compte rendu intégral
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 14 mars 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Élection d’une sénatrice
Mme la présidente. En application de l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du dimanche 17 mars 2024, Mme Marie-Jeanne Bellamy a été proclamée sénatrice de la Vienne. Son mandat a débuté ce lundi 18 mars à zéro heure.
Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à notre nouvelle collègue la plus cordiale bienvenue.
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Décès d’anciens sénateurs
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Louis Minetti, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1978 à 1998, et Jacques Donnay, qui fut sénateur du Nord de 1999 à 2001.
4
Demande par une commission des prérogatives d’une commission d’enquête
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date du vendredi 15 mars, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport demande au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de six mois, afin de mener sa mission d’information sur les modalités de constitution d’une société commerciale par la Ligue de football professionnel en application des articles L. 333-1 et suivants du code du sport introduits par la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.
La conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion de demain, mercredi 20 mars.
5
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
accord entre la france et la tunisie
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, auteur de la question n° 1074, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Guy Benarroche. Madame la ministre, je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer sur les financements octroyés à la Tunisie.
Dès le début de l’année 2023, alors que notre assemblée commençait ses travaux sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, le président tunisien déclarait dans un communiqué qu’« il existe un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie », relayant la théorie complotiste trop répandue du grand remplacement.
Lors d’un conseil de sécurité nationale convoqué sur le sujet, il avait même évoqué des « hordes de migrants clandestins », dont la présence en Tunisie serait, selon lui, source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ». Ces déclarations ont été faites alors que se tenaient, à l’échelle de l’Union européenne, des discussions au sujet du pacte sur la migration et l’asile.
C’est à l’occasion d’une visite à Tunis du ministre français de l’intérieur, avec son homologue allemand, que l’annonce a été faite d’une aide bilatérale octroyée par la France à la Tunisie pour soutenir la lutte contre l’immigration clandestine.
Depuis lors, la Tunisie a mené des campagnes massives d’arrestation et d’expulsion de migrants, notamment depuis la ville de Sfax, point de départ de personnes migrantes vers l’Europe. Ces migrants sont emmenés par des forces de police vers la région frontalière avec la Libye et l’Algérie ; ils y sont abandonnés dans des zones désertiques, sans eau ni nourriture ; ils y subissent la chaleur et y ont trop souvent trouvé la mort.
« Nous sommes profondément préoccupés par l’expulsion de migrants, réfugiés et demandeurs d’asile de Tunisie vers les frontières avec la Libye, et aussi avec l’Algérie », avait déclaré le porte-parole adjoint du secrétaire général des Nations unies à l’été 2023.
Ces épisodes ignobles suscitent des interrogations sur le financement annoncé par le ministre de l’intérieur.
Aussi, je souhaiterais connaître le cadre précis de ce financement destiné, selon lui, à permettre d’« acquérir des équipements nécessaires et organiser les formations utiles, notamment des policiers et gardes-frontières tunisiens », pour « contenir le flux irrégulier de migrants » et « favoriser le retour de ces migrants ». Aucune aide ne peut être octroyée sans contrôle, d’autant que la Tunisie a récemment interdit la venue d’une mission parlementaire du Parlement européen.
Je voudrais donc connaître le cadre légal de cet accord bilatéral de financement, le calendrier de ce financement, la nature des équipements qui ont pu être acquis grâce à cette aide de notre pays, le type de formations qui auraient été dispensées dans ce cadre ; surtout, je souhaiterais savoir si le ministère de l’intérieur a prévu des garanties, telle une clause de suppression en cas de violation grave et systématique des droits humains, en particulier de ceux des personnes migrantes, comme cela a, hélas ! été rapporté par de nombreux acteurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Monsieur le sénateur Benarroche, vous constatez à raison que les importants flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne constituent un défi majeur pour la Tunisie, à laquelle la France tient à assurer sa solidarité et son soutien dans les efforts qu’elle déploie pour gérer ces flux et renforcer la stabilité régionale.
