M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à souligner la qualité du travail accompli par Mme la rapporteure.
Selon moi, il n’y a pas de plus beau métier que celui de pharmacien en milieu rural, même si, compte tenu des difficultés de recrutement, des pénuries de médicaments et des risques d’incivilité, l’exercice de cette profession n’est pas toujours un long fleuve tranquille…
Monsieur le ministre, pourquoi cette proposition de loi a-t-elle été déposée ? Tout simplement parce que, dans ce domaine, un décret est attendu depuis plus de six ans : le fameux décret « territoires fragiles ».
Je sais que vous n’êtes pas responsable de sa non-parution – vous n’êtes en fonction que depuis neuf semaines –, mais je compte sur vous, qui plus est après vous avoir entendu à la tribune.
En la matière, les attentes des élus sont grandes : il faut faciliter la création et le transfert de pharmacies, notamment en abaissant le seuil démographique en vigueur. Cet assouplissement est prévu par l’ordonnance de 2018 : on comprend dès lors l’impatience qui s’exprime. Mais, bien sûr, ces réformes ne doivent pas être menées à n’importe quel prix.
On ne saurait s’attaquer aux trois piliers fondamentaux de l’offre pharmaceutique, telle qu’elle est structurée dans notre pays. On ne saurait fragiliser ce réseau, qui, paradoxalement, est souvent cité comme un exemple réussi d’aménagement du territoire et comme un gage d’accès aux soins : aujourd’hui, la plupart des Français ont encore une pharmacie à moins d’un quart d’heure de chez eux.
En parallèle, il faut éviter la concentration excessive des officines. Bien sûr, les regroupements ont leurs avantages – ils permettent aux pharmaciens d’assumer toutes les missions qui leur sont confiées –, mais ils risquent également d’aggraver la financiarisation non éthique.
Ces réformes ne doivent pas non plus être menées au prix de l’affaiblissement des pharmacies – ces dernières sont aussi des entreprises, qui subissent chaque année les économies votées au titre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) – ou d’une libéralisation de la vente en ligne des médicaments, petite idée qui trotte dans la tête de M. le Premier ministre…
Le réseau officinal est essentiel partout en France, tout particulièrement en milieu rural, où obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste est souvent difficile et où la croix verte constitue un repère.
Nous avons devant nous le risque de voir s’étendre les déserts pharmaceutiques. Pour votre information, 37 % des pharmacies ayant fermé en 2023 étaient installées dans des communes de moins de 2 000 habitants – cela représente 248 fermetures d’officines. Alors, ne rêvons pas !
Les enjeux concernant les pharmacies et les pharmaciens sont nombreux. J’en citerai deux.
En premier lieu, il faut des équipes complètes et bien formées. La profession est d’abord soucieuse d’assumer ses missions de santé publique, d’accompagner le mieux possible le bon usage des médicaments par les patients et d’exercer les missions de prévention et de dépistage qui lui sont confiées.
En second lieu, il faut comprendre les raisons de l’apparente désaffection des études de pharmacie. Depuis deux ans, des places en deuxième année de pharmacie restent non pourvues – c’est du jamais vu. Monsieur le ministre, vous devez en discuter avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons déjà évoqué le sujet avec elle, mais nous ne serons jamais de trop…
Pour autant, afin d’assurer un meilleur accès aux médicaments en milieu rural, l’expérimentation de la création de nouvelles antennes d’officine constitue un espoir. Le cahier des charges, déjà rédigé, devrait être approuvé prochainement. J’espère que cette expérimentation commencera le plus rapidement possible.
Enfin, un pouvoir dérogatoire a déjà été confié aux directeurs des agences régionales de santé entre 1985 et 1999. La voie dérogatoire avait alors souvent remplacé la voie normale, engendrant un risque d’inégalité dans le traitement des dossiers.
Je continue de penser que cette voie n’est pas la solution. En revanche, la publication du décret relatif aux territoires fragiles ainsi que la généralisation des projets d’antennes d’officine pourraient répondre aux préoccupations de l’auteure de la proposition de loi et des élus locaux, qui souhaitent améliorer l’accès aux médicaments en milieu rural et espèrent voir clignoter une croix verte dans leurs communes.
