compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Di Folco,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, ainsi que du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole sont parvenues à l’adoption d’un texte commun.
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
stratégie industrielle française de production d’acier décarboné en panne faute de filière d’hydrogène vert
M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, auteur de la question n° 1162, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Sebastien Pla. Que se passe-t-il ? Y aurait-il du gaz dans l’hydrogène vert ?
Alors qu’il est urgent de mettre fin à la dépendance aux combustibles fossiles russes et d’accélérer la transition écologique, la formidable ambition de réduire les émissions de CO2 des aciéries n’a de sens que si elle repose sur la production d’hydrogène issue d’énergies renouvelables décarbonées à bas coût, laquelle favoriserait le développement d’une filière industrielle prometteuse autour de l’éolien offshore et de l’électrolyse dans les ports verts de la Méditerranée, comme Fos-sur-Mer et Port-la-Nouvelle.
Alors que le site de Fos-sur-Mer produit un acier qui compte parmi les meilleurs du monde, que penser de la récente déclaration d’ArcelorMittal Europe dans laquelle le groupe indique qu’il ne pourra pas produire un acier compétitif économiquement si celui-ci est fabriqué à base d’hydrogène vert, et qu’il devra importer cet acier depuis la Chine ou les États-Unis ? C’est un comble quand on sait que l’Union européenne vient d’autoriser l’État français à injecter 850 millions d’euros d’aides publiques dans le groupe ArcelorMittal pour décarboner ses processus de production !
Madame la ministre déléguée, vous savez que l’ensemble des acteurs publics et privés des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie consacrent des moyens significatifs pour développer l’hydrogène décarboné à partir de l’éolien offshore.
Je souhaiterais que l’État apporte des garanties quant aux perspectives de production d’acier français décarboné à partir de la filière méditerranéenne de production d’hydrogène, ainsi que sur la question du maillage des réseaux de transport d’hydrogène et de l’interconnexion par voie maritime ou terrestre du hub de Port-la-Nouvelle au corridor « BarMar-H2Med ».
Enfin, pour sécuriser la stratégie européenne et conserver notre avantage concurrentiel, j’aimerais savoir où en est le paquet Fit for 55, qui prévoit la mise en œuvre, en 2030, d’une taxe carbone frappant l’import dans l’Union européenne de marchandises venant de pays peu vertueux en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur Pla, l’industrie représente près de 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre ; la sidérurgie, quant à elle, est responsable de 5 % de ces émissions. La décarbonation de notre industrie, et notamment celle de notre sidérurgie, est donc au cœur de notre stratégie.
Pour organiser au mieux cette décarbonation, le Gouvernement a choisi une approche partenariale avec les cinquante sites les plus émetteurs de CO2 dans la mesure où ceux-ci s’engagent à diviser par deux leurs émissions de gaz à effet de serre en dix ans.
Le 26 novembre 2023, chacun de ces sites a signé avec l’État un contrat de relance et de transition écologique (CRTE) comportant une trajectoire de baisse des émissions de CO2 compatible avec cet objectif.
Pour engager une décarbonation compétitive des plateformes industrielles de Fos-sur-Mer et de Dunkerque, les besoins identifiés s’élèvent à au moins 200 kilotonnes par an d’hydrogène décarboné à l’horizon 2030. Afin de satisfaire ces besoins, l’État a mis en place un appel d’offres de soutien à la production d’hydrogène décarboné doté de 4 milliards d’euros, une somme prise sur l’enveloppe budgétaire de la stratégie nationale hydrogène.
À ce mécanisme s’ajoutera un soutien à l’adaptation des procédés industriels, financé par l’enveloppe budgétaire consacrée à la décarbonation de l’industrie, qui permettra de maintenir l’excellence technologique française en matière de sidérurgie.
Ces deux dispositifs, qui pourront profiter aussi bien aux industriels historiques qu’aux start-up innovantes, assureront la pérennité de la production d’acier décarboné sur le site de Fos-sur-Mer.
M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.
M. Sebastien Pla. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre déléguée, même si, je dois bien l’avouer, la récente déclaration d’ArcelorMittal nous inquiète beaucoup.
La question centrale est bien sûr celle de l’édification d’un corridor européen, qui fournira un débouché à l’hydrogène vert que nous produisons sur les bords de la Méditerranée. Il faut que ce projet avance, notamment en termes d’interconnexion, mais il faut aussi soutenir les deux hubs méditerranéens de Fos-sur-Mer et de Port-la-Nouvelle dans la production d’hydrogène par électrolyse.
mutualisation entre opérateurs des antennes-relais de téléphonie
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, auteure de la question n° 1180, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
Mme Marta de Cidrac. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la mutualisation des antennes-relais de téléphonie entre opérateurs.
