Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question porte sur la possibilité de cumuler sur une même exploitation, mais pas sur les mêmes parcelles, des paiements pour services environnementaux (PSE) et les crédits consacrés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec).
Je m’appuie sur un programme innovant qui est mené en Côte-d’Or, « Eau et agriculture durable du Châtillonnais », en partenariat entre la chambre d’agriculture et de nombreux autres acteurs, dont la métropole du Grand Paris. Ce projet a pour objet de rémunérer les agriculteurs qui mettront en place des pratiques plus vertueuses pour la préservation de la ressource en eau par le développement et l’accompagnement des filières agricoles viables, afin d’adapter le territoire au changement climatique.
Il s’agit, par exemple, de l’agroforesterie, du maintien des prairies ou de leur remise en état, du développement de l’agriculture biologique. Les agriculteurs vont ainsi modifier leurs pratiques afin de réduire la pression de pollution par les produits phytosanitaires sur les aires d’alimentation de captage d’eau potable classées prioritaires pour la métropole du Grand Paris. Mesures de soutien aux pratiques respectueuses de l’environnement des agriculteurs, les Maec et les PSE doivent pouvoir s’additionner.
Le Gouvernement peut-il me confirmer que, dans la mesure où ces deux outils sont complémentaires et où ils s’appliquent, certes, sur une même exploitation, mais sur des parcelles différentes, ils sont bien cumulables ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Loisier, vous le savez, le Gouvernement est pleinement mobilisé dans l’accompagnement des agriculteurs en faveur de la transition agroécologique.
À cet égard, la politique agricole commune (PAC) constitue un des leviers principaux. Le plan stratégique national, approuvé par la Commission européenne, montre un soutien important aux exploitants agricoles dans leur transition agroécologique, avec notamment la création de l’écorégime.
Il s’agit d’une aide versée aux exploitants agricoles qui s’engagent volontairement à mettre en place, sur l’ensemble de leur exploitation, des pratiques agronomiques favorables au climat et à l’environnement. L’objectif de l’écorégime, versé à l’hectare et par exploitation, est d’accompagner les agriculteurs dans leur transition en massifiant ces pratiques.
Cette massification est permise par l’identification de trois voies d’accès distinctes : celle des « pratiques », celle de la « certification environnementale » et celle des « éléments favorables à la biodiversité ».
L’écorégime est assimilable à un dispositif du type paiements pour services environnementaux, avec des moyens financiers importants.
En effet, l’écorégime représente 25 % des aides directes du premier pilier de la PAC, soit plus de 1,7 milliard d’euros par an. De plus, il est cumulable avec les Maec qui, pour certaines, sont ciblées sur la qualité de l’eau. En outre, parmi les aides du second pilier relatif au développement rural, dont font partie les Maec, près de 40 % sont consacrées aux dépenses environnementales.
Si les paiements pour services environnementaux, que vous évoquez, ne sont pas cumulables avec les Maec, c’est parce qu’ils sont susceptibles de financer les mêmes pratiques. Dans le cadre d’un PSE, comme dans celui des Maec, un exploitant s’engage à respecter un certain nombre d’obligations, qui peuvent se recouper. L’enjeu est donc d’articuler ces dispositifs de PSE et les aides de la PAC, afin qu’il n’y ait pas de double financement.
En tout état de cause, comme je viens de le rappeler, l’État est au rendez-vous des ambitions. Les moyens budgétaires sont également associés.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Si je comprends bien, sur ce programme innovant et singulier, qui mobilise un territoire rural et la métropole du Grand Paris, il ne pourra pas y avoir de cumul des aides Maec avec le dispositif des PSE, l’argument étant qu’il s’agit déjà d’écorégimes.
