M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Gillé, je ne partage pas votre point de vue : on ne peut nous accuser d’adresser des injonctions contradictoires en matière de transition écologique.
Conduire des politiques publiques à l’échelle d’une commune, d’une intercommunalité, d’un département, d’une région, de l’État, revient très souvent, et je suis sûre que vous le savez, à se trouver sur un chemin de crête. Oui, des arbitrages ont été opérés. Pour autant, et je prendrai votre exemple du coup de rabot, je pense que la politique que nous conduisons en matière de transition écologique est très cohérente.
Vous me demandez si cette COP est un effet de mode ou une véritable méthode pour cranter et ancrer la planification écologique dans les territoires. Aujourd’hui, personne ne m’a dit que cette méthode n’était pas la bonne ni que l’État n’était pas aux côtés des régions, des départements ou des intercommunalités pour avancer. (M. Hervé Gillé manifeste sa désapprobation.)
Comme vous, je salue le travail du secrétariat général à la planification écologique. Je salue également le travail de Christophe Béchu et de ses équipes. Pour ma part, je vois de la cohérence, une vraie volonté avec, de-ci de-là, des arbitrages que l’on aurait préféré éviter. La vie est faite de surprises et de difficultés, qui nous obligent à arbitrer.
En revanche, je m’inscris en faux contre vos derniers propos. J’ai assisté à deux COP – je crois que toutes étaient du même modèle. À chaque fois, les associations et les citoyens ont été impliqués. Christophe Béchu a lui-même animé le lancement des COP et a organisé, après les moments institutionnels où toutes les parties prenantes – y compris les associations environnementales – étaient associées, un moment dédié à la concertation avec les citoyens.
Pourquoi les parlementaires ne sont-ils pas systématiquement associés localement ? Je peux en parler aux préfets, si vous le souhaitez. (M. Hervé Gillé acquiesce. – M. Rémi Cardon s’exclame.) Cela peut être organisé.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, pour parler de planification, il faut de la lisibilité budgétaire dans le temps. Il ne faut pas que la planification écologique s’évapore face à cette incertitude budgétaire. C’est absolument essentiel.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, je reviens sur la circulaire du 4 avril et – un peu d’histoire – sur celle du 28 décembre 2023, qui reprenait la philosophie de l’amendement adopté ici même à l’unanimité et tendant à prévoir un financement des PCAET par une enveloppe du fonds vert.
Dans cette dernière circulaire, ladite enveloppe était de 250 millions d’euros. Dans celle du 4 avril dernier, elle n’est plus que de 200 millions d’euros. Surtout, je lis un changement de philosophie : « Compte tenu du plan d’économies nationales, l’enveloppe qui sera dédiée à ces actions sera de 200 millions d’euros. Elle servira, selon les besoins remontés des territoires à l’issue des COP régionales, soit à renforcer les actions prioritaires du fonds vert, soit à cofinancer de nouvelles actions proposées par les territoires et ayant un impact écologique fort. »
Cette alternative montre un changement par rapport à ce qui a été voté : aucune conditionnalité n’était prévue, il fallait des projets exposés.
Madame la ministre, je vous interrogerai sur le calendrier. Aujourd’hui, comme vous l’avez indiqué, deux COP n’ont toujours pas été lancées. Dans ces conditions, comment prévoir des modalités d’application ?
Par ailleurs, je m’inquiète : on constate déjà une baisse de 20 % des crédits. À la fin de l’année, cette baisse sera-t-elle de 100 %, faute d’avoir pu attribuer le moindre crédit aux collectivités ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Lavarde, vous évoquez les circulaires du 28 décembre 2023 et du 4 avril dernier et vous vous inquiétez de voir que l’enveloppe dédiée aux actions a été réduite à 200 millions d’euros compte tenu du plan d’économies national.
Cette enveloppe servira selon les besoins qui seront remontés des territoires à l’issue des COP régionales. Certes, l’on peut toujours s’inquiéter. Toutefois, nous sommes à la fin du mois d’avril et cette enveloppe n’est toujours pas dépensée.