J’appelle également votre attention sur le fait que lorsqu’un pharmacien crée une officine en milieu rural, il se retrouve souvent seul titulaire dans une commune. Il ne peut alors pas fermer sa pharmacie, à moins de se faire impérativement remplacer. Ce mode d’exercice très exigeant du métier relève de la vocation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet que nous abordons aujourd’hui reflète bien le déclassement de notre pays.
Tout d’abord, l’année 2023 restera comme une année record où plus d’un pharmacien a été agressé chaque jour, pour une hausse insupportable des violences de 30 %.
Ensuite, et surtout, alors que l’on vantait le système de santé de la France, laquelle possédait la densité territoriale d’officines la plus importante des pays développés, la situation est désormais très inquiétante.
Depuis 2012, nous avons perdu 2 000 pharmacies, alors que notre population a augmenté de 4 % et que les personnes âgées de plus de 65 ans représentent 20 % de nos concitoyens. En dix ans, nous avons perdu quatre officines pour 100 000 habitants, soit la plus forte baisse des pays de l’OCDE.
De plus, des inégalités territoriales subsistent dans la répartition des pharmacies, l’accès à ces dernières étant encore plus difficile dans les territoires les moins bien dotés, en raison des fermetures d’officines.
Monsieur le ministre, j’ai déjà alerté vos services au sujet des pénuries de médicaments rencontrées dans des pharmacies de Seine-et-Marne, département que vous connaissez bien, mais je n’ai reçu aucune réponse.
Le problème que nous traitons aujourd’hui constitue un exemple de la déliquescence de l’État, qui n’applique pas les dispositifs législatifs et réglementaires visant à préserver l’approvisionnement en médicaments dans les territoires les moins bien dotés.
Premier point : la loi Asap autorise, à titre expérimental, la création d’antennes d’officine selon certains critères. Plus de trois ans après la promulgation de ce texte, aucune antenne n’a été créée sur le fondement de cette expérimentation.
Second point : l’ordonnance du 3 janvier 2018 prévoyait d’octroyer des aides et d’assouplir les conditions d’ouverture des officines dans les territoires fragiles. Plus de six ans après avoir été prise sur l’initiative du Gouvernement – je tiens à le rappeler –, son décret d’application n’a toujours pas été publié.
Monsieur le ministre, lorsque le Gouvernement agit de la sorte avec la santé des Français, on parle non plus seulement de dysfonctionnement, mais aussi de mépris.
Il est plus que jamais nécessaire que le Gouvernement se ressaisisse et répare ces deux points majeurs.
Il est également urgent qu’il se préoccupe de l’implantation d’un centre hospitalier universitaire (CHU) dans le nord de la Seine-et-Marne, véritable zone grise d’un secteur en forte croissance. C’était l’objet d’une seconde question que j’ai posée à vos services, là encore restée sans réponse.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi va dans le bon sens. Il est nécessaire qu’elle fasse l’objet du plus fort consensus possible pour nos compatriotes, qui sont aujourd’hui victimes des erreurs d’hier : telle est la position du Rassemblement national.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les pharmaciens ne dispensent pas seulement des médicaments. Depuis toujours, ils conseillent, informent, se souviennent des traitements suivis par leurs patients et peuvent corriger des oublis ou des erreurs. Ce sont de vrais professionnels de santé, accessibles sans rendez-vous.
Selon des missions qui leur ont été confiées depuis plusieurs années ou parfois plus récemment, ils dépistent, vaccinent et peuvent même traiter certaines pathologies bénignes.
Dans tous les cas, ils entretiennent un lien humain avec leurs patients, pour lesquels ils sont de véritables interlocuteurs de confiance.
Ce point est peut-être encore plus vrai aujourd’hui dans certaines communes rurales, où il est parfois plus simple de s’adresser au pharmacien que de réussir à trouver un médecin.
Pendant longtemps, la densité des officines était telle qu’elle permettait d’offrir une bonne répartition des pharmacies sur le territoire national, notamment grâce à une régulation de leur création, de leur regroupement ou de leur transfert.
