M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Madame la ministre, je suis fier que ma région, le Grand Est, ait été la première à territorialiser la COP, avec son dispositif Grand Est Région Verte, dont l’objectif était d’impliquer l’ensemble des territoires et acteurs locaux dans la planification et l’accélération de la transition écologique. En contribution à ce vaste chantier, la collectivité a adopté une feuille de route ambitieuse proposant quarante-cinq mesures d’adaptation au changement climatique.
Par la suite, la région a voulu, en lien avec le secrétariat général à la planification écologique, demander des autodiagnostics aux collectivités territoriales, quelle que soit leur taille, afin de repérer notamment les consommations actuelles et à venir de gaz à effet de serre ou encore les actions envisagées sur les ressources naturelles.
Or les questionnaires du SGPE, conçus par des acteurs très éloignés du terrain – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, ont largement découragé les collectivités de s’investir dans le processus. Ils étaient d’un accès trop difficile et n’ont pas rencontré leur public.
Je rappelle que, en novembre dernier, lors d’un débat sur le thème de la déclinaison territoriale de la planification écologique, j’interpellais déjà le ministre de la transition écologique sur la nécessité de simplifier les démarches pour les collectivités, notamment pour les candidatures au fonds vert.
Une fois les constats dressés et les projections réalisées, nous avons besoin de financements. Si, comme d’autres régions peut-être, elle entend bien y prendre sa part et cofinancer, la région Grand Est ne peut pas tout prendre en charge.
Le Gouvernement a indiqué que le fonds vert serait abondé à cette fin ; or celui-ci sort plus que jamais amoindri de la « déforestation » budgétaire de Bercy. (Sourires.)
Aussi, madame la ministre, comment simplifier pour faire adhérer les collectivités et avec quels moyens ? C’est de ces réponses claires que dépend la réussite de la planification écologique régionalisée. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez résumé la méthode qui a été la nôtre pour territorialiser notre planification écologique.
Pourquoi les questionnaires ne sont-ils pas plus simples ? Pour ma part, j’ai constaté que de nombreuses collectivités y avaient répondu avec beaucoup de plaisir et de bonheur.
Vous trouvez ce questionnaire trop technocratique. Ce n’est pas ce que j’ai entendu.
Vous affirmez qu’il est très aride et que les concertations n’ont pas rencontré leur public. (M. Cédric Chevalier acquiesce.) Les résultats sont là : plus de 70 % des EPCI et des départements qui ont été interrogés ont d’ores et déjà répondu, ce dont nous sommes très heureux et très fiers.
Pour autant, je ne peux pas dire non plus qu’il n’est pas possible de simplifier encore le questionnaire. Toutefois, au regard des réponses que nous avons reçues et de l’adhésion que ce dernier a suscitée, le verre nous apparaît plutôt plein.
J’en viens au financement. Vous nous dites que Bercy a taillé dans le fonds vert. J’aurai peut-être l’occasion d’y revenir tout à l’heure, mais je rappelle que si les collectivités ont bénéficié au cours des dix dernières années d’un investissement d’environ 2 milliards d’euros – DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) et DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) réunies –, ce gouvernement a décidé dans le projet de loi de finances pour 2023 de porter le budget du fonds vert à 2 milliards d’euros et, dans le projet de finances pour 2024, à 2,5 milliards d’euros.
Reste que, cette année – et seulement cette année –,…
M. Rémi Cardon. Ah !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … compte tenu des résultats de la fin de l’année, il a été décidé de réduire la voilure. Nous ne touchons ni à la DSIL, ni à la DETR, ni à la DGF, mais, oui, nous ramenons le budget du fonds vert à 2 milliards d’euros.
Certes, je comprends votre demande ; pour autant, 2 milliards d’euros en 2024, c’est un signal fort pour la transition écologique dans les territoires.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, les COP régionales ont été lancées à la fin de l’année 2023. Territorialiser la planification écologique est une très bonne idée sur le papier, mais les derniers signaux envoyés par le Gouvernement sur les questions écologiques n’invitent pas à l’optimisme.
En témoigne la baisse de 1,4 milliard d’euros du budget du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, laquelle se traduit par une baisse – une déforestation, pour reprendre le terme utilisé précédemment (Sourires.) – de 400 millions d’euros du fonds vert.
Les régions s’inquiètent à juste titre de cette potentielle pénurie de moyens. Cela vient renforcer un sentiment d’incompréhension déjà très présent chez nos élus, un sentiment qui s’aggrave face à la mise en pratique de certaines politiques environnementales.
