M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Bernard Buis. En l’occurrence, non ! Avec votre réforme, il pourrait y en avoir jusqu’à 6 %…
Par ailleurs, sommes-nous en mesure d’engager une telle réforme, dont le coût estimé pour nos finances sociales serait compris, selon la MSA, entre 285 millions et 322 millions d’euros en 2046 ? Et quelle serait la projection pour 2100 ?
Enfin, étant donné la complexité technique du sujet et vu les désaccords persistants sur la méthode à retenir ainsi que notre volonté de ne faire aucun perdant, ne devons-nous pas envisager la création d’une mission d’information pour trouver une solution consensuelle ?
Mme Frédérique Puissat. Mais bien sûr…
M. Bernard Buis. Mes chers collègues, une chose est sûre : nous souscrivons tous à la nécessité de réformer aussi vite que possible le mode de calcul des pensions de retraite des travailleurs non salariés des professions agricoles. Personne ne comprendrait que l’on enterre le sujet, encore moins dans le contexte actuel.
Mais, compte tenu des différentes réserves exprimées, notre groupe s’abstiendra sur ce texte. (Mme Frédérique Puissat s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tendent à être favorables au texte que nous examinons, car nous en partageons les objectifs.
Néanmoins, nous ne sommes pas pleinement convaincus par la démarche adoptée.
En effet, cette proposition de loi est présentée comme une réponse de la majorité sénatoriale à ce qui semble une incapacité du Gouvernement à identifier les modalités d’application, dès 2026 de la loi votée au Sénat en février 2023, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses.
Toutefois, nous considérons que cette réponse demeure insatisfaisante, le texte adopté en 2023 et celui qui nous occupe aujourd’hui paraissant souffrir de faiblesses similaires.
La loi de 2023 prévoyait, pour l’identification de ses modalités d’application, l’établissement par l’administration d’un rapport qui devait être rendu sous trois mois. Contrairement aux engagements du Gouvernement, les conclusions de ce rapport, fruit du travail de l’inspection générale des affaires sociales et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, ont été rendues avec neuf mois de retard – tous mes collègues l’ont rappelé – et n’offrent pas de solution à la hauteur de nos attentes partagées.
En effet, la recommandation qui y est mise en avant, et qui aurait les faveurs du Gouvernement, pécherait à la fois par sa complexité et par ses conséquences. Le scénario en question consiste en une liquidation des retraites des non-salariés agricoles en deux temps, selon des modalités alambiquées : la liquidation de la partie de la carrière antérieure à 2016 se ferait sur la base des modalités de calcul actuelles, quand celle de la partie postérieure à 2015 s’effectuerait dans le cadre d’un système par annuités, ne reprenant qu’un certain nombre des meilleures années travaillées sur la durée totale de la carrière.
Ce scénario assurant le passage à un calcul de la retraite sur le revenu annuel moyen, qui est celui du régime général des salariés, ferait, par ailleurs, disparaître les mécanismes de redistribution interne de l’actuel régime des retraites agricoles.
Ces mécanismes ont, de fait, été mis en place pour répondre à la diversité des situations des travailleurs agricoles, qui peuvent être polypensionnés, aides familiaux ou chefs d’exploitation. Leur disparition bouleverserait le paysage des retraités agricoles. Une telle réforme risquerait de les plonger dans une situation où certains seraient doublement pénalisés, puisqu’ils ne pourraient pas bénéficier de la pension majorée de référence, tout en étant lésés par le nouveau mode de calcul.
Par conséquent, l’administration et le Gouvernement peinent à identifier des modalités d’application de la loi de 2023 acceptables par tous, ce qui n’est pas nécessairement pour nous surprendre.
Pour mémoire, en effet, si notre groupe a soutenu le texte adopté en février 2023, nous avions également fait part, lors de son examen, de notre circonspection concernant les modalités de sa mise en œuvre. L’objectif de ce texte, disions-nous, est limpide et nécessaire, mais les voies à emprunter pour l’atteindre sont tortueuses et susceptibles d’ajouter de la complexité à un régime de retraite déjà peu lisible.