L’installation de ces infrastructures de grande hauteur représente aujourd’hui une équation difficile à résoudre pour les maires, qui sont bien souvent tenus pour responsables de la pollution visuelle qu’elles engendrent sur leur territoire, et qui sont parfois même ciblés par des riverains en colère.
Dans la mesure où les opérateurs de téléphonie veulent tous leurs propres antennes-relais, ils multiplient malgré tout les demandes d’installation, comme le droit en vigueur le prévoit. On constate de ce fait une prolifération malheureuse de ces antennes, d’autant que les freins urbanistiques concernent peu de territoires, à l’exception des sites classés et des périmètres entourant les monuments historiques.
Une majorité de nos concitoyens devra donc se résoudre, tôt ou tard, à subir cette dégradation de leur environnement et de leurs paysages. Il serait pourtant possible de remédier à ce problème en mutualisant les antennes-relais entre opérateurs. Cette solution existe, mais elle est peu utilisée.
Madame la ministre déléguée, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour rendre cette mutualisation plus contraignante, dès lors que cela est possible et n’affecte pas la qualité du réseau ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Madame la sénatrice de Cidrac, nous sommes conscients que la multiplication des antennes-relais dans certaines zones peut susciter une forme d’exaspération.
Les politiques publiques mises en place, comme le New Deal mobile, sont une réponse à un manque de couverture criant pour nos concitoyens. L’État ne fait donc que compenser un manquement des opérateurs, qui n’ont pas vocation à s’implanter dans certaines zones trop peu rentables.
Chaque opérateur dispose de sa propre couverture du territoire, et celle-ci ne coïncide pas toujours avec celle de ses concurrents. C’est aussi la concurrence par les infrastructures qui permet aux opérateurs de se différencier, puisqu’elle induit une qualité de couverture et, donc, de service propre à chacun d’entre eux.
Dans le cadre du New Deal mobile et du dispositif de couverture ciblée, les opérateurs ont l’obligation de mutualiser leurs pylônes et les installations actives lorsqu’ils sont au moins quatre sur une même zone.
Par ailleurs, l’arrivée de tower companies – les fameuses TowerCo – favorise la mutualisation, puisque le modèle financier de ces sociétés implique de maximiser le nombre d’opérateurs sur leurs antennes.
D’autres obligations légales sont déjà en vigueur, que ce soit en zone de montagne ou dans le cadre du déploiement de la 5G dans les zones peu denses.
La proposition de loi du sénateur Patrick Chaize, et notamment son article 30, oblige les opérateurs à justifier auprès du maire leur choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône. L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) doit également indiquer, dans son rapport, l’état précis de partage des sites mobiles.
Avant toute implantation de nouvelles antennes, un temps de dialogue est requis via le dépôt d’un dossier d’information au maire. Je le redis, rien n’est fait à l’encontre des décisions du maire et sans concertation locale.
Je pense que c’est en matière de concertation et de transparence que nous devons améliorer le dispositif actuel.
guichet unique
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 1187, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Sonia de La Provôté. Ma question porte sur le guichet unique destiné aux formalités des entreprises artisanales, qui a remplacé en 2023 les différents centres concernés et qui alimente le registre national des entreprises.
Ce registre n’est toujours pas optimal – c’est le moins que l’on puisse dire – au point d’affecter au quotidien la création et le fonctionnement des entreprises concernées. Dans une question écrite de mai 2023, j’interrogeais d’ailleurs le Gouvernement sur ce même sujet, en soulignant les problèmes invalidants de catégorisation et d’enregistrement des entreprises.
Les dirigeants d’entreprises artisanales ne peuvent, de ce fait, pas répondre à leurs obligations légales et faire valoir leurs droits. Le fonctionnement des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) est tout autant perturbé, car celles-ci doivent pallier les désordres et les carences du guichet unique, incapable d’assurer les missions qu’il devrait exercer, et ce jusqu’à un horizon encore indéfini.
Tout cela entraîne, vous vous en doutez, une surcharge de travail au sein des CMA, au détriment de leurs autres missions.