Je veux bien sûr parler de l’objectif ZAN, omniprésent – et c’est peu de le dire ! – dans les discussions que j’ai avec les maires chaque semaine. J’imagine qu’il en est de même pour vous, à une autre échelle, madame la ministre.
Les premières COP régionales ont bien évidemment fait remonter ce sujet déterminant.
Personne ne remet en cause le bien-fondé de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, mais attention aux mesures de modération de la construction, qui ne sont à ce jour ni adaptées, ni égalitaires, ni pertinentes pour nos territoires.
En effet, trois ans après le vote de la loi, nous sommes toujours en train d’affiner les modalités de calcul de l’artificialisation des sols, nous sommes toujours en train de défendre des projets d’envergure nationale et européenne, pour lesquels l’enveloppe foncière est souvent insuffisante, et nous sommes toujours en train de dénoncer des modalités de calcul de consommation foncière qui ne prennent en compte ni la taille des communes ni les projets territoriaux… Bref, il est vraiment temps de stabiliser les règles du jeu.
Madame la ministre, je vous poserai deux questions.
Malgré les coupes budgétaires, les COP régionales permettront-elles de faire entendre les inquiétudes de nos territoires ou est-ce un « machin » de plus ?
Quelles mesures vont être prises pour répondre aux difficultés rencontrées par nos communes dans l’application de l’objectif ZAN ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Demilly, vous demandez que nous stabilisions les règles du jeu. Pour ma part, je les trouve extrêmement stables.
Je reconnais que, sur le terrain, j’ai les mêmes échanges que vous concernant le ZAN, mais les règles sont bien stabilisées. Il faut maintenant laisser un peu de temps à nos élus locaux pour voir comment, à l’échelle d’une intercommunalité, ils parviendront à agir, à reprendre espoir et à développer leurs projets à l’horizon de 2030.
Au cours des cinq visites officielles que j’ai effectuées en dix jours, j’ai rencontré environ 400 maires. Oui, je suis d’accord avec vous : de nouveau, de l’inquiétude se fait sentir à propos du ZAN. Je vous assure que, après des discussions avec le préfet et les présidents d’intercommunalité, on trouve à chaque fois des moyens d’avancer. Il faut laisser un peu de temps au temps : d’ici à 2030, nous atteindrons les objectifs fixés.
Par ailleurs, vous affirmez que les fonds se font toujours attendre. Une telle remarque m’étonne. En effet, nous avons lancé les COP régionales à l’automne dernier ; Christophe Béchu a fait le tour de quasiment toutes les régions et a fixé les objectifs main dans la main avec les présidents de région et les préfets. Moins de six mois après, l’état des lieux issu des questionnaires est en passe d’être finalisé. Il le sera d’ici à un mois, ce qui nous permettra d’établir la feuille de route. Dans mon propos introductif, j’ai parlé de cet été ; ce sera sans doute plutôt septembre prochain.
Vous m’interrogez sur l’efficacité de ce processus – c’est d’ailleurs l’intitulé de ce débat. Nous venons de lancer les COP régionales. Nous y voyons, nous, des signaux très positifs. Il ne s’agit aucunement d’un « machin » de plus ; c’est au contraire une méthode efficace, élaborée par le secrétariat général à la planification écologique, dans laquelle les préfets, les régions et toutes les collectivités sont en train d’embarquer.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, je vais peut-être doucher votre enthousiasme sur la capacité à respecter les délais de la concertation en faisant référence à l’article du journal Ouest-France intitulé « Pourquoi la COP régionale va rallonger la concertation en Pays de la Loire ».
Si la COP régionale des Pays de la Loire a d’ores et déjà décidé de retarder la concertation du grand public, c’est que les élus locaux ne sont pas venus aux ateliers du mois d’avril dernier, pourtant lancés par Christophe Béchu, qui jouait à domicile en lançant cette COP régionale voilà quelques semaines. (Sourires.)
On a donc un véritable problème. D’ailleurs, madame la ministre, je vous rejoins sur le fait que nous ne tiendrons pas nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation sans les territoires, sans les régions et leur capacité de planification et sans le bloc communal. Encore faut-il leur envoyer des signaux tangibles ; il ne suffit pas de répéter que l’on a besoin d’eux. Ils attendent aussi des signaux concrets qui les amèneraient à se mobiliser.
Je prends deux exemples.
D’une part, nous attendons toujours les décrets d’application relatifs au partage de la valeur sur les énergies renouvelables que le Sénat a voté ; il s’agit pourtant d’un signal extrêmement important pour les collectivités. M. Didier Mandelli, qui a été le rapporteur du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, vient de l’indiquer à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
D’autre part, nous ne connaissons toujours pas la manière dont les 250 millions d’euros d’accompagnement des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), que le Sénat a votés et que Christophe Béchu a confirmés, seront déployés dans les territoires.