Nous rappelions également une recommandation figurant dans un rapport de l’Igas de 2012, relatif aux retraites agricoles : « On ne peut considérer de façon isolée une règle d’un régime de retraite sans examiner l’ensemble des règles de ce régime : un alignement limité à une règle n’est pas une garantie d’équité et peut au contraire être inéquitable si certaines règles sont introduites sans d’autres qui constituent leur contrepartie. Si le régime des non-salariés agricoles doit être réformé, cette réforme ne devrait donc pas porter sur la seule règle de calcul sur les vingt-cinq meilleures années, mais sur la globalité du régime. »
Cela nous conduit au texte dont nous débattons aujourd’hui, dans cet hémicycle. En effet, dans ce même rapport de 2012 figuraient les éléments qui ont inspiré l’approche privilégiée par la majorité sénatoriale dans la présente proposition de loi.
Étonnamment, la piste mise en avant en 2012, qui semblait la moins susceptible de faire des perdants, a été peu exploitée dans le rapport de 2024, lequel met surtout en avant les difficultés d’application techniques des scénarios de réforme, en raison de l’état actuel des systèmes d’information de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole. L’argument serait que cette dernière ne dispose de bases de données sur les revenus qu’à partir de l’année 2016.
Les représentants de cette même caisse nous ont pourtant confié, lors de leur audition au Sénat, qu’ils n’avaient pas été consultés, dans le cadre de l’élaboration de ce rapport, sur la capacité de la caisse à mettre en œuvre une réforme de calcul conservant le système par points.
Le Gouvernement justifie par ailleurs la mise à l’écart de ce scénario du passage aux vingt-cinq meilleures années conservant le système par points par le fait qu’un tel scénario serait antinomique avec la logique de ce dernier.
Le texte que nous examinons aujourd’hui prévoit donc, à rebours de la position du Gouvernement, l’adoption d’un calcul des pensions de retraite de base des non-salariés agricoles fondé sur les vingt-cinq meilleures années, en recourant au système par points. Ce scénario serait le « mieux-disant », puisqu’il ne ferait qu’une part très limitée de perdants. Son application engendrerait une augmentation des retraites de 47,70 euros en moyenne.
Il est cependant important de souligner que ledit scénario est le fruit d’un travail publié en 2012, et que bien des paramètres ont évolué depuis lors. Une démarche basée sur des données qui n’ont pas été actualisées laisse craindre une certaine fragilité.
Nous notons, enfin, que la piste retenue par la majorité sénatoriale reçoit notamment le soutien de la FNSEA, qui y voit une solution ne remettant pas en cause la spécificité du régime agricole ni ses mécanismes de redistribution.
Nous sommes néanmoins interpellés par le fait que la Confédération paysanne développe une autre philosophie : elle met en avant, par exemple, le fait que, avec une harmonisation des statuts et des ajustements techniques, le système de retraite agricole pourrait être amélioré pour tous.
Selon cette organisation, l’élargissement de l’assiette des cotisations assurerait une plus grande solidarité.
En tout état de cause, s’il va de soi qu’une réforme ne peut laisser quiconque de côté, nous constatons que l’heure n’est pas à la refonte du système de calcul des pensions agricoles.
Il nous semble regrettable de devoir débattre à nouveau d’une réforme que certains estiment paramétrique, alors que nous nous sommes déjà battus à plusieurs reprises contre des vents contraires dans cet hémicycle pour avancer sur le sujet.
Ainsi, nous avons déjà, en 2020 et 2021, voté les lois Chassaigne 1 et 2, textes qui visaient eux aussi à répondre à l’urgence s’agissant des petites retraites agricoles. La pusillanimité du Gouvernement en avait cependant retardé l’adoption et réduit la portée. Après avoir été contraint de laisser le Parlement les adopter, l’exécutif a profité de la très grande technicité du sujet pour en atténuer les effets.
Cette situation a suscité des déceptions successives.
Pour mémoire, la loi Chassaigne du 3 juillet 2020 avait pour objet de rehausser à 85 % du Smic la retraite minimum des anciens chefs d’exploitation agricole ayant effectué une carrière complète, mais les choix du Gouvernement l’ont beaucoup fragilisée, imposant, par amendement, un écrêtement du complément différentiel de retraite complémentaire obligatoire versé.
