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Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Lors des scrutins n° 162, 163 et 164 sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, Mme Annick Girardin souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte est donné de votre mise au point. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

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Fermeture des classes et mise en place de la carte scolaire dans les départements

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, à la demande du groupe Les Républicains, sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire dans les départements.

La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Max Brisson aurait souhaité débattre de ce thème, qui lui tient à cœur, mais il a dû s’absenter. Je lirai donc l’intervention qu’il avait préparée.

Notre collègue tient tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains de l’initiative de ce débat – ô combien bienvenu ! – sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire du premier degré dans les départements.

Il souhaitait revenir sur sa question d’actualité, posée voilà un an. Elle narrait l’histoire d’un inspecteur de l’éducation nationale, qui se rend chaque année dans un village de France pour calculer le nombre d’élèves attendus à la prochaine rentrée dans sa petite école communale.

Le maire de ce village attend depuis plusieurs années l’aide indispensable de l’État pour la rénovation de l’école, par la fenêtre de laquelle on aperçoit quelques maisons en construction. Un projet d’ampleur voulu par la municipalité doit en effet accueillir dans deux ou trois ans des familles avec enfants, ce qui contribuera à la vitalité de la commune ainsi qu’à l’attractivité du canton tout entier.

Mais ce qui se passe dans deux ou trois ans n’intéresse pas M. l’inspecteur représentant M. l’inspecteur d’académie. Ce dernier est en effet tenu de respecter un rituel très strict et très codifié : celui de l’immuable carte scolaire. Ce rituel qui conduit chaque année les inspecteurs d’académie de France et de Navarre à sortir leur règle à calcul pour compter les élèves et décider du sort des postes et des classes.

En voici le déroulé pour les écoles maternelles et élémentaires de notre pays : en octobre, transmission par les services des prévisions d’effectifs d’élèves de l’année suivante au rectorat et au ministère ; en décembre, notification du ministère à l’académie du nombre de postes d’enseignants et répartition par le rectorat desdits postes entre les départements ; en décembre encore, projets de retraits et d’affectations des postes préparés par le directeur académique ; en janvier, information descendante vers les maires concernés, pour la forme uniquement et sans autre faculté pour eux que celle d’une vaine contestation ; en février, avis consultatif du conseil départemental de l’éducation nationale, la décision définitive étant prise par l’inspecteur et matérialisée par un arrêté ; en mai, retour par les directeurs d’école de l’état des élèves inscrits ; en juin, ajustement des retraits et affectations après un nouveau comité technique paritaire départemental ; en septembre, ultimes ajustements au regard des effectifs constatés le jour de la rentrée et derniers comités techniques et commissions administratives paritaires pour décider de l’affectation des personnels.

Quelques jours après la rentrée, au terme de onze mois de procédure, c’est la fin de l’opération de l’année N et le début de l’opération N+1. L’usine à gaz peut redémarrer.

Pour notre petite école, la procédure sonne comme un couperet. À la prochaine rentrée, elle perdra trois élèves. Le calcul a été simple pour M. l’inspecteur d’académie : trois élèves en moins, un poste d’enseignant en moins, c’est donc une classe qui ferme.

Qu’importe la volonté du maire ou les projets de la commune : la décision est prise, l’administration s’est prononcée et sa sentence est irrévocable.

Telle est l’issue de ce rituel immuable, qui sent bon la IVe République.

Rituel qui, eu égard à la multitude d’acteurs mobilisés et aux moyens déployés, s’assimile de plus en plus à un paroxysme de lourde bureaucratie : chaque strate administrative est appelée à se prononcer tour à tour pour ne retenir, au bout du compte, que la décision du directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen).

Rituel dont la complexité et la récurrence pourraient nous faire sourire s’il ne décidait pas, année après année, de l’avenir de nos écoles et de nos communes.

Rituel très interne à l’éducation nationale, où la consultation des élus locaux concernés – lorsqu’elle existe – n’est nullement formalisée, mais se trouve réduite à une simple information, qui s’accompagne parfois de l’écoute de la colère qui monte et des soutiens mobilisés.