Ma question est extrêmement précise, madame la ministre. La circulaire du mois d’avril sur les CRTE intègre-t-elle les critères d’attribution de ces 250 millions d’euros ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Dantec, je ne peux que me réjouir de sentir, au travers de toutes les questions qui me sont posées à l’occasion de ce débat, votre impatience et votre envie de voir cette planification écologique aboutir et s’ancrer dans les territoires. Je partage cette volonté.
Pour autant, monsieur le sénateur, j’en appelle à votre connaissance de notre pays et de l’hétérogénéité des territoires. Je n’ai pas lu la presse quotidienne régionale, j’ignorais donc la situation que vous avez exposée. Certes, je l’ai déjà dit, certains territoires ne se sont pas encore saisis des COP, mais la région Aura (Auvergne-Rhône-Alpes) a conduit un certain nombre de concertations dès le mois d’avril et toutes les dates sont planifiées au mois de mai. Il en est de même pour la région Bourgogne-Franche-Comté : les concertations ont été tenues en mars et en avril et sont aujourd’hui finies.
Certes, la région des Pays de la Loire connaît peut-être des difficultés – vous me l’apprenez. Il s’agit non pas de susciter des doutes dans les territoires, mais d’admettre les difficultés que certains d’entre eux rencontrent. Nous comptons sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour accélérer.
Les critères d’attribution figurent-ils dans la circulaire ? À votre question très concrète, la réponse est non. La circulaire flèche, indique, oriente ; le fléchage des fonds pour les PCAET et les CRTE sera fixé dans le courant de l’été, m’a indiqué Christophe Béchu.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, reconnaissez qu’il est dommage de publier une circulaire sur les CRTE en avril et de prévoir la contractualisation – il s’agit tout de même d’une enveloppe de 250 millions d’euros – à l’été. On aurait sans doute pu tout faire en même temps.
Si l’on n’envoie pas ces signaux très précis aux territoires, ils ne feront pas leur part et nous ne tiendrons pas nos objectifs sur le climat.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, la question posée par ce débat est celle de l’efficacité des COP régionales, dont l’objectif est de prendre en compte les spécificités de chaque territoire à l’échelle des bassins de vie en matière de transition écologique.
Pour répondre à cette question, deux conditions essentielles me paraissent devoir être remplies.
En premier lieu, la gouvernance des COP revenant conjointement aux préfets et aux présidents de région, il est impératif de rappeler la nécessité d’impliquer et d’associer tous les échelons de collectivités et de veiller à la solidarité entre les territoires qui, pour la plupart, ont déjà établi des feuilles de route – je pense notamment aux PCAET et aux PAT.
Nombreux sont les élus locaux qui déplorent la période de concertation accélérée. Celle-ci rend en effet difficile l’intégration des enjeux de nos territoires ruraux dans les documents stratégiques et leur fait craindre qu’il en soit de même pour l’intégration du ZAN.
En second lieu, il est difficile de ne pas évoquer les récentes coupes budgétaires annoncées par le Bruno Le Maire, qui sont incohérentes avec nos obligations de réduction de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 : réduction de plus de 400 millions d’euros du fonds vert, ponction de 1 milliard d’euros sur le budget de MaPrimeRénov’, baisse du budget de la mission « Cohésion des territoires » de plus de 700 millions d’euros.
Ces coupes contrastent avec les propos du Président de la République, qui, lors de l’élaboration du budget pour 2024, a affirmé que le virage écologique ne pouvait plus attendre, ainsi qu’avec le rapport Pisani-Ferry chiffrant à 34 milliards d’euros annuels les besoins en financement public de la transition écologique.
Dans ces conditions, madame la ministre, comment comptez-vous répondre à l’urgence climatique, alors que l’État a été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises sur ses obligations climatiques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Varaillas, vous en appelez à une large concertation dans les territoires. C’est notre volonté pleine et entière et c’est ce qui est en train de se passer, malgré une certaine hétérogénéité – j’ai eu l’occasion de l’évoquer. Tous les territoires n’avancent pas à la même vitesse, ce que l’on peut regretter.
