Paris, augmentation des audiences de comparution immédiate dans toutes les villes où se tiendront des épreuves et création de nouveaux délits passibles de prison au Parlement, avec la récente proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports.
Parmi les établissements qui risquent d’être particulièrement touchés figure la maison d’arrêt de Villepinte en Seine-Saint-Denis. La situation y est pourtant déjà dramatique. Lorsque j’ai exercé mon droit de visite le 8 avril 2024, accompagnée de la bâtonnière de Seine-Saint-Denis, cette prison opérait avec un taux d’occupation de 180 %.
L’administration pénitentiaire, que j’ai interrogée au cours de cette visite, a évoqué l’objectif de « libérer 120 places » d’ici à l’ouverture des JOP. Pour ce faire, il était notamment question de transferts vers la nouvelle structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) de Noisy-le-Grand.
L’administration pénitentiaire compterait également sur l’ouverture du nouveau quartier centre de détention (QCD) de Fleury-Mérogis.
Il semblerait qu’un partenariat avec d’autres directions interrégionales des services pénitentiaires soit enfin envisagé, pour y transférer, au besoin, une cinquantaine de personnes détenues volontaires.
Monsieur le ministre, ce plan d’action répond-il à des instructions nationales émises par le ministère de la justice ou à des instructions régionales émises par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris ?
Le garde des sceaux pourra-t-il me transmettre des informations précises bimensuelles jusqu’à la mi-septembre 2024 sur les flux entrants et sortants au sein du centre pénitentiaire de Villepinte ?
Enfin, le Gouvernement entend-il prendre en compte la demande de mise en place d’un mécanisme contraignant de régulation carcérale, pour réellement lutter contre la surpopulation ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question, qui me permet de mettre en lumière le travail chaque jour accompli par les services centraux et déconcentrés de l’administration pénitentiaire, afin d’optimiser les taux d’occupation des établissements français et de réduire la densité carcérale.
En lien avec l’ensemble des structures pénitentiaires, les dix directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) déploient une politique volontariste d’orientation des publics condamnés vers les établissements pour peine qui répond à une stratégie nationale. À ce titre, elles mettent en œuvre les opérations de désencombrement auxquelles vous faites référence.
La direction interrégionale de Paris dispose de plus de 1 500 places ouvertes en droit de tirage, lui octroyant ainsi des places au sein des centres pénitentiaires d’autres DISP. Plus qu’un partenariat, ce droit permet de remédier aux déséquilibres qui peuvent exister entre les capacités d’accueil des établissements du ressort de chaque DISP.
La direction de l’administration pénitentiaire (DAP) réalise aussi des opérations de désencombrement des maisons d’arrêt suroccupées vers les maisons d’arrêt ou les établissements pour peine des DISP limitrophes, lorsque c’est envisageable.
Vous me demandez des données précises, bimensuelles, sur les flux entrants et sortants concernant la maison d’arrêt de Villepinte jusqu’à la mi-septembre 2024. Pour votre parfaite information, il n’existe pas de données prévisionnelles de ces flux pour les mois à venir, car il n’est pas possible d’anticiper le nombre de personnes qui seront condamnées à une peine d’emprisonnement et affectées dans cet établissement.
La rénovation de l’ancien quartier pour mineurs du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis en quartier centre de détention a permis l’ouverture de 406 places.
Les personnes détenues remplissant les conditions d’affectation sont quant à elles orientées vers des structures d’accompagnement vers la sortie (SAS), telles que les SAS d’Osny et de Meaux, qui ont été livrées l’année dernière.
Enfin, la SAS de Noisy-le-Grand que nous avons inaugurée ensemble la semaine dernière compte 120 nouvelles places disponibles sur le ressort de la DISP de Paris.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour la réplique.
Mme Corinne Narassiguin. Je ne demande pas au garde des sceaux des prévisions sur les flux de la prison de Villepinte, mais la communication des chiffres en temps réel jusqu’à la mi-septembre 2024 !
Par ailleurs, il serait bon de réfléchir à une véritable stratégie de réduction de la population carcérale.
suppression de postes dans l’enseignement public à paris à la rentrée 2024
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, auteure de la question n° 1112, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Colombe Brossel. Alors que les enseignants, les personnels de l’éducation nationale, les familles et les élus locaux ne cessent de vous alerter, vous continuez à attaquer l’enseignement public, à fermer des classes et à supprimer des postes, sans autre ambition qu’une logique comptable.
Chaque fois que vous êtes interpellé sur ce sujet, votre seul argument est celui de la baisse démographique. Aussi, crevons l’abcès immédiatement : oui, le nombre d’enfants scolarisés dans l’académie de Paris diminue. Mais là où cette baisse aurait pu vous conduire à entamer une révolution pédagogique, en réduisant pour tous les niveaux le nombre d’enfants par classe, et à permettre un maximum de dédoublements et de petits groupes au collège, vous fermez des classes, encore et encore.
Quel est le résultat ? Des situations absurdes et dénoncées par un certain nombre d’élus. L’éducation nationale crée elle-même les conditions de classes surchargées l’année prochaine dans des écoles où tout fonctionnait pourtant formidablement bien cette année !
Plus aucun territoire n’est épargné, ni les écoles et collèges en réseaux d’éducation prioritaire (REP), ni ceux qui sont situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), là où, pourtant, le service public a encore plus besoin qu’ailleurs de moyens supplémentaires. L’an dernier, vous avez fermé brutalement 178 classes dans les écoles primaires publiques et supprimé 182 postes d’enseignants dans le second degré.
Pour la rentrée 2024, vous vous obstinez. Vous annoncez la fermeture de 137 classes dans le premier degré et de 58 divisions dans les collèges publics, sans compter la baisse des dotations horaires globales (DHG), qui contraint à des choix pédagogiques à rebours de l’ambition que les enseignantes et les enseignants ont pour la réussite de leurs élèves.
Les collèges et lycées publics, niveau où se creusent les inégalités avec l’enseignement privé, ont pourtant plus que jamais besoin de votre soutien.
Monsieur le ministre, où vont mener ces fermetures de classes sans fin, ces saignées, année après année, ces suppressions de moyens ?
Écoutez ceux qui vous alertent et annulez ces suppressions de postes. Samedi dernier à Paris, nous étions encore nombreux à nous mobiliser à l’appel de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) et des organisations syndicales, pour protester contre le tri social des groupes de niveau, le prétendu « choc des savoirs » et les fermetures de classes, car nous croyons en l’école publique et nous la défendons.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Colombe Brossel, la ministre de l’éducation nationale m’a transmis plusieurs chiffres, qui renvoient à des réalités incontournables.
Dans l’académie de Paris, la baisse démographique s’accélère depuis plus de dix ans et affecte tous les niveaux d’enseignement. Cette déprise démographique est un phénomène structurel qui va se poursuivre. Depuis dix ans, l’académie de Paris a perdu 30 000 élèves dans le premier degré public, soit une diminution de 22 % des effectifs. Après une baisse de 2 690 élèves à la rentrée 2023, ce sont 2 031 élèves de moins qui sont attendus à la prochaine rentrée scolaire.
Pour autant, l’académie de Paris détient, avec la Corse, le meilleur taux d’encadrement de France métropolitaine, avec 6,6 postes d’enseignants pour 100 élèves en 2023, contre 5,1 en 2013. Très supérieur à la moyenne nationale de 6, ce taux ferait pâlir de jalousie bien d’autres territoires.
Ce taux devrait se maintenir malgré la baisse des moyens prévue et pérenniser de bonnes conditions d’enseignement pour les élèves et les professeurs. De même, le nombre moyen d’élèves par classe reste très favorable, avec 19,9 élèves en moyenne, contre 24,6 en 2013.
Dans le second degré public, à l’échelle nationale, 574 créations d’emplois permettent notamment la couverture de la démographie des académies devant connaître une évolution positive.
Or, à Paris, les effectifs d’élèves ont diminué de 1 443 élèves en 2023, et une nouvelle baisse de 1 276 élèves est prévue en 2024.
Le nombre moyen d’heures d’enseignement par élève de l’académie de Paris, qui mesure la palette horaire dont bénéficient effectivement tous les élèves, est le reflet quasi parfait de ce même taux d’encadrement national : 1,34, contre 1,35. Les moyens déployés permettront la mise en œuvre des mesures du choc des savoirs et la poursuite de l’effort en faveur de l’école inclusive, avec l’ouverture de dix unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) et les évolutions de la voie professionnelle.
Enfin, comme à la rentrée 2023, chaque établissement disposera également d’une dotation dans le cadre du pacte enseignant, qui permettra la mise en place de dispositifs d’accompagnement et de soutien au bénéfice des élèves.
L’académie de Paris est pleinement mobilisée, afin que tous les élèves et l’ensemble du personnel abordent la rentrée scolaire prochaine le plus sereinement possible.
difficultés des municipalités concernant la délivrance d’autorisations d’instruction en famille
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 1151, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Laurence Garnier. Monsieur le ministre, la loi confortant le respect des principes de la République a modifié les modalités d’encadrement et de contrôle de l’instruction en famille.
Nous sommes notamment passés d’un régime de simple déclaration à un système d’autorisation préalable pour les familles qui souhaitent faire l’école à la maison.
Les maires de nos communes sont en première ligne face à ces évolutions. Ce sont eux qui reçoivent de la part des services départementaux de l’éducation nationale un courrier les priant de réaliser une enquête de la mairie. Il leur est notamment demandé de s’assurer que l’instruction délivrée à l’enfant est compatible avec son état de santé.
Je suis heureuse que ce soit le ministre de la santé qui me réponde ce matin, car les maires et les élus locaux n’ont aucune compétence pour évaluer l’état de santé des enfants !
En Loire-Atlantique, les maires qui m’ont interpellée sur ce sujet sont respectivement cadre bancaire, agriculteur et retraité de la fonction publique territoriale. Aucun d’entre eux n’estime être à même de juger de l’état de santé de ces enfants.
Cette situation n’est bonne ni pour les enfants concernés ni pour les maires et les élus locaux, auxquels on ne peut pas faire assumer toutes les exigences de suivi de l’État en matière d’encadrement de l’instruction en famille.
Aussi, comment entendez-vous mobiliser les services de l’éducation nationale et ceux de votre ministère de la santé, pour assurer le suivi de ces enfants ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Laurence Garnier, depuis 2022, il ne peut plus être dérogé à l’obligation de scolarisation que sur autorisation préalable d’instruction dans la famille, délivrée par les services académiques pour des motifs tirés de la situation de l’enfant et limitativement définis par la loi.
Le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) qui a rendu l’autorisation en informe le maire de la commune de résidence de l’enfant. Le maire, agent de l’État, a le soin de mener une enquête visant les enfants résidant sur les territoires de la commune qui reçoivent l’instruction en famille.
Cette enquête doit être réalisée dès la première année, puis tous les deux ans. Son résultat est communiqué aux Dasen et aux personnes responsables de l’enfant.
La loi du 24 août 2021 a modifié l’objet de l’enquête du maire.
Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2022, il s’agit pour le maire de vérifier non pas l’état de santé des enfants, mais la réalité des motifs qui ont été avancés par les personnes responsables de l’enfant. L’édile est également chargé de contrôler si l’instruction donnée à l’enfant est compatible avec son état de santé et les conditions de vie de la famille.
Enfin, il est demandé au maire d’obtenir une attestation de suivi médical, qui est un document établi par un professionnel de santé – et non par lui-même – attestant que l’enfant fait l’objet d’un suivi individuel de son état de santé. Cette enquête vise à s’assurer de la réalité du motif pour lequel l’enfant a reçu une autorisation d’instruction dans la famille.
Vous aviez proposé que soit confiée à une assistante sociale de l’éducation nationale, plutôt qu’au maire, la charge de réaliser cette enquête. Toutefois, la loi ne prévoit pas que les services académiques puissent se substituer aux services municipaux pour effectuer l’enquête. Ce rôle de substitution a été dévolu au préfet de département.
L’enquête du maire complète le contrôle pédagogique mis en œuvre par les autorités académiques, qui porte sur la qualité de l’instruction et la vérification de l’acquisition progressive par l’enfant des compétences et des connaissances du socle commun.
Le Gouvernement entend préserver cette dualité de contrôle de l’instruction dans la famille. Afin d’accompagner les maires, le guide interministériel relatif au rôle des acteurs locaux dans le cadre de l’instruction dans la famille est en cours d’actualisation par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions.
Dans un contexte de réduction croissante de l’offre médicale sur notre territoire, soyons attentifs à ne pas faire porter cette responsabilité aux maires, qui ne sont pas compétents en la matière.
Demain, d’autres enjeux les attendront, comme le maintien à domicile. Or, monsieur le ministre, ils ne pourront faire face à tout.
bilan de la formation au numérique des formateurs instaurée par la loi pour une école de la confiance
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la question n° 1173, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur l’état de la formation du numérique en France et sur la bonne application de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
Dès 2018, dans le rapport d’information Prendre en main notre destin numérique : l’urgence de la formation, dont l’une des séries de recommandations avait pour objet : « Apprendre à se servir des écrans et apprendre à s’en passer », j’avais formulé de nombreuses propositions pour que l’ensemble des élèves, et plus largement des citoyens, soient des acteurs actifs de leur destin numérique.
Ces préconisations sont encore d’une vive actualité, à l’heure où internet et les réseaux sociaux sont devenus un espace de non-droit et de menaces pour les jeunes, qui en sont les premières victimes.
Le phénomène est tel que le Président de la République s’est engagé à limiter l’accès des jeunes aux écrans en janvier 2024.
Dans ce rapport, j’avais notamment signalé l’importance de « former les formateurs ». La douzième recommandation consistait ainsi à « revoir la maquette de formation en écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé), afin que la littératie numérique devienne un axe structurant de la formation ».
Ce besoin a été le fondement de mon amendement à la loi du 26 juillet 2019, afin que les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) « forment les étudiants et les enseignants à la maîtrise des outils et ressources numériques et à leur usage pédagogique, ainsi qu’à la connaissance et à la compréhension des enjeux liés à l’écosystème numérique et à la sobriété numérique ».
Depuis l’adoption de cette loi, à l’occasion d’auditions préalables aux lois de finances, j’ai systématiquement interrogé le ministre compétent pour que soit dressé un bilan de ces dispositions.
Jusqu’à maintenant, seules des réponses lacunaires m’ont été fournies. Le Digital Services Act (DSA), entré en application en février 2024, contraint les plateformes à atténuer les risques qu’elles représentent, y compris pour les jeunes. Il revient à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), autorité compétente, de veiller efficacement à son respect.
Toutefois, la protection des jeunes en ligne et la question de leur exposition aux écrans ne peuvent être appréhendées qu’au prisme de la sécurité.
La formation des formateurs est également une clé pour relever les défis sociaux et démocratiques que pose l’utilisation des réseaux sociaux.
L’accompagnement des jeunes est important. Aussi, je réitère ma demande d’un bilan précis des dispositions prévues par cette loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Catherine Morin-Desailly, je vais essayer de vous apporter la réponse la plus précise à partir des éléments que m’a transmis la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Le Gouvernement a pleinement conscience des enjeux du développement des compétences numériques. Elles constituent en effet un élément essentiel du parcours scolaire, de l’insertion professionnelle et de la vie citoyenne.
Depuis mars 2022, les acteurs de l’éducation nationale ont conduit une réflexion stratégique sur le numérique pour l’éducation, qui a conduit à l’élaboration de la stratégie numérique pour l’éducation 2023-2027.
De plus, depuis la rentrée 2023, le ministère de l’éducation nationale, avec l’Arcom, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (Clemi), a rédigé la charte pour l’éducation à la culture et la citoyenneté numériques, qui fixe les trois grands axes de ce cadre de la citoyenneté numérique. Ce document est un repère des actions du ministère et de ses déclinaisons dans les académies et les établissements.
Vous évoquez le Digital Services Act, qui concerne d’abord les plateformes grand public du numérique. Il vise en particulier les plateformes des entreprises américaines des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ou chinoises des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi).
Le ministère de l’éducation nationale, avec la stratégie nationale du numérique, s’appuie sur les plateformes souveraines et protectrices du droit des usagers, qu’il s’agisse des élèves, des personnels éducatifs ou des parents. L’application du règlement général sur la protection des données (RGPD) limite les usages avec les élèves des plateformes des Gafam.
Face aux enjeux d’éducation au numérique et de lutte contre le cyberharcèlement et afin de lutter contre les discours de haine et les contenus illicites, nous avons lancé en novembre 2022 le déploiement de l’attestation de sensibilisation aux compétences numériques à l’aide de la plateforme Pix pour les élèves de sixième.
Par ailleurs, la formation des enseignants est essentielle pour atteindre les objectifs fixés. La formation au et par le numérique constitue à ce titre une dimension obligatoire de la formation initiale des professeurs.
Enfin, dans le cadre de la loi pour une école de la confiance, les écoles peuvent mener des expérimentations pédagogiques de cinq ans portant sur l’organisation de la classe ou de l’école, l’utilisation des outils numériques ou encore la répartition des heures d’enseignement sur l’année scolaire. Ces expérimentations sont encadrées et font systématiquement l’objet d’un suivi d’évaluation par la recherche.
Le ministère de l’éducation nationale est donc pleinement engagé pour relever les défis de la formation au et par le numérique. Une approche équilibrée, progressive et sécurisée des enjeux du numérique permettra à l’école d’éduquer les futurs citoyens de demain.
difficultés financières des établissements et services d’aide par le travail
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, en remplacement de Mme Nadège Havet, auteure de la question n° 1168, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le ministre, je prends en effet la parole au nom de ma collègue Nadège Havet, sénatrice du Finistère.
Ma collègue tenait en introduction à féliciter toute l’équipe de l’établissement et service d’aide par le travail (Ésat) Les Genêts d’or de Briec, qui a organisé le week-end dernier sa trente-huitième Fête des fleurs, un atelier d’horticulture remarquable.
Elle souhaitait ensuite appeler votre attention sur les difficultés de financement rencontrées par les Ésat, notamment dans son département. Rappelons ici toute l’importance de ces lieux d’accès au travail en France, qui proposent un accompagnement spécifique pour plus de 120 000 personnes en situation de handicap.
Dans la continuité du plan de transformation de ces établissements, accueilli favorablement par les structures concernées, la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi s’est inscrite dans cette dynamique positive amorcée il y a plusieurs années. Elle comprend ainsi des mesures dont la mise en œuvre doit soutenir une évolution favorable du statut des travailleurs concernés : remboursement des frais de transport public, accès aux titres-restaurant et aux chèques-vacances et prise en charge de la couverture complémentaire collective.
Cependant, de fortes inquiétudes ont été exprimées quant aux coûts additionnels induits par ces avancées, alors que la situation financière des Ésat est complexe.
Plus d’un établissement sur quatre est déjà en déficit net. Sans soutien supplémentaire, une détérioration de l’accompagnement adapté proposé sera à déplorer, à savoir une sélection plus forte à l’entrée des travailleurs en situation de handicap, la fermeture d’ateliers moins rentables ou un temps plus restreint accordé à la formation, volet indispensable pour une insertion progressive en milieu ordinaire de travail.
Aussi, monsieur le ministre, de quelle façon le Gouvernement entend-il prendre en compte ce cadre financier dégradé ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, vous avez souhaité appeler l’attention de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, sur les difficultés financières que pourraient rencontrer les Ésat à l’occasion de la mise en œuvre des mesures de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, à la suite des engagements pris par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) d’avril 2023.
Les 1 500 Ésat et les organisations et fédérations qui les représentent jouent un rôle fondamental pour favoriser l’inclusion socioprofessionnelle de près de 120 000 travailleurs.
La loi pour le plein emploi consacre la logique de parcours, pour permettre aux personnes en situation de handicap de trouver un emploi plus facilement. Elle prévoit notamment l’accompagnement de France Travail autour du projet de la personne, avec des mises en situation en entreprise. L’Ésat sera la solution pour accompagner ces personnes, afin qu’elles parviennent à travailler en milieu ordinaire.
Pour cela, le Gouvernement a souhaité faire converger les droits des travailleurs en Ésat avec ceux des salariés, tout en gardant la protection, spécifique à leur statut, qui empêche leur licenciement.
La loi leur octroie également des droits collectifs, comme celui de faire grève ou de se syndiquer, mais aussi individuels, tels que la complémentaire santé ou la participation aux frais de transport.
Concernant le financement de la transformation des Ésat et de la mise en place de ces nouveaux droits, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale des finances (IGF) ont rendu un rapport, à l’origine du plan de transformation des Ésat, coconstruit avec les représentants du secteur.
La convergence des droits des travailleurs admis en Ésat vers ceux des salariés fait l’objet d’un large consensus. Cependant, la mise en place d’une complémentaire santé obligatoire, prise en charge pour moitié par l’employeur, à partir du 1er juillet 2024, représente une source d’inquiétude très forte pour le secteur.
À cet effet, des travaux sont en cours pour définir le meilleur moyen d’accompagner les Ésat et leurs travailleurs dans cette transition indispensable.
Je veux enfin rappeler que, en 2024, plus de 3,2 milliards d’euros sont consacrés au secteur des Ésat, au travers du budget de l’État et de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Nous trouverons ensemble une solution qui protège la situation financière des Ésat et la santé de leurs travailleurs.
régime spécifique d’approvisionnement
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet, auteure de la question n° 1226, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Viviane Malet. Madame la ministre, je souhaite évoquer ici la problématique du régime spécifique d’approvisionnement (RSA), qui correspond à la compensation des surcoûts pour l’alimentation animale liée à l’éloignement et à l’absence de cultures céréalières dans les territoires ultramarins.
Sachant que le coût de l’alimentation représente les deux tiers des coûts de production des éleveurs ultramarins, ce dossier a des implications majeures en matière de pouvoir d’achat et de sécurité alimentaire. En outre, il nuit à l’émergence de filières de viandes biologiques dans nos départements d’outre-mer (DOM), pourtant indispensables pour répondre aux obligations fixées par les lois Égalim.
Le plafond du RSA n’a pas été relevé depuis dix ans et il est saturé depuis quatre ou cinq ans. À l’heure où je vous parle, ce sont 8 millions d’euros de coût de fret qui sont indûment supportés par les éleveurs des DOM, dont 5 millions d’euros pour les seuls éleveurs de La Réunion.
L’État avait pourtant pris un engagement clair vis-à-vis de nos éleveurs : il leur a demandé de ne pas répercuter ces 8 millions d’euros sur les consommateurs. En échange, le ministère de l’agriculture s’était engagé à prendre en charge le complément du RSA, dès lors qu’il aurait obtenu le feu vert de la Commission européenne.
Les éleveurs ont respecté leur engagement malgré la flambée des coûts de production consécutive à la crise de la covid-19, l’explosion du coût du fret à la fin des confinements et l’inflation galopante post-guerre en Ukraine.
Toutefois, l’État n’a pas encore respecté le sien. Bien que la Commission ait autorisé la France à verser cette aide, le ministère s’est abrité derrière le refus des collectivités locales de cofinancer ce dispositif, alors même qu’il n’en a jamais été question, et il a laissé sans réponse les nombreux courriers et les interrogations des éleveurs réunionnais.
Pourtant, le Président de la République a fait de la diversification alimentaire une priorité absolue et nous a invités collectivement, le 28 février dernier, à la mettre « au centre de notre ambition agricole ».
Madame la ministre, nous attendons donc votre réponse. Pouvez-vous aujourd’hui nous confirmer que l’État abondera bien l’enveloppe du régime spécifique d’approvisionnement de 8 millions d’euros supplémentaires, comme il s’y était engagé et comme l’Union européenne l’y autorise depuis l’été 2023 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Malet, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Marc Fesneau, dont je me ferai la porte-parole.
Vous m’interrogez sur le régime spécifique d’approvisionnement et l’aide au fret pour les céréales destinées à l’alimentation animale.
Je voudrais tout d’abord clarifier le périmètre du feu vert que la Commission européenne aurait donné à l’État, sur la prise en charge du rehaussement du plafond du régime spécifique d’approvisionnement : celle-ci a bien confirmé en juin 2023 que le rehaussement du régime spécifique d’approvisionnement pouvait être abondé par des crédits nationaux, mais cela ne signifie pas que l’État a accepté d’en verser la totalité.
En effet, dans le cadre de la préparation de la visite officielle de la Première ministre à La Réunion en mai 2023, il a été décidé, concernant le financement du RSA, que le rehaussement de son plafond pour les filières animales serait pris en charge par la collectivité territoriale.
Cette volonté est bien connue : un courrier cosigné des ministres chargés de l’agriculture et des outre-mer a été adressé aux collectivités territoriales en août 2023. Ce courrier mettait en avant l’effort déjà consenti par l’État avec le relèvement de 15 millions d’euros des crédits du comité interministériel des outre-mer (Ciom) et demandait si la collectivité voulait contribuer au développement des filières animales de son territoire par la prise en charge de l’augmentation du plafond RSA et participer à la gouvernance du dispositif.
Les retours des différentes collectivités sont à ce stade encore incomplets sur les montants et les périmètres de répartition des coûts entre État, région et département. Mais le Gouvernement a confirmé, en février dernier, les termes initiaux de la négociation : un abondement de l’État n’est envisageable qu’à la condition d’un cofinancement de la part des collectivités territoriales.
Nous restons à la disposition des collectivités pour avancer sur la définition des montants et des périmètres de répartition des coûts entre l’État, les régions et les départements.
compatibilité des aides de la politique agricole commune avec l’agrivoltaïsme
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 999, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, ma question est simple : je souhaite porter à votre attention la problématique cruciale pour nos agriculteurs de la compatibilité entre les aides de la politique agricole commune (PAC) et le développement de l’agrivoltaïsme – un dossier que vous connaissez bien.
Vous le savez, ce sujet me tient particulièrement à cœur. De l’eau a coulé sous les ponts depuis la proposition de résolution tendant au développement de l’agrivoltaïsme en France, que j’avais déposée avec mon collègue Jean-Pierre Moga il y a deux ans : le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a été adopté, ce qui a permis de hâter le développement de l’agrivoltaïsme.
Notre chambre a instauré un cadre législatif novateur pour promouvoir cette forme d’agriculture durable. Malheureusement, des obstacles persistent, notamment en raison de l’arrêté du 13 mai 2023 relatif aux conditions d’éligibilité à la PAC, qui pose des difficultés majeures, en particulier du fait de la rédaction de son article 8.
