M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Saury, la mobilisation du Gouvernement est totale pour garantir l’accès des Français aux médicaments, mais il est vrai que des pénuries persistent.
Comme vous le soulignez, le nombre de déclarations de ruptures ou de risques de ruptures de stock de médicaments a augmenté ces dernières années. Cette situation est malheureusement la même au niveau international, et les raisons en sont multiples.
Depuis 2019, des mesures fortes ont été mises en œuvre pour renforcer la prévention des pénuries, comme l’interdiction des exportations de médicaments par les grossistes-répartiteurs dans les situations de tensions ou l’obligation pour les industriels de constituer des stocks de sécurité pour le marché national.
La situation s’est malheureusement dégradée depuis 2019 en raison du contexte géopolitique et sanitaire international.
Les ministres Catherine Vautrin, Frédéric Valletoux et Roland Lescure ont donc présenté en février dernier une nouvelle feuille de route destinée à lutter contre les pénuries de médicaments, qui fixe la stratégie gouvernementale des trois prochaines années. Elle tient bien sûr compte du rapport et des recommandations de la mission d’enquête du Sénat de juillet 2023.
Les principales mesures sont les suivantes : agir sur la répartition des stocks sur l’ensemble du territoire en diminuant la vente directe et en favorisant le recours aux grossistes-répartiteurs ; libérer des stocks d’État pour les médicaments subissant de fortes tensions, comme l’amoxicilline au cours des derniers mois ; faire coïncider les quantités prescrites avec les conditionnements pour éviter le gaspillage, ce qui rend essentiel le rôle des officines ; améliorer la visibilité sur les stocks disponibles pour mieux anticiper les ruptures.
En parallèle, d’autres actions sont menées par le Gouvernement et les services de l’État. Je pense notamment à la mise en place d’une charte d’engagement de bonnes pratiques entre l’ANSM et les acteurs de la chaîne pharmaceutique. Des travaux sont également menés à l’échelon européen pour obtenir un accord autour d’un Critical Medicines Act, qui va être essentiel pour lutter contre ces pénuries.
inquiétudes sur les modalités d’octroi de trimestres supplémentaires pour la retraite des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 991, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Jean-Jacques Michau. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les inquiétudes des sapeurs-pompiers volontaires relatives à l’application concrète de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont l’article 24 accorde, au titre de la solidarité nationale, des trimestres supplémentaires pour la retraite des sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins dix années de service.
Cette disposition consacre une demande ancienne. Cette bonification de trimestres de retraite est tout d’abord une reconnaissance de la Nation pour l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires au service de la protection de la population. Elle permet aussi de renforcer l’attractivité du dispositif de fidélisation et de reconnaissance pour pérenniser la forme du volontariat et soutenir le recrutement.
Cette mesure est surtout une mesure de justice sociale pour des citoyens qui acceptent pendant de nombreuses années des contraintes lourdes sur leur vie familiale et personnelle, parfois au péril de leur vie, se rendant disponibles plusieurs journées et nuits par mois, week-end compris, pour porter secours à leurs concitoyens en plus de leurs activités professionnelles.
Or les pompiers attendent le décret d’application depuis plus d’un an !
Les responsables des sapeurs-pompiers de l’Ariège s’inquiètent même d’une possible volte-face du Gouvernement, qui entendrait réserver la bonification de trimestres aux sapeurs-pompiers ayant des carrières hachées, ce qui écarterait la quasi-totalité des sapeurs-pompiers volontaires. Si cette orientation se confirmait, ce serait un détournement de la volonté exprimée sur toutes les travées du Sénat.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que les bonifications de trimestres de retraite s’appliqueront à tous les sapeurs-pompiers volontaires ayant effectué au moins dix ans de service et pouvez-vous me donner la date à laquelle cette décision sera effective ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Michau, les sapeurs-pompiers volontaires constituent la pierre angulaire de notre système de sécurité civile et je tiens ici à exprimer tout notre attachement et toute notre gratitude à ces femmes et à ces hommes, ainsi qu’à leurs familles, qu’ils embarquent souvent avec eux dans leur engagement. J’y insiste, ils sont absolument essentiels pour le lien social et l’accompagnement dans nos territoires.
La réforme des retraites de 2023 a concrétisé, pour les sapeurs-pompiers volontaires, un vœu jusqu’ici toujours écarté : l’attribution des droits à retraite aux sapeurs-pompiers volontaires pour garantir que leur engagement ne pèse pas sur leur future pension.
Le Gouvernement tiendra cet engagement, et ce de façon rétroactive : pour toute nouvelle liquidation de pension d’une personne ayant accompli par le passé au moins dix ans de service en tant que sapeur-pompier volontaire, ces périodes donneront lieu à des trimestres supplémentaires, selon les conditions fixées par le décret.