Pour autant, la méthode que nous avons adoptée – il s’agit d’un dispositif inédit – fait de tous les échelons des collectivités des maillons essentiels de la territorialisation. Il n’est qu’à voir à quel point le tableau sur les leviers de décarbonation prend en compte l’industrie, le tertiaire, le logement… Tous ces paramètres ont été fournis aux collectivités locales – non seulement les régions, mais aussi les départements et intercommunalités – par le secrétariat général à la planification écologique pour que celles-ci soient en mesure de partir d’un diagnostic proposé. On ne peut pas dire qu’elles ne sont pas accompagnées ni associées.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué le financement. Pour compléter ce que j’ai déjà indiqué voilà quelques instants et que je ne répéterai pas, je précise que l’État accompagne aujourd’hui fortement l’investissement des collectivités.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les uns après les autres, vous citez les baisses récentes liées au déficit budgétaire de 5,5 % du PIB en 2023. Oui, des mesures ont été prises. Je comprends que vous m’interrogiez sur ce sujet, mais quoi de plus légitime que d’avoir baissé la dépense de l’État en 2024 sans baisser celle des collectivités ? En 2024, celles-ci percevront 11 milliards d’euros de soutien via les dotations d’investissement, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et le fonds vert, qui est maintenu à son niveau de 2023.
Je le dis partout où je me rends : malgré des situations hétérogènes, la situation financière des collectivités est globalement saine et propice aux investissements, et l’endettement est globalement très bien maîtrisé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, vous le savez bien : plutôt que de réduire les dépenses, il nous faut trouver des recettes.
Les plus hauts revenus, qui sont souvent les plus pollueurs, doivent participer à cet effort et les aides publiques aux grandes entreprises, qui représentent quelque 200 milliards d’euros dans le budget de l’État, doivent être assorties d’une écoconditionnalité.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la ministre, le 28 septembre 2023, lors de la création des conférences des parties régionales, les fameuses COP, le Gouvernement a reconnu à raison le rôle essentiel joué par les collectivités territoriales dans la planification écologique.
Celle-ci devait s’appliquer et s’ancrer dans les réalités du terrain. Sa réussite devait dépendre, en grande partie, de l’acceptabilité des mesures proposées. Il en était de même de l’identification des spécificités de chaque territoire régional au regard des défis de décarbonation, de protection et de restauration de la biodiversité.
Depuis, nos régions s’inquiètent du manque de perspective et de cohérence des messages envoyés par le Gouvernement sur les questions écologiques.
Suppression du ministère de la transition énergétique, coupe budgétaire de plus de 2 milliards d’euros de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont 500 millions d’euros pour le seul fonds vert, qui est quasiment le seul soutien financier de la transition écologique des collectivités territoriales, déjà touchées par la diminution des fonds DETR et DSIL.
Voilà qui s’inscrit dans une logique inverse aux attentes de nos territoires, lesquels espéraient, plutôt sereinement compte tenu des enjeux et défis climatiques actuels, que leur panoplie d’actions serait élargie, notamment sur la restauration de nos réseaux d’eau potable, dont les fuites occasionnent chaque année la perte de 1 milliard de mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de la consommation de quelque 19 millions d’habitants.
Que nenni donc, alors que la plupart des COP en sont à l’élaboration de leur diagnostic et à l’identification des thématiques sur lesquelles faire porter les efforts, notamment financiers.
Madame la ministre, il est donc légitime de vous demander en leur nom quelles mesures et quels moyens concrets, notamment financiers, permettront la réalisation de notre trajectoire de planification écologique territoire par territoire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Delattre, les régions s’inquiètent, dites-vous.
M. Rémi Cardon. C’est vrai !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’en appelle encore une fois à votre connaissance de nos territoires : très probablement, quelques régions s’inquiètent, mais d’autres avaient déjà mis en œuvre des politiques en faveur de la décarbonation bien avant que nous ne leur demandions, en lien avec le secrétaire général à la planification écologique, de travailler sur le sujet. Certaines régions ne s’inquiètent pas : elles ont déjà avancé sur plusieurs sujets.
J’entends que vous parlez au nom de celles qui s’inquiètent. Je ne répète pas à quel point, avec 2 milliards d’euros pour le fonds vert en 2024, comme en 2023, le signal me paraît fort. Certes, il l’est moins qu’avec une dotation de 2,5 milliards d’euros : oui, nous avons opéré des baisses dans les dépenses de l’État, mais nous les assumons. Je ne répéterai pas quelles en sont les raisons.