L’objectif du Gouvernement est de prévenir ce phénomène migratoire en fournissant l’acquisition d’équipements nécessaires, ainsi qu’en organisant des formations ciblées, notamment au profit des policiers et gardes-frontières tunisiens, afin de contribuer à la maîtrise des flux irréguliers de migrants et de favoriser leur retour dans leur pays d’origine.
À ce titre, une convention entre Civipol, opérateur du ministère de l’intérieur et des outre-mer, et le ministère de l’intérieur tunisien a été signée le 13 décembre 2023, de même qu’un contrat entre Civipol et Idemia, expert mondial des systèmes biométriques de sécurité, ayant pour objet la mise à niveau du système biométrique et le renforcement de la police technique et scientifique tunisienne.
Cette opération, dont le coût global s’élève à 8,9 millions d’euros, monsieur le sénateur, est financée à hauteur de 5 millions d’euros par la France. Elle couvre la livraison de matériels et de licences, ainsi qu’un service de maintenance assuré jusqu’en 2025. Le parc d’équipements mobiles sera également élargi ; il comprendra le renouvellement des huit stations d’identification dans les consulats tunisiens en France, favorisant l’identification accélérée des Tunisiens à l’étranger.
Le ministère de l’intérieur et des outre-mer est particulièrement attentif au strict respect des droits humains dans le déploiement de cette aide. Aussi une clause a-t-elle été intégrée à cet effet au contrat passé entre Civipol et Idemia.
Les intervenants sur ce projet ont par ailleurs été sensibilisés et formés sur les sujets relatifs aux droits de l’homme et sont par conséquent à même de lancer une alerte si le système est utilisé d’une façon non conforme au contrat.
Enfin, Civipol, responsable du suivi de l’exécution du projet, fera un point spécifique à chaque réunion du comité de pilotage ; la première est prévue en mars 2024.
Vous voyez donc, monsieur le sénateur, que le Gouvernement s’engage dans le contrôle que vous appeliez de vos vœux dans votre question.
prise en charge des mineurs isolés étrangers et regroupement familial
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 1118, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, l’Italie communique chaque jour les données relatives aux entrées d’immigrés clandestins sur son sol et en fournit chaque mois un tableau de bord complet, depuis 2017. La France est beaucoup moins transparente en la matière.
Ce que nous savons, c’est que, après une légère baisse liée à la crise sanitaire, les arrivées de mineurs non accompagnés (MNA) se sont multipliées en 2023, notamment après la crise de Lampedusa en Italie. Leur nombre a été multiplié par quatre entre 2014 et 2023, passant de 5 033 à 19 370 ; l’augmentation entre 2022 et 2023 était de 31 % ! Il faut ajouter à ce chiffre les mineurs non déclarés, mais surtout les personnes présumées mineures, puisque les départements peinent à vérifier l’âge des demandeurs d’aide, procédure très coûteuse qui reste à la charge des collectivités.
En somme, ce sont plus de 100 000 mineurs non accompagnés qui ont été accueillis depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, c’est-à-dire l’équivalent de la population de Tourcoing, pour citer une ville chère au ministre de l’intérieur. Plus de la moitié d’entre eux arrivent de Guinée, de Côte d’Ivoire et du Mali, pays où la haine de notre pays ne fait que croître. S’y ajoutent des personnes originaires de Tunisie, d’Algérie ou encore du Maroc, pays qui ne sont pas en guerre.
Quel est le coût de cet accueil ? Il est estimé en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an, ce qui englobe le logement, la nourriture et les frais d’éducation et de formation. Selon les données dont nous disposons, cela représente un budget de 3,6 milliards d’euros pour les finances publiques !