Toutefois, il est parfois de plus en plus difficile d’accéder facilement à une pharmacie, le nombre d’officines n’ayant cessé de diminuer depuis une dizaine d’années, à un rythme toujours plus soutenu.
Quelles en sont les raisons ? Les pharmaciens d’officine rencontrent des difficultés de plus en plus grandes, qu’elles soient d’ordre économique, liées au recrutement ou encore à l’approvisionnement, sujet à propos duquel notre groupe avait d’ailleurs lancé une mission d’information sur les pénuries de médicaments en 2018.
En outre, les étudiants désertent les études de pharmacie, préférant s’orienter vers l’hôpital ou la pharmacie industrielle, voire vers des cursus complètement différents. Même si la situation s’est améliorée en 2023, environ 1 000 places n’avaient pas été pourvues en 2022.
Aussi le nombre d’officines est-il en chute libre : vingt-cinq d’entre elles ferment chaque mois, et leur maillage se fragilise pour nos concitoyens, surtout dans les territoires les moins bien dotés.
Pourtant, des solutions ont été proposées et des lois ont même été promulguées. En 2020, la loi Asap a permis, à titre expérimental, aux pharmaciens titulaires d’officine de créer une antenne dans une commune limitrophe où la dernière pharmacie a fermé ou lorsque l’accès aux médicaments se trouve compromis.
Il a toutefois fallu attendre décembre 2023 et la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels pour lever les difficultés techniques et juridiques de ce dispositif et lancer véritablement l’expérimentation.
Plus tardif encore : l’ordonnance de 2018 devait autoriser, à l’aide du dispositif Territoires fragiles, le regroupement de petites communes pour y permettre l’ouverture d’une officine, mais ses décrets d’application n’ont jamais été publiés !
La présente proposition de loi vise justement à permettre l’application de ce dispositif dès le 1er octobre prochain.
La détérioration de l’offre officinale ne fait que s’accélérer et nous devons apporter rapidement des solutions aux territoires déjà fragilisés.
Face au manque de médecins, nous estimons que l’élargissement des missions des pharmaciens d’officine est plus que pertinent. Il serait dommageable que le manque d’officines empêche de les remplir.
Nous devons soutenir les acteurs de santé de proximité. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien évidemment pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen vise à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales. Je tiens tout d’abord à remercier de leur travail nos collègues Maryse Carrère et Guylène Pantel, respectivement auteure et rapporteure de ce texte, qui démontre bien leur engagement et leur sens de l’écoute.
Il s’agit d’un enjeu de santé publique : il est nécessaire de maintenir l’égalité d’accès aux soins dans le respect des exigences de proximité.
À cela s’ajoute la question de l’attractivité des petites communes, sans oublier la place des pharmacies dans l’écosystème de la vie économique et leur importance dans le lien social. L’épidémie de covid-19 a d’ailleurs mis en évidence qu’il est important de disposer d’un maillage territorial d’officines suffisamment dense pour répondre aux situations de crise.
Néanmoins, force est de constater que, chaque mois, vingt-cinq pharmacies ferment en France. Entre 2007 et 2023, notre pays a perdu 4 000 officines. Cette situation reste préoccupante dans les petites communes, dont les habitants ont bien souvent déjà vu leur médecin généraliste partir.
En juillet 2019, j’avais alerté le Gouvernement au sujet des seuils « démo-géographiques » limitant la création de nouvelles officines, en déposant plusieurs amendements lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.
De nombreux élus considèrent que le droit actuel fait véritablement obstacle à l’installation d’une nouvelle pharmacie, malgré l’importance des besoins de desserte en médicaments.
Dans plusieurs communes de l’Essonne, à Saint-Chéron par exemple, la population est en hausse, mais le seuil légal empêche l’implantation d’une officine supplémentaire, alors qu’une seule pharmacie est loin de suffire pour répondre aux besoins.
En 2019, j’avais signalé qu’il était nécessaire de fixer un seuil raisonnable pour l’ouverture d’une deuxième officine, car la tranche de 4 500 habitants reste trop contraignante.