Madame la sénatrice, vous abordez un sujet important, voire crucial, à savoir les besoins d’investissement dans les réseaux d’eau potable. Cela concerne d’autres budgets : ceux des agences de l’eau. En Nouvelle-Aquitaine, si c’est à cette région que vous pensez, les besoins sont importants et il s’agit d’une question évidemment prégnante. Nous devons y travailler avec l’agence de l’eau concernée.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Madame la ministre, face à l’urgence climatique, la France s’est donné pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. La stratégie nationale bas-carbone (SNBC), qui est notre feuille de route nationale sur le sujet, fixe également un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport au niveau de 1990. Cet objectif doit d’ailleurs être révisé par la nouvelle SNBC pour s’aligner sur l’objectif européen du Fit for 55 : une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
L’ampleur du défi est considérable, quel que soit le domaine concerné – transport, énergie, agriculture, rénovation thermique…
Pour atteindre nos objectifs, le Président de la République a lancé le 25 septembre 2023 un appel aux collectivités territoriales, les invitant à occuper un rôle central dans la mise en œuvre de la planification écologique. En première ligne de la transition écologique, elles ont un rôle essentiel à jouer dans ladite planification qui doit s’appliquer et s’ancrer dans les réalités propres à chaque territoire.
Nous saluons en ce sens l’investissement et l’ensemble des travaux du secrétariat général à la planification écologique.
Toutefois, alors que quatorze COP régionales ont déjà lancé la phase de diagnostic, quatre régions n’ont pas encore engagé de travaux. L’objectif d’un plan d’action pour cet été est-il toujours réaliste ?
De plus, au regard des remontées de terrain qui seront faites, cela supposera dans de nombreux cas un fort investissement régional. Quels moyens seront alloués aux COP régionales pour traduire ces remontées de terrain ? Peut-on envisager davantage de décentralisation sur certains sujets ?
Enfin, madame la ministre, nous demandons qu’un bilan spécifique soit établi dans les territoires d’outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Omar Oili, seules deux régions, Mayotte et la Guyane, et non pas quatre, n’ont pas encore lancé leur COP.
Je vous assure que les collectivités d’outre-mer bénéficieront d’un traitement spécifique. Je me suis récemment rendue en Guadeloupe et en Martinique et nous avons travaillé sur ces sujets. Je ne suis pas encore allée dans tous les territoires ultramarins, mais je m’engage à ce que Christophe Béchu, ses services et moi-même tenions compte de leurs spécificités.
Sur l’accompagnement de l’investissement des collectivités, je ne peux rien vous dire de plus que ce que j’ai déjà indiqué à vos collègues : près de 11 milliards d’euros par an de soutien via toutes les dotations d’investissement. Je comprends l’inquiétude qui s’exprime, mais saisissons-nous d’abord des milliards d’euros que nous injectons, soyons sûrs qu’ils seront consommés, ou du moins engagés avant la fin de l’année, avant de craindre que les montants alloués ne soient pas suffisants.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, s’il est encore trop tôt pour juger de l’efficacité du dispositif des COP régionales, l’injonction contradictoire quand nous parlons de transition écologique est particulièrement contre-productive. Voilà cinq mois était organisé au Sénat, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un débat en séance publique sur le thème : « Déclinaison territoriale de la planification écologique : quel rôle et quels moyens pour les collectivités locales ? Quel accompagnement du citoyen ? » Le ministre Christophe Béchu était présent.
Depuis, nous avons assisté, impuissants, à la remise en cause de certaines avancées écologiques : d’abord, sur le terrain de la biodiversité et de la santé publique avec des annonces sur les produits phytosanitaires ; ensuite, sur l’abandon du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, définitivement enterré la semaine dernière, alors même qu’il s’agit d’une demande de nombreuses collectivités territoriales, convaincues que la souveraineté énergétique ne pourrait passer que par un effort de programmation, d’économies d’énergie et d’investissements dans les renouvelables ; enfin, sur les coups de rabot budgétaires non concertés.
Il s’agit donc bien d’une injonction contradictoire pour les régions : toutes soulignent que les leviers identifiés par le secrétariat général à la planification écologique doivent s’appuyer sur les stratégies régionales déjà mises en œuvre et ayant fait l’objet d’une concertation avec les acteurs des territoires.
L’injonction contradictoire est ici frappante. Les COP régionales sont un outil limité aux collectivités. Sur le terrain, cela ne peut constituer un effet d’entraînement puisque les ménages, les acteurs socio-économiques et les acteurs de la société civile en sont écartés.
Madame la ministre, ma question est simple : les COP régionales sont-elles toujours une priorité ? Le temps investi par les collectivités territoriales sera-t-il vain ? Quelle traduction concrète peut-on envisager à l’issue des COP régionales ? Pourquoi l’association des parlementaires se fait-elle à géométrie variable, en fonction des préfets ?