Ce texte impose des critères stricts, notamment celui selon lequel 30 % d’une parcelle au maximum doivent être recouverts par des panneaux photovoltaïques, ce qui entrave la liberté des agriculteurs, lesquels cherchent parfois à équiper une plus grande surface de leurs terres. Cela n’a aucun sens d’admettre l’éligibilité à la PAC des surfaces couvertes à 28 % par des panneaux, mais pas celle des surfaces couvertes à 50 % !
De plus, les dispositions selon lesquelles l’usage non agricole doit être limité dans le temps et intervenir après la récolte ne correspondent pas à la réalité de l’agrivoltaïsme, tel qu’il se développe en France. Il est évident que les agriculteurs ne vont pas ôter leurs panneaux avant la récolte et les réinstaller quelques semaines après.
Face à cette situation ubuesque, je vous interpelle sur la possibilité de prendre un arrêté modificatif, afin d’ajuster ces critères et de mieux refléter la réalité de l’agrivoltaïsme. Les agriculteurs français réclament une meilleure compatibilité entre les aides de la PAC et ces activités non agricoles. Cette demande est, je crois, en accord avec les pratiques observées chez nos voisins.
Il est crucial que nous soutenions pleinement le développement de l’agrivoltaïsme en France, non seulement pour sa contribution à la transition énergétique, mais aussi pour sa capacité à promouvoir une agriculture plus durable et résiliente.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Longeot, la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi APER, à la rédaction de laquelle vous avez fortement contribué, fixe un cadre clair et opérationnel pour l’agrivoltaïsme.
Je le rappelle, l’agrivoltaïsme, tel qu’il est défini par la loi française, vise les installations photovoltaïques sur terre agricole exploitée, dont la fonction première est d’apporter un bénéfice à l’exploitation agricole – amélioration des rendements ou de la qualité agronomique, protection contre des aléas climatiques tels que la grêle, économies d’eau, amélioration du bien-être animal, etc.
Dans ces conditions, il n’y a pas d’opposition entre production énergétique et production agricole, cette dernière étant systématiquement privilégiée.
La loi APER indique explicitement que la présence d’une installation agrivoltaïque ne fait pas obstacle à l’éligibilité du terrain agricole au versement des aides de la PAC.
Vous avez raison de le souligner, plusieurs évolutions réglementaires sont nécessaires, dont la modification de l’arrêté définissant les conditions d’éligibilité aux aides de la PAC. Il s’agit en particulier de ne pas soumettre les projets effectivement reconnus en agrivoltaïsme à la limite du taux de 30 % de couverture que vous rappelez.
S’agissant d’agrivoltaïsme, une limite de 40 % de taux de couverture a été introduite, sur la base des éléments scientifiques actuellement disponibles. Mais je rappelle que la démonstration du bénéfice agronomique est le principal critère et peut exiger, selon les situations, de s’en tenir à des taux de couverture moindres.
Pour les projets en service qui répondraient à la définition de l’agrivoltaïsme, une visite par les services de l’État devra être menée rapidement, afin de confirmer le maintien de l’activité agricole et de permettre le versement des aides de la PAC.
En revanche, les installations photovoltaïques au sol sur terrain agricole, qui ne sont pas agrivoltaïques dès lors qu’elles ne permettent pas le maintien strict de l’activité agricole, continueront à être soumises au régime actuel. Vous le savez, il est désormais interdit de mettre des installations photovoltaïques au sol sur des terres agricoles exploitées.
En conclusion, je vous confirme qu’un arrêté modificatif est en cours de préparation et qu’il sera signé dans les prochaines semaines, pour ajuster la situation au cas spécifique de l’agrivoltaïsme sur terrain agricole.
accueil d’enfants palestiniens blessés en provenance de gaza
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, auteure de la question n° 1209, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, selon l’Unicef, la bande de Gaza est aujourd’hui l’endroit le plus dangereux au monde pour un enfant. Un enfant y est blessé ou tué toutes les dix minutes, ce qui signifie que, depuis le début de cette séance de questions, six enfants ont certainement été tués ou blessés à Gaza.
Jusqu’à présent, plus de 14 000 enfants ont été tués et deux fois plus blessés, dont des milliers qui ont été amputés, souvent sans anesthésie. Des milliers d’autres sont portés disparus et sont probablement sous les décombres.
En novembre dernier, le Président de la République a déclaré : « Concernant les enfants blessés ou malades de Gaza qui ont besoin de soins urgents, la France mobilise tous les moyens à sa disposition, notamment aériens, pour qu’ils puissent être soignés en France, […] où des dispositions sont prises pour recevoir jusqu’à 50 patients dans nos établissements hospitaliers. »
Or, selon l’association PalMed France, branche française de PalMed Europe qui regroupe des médecins palestiniens en Europe, malgré la transmission au ministère de l’Europe et des affaires étrangères d’une liste de noms d’enfants gazaouis blessés, aucun enfant en provenance de Gaza n’a été accueilli par la France.
Seuls quelques enfants, dont le nombre est bien inférieur à celui qui avait été évoqué dans cet engagement présidentiel, ont été accueillis en provenance du Caire, où ils étaient déjà pris en soins à l’hôpital.
Aujourd’hui, une quinzaine de médecins, dont deux Français, partent à Gaza dans le cadre d’une sixième mission organisée par l’association PalMed, via des organismes internationaux et toujours pas par des organismes français.
Aussi, que compte faire le Gouvernement pour faciliter enfin le départ de médecins français à Gaza ? Et quand la France ouvrira-t-elle les 50 lits actifs annoncés, afin d’accueillir des enfants gazaouis blessés en provenance de Gaza ? (M. Ian Brossat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Poncet Monge, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Stéphane Séjourné, dont je me ferai la porte-parole.
Depuis le début du conflit à Gaza, la France est mobilisée pour soutenir les besoins humanitaires de la population palestinienne. Ces besoins sont immenses.
Au-delà des opérations de soutien humanitaire global, plusieurs actions spécifiquement destinées aux enfants de Gaza ont été menées. Celle à laquelle vous faites référence, qui permet la prise en charge d’enfants gravement blessés au sein de nos hôpitaux, constitue sans nul doute la plus complexe. Elle doit, je crois, faire la fierté de la France.
Il est important de préciser comment s’organisent concrètement ces évacuations de la bande de Gaza, qui doivent être suivies d’un transfert médicalisé, avant de déboucher sur une prise en charge hospitalière. Il s’agit d’un processus à la fois long, difficile, voire dangereux pour les personnes concernées, et très complexe sur le plan technique.
Ce processus répond à plusieurs conditions.
La première est l’accord explicite des parents ou des ayants droit des enfants concernés. Nous devons, à cet égard, être en mesure de vérifier les liens de parentalité et nous assurer que le consentement a bien été donné.
La deuxième est l’accord des autorités israéliennes, qui décident de qui peut entrer ou sortir de la bande de Gaza.
La troisième est l’intérêt médical d’une prise en charge en France plutôt qu’ailleurs.
À ce jour, 14 enfants, accompagnés d’un de leurs parents au moins, ont pu être admis au sein de nos hôpitaux. Ce chiffre, qui peut vous paraître modeste, constitue pourtant une réussite importante. S’il n’est pas plus élevé, ce n’est pas parce que nous l’avons voulu – bien au contraire –, mais parce que l’hospitalisation en Égypte, ou ailleurs dans la région, est souvent privilégiée par les parents eux-mêmes, pour des raisons objectives de proximité.
Nous sommes disposés et prêts à accueillir 50 enfants, comme cela avait été annoncé. De nouvelles opérations d’évacuation sont d’ailleurs en train d’être menées, en lien avec des ONG françaises qui ont sollicité notre appui pour prendre en charge des enfants nécessitant des soins lourds.
La réussite de ces opérations ne doit pas être jugée à l’aune d’un seul chiffre, mais plutôt de notre capacité à organiser une intervention depuis une zone de guerre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais j’ai pu vérifier qu’il existait une liste d’enfants qui prend en compte les conditions que vous venez d’évoquer.
Avoir accueilli 14 enfants seulement depuis novembre dernier, au vu de la situation que connaît Gaza, ce n’est pas sérieux… Il faut accélérer ! Ces 50 lits doivent être véritablement actifs, et la France doit tenir sa promesse.
baisse de l’indice de parité de pouvoir d’achat dans plusieurs circonscriptions consulaires en 2024
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 1205, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger.
Mme Hélène Conway-Mouret. La pérennité de notre système de solidarité envers les familles françaises qui ont besoin de bourses scolaires est en danger.
Nous observons que les leviers pour réaliser des économies ont tous été activés : tout d’abord, l’augmentation de 2 à 7 points de la contribution progressive de solidarité a entraîné une baisse des quotités ; ensuite, l’annulation de 11,5 millions d’euros des crédits du programme 151 ; enfin, plus récemment, la baisse de l’indice de parité de pouvoir d’achat (Ippa) dans de nombreuses circonscriptions consulaires pour la campagne 2024-2025 augmente mécaniquement le reste à charge des familles.
À titre d’exemple, mais je pourrais citer bien d’autres cas, l’indice est passé de 75, en 2023, à 63 cette année à Hô Chi Minh-Ville, ce qui représente une baisse de plus de 8 points de quotité, alors que le taux d’inflation a atteint 4 % dans le pays.
L’opacité de cette décision, prise par le ministère sur la base de données confidentielles fournies par une agence privée, suscite l’incompréhension des conseillers des Français de l’étranger chargés d’examiner les dossiers et empêche les parlementaires d’exercer leur mission de contrôle de l’action du Gouvernement.
Elle semble davantage motivée par des raisons budgétaires que par l’évolution réelle des parités de pouvoir d’achat entre la France et les pays concernés.
Ce faisant, elle va à l’encontre de l’esprit même de notre système d’aide à la scolarité, conçu pour garantir l’accès de tous les élèves français à notre enseignement, quelles que soient leurs ressources financières, et pour préserver la mixité sociale au sein de l’école républicaine. Elle est même contraire aux objectifs affichés par le Président de République lui-même, qui entend toujours doubler le nombre d’élèves d’ici à 2030.
Madame la ministre, quels sont les critères sur lesquels s’appuie ce nouveau mode de calcul de l’Ippa ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Conway-Mouret, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Franck Riester, dont je me ferai la porte-parole.
Par votre question, vous sollicitez une clarification des critères mesurant l’indice de parité de pouvoir d’achat, l’Ippa, utilisé dans le barème des bourses scolaires. Cet indice est calculé à partir de données objectives fournies annuellement pour chaque poste par l’agence Mercer Consulting. Il est constitué à hauteur de 70 % de l’indice de coût de la vie et de 30 % de l’indice de coût du logement, sur la base d’un indice 100 pour Paris.
Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères calcule les Ippa par poste et les transmet à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui les communique aux postes diplomatiques et consulaires et les intègre au logiciel Scola de gestion des bourses scolaires.
La variation de l’Ippa a une conséquence mécanique sur la valeur des aides à la scolarité qui sont versées. En effet, le contexte inflationniste mondial a entraîné en 2023 de très fortes variations. Sur 176 pays, 52 ont connu une évolution à la hausse supérieure ou égale à 10 points. Cette variation haussière a ainsi été favorable aux familles dans l’attribution des bourses scolaires pour la campagne passée.
La baisse constatée dans certains postes en 2024, principalement en Afrique et en Asie, fait suite à une actualisation de la méthode de calcul des indices de coût de la vie. Celle-ci a procédé, d’une part, à une mise à jour du contenu du panier de biens et de services servant au calcul de l’indice de coût de la vie et, d’autre part, à une prise en compte des charges courantes – eau, gaz, électricité, internet – plus fidèle à la réalité de la consommation des ménages au niveau local.
Les Ippa connaissent ainsi régulièrement des évolutions à la hausse ou à la baisse selon les pays, qui n’ont aucun lien avec des mesures budgétaires. La plupart des pays concernés par ces baisses en 2024 retrouvent en fait un indice proche de celui de la campagne 2022-2023.
Les données utilisées dans le calcul de cet indice sont acquises par le ministère dans le cadre d’un marché avec Mercer Consulting, une entreprise privée. Elles ne peuvent donc pas faire l’objet d’une communication publique, car le ministère n’en est pas propriétaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je vous remercie, madame la ministre, de ces éléments de réponse, qui arrivent un peu tardivement, puisque les conseils consulaires chargés d’attribuer les bourses scolaires se sont déjà tenus, dans le flou le plus total.
Pour ce qui concerne la baisse arbitraire de l’Ippa et les interrogations des conseillers des Français de l’étranger – d’ailleurs passées sous silence, puisque, dans de nombreux pays, leurs déclarations liminaires n’ont pas été inscrites au procès-verbal –, il serait appréciable que le Gouvernement fasse preuve de davantage de transparence vis-à-vis des élus locaux et des parlementaires.
difficultés matérielles d’exercice des missions de lieutenant de louveterie
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 821, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés matérielles d’exercice des missions confiées aux lieutenants de louveterie.
Les lieutenants de louveterie sont des bénévoles qui assurent des missions d’intérêt général, en l’occurrence relatives à la faune sauvage, lorsque celle-ci porte atteinte aux biens ou aux personnes. Leurs interventions se font dans le cadre du code de l’environnement. L’État exige d’eux une disponibilité et un équipement spécifique, avec des tenues obligatoires, l’entretien d’au moins quatre chiens, une mobilité…
La mission des lieutenants de louveterie est une mission de service public, qui ne relève pas du tout d’une pratique de plaisir, et, à ce titre, elle n’est pas une action de chasse.
L’État fait de plus en plus appel à ces bénévoles, notamment pour l’application du plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage, dans un contexte où l’exercice de cette mission n’est pas psychologiquement aisé. Parallèlement, leurs charges augmentent, et ils ont des difficultés à assurer la conservation des meutes.
Pour résumer, on leur demande de faire plus, alors que leurs conditions d’exercice se dégradent et que l’on a de plus en plus besoin d’eux, pour mener à bien leurs missions traditionnelles, ainsi que de nouvelles missions. Comment entendez-vous résoudre cette contradiction et leur permettre d’exercer leur activité ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Philippe Bonnecarrère, je vous remercie de votre question, qui me permet de saluer l’ensemble des lieutenants de louveterie, ces bénévoles qui assurent des missions de service public, à la demande des préfets de département, au profit des collectivités et des agriculteurs.
Ils jouent un rôle essentiel en matière de régulation des espèces sauvages, de répression du braconnage et de lien social dans cette ruralité que vous connaissez bien, et cela depuis Charlemagne ; il s’agit donc de l’un des services publics les plus anciens.
Avec le retour du loup dans nos territoires et l’expansion de sa présence, les louvetiers sont de nouveau fortement mobilisés pour la défense des troupeaux. Ils jouent, comme vous l’avez indiqué, un rôle central dans la mise en œuvre des tirs dérogatoires dans le cadre du plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage.
Dans le cadre des missions relatives au loup, le défraiement et le remboursement des frais kilométriques des louvetiers sont effectifs depuis 2011. Néanmoins, en vue du renouvellement à venir des lieutenants de louveterie et de la préparation du plan national d’actions sur le loup, le Gouvernement a conduit une mission, afin d’identifier des leviers pour améliorer leur accompagnement.
J’ai reçu les conclusions de cette mission en mars, et je puis vous annoncer, monsieur le sénateur, que je les rendrai publiques dans les prochains jours ; bien évidemment, vous en serez destinataire. Nous pourrons ainsi réfléchir ensemble à la façon d’améliorer les conditions d’exercice des louvetiers, dont les missions sont en effet plus nombreuses.
Ces recommandations seront prises en compte dès cette année, lors du renouvellement des louvetiers. Parmi celles-ci, un consensus a été trouvé sur la nécessité de recentrer et d’alléger leurs missions pour adapter leurs activités aux priorités actuelles, notamment celles qui sont relatives à la gestion du loup ou du sanglier.
Une réflexion est par ailleurs en cours concernant la prise en charge financière de l’équipement des louvetiers.
Enfin, sont envisagés des accords avec les employeurs pour faciliter l’aménagement du temps de travail des louvetiers et généraliser l’utilisation d’un outil numérique unique de transmission des rapports.
Les travaux menés au Sénat et à l’Assemblée nationale nourriront nos réflexions et nous permettront d’améliorer la situation des louvetiers.
absence de réponse de l’agence nationale de l’habitat au défenseur des droits
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 965, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur l’absence de réponse de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) aux sollicitations du Défenseur des droits.
À la fin de 2022, le Défenseur des droits faisait état d’environ 500 réclamations de la part d’usagers souhaitant solliciter le dispositif MaPrimeRénov’. L’accès à cette aide financière est totalement dématérialisé pour l’usager.
Il a été constaté que, faute d’équipements informatiques et d’une connexion internet pour l’ensemble des foyers français, ce seul moyen d’accès au dispositif constitue une rupture d’égalité devant le service public. Mais les difficultés ne s’arrêtent pas là. Les usagers ne sont pas les seuls à rencontrer des difficultés avec les modalités électroniques de traitement des dossiers.
En effet, comme le site internet service-public.fr encourage à le faire, les usagers peuvent saisir le Défenseur des droits dans le cadre de litiges avec l’administration. Ainsi celui-ci est-il sollicité par les usagers qui subissent certains aléas dans la gestion de leur demande d’aide au titre de MaPrimeRénov’.
Cependant, les représentants du Défenseur des droits dans les territoires rencontrent un problème majeur : ils sont également soumis à un accès dématérialisé pour conduire leur mission. Ici, la difficulté rencontrée n’est pas celle de l’absence de matériel ou de réseau, mais simplement l’absence de réponse à leurs demandes…
Face à ce constat affligeant, je souhaite vous interpeller, afin que l’Anah s’organise pour répondre aux sollicitations du Défenseur des droits, et ce dans des délais raisonnables.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, je vous remercie de votre question. Elle me permet de rappeler que, depuis la mise en œuvre du dispositif MaPrimeRénov’, plus de 2,3 millions de ménages ont perçu une aide pour rénover leurs logements, pour un montant total de près de 10 milliards d’euros.
Lancé dans le contexte particulier de la crise de la covid-19 et du plan France Relance, ce dispositif d’aide au financement des travaux de rénovation des logements est accompagné depuis le 1er janvier 2022 par le déploiement de France Rénov’, le service public de la rénovation de l’habitat, qui permet à nos concitoyens, notamment aux ménages, d’être informés, conseillés et orientés dans plus de 580 espaces-conseil présents sur l’ensemble du territoire.
J’en viens au sujet que vous avez soulevé très justement. Afin de renforcer cette proximité, l’Anah et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ont noué depuis le 1er janvier 2024 un partenariat avec plus de 2 700 maisons France Services implantées partout dans nos territoires.
Depuis 2020 et le lancement de l’aide, le Défenseur des droits a saisi l’Anah de 1 341 dossiers, soit 0,0005 % des dossiers déposés.
Sur l’ensemble de ces dossiers, 88 % ont donné lieu à une réponse. Tous les autres dossiers signalés font l’objet d’un traitement et d’une prise de contact directe avec les usagers, afin que soit trouvée une solution adaptée à chaque situation.
Les équipes de l’Anah échangent également de manière régulière avec celles du Défenseur des droits au niveau national. Ce dernier a fait savoir à l’Anah, en mars 2024, que ce dispositif connaissait ses premiers succès et donnait satisfaction aux équipes sur le terrain. Ces échanges continuent.
J’entends parfaitement votre question : il faut continuellement s’améliorer, répondre à toutes les situations et apporter des solutions à nos concitoyens. Je tiens à cet égard à remercier les services mobilisés, qui agissent au mieux, avec une grande efficacité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Manifestement, monsieur le secrétaire d’État, nous ne disposons pas des mêmes chiffres ! On m’a ainsi signalé un certain nombre de dossiers restant en instance.
Dans mon département, la Nièvre, on est plutôt adeptes du bon sens et du terrain. Beaucoup d’habitants n’ont pas d’ordinateur : remplir le dossier est déjà compliqué ; quand cela cafouille, on s’adresse au Défenseur des droits, et là, rebelote, ses représentants ne reçoivent pas de réponse…
L’État semble donc déconnecté et lointain, et nos concitoyens, dans de tels cas, risquent tout simplement de renoncer à faire valoir leurs droits.
congés frauduleux donnés par les propriétaires à l’occasion des jeux olympiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, auteur de la question n° 1159, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
M. Ian Brossat. Monsieur le secrétaire d’État, les jeux Olympiques (JO) auront lieu bientôt ; c’est la promesse d’un grand événement populaire, que les Français attendent.
Or à Paris, mais aussi dans d’autres communes, notamment en Seine-Saint-Denis, nous constatons la multiplication du nombre de congés frauduleux : des propriétaires voyous se débarrassent de leurs locataires à l’approche des jeux Olympiques, pour louer leur logement pendant cette période sur des plateformes de location touristique de type Airbnb.
Ces locataires, qui se retrouvent donc à la porte de leur appartement, ne trouvent pas, dans le contexte actuel de tension sur le marché immobilier, d’autre solution de logement dans leur ville.
Ce nombre de congés frauduleux est passé en deux ans, à Paris, de 19 % à 28 %, selon l’agence départementale d’information sur le logement (Adil) de Paris.
J’avais eu l’occasion d’interpeller le ministre du logement sur ce phénomène qui nous inquiète. Ma question est donc très simple : quels moyens l’État met-il en œuvre pour éviter ces congés frauduleux et permettre à ces locataires, qui sont dans leur droit, de continuer à vivre dans leur logement, sans en être chassés par des propriétaires désireux de faire un profit maximum pendant la période des JO ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Ian Brossat, je vous remercie de votre question, qui est essentielle pour ce qui concerne la capacité de nos concitoyens à se loger dignement durant la période des jeux Olympiques. Celle-ci, si enthousiasmante soit-elle, ne doit pas donner lieu à des dérives.
Vous le savez, l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 encadre drastiquement les possibilités pour un bailleur de donner congé à son locataire. Il ne peut le faire qu’à l’échéance du bail, et seulement dans trois cas de figure.
Premier cas : le bailleur souhaite reprendre le logement pour l’occuper à titre de résidence principale ou y loger un proche. Il doit alors justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise.
Deuxième cas : le bailleur souhaite vendre le logement inoccupé. Dans le cas d’un logement non meublé, le locataire est prioritaire pour acquérir le logement. Le bailleur doit lui donner congé en lui indiquant le prix et les conditions de la vente ; cela constitue une offre de vente.
Troisième cas de figure : le bailleur met fin au bail pour un motif légitime et sérieux – non-respect par le locataire de l’une de ses obligations, retard répété de paiement des loyers, défaut d’entretien du logement, trouble de voisinage.
En outre, la loi prévoit la possibilité pour le locataire de saisir le juge pour contester le congé. Ce dernier peut alors, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé. Il peut notamment le déclarer non valide si la non-reconduction du bail ne lui apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.
Le fait pour un bailleur de délivrer un congé justifié frauduleusement par sa décision de reprendre ou de vendre le logement est puni par une amende pénale. Le locataire est recevable dans sa constitution de partie civile et la demande de réparation de ce préjudice.
Il découle de tous ces éléments que la réglementation actuellement en vigueur sur le congé est très protectrice des locataires et présente de nombreux garde-fous pour limiter les abus.
Il y aura toujours des gens qui fraudent, mais, en face, il y aura toujours l’État, le Gouvernement et les élus que vous êtes pour répondre présent et protéger les locataires. Les moyens seront mis en œuvre et la loi – rien que la loi, mais toute la loi – s’appliquera.
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.
M. Ian Brossat. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez eu raison de rappeler la loi, mais force est de constater qu’elle ne s’applique pas ! Aujourd’hui, très peu de locataires vont devant le juge pour faire valoir leurs droits. J’y insiste, le dispositif ne fonctionne pas.
Je suis d’autant plus inquiet que le ministre du logement passe plus de temps à expliquer comment il veut expulser que comment il compte loger. Vous lisez ses interviews comme moi : tous les jours, il nous explique comment il va faciliter les expulsions locatives.
Je n’ai toujours pas compris les moyens qu’il allait mettre en œuvre pour faire en sorte qu’il soit possible de se loger dans notre pays, alors même que 330 000 personnes sont à la rue et que le nombre d’expulsions locatives a enregistré un record cette année !
Il est grand temps de s’occuper du logement dans ce pays ; ce n’est pas encore le cas. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
gratuité de l’autoroute a62 et avenir des concessions autoroutières
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 1204, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Hervé Gillé. Monsieur le secrétaire d’État, en Sud-Gironde, nombreux sont celles et ceux qui doivent se déplacer vers la métropole bordelaise pour y travailler. Ils prennent leur voiture et empruntent alors l’autoroute A62. En plus du coût de leur véhicule et de l’essence, pour un trajet de Langon à Bordeaux, ils paient 4,60 euros de péage aller-retour, soit 92 euros par mois, ce qui représente plus de 1 000 euros par an et par travailleur. Cette somme est énorme et injuste !
Elle est injuste, tout d’abord, à l’échelle du département, car l’accès à la métropole bordelaise est gratuit sur les autres axes reliant Bordeaux.
Elle est injuste, ensuite, au regard du chiffre d’affaires réalisé par les gestionnaires d’autoroutes privés : Vinci Autoroutes, qui détient la société Autoroutes du sud de la France (ASF), gestionnaire de l’A62, s’offrait 2,2 milliards d’euros de profit en 2022.
Les élus du Sud-Gironde, Laurence Harribey et moi-même, avons déjà fait part de ces injustices. Votre réponse a été que la gratuité d’une portion de l’A62 était « juridiquement impossible », mais que nous pouvions être rassurés, car vous aviez « demandé » aux concessionnaires des efforts sur les abonnements et le covoiturage. Finalement, c’est le statu quo que vous privilégiez.
À quelques années de la fin des contrats, il est urgent que l’État ait une politique volontariste, notamment en faveur des salariés interconnectés avec les métropoles.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est donc la suivante : êtes-vous favorable à l’évolution des cahiers des charges des sociétés concessionnaires pour permettre la gratuité de ces tronçons, ou a minima en diminuer significativement les coûts ?
Dans la perspective désormais urgente de la préparation du renouvellement de ces concessions, seriez-vous favorable à une réduction expérimentale des coûts pour les automobilistes qui n’ont pas d’autres choix, en particulier sur l’axe Bordeaux-La Réole avec l’A62 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Hervé Gillé, je vous remercie de votre question ; elle est importante pour nos concitoyens qui doivent emprunter ces autoroutes pour aller travailler. Dans le cadre des enjeux de pouvoir d’achat que nous connaissons, votre interrogation est parfaitement légitime.