Que se passe-t-il quand un MNA atteint la majorité ? Combien d’entre eux restent pris en charge de 18 à 21 ans ? Combien rentrent chez eux à leur majorité, et combien bénéficient du regroupement familial et sont rejoints par leurs familles ? Combien, après avoir bénéficié de cette prise en charge, deviennent français ? Enfin, alors que ces pays abandonnent leurs enfants, la France se fait-elle rembourser cette prise en charge ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Madame la sénatrice Valérie Boyer, comme vous le savez, les mineurs non accompagnés, âgés de moins de 18 ans et séparés de leurs représentants légaux sur le sol français, relèvent de la compétence de plusieurs ministères, mais aussi de celle des départements, au titre de l’aide sociale à l’enfance. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer apporte un soutien à ces derniers dans la phase d’évaluation de la minorité, rendue spécialement difficile en raison de l’absence de documents d’identité ou des lacunes de l’état civil des pays d’origine.
L’étranger reconnu MNA bénéficie sur le territoire d’une protection absolue à l’encontre de tout éloignement forcé durant sa minorité. Le rapport d’activité pour 2022 de la mission nationale « mineurs non accompagnés » précise que 14 782 ordonnances ou jugements de placement ont été pris cette année-là ; certains de leurs bénéficiaires peuvent demander l’asile.
Vous m’invitez à donner des chiffres ; en voici, madame la sénatrice. Selon le rapport d’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour 2022, il apparaît qu’environ mille mineurs non accompagnés ont introduit une demande de protection internationale cette année-là. Ils proviennent à 64,3 % d’Asie – à 60,7 % d’Afghanistan – et 31,8 % d’Afrique.
Le taux des protections reconnues par l’Ofpra aux MNA demeure élevé – 82,5 % –, à l’instar des années précédentes, et excède nettement le taux global de protection de l’Office, qui est de 29,2 %.
Un mineur reconnu réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire peut demander la réunification familiale pour ses père et mère, accompagnés éventuellement par ses frères et sœurs mineurs non mariés. Cette procédure est une voie d’immigration fondée, rigoureusement appliquée, en particulier pour ce qui concerne la documentation et la réalité des liens familiaux.
Le ministère de l’intérieur et des outre-mer cherche bien à détecter, le plus en amont possible, les ressortissants étrangers se déclarant MNA alors qu’ils sont en réalité majeurs.
À cet égard, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants et les textes réglementaires pris pour son application ont renforcé l’efficacité de cette entreprise, en prévoyant tout d’abord l’obligation de présenter en préfecture et d’exploiter le fichier d’appui à l’évaluation de minorité, permettant de limiter les demandes successives dans plusieurs départements.
L’obligation de rendre le préfet de département destinataire du résultat de l’évaluation de minorité lui permet en outre de tirer les conséquences d’un état de majorité de la personne en cause.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je souhaiterais savoir précisément combien de MNA sont devenus français une fois leur majorité atteinte. On sait parfaitement que nombre d’entre eux ne sont ni mineurs ni non accompagnés, puisqu’ils appartiennent à des réseaux.
Par ailleurs, madame la ministre, retrouve-t-on leurs parents à ce moment-là ?
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Valérie Boyer. Enfin, la France demande-t-elle aux pays d’origine le remboursement de la prise en charge dont ces personnes ont bénéficié ?
communication des islamistes radicalisés fichés s aux maires
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox, auteur de la question n° 1134, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Aymeric Durox. Madame la ministre, au mois de mai 2018, à l’occasion du Congrès des maires de France, Emmanuel Macron avait dit souhaiter que les préfets puissent échanger avec les maires sur la présence, dans leurs communes, des personnes fichées pour radicalisation islamiste et ayant été identifiées comme les plus à risque, qui sont recensées dans le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Cette annonce présidentielle avait été suivie par la circulaire du 13 novembre 2018, qui confiait aux préfets la tâche de transmettre toutes les informations nécessaires aux maires afin d’améliorer la protection des Français, notamment dans le cadre de la radicalisation violente de personnes présentes dans leurs communes.
Malheureusement, la circulaire n’a produit aucun effet sur le terrain, et il a fallu attendre le tragique attentat du lycée d’Arras, à l’automne 2023, perpétré par un énième individu fiché S, pour que ce sujet soit de nouveau mis sur la table !