Rituel terriblement annuel et donc terriblement obsolète, alors que l’État ne cesse d’enjoindre aux maires et aux élus locaux d’inscrire leurs politiques d’urbanisme dans les Sraddet (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), les Scot (schémas de cohérence territoriale), les PLUi (plans locaux d’urbanisme intercommunal) ou les PLU (plans locaux d’urbanisme), leur imposant d’anticiper, de planifier, bref de voir plus loin.

Madame la ministre, Max Brisson vous le demande : jusqu’à quand l’éducation nationale restera-t-elle le seul ministère allant à rebours de toute démarche de planification de ses effectifs du premier degré ? Jusqu’à quand restera-t-elle le seul ministère à adapter chaque année ses postes au comptage à l’unité près de ses usagers ?

Ne serait-il pas temps de prendre en considération les demandes des acteurs de terrain, qui réclament plus de visibilité et de souplesse dans la mise en œuvre de la carte scolaire ?

Voilà pourquoi Max Brisson appelle de ses vœux la refonte en profondeur et la pluriannualité de cette carte. Voilà pourquoi il appelle de ses vœux une contractualisation sur trois ans au moins, construite dans le cadre d’un dialogue formalisé entre l’éducation nationale, les communes, les syndicats et les intercommunalités en charge de la compétence scolaire.

Contractualisation ne signifie pas moratoire, madame la ministre. Les maires sont des élus responsables. Ils connaissent les évolutions démographiques attendues, mais ils savent aussi qu’elles doivent être gérées avec discernement selon les territoires, en tenant compte de leurs spécificités : éducation prioritaire, grande ruralité, montagne.

Votre prédécesseur, Gabriel Attal, s’était d’ailleurs engagé, le 21 décembre dernier, à maintenir 2 500 postes d’enseignants, qui devaient être supprimés au vu de la baisse annoncée des effectifs.

Madame la ministre, vous qui vous inscrivez dans sa continuité, prenez-vous également cet engagement devant la Haute Assemblée ?

Enfin, Max Brisson appelle de ses vœux une démarche emboîtée entre évolutions à moyen terme de l’offre scolaire et politiques de rénovation du bâti scolaire menées par les collectivités locales, à l’heure de la transition écologique et de la performance énergétique.

Il souhaite vous faire remarquer, madame la ministre, que la priorité donnée au bâti scolaire dans la gestion des fonds déconcentrés de l’État – dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), fonds vert –, répétée à l’envi au 110, rue de Grenelle, ne se retrouve pas toujours dans les consignes explicites données aux préfets chargés de ces fonds.

Madame la ministre, avec la question de la carte scolaire, voilà bien un chantier à ouvrir pour doter au plus vite l’éducation nationale de la vision à long terme qui lui fait si cruellement défaut. Nous sommes convaincus que ce débat sera l’opportunité d’en poser les premières pierres, en confrontant les réalités, les idées et les sensibilités de chacun, au cœur d’un dialogue constructif, comme en est coutumier le Sénat.

Réfléchir à la carte scolaire, c’est s’inscrire demain dans un nouveau partenariat entre éducation nationale et collectivités locales ; c’est surtout rappeler combien l’école est un enjeu partagé au cœur de la promesse républicaine, laquelle ne peut ni ne veut oublier aucun territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il est souvent fait état de la France des 36 000 communes ; si vous me le permettez, je souhaiterais que nous parlions aujourd’hui de la France des 48 000 écoles.

Notre pays peut en effet s’enorgueillir de son maillage scolaire unique, qui comptait en 2023 pas moins de 58 900 écoles et établissements du second degré, accueillant 12,7 millions d’élèves et d’apprentis. C’est là notre fierté.

Ce réseau très dense de proximité est important pour le bien-être des élèves et des personnels de l’éducation nationale en ce qu’il leur permet de vivre près de leur école, de limiter les temps de transport et de disposer d’établissements à taille humaine.