Vous le savez, le modèle de la concession réside dans le financement de l’infrastructure par ses usagers. En particulier, le contrat de concession d’ASF, que vous avez mentionné, repose sur un péage payé par les usagers de l’autoroute A62.
Toute réduction ou suppression de ce péage conduirait, ce qui est logique, à la mise en œuvre de l’obligation contractuelle de compenser le concessionnaire des pertes de recettes induites en augmentant ailleurs les péages. Le ministre vous a déjà fait cette réponse, et je la réitère, car les conditions n’ont pas changé. Pour faire simple, cela reviendrait donc à déplacer le problème.
S’ajouterait à cela une fragilisation du péage, qui doit être proportionnel au service rendu. Or la mise à péage de cette section a été instaurée pour financer, justement, la construction de l’autoroute.
Ainsi, la gratuité de l’A62 jusqu’à La Réole conduirait à faire payer par les usagers empruntant d’autres trajets sur cette autoroute des travaux portant sur une section qu’ils n’utilisent pas. Il n’est donc pas possible d’envisager, comme vous le souhaitez, la gratuité de l’autoroute A62 entre Langon et Bordeaux dans le contexte actuel, comme cela vous a été indiqué par le ministre des transports.
Pour réduire l’impact du péage pour les usagers qui empruntent quotidiennement l’autoroute, par exemple lors des trajets domicile-travail, les sociétés ont mis en place depuis des années, sur la demande du Gouvernement, des formules d’abonnement. Ainsi, les usagers fréquents – ceux qui réalisent plus de dix allers-retours sur un trajet – peuvent bénéficier d’une réduction de 30 % du péage sur ce trajet.
Le Gouvernement partage, en revanche, votre avis sur la nécessité d’anticiper la gestion du réseau autoroutier actuellement concédé après la fin des concessions historiques entre 2031 et 2036.
Sur le volet financier, une telle réflexion doit permettre d’appréhender les enjeux d’aménagement du réseau routier en termes de meilleur service aux usagers, d’accompagnement du report modal et d’adaptation aux changements climatiques.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Nous travaillerons avec vous et les sénateurs Hervé Maurey et Marie-Claire Carrère-Gée pour approfondir la réflexion sur le renouvellement des concessions.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Les rentes autoroutières sont tout de même évaluées à 55 milliards d’euros ! Il serait regrettable que le Gouvernement ne trouve pas les moyens de lancer des expérimentations sur ce type de tronçon que les salariés sont obligés d’emprunter.
La compensation peut être apportée par les collectivités, mais aussi par l’État. Après tout, pourquoi pas ?
crues de l’armançon et du serein
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 1228, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le ministre, du 1er au 4 avril dernier, les habitant de l’Yonne ont été touchés par les crues de l’Armançon et du Serein. Il s’agit du deuxième épisode de crue en trois semaines, qui s’est caractérisé par une montée très rapide des eaux causant de nombreux dégâts. J’ai une pensée pour tous les sinistrés et les élus qui les ont épaulés.
J’ai pu mesurer la situation sur place à Lézinnes, à Argentenay, à L’Isle-sur-Serein et à Noyers. De nombreuses autres communes ont été touchées : Guillon, Tanlay, Tonnerre, Aisy, Cry, Chablis et tant d’autres. Élus et habitants, nous attendons des réponses sur un certain nombre de points : la gestion de l’eau en amont, l’information des élus, la prévention et la réparation des dommages.
En ce qui concerne la gestion de l’eau, de nombreuses questions ont été posées par les habitants et les élus à propos du barrage de Pont-et-Massène. Voies navigables de France (VNF) a pu, lors d’une réunion tenue en préfecture la semaine dernière, apporter un certain nombre de réponses. Il a notamment été précisé que le barrage était essentiellement consacré à la régulation du niveau du canal. Pour autant, l’idée de l’utiliser aussi pour l’écrêtement des crues a été évoquée. Cela nécessite des études et des travaux, mais c’est une piste, me semble-t-il, que nous devons creuser.
Sur la prévention des inondations, comment l’État compte-t-il participer au financement des actions de reméandrage, de création de zones d’expansion de crues ou de gestion des embâcles ? Les syndicats peuvent agir en la matière.
Pour ce qui est de l’information des élus, il est important de se jouer des frontières départementales : dès lors que la Côte-d’Or est mise en vigilance, l’Yonne doit l’être simultanément, car l’eau arrive très vite !
Mon dernier point concerne les nombreux dégâts de voirie qui sont à déplorer : comment l’État peut-il accompagner, là aussi, les collectivités ? Ces travaux donnent lieu à très peu d’aides. J’ai soumis l’idée que des fonds de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) puissent être mis de côté à cette fin.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur Jean-Baptiste Lemoyne, j’aurai d’abord une pensée, au nom du Gouvernement, pour tous les habitants de l’Yonne qui ont été durement frappés par ces crues exceptionnelles. Je tiens aussi à vous remercier puisque, dès le début de la crue, vous étiez sur place auprès des habitants, des acteurs économiques et des élus, afin de leur apporter votre soutien et de trouver des solutions le plus rapidement possible. C’est votre marque de fabrique que d’être aux côtés de nos concitoyens.
Comme vous le savez, le Gouvernement est attaché à la préparation de nos territoires aux crues, et l’État s’est largement engagé dans l’accompagnement des territoires lors de celles que vous avez évoquées. VNF assure l’exploitation des voies navigables : l’établissement gère ainsi le barrage-réservoir de Pont-et-Massène, dont le rôle est d’alimenter le canal de Bourgogne. Ce barrage n’a pas de fonction de prévention des inondations et n’est pas dimensionné pour atténuer significativement les effets des crues de l’Armançon.
Pour la sécurité de ce barrage, et donc des habitants en aval, la réglementation impose une surveillance du niveau d’eau pendant une crue. Lorsque le niveau d’eau devient élevé, le barrage doit évacuer exactement la même quantité d’eau que celle qu’il reçoit en amont. On dit que l’ouvrage devient « transparent » à la crue.
Depuis le 1er janvier 2018, vous le savez, la collectivité qui a la compétence de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) déploie les activités en matière de prévention des inondations sur son territoire. Si elle souhaite faire jouer un rôle plus actif au barrage dans la gestion des crues, et si la configuration technique du barrage le permet, elle doit passer une convention avec VNF.
Nous allons expertiser toutes les pistes que vous avez proposées et qui nous semblent très intéressantes. Nous demanderons également au préfet et aux services de l’État d’être au plus près des acteurs du territoire pour revenir très rapidement à une situation normale et prévenir ce type d’inondations, afin de protéger nos concitoyens et de faire en sorte que les dégâts soient les plus limités possible. Je vous remercie encore une fois de votre soutien et de votre engagement sur le sujet.
crise du logement social
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier, auteur de la question n° 1246, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
M. Jean-Gérard Paumier. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à attirer avec gravité votre attention sur la crise du logement social, tant pour les bailleurs que pour de nombreux locataires.
Pour Val Touraine Habitat, plus grand bailleur social de la région Centre, avec 24 000 logements, la situation s’est sérieusement dégradée depuis 2018, car la baisse des aides personnalisées au logement (APL) l’a contraint à baisser ses loyers via la réduction de loyer de solidarité (RLS), ce qui a entraîné une perte de 6 millions d’euros par an.
Depuis deux ans, avec un livret A à 3 %, les bailleurs subissent également les hausses des taux d’intérêt. Cela met à mal leurs finances. Ainsi, le résultat 2023 de Val Touraine Habitat est de 2 millions d’euros, contre 10 millions à 12 millions les années précédentes.
Afin de compenser les effets de la RLS depuis 2018, la construction de logements neufs a chuté de près de 100 unités par an, pour atteindre seulement 50 logements en 2023. Les réhabilitations ont décru de 20 %, passant de 900 à 750 logements, malgré les enjeux que traduit la loi Climat et Résilience. Les montants consacrés aux gros travaux d’entretien ont baissé de 2 millions d’euros.
Pour leur part, de nombreux locataires sont confrontés à l’explosion des coûts lors de la régularisation des charges. Pour les 2 400 locataires de Val Touraine Habitat alimentés en chauffage collectif au gaz naturel, la facture annuelle augmente de 500 euros, voire jusqu’à 1 000 euros. L’augmentation du prix du gaz explique cette hausse, puisque le prix du mégawattheure est passé de 20,85 euros en 2022 à 141 euros en 2023. Cette situation n’est tenable ni pour le bailleur ni pour le locataire. D’ailleurs, les impayés de loyer sont passés en quatre ans de 5 % à 9 % du chiffre d’affaires de l’office.
Dans ces conditions, la priorité n’est pas, monsieur le secrétaire d’État, de faire sortir du parc social les 3 % des locataires de Val Touraine Habitat, qui paient un surloyer de solidarité et qui contribuent ainsi au maintien d’une mixité sociale positive ; l’urgence est de mettre en place un tarif social de l’énergie, seule réponse adaptée à une situation qui frappe les plus modestes. Comptez-vous le faire ? Ceux qui entrent dans le parc HLM aujourd’hui sont plus pauvres qu’il y a dix ans !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Jean-Gérard Paumier, vous m’interrogez sur la mise en place, à la suite de la crise du prix des énergies, d’un tarif social de l’énergie pour les ménages modestes – c’est parfaitement légitime et nécessaire –, notamment ceux qui vivent dans le parc de logements à loyer modéré.
Face à une crise exceptionnelle, causée notamment par la guerre en Ukraine, le Gouvernement continue d’être pleinement mobilisé pour protéger les citoyens français. Je tiens à rappeler que nous avons pris des mesures inédites pour protéger les industriels ou les particuliers.
Ainsi, les ménages modestes résidant en habitat collectif ont pu profiter non seulement d’un bouclier tarifaire « individuel », qui a limité les hausses de prix du gaz et de l’électricité pour tous les contrats individuels, y compris ceux des ménages en habitat collectif, mais aussi d’un bouclier tarifaire « collectif », qui apporte aux ménages en habitat collectif, lorsque l’électricité ou le gaz ne sont pas payés directement par eux, mais par leur copropriété ou leur bailleur, une aide équivalente à celle résultant du bouclier tarifaire des particuliers.
Ces boucliers ont permis d’éviter un doublement de la facture énergétique des ménages.
Les tarifs sociaux de l’énergie ont été remplacés par le chèque énergie en 2018. Ce dispositif a trois effets.
Premièrement, il fait bénéficier les ménages en situation de précarité de la même aide, quelle que soit leur énergie de chauffage – électricité, gaz, fioul domestique, réseau de chaleur, bois…
Deuxièmement, il évite de privilégier les ménages ayant recours au gaz naturel, qui percevaient le tarif de première nécessité (TPN) et le tarif spécial de solidarité (TSS).
Troisièmement, il améliore le taux de recours, en renforçant le caractère automatique de l’aide.
Le dispositif du chèque énergie a d’ailleurs été mobilisé rapidement dans le cadre de la crise énergétique, avec l’envoi de chèques énergie exceptionnels en 2021 et en 2022 pour aider les ménages les plus modestes à payer leurs factures d’énergie.
Enfin, pour la campagne 2024, le Gouvernement travaille à ce que le chèque énergie puisse être utilisé pour payer les charges locatives incluant des frais d’énergie dans le parc HLM.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Nous sommes mobilisés et nous aurons bien évidemment à cœur de continuer à accompagner nos concitoyens les plus modestes.
Mme la présidente. Je vous demande de respecter les deux minutes de temps de parole qui vous sont imparties, monsieur le secrétaire d’État.
transfert obligatoire des compétences « eau et assainissement » au 1er janvier 2026
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 1231, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d’État, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, d’août 2015 a acté le transfert obligatoire des compétences « eau et assainissement » des communes aux communautés de communes.
Cette obligation ne figurait pas dans la version initiale du texte : elle a été introduite par amendement, sans concertation ou étude d’impact. Grâce au Sénat, ce transfert a été repoussé de 2020 au 1er janvier 2026. Depuis 2015, nous ne cessons de relancer ce sujet, avec toujours en toile de fond le souhait de plus de souplesse pour les collectivités locales.
En mars 2023 a été adoptée au Sénat une proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée de ces compétences. Ce texte n’a pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Quelques jours plus tard, lors de la présentation du plan Eau, le Président de la République admettait sur ce sujet que « parfois, l’intercommunalité est le bon choix, parfois non ». Le ministère allait donc « faire une carte des lieux où il y a des difficultés » et, lorsque l’échelon intercommunal n’était pas pertinent, trouver d’autres solutions de mutualisation.
Lors des questions d’actualité du 11 avril dernier, le ministre Christophe Béchu a confirmé cet assouplissement. Un dispositif différent devrait être voté par le Parlement avant la fin de l’année et, selon ses propres mots, un texte sera soumis au Sénat avant l’été. Un mois plus tard, pouvez-vous nous préciser le contenu de ce projet de loi et son calendrier ?
En Vendée, un collectif de maires s’est constitué sur l’initiative de Frédéric Rager, maire de Maché, et Philippe Briaud, maire de Bellevigny, dans la communauté de communes Vie et Boulogne : ils vous ont écrit et sont à disposition pour travailler sur le sujet, avec nous, et à vos côtés. Je vous remercie de nous apporter une réponse, monsieur le secrétaire d’État. (MM. Olivier Cigolotti et Jean-Michel Arnaud applaudissent.)
M. Jean-Michel Arnaud. Très bonne question !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Didier Mandelli, comme vous le rappelez, la proposition de loi relative à la gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement » a été adoptée au Sénat le 16 mars 2023.
Selon le Gouvernement, elle prévoit un retour en arrière en permettant que le transfert de la compétence « eau et assainissement » soit facultatif, donnant ainsi le droit aux communes ayant déjà transféré la compétence de la récupérer.
Comme nous le constatons chaque jour, la gestion de la ressource en eau est un enjeu majeur au regard du changement climatique et de la raréfaction de ladite ressource. Pour ces raisons, il est essentiel de gérer l’eau de façon mutualisée, raison pour laquelle le Gouvernement avait émis un avis défavorable sur ce texte.
Contrairement à ce que vous dites, la proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour, lors de la niche du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) du 8 juin 2023. Durant son examen, le Gouvernement a proposé deux aménagements afin d’assouplir les conditions actuelles de transfert : la possibilité pour les départements de devenir membre des syndicats, et donc acteurs dans la production d’eau ; la possibilité de créer de nouveau des syndicats intracommunautaires de gestion de l’eau.
L’examen du texte n’ayant pu aller à son terme, malgré un nombre très limité d’amendements, ces évolutions n’ont pas été adoptées. Néanmoins, la possibilité pour les départements de devenir membre des syndicats est inscrite dans le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture. L’eau est une question centrale pour la souveraineté agricole de notre pays.
Le Gouvernement demeure donc ouvert à la discussion, qu’il poursuit avec les parlementaires, avec vous notamment, et avec les maires de Vendée que vous avez cités, afin de permettre aux dernières collectivités qui n’ont pas encore transféré la compétence « eau et assainissement » de le faire dans de bonnes conditions.
Nous allons avancer avec les parlementaires, mais pour nous, comme pour bon nombre d’acteurs, il est évident qu’il n’est pas possible de faire machine arrière à l’heure du changement climatique, lequel nous oblige à gérer la ressource en eau de façon rationnelle et mutualisée.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne m’avez pas donné de date précise quant à l’examen du futur texte.
J’ai effectivement dit que la proposition de loi n’avait pas été « inscrite » à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, alors que je voulais dire qu’elle n’avait pas été votée.
Je prends acte de la volonté du Gouvernement d’avancer aux côtés des élus locaux et des parlementaires qui le souhaitent. Il y va, je le crois, de l’intérêt de tous.
plan de développement des compétences pour la filière cynégétique
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 1241, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le secrétaire d’État, une forte diminution des fonds liée au plan de développement des compétences (PDC) a été constatée par la branche cynégétique et par les fédérations de chasse ces dernières années.
Ainsi, en 2023, l’enveloppe a été réduite de 30 %, ce qui a contraint les acteurs de cette branche à revoir leurs projets et leur politique de formation. Cette dotation allouée par France Compétences devait aider les entreprises de moins de cinquante salariés à financer leur PDC.
Cette année encore, la dotation est en baisse. Il est à craindre que cela n’ait des répercussions sur les salariés, qui ne pourront plus être formés – préalable pourtant indispensable à la bonne mise en œuvre de leurs missions.
Selon les dispositions réglementaires du code du travail, le plan de développement des compétences des entreprises de moins de cinquante salariés est financé par les contributions légales des entreprises, déduction faite de la part revenant aux demandeurs d’emploi.
Toutefois, force est de constater un désengagement progressif de l’État au financement de la formation des salariés, au profit des demandeurs d’emploi.
Les nouveaux critères de répartition des financements attribués par France Compétences posent un problème majeur pour l’avenir et pour les salariés, qui ne pourront plus bénéficier d’un parcours de développement de compétences.
De plus, les structures de la branche cynégétique, essentielles au maintien et à la reconstitution de la biodiversité dans les territoires, subissent une diminution structurelle de leurs ressources financières.
Dans quelle mesure le système de répartition des dotations de France Compétences peut-il être revu afin de réattribuer la collecte des contributions légales versées par les entreprises de moins de cinquante salariés à la formation de ces derniers ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Olivier Cigolotti, les fédérations de chasse regroupent 1 500 collaborateurs, qui œuvrent quotidiennement dans les territoires pour encadrer et contrôler les activités liées à la chasse, surveiller et acquérir des connaissances sur la biodiversité, comme vous l’avez évoqué, et éduquer au développement durable. Je veux ici leur redire tout mon soutien, comme j’ai eu l’occasion de le faire lors de l’assemblée générale de la Fédération nationale des chasseurs.
Vous m’interrogez sur la dotation du plan de développement des compétences de la branche cynégétique.
Comme vous le savez, chaque branche adhérente à l’opérateur de compétences des entreprises de proximité (Opco EP) a été concernée par la modification du texte relatif à la prise en compte des salariés dans la répartition des enveloppes entre Opco, qui apprécie désormais les effectifs des branches à partir de la notion d’équivalent temps plein (ETP) définie au I de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. Dans ce cadre, la dotation globale pour le PDC de moins de cinquante salariés de l’Opco EP a dû subir une baisse de 30 %.
Je tiens à souligner que le Gouvernement a accompagné l’Opco pour faire face à cette situation de mise en conformité des textes en neutralisant un reversement, qui aurait dû être effectué en 2023 au titre des disponibilités excédentaires. Par ailleurs, des réunions techniques entre les équipes de l’Opco EP et de France Compétences – le répartiteur des dotations entre Opco pour le PDC – ont permis d’expliquer et de faire accepter cette méthode de calcul.
Outre le plan de développement des compétences, il convient de rappeler que la branche professionnelle des personnels des structures cynégétiques bénéficie aussi de l’aide financière de l’Opco EP pour la prise en charge des formations en alternance dans des proportions plus importantes que pour le plan de développement des compétences. En effet, en 2023, l’Opco EP a réalisé 638 000 euros de dépenses pour les formations en alternance, contre 180 000 euros pour les formations au titre du plan.
Je vous prie de m’excuser de vous avoir apporté une réponse quelque peu technique, que je résumerai en deux points : nos techniciens sont des éléments importants et la formation est cruciale pour la mise en œuvre du plan.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Je suis à votre disposition pour continuer à travailler ensemble sur le sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour la réplique.
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour cette réponse. Il me semble urgent de prendre en compte cette question essentielle : encore une fois, ce sont les territoires ruraux qui, sur cette question comme sur bien d’autres, sont pénalisés.
avenir du projet de réseau express métropolitain des hauts-de-france
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 1276, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le secrétaire d’État, lorsque le Président de la République est venu à Liévin, dans le Pas-de-Calais, en février 2022, a souligné qu’il était nécessaire de connecter la métropole lilloise et le bassin minier. Il a alors pris cet engagement : « Nous avons su nous engager pour le Grand Paris et le Grand Marseille dans des proportions massives, nous nous engagerons pour le Grand Lille, dans les mêmes proportions dès que les élus du territoire auront finalisé leur projet. »
Le 13 décembre 2022, j’ai interpellé le Gouvernement sur la réalisation du réseau express Hauts-de-France et, une fois encore, j’ai reçu, ici même, toutes les assurances de l’engagement de l’État.
Désormais assurés par cette promesse du chef de l’État, les élus concernés ont donc repris ce projet, imaginé voilà longtemps. Mais ça, c’était avant ! Parce qu’au détour d’une question posée par les lecteurs de La Voix du Nord, le ministre Patrice Vergriete a tout simplement balayé le projet d’un revers de main, faisant fi de tout le travail et de la confiance des élus du territoire dans la parole présidentielle.
Il ne m’appartient pas de juger du mépris, de la désinvolture et du ton que le ministre a employé pour évoquer cette question essentielle pour le développement de notre territoire, mais les présidents des trois agglomérations concernées – Sylvain Robert, pour la communauté d’agglomération de Lens-Liévin (Call), Christophe Pilch, pour la communauté d’agglomération Hénin-Carvin (Cahc), et Frédéric Leturque, pour la Communauté urbaine d’Arras (CUA) – et du syndicat des transports ont, eux, écrit au Président de la République pour lui demander de clarifier la position de l’État sur le réseau express régional (RER) métropolitain lillois.
Au-delà des démarches déjà engagées, la réalisation ou non du projet conduira à l’essor ou à la thrombose d’un territoire dont les réseaux routiers et ferrés sont saturés, le passage ou non à une économie décarbonée au pays du charbon, la volonté ou non de l’État et de ses serviteurs de respecter les élus locaux et leur engagement pour les territoires.
Monsieur le secrétaire d’État, l’expression du ministre des transports est-elle personnelle ou rompt-elle la promesse présidentielle ? L’État financera-t-il le projet, et à quelle hauteur ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Madame la sénatrice Cathy Apourceau-Poly, je serai très clair : non, mon collègue Patrice Vergriete n’a pas du tout remis en cause l’engagement pris par le Président de la République. L’ambition qui est la nôtre, et que vous partagez, d’avoir un RER dans cette magnifique région est maintenue. Nous allons continuer de travailler avec vous pour mettre en œuvre ce projet.
Ce qu’a dit Patrice Vergriete dans son échange avec les lecteurs de La Voix du Nord, c’est qu’il faut s’interroger sur le coût du projet – ce qui est bien normal pour un responsable politique –, mais également sur son périmètre.
Les projets de mobilités sont d’abord des projets d’aménagement qui doivent être pensés en fonction des besoins des territoires et de leurs habitants, et de leur évolution future.
De ce point de vue, la métropole de Lille et le bassin minier sont-ils la bonne maille ou faut-il raisonner plus largement à l’échelle de la région métropolitaine, qui inclut d’autres intercommunalités ? C’est une question que se posent d’ailleurs d’autres élus locaux, à l’instar de Patrice Vergriete.
L’évolution du nom du projet, de « RER lillois » au « réseau express métropolitain des Hauts-de-France », dit d’ailleurs quelque chose de cette ambition, dont le périmètre évolue.
Patrice Vergriete a présenté, le 23 avril dernier, le calendrier et la méthode de labellisation des services express régionaux métropolitains (Serm), en mettant l’accent sur leur périmètre et leur gouvernance. C’est dans ce cadre que les élus locaux auront à préciser les contours du projet des Hauts-de-France. Je n’ai aucun doute sur le fait que vous y serez associée.
Pour sa part, le Gouvernement réaffirme clairement sa volonté d’accompagner les collectivités dans leurs projets et soutient dès à présent les études et les premiers travaux, à hauteur de plus de 800 millions d’euros dans les volets « mobilités » des contrats de plan État-région 2023-2027.
Un effort de quelque 300 millions d’euros sera consacré aux Serm des Hauts-de-France d’ici à 2027. L’engagement est tenu et les financements de l’État seront au rendez-vous.
interdiction d’atterrissage et de dépose des aéronefs à des fins de loisirs en zone de montagne
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 1269, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le secrétaire d’État, en l’état actuel du droit, et notamment du code de l’environnement, il est prévu que, dans les zones de montagne, l’atterrissage et la dépose des aéronefs à des fins de loisirs sont interdits, sauf sur un aérodrome désigné ou sur les emplacements autorisés par la police administrative.
Il fallait évidemment bannir ce genre d’activité, particulièrement dommageable à l’environnement et contraire à la conception que nos concitoyens se font de la protection de celui-ci. La loi Climat et Résilience a donc logiquement renforcé ces interdictions en prohibant les vols de transport de passagers à des fins de loisirs.
Cependant, dans le droit en vigueur, les termes « zones de montagne » et « à des fins de loisirs » restent imprécis, laissant une marge d’interprétation à l’administration, en particulier à la direction générale de l’aviation civile (DGAC) et à l’autorité préfectorale.
Cette situation crée des difficultés pour les professionnels, qui se trouvent confrontés à des interprétations variées, faisant courir le risque d’un traitement inéquitable.
Le 8 avril 2022, j’avais saisi le ministère de la transition écologique de cette question. Celui-ci m’avait notamment précisé que les « activités à des fins de loisirs », qui incluent la dépose de skieurs, de randonneurs ou de touristes en dehors des aérodromes, ainsi que la dépose à titre personnel, c’est-à-dire sans but professionnel, ne peuvent être réalisées en dehors des plateformes autorisées par l’autorité administrative.
À ce jour, ces interprétations posent des difficultés pour l’activité quotidienne de nos entreprises.
Monsieur le secrétaire d’État, de quelle manière le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures réglementaires permettant d’établir un cadre pour interdire l’atterrissage et la dépose des aéronefs à des fins de loisirs, tout en maintenant le droit à l’activité d’entreprises particulièrement importantes dans mon département ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, la définition de la notion de « zone de montagne » remonte à la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne.
Chaque zone de montagne est délimitée par arrêté interministériel et rattachée par décret à l’un des massifs déterminés par la loi. La liste des communes classées totalement ou partiellement en zone de montagne est ainsi fixée par plusieurs arrêtés interministériels pris entre 1974 et 1985.
Cette notion, qui existe depuis 1983, n’a pas posé de problème d’application. Certes, vous ne sous-entendez pas le contraire, mais cette précision me permet d’en venir à l’utilisation d’aéronefs à des fins de loisirs.