Par ailleurs, les conditions démographiques sont appréciées sur une durée au moins égale à deux ans. Là encore, ce critère est trop contraignant, notamment lorsque l’évolution démographique est avérée ou prévisible.
J’avais aussi dénoncé certaines pratiques liées à l’acquisition d’officines. En effet, des pharmaciens profitent de la mise en vente d’une officine voisine concurrente pour l’acheter dans le seul but de faire cesser son activité.
Face à de telles pratiques, les élus locaux, principaux acteurs de la dynamique territoriale, demeurent désemparés, même si la population de leur commune augmente. Il conviendrait de mieux encadrer ces procédés.
En outre, il est essentiel de prendre en compte l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques et des besoins de santé de nos concitoyens, qui souffrent à la fois du manque de professionnels de santé et de la pénurie de certains médicaments.
Il est aussi à noter que les tensions pourraient s’aggraver : d’après le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, la part des titulaires d’officine ayant plus de 60 ans a presque doublé depuis dix ans.
Par ailleurs, les études de pharmacie recrutent difficilement ces dernières années, et des places y sont laissées vacantes. Cela semble assez paradoxal au moment où l’on multiplie le rôle et les missions des pharmaciens au sein de la chaîne sanitaire : conseils, actes de dépistages, vaccinations, tests rapides d’orientation diagnostique, prise en charge de pathologies dites légères.
Nous remarquons également parfois des inégalités territoriales. Faute de repreneur, des communes rurales se retrouvent parfois du jour au lendemain sans pharmacie, les usagers étant alors contraints de réaliser des déplacements de plus de trente minutes pour se rendre dans l’officine la plus proche.
Nos efforts législatifs pour résoudre ce problème ont abouti à deux instruments : le dispositif Territoires fragiles, porté par l’ordonnance du 3 janvier 2018, et la création d’antennes d’officine par la loi Asap. Les deux mesures sont malheureusement restées inappliquées : plus de six ans après l’ordonnance de 2018, le Gouvernement n’a toujours pas publié le décret indispensable à sa mise en œuvre ; plus de trois ans après l’adoption de la loi Asap, des difficultés juridiques ont empêché le lancement effectif de l’expérimentation.
Heureusement, l’expérimentation a été simplifiée avec la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, et les premières antennes d’officine devraient bientôt pouvoir être créées dans les territoires les plus sinistrés, notamment dans la vallée de la Roya ou le village de Cozzano.
Dans ce contexte, nous tenons à saluer cette proposition de loi visant à faciliter l’ouverture d’officines dans les territoires faiblement peuplés au moyen de transferts, de regroupements ou de créations.
Toutefois, l’assouplissement des règles d’installation ne saurait aucunement faire oublier ni les problèmes de recrutement que connaît la profession ni la pénurie de médicaments dont souffre la population.
Nous soutenons vivement l’amendement de la rapporteure, dont le dispositif relève du bon sens et répond parfaitement aux attentes de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Son adoption permettrait d’apaiser les inquiétudes de la profession. L’idée est simple : recentrer le dispositif sur sa cible prioritaire.
Cet amendement tend ainsi à contraindre le Gouvernement à publier, avant le 1er octobre 2024, le décret nécessaire à l’application du dispositif Territoires fragiles, qui prévoyait l’assouplissement des conditions d’ouverture des pharmacies d’officine dans les zones les moins bien dotées.
Dans le cas contraire, à compter de cette date, les directeurs généraux des agences régionales de santé pourront identifier lesdits territoires dans des conditions définies par décret, en tenant compte des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales des populations, ainsi que de l’offre pharmaceutique et des particularités géographiques de chaque zone.
Dans ces territoires fragiles, l’ouverture d’une officine est facilitée dans une commune de moins de 2 500 habitants. Elle peut être autorisée si celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine, lorsque l’une d’elles recense au moins 2 000 habitants et lorsqu’elles totalisent ensemble au moins 2 500 habitants.
Enfin, des aides spécifiques peuvent être accordées par l’ARS ou l’assurance maladie aux officines situées dans ces territoires pour favoriser leur ouverture et leur maintien.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le groupe RDSE et Mme la rapporteure de leur travail.