Comme je l’ai indiqué aux orateurs précédents, lorsque les 200 millions d’euros seront consommés à la fin de l’année, nous saurons comment financer les autres investissements si les 50 millions d’euros manquants venaient à poser un réel problème.
Aujourd’hui, il est urgent que vous nous aidiez – si vous le voulez bien – à cranter et à accélérer la prise en compte par les collectivités locales de cette planification écologique plutôt que de s’alarmer en répétant que le budget a été ramené à 200 millions d’euros. Dans 70 % des cas, tout se passe bien ; dans d’autres, c’est plus lent.
Nous allons remettre au goût du jour la contractualisation, parce que de nombreux élus nous en ont parlé. La dernière circulaire mentionne en effet les CRTE et les PCAET. Les modalités figureront dans les documents que Christophe Béchu diffusera cet été.
En ce qui concerne le calendrier, nous relâchons quelque peu les délais : la feuille de route devait être élaborée avant l’été ; elle le sera plutôt après, pour répondre à certaines régions qui ont demandé deux mois supplémentaires. Au mois de septembre prochain, nous y verrons plus clair, nous connaîtrons les projets qui seront remontés et nous saurons si l’enveloppe de 200 millions d’euros est excessive ou insuffisante. Tout cela, nous le verrons ensemble et c’est ensemble que nous dresserons le constat.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Alors que ce que nous avions collectivement décidé était très simple, puisque la contractualisation existe déjà pour les CRTE et les PCAET et que ces documents ont déjà été validés par les collectivités, on crée une machine administrative pour pondre un dispositif qui sera complètement inapplicable au regard du calendrier.
Quand ce débat a commencé, il était question d’une feuille de route avant l’été ; maintenant, on parle de la fin de l’été. Autant vous dire qu’aucun dossier ne pourra être financé sur cette ligne de crédit avant la fin de l’année.
Par conséquent, vous auriez pu complètement raboter la ligne budgétaire dès la circulaire du 4 avril et la représentation nationale aurait ainsi constaté qu’elle a voté une loi de finances qui n’est pas appliquée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg.
M. Alain Duffourg. Madame la ministre, il est fait état de nombreux problèmes concernant les COP régionales. Tous les acteurs économiques y sont sensibles : une concertation aura lieu sur le sujet dans mon département du Gers, le 16 mai prochain.
La région Occitanie est la première région de France en matière d’agriculture biologique et de production viticole. Les acteurs de la viticulture ont connu des difficultés à la suite des diverses intempéries qui sont survenues ces dernières années – les calamités naturelles sont de plus en plus fréquentes.
Que compte faire le Gouvernement en matière de stockage de l’eau, notamment sur les retenues collinaires ? J’ai beaucoup parlé de ce sujet avec des conseillers ministériels, entre autres, et j’ai formulé des propositions qui n’ont pas été retenues. C’est pourquoi je souhaite enfin connaître votre position.
Par ailleurs, quelles mesures entendez-vous prendre pour l’agriculture dans son ensemble, qu’elle soit biologique ou conventionnelle, notamment pour renforcer le dynamisme des circuits courts, dont nous avons besoin pour approvisionner la restauration collective ?
Enfin, le décret sur l’agrivoltaïsme a été publié, mais nous attendons toujours les arrêtés permettant sa mise en œuvre. Quand seront-ils pris ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Duffourg, nous sommes très mobilisés sur le sujet des retenues d’eau. Une partie du projet de loi d’orientation agricole, sur lequel le Parlement aura à se prononcer prochainement, vise précisément à les sécuriser.
Par ailleurs, les COP régionales, qui s’attachent principalement à la baisse des émissions de CO2, vont aussi s’articuler de façon cohérente avec le plan Eau annoncé par le Président de la République au printemps dernier. La plupart des cinquante-quatre mesures qui ont été définies ont déjà été engagées.