Je trouve cela très décevant, en particulier dans une période où nous sommes en train de sensibiliser nos territoires. Le projet dont je vous parle est fondé sur un partenariat urbain-rural très vertueux, avec des mesures complémentaires en rapport – vous l’avez compris – avec la ressource en eau du Grand Paris. Il mériterait, me semble-t-il, un examen un peu plus approfondi, sous peine de passer à côté d’une belle occasion de soutenir des agriculteurs mobilisés dans l’adaptation au changement climatique.
carte scolaire pour l’année 2024-2025 en haute-vienne
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, auteure de la question n° 1063, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Isabelle Briquet. Je souhaite évoquer la carte scolaire d’une académie que Mme la ministre de l’éducation nationale connaît bien, celle de Limoges.
Comme l’an dernier à la même époque, cette académie – c’est plus particulièrement le cas dans le département de la Haute-Vienne – subit une véritable saignée dans le premier degré : dix-huit suppressions de postes, vingt-neuf fermetures de classes et aucune création de poste dans la brigade de remplacement déjà exsangue.
On va sûrement m’opposer la baisse des effectifs et la baisse démographique… Mais les chiffres ne peuvent pas tout expliquer ! Dans mon département, par exemple, le nombre de professeurs par élèves est inférieur à la moyenne nationale et à la moyenne académique. Ce chiffre-là, les services du ministère de l’éducation nationale n’en parlent pas. En Haute-Vienne, comme dans de nombreux autres départements, la carte scolaire est vécue chaque année comme un couperet. Sur le fond comme sur la forme, elle suscite toujours plus de critiques.
Si l’éduction nationale est vraiment une priorité, il faut donner aux enseignants les moyens d’exercer leur métier dans de bonnes conditions. À l’heure où le Gouvernement annonce de nouvelles restrictions budgétaires, nous ne pouvons pas accepter de sacrifier l’avenir de nos enfants sur l’autel de la rigueur !
Purement arithmétique, sans prospective, ni perspective d’ailleurs, la carte scolaire telle qu’elle est élaborée aujourd’hui est inadaptée.
Pourquoi ne pas revoir la méthode en introduisant, par exemple, une vision pluriannuelle ? Mme Belloubet l’a d’ailleurs évoqué le 14 février dernier, lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement. Pourquoi ne pas mieux associer les maires, les élus ?
L’an dernier déjà je plaidais ici même pour un moratoire, afin de nous donner le temps de la réflexion. Il n’est pas trop tard.
Le Gouvernement doit entendre la colère et les inquiétudes dans nos territoires et remettre l’école publique, laïque et républicaine au centre de nos villages comme de nos villes !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Briquet, le Gouvernement entend les inquiétudes des territoires et a pleinement conscience de la sensibilité qu’impliquent les modifications de la carte scolaire, en particulier dans les territoires ruraux, comme dans votre département de la Haute-Vienne.
Vous l’avez d’ailleurs pointé, Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, ancienne rectrice de Limoges, connaît bien ce département. C’est pourquoi elle est d’autant plus attentive à ce que les élus soient associés le plus en amont possible.
La carte scolaire est avant tout un instrument de politique publique. Elle permet de s’adapter à des réalités territoriales qui sont en constante évolution.
Ce travail continu est mené en lien étroit avec les forces vives de nos territoires, afin que chaque élève dispose des meilleures conditions d’enseignement possible.
L’instance de concertation mise en place dans les territoires ruraux doit donner de la visibilité sur trois ans dans le premier degré. Nicole Belloubet fera un point d’étape sur les travaux en cours au mois de mai prochain.
Des réponses adaptées aux territoires ruraux ont été élaborées au cours des dernières années. Je pense à l’allocation progressive des moyens, qui tient compte de l’indice d’éloignement, ou encore au dispositif des territoires éducatifs ruraux.
Nous devons considérer la réalité qu’est le contexte de baisse démographique : entre 2017 et 2023, on compte en effet 2 525 élèves en moins dans les écoles publiques du premier degré.
Malgré les évolutions récentes de la carte scolaire, le taux d’encadrement est à la hausse dans votre département. Le ratio nombre d’équivalents temps plein pour cent élèves y est ainsi passé de 5,24 à la rentrée 2017 à 5,80 à la rentrée 2023. Il devrait encore progresser pour atteindre 5,82 à la rentrée prochaine.