L’édiction d’une définition différente des « zones de montagne » pour les aéronefs à moteur emporterait des conséquences sur l’ensemble des législations auxquelles la loi Montagne renvoie. Dans le souci d’assurer la clarté de la règle de droit, cela n’apparaît pas opportun.
Ainsi que vous l’avez souligné, la protection de l’environnement et de la biodiversité est un enjeu crucial, raison pour laquelle nous devons apporter des précisions sur les autorisations d’atterrissage et de décollage.
En outre, si la notion de loisir n’est pas définie dans un texte de droit français, la jurisprudence en a précisé les contours. Il ne semble pas que les activités relatives à la formation et au maintien de compétences, notamment pour le vol en montagne, soient ainsi visées.
L’interdiction de décoller et d’atterrir s’applique néanmoins si la finalité de l’embarquement ou du débarquement des passagers a un caractère récréatif ou sportif. Tel est le cas, par exemple, des activités sportives en montagne ou du transport à destination ou en provenance d’un restaurant d’altitude ou d’une résidence de villégiature en montagne.
En ce qui concerne les activités économiques, cœur de votre question, il faudrait que vous définissiez ce que vous entendez par ce terme. En effet, on pourrait considérer que des activités de loisirs sont des activités économiques, auquel cas l’interdiction s’y appliquerait, sauf si ces activités relèvent de la formation ou du maintien des compétences.
Tant sur la définition des zones de montagne que sur celle des activités de loisir, les textes sont plutôt clairs. Je reste à votre disposition si vous souhaitez des précisions supplémentaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Il se trouve que mon département est entièrement classé en zone de montagne, alors qu’il s’étage entre 500 mètres d’altitude, en plaine, où se trouvent les aérodromes, et 4 200 mètres d’altitude.
Il semble clair que les activités spécifiques de la société Hélicoptères de France, partenaire du Tour de France, ne sont pas sujettes aux interdictions de dépose. (M. le secrétaire d’État le confirme.)
Monsieur le secrétaire d’État, je vois que vous approuvez mes propos. Il vous suffirait de l’indiquer aux administrations concernées, tant à la DGAC qu’aux autorités administratives, afin que la couverture médiatique du Tour de France ainsi que les occupations professionnelles et économiques qui en découlent ne rencontrent aucune difficulté l’été prochain.
pollution de l’île-de-france
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, auteure de la question n° 1260, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Anne Souyris. Monsieur le secrétaire d’État, les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), ou polluants éternels, sont des substances chimiques qui contaminent notre environnement, nos vies, et qui nous intoxiquent.
Le 30 mai prochain, nous pourrons les interdire lors de l’examen, au Sénat, d’une proposition de loi écologiste déjà adoptée par l’Assemblée nationale. D’ici là, je souhaite interroger le Gouvernement au sujet de la pollution de l’Île-de-France à ces substances.
Le 20 novembre 2023, l’agence régionale de santé (ARS) publiait les conclusions d’une étude menée dans vingt-cinq poulaillers domestiques, à la suite des alertes lancées par le collectif 3R. Elle confirmait une contamination ubiquitaire en polluants organiques persistants (POP) et en PFAS et recommandait d’éviter la consommation d’œufs de poule issus d’élevages domestiques parisiens.
Cette étude nous interroge de facto quant à l’exposition de la population francilienne aux POP et aux PFAS, notamment à proximité des incinérateurs.
Par ailleurs, dans le même temps, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) menait une étude sur la présence de dioxines dans le lait maternel en Île-de-France. Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous connaissance des résultats de cette étude ?
Se pose ensuite la question de l’origine de cette pollution. L’incinération de déchets ménagers a-t-elle participé à sa diffusion ? Si tel était le cas, l’alerte sanitaire devrait être étendue à tous les territoires situés à proximité d’usines similaires, c’est-à-dire à une grande part du territoire national. Quels moyens le Gouvernement met-il en œuvre pour expertiser la situation en Île-de-France, qui revêt un intérêt national ?
Enfin, la presse s’est fait l’écho de défauts du contrôle des rejets de dioxines par l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII, en indiquant que des centaines d’heures d’opérations de l’usine n’auraient pas été contrôlées. Ce dysfonctionnement jette la suspicion sur l’ensemble des opérations de contrôle des installations classées pour l’environnement.
Monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous saisir les inspections compétentes ? Surtout, à quand des contrôles indépendants ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Madame la sénatrice Anne Souyris, un rapport de l’agence régionale de santé d’Île-de-France a effectivement établi la contamination des sols et des œufs de poulaillers domestiques situés dans l’agglomération parisienne par divers polluants organiques.
L’ARS n’a cependant pas mesuré de concentrations plus importantes à proximité d’incinérateurs. Elle indique que cette contamination est probablement due à de multiples sources, comme la circulation routière ou les brûlages de déchets à l’air libre.
Ainsi que vous le savez, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, accorde une importance particulière à ce que les incinérateurs remplissent leurs fonctions de traitement de déchets sans induire de risque sanitaire ou environnemental – nous partageons cette exigence.
S’il est vrai que ces incinérateurs peuvent émettre des polluants, leurs rejets sont strictement encadrés par une réglementation continuellement renforcée, qui impose des valeurs limites d’émission de polluants de plus en plus basses.
Soucieux de la bonne mise en œuvre de cette réglementation, le ministère a diligenté en 2024 une action de contrôle spéciale de l’inspection des installations classées sur certains incinérateurs.
Plus généralement, les grands incinérateurs, tels que celui d’Ivry-sur-Seine, font l’objet d’un contrôle assidu, avec une inspection au moins une fois par an en bonne et due forme.
Les contrôles réalisés sur l’incinérateur d’Ivry montrent que les exigences réglementaires de surveillance des dioxines ont été respectées. Les durées d’indisponibilité de la surveillance mentionnées par les associations sont surestimées, car elles comprennent des périodes pendant lesquelles l’incinérateur était à l’arrêt, en maintenance ou en phase de démarrage sans qu’aucun déchet soit présent dans son four.
Sur le sujet plus particulier des PFAS, je souhaite rappeler que le Gouvernement est fortement mobilisé pour répondre aux enjeux environnementaux et sanitaires liés à ces substances. Il a publié le 5 avril 2024 un plan d’action interministériel sur les PFAS, qui inclut notamment l’obligation de mesurer ces substances dans les émissions des incinérateurs et qui organise la mobilisation des administrations publiques concernées en s’appuyant sur l’expertise de nombreux opérateurs et agences de l’État.
situation des ligneurs de la pointe de bretagne
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, auteur de la question n° 1181, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.
M. Jacques Fernique. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite pointer la situation insoutenable dans laquelle se trouvent les ligneurs de la pointe de Bretagne, que ma collègue eurodéputée Caroline Roose a rencontrés.
Ces pêcheurs artisans nous alertent depuis des années sur l’état des populations de lieu jaune. Ils ont proposé des mesures de sauvegarde, comme la définition d’une période de repos biologique pour permettre leur reproduction ou l’augmentation de la taille des captures, mais celles-ci ont été systématiquement rejetées.
En décembre dernier, des quotas de pêche draconiens ont été adoptés par l’Union européenne. Il est positif tant pour les pêcheurs que pour la préservation de cette espèce de réduire la quantité totale de lieu jaune pêché ; mais ce qui l’est moins, c’est la répartition des quotas par bateau.
De nombreux ligneurs se retrouvent sans autorisation de pêcher ce poisson, alors que d’autres navires pourront en pêcher plusieurs dizaines de tonnes. En effet, pour l’essentiel, les demandes de quotas adressées par les pêcheurs à la ligne auprès des organisations de producteurs ont été refusées.
Pour la plupart, ces jeunes pêcheurs ont adopté des pratiques respectueuses de l’environnement. Ils ont emprunté pour financer leur activité et sont confrontés à des risques sérieux de faillite.
Cette situation est injuste : les droits de pêche historiques, issus d’une politique de surpêche, constituent le principal critère retenu pour l’attribution des quotas, tandis que les critères environnementaux et sociaux sont à peine utilisés, au mépris de l’article 17 du règlement européen relatif à la politique commune de la pêche.
Il en résulte une marginalisation systématique des pêcheurs artisans défendant de meilleures pratiques de pêche. Ce système récompense ceux qui ont la plus grande part de responsabilité dans l’effondrement des populations de poissons.
Donner quelques miettes aux pêcheurs artisans et concéder l’écrasante majorité des droits de pêche aux industriels, c’est acter la mort de la petite pêche.
Monsieur le secrétaire d’État, que faites-vous pour protéger les ligneurs de lieu jaune ou les pêcheurs artisans de thon rouge ? Où en est l’application de l’article 17 de la politique commune ?
Il y va de l’avenir des pêcheurs aux méthodes les plus responsables : ne les laissez pas couler !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Jacques Fernique, chaque année, au mois de décembre, le Conseil des ministres européen définit sur la base d’avis scientifiques les possibilités de pêche de l’Union européenne par espèce, avant que celles-ci ne soient réparties entre les différents pays.
Cette année, au regard de la baisse de la ressource de lieu jaune, ces possibilités de pêche ont été réduites de 87 % dans la Manche, la mer Celtique et la mer d’Irlande.
Cette chute a des effets particulièrement importants pour les pêcheurs artisans, que je connais bien. Je pense notamment aux canneurs-ligneurs de Bretagne, pour lesquels les quotas pour 2024 sont tombés à six tonnes, alors qu’en moyenne ces dernières années ils avoisinaient les trente-cinq tonnes.
Face à cette situation, le Gouvernement a demandé aux organisations de producteurs d’effectuer un transfert de quotas au profit des navires non adhérents pour permettre à ces derniers de poursuivre leurs activités.
Ce transfert entre professionnels a permis la réouverture de la pêche au lieu jaune pour les navires n’appartenant pas à des organisations de producteurs dès le 8 mai prochain. Ceux-ci sont donc assurés de pouvoir pêcher pendant la période de pêche de juin et juillet : voilà une réponse concrète pour les pêcheurs artisans.
Pour autant, le sujet est bien celui de la règle de répartition des quotas. Mon ministère a engagé depuis deux ans un travail de fond sur les critères d’attribution de la réserve nationale d’antériorités, constituée par les droits récupérés lors de changements d’armateurs ou de destructions de navires. Cette réserve a été alimentée à la suite de la mise en place du plan individuel d’accompagnement lié au Brexit, particulièrement pour le lieu jaune pêché dans la zone 7.
En lien avec les professionnels, ces travaux visent à intégrer des critères environnementaux et sociaux, voire à prendre en compte la crise économique, pour couvrir les besoins des navires les plus dépendants, notamment ceux qui adoptent des méthodes artisanales de pêche.
Ces travaux se poursuivent et je vous assure que nous les conduirons à leur terme. Nous avons répondu à l’urgence en répartissant différemment les quotas, pour permettre aux pêcheurs artisans de poursuivre leur activité. Et surtout, nous continuerons le travail de fond, auquel vous êtes invité à participer.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends vos paroles et votre volonté de mener ces travaux à leur terme. Mais dans les actes, vous faites appel de la décision administrative du tribunal de Montpellier qui annulait l’arrêté relatif à la répartition du quota français de pêche de thon rouge. Ce tribunal avait jugé que ce système n’est ni transparent, ni objectif, ni conforme à la législation. Les pêcheurs artisans ne tiendront plus longtemps si vous ne les soutenez pas mieux !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Cela n’a rien à voir avec le lieu jaune !
modalités d’affectation de la dotation de solidarité rurale
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 1195, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le secrétaire d’État, le code général des collectivités territoriales dispose que la dotation de solidarité rurale (DSR) est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux d’arrondissement de moins de 20 000 habitants.
La première fraction de la DSR est attribuée aux communes dont la population représente au moins 15 % de la population du canton, aux communes sièges des bureaux centralisateurs ainsi qu’aux communes chefs-lieux de canton au 1er janvier 2014.
Cependant, l’article L. 2334-21 du même code précise que, lorsqu’une commune chef-lieu de canton au 1er janvier 2014 a aujourd’hui dépassé le seuil de 10 000 habitants, les communes situées dans son unité urbaine ne peuvent plus être éligibles à la DSR, et perçoivent au titre d’une garantie de sortie non renouvelable une attribution égale à la moitié de la somme perçue l’année précédente.
C’est dans cette situation que se trouve la commune de Groisy, en Haute-Savoie. Comptant 3 500 habitants au dernier recensement, elle est rattachée pour l’attribution de la DSR à la commune nouvelle de Fillière, issue d’une fusion de communes ayant eu lieu en 2017, du fait de laquelle le chef-lieu de canton en 2014, Thorens-Glières, a dépassé le seuil de 10 000 habitants.
En 2024, Groisy perdra ainsi 130 000 euros, soit près de 5 % de son budget de fonctionnement.
Cette situation pénalise lourdement les communes rurales situées dans l’unité urbaine d’un chef-lieu de canton ayant dépassé le seuil de 10 000 habitants. Ces communes, qui font face à des charges spécifiques liées à leur situation géographique et à leur faible densité de population, se voient privées d’une ressource financière essentielle à leur fonctionnement.
Aussi, je souhaite savoir si le Gouvernement entend modifier les modalités de calcul de cette dotation, notamment dans les cas où l’augmentation de population en cause résulte d’une fusion de commune ou, à défaut, s’il envisage de compenser le manque à gagner pour les communes concernées.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Madame la sénatrice Sylviane Noël, la première fraction de la dotation de solidarité rurale, dite bourg-centre, est destinée, par des attributions importantes, à soutenir de manière ciblée les communes supportant des charges de centralité en milieu rural.
Les critères d’exclusion appliqués à cette dotation visent à prioriser les communes exerçant ce type de fonction de centralité. Tel est bien le cas des communes de plus de 10 000 habitants chefs-lieux de canton, qui assument davantage que les autres communes dudit canton les fonctions liées au maintien de services publics en milieu rural au-delà de leur seul territoire. Venant d’un territoire rural – les Côtes-d’Armor –, je sais parfaitement de quoi il retourne.
C’est pour cette raison que, lorsqu’un chef-lieu de canton compte plus de 10 000 habitants, les autres communes du canton ne peuvent être éligibles à la fraction bourg-centre de la dotation de solidarité rurale.
La création de communes nouvelles a pour objectif de créer des pôles d’attractivité dynamiques à l’échelon local, notamment en mutualisant et en centralisant les services de proximité. De ce fait, il est cohérent que le dépassement du seuil de population par la commune nouvelle chef-lieu résultant d’une fusion entraîne l’inéligibilité des autres communes du canton.
Par ailleurs, madame la sénatrice, je vous rappelle qu’un nouveau mécanisme en faveur des communes nouvelles a été mis en place à compter de 2023. Il permet à toutes les communes nouvelles de plus de 10 000 habitants, qui seraient considérées comme rurales au sens de la grille de densité de l’Insee, d’être potentiellement éligibles aux trois fractions de la DSR.
Pour autant, on ne peut pas totalement se satisfaire de cette situation, qui conduit dans certains cas à l’exclusion de certaines communes auxquelles incombent toujours des charges de centralité.
Pour cette raison, je souhaite que ce sujet soit traité dans le cadre des travaux de refonte de la dotation globale de fonctionnement lancés en début d’année, conformément aux annonces du Président de la République, auxquels je sais que vous participerez. Ceux-ci permettront de soutenir notre centralité et nos territoires ruraux, ainsi que les élus locaux, qui s’impliquent au quotidien pour la vitalité de la ruralité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le secrétaire d’État, je suis heureuse que vos travaux n’éludent pas totalement cette question. Le fait qu’un chef-lieu de canton dépasse le seuil de 10 000 habitants ne change rien au budget des communes concernées.
procurations tardives
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 1266, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la secrétaire d’État, alors que nous sommes appelés à nous rendre aux urnes dans quelques semaines pour les élections européennes, ma question a pour sujet les demandes de procuration de vote.
Depuis un certain nombre d’années, tout est fait pour faciliter et assouplir l’obtention de celles-ci – et c’est tant mieux.
Pour la première fois, lors des prochaines élections européennes, la procédure de demande de procuration pourrait être entièrement dématérialisée. Là encore, c’est tant mieux, mais un certain nombre de mairies sont confrontées à des difficultés pour actualiser leurs listes d’émargement.
Je m’explique : la mairie a la main sur le répertoire électoral unique (REU) et reçoit les informations lui permettant de mettre celui-ci à jour. Toutefois, comme il n’y a pas de date limite pour déposer une demande de procuration, certaines mairies doivent réaliser cette opération le matin même des élections. Malheureusement, toutes les communes ne disposent pas des ressources humaines nécessaires pour actualiser ainsi leurs listes d’émargement au dernier moment.
Cela a conduit à des difficultés lors des dernières élections, notamment dans des communes rurales, où un certain nombre d’électeurs munis de procurations n’ont pas pu voter pour les personnes qui les leur avaient confiées.
Le Gouvernement a-t-il prévu des mesures en la matière, par exemple en prévoyant une date limite pour le dépôt des demandes de procuration de vote ?
J’étais maire lors des dernières élections européennes, en 2019. Il y avait à l’époque trente-quatre listes candidates, contre déjà vingt-deux listes aujourd’hui, alors que la date limite de dépôt n’est pas encore atteinte. Les mairies sont dans l’obligation de gérer l’affichage public des candidats. En 2019, cela avait posé des problèmes très importants, qui se poseront de nouveau cette année, car le matériel nécessaire n’est pas toujours disponible dans les communes.
Il faut donc faire passer un message d’une grande souplesse pour les mairies qui rencontreront des difficultés à s’organiser en la matière.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Verzelen, la mise en service de la téléprocédure Maprocuration en avril 2021 a permis de simplifier la procédure d’établissement des procurations de vote et d’engager sa dématérialisation.
Grâce à l’interconnexion de la téléprocédure au répertoire électoral unique depuis le 1er janvier 2022, les procurations établies en ligne sont désormais automatiquement contrôlées et transmises aux communes.
La gestion centralisée et informatisée des procurations dans le REU allège ainsi considérablement la charge des communes en la matière, puisque l’intervention de la mairie pour vérifier l’inscription des électeurs sur la liste électorale concernée n’est plus nécessaire, les procurations étant automatiquement inscrites sur la liste d’émargement éditée à partir du REU.
Dès lors qu’aucune disposition du code électoral n’impose aux électeurs de date limite pour établir une procuration à l’occasion d’un scrutin donné, il est en théorie possible d’établir une procuration jusqu’au jour des élections. En effet, cela peut impliquer de mobiliser les communes afin de vérifier la validité des procurations établies tardivement et n’apparaissant pas sur les listes d’émargement.
Comme vous le soulignez, la téléprocédure Maprocuration constitue une évolution majeure en faveur de l’accès au vote, plébiscitée par les électeurs. Le droit de vote constitue un droit essentiel de nos concitoyens, qui souhaitent disposer de davantage de souplesse dans l’établissement d’une procuration.
Dans ce contexte, alors que malheureusement l’abstention augmente de manière continue, instaurer d’une date limite pour les demandes de procuration serait perçu comme un recul difficilement compréhensible, notamment au regard des efforts déployés en faveur de la participation électorale.
Dès lors, le Gouvernement n’envisage pas d’imposer une date limite pour l’établissement des procurations. Cependant, des modalités pratiques d’accompagnement des communes dans la prise en compte des procurations tardives seront mises en place pour les élections européennes du 9 juin prochain, au travers d’une permanence assurée par un agent de préfecture le jour du scrutin.
En ce qui concerne votre interrogation au sujet de la présentation des listes des candidats aux élections européennes, les services préfectoraux feront bien évidemment preuve de souplesse vis-à-vis des communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour la réplique.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la secrétaire d’État, vous comprenez bien la réalité de la situation : dans une commune de 200 habitants, la liste d’émargement est imprimée la veille des élections et ne peut pas l’être le dimanche matin.
Toutefois, j’entends vos propos, et je me réjouis que la préfecture fasse preuve de souplesse pour autoriser les personnes disposant de procuration à voter.
avenir de l’otan
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 1167, adressée à M. le ministre des armées.
M. Stéphane Demilly. Madame la secrétaire d’État, le 4 avril dernier, les trente-deux ministres des affaires étrangères des pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) ont célébré le soixante-quinzième anniversaire de la signature de ce traité.
Cet anniversaire est teinté d’interrogations sur l’avenir de l’Otan, notamment à la suite des déclarations que Donald Trump a tenues le 10 février dernier lors d’un meeting électoral, l’ancien président des États-Unis ayant clairement fait comprendre qu’il pourrait ne pas protéger un allié en cas d’attaque russe.
Ces paroles ne constituent pas une surprise de la part d’un homme déjà convaincu dans les années 2000 que les conflits en Europe de l’Est « ne valent pas des vies américaines » – je cite une phrase tirée de son livre The America We Deserve.
La probabilité d’un recul du soutien américain dans les années à venir « sape la sécurité de tous », de l’avis même du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg.
Les leaders européens tentent quant à eux de durcir le ton face à Moscou, en insistant sur la nécessité non seulement d’aider davantage l’Ukraine, mais aussi d’augmenter leurs propres capacités de défense, car un recul du soutien américain serait dramatique.
En 2023, le budget de la défense américaine représentait 67 % de l’ensemble des dépenses militaires de l’Otan. Ce pourcentage montre à quel point nous dépendons des États-Unis.
Parallèlement à nos propres doutes, l’Ukraine continue à subir les assauts militaires russes. Pour le seul mois de mars, elle a été frappée par plus de quatre-vingt-quinze missiles balistiques, et les appels au secours des dirigeants ukrainiens sur la pénurie de munitions se font de plus en plus pressants.
De plus, l’Union européenne montre des difficultés à s’accorder sur sa politique de défense, ne serait-ce qu’en mer Rouge, où les attaques contre des navires marchands européens se multiplient depuis décembre.
Madame la secrétaire d’État, ma question résonne avec le calendrier électoral : quelle défense européenne voulons-nous ? Quel mode de gouvernance efficace voulons-nous dans ce monde instable, où la résurgence de nombreuses menaces inquiète les populations de notre continent européen ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Stéphane Demilly, la défense du continent européen se construit tant par l’Otan que par l’Union européenne, ces deux entités étant complémentaires.
La responsabilité de la défense du continent européen est donc collective. La quote-part américaine au financement du budget de l’Otan est d’environ 16 %, alors que la part combinée du financement des États européens de l’Alliance est d’environ 72 %.
Ces chiffres démontrent bien que, du côté européen, l’engagement est déjà en cours et qu’il contribue efficacement à la défense collective sur notre continent. Nous sommes engagés à disposer de forces entraînées, équipées, interopérables et immédiatement déployables, en faisant en sorte que 2 % de notre PIB soit réellement utiles militairement.
De plus, en matière de préparation à la mission de défense collective, l’Otan offre un processus de planification capacitaire qui engage les trente-deux États membres sur le long terme. Les accords dits Berlin plus prévoient des capacités de commandement et de contrôle utilisables dans le cadre d’un mandat de l’Union européenne ainsi qu’une standardisation et un processus de certification des forces à l’échelle du niveau d’ambition d’un conflit majeur sur le continent européen.
Par ailleurs, l’Union européenne travaille efficacement dans des domaines connexes. Par exemple, dans le cas de l’Ukraine, nous assurons des formations militaires ou la construction de coalitions capacitaires et industrielles, dans l’esprit de l’initiative lancée par le Président de la République.
En outre, les fonds européens de défense mobilisés par les règlements Asap (Act in Support of Ammunition Production) et Edirpa (European Defence Industry Reinforcement Through Common Procurement Act) sont autant d’outils communautaires mis en place depuis 2017 pour développer et renforcer l’industrie de défense européenne.
Enfin, la France mène une politique de réarmement qui contribue indéniablement à la défense de l’Union européenne. Sous l’impulsion du Président de la République, au terme de deux lois de programmation militaire, la France aura doublé son budget de défense entre 2017 et 2030. Pour la période 2024-2030, cela représente des augmentations cumulatives d’au moins 3,2 milliards d’euros par an. La France consacre 29 % de ses dépenses de défense à l’investissement, à la fois dans ses moyens conventionnels et dans la modernisation de sa dissuasion nucléaire. Nous devons continuer à avancer en Européens.
multiplication et mutualisation des antennes de télécommunication
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Valente Le Hir, auteure de la question n° 1268, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
Mme Sylvie Valente Le Hir. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la multiplication des sites de télécommunication, et particulièrement sur l’absence de mutualisation des antennes de téléphonie mobile entre les opérateurs français.
Alors que la mutualisation des pylônes permettrait le partage des infrastructures existantes entre les opérateurs de télécommunication, force est de constater que les élus locaux restent démunis, voire impuissants, face à leur multiplication et qu’ils ne peuvent obtenir gain de cause malgré le soutien de leurs concitoyens.
À titre d’exemple, dans le département de l’Oise, les communes de Trosly-Breuil et de Gaudechart sont ainsi contraintes d’engager des recours juridiques longs, coûteux et aux résultats incertains pour éviter de nouvelles installations sur leurs territoires, pourtant à proximité d’infrastructures déjà installées.
À l’heure du « zéro artificialisation nette », il y a lieu de s’interroger sur de telles pratiques, notamment en regard de l’impératif de sauvegarde des terres agricoles, sans parler de la nécessité de préserver nos paysages des pollutions visuelles que constituent des pylônes pouvant dépasser trente mètres de hauteur.
Si les habitants et leurs représentants sont loin de contester l’installation de tels équipements aussi utiles que nécessaires, l’absence de rationalisation dans leur multiplication suscite aujourd’hui un mécontentement grandissant.
Pour éviter de telles dérives, le Gouvernement envisage-t-il de contraindre les opérateurs à mutualiser pylônes et antennes-relais ou de fournir aux élus locaux les outils juridiques leur permettant de s’opposer à leur multiplication ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Valente Le Hir, j’ai conscience de l’exaspération provoquée par la multiplicité d’antennes dans certaines zones de notre territoire.
Les politiques publiques mises en place, en particulier le New Deal mobile, constituent des réponses à ce phénomène ainsi qu’au manque de couverture du réseau pour nos concitoyens. Cette politique permet à l’État de pallier les manquements des opérateurs, qui ne cherchent pas nécessairement à s’implanter là où le rendement de l’installation ne serait pas assez important en raison du petit nombre d’abonnés.