La chambre de métiers et de l’artisanat de Normandie m’a fait part des tensions qui résultent de cette situation : ses agents s’inquiètent notamment de l’énervement des chefs d’entreprise à leur encontre, de leur peur de ne pas être en règle, ainsi que de leur lassitude face aux errances du système. Toutes ces tensions sont particulièrement délétères.
En outre, j’ai été récemment alerté à ce sujet par des avocats du barreau de Caen, chargés de réaliser l’immatriculation de leurs clients auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Des dossiers de fonds artisanaux sont encore en attente de régularisation depuis plusieurs mois, malgré de nombreuses relances.
Tout cela, outre le cafouillage général que cela dénote, met en difficulté les entreprises dans une période qui est, vous en conviendrez, difficile pour elles.
Madame la ministre déléguée, quelles sont les mesures correctives que le Gouvernement envisage de prendre en urgence ? La mission interministérielle lancée sur ce sujet n’a en effet pas prévu de rendre ses conclusions dans des délais rapprochés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du Gouvernement sur les difficultés de fonctionnement du guichet unique des formalités d’entreprises.
Ce guichet unique, je le rappelle, constitue une simplification pour les entreprises, car il remplace à lui seul six réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE) et plus d’une cinquantaine de formulaires Cerfa différents ; désormais, 80 % des formalités sont traitées par le guichet unique. J’ajoute qu’il prend en charge 100 % des formalités d’ouverture.
Les efforts continus d’amélioration du guichet ont abouti à une augmentation sensible du nombre de formalités déposées chaque semaine depuis le début de l’année 2024 par rapport au début de l’année 2023. Ainsi, les dépôts effectués par les artisans sont en hausse de 23 %.
Pour assurer la pleine effectivité du guichet unique, tout en sécurisant au maximum les entreprises, une procédure de secours a été déployée le 1er janvier 2024 : celle-ci vise à garantir à tous une solution. Les entreprises relevant du registre du commerce et des sociétés ont ainsi la possibilité d’utiliser Infogreffe à titre dérogatoire depuis le guichet unique, et d’obtenir ainsi un extrait Kbis actualisé. Pour les autres entreprises, le recours à des formulaires papier est possible dans certains cas exceptionnels.
Les fonctionnalités et l’ergonomie du guichet et du registre national des entreprises progressent en tenant compte des avis des organismes destinataires des formalités, dont font partie les avocats, ainsi que de ceux de panels d’entreprises et de professionnels des formalités. Un comité des utilisateurs, auquel CMA France participe activement depuis plusieurs mois, se réunit régulièrement depuis l’été 2023 sous la présidence d’un représentant de l’Inpi. J’en profite pour signaler que les CMA ont été au cœur de la concertation préparatoire à la création du guichet unique.
Pour finir, madame la sénatrice, je vous propose d’échanger avec vous à l’issue de cette séance, notamment sur les dossiers spécifiques qui ont été portés à votre connaissance par les avocats du barreau de Caen, afin d’en accélérer le traitement. Les services de mon ministère se mobilisent aux côtés des parlementaires pour trouver des solutions là où le guichet unique n’est pas encore pleinement efficient.
situation des salariés de la grande distribution
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, auteur de la question n° 1208, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Jean-Claude Tissot. Madame la ministre déléguée, les 22 et 29 mars dernier, les salariés des magasins Auchan de la Loire, comme leurs collègues de plus de cent cinquante sites en France, étaient en grève pour dénoncer une nouvelle atteinte à leur pouvoir d’achat.
Pour l’intersyndicale CFDT-CFTC-CGT-FO, l’élément déclencheur a été l’annonce d’une revalorisation salariale de 1,3 %, au moment même où l’Insee indiquait que la hausse des prix avait atteint 2,4 % sur un an.
La baisse du pouvoir d’achat de ces salariés vient s’ajouter à plusieurs réorganisations n’ayant qu’un seul but : réduire les dépenses de personnel en exigeant toujours plus de polyvalence des travailleurs. Un pouvoir d’achat en baisse et une organisation du travail toujours plus stressante, c’est malheureusement le lot de millions de salariés dans notre pays aujourd’hui.
Chez Auchan, cette situation est encore aggravée par les profonds bouleversements qui perturbent la grande distribution, notamment en raison de la faillite du groupe Casino.
Pour Auchan et ses salariés, les conséquences de cette situation sont majeures. Alors que le groupe enregistre un déficit de 379 millions d’euros, le rachat d’une centaine de magasins Casino va peser lourd. Cette charge se fait déjà ressentir dans la politique salariale de l’entreprise, au grand dam des principaux intéressés, qui n’ont pas leur mot à dire, mais ont l’impression de devoir payer cette stratégie de leur poche.