Le nombre d’élèves par classe – 21,7 contre 23,4 en 2017 – permet en outre un suivi de qualité par les enseignants.
Le Gouvernement n’abandonne pas les territoires ruraux. Nous veillons à ce que tous les élèves, quel que soit leur territoire, bénéficient du meilleur accompagnement possible, en nous adaptant au plus près aux réalités de terrain.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. J’insiste sur la réflexion pluriannuelle, qui me semble indispensable.
Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la concertation en ayant probablement à l’esprit l’Observatoire des dynamiques rurales. Sachez que nous en attendons beaucoup.
Pour l’instant, la concertation n’a pas eu lieu. Une seule réunion s’est tenue le 19 décembre dernier, à laquelle les parlementaires n’ont pas été associés. Seuls les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) l’ont été, alors qu’ils n’ont pas de compétences en la matière. La concertation peut donc être améliorée.
Je le répète : une vision pluriannuelle s’impose.
suppression de postes d’enseignants dans le pas-de-calais
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 1079, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Cathy Apourceau-Poly. À la rentrée 2024, le Pas-de-Calais perdra 57 postes d’enseignants en primaire et maternelle. Il devait en perdre 89, mais la mobilisation des élus, des parents d’élèves et des enseignants a fait reculer le Gouvernement.
Une véritable hémorragie est en cours, puisque près de 300 classes ont été supprimées en trois ans dans ce département.
Le Gouvernement s’appuie sur une baisse démographique de 2 500 élèves, soit deux élèves de moins seulement par classe en moyenne. Pourtant, après la fermeture de 330 écoles, après plusieurs jours de cours à distance pour certains élèves en raison des inondations, après la crise du covid-19 et les difficultés sociales et économiques qui en découlent, ce sont un véritable soutien et un nouvel investissement en faveur de l’école de la République qui étaient attendus.
Enfin, alors que plus de 1 500 élèves notifiés attendent toujours une place en classe Ulis – unité localisée pour l’inclusion scolaire –, que 400 élèves ont besoin d’une accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH), et que les remplacements ne sont pas honorés, la priorité devrait être de débloquer des moyens supplémentaires.
Par ailleurs, comment prévoir des investissements quand les annonces se font à l’année ? De fait, les élus locaux investissent sans savoir si les classes seront maintenues.
Comment le Gouvernement compte-t-il répondre aux engagements pris et à l’ambition exprimée par le Premier ministre sur le « réarmement » éducatif ?
La carte scolaire doit être entérinée le 11 mars prochain par le conseil départemental de l’éducation nationale. Le Gouvernement compte-t-il revenir en arrière et revoir sa copie sur ces annonces scandaleuses de suppressions de postes et de classes ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, le budget 2024 de l’éducation nationale et de la jeunesse est, et demeure, le premier budget de la Nation.
Dans le premier degré, compte tenu de la baisse démographique déjà évoquée à la rentrée 2024, la réduction du nombre d’emplois dans le public n’empêchera en rien la poursuite de l’amélioration des taux d’encadrement.
Nous prévoyons en effet d’atteindre un niveau historique de 6,03 professeurs pour 100 élèves à la rentrée scolaire 2024, contre 5,46 en 2017. L’enseignement primaire, qui accueillait 23,2 élèves par classe en moyenne nationale en 2017, en accueillera 21,5 en 2023. Ce chiffre devrait encore diminuer pour atteindre son plus bas niveau historique à la rentrée 2024.
Le Gouvernement sera donc au rendez-vous des priorités pour l’école primaire : achèvement du dédoublement des grandes sections de maternelle en éducation prioritaire, progression de la scolarisation en très petite section des enfants de 2 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, création de nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire et d’unités d’enseignement autisme.
En ce qui concerne le Pas-de-Calais, les taux d’encadrement se sont nettement améliorés, dans un contexte de baisse démographique marquée. Ils sont supérieurs à la moyenne nationale.