Par ailleurs, la couverture du réseau, propre à chaque opérateur, ne coïncide pas toujours avec celle de ses concurrents. C’est la concurrence par les infrastructures qui permet aux opérateurs de se différencier en matière de qualité de couverture, et donc de qualité de service pour les utilisateurs.
Dans le cadre du New Deal mobile et du dispositif de couverture ciblée, les opérateurs ont l’obligation de mutualiser leurs pylônes et leurs installations actives dès lors que quatre d’entre eux sont présents dans une même zone.
En outre, l’arrivée des sociétés dites TowerCo favorise la mutualisation puisque, dans un souci de rentabilité, ces dernières ont intérêt à réunir le maximum d’opérateurs sur leurs antennes.
D’autres obligations légales sont déjà en application, comme l’obligation du partage d’infrastructures en zone de montagne ou dans le cadre du déploiement de la 5G en zone peu dense.
L’article 30 de la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, dite loi Chaize, oblige les opérateurs à justifier auprès du maire leur choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône.
L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) doit également indiquer, dans un rapport, l’état de partage des sites mobiles.
De plus, avant toute implantation d’antenne, un temps de dialogue via le dépôt des dossiers d’informations au maire est requis. En principe, rien n’est fait à l’encontre des décisions du maire et sans concertation locale.
Toutefois, madame la sénatrice, le sujet de la concertation est essentiel. Nous devons améliorer le dispositif de la transparence d’information, car de nombreuses difficultés remontent des territoires. Nous y travaillons. J’ai rencontré la semaine dernière la sénatrice Demas, qui pourra peut-être faire des propositions sur le sujet avant d’éventuels travaux législatifs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Valente Le Hir, pour la réplique.
Mme Sylvie Valente Le Hir. Il est important de mettre en regard les principes auxquels vous faisiez référence avec la réalité qui prévaut sur le terrain. Aujourd’hui, malheureusement, nos élus sont bien embarrassés par ces problèmes.
création d’une nouvelle taxe exceptionnelle
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, auteur de la question n° 1207, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. David Ros. Lors d’une session de questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale, Bruno Le Maire invitait les parlementaires de tous bords politiques à trouver de nouvelles recettes fiscales.
Pourtant, madame la secrétaire d’État, malgré l’implication concrète des parlementaires, nous avons le sentiment que votre gouvernement n’écoute pas les propositions qui lui sont faites.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, auquel j’appartiens, propose depuis longtemps un certain nombre de mesures comme la lutte contre l’évasion fiscale des grandes entreprises, la taxation des superprofits ou encore le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), autant de gisements de recettes substantielles que vous n’exploitez pas !
M. Jean-Paul Mattei, président du groupe centriste à l’Assemblée nationale, tout comme de nombreuses figures du groupe Renaissance, fait valoir qu’il est possible de prendre des mesures de justice sociale sans pour autant briser la croissance.
Madame la secrétaire d’État, pour éviter que le pays ne bascule dans le camp de l’extrême droite, il est nécessaire de rétablir de la justice sociale, donc de faire contribuer les plus riches, et non uniquement les classes moyennes et populaires, à l’effort national. En effet, dans la période que nous vivons, personne ne comprendrait que vous ne taxiez pas exceptionnellement les plus riches pour rétablir l’équilibre des finances publiques et garantir à nos concitoyens des services publics dignes.
Il y a urgence à agir, d’autant que – nous venons de l’apprendre – la Commission européenne devrait placer la France sous procédure concernant ses déficits excessifs.
Ma question est donc simple : envisagez-vous de modifier le niveau de taxation des Français les plus aisés afin de rétablir une certaine équité et de sortir notre pays de l’impasse budgétaire dans laquelle il se trouve ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Ros, la politique fiscale que nous menons depuis 2017 a atteint ses objectifs : elle porte aujourd’hui ses fruits.
Vous le savez, pour la cinquième année consécutive, la France est en 2023 le pays d’Europe qui a attiré le plus grand nombre d’investissements étrangers. Depuis 2017, nous avons réussi à créer 2 millions d’emplois, dont 130 000 emplois dans le secteur industriel. La réindustrialisation du pays est bien en marche, 200 nouvelles usines ayant été ouvertes en France en sept ans.
Ces résultats, monsieur le sénateur, nous les avons obtenus en baissant les impôts, sur les ménages comme sur les entreprises, à hauteur de 60 milliards d’euros.
Nous sommes en effet convaincus d’une chose : c’est par la croissance et par l’emploi que nous pourrons financer nos priorités. Ces emplois, ces usines et toute l’attractivité ainsi créée sont les recettes fiscales d’aujourd’hui. Nous souhaitons poursuivre cette politique.
Mais nous savons aussi nous adapter. Ainsi, c’est pour répondre aux situations exceptionnelles liées aux crises récentes que le Premier ministre a confié à plusieurs députés de la majorité le soin de faire des propositions de mesures fiscales spécifiques – nous attendons le fruit de leurs travaux.
Nous avons également agi à l’échelon européen : en témoignent la mise en œuvre d’une taxation des géants du numérique ou l’initiative visant à créer une taxe européenne sur les superprofits.
Monsieur le sénateur, vous affirmez par ailleurs que la France ne fait rien pour lutter contre l’évasion fiscale. Comment n’exprimerais-je pas mon désaccord avec vous sur ce point, alors que, vous le savez, nous venons d’obtenir l’imposition minimale des multinationales dans l’Union européenne, que la France a portée avec l’Allemagne dès 2018, et alors que la France défend au sein du G20 – car c’est bien à cette échelle qu’il nous faut agir – une initiative visant à faire de même pour les individus les plus fortunés ?
Proposer, négocier, convaincre et agir : pour lutter contre l’évasion fiscale à l’échelle internationale, telle est à notre sens la recette qui fonctionne. À cet égard, nous sommes plus que jamais déterminés à avancer.
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Les coups de rabot successifs montrent que nous avons besoin de recettes supplémentaires pour financer la transition écologique et les besoins qui se font jour en matière de logement, de grand âge, de santé, de recherche et même, madame la secrétaire d’État, de numérique.
Autant de thématiques sur lesquelles il est urgent d’agir, comme l’a rappelé le Président de la République dans son entretien paru dans La Tribune Dimanche du 5 mai.
Mobilisez-vous pour collecter les recettes potentielles et ne tombez pas dans la facilité consistant à mettre l’effort à la seule charge des collectivités territoriales ou à sabrer dans l’assurance chômage et les dépenses sociales ! Je rappelle que les profits – 150 milliards d’euros – et les dividendes – 68 milliards d’euros – des entreprises du CAC 40 ont atteint des montants records en 2023 : voilà où sont les dizaines de milliards d’euros que l’État cherche.
mutualisation de la surveillance des espaces de baignade entre plusieurs parcs résidentiels de loisirs
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 1258, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Mme Nathalie Delattre. Je souhaite, avant de poser ma question, saluer les élèves du collège Joséphine-Baker de Mios.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi d’appeler votre attention sur le régime juridique applicable à la surveillance des aires de baignade faisant partie de parcs résidentiels de loisirs (PRL) ou de campings.
Ces dernières années, les entreprises du secteur du tourisme de plein air ont construit des zones de baignade dans le but d’offrir aux vacanciers, de plus en plus exigeants en la matière, des équipements d’excellence.
Il convient de leur rendre hommage, tant l’enjeu est essentiel pour l’attractivité de nos territoires : l’hôtellerie de plein air et les PRL représentent en France plus de 30 % de l’offre de vacances.
Mais il y va aussi des exigences de la transition écologique, enjeu dont notre droit positif devrait tenir compte et qu’il s’agirait même d’encourager.
En effet, plusieurs complexes ont fait le choix responsable de mutualiser la construction de telles zones de baignade, tant pour en partager les coûts que pour tendre vers des technologies encourageant une transition écologique plus maîtrisée et économisant l’eau et les espaces urbanisés.
L’obligation de surveillance des baignades est actuellement régie par les dispositions des articles D. 322-12, D. 322-13 et L. 322-7 du code du sport. Le Conseil d’État a précisé, le 25 juillet 2007, que l’obligation de surveillance doit être respectée dès lors que le bassin n’est pas réservé à une clientèle propre. Or, dans le cadre d’une piscine réservée à la clientèle d’un PRL, la piscine est qualifiée de « privée à usage collectif » : l’obligation de surveillance par du personnel qualifié diplômé d’État n’y est donc pas nécessaire.
Madame la secrétaire d’État, qu’en est-il du régime juridique applicable à l’accès des propriétaires et ayants droit d’un PRL à une zone de baignade, propriété d’un parc résidentiel de loisirs voisin ? Dans l’hypothèse où les propriétaires et ayants droit de chacun des PRL concernés ont spécifié par acte notarié l’existence d’une servitude de jouissance leur permettant d’aller d’un parc à l’autre et où l’accès à la zone de baignade est strictement réservé auxdits propriétaires et ayants droit, à l’exclusion de toute personne étrangère aux PRL mutualisés, pouvez-vous me confirmer que la piscine conserve son caractère privé à usage collectif ?
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d’apporter à cet égard des précisions qui sont très attendues.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Delattre, la réglementation relative aux piscines privées à usage collectif concerne les piscines dont l’accès est réservé à un public restreint identifié du fait d’une autre prestation de service principale, sans lien direct avec la pratique d’une activité physique et sportive. Il s’agit notamment des piscines d’hôtel, de restaurant, de camping et de village de vacances, dotées d’une clientèle propre et dont l’ouverture n’est pas soumise à une obligation de surveillance par un personnel qualifié.
Cependant, afin de garantir au mieux la sécurité et la qualité de la prestation offerte, une surveillance peut y être mise en place. Le cas échéant, l’exploitant devra mettre à disposition du personnel qualifié ainsi mobilisé l’ensemble des moyens nécessaires au secours.
Le Conseil d’État, dans un avis rendu le 26 janvier 1993, précise que, dès lors que les piscines ou zones de baignade des hôtels, campings et villages de vacances constituent des établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques et sportives, elles doivent présenter des garanties de sécurité. Ainsi, si un enseignement d’activité aquatique y est dispensé, ces établissements doivent satisfaire aux obligations prévues par le code du sport, à savoir assurer une surveillance constante par du personnel qualifié, conformément à la législation en vigueur.
Ces établissements sont par ailleurs soumis à certaines obligations administratives : l’exploitant doit avertir ses usagers de l’éventuelle absence de surveillance de la baignade, de la responsabilité des utilisateurs, des heures d’ouverture et du règlement intérieur du bassin ; il doit souscrire un contrat d’assurance couvrant sa responsabilité civile, celle de ses préposés et celle du public ; il doit réaliser un affichage, entre autres, du règlement intérieur, du plan de sécurité, des profondeurs, du mode d’emploi des équipements et du contrat d’assurance en responsabilité civile. En outre, l’un des quatre dispositifs de sécurité normalisés – barrière de protection, couverture, abri ou alarme – doit être mis en place.
Autrement dit, rien n’interdit aujourd’hui de mutualiser l’accès à une piscine, dès lors que les personnes pouvant y accéder sont clairement identifiées. L’obligation de surveillance trouvera à s’appliquer si l’enseignement d’une activité aquatique ou sportive est dispensé au sein de l’établissement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, auteur de la question n° 1001, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Michaël Weber. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de l’inquiétude partagée par de nombreux élus locaux auxquels la direction générale des finances publiques (DGFiP) communique un indicateur de pilotage comptable censé évaluer la qualité de la gestion comptable de la commune. Tout en précisant que ce document ne vaut pas jugement de la gestion de la collectivité, la DGFiP délivre néanmoins une note censée permettre d’identifier les marges de progression, les points forts et les points faibles de la tenue des comptes locaux.
Vous comprendrez, je l’imagine, le caractère irritant de ce mode d’évaluation scolaire, qui est perçu comme une forme de contrôle des décideurs locaux exercé par les services de l’État sans égard pour les particularismes et difficultés propres à chaque territoire. Plus précisément, s’insinue la crainte qu’une telle pratique ne préfigure un rapport de hiérarchie qui n’a pas lieu d’être entre le receveur et l’ordonnateur. N’est-ce pas aux élus locaux d’évaluer l’efficacité des politiques publiques et de fixer les orientations aux fonctionnaires, et non l’inverse ?
C’est normalement le service de gestion comptable qui est responsable de la qualité comptable, puisqu’il tient, avec l’élu, le compte financier unique. Or l’avis critique du conseiller aux décideurs locaux sur le travail de son collègue comptable remet en cause la compétence exclusive de ce dernier en imposant une orientation à suivre. Un tel avis est clairement perçu comme une forme d’ingérence des services de l’État qui contrevient, à mon sens, au principe de libre administration des communes.
La question se pose de savoir jusqu’où ira une telle notation : l’élu devra-t-il demain justifier ses choix politiques ? Devra-t-il justifier de l’ensemble des contraintes auxquelles il est confronté ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Weber, vous le savez, l’indicateur de pilotage comptable (IPC) est un nouvel indicateur de qualité comptable, produit depuis 2020 par la direction générale des finances publiques pour remplacer l’ancien indicateur de qualité des comptes locaux.
Cet indicateur rénové vise à mesurer les conditions d’application de la réglementation budgétaire et comptable. Il est fondé sur les résultats, classés par thématique comptable, des contrôles réalisés tout au long de l’année et automatisés dans Hélios, le logiciel de gestion comptable et financière des collectivités, et ce sans pondération entre eux. Le choix a été fait de maintenir la présentation des résultats sous forme d’une note chiffrée, aisément évocatrice.
Monsieur le sénateur, cet indicateur ne vise nullement à se prononcer sur la qualité de la gestion d’une collectivité, sur la qualité de son financement ou sur sa solidité financière. Vous l’avez dit, il ne prend en compte ni l’environnement de maîtrise des risques ni les conditions de déploiement des dispositifs de contrôle interne et comptable des collectivités locales.
La visibilité offerte à cet indicateur, souhaitée par le Comité national de fiabilité des comptes publics locaux, représente un levier important de l’amélioration de la qualité comptable pour toutes les collectivités territoriales.
L’IPC doit donc être appréhendé comme un outil partagé entre l’ordonnateur et le comptable, permettant de cibler des actions à mettre en œuvre en vue d’améliorer la qualité du processus comptable. Il offre un éclairage sur la comptabilité de chaque collectivité et de chaque budget, mettant en évidence un certain nombre de points forts et de points faibles ; ainsi permet-il d’identifier les marges de progression et de suivre les améliorations apportées. Il ne constitue pas un label de qualité des comptes ni un critère exclusif d’appréciation de leur fiabilité, mais doit être intégré avec d’autres données dans une démarche progressive et plus globale d’amélioration de la qualité des comptes.
Les comptables publics ou les conseillers aux décideurs locaux peuvent également proposer aux ordonnateurs la réalisation d’une synthèse de la qualité des comptes de l’exercice clos, dont les résultats sont partagés avec l’ordonnateur et présentés aux élus à l’occasion de l’adoption des comptes. Ce dispositif, expérimenté avec succès pendant quatre ans, a vocation à intéresser aux enjeux de qualité des comptes un public élargi à l’ensemble de l’assemblée délibérante, mais aussi à tracer une feuille de route commune à l’ordonnateur et au comptable.
Il faut donc y voir une technique budgétaire n’ayant d’autre horizon que d’indiquer une marge de progression.
Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.
M. Michaël Weber. J’entends bien qu’il s’agit d’un outil comptable, lequel peut être tout à fait utile pour les ordonnateurs. Néanmoins, il faut absolument faire en sorte que cet outil tienne compte des spécificités de chaque collectivité. Je regrette que, pour l’heure, tel ne soit pas suffisamment le cas.
tva applicable aux produits utilisant des matériaux réemployés
Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 1222, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Guislain Cambier. Je vais illustrer ma question par la mention d’un accessoire de mode. (L’orateur brandit une ceinture.)
Cette ceinture n’est pas n’importe quelle ceinture : elle a été réalisée à partir d’un pneu de vélo recyclé par une éco-entreprise du département du Nord, La Vie est Belt, sise à Roubaix.
Or ce produit subit une double taxation : il a déjà été taxé comme pneu, au taux de 20 %, lors de sa mise en circulation ; il l’est de nouveau, toujours au taux de 20 %, lors de sa transformation en ceinture. Je pourrais même parler de triple taxation, puisqu’il faut y ajouter l’écoparticipation acquittée par le citoyen au moment de l’achat.
Ce système encourage peu une démarche d’économie circulaire pourtant vertueuse, s’agissant d’un pneu qui aurait dû être incinéré… Les élus locaux que nous sommes sont pourtant friands de ce type d’initiatives, qui créent des emplois locaux favorisant la réinsertion de personnes éloignées de l’emploi dans nos villes et dans nos quartiers et contribuent à promouvoir une consommation plus durable et plus responsable.
S’agissant d’encourager des initiatives telles que celle qui a conduit à la fabrication de cette ceinture recyclée, le Gouvernement envisage-t-il, madame la secrétaire d’État, de mettre en place une taxation différente sur les produits et matériaux de réemploi ? Un tel taux réduit de TVA permettrait de favoriser ce modèle économique en le rendant plus compétitif. Je précise que, depuis 2018, l’Union européenne permet aux États membres de fixer leurs propres taux de TVA. Le Gouvernement nous avait annoncé une belle feuille de route sur l’économie circulaire, mais nous l’attendons toujours…
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Cambier, les principes et règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée sont issus du droit de l’Union européenne, et plus particulièrement de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite directive TVA.
La fabrication et la vente de biens neufs par les opérateurs économiques sont normalement soumises à la TVA, sans que la nature des matières premières ou le régime fiscal qui leur a été appliqué dans le cadre d’un cycle de consommation finale antérieur ait d’incidence.
Le droit européen prévoit toutefois un régime particulier, relevant de celui des biens d’occasion, prenant en compte la situation spécifique des biens ayant déjà supporté la TVA et acquis par des acheteurs-revendeurs. De tels biens bénéficient d’une taxation sur leur seule marge lorsqu’ils ont été acquis auprès de particuliers et à la condition que les modifications apportées au bien revendu se limitent à une remise en état et non à sa transformation en un objet nouveau.
Par ailleurs, l’application de taux réduits de TVA est strictement encadrée par la directive précitée, les États membres de l’Union européenne ne pouvant appliquer pareils taux qu’à certaines catégories de biens ou de services.
Or il n’existe aucune disposition autorisant un État membre de l’Union européenne à appliquer un tel taux réduit aux ventes de biens résultant d’un circuit de recyclage. Aussi la vente d’accessoires vestimentaires neufs ou recyclés est-elle soumise de plein droit au taux normal de 20 %.
Au-delà de ces considérations juridiques, monsieur le sénateur, l’expérience a montré que les baisses de taux de TVA sur certains produits ont un coût significatif pour les finances publiques sans pour autant, malheureusement, constituer des leviers efficaces : elles donnent rarement lieu à une baisse des prix au profit des consommateurs.
Pour l’ensemble de ces raisons, il n’est pas envisagé, à ce stade, d’appliquer un taux réduit de TVA aux livraisons de produits résultant de l’utilisation de matériaux recyclés.
Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.
M. Guislain Cambier. C’est bien dommage, madame la secrétaire d’État ! Que la ceinture soit fabriquée par un acteur écoresponsable à partir d’un produit recyclé ou qu’elle soit importée d’Asie, le taux de TVA est le même, alors que le premier modèle est beaucoup plus vertueux. Je ne peux que vous engager à poursuivre ce débat à l’échelon européen afin d’obtenir des progrès concrets en la matière.
activité commerciale et conséquences des zones réglementées lors des jeux olympiques à paris
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner, auteur de la question n° 1234, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
M. Francis Szpiner. À l’occasion des jeux Olympiques, des restrictions de circulation vont s’appliquer dans Paris et certaines rues deviendront quasi inaccessibles. Voilà qui représente, pour un certain nombre de commerçants, une véritable difficulté, eu égard tant à leur ravitaillement qu’à leur capacité à exercer tout simplement leur activité. D’aucuns envisagent donc de fermer pendant cette période, ou à tout le moins de se passer de certains salariés.
Je souhaite par conséquent savoir si le Gouvernement envisage des mesures de chômage partiel, par exemple, pour permettre à ces commerçants de ne pas subir les effets des restrictions de circulation liées aux Jeux. Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la secrétaire d’État, à l’intention de ceux dont l’activité serait rendue quasiment impossible et qui, pour cette raison, envisagent de fermer ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Szpiner, j’assistais ce matin, avant de vous rejoindre, à la réunion du comité interministériel du tourisme. Laurent Nunez, le préfet de police de Paris, nous a fait à cette occasion un point détaillé sur le plan de circulation et les dispositifs de sécurité qui s’appliqueront dans la capitale, expliquant notamment le fonctionnement des fameuses zones rouges de circulation restreinte. Il a du reste été précisé que c’est bien la circulation des véhicules, qui sera interdite dans ces zones, et en aucun cas la circulation piétonne – cela est important pour ce qui est de l’accès aux commerces.
Dans le cadre de la mise en place des périmètres de sécurité des jeux Olympiques, les réunions de concertation organisées avec les riverains et avec les acteurs économiques ont permis d’adopter de nombreuses dérogations, l’objectif étant que la vie économique puisse se poursuivre au sein des périmètres de restriction de circulation dits – en fonction de leur importance – rouges et bleus. Le dialogue se poursuit, via notamment des ateliers territoriaux pilotés par les préfets et par le ministère des transports sur chaque site accueillant des épreuves.
Le préfet de police a d’ailleurs pris la parole, le 25 avril, pour détailler les mesures de sécurisation qui seront déployées en amont de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques. Toutes les informations utiles ont été explicitées à cette occasion. Toutefois, en cas de demande spécifique, il est possible de contacter la préfecture à l’adresse créée à cet effet.
En tout état de cause, l’objectif de l’État est de sécuriser tant la cérémonie que les épreuves en veillant à limiter autant que possible l’impact des périmètres de sécurité sur la vie quotidienne et les acteurs économiques. Néanmoins, dans le cas où un établissement estimerait avoir subi un préjudice anormal et spécial, il pourrait, une fois les jeux Olympiques terminés, conformément au droit commun, formuler une demande d’indemnisation.
Enfin, il est à souligner que les cas très spécifiques ont été traités en amont par des accords sectoriels – je pense aux céréaliers et au trafic fluvial.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner, pour la réplique.
M. Francis Szpiner. M. Nunez a certes été à la disposition des riverains ; le problème, madame la secrétaire d’État, est qu’entre les grands principes et la réalité il y a des choses que – manifestement – le Gouvernement ne comprend pas. Je vais donc prendre un exemple.
La place du Trocadéro sera totalement fermée à la circulation du 16 au 26 juillet. Que dites-vous à l’employeur qui y possède un service de voiturier et qui, pendant quinze jours, ne pourra pas travailler ? Que doit-il faire de ses salariés ?
L’un des plus grands concessionnaires automobiles de Paris est installé avenue Paul-Doumer. Pendant cette période, il ne pourra recevoir ni livraisons ni clients : que devra-t-il faire de ses salariés ? À défaut de mesures de chômage partiel, devra-t-il attendre d’essuyer des pertes et de faire constater qu’il n’a pas pu travailler avant d’adresser une demande à l’État, lequel répond toujours, chacun le sait, avec une rapidité extraordinaire ? Faudra-t-il, le cas échéant, qu’il ouvre un contentieux pour obtenir une décision un an, deux ans ou trois ans plus tard ?
Je regrette que vous n’ayez pas travaillé sur ce problème : des commerçants vont être amenés à fermer, donc à mettre des salariés au chômage technique. Les concertations, c’est très bien, les plans de M. Nunez, c’est très bien ; mais ce n’est pas cela qui va aider concrètement les commerçants de Paris pendant cette période.
protection des filières industrielles françaises en difficulté face à la concurrence étrangère déloyale
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, auteur de la question n° 1253, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Christophe Chaillou. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la concurrence déloyale que pratiquent les entreprises chinoises sur le marché du photovoltaïque en Europe et en France. Ma question se trouve lestée d’une actualité particulière : la concomitance est certes fortuite, mais l’organisation de nos travaux me conduit à la poser au moment même où le président chinois est en visite officielle dans notre pays.
Depuis la fermeture des marchés américain et indien du photovoltaïque, la Chine a engagé une politique de dumping économique – les médias se sont largement fait l’écho de ce phénomène –, subventionnant massivement des entreprises chinoises pour leur permettre de revendre leur fabrication à perte. Les panneaux solaires chinois, qui sont en moyenne quatre fois moins chers que les produits français, envahissent par conséquent le marché. Les prix des panneaux solaires vendus en Europe ont dû diminuer de 25 % depuis janvier 2023, menaçant de nombreuses entreprises françaises.
Cette stratégie chinoise est totalement contraire aux règles édictées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; elle met en péril les efforts que déploient l’Union européenne et la France dans leur volonté d’autonomie énergétique et de réindustrialisation, que nous sommes nombreux à partager.
Les dispositifs réglementaires qui permettraient de restaurer une compétition loyale entre les différents acteurs industriels tardent malheureusement à être mis en œuvre. Ils n’auront pas d’effet dans un délai compatible avec les enjeux qu’ont à relever les entreprises françaises, lesquelles réclament une action politique immédiate.
En conséquence, madame la secrétaire d’État, je souhaite connaître les initiatives que le Gouvernement envisage de prendre pour sauver ce qui reste de l’industrie photovoltaïque française face à la concurrence déloyale chinoise et, ce faisant, pour préserver notre indépendance énergétique, notre production d’énergies renouvelables et la réindustrialisation de la France.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Chaillou, je vous remercie de votre question ; je me suis moi-même beaucoup investie dans le soutien à la filière photovoltaïque.
Vous le savez, la relocalisation en France des chaînes de valeur dans la production d’énergies renouvelables est au cœur de la stratégie énergétique et industrielle du Gouvernement. Il y a là un impératif si l’on veut sortir des énergies fossiles sans remplacer une dépendance par une autre : produire, pour notre souveraineté, les équipements de l’éolien, du photovoltaïque, des pompes à chaleur, ce qui veut dire notamment produire des batteries.
Le photovoltaïque a une place importante au sein de la réindustrialisation verte que nous souhaitons. Nous visons en la matière la multiplication par cinq, dans les dix ans à venir, des capacités installées, ce qui représente 20 milliards d’euros d’investissements partout sur le territoire. Pour répondre à cette demande, deux acteurs historiques continuent de produire des panneaux et deux gigafactories sont en développement – elles produiront dès 2026 leurs premiers panneaux et couvriront, nous l’espérons, nos besoins nationaux.