Nous pouvons être fiers d’être tous deux issus d’une région qui a embarqué ses treize départements sur le navire de la planification écologique. Onze d’entre eux ont déjà prévu de tenir leur première réunion départementale au cours des quinze premiers jours de mai. C’est la preuve que la région Occitanie avait commencé à travailler sur ces sujets bien avant que nous ne lancions la déclinaison d’une planification écologique dans les territoires.
Si je n’ai pas complètement répondu à votre question, monsieur le sénateur, mes services et moi-même restons à votre disposition pour tout complément d’information.
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour la réplique.
M. Alain Duffourg. Je sais que vous connaissez très bien ce sujet, madame la ministre. Le problème de l’eau me tient tout particulièrement à cœur. Cela fait longtemps que nous l’évoquons ; or il aura fallu la grogne paysanne pour que le Président de la République s’en préoccupe et admette qu’il s’agit bien d’une réalité.
Cela fait des années – voire des décennies – que le problème de l’eau se pose de façon récurrente en France. Nous avons besoin d’eau dans les régions méridionales et centrales. Aussi, la décision qui s’impose en la matière doit être prise dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (M. Hervé Gillé applaudit.)
M. Simon Uzenat. En 2024, face à l’urgence climatique, qui ne fait plus débat, un seul mot compte : agir.
Très majoritairement, les élus locaux, dans toute leur diversité politique et territoriale, et les acteurs du monde économique en sont conscients. Aussi sont-ils pleinement déterminés à agir sans relâche pour préserver nos territoires, nos écosystèmes et notre planète. Encore faut-il qu’ils en aient les moyens.
Se réunir, échanger et réfléchir sont autant d’intentions louables, mais légèrement décalées, alors que les constats sont partagés, les solutions identifiées et les concertations déjà mises en œuvre dans de nombreuses régions, comme l’ont rappelé plusieurs de nos collègues. En témoigne la BreizhCop, mise en place en Bretagne dès 2017. Rappelons aussi que 57 % des EPCI bretons sont couverts par un PCAET, ce qui est bien au-dessus de la moyenne nationale.
Aujourd’hui, 50 % de la baisse des émissions de gaz à effet de serre sont entre les mains des entreprises. Reste que ces dernières ont besoin d’accompagnement. Une mission d’information est d’ailleurs conduite par le Sénat sur ce sujet. Dans une circulaire du 29 septembre dernier, la Première ministre encourageait simplement à intégrer dans la COP les acteurs du monde économique, ce qui nous semble être leur point faible. Concernant les collectivités, la Première ministre, toujours par voie de circulaire, appelait à une accélération des efforts nécessaires.
Thomas Cazenave affirmait voilà quelques instants que les dépenses vertes continueraient d’augmenter. Or les chiffres parlent d’eux-mêmes : les crédits du fonds vert diminuent de 20 % et, selon une circulaire, toutes les actions entreprises dans ce cadre seront concernées par la baisse ; la mesure Territoires d’industrie en transition écologique voit sa dotation baisser de 30 % ; quant à l’enveloppe dédiée à l’accompagnement des PCAET, elle est réduite de 20 %.
Les projets les plus importants seront soutenus, ce qui pénalise les petites communes.
La vraie question qui se pose est celle des moyens, madame la ministre. Toutes les collectivités font face à un mur d’investissement.
Dès lors, quels moyens budgétaires, fiscaux ou en ressources propres entendez-vous leur donner ? Dans le livre blanc des Services express régionaux métropolitains (Serm), le ministre des transports appelle à mobiliser toutes les ressources. Dans ce cadre, quelles réponses pouvez-vous apporter ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Vous avez raison, monsieur le sénateur Uzenat : nous devons faire collectivement des efforts budgétaires. Toutefois, mettre de l’ordre dans les comptes n’est pas forcément synonyme de baisse de nos ambitions climatiques.
Notre trajectoire et notre ambition restent inédites avec une progression des dépenses en faveur de la transition écologique de 8 milliards d’euros. Nous avons pour objectif l’efficacité, afin que chaque euro dépensé donne des résultats pour l’environnement.