Le décret prévoira bien que les trimestres supplémentaires seront accordés pour les années au cours desquelles des périodes d’engagement en tant que sapeur-pompier volontaire ont été effectuées et qui n’ont pas donné lieu à la validation de quatre trimestres. La mesure permettra donc de corriger les interruptions de carrière et de garantir que l’engagement de ces volontaires ne pèse pas sur l’acquisition de droits à retraite.
Cette avancée correspond bien à l’esprit des débats ayant conduit à l’adoption de l’article 24 de la loi portant réforme des retraites. Les amendements adoptés au Sénat précisaient que le dispositif ne pouvait conduire à la validation de plus de quatre trimestres par année, ce qui restreignait, de fait, la mesure aux carrières incomplètes.
La rédaction actuelle de l’article 24 de la loi précitée, issue de la commission mixte paritaire et qui renvoie son application à un décret, mentionne un coût de 30 millions d’euros pour la mesure, ce qui correspond au coût de la correction des interruptions de carrière engendrées par l’engagement en tant que sapeur-pompier volontaire. Aller au-delà de l’esprit du texte adopté à l’issue des débats relatifs à la réforme des retraites et accorder des bonifications de retraite aux sapeurs-pompiers volontaires ayant des carrières complètes quadruplerait le coût de la mesure. Nous ne pouvons faire peser une telle charge sur la sécurité sociale.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. C’est pourquoi les services du ministre de l’intérieur et du ministre du travail, de la santé et des solidarités travaillent de concert à l’élaboration d’un texte qui permette de respecter l’engagement pris lors des débats.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour la réplique.
M. Jean-Jacques Michau. Madame la ministre, je crains que ces précisions ne satisfassent pas les pompiers volontaires, qui œuvrent avec dévouement pour la sécurité de nos concitoyens.
situation budgétaire alarmante du centre hospitalier camille-claudel en charente
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la question n° 1081, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation budgétaire alarmante du centre hospitalier Camille-Claudel, en Charente, dont le déficit prévisionnel pour l’exercice 2023 est estimé à plus de 1 million d’euros. En outre, les projections pour 2024 laissent craindre un nouveau déficit de plus de 3 millions d’euros. Cette aggravation du déficit serait due, notamment, à une évolution des recettes de 1 %, qui est insuffisante pour couvrir l’inflation des dépenses.
Par ailleurs, historiquement, il existe un sous-financement de la psychiatrie en Charente. En effet, la Nouvelle-Aquitaine y consacrerait en moyenne 175,10 euros par habitant de la région, mais seulement 146,20 euros par habitant en Charente. L’écart serait donc de 28,90 euros par habitant, soit un manque important pour le département en question, alors que les besoins en soins psychiques sont bien réels.
Compte tenu des prélèvements à effectuer sur le fonds de roulement pour équilibrer le fonctionnement de l’établissement, le centre hospitalier Camille-Claudel n’est plus en mesure aujourd’hui de réaliser son programme d’investissement qui a pour but d’humaniser ses locaux et de les rendre conformes à la réglementation.
Pour toutes ces raisons, les instances dudit centre hospitalier demandent que la dotation annuelle de financement perçue soit, à tout le moins, mise au niveau de la moyenne régionale et qu’une aide à l’investissement d’ampleur soit attribuée pour répondre à la mise aux normes imposées par l’État.
Devant l’urgence, quelle réponse le Gouvernement entend-il donner à ces attentes légitimes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Bonnefoy, l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine sera naturellement amenée à discuter avec l’établissement des solutions pouvant améliorer sa situation financière et remédier à la dégradation de sa capacité d’autofinancement, en envisageant, le cas échéant, un ajustement du programme d’investissement, qui, en 2022, paraissait parfaitement soutenable. Tel est le message que le ministre de la santé m’a chargée de vous transmettre.
Soyez assurée que l’État, par l’intermédiaire de l’ARS, mettra en œuvre tout ce qui est nécessaire pour accompagner au mieux la structure. Notre objectif est de lui permettre de continuer à accueillir nos concitoyens touchés par des troubles psychiatriques dans des conditions d’accueil dignes et de qualité, en cohérence avec les orientations fixées par la feuille de route nationale Santé mentale et psychiatrie.
Je dois néanmoins préciser que, si le centre hospitalier Camille-Claudel a annoncé un déficit prévisionnel pour 2023, toutes activités confondues, de près de 1,15 million d’euros, cette projection ne tenait pas compte des crédits de fin de campagne 2023 versés par l’ARS aux établissements le 11 mars dernier, en complément de la dotation supplémentaire de 2,3 millions d’euros perçue par l’établissement en 2023 au titre de la dotation populationnelle.