L’enjeu est de préserver la viabilité économique de ces projets face à la chute des prix des panneaux chinois enregistrée en 2023, qui s’inscrit dans une stratégie commerciale agressive plus globale de notre partenaire. À cette fin, le Gouvernement déploie plusieurs actions.
Premièrement, en amont, pour soutenir l’investissement, nous avons mis en place un crédit d’impôt qui couvrira jusqu’à 200 millions d’euros d’investissements par projet.
Deuxièmement, en aval, pour favoriser l’installation de panneaux produits en Europe, nous faisons évoluer dès cette année les critères d’attribution des tarifs d’achat : une prime sera versée pour les panneaux les plus vertueux sur le plan environnemental.
Troisièmement, nous mettrons en œuvre dès 2025 les dispositions du Net-Zero Industry Act, le règlement pour une industrie « zéro net », que nous avons négocié à Bruxelles, en orientant les subventions publiques vers des projets qui concourent à la résilience de l’économie européenne.
Enfin, sur l’initiative du Gouvernement, les acteurs se sont engagés dans un pacte de solidarité de filière. Les acheteurs participeront à la sécurisation des nouvelles usines par des commandes passées à l’avance et nous mettons en place l’« induscore », qui tracera le nombre d’étapes de fabrication réalisées en Europe.
Vous le voyez, c’est bien aussi à l’échelon européen que nous devons agir pour éviter la concurrence intra-européenne. L’Europe s’est déjà saisie du problème et nous devons collectivement, en ce domaine, aller plus loin.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.
M. Christophe Chaillou. Je vous remercie pour ces éléments, madame la secrétaire d’État. Vous avez raison de rappeler que c’est dans un cadre européen qu’il faut agir, mais nous attendons de la France qu’elle marche en avant.
L’ensemble des éléments que vous venez de détailler vont incontestablement dans la bonne direction ; il faut maintenant les concrétiser. L’on ne peut que souhaiter que l’air des Pyrénées soit propice à ce que nos messages soient clairement entendus par la Chine…
taux de tva appliqués à des structures qui ne sont pas assujetties à la tva sauf dans certaines exceptions
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 1271, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Marie-Claude Lermytte. Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ne sont pas assujettis à la TVA, donc ne paient ni ne perçoivent ladite taxe, sauf dans le cadre de travaux d’extension. Ces établissements d’accueil temporaire ou permanent agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée peuvent bénéficier d’un taux de TVA réduit de 5,5 % sur leurs travaux d’extension dès lors que ceux-ci sont affectés à de l’habitation pour au moins 50 % de la superficie.
De ce fait, la TVA leur est dans un premier temps facturée au taux de 20 % : c’est dans un second temps seulement qu’ils peuvent bénéficier de l’assujettissement à un taux réduit de 5,5 %, à condition de demander à l’administration fiscale la récupération des 14,5 points de différence.
La réalité est la suivante : les établissements qui ne disposent pas d’un numéro de TVA et d’un compte associé sont contraints, pour récupérer le trop-perçu, de s’engager dans une procédure d’attribution d’un numéro de TVA, numéro dont ils ne disposent pas en raison de leur statut.
Ces établissements sont contraints de payer d’abord leurs travaux en s’acquittant de la TVA au taux de 20 % avant d’être remboursés de la différence de 14,5 points, ce qui les oblige à engager des sommes phénoménales, voire à emprunter pour payer une TVA dont ils seront finalement remboursés.
Compte tenu de la volonté unanimement exprimée de réduire les procédures administratives, ne serait-il pas opportun d’alléger les démarches en imposant dès le départ une taxation au taux de 5,5 %, afin d’éviter des jeux de trésorerie synonymes de coûts, de tracasseries et de perte de temps ?
Ce taux de TVA de 5,5 % peut-il s’appliquer de manière directe dans le cadre d’une « contractance » générale ? Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement serait-il prêt à prendre des dispositions destinées à simplifier ce dispositif ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Lermytte, les Ehpad gérés par des personnes morales de droit public sont en principe non assujettis à la TVA, du fait des conditions d’exercice de leur activité.
Quant aux Ehpad gérés par des personnes morales de droit privé, qu’ils soient ou non à but lucratif, ils sont assujettis à la TVA, mais bénéficient, sous certaines conditions, du taux réduit de 5,5 % pour leurs prestations d’hébergement ainsi que d’une exonération de la TVA pour la partie de leur activité correspondant aux soins fournis aux personnes hébergées.
Lorsque ces établissements font édifier des locaux neufs ou procèdent à des extensions de locaux, ces constructions bénéficient du taux réduit de TVA de 5,5 % au titre de la taxation de la livraison à soi-même de tels travaux.
Cette taxation des Ehpad assujettis est légitime dans la mesure où elle s’inscrit dans le dispositif imposant que soit soumise à la TVA toute affectation à son entreprise d’un bien construit, extrait ou transformé par un assujetti qui n’aurait pas pu déduire la TVA y afférente s’il avait acquis le même bien auprès d’un tiers.
Pour ce qui est des Ehpad publics non assujettis, les règles en vigueur sont essentiellement motivées par des raisons de simplification et de sécurité juridique pour les entreprises de travaux.
De plus, si le fait générateur de la taxation de la livraison à soi-même intervient à la date de l’achèvement des travaux, le législateur a prévu que la liquidation de la TVA au taux réduit de 5,5 % intervienne au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit cette même date. En revanche, la déduction peut se faire dès le mois suivant la fin de ces travaux.
Pour ces raisons, l’abandon de ce dispositif au profit d’une taxation directe des travaux concernés au taux réduit n’est pas envisagé, d’autant que cela remettrait en cause l’avantage de trésorerie substantiel dont bénéficient ainsi les Ehpad.
taxe additionnelle à la taxe de séjour dans les communes franciliennes au profit d’île-de-france mobilités
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 1279, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais appeler votre attention sur les vives inquiétudes que suscite chez de nombreux élus de l’Essonne l’article 140 de la loi de finances pour 2024, lequel a instauré, depuis le 1er janvier, une taxe de 200 % additionnelle à la taxe de séjour dans les communes franciliennes, au profit d’Île-de-France Mobilités (IDFM). Un courrier sur ce point que j’ai adressé le 5 février 2024 aux ministères concernés est resté sans réponse.
L’effet de cette mesure est considérable sur les hébergements de nombreuses communes qui se trouvent à proximité immédiate de départements non concernés – je pense, par exemple, à l’Eure-et-Loir et au Loiret. Cette taxe, s’ajoutant aux autres taxes additionnelles, va créer un véritable déséquilibre. Les hébergements d’Eure-et-Loir ne sont frappés que d’une taxe additionnelle départementale de 10 % et ceux du Loiret ne sont assujettis à aucune taxe. Les touristes vont donc privilégier les départements où la taxe de séjour est la plus faible, ce qui risque d’avoir un impact sur le tourisme d’affaires.
Cela relève du bon sens que les hébergeurs des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) franciliens, dont le territoire est limitrophe des régions périphériques de l’Île-de-France, comme le Centre-Val de Loire ou les Hauts-de-France, puissent bénéficier d’une adaptation du dispositif via une exonération pérenne ou tout autre levier permettant d’éviter la création d’une distorsion de concurrence.
Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, une révision de la zone d’application de la taxe additionnelle à la taxe de séjour en Île-de-France peut-elle être envisagée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Guidez, l’offre de transport en Île-de-France va profondément évoluer. Il en résulte un besoin accru de financement pour IDFM.
L’instauration de la taxe additionnelle à la taxe de séjour fait suite à la signature, le 26 septembre dernier, entre l’État et IDFM, d’un protocole pour financer les transports en commun franciliens. Cet accord doit garantir la stabilité des moyens sur la période concernée. Or, pour la seule année 2024, les surcoûts d’exploitation et d’investissement représentent près de 800 millions d’euros pour IDFM.
Le protocole vise à répondre aux craintes exprimées par une mission de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale l’environnement et du développement durable. Ces organismes ont indiqué qu’une telle taxe additionnelle « représente un faible surcoût pour les voyageurs » rapporté au coût d’une nuitée et que « peu d’effets macroéconomiques significatifs sont à attendre ». Par exemple, la taxe additionnelle de séjour sera au maximum de 9,20 euros pour un palace parisien, de 5 euros pour un hôtel quatre étoiles et de 3,20 euros pour un trois étoiles.
Cette taxe additionnelle, dont le taux a fait l’objet d’une large concertation avec les représentants de l’hôtellerie, doit rapporter environ 200 millions d’euros par an. Cela permettra d’aligner la région capitale sur les standards d’autres capitales européennes en matière de contribution du tourisme.
La distorsion de concurrence que vous redoutez, par exemple entre les hébergements situés en Essonne et ceux qui se trouvent en région Centre-Val de Loire, semble limitée eu égard au montant de la surtaxe par nuitée, en particulier pour la clientèle d’affaires présente dans le département de l’Essonne.
Toutefois, un bilan du rendement et des effets de la surtaxe pourra être dressé après une année d’application, ce qui nous permettra, éventuellement, de revoir le dispositif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Merci pour votre réponse, madame la secrétaire d’État, même si celle-ci ne me satisfait pas.
La révision de cette mesure serait d’autant plus juste que cette charge supplémentaire est perçue au profit d’IDFM alors que les territoires périphériques ne bénéficient des services de cet établissement que de façon marginale.
Il ne me semble pas logique que les territoires éloignés de la métropole parisienne, qui assurent par ailleurs une partie non négligeable de son financement sans bénéficier de ses retombées, subissent une double peine, puisque cette taxe additionnelle nuit aussi à leur attractivité.
reconsidération de la loi sur l’exploitation des hydrocarbures en guyane française
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 1256, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au seuil d’une ère nouvelle marquée par l’euphorie pétrolière chez nos voisins du Guyana et du Suriname, une interrogation capitale se pose pour notre territoire de la Guyane française.
Alors que la prospérité bat à notre porte, nous restons, par un choix mystérieusement volontaire, en marge de cette richesse potentielle. Il est singulier, voire troublant, de constater que tandis que nos voisins se préparent à récolter les fruits d’un eldorado noir, la Guyane française ne semble pas avoir choisi cette option.
N’est-il pas paradoxal, madame la secrétaire d’État, que la nature ait distribué ses faveurs avec tant de générosité autour de nous et que seul notre territoire semble exempt de cette manne ? Cette situation interroge : sommes-nous face à une absence réelle de ressources ou plutôt à une volonté délibérée de ne pas explorer, de ne pas chercher ? Il apparaît comme une incongruité géologique que la Guyane soit la seule terre vierge de cet or noir dans une région en pleine effervescence extractive.
Ce choix – si c’en est un – de ne pas engager notre territoire dans la course à l’exploitation pétrolière mérite d’être scruté avec la plus grande attention. Il soulève une question de justice et d’équité pour les Guyanais, qui observent, impuissants, leurs voisins s’enrichir.
Comment expliquer à nos concitoyens que nous restons les bras croisés alors que, potentiellement, des richesses sommeillent sous nos pieds ? En omettant volontairement de rechercher ou d’exploiter d’éventuelles ressources pétrolières en Guyane, ne sommes-nous pas en train de condamner notre territoire à l’isolement économique ?
Quelle ironie ce serait que de voir un jour le Guyana, enrichi par ses hydrocarbures, venir en aide à la Guyane française, oubliée de la prospérité pétrolière.
Madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas qu’il soit temps de reconsidérer notre position, d’évaluer toutes les options disponibles pour assurer le développement durable de la Guyane, dans le respect de ses écosystèmes uniques, mais aussi de ses besoins économiques pressants ?
Ne serait-il pas sage de revisiter la loi de 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement, dite loi Hulot, dans ce contexte nouveau ? Ne faudrait-il pas explorer, avec prudence, mais détermination, les possibilités offertes à notre territoire ? La Guyane doit-elle rester un spectateur désabusé du miracle économique à ses portes, ou peut-elle – doit-elle – jouer un rôle actif dans le nouveau chapitre qui s’écrit dans la région amazonienne ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Levi, la France s’est engagée, dans le cadre de l’accord de Paris, à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 à 2 degrés.
Le rapport des scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) indique que, pour atteindre cet objectif, l’essentiel des réserves d’hydrocarbures déjà identifiées à l’échelle planétaire devra rester dans le sous-sol, et qu’il est nécessaire de ne plus entreprendre de nouvelles explorations. C’est pourquoi la France s’est engagée, par la loi dite Hulot de 2017, à interdire la délivrance de nouveaux permis de recherches d’hydrocarbures et à ramener à 2040 la date de fin des concessions existantes.
La France a renforcé son engagement dans l’accord de Paris lors de la transmission de l’objectif européen de réduction de 55 % des émissions d’ici à 2030 à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Une révision de la loi du 30 décembre 2017 pour permettre une exploration des ressources pétrolières de la Guyane n’est donc pas possible si nous voulons respecter les engagements environnementaux que nous avons pris. L’interdiction d’exploration introduite par cette loi garde sa pertinence sur la totalité du territoire national.
Par ailleurs, la politique menée par la France vise une réduction importante de la part des hydrocarbures dans notre mix énergétique d’ici à 2045. L’exploration aujourd’hui n’aboutissant à une production d’hydrocarbures que dans dix ou quinze ans, cette production d’hydrocarbures ne trouverait probablement pas de débouchés commerciaux significatifs sur le marché français.
L’État demeure en revanche pleinement favorable, monsieur le sénateur, dans les limites des engagements internationaux pris par la France, à une exploration et à une exploitation déterminée des ressources naturelles minières de la Guyane, au service du développement économique du territoire.
Le projet de loi de simplification de la vie économique comprendra d’ailleurs des dispositions de simplification de l’exploration minière sur l’ensemble du territoire national, ainsi que des dispositions spécifiques aux autorisations minières les plus utilisées en Guyane, pour faciliter l’exploitation minière dans ce territoire au sous-sol très riche.
devenir de l’industrie et fermetures d’entreprises sur l’axe seine
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1278, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.
Mme Agnès Canayer. Madame la secrétaire d’État, le jeudi 11 avril, le groupe ExxonMobil annonçait la fermeture de son unité de chimie à Port-Jérôme-sur-Seine, et donc la suppression de 677 postes d’ici à la fin de l’année 2024.
Cette entreprise, présente depuis plus de quatre-vingt-dix ans en Normandie, y constitue une véritable institution. La fermeture du vapocraqueur est donc un véritable choc. C’est tout un territoire et son écosystème d’entreprises sous-traitantes et cotraitantes, représentant plus de 1 500 emplois, qui sont directement touchés par cet arrêt brutal. Nous pourrions rester indifférents à cette situation, mais, élue du territoire, je suis évidemment en totale solidarité avec les salariés, leurs proches, les habitants et les élus locaux.
L’axe Seine, et plus particulièrement la commune de Port-Jérôme-sur-Seine, est un territoire dynamique, prêt à rebondir. Si ExxonMobil ne souhaite pas réétudier son projet, différer sa décision ou dialoguer afin de définir un projet alternatif, il est urgent de penser à l’avenir.
C’est ce que font les élus locaux, sous la présidence de Virginie Carolo-Lutrot, qui préparent l’accueil, en 2027-2028, de nouveaux secteurs de la chimie, tels que le recyclage moléculaire ou le bioraffinage, avec notamment l’implantation de l’américain Eastman et du belge Futerro, qui fabriqueront le plastique des prochaines décennies, dégradables, mais aussi biosourcés.
Pour autant, cette transition requiert un accompagnement de l’État, entre la fermeture du vapocraqueur d’ExxonMobil et l’installation des nouvelles entreprises. Que comptez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour garantir l’avenir industriel de Caux Seine agglo, qui a reçu le label Territoires d’industrie ? Que comptez-vous faire pour favoriser l’implantation de nouvelles entreprises sur ce territoire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la présidente, madame la sénatrice Canayer, vous l’avez rappelé, le 11 avril dernier, ExxonMobil a annoncé sa volonté de fermer le vapocraqueur de Notre-Dame-de-Gravenchon et de céder la raffinerie de Fos au consortium Rhône Énergies.
Le Gouvernement déplore la décision prise par la direction de cette entreprise. Le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, Roland Lescure, a d’ailleurs échangé directement avec celle-ci sur le sujet, à la suite de cette annonce, pour lui signifier son insatisfaction face à cette décision dommageable pour le territoire, les salariés concernés et leurs familles.
L’action du Gouvernement s’inscrit désormais dans une triple dynamique. D’abord, il s’agit de limiter les conséquences de cette fermeture sur les sous-traitants et la chaîne de la chimie française dans son ensemble. Puis, il faut limiter cet effet sur le territoire. Enfin, et surtout, nous devons nous assurer d’une prise en charge de qualité des salariés qui seront licenciés.
Sur ce dernier point, le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie l’a indiqué à la direction d’ExxonMobil : nous serons extrêmement exigeants vis-à-vis de l’entreprise pour qu’elle assume pleinement ses responsabilités à l’égard des salariés licenciés. C’est aussi le message qu’il a passé aux représentants syndicaux d’ExxonMobil, qu’il a rencontrés le 30 avril dernier. L’État contrôlera donc avec attention les mesures qui seront négociées dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – je pense que vous y serez également attentifs.
Par ailleurs, le Gouvernement assurera un suivi détaillé des projets alternatifs qui pourront se développer sur le territoire. Je remercie les élus, locaux et nationaux, qui s’impliquent sur ce dossier. L’enjeu est, comme vous le soulignez, de pousser des projets créateurs d’emplois, qui puissent aussi irriguer tout le tissu économique de Port-Jérôme-sur-Seine et des alentours.
Enfin, madame la sénatrice, le Gouvernement est également attentif à la situation de la raffinerie de Fos. Le ministre délégué chargé de l’industrie a d’ailleurs rencontré les repreneurs le 23 avril dernier, et nous serons extrêmement vigilants quant aux projets d’investissements à venir sur ce site.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
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Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation du Bundesrat, conduite par sa présidente, Mme Manuela Schwesig. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, se lèvent et applaudissent.)
Mme Manuela Schwesig est accompagnée par des représentants du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, dont elle est ministre-président, et par notre collègue Ronan Le Gleut, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Allemagne.
Hier, nous avons tous deux partagé un moment particulièrement fort au mémorial de la Shoah, afin de rendre hommage aux victimes et de rappeler notre opposition ferme à toute forme d’antisémitisme. Demain, nous nous rendrons ensemble aux cérémonies du 8 mai 1945 – ce sera une première – pour redire notre attachement commun à la paix sur le continent européen.
Cette visite s’inscrit dans le cadre d’une coopération étroite et de longue date entre nos deux institutions, consacrée par la déclaration interparlementaire franco-allemande du Sénat et du Bundesrat du mois de mars 2019. Elle fait suite à mon déplacement à Berlin en novembre dernier, au cours duquel nous avons évoqué nos coopérations dans de nombreux domaines, en particulier dans le cadre européen bien sûr, mais aussi à l’échelle de nos collectivités locales.
Par leur dialogue régulier, le Sénat et le Bundesrat apportent une contribution essentielle à la relation si importante, si fondatrice, entre la France et l’Allemagne, ainsi qu’à la relation entre la France, l’Allemagne et la Pologne, dans le cadre du triangle de Weimar des secondes chambres.
Les travaux conjoints entre nos deux institutions se poursuivront fin octobre, dans le cadre de la 22e rencontre des groupes interparlementaires d’amitié du Sénat et du Bundesrat, qui se tiendra à Paris, à l’invitation du Sénat, mais aussi dans le cadre de la rencontre entre nos deux commissions des affaires européennes, sous l’égide de Jean-François Rapin.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos amis du Bundesrat et à leur présidente la plus cordiale bienvenue au Sénat français. Leur visite vient renforcer les contacts, les relations et l’amitié entre le Bundesrat et le Sénat – entre l’Allemagne et la France ! (Applaudissements.)
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Académie nationale de chirurgie
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie, présentée par Mme Pascale Gruny et M. Alain Milon (proposition n° 359 [2022-2023], texte de la commission n° 566, rapport n° 565).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous avons à nous prononcer aujourd’hui permet de réparer une injustice, à tout le moins de rétablir une équité de traitement entre les différentes sociétés savantes, comme celles qui sont consacrées à la médecine et à la pharmacie.
Alors que, depuis 2013 et 2016, le statut de personne morale de droit public à statut particulier a été reconnu respectivement à l’Académie nationale de médecine et à l’Académie nationale de pharmacie, l’Académie nationale de chirurgie demeure une association régie par la loi de 1901.
Pourquoi une telle distorsion ? Différents arguments, évoqués notamment par l’Académie nationale de médecine, visent à démontrer le caractère superfétatoire, voire dangereux, qu’aurait la reconnaissance de statut de personne morale à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie : affaiblissement, parcellisation, concurrence, donc perte d’influence et d’écoute auprès des pouvoirs publics.
Pourquoi avons-nous tendance à concevoir souvent l’émergence de l’autre, quel qu’il soit, comme un danger et non comme une chance ou une opportunité ? Ces réticences pourraient s’entendre si elles avaient empêché la création de l’Académie nationale de pharmacie, ce qui ne fut pas le cas. Ces arguments pourraient s’entendre si l’Académie nationale de chirurgie était créée ex nihilo. Or celle-ci existe depuis 1875, regroupe aujourd’hui treize spécialités chirurgicales et mène des travaux sur son champ de compétences sans que cela ait posé de difficultés à ce jour.
Lors d’une conférence devant l’Académie nationale de médecine, le professeur Philippe Marre s’est interrogé sur la signification de la double représentation de la chirurgie française dans les deux académies – médecine et chirurgie. Après un rappel historique sur les origines de cette situation, il évoque en ces termes les liens actuels entre ces deux institutions : « Actuellement, l’Académie nationale de chirurgie et la deuxième division chirurgicale de l’Académie nationale de médecine se vivent de plus en plus comme complémentaires. […] Loin de créer la confusion, l’expression de la chirurgie française dans deux institutions académiques différentes en ce début de XXIe siècle est vécue comme une richesse par les deux institutions. Elles voient coopérer leurs différentes spécialités dans les nouvelles pratiques “mini-invasives” et “interventionnelles”, qu’elles soient médicales ou chirurgicales, pour le plus grand bien des patients. »
Cette approche vient donc battre en brèche les résistances de ceux qui craignent que la reconnaissance d’un statut plus protecteur pour l’Académie nationale de chirurgie vienne heurter, interférer, amoindrir les autres académies.
Accorder le statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie serait une marque de reconnaissance légitime de la particularité du métier de chirurgien.
Cette spécificité a été soulignée par Paul Valéry, de façon très élogieuse – voire complaisante – dans un discours prononcé en 1938 lors du Congrès français de chirurgie. Il y explique que la chirurgie « demande un si riche recueil de facultés, une mémoire si prompte et si pleine, une science si sûre, un caractère si soutenu, une présence d’esprit si vive, une résistance physique, une acuité sensorielle, une précision des gestes si peu commune, que la coïncidence de tant de ressources distinctes, dans un individu, fait du chirurgien un cas tout à fait peu probable à observer ».
Jean d’Ormesson, à la même tribune, lors du Congrès de 1985, a choisi d’autres formules. Il y déclare aux auditeurs : « Vous êtes des mystiques du réel et de l’invention. Votre premier souci est de réparer ce qui ne marche pas et de faire fonctionner ce qui ne fonctionne plus : vous êtes les mécanos du Bon Dieu, vous êtes les ingénieurs conseil du hasard et de la nécessité. »
Derrière ces propos, qui peuvent sembler dithyrambiques, qui sont des propos d’intellectuel, il y a un constat lucide des aptitudes indispensables à l’exercice de cette profession, qui connaît actuellement des mutations profondes avec la robotique, l’intelligence artificielle, la simulation.
Dès lors, comment ne pas donner à ses représentants les moyens d’agir ? Comment refuser de leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent ? Mes collègues Khalifé, rapporteur, et Pascale Gruny, également auteur de cette proposition de loi, vous présenteront plus en détail les raisons et les conséquences de ce changement de statut.
Pour conclure, je reprendrai les propos de Paul Valéry en 1938 : « Au moment où je ne sais quels délires, quelles manifestations tétaniques et quelles alternatives [sont] trop souvent le témoin des derniers moments d’une civilisation qui semble vouloir finir dans le plus grand luxe de moyens de détruire et se détruire, il est bon de se tourner vers des hommes qui ne retiennent des découvertes, des méthodes et des progrès techniques que ce qu’ils peuvent appliquer au soulagement et au salut de leurs semblables. »
Si nous éprouvons encore ce besoin, il nous incombe en retour d’accorder aux chirurgiens notre reconnaissance et les moyens de garantir leur indépendance dans le cadre d’une académie bénéficiant du statut de personne morale de droit public à statut particulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi déposée le 16 février 2023 par nos collègues Pascale Gruny et Alain Milon, qui vise à conférer à l’Académie nationale de chirurgie la qualité de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République.
Ce texte, à la portée essentiellement symbolique, semble avoir soulevé certaines interrogations, voire des inquiétudes, auxquelles je vais m’efforcer de répondre, en présentant sa philosophie et les enjeux.
L’Académie nationale de chirurgie est une institution ancienne, héritière d’une tradition monarchique ayant consacré certaines académies royales dès le XVIIe siècle, pour concourir aux progrès de la science et des arts. Tel fut le cas de l’Académie des sciences, fondée en 1666 par Colbert. L’Académie royale de chirurgie est quant à elle créée en 1731, suivie en 1778 par la Société royale de médecine. Toutes deux dissoutes après la Révolution française, elles sont conjointement restaurées par une ordonnance royale de 1820 dans une Académie royale de médecine chargée de poursuivre les travaux de la Société royale de médecine et de l’Académie royale de chirurgie.
Médecins, chirurgiens, pharmaciens, cohabitent au sein de cette académie, devenue Académie nationale de médecine, depuis deux siècles. La transdisciplinarité est au cœur de l’identité de l’Académie nationale de médecine. Elle irrigue ses travaux, également enrichis par la présence de membres éminents représentant des disciplines telles que le droit public, la philosophie ou la sociologie.
En parallèle, la pharmacie et la chirurgie ont toutes deux continué à se structurer de façon autonome à partir du XIXe siècle. Les académies nationales de chirurgie et de pharmacie s’inscrivent aujourd’hui dans une logique de complémentarité, qui répond à la nécessité de maintenir la spécialisation des travaux par discipline.