Notre action repose sur trois principes.
Premièrement, concernant MaPrimeRénov’, nous avions déjà anticipé une sous-exécution budgétaire en raison d’une montée en charge très progressive des rénovations d’ampleur. Nous avons donc pris acte du fait que les dépenses seront lissées entre 2024 et 2025.
Deuxièmement, je rappelle que les crédits du fonds vert n’ont pas diminué par rapport à 2023,… (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Elle a raison !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … mais uniquement par rapport à ce qui était prévu dans le projet de loi de finances.
Christophe Béchu a personnellement œuvré pour la création du fonds vert en 2023 en vue de soutenir les collectivités territoriales dans leur transition écologique. Il sera encore abondé à hauteur de 2 milliards d’euros, ce qui était inespéré en 2022.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est une DETR bis !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Troisièmement, les recrutements au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont été sanctuarisés. Christophe Béchu s’est battu pour que l’on embauche, en 2024, 760 équivalents temps plein (ETP) dans les directions du ministère et les services déconcentrés de l’État, après de nombreuses années de déflation des effectifs.
Je pense que nous pouvons nous féliciter des moyens que l’État déploie dans les territoires pour assurer la planification et la transition écologiques.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Oui, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, préserver la biodiversité et réduire les conséquences du changement climatique. Mais de nombreux services y travaillent déjà. Faut-il ajouter une énième couche ? Comment définir une place opportune pour les COP régionales ? Comment ne pas lasser les élus de ces partenariats changeants, sans fin et souvent sans bilan, alors qu’ils sont en train de s’engager pour définir une ligne d’investissements au travers de la DETR, de la DSIL et du fonds vert et que leur mandat arrive à échéance dans moins de deux ans ?
Les collectivités sont en première ligne de la transition écologique ; elles n’ont pas attendu l’État pour agir au travers du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), des PCAET, des plans locaux d’urbanisme (PLU), des premiers CRTE et des schémas de cohérence territoriale (Scot).
Comment intégrez-vous concrètement le travail déjà accompli ? Comment pouvez-vous garantir la réelle fonction intégratrice de la seconde génération de CRTE avec des moyens financiers et d’ingénierie nécessaires, sans accumulation d’obligations réglementaires ?
Une approche transversale des différentes politiques publiques est nécessaire, mais trop de couacs demeurent. Par exemple, la COP régionale des Pays de la Loire, dont la grande dominante est le transport – soit le secteur le plus émetteur –, est déjà largement bornée par le contrat de plan État-région (CPER). De plus, elle ne s’est pas souciée de faire le bilan des émissions des gaz à effet de serre, en dépit des objectifs que nous devons atteindre d’ici à 2030.
Les choix retenus de covoiturage, de réticence au renforcement des dessertes par car et de lente croissance des dessertes par train semblent davantage liés à la volonté de respecter un cadre financier prédéfini qu’à un objectif de baisse des émissions polluantes.
Il faut répondre de manière pragmatique aux spécificités et besoins locaux : comment comptez-vous y parvenir ?
Par ailleurs, comment allez-vous garantir les aménités rurales, alors que le fonds vert a été amputé de 430 millions d’euros et que vous avez renoncé à une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ? Ces coupes franches n’obèrent-elles pas de facto l’efficacité promise des COP régionales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. J’entends ce que vous dites, monsieur le sénateur de Nicolaÿ. Certains élus ont sans doute du mal à comprendre tous les exercices et les travaux qui leur sont demandés en faveur de la transition écologique.
Toutefois, les choses sont franchement claires pour qui veut s’y intéresser : tous les volets de la planification écologique sont compris dans la stratégie France Nation verte, le plan Eau, le plan de rénovation énergétique des bâtiments scolaires, le plan visant à identifier des zones d’accélération de production d’énergie renouvelable (ZAER) et la révision des documents stratégiques de façade. Ces plans visent bien à accompagner les initiatives de nos élus locaux.