Il est vrai également que le département de la Charente présente un ratio de financement en psychiatrie par habitant inférieur à la moyenne régionale en Nouvelle-Aquitaine.
Madame la sénatrice, l’alerte est bien reçue et des réponses seront apportées.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, cet établissement charentais est aujourd’hui arrivé au bout des efforts qu’il peut fournir et des économies qu’il peut réaliser. Certains bâtiments et équipements sont vétustes et nécessitent une mise aux normes urgente pour éviter tout drame. Le manque de personnel est également criant. J’espère que les réponses seront à la hauteur des attentes du personnel et des malades. C’est un défi majeur !
conséquences d’une disparition définitive du centre médico-psychologique pour enfants et adolescents au vigan
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 1189, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences désastreuses de la disparition, au Vigan, du centre médico-psychologique pour enfants et adolescents.
Vous le savez, ces centres sont des structures de soins pivots et assurent une mission de service public.
Depuis la fin des années 1980, l’association éducative du Mas Cavaillac, association d’utilité sociale intervenant auprès d’enfants, gérait l’antenne du centre du Vigan, et ce pour le secteur nord-ouest du Gard comprenant Ganges et Saint-Hippolyte-du-Fort.
Depuis le début de l’été 2023, ce centre est fermé à la suite du départ du médecin psychiatre. Cette fermeture, qui était présentée comme temporaire, pose des difficultés de prise en charge pour la population ayant besoin de soins, évaluée à environ 500 enfants et adolescents. À ce jour, un médecin intervient de manière ponctuelle pour assurer la continuité du suivi des patients, mais aucun nouveau patient ne peut être accueilli. En effet, dans le Gard, le redécoupage de la psychiatrie est en cours d’arbitrage à l’ARS.
Selon les nouvelles orientations, l’agence confierait la prise en charge de ce centre à l’hôpital d’Uzès, au détriment de l’association du Mas Cavaillac. Or aucun médecin d’Uzès n’accepte aujourd’hui de se rendre au Vigan, ni d’ailleurs à Ganges ou à Saint-Hippolyte-du-Fort, faisant craindre la disparition définitive du centre. Ce dernier permet pourtant d’aider les familles à réaliser les bilans indispensables à la constitution des dossiers pour la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
La santé mentale nécessitant une prise en charge de proximité, en lien avec les structures spécialisées, le maintien de ce centre au Vigan est fondamental.
Madame la ministre, compte tenu du nombre d’enfants concernés – près de 500 –, du bassin de population – 15 000 habitants –, de l’éloignement géographique du territoire, mais aussi de l’efficacité reconnue depuis près de quarante ans à cette association, je vous demande d’œuvrer à son maintien.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Burgoa, l’association éducative du Mas Cavaillac est autorisée en psychiatrie générale, en hospitalisation complète et en hospitalisation de jour.
En complément, conformément à une convention de délégation de gestion, l’association gère depuis 1999 le centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA) du Vigan. Le personnel paramédical est associatif, tandis que le médecin pédopsychiatre est mis à disposition par le centre hospitalier d’Alès.
L’association perçoit un complément de dotation annuelle de financement pour la gestion du CMPEA et, depuis 2022, elle sollicite l’État afin de bénéficier d’un complément de dotation pour conforter cette activité. Elle envisage même de reprendre les consultations au CMPEA de Saint-Hippolyte-du-Fort, qu’elle gérait également jusqu’à sa fermeture en 2019.
À ce jour, l’hypothèse privilégiée est plutôt de redonner la gestion du CMPEA au centre hospitalier d’Alès ou au centre hospitalier Le Mas Careiron.
Une réunion s’est tenue en septembre 2023 avec la direction des deux établissements afin d’instruire la possibilité pour l’un des deux hôpitaux de reprendre le centre médico-psychologique pour enfants et adolescents du Vigan.
En attendant, une offre minimale est maintenue pour les situations les plus urgentes. En complément, il existe sur le territoire du Vigan un centre médico-psychologique qui relève du centre hospitalier Le Mas Careiron et un hôpital de jour pour enfants géré par le centre hospitalier d’Alès.