Mon collègue de parti Julien Sanchez, maire de Beaucaire, l’a réclamé dès 2018, tout comme, d’ailleurs, plus récemment, le maire Les Républicains de Montélimar, Julien Cornillet, qui regrettait dans une interview à France Bleu que les édiles n’aient pas « à ce jour accès au fichier S », ainsi que le maire macroniste de Reims, Arnaud Robinet qui, dans une tribune au Journal du dimanche, plaidait lui aussi pour un accès à l’identité des fichés S de la police municipale, qui est souvent la première à intervenir aujourd’hui.
Vous le voyez, madame la ministre, lorsqu’il s’agit de la sécurité des Français, les clivages s’effacent au bénéfice du bon sens : l’échelon municipal doit prendre toute sa place dans la protection de nos concitoyens.
C’est pourquoi je demande au Gouvernement d’appliquer la circulaire de 2018, par l’intermédiaire des préfets s’il le faut, et de communiquer sans délai à tous les maires concernés l’identité des personnes islamistes radicalisées fichées S résidant dans leurs communes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Monsieur le sénateur Durox, les fiches S constituent un outil de renseignement permettant une mise en attention et une surveillance discrète des individus par les services de renseignement. Cette mesure de surveillance résulte parfois de leur simple proximité avec d’autres individus et non de leur propre dangerosité.
Vous comprendrez à coup sûr combien il est essentiel que le travail des services s’inscrive dans la plus stricte confidentialité, afin de ne pas contrarier la discrétion s’attachant à cette surveillance ni de risquer de compromettre des enquêtes en cours.
C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à l’ouverture de l’accès aux fiches S du fichier des personnes recherchées (FPR) aux maires des communes dans lesquelles résident les personnes concernées.
Le Gouvernement a cependant souhaité faire en sorte que les maires soient pleinement associés aux dispositifs de prévention et de prise en charge de la radicalisation mis en œuvre par les services déconcentrés de l’État. Au demeurant, il s’est toujours pleinement engagé en faveur du renforcement de l’information des maires, pour la protection de nos concitoyens.
Ainsi, les pouvoirs de police des maires prévus à l’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure ont été renforcés de telle sorte que ceux-ci peuvent désormais être informés, par le procureur de la République, des suites judiciaires données aux infractions constatées sur leur commune par les agents de police municipale, en application de l’article 21-2 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, depuis la circulaire du ministre de l’intérieur du 13 novembre 2018, les préfets sont autorisés à partager certaines de ces informations confidentielles et nominatives avec les maires et présidents d’intercommunalités, dans le cadre des groupes restreints des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, sous réserve de l’accord du chef du service de police et du procureur de la République territorialement compétents.
Enfin, la question de l’ouverture d’un accès partiel et proportionné des maires à d’autres fiches du FPR fait actuellement l’objet d’un examen approfondi par les services du ministère de l’intérieur et des outre-mer, étant observé que les policiers municipaux disposent, depuis plusieurs années, d’un accès de plus en plus étendu aux fichiers relevant de l’État, pour leur permettre de traiter les infractions relatives à la sécurité qu’ils sont habilités à constater.
Le Gouvernement entend poursuivre cette dynamique, en élargissant l’accès des policiers municipaux à d’autres fichiers du ministère de l’intérieur et des outre-mer. Ce sujet pourra faire l’objet de discussions à l’occasion du Beauvau de la police municipale.
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réplique.
M. Aymeric Durox. Madame la ministre, cette réponse ne me convient pas vraiment, même si j’ai cru comprendre que la dynamique allait quelque peu dans le bon sens.
Rappelons tout de même que, depuis 2012, les attentats islamistes ont causé la mort de 273 personnes en France et y ont fait près de 1 200 blessés.