Dans le cadre des COP, il s’agit non pas de repartir de zéro, mais de tenir compte des démarches existantes dans chaque territoire, en particulier lors de la phase de diagnostic, qui est en train de se terminer. L’objectif est d’identifier les actions déjà réalisées et de mesurer le chemin parcouru depuis 2019.
Les débats tenus lors des COP régionales ont du sens en ce qu’ils permettent justement d’identifier les freins à la mise en œuvre de certaines actions déjà programmées ou à trouver des solutions collectives pour accélérer la transition écologique dans les territoires.
La dotation pour les aménités rurales reste inchangée : elle est passée de 40 millions d’euros à 100 millions d’euros – nous n’y avons pas touché. Vous appelez à faire preuve de pragmatisme, monsieur le sénateur, et je vous rejoins sur ce point. Simplement, considérez que les COP doivent se nourrir des travaux issus de la planification écologique et de sa déclinaison territoriale.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.
M. Rémi Cardon. La transition écologique et énergétique de notre pays est probablement le défi principal de notre génération. Pourtant, au regard des 10 milliards d’euros d’économies que vous avez décidées, en particulier sur MaPrimeRénov’ et le fonds vert, il y a de quoi se poser des questions.
C’est à une dérive climatique de plus de 4 degrés Celsius d’ici à 2100 que nous devons aujourd’hui nous préparer.
La planification écologique et les COP régionales, mises en place depuis six mois dans notre pays, vont plutôt dans le bon sens en ce qu’elles permettent l’intégration et l’implication de bon nombre d’acteurs dans nos collectivités locales, afin que chacun essaie de contribuer à un avenir plus vivable, pour nous-mêmes et pour nos enfants.
Comment pouvez-vous lancer de telles initiatives de dialogue territorial pour construire des objectifs régionaux et, dans le même temps, raboter les crédits du fonds vert et de MaPrimeRénov’ ?
M. Hervé Gillé. Exactement !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. On n’a pas oublié le rabot de la DGF sous Hollande !
M. Rémi Cardon. Sans manquer de vous contredire, vous avez affirmé avoir raboté MaPrimeRénov’, car ce dispositif était sous-utilisé. Le fonds vert, quant à lui, est surutilisé, mais vous le rabotez tout de même !
Il serait bon que vous fassiez preuve de clarté, madame la ministre. Je m’attendais à une planification écologique ; or tout ce que je vois au travers de votre stratégie, c’est une déstabilisation écologique – en espérant qu’elle ne connaîtra pas le même sort que votre stratégie en matière d’énergie, pour laquelle le Gouvernement a légiféré par décret…
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Cardon, je partage l’entièreté de vos propos introductifs : il est absolument nécessaire que nous nous mobilisions face à la menace d’un réchauffement climatique de 4 degrés Celsius d’ici à 2100. En revanche, par la suite, vous avez formulé des critiques infondées. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.)
En effet, MaPrimeRénov’ est un succès, qui a permis de rénover plus de 2 millions de logements depuis 2020. Toutefois, compte tenu des résultats de l’année 2023, Christophe Béchu a engagé une réflexion sur le dispositif, à la fois pour le simplifier et pour ajuster les crédits.
Il vous est loisible de regarder le verre à moitié vide et de considérer que nous pouvons toujours faire mieux. Mais le verre est bien plein, monsieur le sénateur. J’y insiste, MaPrimeRénov’ a servi à rénover plus de 2 millions de logements.
Ensuite, je ne vois aucune contradiction dans mes propos sur le fonds vert. Celui-ci fonctionne très bien, tout comme la DETR. Toutefois, comme notre pays doit assumer une dette de 3 000 milliards d’euros et des frais financiers de 40 milliards d’euros par an, nous avons pris la décision, au début de l’année, de réduire nos dépenses.
Depuis deux ans, l’État double les sommes versées aux collectivités locales. Vous regrettez que nous procédions à des coupes budgétaires, et je respecte votre position. Pour ma part, je suis fière d’appartenir à un gouvernement qui décide de réduire la dépense publique compte tenu du niveau d’endettement et de frais financiers que nous connaissons.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Évidemment !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Du reste, le ministre Béchu mène des consultations et travaille à un troisième plan national d’adaptation au changement climatique, qui sera présenté dans les prochaines semaines. À cet égard, vous êtes tout à fait fondé à lui soumettre des propositions, qu’il lira avec attention.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler.