En à peine dix ans, notre pays a perdu 1 800 pharmacies. Certes, nous en comptons encore 20 000, mais la tendance devrait malheureusement rester à la baisse.
Depuis la réforme des études de santé conduite voilà trois ans, la chute des effectifs des facultés de pharmacie est inquiétante. Durant l’année scolaire passée, 1 100 places y sont restées vacantes, soit 27 % du total ouvert. Or l’âge moyen des pharmaciens augmente et nombre de départs à la retraite risquent de ne pas être remplacés.
Tandis que l’offre de pharmacie se réduit, les besoins s’amplifient : d’une part, en raison du vieillissement de la population ; d’autre part, à cause de l’accroissement régulier du nombre de missions confiées aux pharmaciens – tests médicaux, vaccinations, prescriptions médicales, télémédecine ou tout simplement conseils de santé délivrés à ceux qui ne peuvent aller chez un médecin.
Avec la multiplication des déserts médicaux, les pharmaciens sont de plus en plus sollicités pour compléter l’offre de santé.
Si cette évolution conforte les pharmaciens dans l’idée que leur travail a du sens, nous devons lutter contre le phénomène bien réel des déserts pharmaceutiques.
Avec la multiplication de leurs missions, les pharmaciens ont en effet tendance à se regrouper dans de grandes officines, naturellement concentrées dans les communes les plus peuplées. Les zones rurales risquent de se retrouver sans pharmacie de proximité.
En Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, l’union régionale des professionnels de santé a sonné l’alarme. Sur les cinquante-trois pharmacies isolées recensées, situées à plus de quinze minutes de transport d’une autre, la moitié d’entre elles pourraient fermer prochainement.
Faudra-t-il bientôt faire une demi-heure de route pour récupérer ses médicaments ? Hélas, nombre de nos concitoyens y sont déjà contraints. Comment espérer renforcer l’attractivité des communes rurales si des services aussi essentiels disparaissent ?
Face à cette menace, la proposition de loi comporte une mesure intéressante : autoriser l’ouverture de pharmacies dans des communes de moins de 2 500 habitants, si ce seuil de population est atteint par un regroupement de plusieurs communes limitrophes ne disposant d’aucune pharmacie. C’est une première réponse à la désertification pharmaceutique.
Aussi, nous saluons cette proposition de loi de Mme Maryse Carrère et de ses collègues du groupe RDSE.
Cependant, de manière assez incompréhensible, l’examen du texte en commission a conduit à supprimer la condition selon laquelle une commune de la zone concernée devait compter au moins 2 000 habitants. Nous regrettons sans nuance cette manœuvre, qui limite malheureusement la portée essentielle de ce texte.
Nous saluons toutefois l’application de cette mesure dès le 1er octobre prochain, qui permet de remédier à l’éventuelle absence de publication du décret d’application par le Gouvernement, si souvent observée par le passé.
Cette proposition de loi répond aussi à la problématique des propharmacies, c’est-à-dire des officines tenues par des médecins dans des zones rurales, comme à Clelles-en-Trièves, dans ma région. Ce type de structure est indispensable pour pallier le manque de services, mais peut poser des problèmes de conflit d’intérêts et souvent de pérennité, auxquels il est utile de remédier.
Ainsi, cette proposition de loi est positive pour nos concitoyens ruraux, qui ont droit à des services de santé de qualité et de proximité.
Ce débat illustre la nécessité de réglementer l’installation des professionnels de santé sur les territoires. Si les critères d’installation doivent parfois évoluer, l’encadrement par la loi de la répartition territoriale des pharmaciens permet d’éviter la formation de vastes déserts médicaux.
J’invite donc mes collègues réticents vis-à-vis de cet encadrement à reconsidérer leur position, afin de permettre l’installation de médecins à proximité de tous les Français.
Enfin, après les pénuries de médecins et de pharmaciens, il est urgent de nous pencher sur les difficultés d’approvisionnement en médicaments. Ces situations ont explosé ces dernières années, y compris pour des produits d’usage aussi courant que le paracétamol.
Nous ne pouvons plus nous contenter de distribuer des subventions aux entreprises pharmaceutiques en espérant que celles-ci relocalisent leurs usines. Nous devons avoir des garanties concrètes d’emploi et de production.