C’est aussi un élément important de la vie quotidienne de chacun de nos territoires. Nous sommes donc attachés à le préserver autant que faire se peut.

Toutefois, vous le savez, la France doit faire face depuis plusieurs années à un phénomène inédit et structurel de ralentissement de sa démographie.

Depuis 2017, nous avons ainsi perdu près de 400 000 élèves à l’échelle nationale. Cela suppose d’adapter notre réseau, partout dans le pays.

Avec ses 48 220 écoles primaires, la France dispose d’un nombre très élevé de structures, alors que l’Allemagne, plus peuplée, en compte moins et que l’Espagne en totalise seulement 12 300.

Si ce recul démographique touche l’ensemble de notre pays, il affecte différemment les territoires : alors que la déprise est marquée dans certains d’entre eux, d’autres continuent à gagner en population, parfois très fortement.

Ces tendances aux causes diverses se vérifient à l’échelle nationale, mais aussi parfois au sein d’une même région, voire d’un même département. L’éducation nationale doit donc suivre ces tendances pour assurer à chaque élève la présence d’un enseignant face à lui, et ce dans les meilleures conditions d’apprentissage possible.

Enfin, il est important de garder à l’esprit l’effort que nous réalisons pour assurer le bon déploiement de nos politiques prioritaires.

Je pense en particulier au dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1 en éducation prioritaire et à leur plafonnement à vingt-quatre élèves sur le reste du territoire.

Je pense également à l’ouverture chaque année dans nos écoles de nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis).

Ces mesures, dont l’efficacité est réelle, nécessitent la mobilisation d’une part importante de nos ressources. Il faut donc adapter notre schéma d’emploi en conséquence.

Dans ce contexte et compte tenu de ces impératifs, l’éducation nationale reste pleinement mobilisée pour maintenir sa présence dans les territoires autant que faire se peut.

Précisons-le d’emblée : les ajustements que nous effectuons chaque année pour répondre à la diminution du nombre d’élèves ne suivent pas du tout ceux de la démographie. C’est là un principe fort auquel nous sommes attachés. Au contraire, nous tâchons du mieux possible de tirer parti de cette situation pour améliorer l’encadrement des élèves et favoriser de meilleures conditions d’enseignement.

Ainsi, malgré la baisse que j’évoquais de 400 000 élèves depuis 2017, pas moins de 12 000 postes d’enseignants ont été créés sur la même période. Cet effort très important nous a permis d’améliorer sensiblement l’encadrement des élèves : nous sommes passés de 5,46 professeurs pour 100 élèves en 2017 à 6,03 à la rentrée de 2023.

Cette amélioration assez considérable du taux d’encadrement est le signe de l’importance que nous accordons à l’école, à sa présence partout dans notre pays et aux conditions de la transmission des savoirs.

Le Gouvernement est donc attaché à maintenir un maillage scolaire aussi dense qu’efficace, tout en procédant aux adaptations rendues nécessaires par le contexte démographique et les réformes mises en œuvre.

Toutefois, j’y insiste : notre objectif consiste toujours à améliorer l’encadrement des élèves pour assurer les meilleures conditions d’apprentissage possible et la plus grande réussite scolaire.

Au-delà de la simple gestion des ressources humaines, je sais combien cette question extrêmement sensible pèse sur les territoires et sur le ressenti des habitants, dont vous êtes les porte-parole, mesdames, messieurs les sénateurs.

J’ai perçu, en tant qu’ancienne rectrice, notamment à Limoges, toute la sensibilité des enjeux liés aux modifications de la carte scolaire, en particulier dans les territoires ruraux. Votre propos, monsieur le sénateur Grosperrin, en portait le témoignage.

Je souhaite rappeler que la carte scolaire constitue avant tout un outil, dont l’élaboration, fruit d’un travail continu, doit être menée en lien étroit avec les forces vives des territoires, notamment les élus, pour que chaque élève dispose de conditions d’enseignement favorables.

À ce titre, je dois remercier les services de l’éducation nationale, en particulier les Dasen, pour leur engagement dans la conduite de ces politiques difficiles, qui nécessitent une connaissance fine des territoires, une fermeté bienveillante ainsi qu’une disponibilité de tous les instants, notamment vis-à-vis des élus, dont ils sont les premiers interlocuteurs.

Je sais aussi que, malgré le travail effectué en amont, les annonces de fermeture sont souvent vécues avec beaucoup de difficulté. C’est pourquoi le Gouvernement a proposé de faire évoluer la méthode appliquée jusqu’ici ; je souhaite poursuivre cet effort.

Annoncé le 15 juin 2023 par la Première ministre Élisabeth Borne, le plan France Ruralités proposait une série de mesures, parmi lesquelles la création d’une instance de dialogue et de concertation entre l’État et les élus, à laquelle je suis très attachée et dont l’objectif est triple.

Il s’agit tout d’abord de partager le constat de l’existant et de mesurer tous les paramètres à prendre en compte. Les constructions nouvelles que vous évoquiez, monsieur le sénateur Grosperrin, en font partie.

Il s’agit ensuite de favoriser la cohérence des politiques publiques en matière d’aménagement du territoire éducatif et, de ce fait, de faciliter les échanges entre l’éducation nationale, les services de l’État et l’ensemble des élus.

Il s’agit enfin d’établir avec les élus des différentes collectivités concernées une vision prospective de l’évolution de la carte scolaire sur trois ans, ce qui, vous l’avez rappelé, est très attendu.

La généralisation de cette instance, que l’on appelle souvent « observatoire des ruralités », ne permettra pas de fixer un moratoire sur les fermetures de classes. Elle doit néanmoins faciliter le partage et l’étude des données et offrir une vision prospective, dans un contexte local précis. Elle permettra ainsi d’anticiper des mesures de carte scolaire, qui sont soit envisageables, soit prévisibles, soit inévitables.

Elle encouragera aussi le développement d’initiatives nécessaires pour garantir les meilleures conditions d’apprentissage à nos élèves.

Cette visibilité est indispensable pour les élus, qui hésitent parfois à s’engager dans des travaux de rénovation du bâti scolaire, qui sont pourtant nécessaires tant d’un point de vue économique ou climatique que pour offrir un cadre épanouissant et qualitatif aux élèves comme aux personnels.

Je sais que les élus sont particulièrement attentifs à cette question. Le rapport récent sur le bâti scolaire diligenté par votre assemblée en porte le témoignage.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Nicole Belloubet, ministre. Cette instance doit aussi permettre l’expression d’une solidarité entre les territoires.

C’est évidemment dans ce cadre que pourront être développés des projets du type territoires éducatifs ruraux ou cités éducatives, lorsqu’il s’agira de villes.

Cet ensemble de travaux autour d’un même objectif partagé, la cohérence des politiques publiques de l’État et le dialogue avec les élus me semblent indispensables. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Madame la ministre, en 2023, à Paris, vos services ont fermé 178 classes dans les écoles primaires publiques.

Cette année encore, ils continuent d’appliquer cette stricte logique comptable. Ainsi, 137 fermetures de classes sont annoncées dans le premier degré et les collèges verront la fermeture de 58 divisions. En considérant l’ensemble du second degré, l’on arrive à 128 suppressions de postes.

Madame la ministre, vous justifiez ces décisions par la baisse démographique. Toutefois, pour l’enseignement privé parisien dans son ensemble – école, collège, lycée –, une cinquantaine de classes seulement seront déconventionnées.

L’enseignement public assume quasiment à lui seul la baisse démographique à Paris. Vous contribuez, par ce type de décision, à le fragiliser.

Je vous ai déjà interpellée sur l’occasion historique que cette baisse démographique aurait pu constituer pour abaisser le nombre d’élèves par classe et faciliter ainsi l’accompagnement pédagogique et la réussite de tous les élèves.

Je vous ai également interpellée sur l’inégalité de traitement que vous continuez à entretenir entre enseignement public et enseignement privé à Paris, mais aussi, de fait, sur la ségrégation que cela contribue à alimenter.

Ma question est simple : quand et comment les fermetures de classes dans l’enseignement privé seront-elles discutées dans un cadre aussi démocratique que le conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN) du premier degré pour l’enseignement public ? Quand et comment comptez-vous assurer cette transparence, notamment vis-à-vis des élus, au service d’une gestion qui ne soit pas inégalitaire et inéquitable pour l’enseignement public ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, la difficulté que nous rencontrons à Paris est liée à la baisse très importante de la démographie scolaire : à la rentrée 2024, on comptait ainsi 2 031 élèves en moins. C’est pourquoi l’académie de Paris a proposé de fermer 173 classes.

Malgré cela, le taux d’encadrement restera le troisième le plus favorable de notre pays. Les effectifs par classe dans le primaire sont passés, entre 2013 et 2023, de vingt-cinq à vingt élèves. Par ailleurs, trente-neuf ouvertures de classe sont prévues : vingt et une sont liées à la politique de dédoublement en zone d’éducation prioritaire que j’ai évoquée à l’instant et seize en raison du plafonnement du nombre d’élèves par classe à vingt-quatre. Seront aussi créés à la rentrée prochaine à Paris dix postes de personnels remplaçants.

En dépit de la baisse du nombre d’élèves, l’effort est donc maintenu dans la capitale.

Sur la question du lien avec le privé, nous fonctionnons comme nous l’avons toujours fait : c’est un dossier que je devrai traiter avec le nouveau recteur de l’académie de Paris, qui vient d’être nommé.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.

Mme Colombe Brossel. Madame la ministre, vous n’avez pas complètement répondu à ma question : quand et comment comptez-vous mettre en place un cadre qui permette de réunir l’ensemble des parties prenantes autour de la table, notamment dans le premier degré ?

Il n’est pas normal que les fermetures et les ouvertures de classe ne soient pas évoquées officiellement en CDEN : ces données ne font pas partie de celles que l’on y examine. Par ailleurs, madame la ministre, vous le savez, car vous êtes alertée par des élus de tous bords à Paris, le seuil de vingt-quatre élèves par classe sera largement dépassé après les fermetures.

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Il y a Paris, certes, mais il ne faut pas oublier les régions.

Laissez-moi vous conter une histoire : il était une fois Arcey, une commune du Doubs – mais l’histoire pourrait se passer dans un autre département. Un inspecteur d’académie a demandé, voilà quelques années, aux sept communes voisines de regrouper leurs écoles. En 2018, celles-ci ont ainsi donné naissance à une seule école, et non pas un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), à Arcey.

Voilà que cette année on leur demande de fermer une classe. Les acteurs locaux ont pris un engagement, ont fait des efforts pour le réaliser, se sont concertés et ont travaillé ensemble. Ils ont même dépensé de l’argent public, à hauteur de 1 million d’euros. Ils ont notamment perçu des crédits au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux et reçu des financements du département. Et puis patatras, le conte de fées se termine mal, comme c’est souvent le cas dans beaucoup d’écoles, dans beaucoup de régions de France.

Dans la ruralité, madame la ministre, la cible doit être adaptée. Les élus locaux sont en première ligne. Ils sont capables de travailler ensemble, je viens de le montrer. Surtout, il faut raisonner à l’échelle des bassins de vie.

Le débat que nous avons aujourd’hui est essentiel. Vous avez fait, madame la ministre, des annonces qui nous intéressent sur la mise en place du cadre de concertation triennal. Vous avez évoqué également l’installation d’observatoires des dynamiques rurales, ce qui suscite une attente chez les élus, celle que l’État s’engage à respecter un moratoire de trois ans pour les fermetures de classes. Or aucun budget pluriannuel n’est prévu. Quel sera, dès lors, le rôle de cette instance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Je crois beaucoup à ces observatoires de la ruralité, là où cette problématique est particulièrement vive – mais ils pourraient être tout aussi utiles ailleurs.

Il est très important de partager avec les élus, qui connaissent leur territoire, un constat non seulement sur les données démographiques, dont on ne peut faire abstraction, mais aussi sur l’ensemble des politiques publiques conduites localement. C’est ainsi qu’il sera possible d’avoir une vision prospective.

Je suis lucide, je sais très bien que cela ne supprimera jamais le choc que constitue l’annonce d’une fermeture de classes. Mais peut-être cela conduira-t-il l’ensemble des partenaires – les élus, l’État – à mettre en œuvre des politiques construites de manière cohérente et concertée. Voilà ce à quoi je crois, raison pour laquelle nous allons proposer de mettre en œuvre cette nouvelle modalité de construction de la classe.

Je ne connais pas la situation de la commune du Doubs que vous avez évoquée, monsieur le sénateur. Je peux simplement rappeler que le Doubs connaît une baisse démographique importante. Le département comptera, à la rentrée 2024, 2 628 élèves de moins qu’en 2021, ce qui est important. Cette situation conduit à des fermetures de classes. Je conçois que cela soit difficile à accepter. Mais là encore, l’on constate que le taux d’encadrement évolue favorablement dans votre département.

J’espère que les nouvelles modalités d’élaboration de la carte scolaire, telles que je les ai présentées, et qui ont d’ailleurs déjà été mises en œuvre dans votre département, si mes informations sont exactes, permettront de développer une meilleure vision prospective.

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.

M. Jacques Grosperrin. Madame la ministre, vous avez raison. Vous avez insisté sur le rôle des inspecteurs d’académie : ils remplissent leur rôle de manière très forte et sont très présents ; ils nous interpellent souvent.

La création d’observatoires constitue une idée intéressante, mais ma question portait sur le budget : aucun budget pluriannuel n’est prévu. Il existe une contradiction : certaines écoles perçoivent des crédits au titre de la DETR, avec l’accord des préfets, mais certaines d’entre elles voient leurs effectifs baisser. Les maires sont en plein désarroi. Je voulais vous alerter sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. En milieu rural, les familles sont les premières victimes des fermetures de classes, ce qui les oblige parfois à réaliser de longs trajets.

Quand une classe ou une école ferme, les petites et les moyennes communes souffrent irrémédiablement d’une perte d’attractivité et de vitalité. Diminuer l’offre éducative, c’est condamner un territoire au déclin.

Les jeunes ruraux sont directement pénalisés par la mise en place de la carte scolaire, qui a des répercussions profondes et directes sur la vie du territoire et l’avenir des enfants.

Des inégalités territoriales flagrantes apparaissent, dont nous font part régulièrement les maires démunis, lesquels font déjà face à des difficultés de financement et à un manque de personnel.

Cela est d’autant plus vrai pour les jeunes. Les inscriptions à l’école sont du ressort du maire. Même si les enfants de moins de 3 ans ne sont pas comptabilisés dans les effectifs scolaires, certains inspecteurs d’académie donnent des consignes aux directeurs d’établissement pour qu’ils n’acceptent pas ces enfants.

Ainsi, quand le petit dernier n’est pas scolarisé, c’est toute une fratrie qui peut se trouver obligée de partir dans une autre école, parfois dans un établissement privé. La famille est même parfois contrainte de déménager vers une plus grande ville. C’est un cercle vicieux, qui transforme nos territoires ruraux en déserts éducatifs.

Nos enfants méritent mieux que cette logique comptable, fondée sur des statistiques démographiques et des chiffres déshumanisés. Ils méritent une éducation de qualité, accessible et équitable, où qu’ils vivent.

En milieu urbain ou rural, partout l’école républicaine doit répondre à ses promesses. Des efforts ont été faits pour les réseaux d’éducation prioritaire (REP). Pourquoi ne pas faire de même pour les zones rurales ? Une cour de récréation sans enfants, c’est la mort de la commune.

Madame la ministre, quelles sont vos ambitions à ce sujet ?