Mme Sabine Drexler. L’une des priorités qui ressort des diagnostics réalisés dans le cadre de la COP régionale du Grand Est est la préservation de la qualité de l’eau et la reconquête des milieux dégradés, qui ont ou auront des effets négatifs sur la biodiversité.
Stocamine, dans le Haut-Rhin, aura un impact négatif – certainement plus tôt que prévu – sur la biodiversité et nous divergeons encore sur les moyens à mettre en œuvre pour éviter une contamination future de la nappe d’Alsace. Ici, au Sénat, nous craignons que les travaux prévus et déjà engagés ne servent qu’à retarder cette contamination, sans en réduire le risque. En actant cette situation, nous ne ferions que léguer le problème aux générations futures.
On a récemment découvert l’état dégradé des puits de la mine, du fait de la corrosion très avancée de leur cuvelage. En outre, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) m’a adressé une réponse, le 17 avril dernier, à la suite de mon interrogation sur une erreur manifeste de son étude sur la tenue des puits. Nous savons désormais que les modélisations réalisées dans le cadre des études diligentées ces dernières années sont caduques, que les cuvelages vont céder prochainement et que la mine sera rapidement noyée.
Cette réponse alarmante, nous l’appréhendions, ici, au Sénat. C’est la raison pour laquelle j’avais fait voter des crédits dans la loi de finances pour 2024, afin de réaliser une étude hydraulique sur les conséquences prévisibles de la rupture des cuvelages. Malheureusement, ils ont été supprimés par le 49.3.
Madame la ministre, les COP régionales ont été mises en place pour planifier des politiques publiques. Planifier, c’est prévoir, mais c’est aussi anticiper. Aussi, je souhaiterais savoir quels moyens seront alloués au dossier Stocamine dans le cadre de la COP Grand Est et quand seront réalisées les études prenant en compte la rupture des cuvelages et ses conséquences sur la durée de l’ennoyage, puis sur la nappe.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Drexler, vous m’interrogez sur un sujet que nous connaissons tous : Stocamine, soit une installation de stockage souterrain de déchets dangereux située dans un massif salifère de votre département.
À son arrivée au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu s’est saisi du dossier sans aucun a priori. Il a veillé à la plus grande transparence sur les informations dont il disposait afin d’aider à la décision. Les trois réunions qu’il a tenues avec les élus et les parlementaires locaux, en mars, en juillet et en septembre 2023, ont permis de partager et d’échanger sur ces informations.
Le ministre a donc décidé, en septembre dernier, de confiner la mine sans opération de déstockage partiel. Pour ce faire, il s’est appuyé sur 134 études conduites par 46 bureaux et 123 experts internationaux établissant des éléments factuels. Christophe Béchu vous a dit à deux reprises exactement la même chose. L’année 2027 est une échéance impérative. Déstocker les déchets avant le confinement ferait peser un risque inacceptable pour les personnels humains devant intervenir dans la mine.
Le délai de confinement est de quarante-deux mois, sans aléas de chantier. L’hypothèse d’un retrait partiel de certains fûts, compte tenu de délais incompressibles, aurait permis de ne déstocker qu’une quinzaine desdits fûts, ce qui aurait retardé les choses.
Confiner dès à présent Stocamine est une décision qui s’impose à tous pour ne pas compromettre la santé des générations futures. S’il est légitime de la regretter, la remettre en question reviendrait à jouer avec le feu. De plus, le ministre a travaillé avec les élus locaux sur un plan de confinement permettant d’assurer la protection des générations futures dans le cadre de ce confinement et de poser dès à présent les bases nécessaires pour mettre en œuvre la réversibilité, c’est-à-dire le déstockage futur de la mine, voulue par les collectivités.