Le Gouvernement a fait montre à plusieurs reprises de son incapacité à expulser les fichés S, qui représentent pourtant un grave danger pour nos compatriotes. De même, les filières d’immigration légale et illégale charriant une partie de ces fichés S ne sont pas non plus taries, en dépit des rodomontades de M. Darmanin.
Vous êtes visiblement dépassés par la situation. Aussi, permettez aux maires de France, qui le demandent, de protéger les Français !
dispositif de consultation des contraventions en ligne pour lutter contre la fraude
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 1138, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Nathalie Delattre. Madame la ministre, je souhaite témoigner de l’existence d’une fraude d’ampleur concernant le paiement des contraventions en ligne.
De nombreux Français reçoivent des messages, par texto et parfois par courriel, leur demandant de s’acquitter du paiement de prétendues contraventions. Lors du règlement, ils sont victimes d’hameçonnage : des experts en ce genre de méfaits récupèrent leurs coordonnées bancaires.
Outre l’acquittement de la prétendue contravention, des centaines, voire des milliers d’euros, leur sont subtilisés de la sorte. Face à ces actes, les victimes n’ont d’autre choix que de porter plainte a posteriori pour tenter d’obtenir une indemnisation auprès de leur organisme bancaire.
Malgré la prévention assurée par les services de l’État, nous assistons à une recrudescence de ces actes frauduleux. Il serait aujourd’hui possible de minimiser la portée de ces pratiques en permettant aux contribuables de consulter l’état de leurs contraventions sur le site des immatriculations et, ainsi, de vérifier l’authenticité de la demande de paiement.
Madame la ministre, j’aimerais donc savoir si vous envisagez de permettre aux Français d’accéder à la consultation de leurs contraventions sur le site des immatriculations ou par un autre moyen sur internet.
Pouvez-vous également me faire état des moyens mis à la disposition des forces de police et de gendarmerie pour lutter contre cette fraude en ligne et mieux en protéger nos concitoyens et nos services publics ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Madame la sénatrice Delattre, permettez-moi avant tout de saluer votre engagement dans la lutte contre la fraude. Ce combat est aussi une priorité du ministère de l’intérieur et des outre-mer, comme en témoigne le travail qu’il mène avec les autorités judiciaires et les services fiscaux concernés par le traitement automatisé des infractions.
Vous n’ignorez sûrement pas que l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) a été victime de nombreuses vagues d’hameçonnage. Le centre de ressources et de contact de cette agence a été fortement mobilisé tout au long de l’année 2023 pour répondre au besoin des usagers d’être rassurés. Plus de 110 000 appels et quelque 10 000 courriels ont été traités à ce titre. Enfin, sachez qu’il est déjà possible de consulter ses contraventions sur le site de l’Antai, via le parcours « Consulter mon dossier d’infraction ».
Par ailleurs, les moyens cyber de la police et de la gendarmerie montent en puissance : en témoigne la création d’une agence du numérique des forces de sécurité intérieure, du commandement du ministère de l’intérieur dans le cyberespace, ainsi que de l’office anti-cybercriminalité de la direction nationale de la police judiciaire.
Le Gouvernement se mobilise également en matière de prévention : en 2017, une plateforme a été ouverte pour guider et accompagner les victimes, à l’adresse cybermalveillance.gouv.fr. En 2020, une task force nationale de lutte contre les arnaques, pilotée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), a été mise en place. Par ailleurs, nos forces de l’ordre sont investies dans la prévention, avec plus de 21 000 policiers et gendarmes formés au risque cyber dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
La création à venir d’un « 17 cyber » facilitera également les démarches et permettra de mieux orienter les particuliers victimes de cyberdélinquance.
Vous pouvez compter sur la détermination du ministre de l’intérieur à renforcer l’ordre public dans l’espace numérique, ainsi que la protection de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos collectivités et de nos administrations sur internet. Nous savons, madame la sénatrice, que nous pouvons compter sur vous dans ce combat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour la réplique.
Mme Nathalie Delattre. Je veux remercier le Gouvernement de sa mobilisation sans relâche contre la cybercriminalité.