Pour les consommateurs, la réorganisation du secteur aura aussi un coût. Les économistes de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) estiment que l’« on peut s’attendre à une augmentation des prix dans les zones où l’acquéreur d’un magasin Casino a déjà un point de vente ».
Enfin, pour les producteurs, le déséquilibre dans les négociations commerciales va encore s’accentuer. Avec ce mouvement de concentration des acteurs, les géants de la distribution vont en effet y gagner dans le rapport de force actuel, et pas seulement face aux grandes multinationales de l’agroalimentaire. Pour les petits producteurs, ce sera plus que jamais le pot de terre contre le pot de fer en matière de fixation des prix et de qualité des produits.
Après ces deux journées de mobilisation à Auchan, quel rôle le Gouvernement entend-il jouer pour que les salariés ne soient pas les grands perdants de la politique du groupe ? Sur un plan plus prospectif, comment le Gouvernement compte-t-il prévenir les conséquences des grandes manœuvres engagées dans le secteur de la distribution à la suite de l’effondrement du groupe Casino pour les salariés, les consommateurs et les fournisseurs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur Tissot, l’État accompagne depuis plusieurs mois le processus de restructuration du groupe Casino. Le Gouvernement est très attentif à ce que les solutions retenues permettent la préservation de l’activité et de l’emploi dans les meilleures conditions possible.
Dès le printemps dernier, le Gouvernement a autorisé le groupe à reporter le paiement de ces échéances fiscales et sociales pour un montant de près de 300 millions d’euros, afin que celui-ci ait le temps de trouver la meilleure solution pour résoudre ses difficultés. Cet effort exceptionnel a permis la conclusion, sous l’égide de l’État, d’un accord global solide, qui devrait assurer la pérennité du groupe, et en particulier de ses commerces de proximité et de la plupart de ses 50 000 emplois en France.
Cependant, la très forte dégradation de l’activité du groupe l’a contraint à céder ses hypermarchés et supermarchés à Auchan et au Groupement Les Mousquetaires. Cette solution, qui repose sur deux acteurs de premier plan de la grande distribution française, offre des perspectives à la quasi-totalité des hypermarchés et supermarchés et à l’ensemble de leurs salariés.
Il convient désormais qu’une partie significative des entrepôts logistiques puisse être préservée, et que les salariés qui y travaillent soient accompagnés – et tout cela doit se concrétiser le plus rapidement possible dans l’intérêt des salariés concernés comme dans celui des autres salariés du groupe.
Plus largement, le Gouvernement se mobilise pour soutenir le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés, dont ceux de la distribution. C’est du reste pourquoi l’exécutif a introduit un certain nombre de dispositions dans la loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, et qu’il met en œuvre un plan de suivi précis et de mobilisation des branches en matière de négociation salariale. Les services de Bercy restent à votre entière disposition, monsieur le sénateur, pour poursuivre les échanges sur ce dossier essentiel.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, auteur de la question n° 1083, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Philippe Grosvalet. Depuis 2016, afin de concilier transition énergétique et maintien de l’activité sur le site de la plus grande centrale à charbon de France encore en activité, celle de Cordemais, en Loire-Atlantique, certains acteurs locaux – organisations syndicales et élus – défendent un projet de centrale à biomasse nommée Ecocombust. Avec l’adoption de loi relative à l’énergie et au climat, qui est venue concrétiser la promesse du Président de la République d’arrêter définitivement ce mode de production d’électricité en 2022, ce choix s’est révélé visionnaire.
Si différents facteurs, dont la guerre en Ukraine, expliquent le retard pris dans la fermeture des centrales à charbon, le Président de la République a confirmé, en septembre dernier, qu’elles seraient définitivement arrêtées d’ici 2027. Plus encore, il a légitimé le projet Ecocombust en précisant que ces sites seraient reconvertis en centrales à biomasse.
Or la direction d’EDF, entreprise pourtant détenue par l’État français, prend le contrepied de ces annonces présidentielles. En effet, EDF s’est plusieurs fois fait remarquer par son attitude ambiguë sur le sujet. Cette position équivoque s’est traduite par le choix de l’entreprise de ne retenir, dans son rapport sur le coût prévisionnel de la production d’électricité par le site Cordemais, que les hypothèses les plus pessimistes. Le prix de l’électricité ainsi produite serait alors prohibitif…
Il est inacceptable qu’une entreprise nationale agisse à l’encontre de politiques décidées au plus haut niveau de l’État, surtout lorsque celles-ci concernent la sécurité de l’approvisionnement électrique de nos territoires.