Ainsi, le nombre d’élèves par classe était de 20,1 à la rentrée 2023, une nette diminution par rapport à la rentrée 2017, quand il s’élevait alors à 22,6. Le nombre de postes pour 100 élèves du département est passé quant à lui de 5,57 à la rentrée 2017 à 6,34 à la rentrée 2023.
Cette situation a rendu possible, pour la rentrée 2023, le dédoublement des classes de CP et de CE1 et de près de 89 % des classes de grande section en éducation prioritaire.
Enfin, le processus de préparation de rentrée se poursuit jusqu’à la rentrée de septembre, dans un dialogue continu avec les élus. Les évolutions éventuelles d’effectifs font l’objet d’un suivi très attentif. En réponse à la dernière intervention de Mme Briquet, je transmettrai à ma collègue la volonté des parlementaires d’être associés étroitement aux discussions.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la secrétaire d’État, vous me parlez de règles de calcul, je vous parle d’êtres humains et d’enfants en grande difficulté scolaire. Je vous parle d’élèves qui ont subi les inondations dans le Pas-de-Calais et qui, une fois de plus, ont dû suivre des cours à distance.
Nous ne sommes pas sur le même registre. Je regrette que, lorsque nous vous posons des questions, vous n’y répondiez pas, mais passiez votre temps à défendre votre politique.
effectifs prévisionnels et fermetures de classes en moselle
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 1088, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la secrétaire d’État, la politique d’effectifs prévisionnels du Gouvernement conduit à plusieurs fermetures de classes en Moselle.
C’est le cas à Philippsbourg, mais aussi au sein des écoles du regroupement pédagogique intercommunal dispersé (RPID) de Voyer, Hermelange et Nitting, ou encore dans la commune de Wittring.
Sans surprise, cette situation est incompréhensible pour les élus mosellans de ces communes rurales, qui trouvent hautement contestables les estimations aboutissant à ces résultats.
Les enfants mosellans sont des citoyens à part entière. Ils n’ont pas à pâtir d’un éloignement géographique des grands centres urbains.
Comment ne pas s’étonner de décisions en totale contradiction avec les annonces gouvernementales sur la place prépondérante de l’école dans notre République ? L’égalité en est pourtant – est-il nécessaire de le rappeler ici ? – l’un des piliers.
C’est la raison pour laquelle je demande au Gouvernement de reconsidérer le sens des décisions que l’administration s’apprête à prendre et de lui donner des directives plus acceptables, tenant compte des efforts des collectivités locales.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Mizzon, nous suivons de très près les travaux de l’instance de concertation visant à donner une meilleure visibilité de la carte scolaire à trois ans dans le premier degré – nous nous inscrivons bien dans le cadre d’une vision pluriannuelle. Je le répète : le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse souhaite vous en présenter un point d’étape au mois de mai prochain.
À la rentrée 2023, 18 % des élèves étaient scolarisés dans l’une des 14 802 écoles publiques situées en zone rurale. Toutefois, il ne peut y avoir de réponse unique à la diversité des situations : si certaines de ces écoles connaissent des difficultés d’accessibilité, d’autres bénéficient de la réussite des projets de regroupement pédagogique qui sont conduits.
Les taux d’encadrement y sont globalement favorables, avec 19,9 élèves par classe dans les communes rurales éloignées et 21,6 dans les communes rurales périphériques, soit une moyenne inférieure au ratio national, hors éducation prioritaire.
La réforme de l’allocation des moyens d’enseignement du premier degré public, mise en œuvre depuis la rentrée 2015, a permis de prendre en compte la difficulté sociale et le contexte territorial.
Cette évolution favorable a été confortée par l’engagement pris, depuis la rentrée scolaire 2019, de ne fermer aucune école rurale sans l’accord du maire.
En Moselle, dans un contexte de baisse démographique – 5 340 élèves en moins dans les écoles publiques du premier degré entre les rentrées 2017 et 2023 –, le taux d’encadrement est passé de 5,45 à 5,86. Il devrait de nouveau augmenter à la prochaine rentrée pour atteindre 5,92, les prévisions faisant état de 1 409 élèves en moins.
