M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 28.

Mme Mélanie Vogel. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La rédaction que nous allons proposer d’adopter donne la priorité à l’accord : s’il survient jusqu’à dix jours avant les élections, le processus électoral pourra être interrompu.

Nous vous proposerons aussi de supprimer ce qui a été perçu comme un ultimatum, à savoir la disposition selon laquelle un accord ne serait pris en compte que dans le cas où il serait conclu avant le 1er juillet de cette année.

Nous comptons en revanche maintenir l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle au 1er juillet, afin d’avoir le temps de prendre les textes d’application nécessaires pour que le scrutin puisse se dérouler avant le 15 décembre de cette année.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression : l’article 2 est nécessaire pour que les règles que je viens de présenter puissent entrer en vigueur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 28.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements et de quatre sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 17, présenté par Mme Narassiguin, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Temal, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, première et deuxième phrases

Remplacer la date :

1er juillet 2024

par la date :

1er juillet 2025

II. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Par dérogation au premier alinéa de l’article 187 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les prochaines élections des membres du congrès et des assemblées de province ont lieu au plus tard le 30 novembre 2025. La liste électorale spéciale et le tableau annexe mentionnés à l’article 189 de la même loi organique sont mis à jour au plus tard dix jours avant la date du scrutin.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Il s’agit d’un amendement de repli. Dans la continuité des propositions que nous avions formulées lors de la discussion du projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, nous souhaitons donner le maximum de temps au temps. Nous nous fondons sur l’avis du Conseil d’État, selon lequel les élections pourraient se tenir, au plus tard, au mois de novembre 2025.

Nous proposons ainsi de modifier l’article 2 de sorte que le projet de loi constitutionnelle entre en vigueur non pas le 1er juillet 2024, mais le 1er juillet 2025, ce qui laissera un délai suffisant pour modifier les listes électorales et organiser les élections au plus tard en novembre 2025.

L’objectif n’est évidemment pas de dire que les élections devraient se tenir à cette date. Nous voulons simplement laisser le plus de temps possible aux parties prenantes pour la négociation, en levant les pressions qui s’exercent sur elles. Il s’agit de leur montrer que nous n’essayons pas de leur poser un ultimatum et que nous leur faisons confiance.

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première et deuxième phrases

Remplacer l’année :

2024

par l’année :

2025

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement a un objet similaire au précédent, qui a été excellemment défendu par notre collègue Corinne Narassiguin.

M. le président. L’amendement n° 30, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

si l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie l’a approuvé par un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à atténuer le caractère unilatéral de ce projet de loi constitutionnelle. Nous proposons à cette fin de conditionner l’entrée en vigueur de la réforme à son approbation par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés, c’est-à-dire la même majorité que celle qui s’impose pour l’adoption du texte par le Parlement réuni en Congrès.

L’idée est assez simple : la situation est compliquée et la manière de procéder – unilatérale – constitue un facteur de crispation ; alors, ayons au moins la décence de proposer une symétrie des formes ! Si le Congrès se prononce à la majorité des trois cinquièmes, il est normal que l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie se prononce dans les mêmes conditions. Voilà qui aurait le mérite d’atténuer grandement le caractère unilatéral de la réforme.

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

1° Deuxième phrase

Remplacer les mots :

le Conseil constitutionnel saisi

par les mots :

les présidents des deux assemblées du Parlement saisis

et le mot :

constate

par le mot :

constatent

2° Dernière phrase

Remplacer les mots :

Le Conseil constitutionnel se prononce

par les mots :

Ils se prononcent

et le mot :

sa

par le mot :

leur

II. – Alinéa 2, première phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. J’ai déjà présenté l’économie générale de cet amendement.

Le Gouvernement a prévu que l’existence d’un accord tripartite avant le 1er juillet 2024 pourrait être constatée par le Conseil constitutionnel. Nous proposons de substituer à cette procédure une décision conjointe des présidents des deux assemblées. Ces derniers ne sont pas partie prenante à l’accord ; ils sont indépendants, comme l’est le Conseil constitutionnel. Par conséquent, il nous paraît souhaitable que ce soit eux, plutôt que la juridiction, qui prennent cette décision de constatation.

M. le président. Le sous-amendement n° 19, présenté par Mme Narassiguin, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Temal, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 6, alinéa 15

Compléter cet alinéa par les mots :

après consultation officielle des présidents de groupe des deux assemblées

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous soutenons l’amendement n° 6 du rapporteur. Notre sous-amendement s’inscrit dans le même esprit : nous ne souhaitons pas laisser au Conseil constitutionnel le soin de donner son avis sur un accord global et nous ne voulons pas que le Parlement soit contourné. Dans cet esprit, nous proposons que soient consultés de manière officielle, outre les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, les présidents de tous les groupes politiques, afin que la consultation soit la plus large possible et que l’avis soit transpartisan.

M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, deuxième phrase

Après le mot :

ministre

insérer les mots :

, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, le Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou le Vice-Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

II. – Alinéa 2, première phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à permettre la saisine du Conseil constitutionnel, en vue de la constatation d’un accord, par les présidents des deux chambres du Parlement, ainsi que par le président ou le vice-président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Aux termes du texte du Gouvernement, la réforme constitutionnelle n’entrera pas en vigueur si un accord sur le statut de la Nouvelle-Calédonie est conclu avant le 1er juillet 2024. Mais qui constatera qu’un accord a bien été trouvé ? Il peut se produire, en effet, que certains acteurs considèrent qu’un accord a été conclu, tandis que d’autres ne sont pas de cet avis. Il appartiendra, dans ce cas, au Conseil constitutionnel de statuer. Nous ne remettons nullement cela en cause. Nous voulons simplement élargir la liste des acteurs susceptibles de saisir le Conseil et, notamment, donner cette faculté au président et au vice-président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Cela pourrait en particulier être utile si ces derniers considèrent qu’il n’y a pas d’accord.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

1° A la deuxième phrase

remplacer les mots :

avant le 1er juillet 2024

par les mots :

au plus tard dix jours avant la date des élections pour le premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle

2° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Le Gouvernement présente en conseil des ministres un projet de loi organique visant à reporter le premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle, afin de permettre l’adoption des mesures constitutionnelles, organiques et législatives nécessaires à la mise en œuvre dudit accord. L’adoption en conseil des ministres de ce projet de loi organique emporte, le cas échéant, report du décret de convocation des électeurs pour ledit scrutin.

II. – Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Par dérogation à l’article 46 de la Constitution, la loi organique précitée est votée dans les conditions prévues à l’article 45.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Comme je l’ai indiqué il y a un instant, nous voulons qu’il soit possible de prendre en compte un accord même au-delà du 1er juillet, dès lors qu’il interviendrait au plus tard dix jours avant la date des élections. Dans ce cas, le processus électoral devra être suspendu pour permettre sa mise en œuvre et l’adoption des textes nécessaires.

Nous proposons également que la loi organique que nous prévoyons en ce cas soit adoptée dans les conditions prévues à l’article 45 de la Constitution, par dérogation à la procédure et aux délais, plus longs, de l’article 46 relatif aux lois organiques.

M. le président. Le sous-amendement n° 21, présenté par Mme Narassiguin, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Temal, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 7 rectifié

Après l’alinéa 1

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° À la première phrase

Remplacer l’année :

2024

par l’année :

2025

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous comprenons l’intention du rapporteur et nous soutenons sa démarche : celle-ci vise à donner toutes ses chances à la négociation d’un accord tripartite. Elle vise aussi à assouplir, autant que possible, le projet de loi constitutionnelle, afin que l’accord puisse être pris en compte le plus rapidement possible, ce qui implique de réorganiser en conséquence, le cas échéant, le calendrier électoral.

Toutefois, le maintien dans le texte de la date du 1er juillet 2024 est, à notre sens, problématique. Notre sous-amendement vise donc à affirmer sans aucune ambiguïté, dans un souci de lisibilité politique, que nous voulons lever l’espèce d’ultimatum que ce projet de loi constitutionnelle impose aux parties qui doivent négocier en Nouvelle-Calédonie.

Nous proposons par conséquent, dans la lignée de notre amendement n° 17, de retenir la date du 1er juillet 2025, plutôt que celle du 1er juillet 2024.

M. le président. Le sous-amendement n° 34, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Amendement n° 7 rectifié

I. – Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 11, au début

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

Lorsque la conclusion de l’accord a été constatée, et s’il ne l’a pas déjà fait, le Gouvernement est tenu de présenter dans les plus brefs délais en conseil des ministres un projet de loi organique visant à reporter le premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle, afin de permettre l’adoption des mesures constitutionnelles, organiques et législatives nécessaires à la mise en œuvre dudit accord. L’adoption en conseil des ministres de ce projet de loi organique emporte, le cas échéant, report du décret de convocation des électeurs pour ledit scrutin.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Il est défendu.

M. le président. Le sous-amendement n° 20, présenté par Mme Narassiguin, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Temal, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 7 rectifié, alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Par dérogation au premier alinéa de l’article 187 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les prochaines élections des membres du congrès et des assemblées de province peuvent avoir lieu au plus tard le 30 novembre 2025. La liste électorale spéciale et le tableau annexe mentionnés à l’article 189 de la même loi organique sont mis à jour au plus tard dix jours avant la date du scrutin.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Dans la continuité de ce que nous venons de proposer, cet amendement vise à s’assurer qu’il n’y aura pas de contradiction dans le calendrier en précisant que les élections pourront être organisées jusqu’au 30 novembre 2025.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Les amendements nos 17 et 33 ont tous deux pour objet de reporter au 1er juillet 2025 l’entrée en vigueur de cette loi constitutionnelle.

Cela rendrait impossible la tenue des élections en 2024. En effet, la réforme constitutionnelle doit entrer en vigueur pour que puissent être pris les textes permettant l’établissement de la liste électorale, notamment la loi organique nécessaire pour régler un certain nombre de problèmes d’inscription avant la convocation des électeurs.

Or il faut vraiment que ces élections aient lieu si l’on veut dégager un espace pour les négociations à venir en Nouvelle-Calédonie, qui ne peuvent pas avoir lieu pendant la campagne électorale.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

L’amendement n° 30 tend à subordonner l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle à l’avis favorable d’une majorité qualifiée du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Cela ne me paraît pas possible, car, là encore, cela mettrait en péril la possibilité d’organiser des élections en 2024. L’avis de la commission sur cet amendement est donc également défavorable.

Par ailleurs, il ne nous a pas paru souhaitable de requérir formellement une consultation des présidents des groupes politiques du Parlement, comme le souhaitent les auteurs du sous-amendement n° 19. En effet, les présidents des deux assemblées parlementaires étant des autorités constitutionnellement indépendantes, je crois qu’il faut leur remettre en propre ce pouvoir, ce qui ne les empêchera pas de consulter qui ils veulent, notamment les présidents de groupe. La commission est aussi défavorable à ce sous-amendement.

L’amendement n° 31 vise à associer à la constatation de l’accord le président ou le vice-président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Pour les raisons que je viens d’évoquer, l’avis est défavorable.

Les sous-amendements de repli nos 21 et 20 de nos collègues socialistes tendent aussi à modifier la date des élections provinciales. Nous y sommes défavorables, pour les raisons que j’ai déjà indiquées.

En revanche, j’ai tenu compte du sous-amendement n° 34, très judicieux, de Mme Vogel, puisque j’ai rectifié l’amendement n° 7 de manière à corriger le point qu’elle a justement soulevé et à éviter de rendre cumulatifs les critères de constatation de l’accord. Ce sous-amendement étant satisfait, j’en sollicite le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis défavorable à l’ensemble des amendements et sous-amendements en discussion, mais je m’attarderai plus particulièrement sur les deux amendements présentés par M. le rapporteur au nom de la commission.

Par l’amendement n° 6, le rapporteur souhaite attribuer non plus au Conseil constitutionnel, mais aux présidents des deux assemblées parlementaires la responsabilité de constater s’il y a un accord. Ce faisant, nous politiserions le constat de l’accord, alors que nous avons plutôt besoin à cette fin d’un notaire, qui trancherait de la manière la moins politique possible. Cette proposition me semble assez paradoxale, eu égard à ce qui s’est dit lors de la discussion générale, sachant que lesdits présidents, bien que de couleurs politiques différentes, ne peuvent nullement se réclamer du camp indépendantiste !

M. Philippe Bas, rapporteur. Le Conseil constitutionnel non plus !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je trouve original de demander aux présidents des assemblées parlementaires de sortir de leur rôle politique pour constater un accord. Si c’est ce que veut la Haute Assemblée, je n’y vois pas d’inconvénient, mais on peut imaginer qu’il y ait un accord avec une partie seulement des indépendantistes, ou une partie seulement des loyalistes, et non avec l’intégralité des deux camps. C’est possible, connaissant les subtilités de la vie politique calédonienne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur le fait que les présidents d’assemblées politiques, par définition, font aussi de la politique. Cette proposition est en l’occurrence particulièrement déséquilibrée, puisque le parti Les Républicains, auquel appartient M. Larcher, comme le parti Renaissance de Mme Braun-Pivet comptent en Nouvelle-Calédonie parmi les partis non indépendantistes.

J’y insiste, en votant cet amendement, votre assemblée politiserait un peu plus le constat de l’accord. Certes, comme cela ne va pas contre les intérêts du Gouvernement, je n’y vois pas d’inconvénient, mais cela m’étonne tout de même.

Je remarque au passage que les groupes politiques du Sénat semblent vouloir pousser plus loin votre logique, monsieur le rapporteur. Quitte à politiser le processus, pourquoi ne pas voter le sous-amendement n° 19 du groupe socialiste qui prévoit la consultation de tous les présidents de groupes politiques avant la constatation d’un accord ? Je penche quand même, afin d’éviter la politisation de la procédure, en faveur de la constatation par le Conseil constitutionnel. Mais ce n’est pas le plus important, même si cet amendement me paraît un peu incongru.

Je suis plus embêté par l’amendement n° 7 rectifié, qui vise à tirer la conclusion, si j’ose dire, du débat que nous avons eu autour du processus à retenir pour un décalage des élections, à savoir une loi organique votée comme une loi ordinaire.

M. Philippe Bas, rapporteur. Non !

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est un peu le cas. Je comprends que vous supprimez les mots : « avant le 1er juillet 2024 ».

M. Philippe Bas, rapporteur. Non !

M. Gérald Darmanin, ministre. Si, vous comptez supprimer cette date, monsieur le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Ça dépend pour quoi !

M. Gérald Darmanin, ministre. J’en déduis que l’on peut avoir un accord jusqu’au dernier jour…

M. Philippe Bas, rapporteur. Dix jours avant les élections !

M. Gérald Darmanin, ministre. Soit ! Nous serions donc capables, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire voter une loi ordinaire par les deux assemblées en dix jours après un accord !

Par ailleurs, vous voulez supprimer la possibilité de recourir au décret pour décaler la date des élections. Monsieur le rapporteur, vous êtes manifestement adepte du « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » ! Il faudrait ainsi faire adopter une loi organique, sous forme de loi ordinaire, dans les deux assemblées pour reporter les élections. Mais que se passerait-il si les assemblées ne pouvaient se réunir au moment précis où un accord serait conclu ? Le Sénat a la chance incroyable de ne pas pouvoir être dissous par le Président de la République, en contrepartie de quoi il ne peut pas renverser le Gouvernement. Heureusement, sinon je ne serais plus devant vous depuis un certain temps, je le crois… (Sourires.)

Il se peut – cela s’est déjà vu – que l’Assemblée nationale, en période de renouvellement électoral, ne puisse se réunir ; cela pourrait se produire alors même qu’un accord viendrait d’être obtenu, au dernier moment. Si l’on est cohérent avec le choix de faire voter une loi organique comme une loi ordinaire, il faut résoudre ce problème.

J’en profite pour attirer l’attention de M. le sénateur Naturel sur le fait que la loi qui serait prise dans ces circonstances serait contrôlée par le Conseil constitutionnel, et ce d’autant plus attentivement qu’il s’agirait d’une loi organique. Si le Conseil la censure, pour une raison ou une autre, les élections ne pourront pas se tenir. C’est ce que vous avez voté, monsieur le sénateur, et ce n’est pas de nature à faciliter ce que nous essayons de faire, à savoir des élections provinciales avec un corps électoral dégelé.

Si nous ne mettons pas de date butoir et qu’un accord peut être constaté jusqu’aux derniers jours, il faudra convoquer les chambres – espérons qu’il ne s’agira pas d’une période de vacances parlementaires –, pour leur demander de voter une loi reportant la date des élections.

Objectivement, je trouve tout cela un peu compliqué. Si telle est la volonté de la Haute Assemblée, nous nous y plierons, mais un tel vote viderait de sa substance ce que nous nous efforçons de faire. J’estime donc judicieux de repousser tous ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour explication de vote.

M. Georges Naturel. Je n’aborderai pas directement les amendements en discussion.

Depuis deux ans, on parle d’un accord. Le Conseil d’État évoque un accord qui serait signé par les signataires de l’accord de Nouméa. Or je puis vous dire qu’il n’en reste plus beaucoup, en particulier chez les non-indépendantistes. Je crois être le dernier d’entre eux à siéger au Parlement. Aussi, une question me taraude, monsieur le ministre, que je poserais volontiers au Gouvernement : qui signera cet accord en Nouvelle-Calédonie ? C’est ce qui importe aujourd’hui.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis d’accord !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Très sereinement, je veux dire à M. le ministre que, si l’objet de mon amendement n° 7 rectifié était ce qu’il en a compris, je ne l’aurais pas présenté.

Certes, un amendement est toujours difficile à lire, parce qu’il se greffe sur une souche, à savoir le texte du Gouvernement, qui lui-même modifie, en l’occurrence, le texte de la Constitution. Mais, en réalité, cet amendement est très simple : nous voulons simplement préciser que, dans le cas, d’ailleurs improbable, où un accord serait conclu jusqu’à dix jours avant le scrutin, le Gouvernement présenterait en conseil des ministres un projet de loi tendant à reporter les élections. L’adoption de ce texte en conseil des ministres vaudrait retrait du décret de convocation des électeurs et suffirait à acter le report. C’est très facile !

Je suppose d’ailleurs que vous seriez très heureux de vous retrouver dans cette situation, monsieur le ministre, puisque vous appelez de vos vœux, depuis tant d’années, la conclusion de cet accord global pour le destin commun des Calédoniens.

Si jamais cette situation se produisait, jusqu’à dix jours avant les élections, vous auriez tout à fait le temps de faire les choses convenablement, c’est-à-dire de réunir le conseil des ministres pour adopter un projet de loi organique tendant à reporter les élections et ainsi donner le temps au Gouvernement et au Parlement d’appliquer l’accord noué. Cette hypothèse n’est pas parmi les plus probables, mais si elle se présentait, tout le monde serait évidemment content de pouvoir procéder ainsi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. L’argumentation du rapporteur se suffit à elle-même pour démontrer toute la complexité du dispositif proposé…

Le Gouvernement propose un décret en cas d’accord constaté par le Conseil constitutionnel ; ce décret serait contrôlé par le Conseil d’État. M. le rapporteur nous propose plutôt, en cas d’accord au dernier moment, qu’un projet de loi soit adopté en conseil des ministres. D’abord, n’oublions pas qu’il devrait auparavant être présenté au Conseil d’État : en dix jours, c’est très court…

M. Philippe Bas, rapporteur. Il y a une commission permanente.

M. Gérald Darmanin, ministre. Il faudrait l’écrire, le présenter au Conseil d’État, convoquer un conseil des ministres, et tout cela à un moment où les électeurs auront déjà été convoqués aux élections. Et il faudrait dire aux Calédoniens : attendez, nous allons présenter un projet de loi pour reporter les élections !

Chacun sait que le conseil des ministres est une instance extrêmement délibérative où l’on s’oppose frontalement au Président de la République lorsqu’on n’est pas d’accord… (Sourires.)

De surcroît, il ne serait nullement garanti que le Parlement examinerait ce texte, le Gouvernement n’étant pas tenu par la Constitution de le transmettre au Parlement. Et cela suffirait pour annuler le décret de convocation des électeurs !

Objectivement, monsieur le rapporteur, pourquoi voulez-vous compliquer le processus ? Mesdames, messieurs les sénateurs, n’oubliez pas que nous examinons un projet de loi constitutionnelle. Je ne vois pas ce que viendrait faire une telle procédure dans la Constitution : une convocation en urgence du conseil des ministres par le Président de la République, moins de onze jours avant les élections, pour examiner un projet de loi préalablement examiné par le Conseil d’État – s’agissant d’un projet de loi organique, l’examen est particulièrement minutieux. Et ce projet de loi se suffirait à lui-même pour dire aux électeurs calédoniens de ne pas venir voter aux élections !

Monsieur le rapporteur, je crains d’avoir bien compris votre amendement, que je trouve personnellement extrêmement complexe. Je considère par ailleurs que son adoption mettrait en péril le processus institutionnel en Nouvelle-Calédonie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite donc à rejeter cet amendement n° 7 rectifié : laissez plutôt le Gouvernement organiser la séquence en cas d’accord, par décret, sous le contrôle du Conseil d’État.