Actuellement, l’Académie nationale de chirurgie est une association régie par la loi de 1901. Elle dispose de missions propres, non concurrentes avec celles de l’Académie nationale de médecine. Preuve en est, la collaboration interacadémique fructueuse qu’entretiennent ces deux institutions et qui peut les conduire à des travaux et à des communications communs.
L’objectif de cette proposition de loi est bien de préserver l’équilibre actuel, qui permet de cultiver des champs de recherche s’enrichissant mutuellement grâce à une meilleure valorisation des expertises réciproques. Les missions de l’Académie nationale de chirurgie n’ont pas vocation à être modifiées, mais elles doivent être reconnues à leur juste valeur.
La qualité de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République a été conférée par la loi à l’Académie nationale de médecine au mois de juillet 2013. Au mois de janvier 2016, la même reconnaissance a été octroyée à l’Académie nationale de pharmacie. Les motivations avancées tiennent alors essentiellement à la nécessité de développer les travaux de recherche dans le champ des sciences pharmaceutiques et biologiques. L’existence d’une division dédiée à la pharmacie au sein de l’Académie nationale de médecine n’a pas constitué un obstacle à cette évolution statutaire de l’Académie nationale de pharmacie. Elle n’a pas non plus conduit à une suppression de ladite division au sein de l’Académie nationale de médecine.
L’ambition de la présente proposition de loi pour l’Académie nationale de chirurgie n’est pas différente : il s’agit de contribuer à soutenir l’exercice de ses missions. L’Académie nationale de chirurgie valorise l’excellence du savoir et des pratiques de la chirurgie française. Elle s’investit dans la formation continue des chirurgiens, ainsi que dans la promotion de la recherche et de l’innovation, qui jouent un rôle fondamental dans l’évolution de la technique chirurgicale. À l’heure où l’intelligence artificielle bouleverse les pratiques de la discipline, il est essentiel de donner à cette académie une reconnaissance qui confortera sa légitimité et l’érigera comme un interlocuteur à part entière du Gouvernement.
L’Académie nationale de chirurgie œuvre d’ailleurs déjà aux côtés de l’Agence de l’innovation en santé et entretient des relations avec la Haute Autorité de santé (HAS), mais aussi avec le monde de la recherche fondamentale et appliquée. Elle constitue ainsi une instance de réflexion au service des pouvoirs publics. Elle est par ailleurs reconnue comme établissement d’utilité publique.
La consécration par la loi de cette institution en tant que personne morale de droit public à statut particulier permettra également d’en assurer l’indépendance, notamment financière. La proposition de loi prévoit en effet que l’Académie s’administre librement et qu’elle bénéficie de l’autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes. Le budget de l’Académie, d’ailleurs excédentaire, s’appuie sur des produits qui proviennent essentiellement des cotisations de ses membres et de concours privés. Je précise que le statut de personne morale de droit public n’emporte pas de conséquences automatiques en termes de soutien financier par les pouvoirs publics. Ainsi, si l’Académie nationale de médecine bénéficie de personnels affectés et d’une subvention annuelle obligatoire, la subvention perçue par l’Académie nationale de pharmacie ne revêt pas de caractère obligatoire, et son montant est mineur.
La reconnaissance de ce statut particulier emporte enfin certains attributs juridiques spécifiques, comme l’insaisissabilité des biens et la compétence du juge administratif. Ainsi que cela a été le cas pour l’Académie nationale de pharmacie en 2016, la personne morale de droit public devrait se substituer à l’association de droit privé pour ses contrats, la propriété de ses biens et l’ensemble de ses droits et obligations.
En définitive, ces académies, héritières d’une histoire commune également prestigieuse, ne bénéficient pas de la même reconnaissance. La différence de traitement qui subsiste aujourd’hui place l’Académie nationale de chirurgie dans une situation d’infériorité symbolique qui n’apparaît pas justifiée.
L’argument qui motive la reconnaissance d’une académie de pharmacie par le fait que la pharmacie correspond à une profession différente de la médecine n’est pas convaincant au regard de l’enjeu du texte : donner à une discipline les moyens de porter une expertise spécialisée reconnue et faire progresser la recherche académique. D’ailleurs, le Conseil national de l’ordre des médecins a exprimé un soutien sans réserve à ce texte.
Ayant entendu les réserves exprimées, j’ai néanmoins souhaité soumettre à notre assemblée des amendements susceptibles de rassurer tous les acteurs. En premier lieu, nous avons adopté en commission un amendement visant à préserver le nom actuel de l’Académie nationale de chirurgie sans y adjoindre les pratiques interventionnelles innovantes. En deuxième lieu, lors de l’examen de l’article unique, la commission proposera d’adopter deux amendements tendant à prévenir tout risque de concurrence éventuelle avec les travaux de l’Académie nationale de médecine, laquelle intervient également dans le champ de la chirurgie. En troisième lieu, elle proposera, au travers d’un troisième amendement, de différer l’entrée en vigueur du dispositif, pour permettre au Gouvernement de définir les conséquences réglementaires de cette évolution statutaire en lien avec l’Académie nationale de chirurgie.
En résumé, les origines communes et l’histoire pluriséculaire partagée par les trois académies, autant que la nature des missions de l’Académie nationale de chirurgie, plaident en faveur de la reconnaissance de ce statut particulier. Loin de créer une redondance superflue ou une concurrence délétère, une telle évolution permettrait au rôle de l’Académie nationale de chirurgie d’être ainsi justement reconnu.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
(Mme Sylvie Robert remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, cher Alain Milon, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen d’une proposition de loi qui vise à conférer à l’Académie nationale de chirurgie la qualité de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République.
Ce statut a notamment été reconnu par la loi aux académies nationales de médecine et de pharmacie, respectivement en 2013 et 2016.
En revanche, l’Académie nationale de chirurgie demeure constituée sous forme d’association régie par la loi de 1901 reconnue d’utilité publique.
Si l’intention des auteurs de cette proposition de loi, que je partage, est de mieux valoriser la chirurgie, les modalités soulèvent un certain nombre de risques et d’inconvénients qui pourraient en réduire considérablement l’intérêt.
Premièrement, en consacrant une Académie nationale de chirurgie distincte de l’Académie nationale de médecine, cette proposition de loi risquerait de fragmenter le paysage médical en séparant plus nettement les chirurgiens des autres disciplines. Cela entraînerait nécessairement une dissociation des expertises et des institutions.
Ce serait dommageable tant pour la connaissance scientifique que pour les projets de recherche médicale et, à terme, pour la prise en charge des patients.
En effet, le risque est d’entraîner une diminution des interactions entre l’Académie nationale de chirurgie et l’Académie nationale de médecine.
Surtout, la nouvelle académie de chirurgie serait de nature à créer de la confusion éventuelle avec les missions dévolues à la deuxième division de l’Académie nationale de médecine, qui traite, elle aussi, des spécialités chirurgicales.
Dès lors, cela pourrait encourager des développements parallèles et une individualisation accrue des deux institutions, ce qui est clairement en opposition avec les évolutions scientifiques en cours.
En effet, cette proposition de loi pose la question de l’opportunité d’isoler la chirurgie et les pratiques interventionnelles innovantes du reste de la médecine. Cette question est d’autant plus pertinente que les structures, les organisations et la réalité des pratiques médicales tendent, au contraire, à converger et à se rapprocher au bénéfice d’une approche plus coordonnée des soins.
La formation des chirurgiens et des médecins est aujourd’hui commune pour les six années de formation des deux premiers cycles. En outre, plusieurs spécialités enseignées en troisième cycle sont des spécialités médico-chirurgicales, comme l’ophtalmologie ou la gynécologie-obstétrique. Qui plus est, un certain nombre de spécialités médicales développent des exercices interventionnels, comme en cardiologie.
Nous identifions donc un risque de voir se dissocier les disciplines chirurgicales et les disciplines médicales, alors même que c’est le rapprochement des deux disciplines qui permet d’améliorer la prise en charge des patients.
L’intégration de la radiologie interventionnelle dans les procédures chirurgicales montre par exemple comment la médecine diagnostique et le traitement chirurgical se complètent.
De même, l’oncologie chirurgicale et la pharmacochirurgie révèlent comment la combinaison de la chimiothérapie, de la radiothérapie et des interventions chirurgicales peut offrir une prise en charge complète et personnalisée du cancer, adaptée aux besoins spécifiques de chaque patient.
Enfin, les progrès de la médecine régénérative et de la bio-ingénierie ouvrent des horizons nouveaux pour la chirurgie reconstructive, avec l’utilisation de thérapies cellulaires pour restaurer ou remplacer les tissus endommagés.
Ces exemples démontrent clairement que l’avenir des soins de santé réside dans une approche intégrée, où médecine et chirurgie s’entremêlent d’abord, pour offrir des solutions de traitement plus efficaces, plus innovantes et moins invasives ; ensuite, pour optimiser la qualité des soins ; enfin, pour encourager la recherche et continuer à repousser les frontières de la connaissance scientifique.
Cette proposition de loi pourrait susciter à terme des questions opérationnelles, notamment sur le fonctionnement et le financement.
Il est important de noter que l’Académie nationale de chirurgie, fondée – cela a été rappelé – en 1859 et reconnue d’utilité publique, dispose déjà d’un certain nombre de capacités juridiques et opérationnelles. En tant que personne morale, elle est déjà apte à produire des actes juridiques et à conclure des contrats. Elle peut aussi être titulaire d’un patrimoine ou recevoir des dons.
Modifier son statut comme cela est proposé pourrait étendre de manière redondante ces capacités sans apporter de bénéfices tangibles et provoquer une duplication des structures et des efforts, alors que les pouvoirs publics se sont au contraire résolument engagés dans une dynamique de simplification.
Par ailleurs, les modalités de financement de cette nouvelle académie devraient être, le cas échéant, redéfinies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends votre souhait d’agir sur le sujet. Je partage pleinement votre volonté de consacrer la discipline chirurgicale en lui donnant une place et un rôle à la hauteur de ce qu’elle apporte chaque jour aux patients de notre pays.
Néanmoins, pour toutes les raisons que j’ai pu évoquer devant vous, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur cette proposition de loi.
Cela ne vise évidemment en aucun cas à remettre en cause la valeur et l’importance de la chirurgie dans notre système de santé. Nous souhaitons plutôt encourager le développement des interactions entre l’Académie nationale de médecine et l’Académie nationale de chirurgie organisée dans sa forme actuelle.
Je le redis, le Gouvernement est convaincu de l’importance de renforcer les liens et les synergies entre toutes les disciplines médicales au bénéfice de l’innovation et de l’amélioration des soins, et ce pour tous les Français.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Académie nationale de chirurgie a le statut d’association de droit privé reconnue d’utilité publique depuis 1859.
Elle ne jouit donc pas du même statut que ses pendants de médecine et de pharmacie, qui bénéficient, respectivement depuis 2013 et 2016, du statut de personne morale de droit public à statut particulier.
Cette proposition de loi tend à y remédier en modifiant le statut actuel de l’Académie nationale de chirurgie pour passer à celui de personne morale de droit public à statut particulier.
Pourquoi vouloir donner à l’Académie nationale de chirurgie le même statut que celui des académies nationales de médecine et de pharmacie ? Cette question reste encore insuffisamment étayée.
Je commence par l’argument consistant à dire qu’il faudrait placer l’Académie nationale de chirurgie sur un pied d’égalité avec ses pendants de médecine et de pharmacie. L’égalité ne saurait être un argument en soi. Un tel changement de statut n’aurait d’intérêt que si les patients et les professionnels y gagnaient. Quelle est la plus-value ? Quel serait le bénéfice à voir bousculer la gouvernance d’une institution qui, selon les informations en notre possession, fonctionne actuellement très bien ?
Vous l’avez vous-même indiqué, monsieur le rapporteur : l’Académie nationale de chirurgie ne sollicitera aucun financement complémentaire si elle change de statut. Ce changement lui accorderait la possibilité de le faire.
La chirurgie fait pleinement partie de la médecine. Il y a d’ailleurs, à juste titre, une section de chirurgie au sein de l’Académie nationale de médecine, afin d’assurer la transversalité. Renforçons-la si besoin est ! Nous craignons que la discipline ne soit pas grandie à multiplier ses instances.
Donner ce statut à l’Académie nationale de chirurgie, c’est lui donner son indépendance en matière d’administration et dans toutes les décisions.
N’y a-t-il pas un risque de voir se dessiner une certaine forme de concurrence entre les deux académies ? (M. Alain Milon s’exclame.) Naturellement, une certaine compétition pourrait s’installer, avec, peut-être, l’émergence de contradictions.
Dans de nombreux domaines, la concurrence peut être saine, car elle entraîne l’émulation. En ce qui concerne les académies nationales de médecine et de chirurgie, nous n’en sommes toutefois pas convaincus.
Les progrès techniques en matière de chirurgie vont amener à revoir les frontières des disciplines, notamment l’avènement de l’intelligence artificielle et les avancées dans certains types d’interventions : tout ce que l’on pensait impossible voilà encore quelques années.
Alors, plus que jamais, il est nécessaire que la chirurgie et la médecine collaborent le plus étroitement possible.
Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué en commission que cette proposition de loi avait essentiellement une portée symbolique. Il existe bien des symboles qui mériteraient une étude approfondie menant à des propositions législatives. Je ne pense pas que celui-ci soit prioritaire.
Nous n’avons pas davantage d’arguments contre cette proposition de loi que ses auteurs n’en ont avancé en sa faveur.
La santé est un domaine dans lequel on ne doit pas prendre de risques. Il faut être certain de la direction, dans l’intérêt des professionnels et des patients.
Ne voyant pas les effets bénéfiques qu’aurait ce texte et redoutant même ses éventuels effets néfastes, le groupe Les Indépendants votera contre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui l’évolution du statut juridique de l’Académie nationale de chirurgie, pour lui permettre d’accéder à la qualité de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République.
Ce régime juridique ne concerne actuellement qu’une poignée d’institutions prestigieuses, comme l’Académie française ou l’Académie des beaux-arts, rassemblées au sein de l’Institut de France.
Si la création de l’Académie nationale de chirurgie remonte à l’Ancien Régime, cette institution n’a cessé d’évoluer au fil des siècles, à mesure que les progrès de la médecine moderne s’accéléraient et afin de répondre aux missions d’intérêt général et d’utilité publique dont elle est originellement investie.
Cet héritage historique, elle le partage notamment avec les académies nationales de médecine et de pharmacie, qui se sont vu attribuer, en 2015 et en 2016, un statut de personne morale de droit public, ce qui est finalement assez récent.
La nécessité d’assurer un statut équivalent à l’Académie nationale de chirurgie rétablirait l’égalité entre ces trois entités. L’actualisation du statut de cette entité se justifie aussi par la nature des relations que les trois académies entretiennent de longue date. Il s’agit de relations de coopération structurée qui permettent l’élaboration des travaux interacadémiques.
Faire évoluer la nature juridique de l’Académie nationale de chirurgie, qui dispose jusqu’à présent du statut d’association de droit privé régie par la loi de 1901, en personne morale de droit public emporte naturellement des conséquences.
Cette évolution doit permettre à l’institution de renforcer son implication dans les missions d’intérêt général qu’elle exerce au contact d’institutions publiques et privées, entre autres auprès du Gouvernement, de la Haute Autorité de santé ou encore de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ou de France Biotech.
La transformation de l’Académie nationale de chirurgie en personne morale de droit public lui permettrait notamment de bénéficier d’attributs spécifiques attachés aux « prérogatives de puissance publique », comme l’insaisissabilité de ses biens ou la compétence du juge administratif pour les litiges la concernant.
La proposition de loi a pour effet de renforcer et de consacrer l’indépendance de cette académie, en prévoyant que celle-ci s’administre librement, que ses décisions entrent en vigueur sans autorisation préalable et qu’elle bénéficie de l’autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes, comme c’est aujourd’hui le cas s’agissant des académies nationales de médecine et de pharmacie.
Ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, l’Académie est particulièrement impliquée dans les travaux participant à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique de santé publique de notre pays. Cela vient également compléter son rôle structurant, dans les domaines de la recherche et de l’enseignement, qui participent au rayonnement de la communauté académique et universitaire chirurgicale française.
Ce texte a tout de même soulevé des discussions sur plusieurs points lors de son examen par la commission des affaires sociales.
Parmi ces points figurait notamment la question de la nécessité, ou non, de renommer l’Académie nationale de chirurgie en « Académie nationale de chirurgie et des pratiques interventionnelles innovantes ». Si elle a été pensée pour refléter les évolutions ayant marqué les pratiques opératoires des dernières décennies, cette nouvelle dénomination n’a pas été retenue, car elle introduirait une distinction entre l’Académie nationale de chirurgie et les académies nationales de médecine et de pharmacie, ce qui n’est pas justifié.
Un autre point de discussion porte sur l’intérêt même de porter modification du statut juridique de cette académie alors qu’une division Chirurgie et spécialités chirurgicales existe au sein de l’Académie nationale de médecine. Toutefois, exactement de la même façon que pour la pharmacie, l’existence d’une division ne saurait s’opposer à l’octroi du statut de personne morale de droit public pour cette académie, et ce d’autant qu’elle est, à l’heure actuelle, la seule institution en France assurant l’égale représentation des treize spécialités chirurgicales que sont, à titre d’exemple, la chirurgie orale, la chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, la neurochirurgie ou encore l’oto-rhino-laryngologie.
En cas d’adoption définitive de ce texte, il reviendrait au Gouvernement d’apprécier les conditions permettant de garantir l’indépendance financière de l’Académie nationale de chirurgie, en d’autres termes d’établir la part ou non du soutien de l’État dans son financement. À titre d’exemple, l’Académie nationale de médecine ne sollicite aucune cotisation de la part de ses membres et dépend uniquement du soutien de l’État, tandis que les recettes de l’Académie nationale de pharmacie sont constituées à 44,5 % des cotisations de ses membres.
Il reviendrait également au pouvoir réglementaire de définir le mode de gouvernance de l’Académie en prévoyant de nouveaux statuts relatifs à la composition d’une assemblée générale, d’un conseil d’administration et d’un bureau. L’Académie a d’ailleurs exprimé le souhait que ses statuts actuels soient transposés dans le cadre de son passage au régime de droit public.
Mes chers collègues, alors que les travaux préparatoires et les auditions associées ne laissaient pas imaginer de difficultés du secteur à accepter cette modification, quelques heures avant la réunion de la commission des affaires sociales, plusieurs remarques se sont fait entendre.
C’est pourquoi le rapporteur proposera trois amendements, que je salue.
L’un tend à différer de deux ans l’entrée en vigueur de ce texte, ce qui nous laissera le temps de bien accompagner le changement.
Un autre a pour objet de circonscrire à la chirurgie les avis que l’Académie nationale de chirurgie pourrait rendre au Gouvernement, alors que le texte initial prévoyait des avis en matière de santé publique.
Le dernier vise à coordonner les travaux de l’Académie nationale de chirurgie avec ceux de l’Académie nationale de médecine dans le champ de la chirurgie.
Dans un esprit d’apaisement, le groupe Union Centriste votera ces trois amendements et votera également en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit vise à donner un statut renforcé à l’Académie nationale de chirurgie. Ses auteurs et le rapporteur, que je salue, justifient cette proposition par l’héritage historique de l’Académie. Si l’héritage qui nous est présenté invite en effet à renforcer le statut de l’Académie nationale de chirurgie, je souhaite proposer un autre éclairage sur le rôle des académies dans les politiques de santé. En particulier, je m’attacherai à revenir non pas sur la naissance et les travaux des académies, mais sur leurs disparitions et leurs raisons.
En effet, on retient aisément que l’Académie royale de chirurgie fut supprimée en 1793 par la Convention, en raison de l’esprit monarchique qu’elle incarnait. J’aimerais rappeler à notre assemblée que cette disparition était aussi motivée par l’inadéquation de l’existence de cette structure aux politiques de santé défendues par les révolutionnaires. En effet, ces derniers souhaitaient affirmer le droit de l’homme à la santé et faire du malade un citoyen.
L’historienne Dora B. Weiner définissait ainsi en 1993 l’idéal révolutionnaire du « citoyen-patient », une idée proche de ce que nous définirions aujourd’hui comme la démocratie sanitaire : le patient devient acteur de sa propre santé. En d’autres termes, les révolutionnaires entendaient consacrer l’égalité des citoyennes et des citoyens dans la santé.
L’un de nos prédécesseurs, François de La Rochefoucauld-Liancourt, alors président de l’Assemblée constituante, qui sera membre de la Chambre des Pairs trente ans plus tard, déclarait : « La bienfaisance publique doit à l’indigent malade des secours prompts, gratuits, certains et complets. » Au cours des travaux des assemblées révolutionnaires, il poursuivit ce combat pour que chaque citoyen devienne, en quelque sorte, son propre médecin.
Plutôt que le renforcement de l’académie et la spécialisation des savoirs dans des chambres d’experts, les révolutionnaires ont privilégié le partage des connaissances et une forme d’empouvoirement en santé. En tout cas, tel était leur projet.
Sans opposer nécessairement les académies à la démocratie sanitaire, cette proposition de loi nous permet de rappeler que la politique consiste souvent à faire des choix dans les priorités que nous nous donnons. Vous l’aurez compris, le renforcement des académies ne fait pas partie de mes priorités, au contraire de la démocratie sanitaire.
Pour revenir auxdites académies, rappelons les raisons de leur renaissance. En 1820, Louis XVIII créait l’Académie royale de médecine, chargée de poursuivre les travaux de la Société royale de médecine et de l’Académie royale de chirurgie. L’Académie nationale de médecine que nous connaissons tire donc ses origines d’une volonté royale. Qu’en est-il en ce qui concerne la chirurgie ? En 1842, en plein règne de Louis-Philippe, une nouvelle société de chirurgie fut créée ; elle deviendra l’Académie nationale de chirurgie.
Au fond, les académies nationales de médecine et de chirurgie, à destination de spécialistes et de corporations, n’ont pas été des outils de la démocratie sanitaire et semblent à peine l’envisager aujourd’hui. Si les corps médicaux et chirurgicaux peuvent concourir à la détermination des politiques de santé, le cadre académicien ne suffit pas à émettre un avis éclairé, sur le fondement d’une réflexion scientifique incontestable. Preuve en est la diffusion de fausses nouvelles concernant les risques sanitaires de l’amiante par l’Académie nationale de médecine dans les années 1990.
Renforcer les académies, pourquoi pas, mais uniquement lorsqu’elles auront pris le chemin d’une réforme nécessaire qui leur permettra d’intégrer les citoyennes et les citoyens à leurs travaux. Oui, quand elles prendront en compte le nouveau régime climatique et, par exemple, les risques posés par la mutation écologique en matière de maladies émergentes, de santé respiratoire ou encore d’accès aux ressources !
Pour finir, nous avons entendu ces dernières semaines l’opposition de l’Académie nationale de médecine au fait que nous accordions ce statut renforcé à l’Académie nationale de chirurgie. Il ne nous appartient pas, à nous, parlementaires, de trancher ces querelles de chapelle.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre cette proposition de loi, qu’il juge à ce stade anachronique.
Mme Pascale Gruny. Pourquoi ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons cet après-midi pour débattre de la proposition de loi, présentée par des membres du groupe Les Républicains, visant à accorder le statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie.
L’objectif, qui peut sembler louable, est celui d’une égalité de traitement avec les académies nationales de médecine et de pharmacie, qui ont un tel statut, et de reconnaître pleinement l’importance des missions que l’Académie nationale de chirurgie exerce, autant que la qualité de ses travaux.
Nous abordions ce sujet, le pensant sans grand enjeu, et faisant l’objet d’un consensus entre l’ensemble des acteurs.
Il n’en est visiblement rien et sans doute faut-il prendre le temps d’examiner de manière plus approfondie les implications d’une telle décision. Je sais que vous avez déposé des amendements en ce sens, monsieur le rapporteur.
Lorsque l’Académie nationale de médecine alerte sur « l’affaiblissement majeur qu’entraînerait l’adoption de cette proposition de loi au regard des problématiques de santé publique et de l’expertise transversale et pluridisciplinaire qu’elles nécessitent plus que jamais aujourd’hui », un examen approfondi s’impose, et ce d’autant que, si sa pertinence était confirmée, l’objet de cette proposition pourrait tout à fait trouver sa place sous forme d’amendement dans un projet de loi sur la santé ou sur la recherche.
Évidemment, cela impliquerait que le Gouvernement nous saisisse de tels textes, alors que chacun sait ici qu’il a choisi de gouverner en contournant toujours plus le Parlement. Résultat, les travaux parlementaires sont parsemés de propositions de loi parcellaires, dépourvues de vision globale pour répondre aux enjeux, pourtant immenses – avec l’écueil que nous vivons aujourd’hui.
J’ajoute à l’adresse des différentes parties prenantes que, pour sérieux et indispensables que soient leurs travaux, nous devrions tous garder en tête les urgences et les priorités en matière de santé.
Hier encore, j’ai été interpellée par un patient en affection de longue durée dont le médecin traitant part à la retraite le 1er juillet prochain et qui peine à trouver un médecin pour le suivre après cette date, alors même que son état de santé nécessite des visites à domicile très régulières.
Je ne m’étendrai ni sur la situation de nos hôpitaux – tout le monde la connaît ici –, avec des services d’urgence qui ferment faute de personnels en nombre suffisant, ni sur la situation de nos Ehpad, 80 % des Ehpad publics faisant face à des déficits structurels.
Je pourrais évoquer la financiarisation de la santé, qui inquiète de plus en plus de professionnels et fait d’ailleurs en ce moment même l’objet d’une mission d’information ici, au Sénat.
Je pourrais évoquer les pénuries de médicaments, qui s’accroissent. D’ailleurs, nous vous invitons, monsieur le ministre, à vous saisir d’urgence des recommandations de la commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet, tout particulièrement face aux annonces de mise en vente de Biogaran.
Certes – je ne suis pas naïve, ni même populiste, comme le diraient certains –, il existe des sujets importants qui ne font pas forcément partie des premières préoccupations de nos concitoyens. Attention tout de même à ne pas engager ou nourrir des batailles qui accentuent davantage encore les fractures dont certains font leur miel. Attention à ce que d’obscurs enjeux n’accentuent pas la déconnexion avec la réalité des difficultés de nos concitoyens.
Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’avez compris, mes chers collègues, les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky sont extrêmement réservés sur ce texte et ne le voteront pas.
Je crois même, pour conclure, qu’à l’issue de notre débat et de l’examen des amendements, qui seront certainement adoptés si j’en juge par la discussion que nous avons eue en commission, ce texte deviendra une espèce d’Opni, un objet parlementaire non identifié. Nous avons des choses plus utiles et plus urgentes à faire en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, fondée en 1731, l’Académie nationale de chirurgie est une institution prestigieuse, dont le principal objectif est de promouvoir l’avancement de la chirurgie en France et dans le monde.
Héritière d’illustres chirurgiens français, tel Ambroise Paré, elle joue un rôle important dans l’élaboration de normes et de protocoles chirurgicaux, ainsi que dans la promotion de l’éthique et de la déontologie professionnelle au sein de la communauté chirurgicale.
Elle est la seule institution française à regrouper les treize spécialités chirurgicales.
À l’époque d’Hippocrate, la chirurgie faisait partie intégrante de la médecine et ce n’est qu’à partir du XIIe siècle que son exercice s’individualisa progressivement par rapport à l’art médical.
Pour autant, l’Académie nationale de chirurgie et l’Académie nationale de médecine sont de plus en plus complémentaires. Cette proximité grandissante se traduit par l’organisation de séances annuelles biacadémiques, mais également par des commissions, des séminaires et des colloques communs.
Alain Milon, l’auteur de la proposition de loi, a d’ailleurs rappelé les propos de l’ancien président de l’Académie nationale de chirurgie, Philippe Marre, qui soulignait la richesse des coopérations avec l’Académie nationale de médecine.
Toutefois, ces deux académies ne bénéficient pas de la même reconnaissance. L’Académie nationale de chirurgie est une association à but non lucratif, d’intérêt public, alors que l’Académie nationale de médecine est, depuis 2013, une personne morale de droit public placée sous l’autorité du Président de la République. L’Académie nationale de pharmacie bénéficie de la même reconnaissance depuis 2016.
Le texte dont nous débattons cet après-midi viserait ainsi, selon le rapporteur, à rétablir une égalité de traitement avec les académies nationales de médecine et de pharmacie.
Cette proposition de loi nous semblait pour le moins anodine, mais nous avons tous été interpellés, voilà quelques jours, par le secrétaire perpétuel de l’Académie nationale de médecine : selon lui, le changement de statut souhaité par les membres de l’Académie nationale de chirurgie serait dangereux et inacceptable.
Alors que la chirurgie – spécialité médicale – est une composante de l’Académie nationale de médecine, il estime que cette modification conduirait « à une déstructuration de l’Académie nationale de médecine et de son efficacité en santé publique ».
J’avoue que, au sein du groupe RDSE, nous mesurons difficilement les enjeux de ce texte qui nous semblait essentiellement symbolique.
Aussi, nous nous interrogeons sur la pertinence d’ouvrir un débat qui risque de créer des tensions entre ces deux institutions.
Surtout, nous nous demandons s’il est opportun d’aborder cette question alors que notre système de santé connaît une crise sans précédent et qu’il est confronté à de multiples défis : vieillissement de la population, inégalités d’accès aux soins, saturation des services hospitaliers, manque de personnel médical, sans parler des problèmes de financement…
Afin de faire face à cette crise, des réformes sont nécessaires pour améliorer l’organisation des soins, renforcer la prévention, investir dans la formation et le recrutement de personnel médical, moderniser les infrastructures hospitalières et garantir un accès équitable aux soins pour tous les citoyens.
Comme le rappelle souvent ma collègue Véronique Guillotin, notre système de santé a besoin d’un véritable « choc d’attractivité ».
Le rapporteur, qui a réalisé, ces derniers jours, un travail d’équilibriste que je salue, a, semble-t-il, trouvé les moyens de rétablir la paix entre les deux institutions et de parvenir à un compromis. Pour autant, c’est aussi pour ces raisons qu’une partie des membres du groupe RDSE s’abstiendront, tandis que les autres voteront contre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel rôle a joué, quel rôle joue l’Académie nationale de chirurgie ? Celui de promouvoir l’excellence du savoir et de la pratique de la chirurgie française, non seulement en France, mais partout à travers le monde.
Elle accompagne pour ce faire les professionnels concernés, quelle que soit leur spécialité, dans les évolutions profondes de leur métier. La discipline connaît en effet des transformations, entretenues par des innovations continues, liées, d’une part, au progrès technique, à l’image de la chirurgie assistée par ordinateur, d’autre part, à des changements d’organisation – on peut citer les hospitalisations courtes après une chirurgie majeure.
Elle joue donc un rôle important, que je veux souligner en introduction.
Depuis ses origines, sous Louis XV, le but de cette institution est, par conséquent, de concourir au progrès de la science, de la recherche et à l’amélioration des interventions, dans l’intérêt toujours supérieur des patients que nous sommes.
Un détour par le passé s’impose, en effet, si l’on veut mieux comprendre l’orientation du texte dont nous débattons cet après-midi.
Tout comme la Société royale de médecine, l’Académie royale de chirurgie, qui avait été fondée en 1731, a été dissoute par la Convention en 1793. C’est sous la Restauration que l’Académie royale de médecine a été créée ; elle comportait une division consacrée à la chirurgie, en plus de celles qui étaient dédiées à la médecine et à la pharmacie.
Parallèlement, les chirurgiens ont continué à se structurer en constituant, en 1843, la Société des chirurgiens de Paris, devenue la Société des chirurgiens français trente ans plus tard.
Les académies nationales de chirurgie et de médecine ont, de fait, connu des évolutions parallèles depuis le XVIIIe siècle. Cette proximité a rendu possible une interpénétration des disciplines médicales et chirurgicales, de même qu’une collaboration interacadémique remarquable. Ce dialogue continu doit être préservé.
L’Académie nationale de pharmacie est également l’héritière d’une histoire ancienne. Elle a succédé à la Société libre des pharmaciens de Paris, fondée en 1796, qui est devenue la Société de pharmacie de Paris en 1803. Reconnue d’utilité publique par un décret du maréchal de Mac Mahon en 1877, elle devint l’Académie nationale de pharmacie en 1979.
Venons-en aux dispositions de la présente proposition de loi.
Ainsi que le précise l’exposé des motifs, « comme leurs confrères de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de pharmacie, les membres de l’Académie nationale de chirurgie souhaitent voir attribuer à leur compagnie, qui est actuellement une association de droit privé reconnue d’utilité publique depuis 1859, le statut de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République ».
L’Académie nationale de médecine est en effet une personne morale de droit public sui generis. Ses statuts récents sont définis par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, complétée par le décret portant approbation des statuts de l’Académie nationale de médecine du 30 décembre 2014.
Le législateur a prévu que l’institution a notamment pour mission « de s’occuper de tous les objets d’étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de l’art de guérir ».
Par la suite, l’article 130 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a donné le même statut à l’Académie nationale de pharmacie, chargée « de s’occuper de tous les objets d’étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de la pharmacie, notamment pour ce qui concerne le médicament, les produits de santé, la biologie et la santé environnementale ».
Les auteurs de la proposition de loi, nos collègues Pascale Gruny et Alain Milon, que je remercie de leur travail, nous soumettent l’idée de transformer le statut de l’Académie nationale de chirurgie, afin de donner à son tour à cette dernière la qualité de personne morale de droit public. Elle aurait ainsi pour mission « de répondre, à titre non lucratif, aux demandes du Gouvernement sur toute question concernant la santé publique et de s’occuper de tous les objets d’étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de l’art chirurgical ».
Cette volonté, qui est celle de l’Académie nationale de chirurgie elle-même, soulève, aux yeux du groupe RDPI, plusieurs interrogations.
Selon les auteurs du texte, ce nouveau statut « remettrait l’Académie nationale de chirurgie et des pratiques interventionnelles innovantes […] dans une situation d’égalité avec l’Académie nationale de médecine », leurs histoires respectives ayant toujours suivi jusqu’en 2013 une « trajectoire parallèle », comme je l’ai d’ailleurs rappelé. L’exposé des motifs précise aussi que les membres de l’Académie nationale de chirurgie sont très souvent, comme leurs confrères médecins, des hospitaliers universitaires et que cette institution a pour objet principal également « la promotion de la recherche » et « la diffusion de ses résultats ».
Pourtant, la modification du statut qui est envisagée n’a pas vocation à modifier cette situation. De plus, comme l’indiquent les auteurs de la proposition de loi, l’Académie nationale de médecine comporte une section de chirurgie, dont certains membres appartiennent aussi à l’Académie nationale de chirurgie. Donner un statut identique à cette dernière entraînerait de facto une mise en concurrence des deux entités. Celle-ci, nous semble-t-il, n’a pas lieu d’être, alors que l’équilibre est aujourd’hui respecté.
Enfin, cette proposition ne semble pas s’accompagner de l’octroi de nouveaux droits pour l’Académie, qu’ils soient institutionnels ou financiers.
En commission, beaucoup d’entre nous ont pointé le risque de créer un déséquilibre entre les deux académies, alors qu’une telle question ne se pose pas aujourd’hui.
Dans la mesure où l’objet du texte est, nous le comprenons bien, principalement symbolique, pourquoi prendre ce risque ?
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe Les Républicains Pascale Gruny et Alain Milon, visant à accorder à l’Académie nationale de chirurgie le statut de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République. Ce statut a été reconnu par la loi aux académies nationales de médecine et de pharmacie, respectivement, en 2013 et 2016.
Bien que cette initiative semble dépourvue d’enjeux particuliers, elle soulève des questions, notamment concernant l’équité de reconnaissance au regard du rôle et du positionnement des différentes académies médicales.
Je salue les efforts du rapporteur, Khalifé Khalifé, pour rapprocher les points de vue et pour amender le texte proposé.
Actuellement, l’Académie nationale de chirurgie ne bénéficie pas de la même reconnaissance que l’Académie nationale de médecine.
La collaboration entre les deux instances a toujours été fructueuse, ce qui a contribué au développement d’un dialogue essentiel pour l’avancement de la recherche et des pratiques médicales.
Toutefois, la proposition de loi suscite des préoccupations légitimes quant à ses implications.
Nous avons tous été interpellés par l’Académie nationale de médecine. Celle-ci nous a fait part de ses inquiétudes quant aux conséquences qu’aurait l’adoption de cette proposition sur son propre avenir.
Cette évolution du statut de l’Académie nationale de chirurgie remettrait-elle en cause l’expertise transversale et pluridisciplinaire de l’Académie nationale de médecine, expertise nécessaire dans le domaine de la santé publique ?
L’Académie nationale de médecine souligne que la chirurgie est une discipline de la médecine et que l’évolution statutaire proposée risque d’affaiblir son rôle, alors que notre approche de la santé nécessite une vision globale et intégrée, d’autant plus à l’heure de l’intelligence artificielle et alors que la prise en charge des patients est de plus en plus complexe.
L’existence de deux académies traitant de sujets similaires pourrait compliquer les réponses aux défis de santé actuels et entraîner des prises de position divergentes, donc de la confusion, dans un domaine aussi crucial.
Personne ne bénéficiera de discussions stériles sur les statuts, alors que nous devrions concentrer notre attention sur des sujets plus pressants, en particulier dans le domaine de la santé.
Pour notre part, nous préférerions travailler à une grande loi de santé, qui garantirait l’accès aux soins de tous sur tout le territoire.
La demande d’évolution de son statut par l’Académie nationale de chirurgie paraît légitime ; elle répond à un sentiment d’infériorité ressenti par certains chirurgiens.
Comme cela a été rappelé en commission, cette évolution revêtirait principalement un caractère symbolique.
En effet, en plaçant l’Académie nationale de chirurgie sous la protection du Président de la République, l’objectif est de restaurer son prestige et de renforcer sa reconnaissance institutionnelle.
Outre les académies nationales de médecine et de pharmacie, cette distinction a été accordée en 2006 aux cinq académies de l’Institut de France.
Cette reconnaissance confère indéniablement à l’Académie nationale de chirurgie un statut privilégié et la place comme un interlocuteur légitime auprès du Gouvernement, ce qu’elle est toutefois déjà.
La qualité de personne morale de droit public emporte également la compétence exclusive du juge administratif et l’insaisissabilité de ses biens.
Cette reconnaissance consacre aussi l’indépendance de l’institution : elle lui permet de s’administrer librement et de bénéficier d’une autonomie financière, sous le contrôle de la Cour des comptes.
Il est à noter que l’Académie nationale de médecine dispose d’un budget de fonctionnement bien supérieur à celui des autres académies. Malgré les inquiétudes légitimes quant à une éventuelle diminution de ses financements, il est important de souligner que, tout comme les pharmaciens, les chirurgiens ne sollicitent pas, à ce jour, de crédits supplémentaires de la part de l’État.
Nous avons regretté la réaction tardive de l’Académie nationale de médecine, qui n’avait pas émis de réserve sur cette proposition de loi lors de son audition au Sénat. Selon l’un de ses membres, l’audition s’est tenue dans des délais très courts, sans étude préalable du contenu de la proposition de loi et de ses implications potentielles.
Après avoir eu de nouveaux contacts avec l’Académie nationale de médecine, je souhaite rappeler l’historique de cette institution.
L’Académie royale de chirurgie et la Société royale de médecine ont été créées respectivement en 1731 et en 1778, avant d’être dissoutes durant la Révolution. L’Académie royale de médecine a été créée par ordonnance du 20 décembre 1820.
À l’époque, l’idée de créer deux académies distinctes de médecine et de chirurgie a été rejetée au profit de la création d’une académie unique, composée de quatre-vingt-cinq membres titulaires et de soixante membres honoraires, répartis en trois divisions – médecine, chirurgie et pharmacie.
Dès 1820, la priorité donnée aux patients et la nécessité d’une prise en charge globale de santé transparaissaient. L’argument relatif à l’existence d’un interlocuteur unique pour l’État, couvrant l’ensemble du domaine des sciences médicales, était également mis en avant. Ce schéma est demeuré celui de l’actuelle Académie nationale de médecine.
Cette instance compte aujourd’hui cent trente-sept membres titulaires élus par leurs pairs et six membres libres, qui ne sont ni médecins, ni chirurgiens, ni pharmaciens, ni vétérinaires. La diversité de ces compétences en fait une structure pluridisciplinaire unique en France dans le domaine de la santé.
Sa mission est triple. Elle consiste à assurer d’abord le suivi des politiques publiques, ensuite celui des avancées de la science susceptibles d’avoir des effets sur les pratiques médicales, chirurgicales, biologiques et de santé publique, à court, moyen et long termes ; elle est enfin d’ordre patrimonial et historique.
Les présidents de l’Académie nationale de médecine sont alternativement des médecins, des chirurgiens, des biologistes, des pharmaciens et des vétérinaires.
L’Académie nationale de chirurgie, quant à elle, est issue de la Société des chirurgiens de Paris. Devenue Académie de chirurgie en 1935, elle compte plus de sept cents membres. Elle est construite sur le schéma des sociétés savantes ou des associations – elle en est d’ailleurs une – qui existent dans toutes les spécialités médicales.
Les modalités d’entrée dans l’Académie nationale de chirurgie sont très différentes et ne relèvent pas d’une élection par les pairs, tandis que le nombre de membres n’est pas limité.
Créer des académies ayant le statut de l’Académie nationale de médecine dans plusieurs spécialités médicales ouvrirait la porte à un risque de divergence entre les avis donnés, dans la mesure où ceux-ci pourraient avoir un support corporatiste plus que scientifique et médical. Pourquoi, en effet, ne pas imaginer à l’avenir la création d’une académie nationale de cardiologie, de pneumologie, etc. ?
L’Académie nationale de médecine couvre déjà le champ chirurgical et celui des pratiques interventionnelles.
La plupart des maladies qui bénéficient de la chirurgie, comme les cancers ou les greffes d’organes, pour ne citer que ces deux exemples, relèvent de l’expertise des chirurgiens, des médecins, des radiologues, mais aussi de biologistes, et requièrent un suivi global, lequel peut être assuré soit par un chirurgien, soit par un médecin, en coordination avec l’ensemble des professionnels des spécialités médicales requises.
L’enseignement de ces deux spécialités est assuré par les facultés de médecine. Les chirurgiens sont d’abord des médecins, comme le sont les cardiologues, les pneumologues et l’ensemble des médecins qui se sont spécialisés.
Voilà les raisons qui ont conduit l’Académie nationale de médecine à émettre un avis défavorable à un alignement du statut de l’Académie nationale de chirurgie sur celui de l’Académie nationale de médecine. Cet avis a été adopté, lors de la séance du 30 avril dernier, à l’unanimité des académiciens présents moins une voix. Un sondage a également été réalisé auprès de la division Chirurgie et spécialités chirurgicales de l’Académie : celle-ci a elle aussi émis un avis défavorable.
Le Conseil national de l’ordre des médecins a toutefois soutenu la proposition de loi présentée.
Nous appelons vivement à un dialogue constructif entre les deux académies, afin de parvenir à un équilibre satisfaisant pour toutes les parties concernées, dans l’intérêt supérieur – c’est fondamental – de la santé publique, de la recherche médicale et de l’efficacité de cette dernière au service des patients.
Les amendements du rapporteur qui ont été adoptés en commission vont dans ce sens.
Ayant examiné attentivement les différents arguments présentés et tenant compte des réserves exprimées par l’Académie nationale de médecine, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons cet après-midi de la proposition de loi visant à conférer à l’Académie nationale de chirurgie, association régie par la loi de 1901, le statut de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République, comme c’est déjà le cas pour les académies nationales de médecine et de pharmacie, depuis respectivement 2013 et 2016.
L’héritage historique étroitement mêlé de ces trois académies et les buts communs qu’elles se sont fixés ne se sont pas traduits par une égale reconnaissance juridique. Cela place l’Académie nationale de chirurgie dans une situation d’infériorité symbolique, sans que cela apparaisse ni justifié ni souhaité. Il s’agit aujourd’hui de corriger cette anomalie.
Précisons d’emblée que le texte ne remet pas en cause l’existence de la deuxième division – Chirurgie et spécialités chirurgicales – de l’Académie nationale de médecine. Rappelons que, en 2016, lorsque nous avons accordé le même statut à l’Académie nationale de pharmacie, l’existence d’une division dédiée à la pharmacie au sein de l’Académie nationale de médecine n’a jamais constitué le moindre obstacle.
L’objet de notre proposition de loi n’est pas non plus de mettre les trois instances en compétition, il est au contraire d’assurer leur parfaite complémentarité, complémentarité dont témoigne déjà leur collaboration interacadémique fructueuse et régulière depuis toujours.
Demain comme aujourd’hui, l’Académie nationale de médecine continuera de jouer son rôle d’instance fédératrice transversale et riche de ses quatre divisions – Médecine et spécialités médicales, Chirurgie et spécialités chirurgicales, Sciences biologiques et pharmaceutiques, Santé publique –, permettant ainsi des échanges interdisciplinaires variés et nécessaires.
Au-delà de cette égalité de traitement qu’Alain Milon et moi-même appelons de nos vœux, il nous a semblé qu’en tant que discipline d’excellence la chirurgie méritait elle aussi un statut de droit public.
L’Académie nationale de chirurgie est reconnue d’intérêt public ; elle entretient des relations privilégiées avec les institutions de santé publique comme la HAS ou l’Agence de l’innovation en santé. Ce nouveau statut comme les avis et travaux qu’elle conduit pour éclairer la décision politique permettront de la reconnaître comme un interlocuteur de premier plan pour les pouvoirs publics.
Nous y voyons aussi un enjeu de rayonnement pour notre pays tant cette académie assure la promotion du savoir et du savoir-faire de la chirurgie française dans le monde.
L’existence autonome d’une académie de chirurgie répond à une volonté de cette discipline de se structurer autant qu’à la nécessité de spécialiser les travaux et les expertises de chacune des académies, surtout dans un contexte d’hyperspécialisation des disciplines. Tous les opérateurs chirurgiens que nous avons rencontrés nous ont fait part de leur besoin d’appartenir à une institution académique commune qui les représente dans leur spécificité.
L’Académie nationale de chirurgie est la seule institution qui représente les treize spécialités chirurgicales et interventionnelles. Elle est aussi la seule instance dont la mission spécifique est orientée vers la recherche technopédagogique et vers l’innovation portant sur les actes opératoires.
De nombreuses questions sont aujourd’hui soulevées par les profonds bouleversements qui touchent la chirurgie, comme la robotique, la simulation ou encore l’intelligence artificielle. Les chirurgiens ont besoin d’aborder ces révolutions entre eux, en laissant à l’Académie nationale de médecine la vision transversale de ces sujets.
Cette proposition de loi a aussi le mérite de renforcer et de consacrer l’indépendance de l’Académie, en prévoyant sa libre administration et son autonomie financière sous le contrôle de la Cour des comptes. Sur cette question budgétaire, je tiens à souligner que ce texte n’entraîne aucune dépense nouvelle et ne remet pas en cause la subvention annuelle obligatoire au profit de l’Académie nationale de médecine.
Enfin, parce qu’il est primordial de maintenir la qualité et la fluidité des relations entre les académies nationales de médecine et de chirurgie, nous soutenons les amendements du rapporteur Khalifé Khalifé visant à préciser les missions de l’Académie nationale de chirurgie et les modalités de mise en œuvre de son futur statut.
Monsieur le ministre, j’ai écouté votre intervention avec attention : vous avez laissé entendre que les travaux qui seront réalisés par l’Académie nationale de chirurgie ne seraient plus présentés devant l’Académie nationale de médecine. Or, si l’on prend l’exemple de l’Académie nationale de pharmacie, celle-ci travaille naturellement sur la question des médicaments innovants et je suis certaine qu’elle partage ses travaux avec l’Académie nationale de médecine.
En tout cas, le groupe Les Républicains votera ce texte et nous espérons, monsieur le ministre, que vous changerez d’avis ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi conférant un statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’académie nationale de chirurgie
Article unique
I. – L’Académie nationale de chirurgie est une personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président du République.
Elle a pour mission de répondre, à titre non lucratif, aux demandes du Gouvernement sur toute question concernant la santé publique et de s’occuper de tous les objets d’étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de l’art chirurgical.
Ses membres sont élus par leurs pairs. Toutes les fonctions y sont électives.
II. – L’Académie nationale de chirurgie s’administre librement. Ses décisions entrent en vigueur sans autorisation préalable. Elle bénéficie de l’autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes.
L’administration de l’Académie est assurée par un secrétaire perpétuel, un bureau et un conseil d’administration.
L’Académie peut recevoir des dons et des legs.
III. – Les statuts de l’Académie nationale de chirurgie sont approuvés par décret en Conseil d’État.
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. Khalifé, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
santé publique
par le mot :
chirurgie
La parole est à M. le rapporteur.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 1, 3 et 2.
Mme la présidente. J’appelle donc également en discussion les amendements nos 3 et 2.
L’amendement n° 3, présenté par M. Khalifé, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ils définissent les modalités de coordination de ses travaux avec ceux de l’Académie nationale de médecine dans le champ de la chirurgie.
L’amendement n° 2, présenté par M. Khalifé, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les I et II du présent article entrent en vigueur le 1er mai 2026.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. Je rappelle tout d’abord qu’en commission nous avons supprimé la référence aux pratiques interventionnelles innovantes.
L’amendement n° 1 vise à préciser les missions respectives de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de chirurgie, afin de délimiter les prérogatives de cette dernière.
L’amendement n° 3 est un amendement de précision. Afin de tenir compte du domaine d’intervention de l’Académie nationale de médecine et de l’amendement précédent, il est prévu que les statuts de l’Académie nationale de chirurgie, approuvés par décret en Conseil d’État, devront « définir les modalités de coordination de ses travaux avec ceux de l’Académie nationale de médecine dans le champ de la chirurgie ». Les liens entre les deux académies existent spontanément ; nous les organisons de manière officielle.
Enfin, l’adoption de l’amendement n° 2, dont l’objet est de prévoir l’entrée en vigueur des dispositions de ce texte le 1er mai 2026, permettra de laisser un délai suffisant – deux ans – pour que le Gouvernement et l’Académie nationale de chirurgie établissent les conditions réglementaires associées au statut de personne morale de droit public placée sous la protection du Président de la République.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. J’ai examiné avec attention ces trois amendements.
Je rappellerai quelques évidences concernant l’amendement n° 1. Si l’art de guérir inclut la chirurgie, un chirurgien est un médecin qui opère. L’objet de l’amendement ne définit pas plus que le reste du texte le rôle et la fonction de chacun, chirurgien et médecin, définition qui justifierait la modification du statut de l’Académie nationale de chirurgie.
Comme je l’ai indiqué en discussion générale, la dilution de l’expertise n’est de toute façon pas souhaitable. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 3 vise à définir les modalités de coordination des travaux entre les deux académies. Or il est très improbable de réussir à fixer cette partition sans retirer certaines prérogatives à l’Académie nationale de médecine. Pour les mêmes raisons de cohérence que j’évoquais et pour ne pas diluer l’expertise, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, un plus long délai d’entrée en vigueur ne change pas le fond du problème. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 2.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L’amendement est adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi conférant un statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie.
Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 182 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 249 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 61 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite avant tout saluer mes collègues qui ont pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Le parcours de ce texte a été un peu compliqué : nous en avons amendé la rédaction, mais avons mené jusqu’au bout un travail cohérent avec l’idée de départ et les débats qu’elle a suscités.
Je salue également le travail du rapporteur. C’est toujours un exercice difficile ; cela l’était d’autant plus ici que les positions ont changé en cours de débat. Vous avez donc pratiqué l’art du grand écart, monsieur le rapporteur, mais, par le biais de vos amendements, vous avez su trouver un équilibre. Bravo à vous ! (Sourires.)
6
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 14 mai 2024 :
À quatorze heures trente et le soir :
Proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, présentée par Mme Samantha Cazebonne (procédure accélérée ; texte de la commission n° 578, 2023-2024) ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate (texte de la commission n° 558, 2023-2024) ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (texte n° 536, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à quinze heures cinquante.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Isabelle Florennes, Agnès Canayer, Elsa Schalck, MM. Hussein Bourgi, Christophe Chaillou et Mme Patricia Schillinger ;
Suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Marie Mercier, Dominique Vérien, Laurence Harribey, M. Pascal Savoldelli et Mmes Laure Darcos et Mélanie Vogel.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER