M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, en mai 2022, l’Union européenne décidait, par solidarité avec l’Ukraine, de lever les droits de douane et les quotas pour les produits agricoles ukrainiens.
Deux ans plus tard, la concurrence de ces importations est devenue insoutenable pour nos agriculteurs. Sur le seul mois de janvier 2024, un million de tonnes de blé tendre ukrainien ont été importées en Europe, soit la totalité du volume par an avant la guerre ; le cours du maïs a également chuté de 30 %.
Face à cet afflux devenu hors de contrôle, il est urgent que la Commission européenne réagisse.
Dans sa proposition de règlement sur les échanges avec l’Ukraine, elle introduit, certes, un frein d’urgence pour les œufs, le sucre et la volaille, permettant de rétablir les droits de douane si les importations de ces produits dépassent un certain contingent annuel, mais elle oublie d’y inclure les céréales.
Le Premier ministre a affirmé le 1er février vouloir engager une négociation à Bruxelles pour limiter les importations de céréales.
Or les représentants de la France à Bruxelles ont voté le 21 février dernier en faveur de cette proposition, sans demander l’inclusion d’une clause de sauvegarde pour les céréales.
La position de la France est incompréhensible.
Êtes-vous favorable ou non au déclenchement de la clause de sauvegarde pour préserver nos producteurs de blé et de maïs ? Quelles consignes allez-vous donner à vos députés européens pour le vote du 7 mars prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Pascale Gruny, la France est un soutien résolu de l’Ukraine, car défendre l’Ukraine, c’est défendre les Français et les Européens, c’est répondre à une puissance violente qui fait la guerre aux portes de l’Europe, qui multiplie les attaques informationnelles, les cyberattaques et les manœuvres de déstabilisation contre les intérêts français et européens, en Europe et dans le monde.
Sur le sujet que vous abordez, M. Poutine a parfaitement compris que l’arme agricole était une arme de guerre. Ne renversons donc pas le sens des corrélations : ses actions ont déstabilisé les marchés agricoles comme elles ont déstabilisé le marché de l’énergie.
Les céréales ukrainiennes ont perdu leur débouché principal de la mer Noire. Malgré les corridors de solidarité mis en place en Pologne et en Roumanie, avec le soutien de l’Union européenne, un trop grand volume de ces céréales reste stocké en Europe, en particulier dans les États membres frontaliers de l’Ukraine.
Dans ce contexte, notre pays – c’est tout à son honneur – a, depuis le début du conflit, soutenu des mesures temporaires facilitant les échanges avec l’Ukraine ; pour autant, solidarité ne signifie pas naïveté. Conformément à l’engagement du Président de la République, nous avons obtenu deux avancées pour protéger nos agriculteurs dans le règlement européen.
En premier lieu, une mesure de sauvegarde pourra être prise en cas de perturbation significative d’un marché pour un ou plusieurs États membres…
M. Pierre Cuypers. C’est le cas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Auparavant, cela devait concerner l’ensemble du marché européen. La Commission pourra alors imposer tout type de mesures et non plus seulement des droits de douane, aussi longtemps que nécessaire.
En second lieu, dans des circonstances critiques, la Commission pourra mettre en œuvre une mesure de sauvegarde provisoire pour une durée maximale de 120 jours afin de limiter l’impact de la libéralisation du commerce de ces produits.
Vous avez raison de mentionner la situation différente des œufs, des volailles et des céréales. Nous avons agi sur les deux premiers produits, nous continuons à négocier sur le troisième.
La position de la France est sans ambiguïté : nous défendrons nos agriculteurs.
M. Jean-Marc Boyer. Les voilà rassurés !
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Il faut bien évidemment faire preuve de solidarité avec l’Ukraine. J’ai évoqué l’absence de clause de sauvegarde pour les céréales, mais je crains que vous ne mesuriez pas la gravité de la crise agricole actuelle. J’aurais pu également aborder la question du miel.
Vous faites des promesses à Paris, mais vous votez à l’inverse de ces promesses à Bruxelles. On entend souvent dire que c’est la faute de l’Europe, mais je vous rappelle que vous siégez dans les instances européennes : le Président de la République, les ministres, vos députés européens y participent, gardez cela à l’esprit.
Il s’agit de ne pas oublier les Français : sur l’agriculture, nous attendons vraiment que vous soyez plus incisifs.
Je souhaitais rappeler également le règlement relatif à la restauration de la nature, lequel contient des indicateurs qui ont attiré mon attention : indice des papillons de prairie, indice des oiseaux communs…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Pascale Gruny. Il faut mettre un terme à ces normes imposées aux agriculteurs ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
pass rail
M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Dhersin. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le projet de Pass Rail à 49 euros qu’avait annoncé votre prédécesseur, en faisant fi des nombreuses alertes du secteur ferroviaire, mais surtout de celles des régions, qui financent les TER.
Je partage avec vous, avec nous tous, le souhait d’un véritable essor du transport ferroviaire dans notre pays. Nous constatons tous que les taux de remplissage des TGV et des TER augmentent significativement depuis la covid-19, et que la SNCF présente d’excellents résultats depuis trois années, ce dont nous pouvons tous nous réjouir.
Pour autant, il me semble que, en annonçant dans des délais si brefs l’instauration d’un pass à 49 euros calqué sur le modèle allemand, le gouvernement précédent a réalisé une opération de communication sur le dos des régions et de leurs finances. Je l’avais dit à l’époque : cessons d’avoir de bonnes idées avec l’argent des autres !
Il n’a échappé à personne que les régions financent déjà massivement les transports ferroviaires régionaux. L’usager paie une partie très minoritaire du coût réel du transport – 27 % dans ma région, un ratio plus ou moins similaire à celui du reste de l’Hexagone. Pouvons-nous vraiment nous passer de ces recettes de billetterie, au risque d’une dégradation de l’offre ?
De surcroît, depuis plusieurs années, les péages ferroviaires connaissent des augmentations démesurées, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros. Les exécutifs régionaux font le maximum pour ne pas répercuter sur les usagers les surcoûts engendrés par ces évolutions, mais cela finira forcément par emporter des conséquences en matière de qualité de l’offre.
Seuls 8 % des nouveaux abonnés au fameux Deutschland-Ticket n’étaient pas des utilisateurs occasionnels en train. Le coût par utilisateur nouveau d’un tel abonnement illimité est donc revenu à 3 000 euros par passager. Pour l’ensemble des régions de France, cela représenterait un manque à gagner de 200 millions d’euros, et jusqu’à 950 millions d’euros pour l’Île-de-France.
Comment cautionner une telle utilisation de l’argent public ? Le véritable problème du train en France n’est pas la demande, mais bien l’offre.
Monsieur le ministre, dans le cadre de votre prise de fonctions, envisagez-vous de reprendre à votre compte cette promesse ou pourriez-vous privilégier des aménagements en faveur d’un abonnement plus resserré, notamment en direction de la jeunesse, dont les moyens financiers et de mobilité sont beaucoup plus restreints que ceux du reste de la population ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Dhersin, vous avez raison, la mobilité est affaire de pragmatisme. Je partage l’idée d’un distinguo à opérer, selon que l’on est confronté à un problème de demande ou d’offre en matière de transport, qui s’impose d’ailleurs chaque fois que l’on réfléchit sans tabou sur la tarification.
Je partage aussi l’idée d’un travail en commun approfondi avec les régions, qui disposent de compétences étendues en matière de transport et qui pratiquent également des tarifications différenciées.
C’est donc avec une forme de pragmatisme et une volonté de travail en commun avec les régions que je souhaite me saisir de ce dispositif.
J’envisage donc de proposer à Mme la présidente de Régions de France l’expérimentation d’un Pass Rail ciblé sur les jeunes et sur la période estivale, pour les réseaux Intercités et TER. Il s’agirait, en quelque sorte, d’une tarification sociale pour les jeunes, afin de leur permettre de découvrir l’ensemble des régions de notre beau pays, incarné dans cet hémicycle.
Je pourrais donc présenter les choses ainsi à Mme la présidente de Régions de France et, si toutes les régions en sont d’accord, le Gouvernement dira : « Banco ! », comme l’a indiqué le Président de la République.
directive européenne sur le reporting extra-financier
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger. Informations relatives à l’adaptation au changement climatique, à la pollution, à la gestion des ressources hydriques et marines, à l’utilisation des ressources et à l’économie circulaire ; informations relatives aux communautés affectées, aux utilisateurs et consommateurs finaux… Voici quelques exemples des nouvelles informations que les entreprises devront fournir pour répondre aux nouvelles exigences de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) que vous avez transposée par ordonnance en décembre dernier.
Ce texte apporte certes un cadre, mais il ajoute une nouvelle couche au millefeuille administratif. Les acteurs concernés sont nombreux à considérer que, en raison de leur taille, les petites et moyennes entreprises (PME) ne seront pas concernées. C’est une erreur : une PME fournisseur d’une entreprise de taille intermédiaire (ETI) concernée par la directive devra fournir ces informations en tant que maillon d’une chaîne de valeur.
Parlons-en justement, de la valeur. L’objectif principal d’une entreprise étant – je le rappelle – la création de valeur, l’information extra-financière ne doit pas se faire au détriment de celle-ci. Comment pensez-vous accompagner les entreprises dans ce fastidieux exercice, madame la ministre ? Qui pourra traduire le vocabulaire technique en langage clair, accessible et compréhensible par les dirigeants d’entreprise ?
La délégation sénatoriale aux entreprises propose une pause jusqu’à l’application totale de la directive, c’est-à-dire jusqu’en 2028. Je rappelle que le contenu de la déclaration de performance extra-financière a été modifié vingt et une fois en vingt et un ans !
Madame la ministre, au regard de la complexité normative de la directive CSRD, comment l’État compte-t-il simplifier concrètement ? Autrement dit, comment compte-t-il passer des Assises de la simplification à la pratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur, puisque nous sommes dans la Chambre haute, qui est la chambre de la précision, permettez-moi de rappeler que les entreprises ne seront pas toutes concernées en même temps par la directive CSRD. Vous l’avez dit, les PME ne seront concernées qu’en 2027, mais les ETI ne le seront pour leur part qu’en 2026, et les grands groupes, en 2025. Cela va mieux en le disant !
Votre question est toutefois parfaitement légitime, mais puisqu’il y a parmi vous des spécialistes, mesdames, messieurs les sénateurs, ne soyons pas naïfs : il y a vingt ans, le choix du référentiel IFRS (International Financial Reporting Standards) a constitué une erreur majeure que nous payons encore aujourd’hui.
M. François Bonhomme. C’est bien vrai !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Ne disposant que de deux minutes pour répondre, je ne m’étendrai pas sur le sujet. Il reste que l’on ne peut pas faire fi de ce débat, car, à défaut, vous savez aussi bien que moi que les normes américaines s’imposeraient, monsieur le sénateur Klinger.
Ne soyons par ailleurs ni simplistes ni flous. J’entends beaucoup de choses, notamment beaucoup d’âneries. L’on affirme par exemple que 1 178 data points seront imposés aux entreprises, quand cette disposition ne s’appliquera qu’aux très grandes entreprises, tandis que seulement 24 data points seront demandés aux PME concernées, par exemple en leur qualité de sous-traitantes.
Il nous faut désormais tester ces data points. Sous l’égide du président Rietmann, que je salue, la délégation aux entreprises du Sénat a formulé des propositions remarquables sur le test PME.
Mon ministère élabore, avec la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), un test sur les trois blocs de normes CSRD. Pour être très précise, mais je vous le dois, monsieur le sénateur, nous travaillons particulièrement sur le bloc 3, le module business partner, qui a trait à la chaîne de sous-traitance.
Si les modules ne correspondent pas aux attentes de nos PME, la CPME et moi-même l’indiquerons avec force à Bruxelles. En tout état de cause, j’aurai l’occasion de rendre compte prochainement de ces travaux que nous menons main dans la main avec la CPME devant votre délégation aux entreprises. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Les agriculteurs manifestaient il y a peu contre l’inflation administrative et normative. Faites en sorte que nos PME françaises ne suivent pas le même mouvement, rallongeant ainsi le long cortège des incompris et des mécontents, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
éducation à la vie affective et sexuelle
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception prévoit la tenue obligatoire de trois séances d’éducation à la vie affective et sexuelle au cours d’une année scolaire.
Ces séances sont essentielles pour prévenir les pratiques sexuelles à risque auprès des jeunes, pour leur permettre de mieux appréhender la notion de consentement et pour les sensibiliser aux violences sexistes ou sexuelles et dévoiler ainsi les stéréotypes de genre.
La délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est unanime sur ce sujet, car c’est bien dès l’école que tout se joue. Cela est d’autant plus vrai à l’heure où le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) pointe une aggravation du sexisme dans les jeunes générations.