Nombre de retraités agricoles ont signalé, à l’époque, que l’augmentation de leur pension était dérisoire. La MSA a dû prendre en compte la bonification pour enfants dans le calcul des pensions à verser, ce qui a réduit d’autant, et de manière significative, la portée de la loi.
Les effets de ces atermoiements sont délétères. Derrière une prudence excessive et le prétexte de la technicité de la réforme des retraites agricoles, nous croyons déceler des manœuvres pour reprendre d’une main ce qui est donné de l’autre aux travailleurs de la terre ou, en tout cas, pour être un peu moins généreux à leur égard que nous le souhaiterions.
Nous craignons que la présente proposition de loi ne résolve pas davantage la problématique des retraites agricoles, même si elle va dans le bon sens.
Une réforme paramétrique ne peut qu’être impuissante à répondre aux questions de fond qui se posent à nous aujourd’hui. C’est, au contraire, une refonte globale du système de retraites agricoles qu’il faudrait préparer. Celle-ci devra continuer à s’inscrire dans une logique de protection des retraités agricoles aux revenus les plus faibles, à l’instar de ce que fait la pension minimale de référence. Comme nous l’avons vu, elle devra également porter à la fois sur la contributivité du régime et sur l’assiette de cotisation.
Cette réforme en profondeur impliquera, par ailleurs, une réflexion sur les choix effectués lors de la création du régime en 1955, notamment sur la répartition de l’effort entre contribution à la MSA, investissement et épargne individuelle.
Enfin, la question de la solidarité intergénérationnelle se posera avec acuité, dans la mesure où la moitié des agriculteurs partira à la retraite d’ici à dix ans.
Dans l’attente de cette réforme, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononcera en faveur du passage au calcul des pensions agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années, malgré les insuffisances du mécanisme.
Cependant, nous appelons le Gouvernement à engager une réforme globale du système de retraite de base des non-salariés agricoles avant 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après des jours et des jours d’intenses manifestations au mois de janvier dernier et un salon de l’agriculture mouvementé pour le pouvoir exécutif, le Gouvernement est-il à la hauteur de ses engagements ?
Les annonces ne se sont pas concrétisées, et le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture ne sera examiné à l’Assemblée nationale qu’à partir du 13 mai prochain.
De son côté, le Sénat s’est longuement penché, ces derniers mois, sur les sujets de préoccupation de nos agriculteurs. En témoigne, par exemple, la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France de notre collègue Laurent Duplomb, qui vise à alléger les contraintes et à rétablir la compétitivité et l’attractivité de toutes les agricultures. Ce texte, pourtant transmis à l’Assemblée nationale le 23 mai 2023, n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour de celle-ci.
Pour ce qui est des retraites agricoles, dont la revalorisation fait évidemment partie des revendications que les agriculteurs ont fait entendre à travers la France, le Gouvernement agit de la même manière : le dossier n’avance pas.
Or, en plus d’être complexe, le régime des non-salariés agricoles sert des pensions très faibles. La loi du 13 février 2023 prévoyait d’apporter une réponse concrète à ce problème, grâce à une réforme du mode de calcul des pensions, lequel devait désormais reposer sur les vingt-cinq meilleures années de revenus des agriculteurs plutôt que sur leur carrière entière, et ce afin d’en augmenter le niveau.
Pour mettre en œuvre cette mesure, le Gouvernement devait fournir, dans les trois mois, un rapport détaillant les modalités d’application et les critères de la réforme.
C’est avec huit mois de retard que l’exécutif a finalement remis son rapport au Parlement. Selon la commission des affaires sociales du Sénat, dont je salue ici le travail, aucun des scénarios de réforme ne satisfait pleinement les objectifs fixés initialement. Tous aboutissent à une proportion significative d’agriculteurs défavorisés par rapport à la situation actuelle – entre 15 et 50 % de perdants à l’horizon 2040.
Nous constatons donc à regret que ce rapport va à l’encontre de la loi qui a été votée par le Parlement.
La présente proposition de loi tend à préciser le principe de la réforme votée il y a un an, en inscrivant directement dans la loi les modalités de calcul qui seront applicables aux pensions agricoles liquidées à compter du 1er janvier 2026.
Ce texte aurait également pu simplifier le régime de retraite agricole en unifiant les pensions forfaitaire et proportionnelle, mais un certain nombre de problèmes techniques restent à régler.