En attendant le « 17 cyber », il me semble nécessaire de publier une information spécifique sur cette fraude et d’informer les Français de la possibilité qu’ils ont déjà de consulter leurs contraventions sur le site de l’Antai – presque personne ne le sait ! Cela s’impose pour enrayer cette fraude massive.
modèle français de sécurité civile
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 1165, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Cédric Perrin. Madame la ministre, le comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe, saisi, il y a plusieurs années déjà, par un syndicat de sapeurs-pompiers professionnels, a rendu récemment une décision assimilant les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs.
Les membres de ce comité estiment que les sapeurs-pompiers volontaires subissent un traitement discriminatoire en matière d’indemnisation et de temps de travail. Ils condamnent également l’implication de sapeurs-pompiers âgés de 16 ans à 18 ans dans des opérations de lutte contre l’incendie.
Si cette décision n’a pas de force contraignante, elle remet en revanche fondamentalement en cause notre modèle de sécurité civile, qui, je le rappelle, repose essentiellement sur le volontariat.
Dans le même temps, le rapport commandé l’année dernière par le ministre de l’intérieur à l’inspection générale de l’administration plaide également pour une révision des contraintes qui pèsent sur les sapeurs-pompiers volontaires et formule diverses propositions.
Madame la ministre, ce débat n’est évidemment pas nouveau. Nous l’avons eu à maintes reprises dans cet hémicycle. Mais il est aujourd’hui plus que temps de clarifier la situation.
Il est temps que le Gouvernement affirme que l’activité de sapeur-pompier volontaire ne peut être assimilée à celle d’un travailleur. C’est une telle mise au point que je vous demande aujourd’hui : vitale pour nos services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), elle devra aussi être portée à la connaissance de nos partenaires européens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Monsieur le sénateur Perrin, comme vous le rappelez, le comité européen des droits sociaux a récemment rendu une décision sur le bien-fondé de deux réclamations collectives déposées par un syndicat, concernant la situation des sapeurs-pompiers volontaires.
Cette décision a été communiquée au comité des ministres du Conseil de l’Europe, afin qu’il l’examine. À ce jour, ledit comité n’a pas transmis de recommandations à ce titre.
Vous avez raison de le souligner, la complémentarité fait la force de la sécurité civile en France, qu’il s’agisse des actions complémentaires de l’État, des collectivités et des associations, ou encore de la complémentarité entre les sapeurs-pompiers professionnels et les sapeurs-pompiers volontaires.
Depuis de nombreuses années, le Gouvernement et le Parlement ont veillé à mettre en place des mesures destinées à conforter la spécificité des sapeurs-pompiers volontaires français, caractérisés par leur engagement citoyen au service de nos concitoyens, notamment le principe selon lequel cet engagement ne peut être assimilé à celui d’un travailleur.
Vous m’invitez à faire une mise au point, monsieur le sénateur. Je veux y procéder devant vous. Contrairement à ce qui a pu être dit, le Gouvernement n’envisage en aucune manière, pour ce qui concerne les sapeurs-pompiers volontaires, de transposer la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
Le modèle français de sécurité civile repose sur l’engagement quotidien de 253 000 sapeurs-pompiers, civils et militaires, en particulier sur celui de 198 700 sapeurs-pompiers volontaires. Ces derniers incarnent la richesse et la complémentarité des forces qui, chaque jour, assurent la protection de nos concitoyens. Notre objectif est bien de protéger l’engagement volontaire et citoyen au sein des services d’incendie et de secours.
Enfin, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a annoncé la tenue d’une grande concertation portant sur notre modèle de sécurité civile, dans le cadre d’un « Beauvau de la sécurité civile » ; nous permettrons ainsi à chacun d’être associé à la réflexion sur l’avenir de la sécurité civile en France.
Permettez-moi enfin, monsieur le sénateur, de saluer à cette occasion le travail des sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires, dans le cadre de la lutte pour la sécurité de nos concitoyens.