Ces heures – nous le savons – ne sont pourtant pas effectuées. Et lorsque des établissements se décident à les mettre en place, ils se trouvent de plus en plus souvent sous le feu d’organisations, soutenues la plupart du temps par la droite conservatrice et l’extrême droite (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), qui contestent par tous les moyens – mise en cause sur les réseaux sociaux, campagnes de désinformation, etc. – la tenue de ces heures dédiées.
Nous savons que vous partagez nos préoccupations, madame la ministre. Comment pouvons-nous agir collectivement pour garantir la bonne tenue de ces séances et, partant, soutenir ceux qui les mettent en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Lubin, tout commence effectivement à l’école.
Si nous pouvions croire que le sexisme était un fait générationnel qui appartiendrait bientôt à un passé révolu, le rapport du HCE que vous évoquez, madame la sénatrice, nous apprend qu’il n’en est rien. Pis, un quart des hommes âgés de 20 ans à 35 ans estiment qu’il peut être normal d’être violent pour se faire respecter de leur compagne ou de leur épouse.
Ce rapport alarmant pointe la marche qu’il nous reste à gravir ensemble.
Telle est la raison pour laquelle, avec la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Nicole Belloubet, je travaille pour garantir l’effectivité de ces heures dédiées qui permettent d’intégrer les notions essentielles de respect, d’intégrité du corps, de consentement et tout simplement d’égalité entre les petites filles et les petits garçons.
Ne soyons pas dupes : comme le montre le rapport sénatorial transpartisan intitulé Porno : l’enfer du décor, nos enfants, en moyenne à l’âge de 11 ans, commencent leur éducation sexuelle en regardant du porno, c’est-à-dire en visionnant des images violentes et humiliantes pour les femmes qui emportent une représentation déformée des relations affectives et sexuelles.
Si nous ne voulons pas que nos enfants fassent leur éducation sexuelle par eux-mêmes et par ce biais-là, il nous faut non seulement améliorer la régulation de l’industrie pornographique, mais aussi travailler à la racine pour accompagner nos enfants, notamment en garantissant que ces heures dédiées, qui sont inscrites dans les programmes, soient effectivement dispensées, afin que la culture de l’égalité progresse dans notre pays. (M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Olivia Richard et M. Olivier Cadic applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Si nous avons vécu ce lundi un moment extraordinaire lors de la réunion du Congrès, comme notre collègue Laurence Rossignol l’a très bien dit à la tribune, le combat n’est pas terminé pour autant.
Il nous faut attaquer le mal à la racine, madame la ministre. Cela suppose que, ensemble, nous soyons en mesure de combattre l’hypocrisie de ceux qui, dans nos assemblées, votent des dispositions pour s’inscrire dans l’air du temps, mais qui, sur le terrain, motivent et soutiennent des organisations qui, elles, défendent l’indéfendable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Silvana Silvani applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées UC.)
Mme Laurence Garnier. Madame la ministre des sports, à quelques mois des jeux Olympiques, comme chaque année, le 8 mars prochain sera dédié aux droits des femmes. En cette année sportive, il nous semble opportun de profiter de ce moment pour adresser aux femmes un message ferme et clair concernant les principes de la République au regard de la pratique du sport.
En France, en 2024, des jeunes filles s’entendent parfois dire qu’elles n’ont pas leur place dans un club de sport parce qu’elles sont des femmes.
En France, en 2024, des femmes sont parfois obligées de couvrir tout leur corps à la demande de certains clubs pour pratiquer leur sport.
Face à ces difficultés, la loi est confuse. Une petite fille pourra par exemple pratiquer son sport sans voile le mercredi matin dans l’enceinte de l’école et pratiquer le même sport voilée le mercredi après-midi dans son club de sport.
Madame la ministre, vous avez précisé à juste titre que les athlètes françaises qualifiées aux jeux Olympiques ne pourront pas porter le voile. Au sein du Gouvernement, certaines voix sont toutefois beaucoup plus ambiguës. Vous continuez de plus à bloquer les textes d’interdiction votés par le Sénat année après année.
Chacun ici, je le crois, mesure à qui profite cette confusion que vous refusez de lever.
La Ligue du droit international des femmes estime que « le hijab dans le football, ce serait de la liberté conditionnelle ».