La proposition de loi reflète l’engagement du Sénat à répondre aux préoccupations des agriculteurs et à une partie de la détresse du monde agricole. Elle apporte une réponse concrète aux agriculteurs, raison pour laquelle nous voterons évidemment en sa faveur.
Cela étant, nous appelons le Gouvernement à assumer ses responsabilités sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek. (M. Aymeric Durox applaudit.)
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous cet adage simple, telle une évidence qui ne l’est pourtant pas tant que cela : « Il n’y a pas de pays sans paysans. »
Ainsi, la France puise, dans le travail lancinant et millénaire de sa terre, sa beauté et, pendant de longs siècles et jusqu’à aujourd’hui, le ferment de sa prospérité.
Toutefois, la grave crise agricole que nous avons vécue – nous en vivrons d’autres – a révélé au moins un malaise : elle confirme la souffrance dans laquelle sont plongés nos agriculteurs et l’urgence d’y faire face.
Un libre-échange déraisonné, conjugué à une surtransposition zélée, a profondément abîmé la vie de nos agriculteurs, qui, déjà difficile et pénible, est devenue impossible.
Si la Nation doit beaucoup à ses agriculteurs, elle les récompense assez peu.
Ainsi, nous avons pu constater, grâce au travail de qualité réalisé par nos collègues, qu’il existait un écart de pension déterminant – 580 euros brut par mois – entre un agriculteur retraité et un salarié à la retraite.
Par ailleurs, la pension annuelle d’un agriculteur retraité serait de 7 000 euros plus faible, en moyenne, que celle d’un salarié affilié au régime général.
Si la vie de nos compatriotes agriculteurs est souvent la plus dure, leur régime de retraite est aussi le moins généreux. Alors que la plupart des salariés français voient leur retraite calculée sur leurs vingt-cinq meilleures années – et même sur les six derniers mois pour les fonctionnaires –, la retraite agricole est calculée, selon un mécanisme complexe, si ce n’est opaque, sur la base de l’intégralité de leur carrière.
Cette catégorie professionnelle est la seule et la dernière pour laquelle le mode de calcul de la retraite repose sur l’ensemble de la carrière.
Nous sommes donc, logiquement, favorables à ce texte, qui vise à calculer sur les vingt-cinq meilleures années la pension de retraite des travailleurs agricoles, ce qui permet, selon les acteurs que nous avons interrogés, de ne faire aucun perdant et de revaloriser minimalement les pensions des agriculteurs retraités.
Néanmoins, la bonne volonté de cette chambre et des oppositions à l’Assemblée nationale ne peut à elle seule suffire à traiter les causes profondes de la crise agricole.
Tous les acteurs le disent : c’est grâce à des revenus décents que les agriculteurs auront une pension de retraite suffisante. L’exception agriculturelle, le patriotisme économique, l’action résolue d’un gouvernement fermement engagé au service de notre pays pour lutter contre des dogmes européens ubuesques, voilà ce qu’attendent nos agriculteurs !
C’est par un accès privilégié au marché national et, particulièrement, à la commande publique que nos agriculteurs pourront garantir leurs revenus et, ainsi, obtenir, après une vie de labour et de labeur, une retraite décente.
Nous soutiendrons ce texte, mais nous resterons particulièrement attentifs à l’attitude du Gouvernement et de la minorité présidentielle à son égard, tant ceux-ci semblent incapables d’entendre une colère à la fois de plus en plus forte et légitime. (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Klinger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année dernière, nous avons adopté une loi qui habilitait le Gouvernement à réformer le régime des retraites des non-salariés agricoles par décret.
Les agriculteurs sont les actifs qui travaillent le plus, avec cinquante-quatre heures par semaine en moyenne. Neuf agriculteurs sur dix travaillent le week-end ; deux sur trois ne partent pas plus de trois jours consécutifs en vacances chaque année.
Nous souhaitions mettre fin à l’injustice qui frappe les agriculteurs, dont le montant des retraites est inférieur de près de 700 euros par mois à celui des retraites du régime général.