Dans cette optique, nous avions soutenu la création d’un pôle public du médicament et des produits de santé, sur l’initiative de nos collègues du groupe CRCE-K.
Nous soutenons cette proposition de loi et vous appelons, mes chers collègues, à adopter les amendements visant à conforter la nécessaire portée de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Jocelyne Antoine applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe RDSE nous fournit l’occasion de débattre d’une profession de santé dont la régulation, comme l’a souligné Mme la rapporteure, permet un maillage performant : celle des pharmaciens.
Dans le contexte de la désertification médicale et du recul des services publics hospitaliers ou de maternité, la présence d’une pharmacie est devenue indispensable pour nos concitoyens, qui peinent à accéder aux soins.
Toutefois, alors que les pharmaciens sont amenés à accomplir toujours plus d’actes médicaux – vaccinations, dépistages rapides, conseils aux patients et même téléconsultations –, le nombre de pharmacies diminue chaque année. En conséquence, le temps de trajet pour accéder à une officine s’allonge et les inégalités territoriales s’accroissent.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. L’évolution des attentes des pharmaciens, tout d’abord : ceux-ci ne souhaitent plus travailler seuls soixante-dix heures par semaine. Les nouvelles générations aspirent en effet à mieux concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle, ainsi qu’à travailler de manière moins isolée, en s’associant à d’autres pharmaciens.
En outre, des groupes privés ont bien compris qu’il était dans leur intérêt d’accompagner les pharmaciens en leur proposant des partenariats allant du marketing jusqu’au recrutement.
Aujourd’hui, quatre grands groupes participent au regroupement de ces officines et accélèrent la financiarisation du système de santé, à un point tel que cela devient extrêmement inquiétant.
Le rachat d’officines par certains pharmaciens qui les ferment ensuite pour garantir l’augmentation de leur chiffre d’affaires pose également question. Il s’agit parfois d’assurer la viabilité économique de certaines pharmacies, mais il est aussi courant qu’il s’agisse simplement de rechercher la profitabilité maximale.
Le phénomène de désertification pharmaceutique risque de s’accélérer. L’an passé, plus de 1 000 places étaient vacantes dans les filières de formation et encore 500 places cette année. La réforme des études de santé et Parcoursup n’y sont pas étrangers. Monsieur le ministre, il est indispensable de se pencher sur la lisibilité et la visibilité de la filière si nous ne voulons pas que la pénurie s’accroisse.
Face à ce constat, les auteurs de ce texte proposaient d’assouplir les conditions d’installation des pharmacies dans les petites communes en modifiant le seuil à partir duquel il est possible d’ouvrir une officine.
La réglementation actuelle pénalise les communes de moins de 2 500 habitants, qui ne peuvent ouvrir une officine de pharmacie sans se regrouper avec une autre commune comptant au moins 2 000 habitants.
La commission des affaires sociales a préféré appliquer le dispositif Territoires fragiles, créé par une ordonnance de janvier 2018, qui prévoit d’assouplir les conditions d’installation des pharmacies dans les zones les moins dotées.
D’autres orateurs l’ont souligné, nous attendons la publication des décrets d’application de cette ordonnance depuis six ans. Monsieur le ministre, je me demande s’il ne faudrait pas créer une « taxe lapin » pour sanctionner le Gouvernement à chaque fois qu’il n’honore pas son obligation de publier des décrets d’application ! (Sourires.)
Certains amendements visent à rétablir la version originale du texte. Nous y souscrivons complètement et nous les soutiendrons.
Face à la pénurie de médicaments, il est nécessaire de soutenir les réseaux d’officines pharmaceutiques de proximité, plutôt que de déréglementer la vente en ligne de médicaments, ainsi que le Premier ministre l’a annoncé dans son discours de politique générale, ce qui est là aussi particulièrement inquiétant.
Mes chers collègues, nous sommes absolument convaincus du rôle central joué par les officines pharmaceutiques dans nos communes et nous voulons absolument remédier à la désertification, qui risque de s’accroître dans ce secteur. Nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)