Dans ce contexte, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour garantir la conversion des centrales à charbon à la biomasse d’ici 2027 ? Quel sera le sort réservé à Ecocombust ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur, la centrale de Cordemais, d’une puissance totale de 1 160 mégawatts, est l’une des deux dernières centrales à charbon exploitées en France. Sa fermeture, initialement prévue le 1er janvier 2022, a été repoussée de manière à garantir la sécurité d’approvisionnement électrique face aux difficultés rencontrées durant les hivers 2022 et 2023.
Le Président de la République s’est effectivement engagé à ce que la France sorte définitivement du charbon d’ici le 1er janvier 2027. Cet engagement s’inscrit dans l’ambition globale du Gouvernement de faire de la France la première grande nation verte à sortir des énergies fossiles.
Pour la centrale de Cordemais, un projet de reconversion a été étudié par EDF et son partenaire Suez entre 2015 et 2021. Ce projet, appelé Ecocombust, prévoyait la conversion de la centrale au combustible bois, ainsi que la production de pellets. Le projet a finalement été abandonné par les deux acteurs, faute d’un modèle économique satisfaisant et d’un retour d’expérience suffisant sur la technologie envisagée.
Les discussions ont néanmoins repris autour d’un projet Ecocombust 2 entre EDF, l’entreprise Paprec et l’État, ce dernier étant évidemment pleinement engagé dans le processus. À la suite de l’abandon du projet Ecocombust 1, le Gouvernement a lancé un appel à manifestation d’intérêt, qui a permis de préciser et cibler l’accompagnement de l’État.
Les travaux s’inscrivent dans le cadre d’un pacte de territoire piloté par l’État, lequel anime les travaux autour de la solution technique étudiée par EDF et Paprec et fait progresser l’analyse des conditions économiques à réunir pour la réalisation de cette conversion. Les aspects financiers et techniques du projet sont en cours de finalisation.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour la réplique.
M. Philippe Grosvalet. Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage, comme disait ma grand-mère ! Le temps qui passe a un coût, et la situation actuelle nous empêche de nous projeter…
Pensez au territoire, mais aussi aux salariés : ils ont proposé ce projet, l’ont expertisé et fait avancer ; ils sont aujourd’hui dans l’attente d’une réponse ferme, et je serai à leurs côtés le 17 avril prochain pour manifester, avec l’ensemble des élus du territoire, notre soutien à Ecocombust.
difficultés de recouvrement des impayés par les distributeurs d’eau
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, en remplacement de M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 1100, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Olivier Bitz. Mon collègue Didier Rambaud, qui est empêché ce matin, souhaitait attirer l’attention du Gouvernement sur le recouvrement des impayés par les distributeurs d’eau.
Quel que soit le mode de gestion choisi pour le service de l’eau, les distributeurs font face à des difficultés croissantes en matière de factures impayées, parfois sans justification. Dans le même temps, les collectivités et les syndicats des eaux délégataires de service public connaissent des problèmes de trésorerie extrêmement importants.
Or la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, a non seulement posé le principe de l’interdiction générale des coupures d’eau dans une résidence principale par les distributeurs, quel qu’en soit le motif, mais elle a aussi interdit la pratique de réduction du débit d’eau.
Pourtant, diminuer l’alimentation en eau constituait une mesure efficace, puisqu’elle ne privait pas l’usager d’une ressource vitale et indispensable, tout en étant suffisamment gênante pour contraindre les abonnés à régler leurs factures.
La disposition législative qui a interdit la réduction du débit d’eau résulte en fait d’une maladresse rédactionnelle, comme on peut le constater à la lecture des débats parlementaires de l’époque.
Toujours est-il que la réglementation actuelle pénalise les distributeurs, qui estiment être démunis de tout moyen d’action face aux impayés. Ils décident par conséquent d’arrêter le financement des travaux inscrits aux plans pluriannuels d’investissement et craignent parfois – c’est le cas en Isère – de ne plus être en mesure de payer les agents, les collaborateurs ou de ne plus pouvoir rembourser les échéances des emprunts.
Cela place les distributeurs d’eau dans une situation financière délicate, dans la mesure où ils font de leur mieux sans parvenir à obtenir les recouvrements nécessaires. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre, madame la ministre déléguée, afin de corriger cette anomalie ?