Pour ce faire, nous avons chargé le Gouvernement de nous fournir un rapport détaillant les scénarios et les paramètres de mise en œuvre d’une réforme d’ici 2026. Ce rapport, remis avec neuf mois de retard, propose trois scénarios de réforme, faisant au moins 15 % de perdants, voire n’ayant pas d’incidence sur le montant des pensions. C’est un coup d’épée dans l’eau !
Nous avons suffisamment perdu de temps. Cet après-midi, faisons le choix d’un texte garantissant un mode de calcul juste et équitable, qui corrigera des disparités et assurera une plus grande équité dans les montants des retraites. Faisons également le choix de pensions plus stables, en calculant un nombre moyen de points acquis chaque année pendant les vingt-cinq meilleures années et en l’extrapolant à l’ensemble de la carrière. Les fluctuations importantes de revenus, liées à des facteurs tels que les conditions météorologiques ou l’évolution du prix des produits agricoles, par exemple, ne sont pas mises de côté.
Alors que 50 % des actifs agricoles prendront leur retraite d’ici dix ans, sachons redonner de l’attractivité à ce secteur. La question du renouvellement des générations en agriculture est, en effet, essentielle. En trente ans, plus de 57 % des exploitations ont disparu. La surface agricole utile s’amenuise et les investissements sont en berne, sans compter les difficultés liées à la transmission des terres et des exploitations.
Or nous avons besoin d’une souveraineté alimentaire solide et effective, laquelle passe notamment par une politique de protection de ceux qui nous nourrissent, par la revalorisation de leur métier et de leur retraite.
Cet après-midi, choisissons de protéger les sortants, et donnons des garanties aux entrants pour rendre le secteur agricole encore plus attractif.
En résumé, faisons tout simplement en sorte qu’il n’y ait pas de perdants et que ce nouveau mode de calcul des pensions de retraite agricoles entre en vigueur dès 2026 ! Les événements récents nous obligent collectivement à tenir cet objectif et ce calendrier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Laurent Somon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’associe à mon intervention ma collègue Kristina Pluchet, qui souhaitait participer aux débats sur cette proposition de loi, mais qui a été retenue dans sa circonscription. Le sujet lui tient particulièrement à cœur.
Le 1er février 2023, la proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses était adoptée conforme et à l’unanimité par notre assemblée. Ce texte donnait une feuille de route claire au Gouvernement.
Je tiens, à cet égard, à saluer la qualité du travail de la commission des affaires sociales et, plus particulièrement, de sa rapporteure, Pascale Gruny, qui, déjà à l’époque, avait présenté un rapport très complet, détaillant les différents scénarios possibles.
Nous étions alors loin d’imaginer que les propositions du Gouvernement, que le rapport du 30 janvier dernier – dont personne n’avait encore parlé – a enfin révélées, seraient aussi éloignées de la volonté du législateur.
Ce rapport, nous le déplorons, repose sur des choix méthodologiques contestables.
Ainsi, sur les cinq scénarios identifiés pour mettre en œuvre la réforme, trois ont été arbitrairement écartés. Quant à ceux qui ont été retenus, ils ne satisfont pas aux deux conditions posées par le législateur : d’une part, respecter les spécificités du régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles et garantir impérativement le niveau des pensions et des droits acquis ; d’autre part, s’assurer qu’il n’y ait pas de perdants.
Le rapport a, en effet, délibérément ignoré le scénario de la commission des affaires sociales du Sénat, fondé sur le rapport de M. Yann-Gaël Amghar, qui consistait à calculer la pension de base des non-salariés agricoles sur le fondement des vingt-cinq meilleures années, tout en conservant un régime par points.
Les scénarios retenus sans le moindre complexe par le Gouvernement dans le rapport de janvier dernier font de nombreux perdants, tandis que la réforme n’aurait pas d’incidence sur le montant de la pension d’une part très importante des assurés.
Ces différentes hypothèses trahissent de manière manifeste la volonté du législateur.
Nous regrettons de devoir de nouveau rappeler l’injustice qui est faite à ceux qui nous nourrissent lorsqu’ils perçoivent, après une vie de labeur, une pension inférieure de 700 euros en moyenne par mois à celle de l’ensemble des retraités.
Depuis plus d’un an, le Gouvernement aurait dû montrer son attachement à ceux qui assurent notre souveraineté alimentaire. C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné, avec plusieurs de mes collègues, la proposition de loi du président Mouiller.
