compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Di Folco,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir dans notre tribune d’honneur une délégation de l’Assemblée nationale du Québec, conduite par sa présidente Mme Nathalie Roy. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

La délégation est composée de M. Luc Provençal, vice-président du groupe d’amitié, et de Mme Brigitte Garceau, tous deux députés. Elle est accompagnée par notre collègue Rémy Pointereau, le très actif président du groupe interparlementaire d’amitié France-Québec. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

J’ai eu le plaisir d’échanger ce matin avec nos amis québécois, qui ont visité hier la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

La visite de la délégation de l’Assemblée nationale du Québec en France s’inscrit dans le cadre des échanges réguliers entre nos deux assemblées. Elle précède votre visite au Québec la semaine prochaine, monsieur le Premier ministre (M. le Premier ministre acquiesce.), en vertu de la traditionnelle rencontre alternée entre nos deux chefs de gouvernement.

À l’ordre du jour des échanges avec nos collègues du groupe d’amitié, la délégation a choisi d’inscrire deux thèmes principaux : l’égalité entre les femmes et les hommes et les influences étrangères dans nos démocraties.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, dans cette langue que nous avons en partage, permettez-moi d’adresser un salut chaleureux à nos collègues de l’Assemblée nationale du Québec et de leur souhaiter un fructueux séjour ! (Vifs applaudissements.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

création de l’agence de conseil interne de l’état

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Monsieur le ministre, l’inauguration, le 26 mars dernier, des locaux de l’agence de conseil interne de l’État pourrait être une bonne nouvelle.

Je rappelle que, dans une anarchie déontologique absolue et une opacité complète, l’utilisation de cabinets de conseil avait coûté au contribuable plus de 1 milliard d’euros en 2021. Cette gabegie n’avait pas échappé à la vigilance du groupe CRCE-K (Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRCE-K.), et une commission d’enquête sénatoriale, menée de main de maître par Éliane Assassi et Arnaud Bazin et suivie d’un travail transpartisan, avait conduit à l’élaboration d’une proposition de loi, adoptée le 18 octobre 2022 au Sénat, puis, le 1er février 2024, à l’Assemblée nationale – à reculons, il faut le dire, et bien détricotée…

Pourquoi cette initiative en cours de navette parlementaire, alors que nous sommes en pleine disette budgétaire, que les agences et autres autorités pullulent à grands frais et que notre administration est dotée de nombreuses inspections générales, par ailleurs très compétentes ?

Monsieur le ministre, en quoi cette agence interne va-t-elle régler les questions de transparence et éviter les consanguinités et les conflits d’intérêts ? Comment pourra-t-elle assurer une meilleure utilisation de nos ressources financières et des moyens de notre haute fonction publique ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, je vais vous répondre très directement en vous lisant la recommandation n° 6 du rapport publié par la commission d’enquête sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, dirigée de main de maître, comme vous l’avez dit, par Arnaud Bazin et Éliane Assassi : « Élaborer un plan de réinternalisation pour mieux valoriser les compétences internes et moins recourir aux cabinets de conseil. »

Madame la sénatrice, c’est exactement et précisément ce que nous faisons. (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

À la vérité, nous pourrions nous rejoindre sur les objectifs. J’ai toujours été clair et constant sur ce sujet : il faut renforcer l’État et mieux maîtriser nos dépenses de conseil. C’est ce que nous faisons méticuleusement.

En janvier 2022, une circulaire du Premier ministre Jean Castex fixait pour objectif une diminution de 15 % des dépenses de conseil. L’année suivante, madame la sénatrice, nous avons divisé par deux nos dépenses de conseil externe ; l’année d’après, nous les avons divisées par trois ! Ce sont 190 millions d’euros qui ont été économisés, grâce à une politique très claire.

M. Jean-François Husson. Grâce au Sénat !

M. Rachid Temal. Cela coûtait très cher…

M. Stanislas Guerini, ministre. Nous le devons d’abord à l’accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), que j’ai mis en place quelques semaines après ma nomination.

Son texte reprend presque intégralement les recommandations du Sénat : réduction des budgets des missions de conseil, limitation des droits de suite, fin des missions pro bono ou en marque blanche, suppression des données chez les cabinets de conseil, capitalisation par les administrations, publication d’un jaune budgétaire, internalisation des missions de conseil… Nous visons exactement cet objectif, et nous obtenons des résultats.

Citez-moi donc des domaines où nous investissons globalement 10 millions d’euros pour en économiser 190 ! Je vous le dis, nous allons continuer, pour renforcer l’État et mieux maîtriser nos dépenses de conseil externe. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie, monsieur le ministre. Si vous avez réalisé ces économies, c’est tout de même grâce au travail du Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER.)

Je me souviens que Mme de Montchalin avait publié une circulaire sur ce sujet le matin même de son audition devant notre commission d’enquête, ce qui était d’une élégance folle… Les mesures que vous énumérez sont bienvenues, même si je ne comprends pas pourquoi elles arrivent en cours de navette, au lieu d’être inscrites dans le texte qui arrivera bientôt au Sénat.

Ce que nous demandons, c’est de la transparence. Il faut une tour de contrôle pour les compétences internes. Nous voulons aussi éviter les conflits d’intérêts, le pantouflage et le rétropantouflage. Nous souhaitons enfin la juste utilisation des deniers publics, qui est également très importante. Tant mieux si toutes ces mesures sont prévues, mais il eût été préférable de les faire figurer dans le texte qui sera transmis au Sénat.

En tout cas, monsieur le ministre, une agence de plus, ce sont des dépenses supplémentaires. Pour les économies, c’est mal parti ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Jean-François Husson. Très bien !

crise de l’éducation nationale

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre de l’éducation nationale, mes chers collègues, 1 500 ans : un établissement privé est susceptible d’être contrôlé une fois tous les 1 500 ans !

M. Loïc Hervé. Oh, ça va !

Mme Monique de Marco. Les conclusions de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le contrôle des établissements privés sont sans appel.

Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le double discours de votre gouvernement. D’un côté, vous donnez 7,8 milliards d’euros par an, sans aucun contrôle, à l’enseignement privé. De l’autre, vous rabotez le budget de l’école publique de 690 millions d’euros.

M. Loïc Hervé. C’est faux !

Mme Monique de Marco. Madame la ministre, quel est l’avenir de notre République sans l’école publique ? Chaque enfant doit recevoir des pouvoirs publics les mêmes moyens consacrés à son éducation et à son émancipation, quelles que soient son origine, sa position géographique ou ses croyances. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Dans de nombreux territoires, l’éducation nationale n’est plus en mesure de garantir cette égalité des chances. En Seine-Saint-Denis, par exemple, le personnel éducatif, les parents et les élèves sont mobilisés depuis plus d’un mois. Leur demande est claire : ils souhaitent un plan d’urgence pour recruter et rénover les établissements insalubres.

Votre réforme du « choc des savoirs » est un nouvel affront aux valeurs républicaines. En créant des groupes de niveau, vous institutionnalisez le tri social.

M. Max Brisson. Quelle caricature !

M. Olivier Paccaud. N’importe quoi !

Mme Monique de Marco. Les conservateurs se sont toujours prévalus de la liberté d’enseignement pour s’opposer à la mixité sociale. Ils ont toujours agité le chiffon rouge d’une guerre scolaire. Aujourd’hui, ils usent de tous les artifices pour éviter le débat sur les ghettos scolaires.

Néanmoins, l’école de la République doit être un rempart face aux inégalités. Nous ne voulons ni des groupes de niveau ni de l’uniforme. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Nous avons besoin d’un choc d’égalité et d’un choc de moyens. Nous attendons un plan d’urgence pour l’éducation nationale.

Madame la ministre, allez-vous remettre l’école publique au cœur des priorités de votre gouvernement ?

M. le président. Il faut conclure !

Mme Monique de Marco. Dans quel camp êtes-vous ? Celui des conservateurs ou celui des progressistes ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice de Marco, l’éducation nationale, c’est la priorité. Je n’ai pas à faire un plan d’urgence, puisque l’éducation nationale, c’est l’urgence de tous les moments ! Le Gouvernement dans son ensemble est tout à fait décidé à porter cette priorité au plus haut niveau.

Nous avons deux objectifs principaux. Le premier est d’assurer la réussite de nos élèves – de tous nos élèves. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà dit, je mettrai pleinement en œuvre le choc des savoirs.

Dans la diversité des mesures qui sont adoptées, il nous permettra, avec assurance, de prendre en charge la singularité de chacun de nos élèves, pour le porter au plus haut de ses compétences et de ses connaissances. Je le réaffirme devant vous.

Par ailleurs, vous n’avez pas posé la question de la sécurité, mais elle aussi est essentielle à nos yeux, puisqu’elle contribue à l’apprentissage serein de l’ensemble des connaissances.

Notre seconde priorité est, bien sûr, la mixité scolaire.

Vous faites allusion aux établissements privés sous contrat. Madame la sénatrice, nous avons ouvert plus d’une soixantaine de nouveaux emplois pour exercer le contrôle administratif, financier – avec les directions régionales des finances publiques – et pédagogique de ces établissements. Dès que quelque chose nous est signalé, nous contrôlons ce qui se passe : c’est tout à fait naturel.

Nous avons également élaboré un plan, avec le secrétariat général de l’enseignement catholique, pour développer la mixité dans les établissements privés. Je veillerai à ce qu’il se déploie dans toute son ampleur.

Enfin, madame la sénatrice, nous sommes également attentifs aux situations singulières. En Seine-Saint-Denis, puisque vous avez évoqué ce département, nous avons doublé les classes en école primaire dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP). Ainsi, six classes du premier degré sur dix y ont des effectifs de moins de quatorze élèves.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Nicole Belloubet, ministre. Nous sommes arc-boutés sur la réussite et sur la mixité, qui sont nos deux objectifs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

réforme de l’assurance chômage (i)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat. C’est compliqué, monsieur le Premier ministre. C’est compliqué de vous suivre sur cette réforme de l’assurance chômage !

Mme Frédérique Puissat. En effet, l’assurance chômage est un bien universel. Bien sûr, certaines personnes fraudent, et nous devons les condamner. Certains profitent du système, et nous devons veiller à leur réinsertion.

Toutefois, au-delà de ces cas, monsieur le Premier ministre, il y a des milliers de personnes qui travaillent. Elles ont besoin de règles stables, qui ne changent pas au fil des gouvernements successifs. Or la dernière réforme de l’assurance chômage date d’à peine un an !

En outre, c’est compliqué, parce que, en France, les règles de l’assurance chômage ne sont pas fixées par le Premier ministre au journal de vingt heures ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur les travées des groupes GEST et SER.) Ces règles sont définies par les partenaires sociaux.

M. Yannick Jadot. Exactement !

Mme Frédérique Puissat. Aussi, j’ai deux questions à vous poser.

Premièrement, considérez-vous que la dernière réforme, mise en place par Mme Borne, est déjà caduque ?

Deuxièmement, les partenaires sociaux ont formulé des propositions en novembre 2023. En avez-vous pris connaissance ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Puissat, vous venez de poser des questions extrêmement simples. Je vais y répondre en parlant de méthode.

L’assurance chômage, comme vous le savez, est évoquée à l’article L. 1 du code du travail, qui provient d’une excellente réforme, effectuée en 2007 par le président Larcher lui-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.) Cet article est extrêmement précis, car le dialogue social, dans notre pays, constitue la base de l’organisation du travail.

Que s’est-il passé en la matière depuis l’année dernière ? Au mois de novembre, pour être précise, les partenaires sociaux ont reçu une lettre de cadrage rédigée par le Gouvernement. Ce document a été préparé dans le contexte que nous connaissions au début de l’automne 2023 : les conditions économiques n’étaient pas celles du 3 avril 2024. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cette lettre de cadrage invite les partenaires sociaux à travailler sur une première approche, qui est celle du pacte de la vie au travail.

Elle aborde ensuite, comme vous le savez, madame la sénatrice, l’assurance chômage. À l’époque, en novembre 2023, les partenaires sociaux n’étaient pas complètement d’accord sur la façon dont ils souhaitaient travailler. C’est pourquoi, à ce moment-là très précisément, ils ont demandé au Gouvernement de continuer à discuter sur l’assurance chômage.

Le décret prévoyait un délai jusqu’au 31 décembre. Le Gouvernement a donc accepté de prendre un décret dit de jointure, qui court jusqu’au 30 juin 2024.

Ainsi, madame la sénatrice, la question ne porte pas sur le journal de vingt heures de telle ou telle chaîne de télévision, mais sur la réponse des partenaires sociaux. Celle-ci devait être rendue le 26 mars. Ils ont demandé un report au 8 avril. La balle est donc dans leur camp, jusqu’à la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, l’article L. 1 du code du travail, c’est aussi l’Unédic !

Que s’est-il passé depuis l’année dernière ? Vous avez fait le choix de soutirer 4 milliards d’euros à l’Unédic par des sous-compensations, au point que cet organisme a dû s’endetter de 1 milliard d’euros pour faire face à ses responsabilités. Vous avez, en quelque sorte, fait les poches de l’Unédic.

Eh bien, madame la ministre, cet État pickpocket, nous le craignons pour les collectivités territoriales, nous le redoutons pour l’Agirc-Arrco et nous le condamnons pour l’Unédic. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K. – MM. Yannick Jadot et Akli Mellouli invitent Mme Frédérique Puissat à les rejoindre sur les travées du groupe GEST.)

réforme de l’assurance chômage (ii)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme le Premier ministre l’a rappelé hier à l’Assemblée nationale, depuis 2017, nous allons vers une société de plein emploi.

Le taux de chômage aujourd’hui est au plus bas depuis vingt-cinq ans. N’en déplaise à ceux qui le prétendent, la France n’a pas perdu de son attractivité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Allo ? Allo ?

Mme Nicole Duranton. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, quelque 3 millions d’emplois ont été créés et nous avons redoublé d’efforts pour réindustrialiser la France.

M. Philippe Mouiller. Bref, tout va bien !

Mme Nicole Duranton. Certains reprochent au Gouvernement d’annoncer une nouvelle réforme de l’assurance chômage à des fins purement budgétaires. (Mêmes mouvements, sur les mêmes travées.)

Accompagner nos concitoyens dans la recherche d’un travail est pourtant bénéfique, car, lorsqu’ils en trouvent un, ils peuvent, la plupart du temps, se réinsérer dans la société. C’est l’un des objectifs annoncés pour la réforme à venir, qui s’inscrit dans la poursuite des engagements du Gouvernement à bâtir un modèle social juste, où le travail paie toujours mieux que l’inactivité.

Je tiens par ailleurs à rappeler aux commentateurs qui se focalisent sur la durée d’indemnisation que celle-ci n’est que l’un des leviers envisagés dans les discussions en cours avec les partenaires sociaux. Il serait bon de laisser ceux-ci travailler… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

En cristallisant le débat sur un seul paramètre, nous risquons d’occulter l’essentiel. Nous faisons confiance au dialogue social et nous saurons le retranscrire dans la loi, comme nous l’avons fait avec le consensus trouvé sur l’accord national interprofessionnel d’avril 2022.

Espérons que les partenaires trouvent un accord pour dégager des solutions, afin que les Françaises et les Français au chômage puissent retrouver le plus rapidement possible le chemin de l’emploi !

M. Rachid Temal. Posez votre question !

Mme Nicole Duranton. Aussi, madame la ministre (Ah ! sur les travées des groupes Les Républicains et SER.), face aux critiques de cette réforme, pourriez-vous nous préciser ses contours et nous indiquer comment elle aidera à atteindre l’objectif d’une société du plein emploi ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Duranton, je vous remercie de votre question, qui me permet de parler plus complètement de l’assurance chômage. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Vous l’avez dit, n’en déplaise à certains, nous sommes clairement sortis de l’époque du chômage de masse.

M. Hussein Bourgi. Vous l’avez déjà dit !

Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est une vraie différence, qui est capitale.

Depuis 2017, je le rappelle, ce sont 2,4 millions de personnes qui ont retrouvé le chemin de l’emploi. Il n’en reste pas moins vrai, mesdames, messieurs les sénateurs, que quelque 400 000 entreprises cherchent à recruter. Vous le voyez bien dans vos territoires, elles ont des offres d’emploi à proposer, mais elles ne trouvent personne pour pourvoir ces postes.

Cela nous renvoie à la question de la formation, que nous devons traiter. En disant cela, je vous réponds sur l’Unédic. Je rappelle que cet organisme, en 2019, était déficitaire de près de 4 milliards d’euros. Non, ce gouvernement n’a pas fait les poches de l’Unédic. Il l’a simplement ramenée à l’équilibre et lui a permis de mettre en place des formations.

Quand, sur les territoires, nous finançons des plans d’investissement dans les compétences, quand nous mettons en place France Travail, c’est l’Unédic qui est mobilisée. Quoi de plus normal que de former celles et ceux qui touchent le revenu de solidarité active (RSA).

C’est le moyen de conforter leur employabilité et de les aider à retourner vers l’emploi. C’est donc le moyen de renforcer l’attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation des finances des départements

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets d’associer à ma question mes collègues axonais, Pascale Gruny et Antoine Lefèvre.

Cela fait maintenant cinquante ans que l’État présente des budgets en déficit. Les collectivités territoriales, elles, les votent en équilibre.

M. Olivier Paccaud. C’est la loi !

M. Pierre-Jean Verzelen. Pourtant, lundi prochain, le président du conseil départemental de l’Aisne proposera un budget en déséquilibre.

Comme tous les départements, nous sommes affectés par la conjoncture économique. Mais, comme un certain nombre d’entre eux, nous sommes confrontés à des difficultés structurelles. Nous bouclons les budgets, ici, grâce à quelques millions d’euros issus des péréquations, là, avec quelques fonds de soutien exceptionnels… Cette situation n’est plus tenable.

Depuis vingt ans, vous le savez, les départements assument en lieu et place de l’État une partie des politiques sociales et de l’accompagnement des plus vulnérables. Nous décalons les investissements dans les collèges. Nous ne pouvons pas consacrer les moyens suffisants aux routes. J’ajoute que, dans les départements ruraux, les collectivités locales doivent se substituer à l’investissement privé pour le déploiement de la fibre optique, pour racheter et maintenir le dernier commerce et pour investir dans la création de maisons médicales.

Si l’on ne change pas le cadre, si l’on n’instaure pas une meilleure répartition des capacités à agir, si l’on ne fait pas régner une plus grande équité, si l’on ne remet pas le modèle à plat, un certain nombre de départements n’auront plus de raison d’exister et se contenteront d’être de simples guichets sociaux.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas devant vous des élus qui viennent se plaindre de leur sort. Vous n’avez pas des gens qui sont dans une démarche politicienne, mais des responsables qui veulent une discussion utile pour bâtir des solutions pérennes. D’ailleurs, nous participons activement aux travaux de la mission Woerth.

Monsieur le ministre, quelle réponse le Gouvernement compte-t-il apporter à ces départements qui sont au bord du précipice ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Olivier Paccaud. Et l’aménagement du territoire, cela n’existe plus ?…

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Pierre-Jean Verzelen, vous avez raison, les départements sont objectivement confrontés à un effet ciseaux. La diminution de leurs recettes, liée à l’effondrement des droits de mutation à titre onéreux, se conjugue à l’augmentation des dépenses sociales.

Il y a des disparités entre les départements, puisque ceux du littoral, où les prix de l’immobilier sont plus élevés, résistent mieux et ont des fondamentaux budgétaires plus solides que les départements de l’intérieur des terres.

Toutefois, votre analyse est objective. De la même manière que l’État a connu en fin d’année des baisses de recettes, les départements connaissent le même phénomène, qui se poursuit et qui plonge plusieurs d’entre eux dans des situations particulièrement complexes.

Plus de 300 millions d’euros, dans les articles 86, 131, 251 et 304 de la loi de finances pour 2024, sont consacrés à trois dispositifs spécifiques prévus pour les départements, dans le domaine de l’enfance et dans celui de l’autonomie, avec un fonds de sauvegarde porté à 106 millions d’euros pour les quatorze départements les plus en difficulté.

S’y ajoute l’augmentation, pour la deuxième année consécutive, de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui porte à 0,5 milliard d’euros le complément de crédits de fonctionnement apporté aux collectivités territoriales.

Toutefois, votre question ne porte pas seulement sur ce que nous avons fait. Vous voulez savoir ce que nous pouvons faire à présent.

De la même manière que vous m’interpellez en vous plaçant sous la bannière d’un état d’esprit constructif, je vous renvoie aux propos tenus la semaine dernière par Gabriel Attal. Répondant dans cet hémicycle à une question sur la dette posée, je crois, par Cécile Cukierman (M. Rachid Temal ironise.), il déclarait que l’objectif était de trouver des chemins collectifs, vu les difficultés des finances publiques à différentes échelles, non pas pour boucher quelques trous, mais pour identifier les réformes de structure à conduire.

Nous ne reviendrons pas aux contrats de Cahors. Mais nécessairement, pour les départements, il faudra porter un regard spécifique, tous les trois ou quatre ans, pour ne pas nous retrouver pris à chaque fois dans des crises conjoncturelles. C’est l’objet de la mission Woerth.