Le nombre d’élèves par classe a nettement diminué depuis la rentrée 2017, passant de 22,5 à 21,6 élèves en 2023. Dans les communes rurales de Moselle, ce taux d’encadrement tombe à 20, très proche de la moyenne nationale. Dans les communes rurales, il est de 21,4, soit plus favorable que la moyenne nationale, tandis que dans les zones urbaines denses, il s’élève à 22,1.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour que tous les élèves, quel que soit leur territoire, bénéficient du meilleur accompagnement possible.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la secrétaire d’État, vous le savez : la fermeture d’une classe, et plus encore d’une école, est vécue comme une punition, en particulier dans les communes rurales.
En effet, l’école est souvent, avec la mairie, l’autre service public qui subsiste, l’autre symbole de la République. Voilà pourquoi l’attachement aux écoles, singulièrement des maires des communes rurales qui les gèrent, est si fort.
Les ratios que vous évoquez souffrent d’exceptions. Il y a, dans ces écoles, un taux d’encadrement insuffisant. C’est la raison pour laquelle je vous demande instamment de reconsidérer l’approche des services du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse à l’égard desdits territoires.
Madame la secrétaire d’État, les réponses qui satisfont l’esprit ne satisfont pas toujours les problèmes. En l’espèce, c’est bien le cas.
pratiques salariales illégales de la poste
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 1059, transmise à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, le 27 décembre dernier, La Poste de Grenoble a licencié un facteur intérimaire. L’information lui est parvenue par SMS, la veille pour le lendemain, sans motif précis, au beau milieu des fêtes.
Contestable sur la forme, ce licenciement l’est encore plus sur le fond : il semble dû à la participation de cet employé à une grève contre la réforme des retraites. Plusieurs autres facteurs précaires sont dans la même situation, qui s’apparente à un non-respect flagrant du droit de grève.
Ce licenciement en dit long sur l’évolution du métier de facteur, de plus en plus ubérisé. Ainsi, pour les nouvelles embauches, La Poste n’offre plus le statut de facteur, mais recourt à des intérimaires, des sous-traitants ou des CDI en contrats « groupements d’employeurs logistiques » (GEL).
Ces contrats imaginés pour les salariés d’Amazon, d’Ikea ou encore de Carrefour sont régis par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, peu protectrice. Les frais de transport ne sont pas pris en charge et les salariés ne peuvent pas refuser un emploi dans un rayon de cinquante kilomètres.
À travail égal, les salariés en contrat GEL ont des paies plus faibles, ne touchent pas les primes, n’ont pas droit aux formations ou au maintien de salaire pour s’occuper ponctuellement de leurs enfants.
La Poste a donc un système à deux vitesses, qui lui permet de faire des économies et de diviser les salariés pour empêcher qu’ils ne se coordonnent. C’est justement pour éviter ce scénario qu’il est normalement interdit de recourir à ces contrats pour « un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise », une règle violée par La Poste.
Enfin, la loi est contournée d’une autre manière : les contrats GEL sont gérés par des associations de la loi de 1901, qui ne peuvent pas réaliser de bénéfices. Pourtant, l’association GEL dont il est question dans cette affaire reverse 15 % de son chiffre d’affaires à l’entreprise privée D2L. Celle-ci, acteur majeur de la flexisécurité, engrange donc des bénéfices sur le dos des précaires.
Face à ces pratiques visiblement illégales, le syndicat Sud-PTT prépare une plainte pour prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage, et a alerté l’inspection du travail.
En attendant des suites judiciaires, comment accepter que La Poste, propriété de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, qui reçoit 500 millions d’euros de subvention par an et réalise des bénéfices, s’adonne à de telles pratiques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Gontard, vous appelez l’attention du Gouvernement sur certaines pratiques salariales au sein du groupe La Poste.
Tout d’abord, il ne m’appartient pas de commenter des procédures judiciaires en cours. Toutefois, je peux vous rappeler l’état du droit.