Une nouvelle réunion aura lieu au cours des prochaines semaines avec les élus du territoire et toutes les parties prenantes pour trouver les meilleures modalités d’organisation. Pour autant, je souhaite réaffirmer, au nom du ministre de la santé, qu’il n’est aucunement envisagé que l’activité du CMPEA cesse sur ce territoire. À l’inverse, nous travaillons à la mise en place d’un conventionnement plus solide pour organiser au mieux la prise en charge psychiatrique sur ce territoire.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais nous attendons que l’État et l’ARS fassent preuve de bon sens en assurant une offre de proximité. On ne peut pas demander à l’hôpital d’Uzès, qui est à plus de 50 kilomètres du Vigan, de remplacer le CMPEA. (Mme Else Joseph applaudit.)
situation de la maison d’arrêt de béthune
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 1186, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, la maison d’arrêt de Béthune, dans le Pas-de-Calais, est implantée dans un quartier urbain, en mitoyenneté du groupe scolaire Louis-Pasteur et à proximité immédiate d’habitations résidentielles. Des actes de délinquance et des nuisances persistantes créent un contexte d’insécurité pour les enfants, le personnel éducatif municipal et les riverains du quartier.
Cette situation réclame une attention toute particulière de la part du ministère.
À la suite de différentes interventions de la municipalité, de la mobilisation des riverains et de la communauté éducative, l’État a annoncé le fléchage d’une enveloppe de 810 000 euros pour effectuer des travaux d’aménagement au sein de cette maison d’arrêt. Ils sont en cours.
Plus globalement et à long terme, c’est la question de l’avenir de la maison d’arrêt qui se pose. Celle-ci connaît une surpopulation préoccupante, avec 370 détenus pour une capacité de 180 places, soit un taux d’occupation de plus de 200 %. Le surpeuplement de la maison d’arrêt pose de réelles difficultés pour l’ensemble du personnel, engendrant de nombreux trafics et des problèmes de cohabitation caractérisés par des violences en tout genre.
Au-delà des travaux engagés et à poursuivre, ma question porte sur vos intentions pour traiter ce problème de surpopulation carcérale au sein de la maison d’arrêt de Béthune, dont on parle depuis des années, voire des dizaines d’années. Il faut selon moi apporter une réponse en matière d’infrastructures pénitentiaires pour répondre aux besoins du deuxième tribunal judiciaire des Hauts-de-France, qui touche plus de 600 000 habitants. Il importe donc d’engager une réflexion autour de la construction d’une structure supplémentaire. Peut-on concrètement l’intégrer dans le plan prévoyant la création de 15 000 nouvelles places de prison d’ici à 2027 annoncé par le Président de la République ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Amel Gacquerre, votre question permet d’attirer l’attention sur l’importance du travail de sécurisation des structures mené par l’administration pénitentiaire.
Les travaux de sécurisation périmétrique de la maison d’arrêt de Béthune se sont déroulés aux dates prévues, conformément aux engagements pris – le chantier de pose de caillebotis aux fenêtres des cellules a notamment été finalisé le 15 janvier dernier –, sur la base des crédits provisionnés en fin d’année dernière.
Ont été engagés ou sont en voie d’achèvement : la clôture du local EDF, qui permet d’éviter les ascensions et de casser l’angle de projection utilisé jusque-là ; le renforcement de la vidéosurveillance par l’ajout de caméras ; la pose de bardage occultant sur deux des trois cours de promenade concernées. D’ici à la fin du mois d’avril, l’installation de filins devant les façades des hébergements sera réalisée et devrait empêcher la récupération des colis. Ce dispositif sera complété par un dispositif anti-grappinage au sol.
Il est par ailleurs envisagé de poursuivre, au cours des prochaines années, les travaux qui confortent la structure du bâtiment, et du bâtiment 1 en particulier : 500 000 euros sur les douches, 4 millions d’euros pour la réfection de la toiture.
Enfin, les établissements bénéficiaires du programme « 15 000 places » ont malheureusement tous été identifiés, madame la sénatrice, et la construction d’un nouvel établissement sur la commune de Béthune n’est pas prévue. En revanche, trois nouveaux établissements sont programmés dans la région : à Saint-Saulve, un établissement de 700 places ; une structure d’accompagnement vers la sortie de 120 places à Loos ; un établissement de 180 places à Arras. Vous pouvez compter sur la vigilance du garde des sceaux, madame la sénatrice, pour apporter les meilleures réponses à la situation carcérale de Béthune et de sa région.
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.
Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, vous me voyez désolée de votre réponse sur le plan « 15 000 places ». On parle là d’une augmentation du nombre de places de 6 %. Le problème de Béthune est réel, dans un contexte global de surpopulation partout en France qui est régulièrement dénoncé. La question n’est pas close dans notre bassin de vie et une réflexion approfondie s’impose.
mesures de réduction de la surpopulation carcérale
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 1211, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, au cours de la pandémie du covid-19, la population carcérale a diminué de façon substantielle. Aujourd’hui, les taux d’occupation sont à des niveaux jamais atteints : 123 % globalement ; 200 % dans certains établissements. Au total, 77 000 détenus sont à ce jour recensés par la direction de l’administration pénitentiaire.