Grâce à cette initiative, nous allons inscrire directement dans la loi les modalités de calcul qui seront applicables aux pensions agricoles liquidées à compter du 1er janvier 2026, à savoir un nombre de points égal au nombre annuel moyen de points acquis pendant les vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses.
Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte, qui démontre, par son effectivité, le soutien apporté à toute une profession. Les agriculteurs, et particulièrement les agricultrices, qui doivent déjà faire face, durant toute leur vie active, à des revenus aléatoires et à la dureté de leur métier, devraient pouvoir aborder la retraite avec davantage de sérénité et en profiter avec plus d’espérance.
Ce soutien doit être couplé à une anticipation plus précoce de la transmission des exploitations, qui, comme l’a dit mon collègue Christian Klinger, doit être favorisée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, traversé par une crise continue, le monde paysan n’en finit pas de s’interroger sur la reconnaissance de son travail.
L’environnement incertain auquel nos agriculteurs font face les laisse en proie au doute et au désarroi, si bien que, au terme d’une vie de dur labeur, de plus en plus d’agriculteurs ne souhaitent plus que leurs propres enfants reprennent, comme ils ont pu le faire eux-mêmes, la ferme familiale.
Dans ce tableau général, la faiblesse du montant des retraites agricoles est un facteur qui pèse au moment de faire le bilan d’une vie passée au travail.
Songez que la pension annuelle de base des assurés, anciens chefs d’exploitation ayant effectué une carrière complète, s’élève à 864 euros brut par mois en moyenne ! Tous régimes confondus, y compris complémentaires, les anciens non-salariés agricoles perçoivent, en moyenne, une pension de 1 269 euros brut par mois. Les retraites agricoles sont, de fait, les plus faibles de tous les secteurs d’activité économique.
La plupart des agriculteurs retraités touchent une pension d’environ 1 000 euros, à laquelle il faut parfois soustraire des pensions de réversion s’élevant à 700, voire 800 euros.
D’après une étude de la MSA réalisée en 2023, la pension de retraite des non-salariées agricoles est inférieure de 18 % en moyenne à celle des agriculteurs et salariés agricoles, qu’il s’agisse des cheffes d’exploitation ou des conjointes collaboratrices.
Plus récemment, nous avons adopté la loi Dive, qui vise à réparer une injustice de traitement en alignant le régime spécifique des non-salariés agricoles sur le régime général.
On a longtemps attendu la publication d’un rapport gouvernemental, qui a finalement été transmis au Parlement le 30 janvier dernier – avec neuf mois de retard…
Des trois scénarios retenus dans ce rapport, il ressort, comme l’a rappelé notre commission des affaires sociales, qu’« aucun ne correspond à l’intention du législateur, dans la mesure où les réformes ébauchées font toutes une proportion significative de perdants par rapport au mode de calcul actuel ».
La proposition de loi de notre collègue Philippe Mouiller tend, pour sa part, à conserver un régime par points permettant le calcul des pensions agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années.
Certaines mesures de revalorisation ont certes été prises, notamment pour instaurer des seuils minimaux. Je pense aux lois Chassaigne 1 et 2, mais le Gouvernement a, hélas, défini un seuil d’écrêtement qui a contribué à en amoindrir la portée. Les polypensionnés, nombreux dans le secteur agricole, ont notamment été pénalisés.
Malheureusement, il reste de nombreux trous dans la raquette. En effet, les nombreux agriculteurs n’ayant qu’une carrière incomplète sont exclus des dispositifs. C’est le cas notamment des femmes, qui ont bien souvent connu des situations précaires et changeantes.
La présente proposition de loi, si elle était adoptée, constituerait donc une amélioration sensible.
J’ajoute que l’évolution du montant des retraites agricoles dépend aussi de facteurs tels que l’augmentation des revenus des agriculteurs et l’installation de nouveaux jeunes exploitants, ce qui doit nous conduire à alléger la fiscalité sur la transmission des exploitations agricoles. Ces objectifs feront partie, je l’espère, de ceux que visera la future loi d’orientation agricole.
Pour l’heure, rien ne s’oppose à ce que nous adoptions ce texte, qui, je le répète, améliorera sensiblement la situation de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)