Que répondez-vous à toutes les femmes, à toutes les jeunes filles qui ne veulent pas de cette liberté conditionnelle, madame la ministre ? Que faites-vous pour protéger les femmes de ces pressions communautaristes et garantir que le sport reste un espace de partage et d’universalisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées UC. – MM. Aymeric Durox et Christopher Szczurek applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Je réponds à ces femmes et à ces jeunes filles que le sport est un espace de partage et de mixité, madame la sénatrice Garnier. Je leur réponds que le sport est un vecteur d’émancipation, de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes. Et je leur réponds que ce gouvernement a fait plus sur ce sujet que tous ceux qui l’ont précédé. Il l’a du reste encore prouvé cette semaine. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
La décision récente du Conseil d’État clarifie la portée du principe de laïcité dans le sport, madame la sénatrice. Elle précise que les actes de prosélytisme sont absolument inadmissibles. Elle indique que nous pouvons interdire le port du voile sur les terrains de football, et que nous devons le faire de manière nécessaire et proportionnée, dans le respect de notre droit, en particulier de notre Constitution.
M. Laurent Somon. C’est-à-dire ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Cette décision indique enfin que nous devons préserver la neutralité absolue de nos services publics.
En particulier, je le redis au nom de tout le Gouvernement et sans aucune ambiguïté : les athlètes, hommes et femmes qui représentent les équipes de France, ne porteront pas de voile à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques.
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas la question !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Nous nous battons sur tous ces sujets en faisant levier des outils nouveaux que nous confère le contrat d’engagement républicain instauré par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme, madame la sénatrice. Notre main ne tremblera jamais pour retirer des subventions, des agréments, ni pour fermer des clubs sportifs qui ne seraient pas au rendez-vous de la lutte contre le communautarisme et contre le séparatisme.
Je suis personnellement allée chercher une cinquantaine de moyens supplémentaires. J’ai formé les fédérations et je leur ai demandé de désigner des référents pour la laïcité.
M. Jean-François Husson. Formidable !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. J’ai doublé la quantité des contrôles réalisés dans nos différents clubs sportifs. J’ai enfin demandé au ministre de l’intérieur que, ensemble, nous réunissions en avril l’ensemble des Cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (Clir) afin de porter un message de fermeté sur le terrain. Je souhaite en effet que, avec les préfets et les services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux sports, nous soyons intransigeants sur le respect plein et entier de la laïcité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
atteintes à la laïcité à l’école
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Evren. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Il y a quelques jours, le proviseur du lycée Maurice-Ravel de Paris a été menacé de mort sur les réseaux sociaux pour avoir simplement rappelé que la loi de la République interdit le port du voile dans l’enceinte scolaire.
Lundi, 150 chefs d’établissement se sont rassemblés à la Sorbonne pour soutenir leur collègue. Cette manifestation inédite témoigne du profond malaise qui s’est emparé de l’éducation nationale.
Que nous disent ces proviseurs ?
Ils nous disent que leur autorité est bafouée au quotidien et que la violence est endémique à l’école. Que les atteintes à la laïcité se multiplient, et qu’elles perturbent désormais la quasi-totalité des disciplines. Que beaucoup de professeurs s’autocensurent, car ils ont peur.
Ils nous disent que, par aveuglement, angélisme ou négligence, nous payons déjà le prix de nos lâchetés.
Ils nous rappellent les meurtres tragiques de Samuel Paty et de Dominique Bernard.
Certains élus de La France insoumise partagent de fausses informations et remettent même en cause la parole du proviseur. Il est inadmissible de mettre sur le même plan la parole d’un enseignant victime de menaces de mort et celle d’élèves qui ne respectent pas la loi.
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme Agnès Evren. Ces élus jouent avec le feu. Ils sont les complices d’un obscurantisme qui ne cesse de gagner du terrain.
En octobre dernier, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, révélait que notre pays compte plus de 1 000 mineurs radicalisés. Certains de ces mineurs radicalisés sont scolarisés sans que leurs enseignants soient informés de leur potentielle dangerosité.
Madame la ministre, il est temps de prouver en paroles comme en actes que nous défendrons avec courage et fermeté la France et notre République.
Mes collègues Laurent Lafon et François-Noël Buffet présenteront ce soir les 38 recommandations issues des travaux de la mission conjointe de contrôle relative aux menaces et agressions contre les enseignants. J’espère que celles-ci inspireront le Gouvernement.
M. le président. Veuillez poser votre question !
Mme Agnès Evren. Madame la ministre, à quelques jours du vingtième anniversaire de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, pouvez-vous nous dire comment vous entendez faire respecter la loi de la République et protéger nos enseignants qui, au quotidien, affrontent courageusement les coups portés à nos valeurs communes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.