Cette situation n’épargne pas le centre pénitentiaire de Riom, pourtant récemment construit avec l’objectif de garantir des conditions de vie dignes aux personnes privées de liberté. Les cellules ont été construites pour n’accueillir qu’un seul détenu, mais le taux d’occupation s’établit aujourd’hui à 125 %.
Ce centre souffre également, comme d’autres, d’un défaut d’encadrement, puisqu’il manquerait presque trente surveillants. Manque d’encadrement et surpopulation carcérale nourrissent des conflits, de la violence, tout en empêchant de mettre en place des programmes de réinsertion qui fonctionnent.
La réduction de la surpopulation carcérale doit notamment passer par un travail de réinsertion, qui permet d’éviter la récidive, donc le retour en prison. Il est par conséquent essentiel d’améliorer ce volet, notamment l’accès à l’enseignement supérieur. Or une circulaire de 2009 interdit toujours l’usage des clés USB, qui sont des supports indispensables pour des travaux universitaires.
La France a été plusieurs fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment en juillet 2023, pour ce problème de surpopulation. Au mois de mars 2024, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a fait part de sa profonde préoccupation face à l’aggravation de la situation.
Mettre un terme à la surpopulation carcérale ne passe pas nécessairement par la construction de places de prison, puisque plus on construit, plus il y a de détenus. Le comité des ministres invite ainsi la France à s’attaquer aux causes profondes du phénomène, en évaluant de manière détaillée l’impact des dernières réformes pour aboutir rapidement à un mécanisme national contraignant de régulation carcérale.
Pourtant, le ministère de la justice a décidé de lancer des projets d’infrastructure, alors même, je le répète, qu’il est prouvé que la surpopulation carcérale croît à mesure que le nombre de places augmente. J’y insiste, l’ouverture de nouvelles places n’est pas la bonne réponse.
Dans le même temps, il appert que le mécanisme de libération sous contrainte de plein droit est un échec, de l’avis de l’ensemble des acteurs, de même que la réforme du mécanisme de réduction des peines, qui n’a pas eu d’effets positifs.
La prison est devenue la dernière réponse, en bout de liste, à toutes les défaillances complexes de la société. On y trouve ainsi beaucoup de personnes atteintes de troubles psychiatriques.
Afin de mettre en conformité nos conditions de détention, le Gouvernement compte-t-il actualiser la circulaire de 2009 ? Envisagez-vous un mécanisme national contraignant de régulation carcérale pour garantir en France des conditions de vie des détenus et de travail des agents qui soient dignes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Canalès, je partage bien évidemment votre volonté de lutter contre la surpopulation carcérale. Je ne reviens pas sur la livraison des 15 000 nouvelles places de prison issues de l’ambitieux programme immobilier pénitentiaire décidé par le Président de la République, auquel le garde des sceaux est également très attaché.
Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants. Au 1er janvier 2024, dix-neuf établissements ont été livrés. Cela représente 4 103 places nettes. Près de la moitié des établissements du programme seront opérationnels au cours de cette année.
Le garde des sceaux a demandé à la direction de l’administration pénitentiaire d’accélérer les transferts des condamnés vers les établissements pour peine afin de limiter la surpopulation de nos maisons d’arrêt, tout en garantissant la réponse pénale. Le taux d’occupation de ces établissements est passé de 90 % en moyenne à près de 97 % en trois ans, avec l’utilisation de plus de 4 000 places qui étaient vacantes avant ces opérations d’optimisation.
L’instauration d’un dialogue piloté à l’échelon de chaque cour d’appel, avec le concours des directions interrégionales de l’administration pénitentiaire, dans le cadre de réunions régulières, constitue un autre levier de régulation de la surpopulation carcérale.
Aller plus loin en créant un mécanisme généralisé de régulation carcérale qui impliquerait de fait un numerus clausus nous semble contraire aux enjeux en matière de traitement de la délinquance et d’efficacité de la réponse pénale, sans compter les questions juridiques, voire constitutionnelles qui peuvent se poser, notamment au titre du principe d’égalité devant la loi.
En ce qui concerne l’accès à l’enseignement supérieur, via l’utilisation par les détenus de clés USB, ou de la réinsertion, au travers de la réflexion sur l’utilité de la peine, je ne manquerai pas, madame la sénatrice, de relayer vos préoccupations auprès du garde des sceaux.
situation de la rentrée scolaire 2024-2025 en guadeloupe