Vous avez évoqué le licenciement d’un travailleur temporaire mis à la disposition du groupe. Sans statuer sur l’éventuel caractère abusif de cette décision, je vous indique qu’une entreprise de travail temporaire doit proposer au salarié, sauf faute grave de ce dernier ou cas de force majeure, un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai maximum de trois jours. À défaut, elle doit assurer au salarié une rémunération équivalente à celle qu’il aurait perçue jusqu’au terme du contrat.
Par ailleurs – j’insiste sur ce point –, la participation à une grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf en cas de faute lourde, ni donner lieu à aucune mesure discriminatoire. De plus, en cas de litige, le salarié peut bien sûr saisir les prud’hommes.
Vous contestez le recours par La Poste à des salariés d’un groupement d’employeurs et alléguez une méconnaissance du principe d’égalité de traitement. Ce groupement ne respecterait pas non plus le principe de non-lucrativité de son activité.
La loi autorise les groupements d’employeurs, afin de mettre des salariés à disposition de leurs membres. Les contrats de travail conclus par le groupement doivent garantir l’égalité de traitement en matière de rémunération, d’intéressement, de participation et d’épargne salariale entre les salariés du groupement et les salariés des entreprises auprès desquelles ils sont mis à disposition.
Il est donc expressément interdit aux groupements d’employeurs – j’y insiste, monsieur le sénateur – d’être à but lucratif. En cas de litige, là encore, le salarié peut se tourner vers les prud’hommes.
En conclusion, la lutte contre le travail illégal est une priorité de notre gouvernement. Nos contrôles prennent bien en compte le développement de nouvelles formes de travail. Nous restons naturellement vigilants quant aux dérives que nous pourrions constater.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Je compte sur vous, madame la ministre, ainsi que sur le Gouvernement, pour faire pression sur La Poste. Nous sommes de toute évidence face à une situation de contournement de la loi.
baisse du soutien de l’état à la formation professionnelle
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, auteur de la question n° 1078, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Michel Masset. Madame la ministre, le Gouvernement a fixé l’objectif d’un million d’apprentis pour 2027.
Après des hausses historiques, le nombre d’élèves en apprentissage a atteint ce seuil à la fin de l’année 2023, notamment grâce aux avancées permises par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Ces nouvelles dispositions législatives ont toutefois particulièrement favorisé l’émergence des diplômes du supérieur dans l’apprentissage, ces derniers représentant désormais 60 % des effectifs.
Pour ces diplômes, la prise en charge par France Compétences est bien supérieure à celle dont bénéficient les formations aux métiers dits traditionnels, notamment du bâtiment et des travaux publics (BTP). Toutefois, le déficit important de France Compétences a justifié des baisses drastiques de la prise en charge du coût de formation qui touchent d’abord les métiers de l’artisanat, pour lesquels ces coûts sont incompressibles.
En effet, les acteurs historiques de l’apprentissage forment leurs élèves sur des outils techniques très coûteux, ce qui n’est pas le cas dans les formations du secteur tertiaire.
À titre d’exemple, le centre de formation d’apprentis (CFA) du BTP du Lot-et-Garonne évalue l’impact financier à près de 300 000 euros dès l’année prochaine.
Je rappelle que les métiers de l’artisanat connaissent la tension la plus forte sur le marché du travail, ce qui rend l’insertion professionnelle des élèves formés quasi certaine.
Aussi défavoriser ces formations est-il un non-sens. Cela plonge d’ailleurs dans l’incompréhension les responsables des CFA, eux qui œuvrent à former les travailleurs indispensables qui, demain, feront vivre nos territoires.
Madame la ministre, quels sont les moyens prévus par le Gouvernement pour garantir la soutenabilité des coûts de formation des apprentis dans les métiers dont la France a besoin ? Quel est l’avenir de la formation professionnelle des métiers de l’artisanat ? Enfin, comment justifier que l’on donne priorité aux métiers du tertiaire ?