compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
Mme Nicole Bonnefoy.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Salut aux auditeurs de l’Institut du Sénat
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence dans nos tribunes des auditrices et auditeurs de la septième promotion de l’Institut du Sénat, accueillie hier par la vice-présidente Sylvie Robert. (Applaudissements.)
Sur l’initiative de notre ancien collègue Jean-Léonce Dupont, le bureau du Sénat avait décidé en 2015 de mettre en œuvre ce programme de formation en vue de mieux faire connaître les modalités de fonctionnement et les enjeux de notre démocratie parlementaire à des personnalités d’horizons géographiques et professionnels très divers. Les dix-neuf auditeurs de la septième promotion, issus de dix départements et de trois organismes nationaux différents, représentent en effet des sphères d’activités professionnelles, publiques, éducatives, juridiques, scientifiques, médicales, économiques, ou encore agricoles. Tout au long de leurs travaux, qui ont commencé ce matin et qui s’achèveront à la fin du mois de juin prochain, ils rencontreront plusieurs de nos collègues sénateurs et des fonctionnaires du Sénat.
En votre nom à tous, je leur souhaite une excellente session au Sénat. Je suis certain que, à l’issue de leur mission de quatre mois, ils pourront être les témoins privilégiés de la place essentielle de notre institution au sein de la Ve République et de la qualité du travail parlementaire.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur la chaîne Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer l’une de nos valeurs essentielles : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
mise en œuvre du dispositif france ruralités revitalisation
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Luc Brault. Madame la ministre, je ne suis ni le premier ni le dernier à vous interroger sur le sujet : la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) et la mise en place du dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR) n’en finissent pas de susciter des interrogations et des craintes sur notre territoire.
Certes, un accord a été validé en loi de finances, ici, au Sénat, après de longs débats budgétaires. Toutefois, les données dont nous disposions ne nous permettaient pas d’objectiver l’impact d’une telle réforme sur nos territoires. Les élus locaux concernés ont donc appris la nouvelle une fois que le couperet était déjà tombé, sans recevoir aucune information en amont de la part des services de l’État.
Ainsi, près de la moitié des communes de la communauté de communes de la Sologne des Étangs (CCSE) se sont retrouvées complètement déclassées du jour au lendemain. Deux communautés de communes voisines, celle de la Sologne des Rivières (CCSR) et celle du Romorantinais et du Monestois (CCRM), ont vu toutes leurs communes définitivement soumises au dispositif FRR ou classées comme rattrapables.
Il semble que toutes les communes rattrapables le seront – heureusement ! Mais cela ne règle pas le problème des communes déclassées qui, en six mois à peine, vont se retrouver sans solutions. Je vous parle de maires et d’élus locaux qui ont tout fait pour faire venir plusieurs médecins qui, in fine, choisiront de s’installer 10 ou 15 kilomètres plus loin pour bénéficier d’avantages fiscaux importants.
Madame la ministre, la semaine dernière, vous avez promis de ne laisser personne sans solution et de faire le point territoire par territoire. Vos propos ont nourri un espoir, mais que veulent-ils dire ?
Un dernier mot : je vous invite à vous rendre sur notre territoire, le Loir-et-Cher. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Vous avez raison, monsieur le sénateur : le dispositif FRR suscite des craintes dans quelques territoires. Cette réforme, nous l’avons voulue et défendue collectivement pour le bien de nos territoires ruraux et des 17 000 communes zonées. Ces communes verront leur attractivité considérablement renforcée dans les années à venir.
Je l’ai déjà dit et je le répète : cette réforme est généreuse sur le fond et nous rendra capables d’aider sérieusement notre ruralité à faire face aux défis qui sont les siens. Elle nous dote d’un zonage plus juste et plus efficace ; elle zone ainsi treize départements les plus pauvres en déprise démographique constante depuis dix ans.
Toutefois, la réforme prévoit de « sortir » 2 000 communes et d’en zoner 6 000 de plus. La semaine dernière, j’ai indiqué que nous ne laisserions aucune commune sans solution, car ce n’est pas ma façon de faire – en témoigne mon engagement constant aux côtés des élus depuis dix-huit mois. Cela signifie deux choses très concrètes : premièrement, toutes les communes rattrapables seront bel et bien rattrapées ; deuxièmement, à la demande du Premier ministre, je réexaminerai la situation des territoires particulièrement concernés par cette réforme et vous en rendrai compte ultérieurement.
Les communes que vous évoquez subissent un effet de seuil sur le critère de revenu, légèrement supérieur à la médiane. Sachez que ces cas retiennent tout particulièrement notre attention. Je le redis avec force et conviction : je suis à votre entière disposition pour que nous trouvions la solution la plus adaptée à chacune de nos communes. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour la réplique.
M. Jean-Luc Brault. Je prends bonne note de vos observations, madame la ministre déléguée. Encore une fois, je vous donne rendez-vous dans le Loir-et-Cher !
accord franco-canadien et ceta
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Annick Girardin. Monsieur le ministre, à quelques jours du vote au Sénat du projet de loi autorisant la ratification de deux accords entre l’Union européenne et le Canada, ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et concerne la défense de la souveraineté maritime de la France en Amérique du Nord.
La ratification de ces accords, sans réserve formelle de la part de la France, risquerait de constituer un abandon de toute défense de nos intérêts maritimes dans cette zone, au profit du seul intérêt économique.
Dans son article 1.3, l’accord reconnaît implicitement le plateau continental du Canada et sa zone économique exclusive (ZEE) « telle qu’elle est définie dans son droit interne ». Pourtant, la France a toujours contesté légitimement ces deux éléments en défendant ses propres droits.
Concernant la ZEE, la référence au « droit interne » canadien renvoie à la loi sur les océans de 1996, qui a accordé un plein effet territorial abusif à un îlot inhabité, l’île de Sable, privant la France de son accès aux eaux internationales via sa ZEE.
Concernant le plateau continental, les demandes d’extension de la France et du Canada déposées aux Nations unies concernent une zone commune qui, in fine, nécessitera un accord entre ces deux pays, dans un cadre de respect mutuel.
Cette question est d’autant plus urgente que l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon attend la concrétisation des engagements pris par le Gouvernement lors de l’examen du Ceta – l’accord économique et commercial global – à l’Assemblée nationale en 2019, ainsi que la mise en place d’un fonds d’innovation et de diversification pour compenser les effets de cet accord, dont notre territoire est paradoxalement exclu en tant que pays et territoire d’outre-mer (PTOM).
Monsieur le ministre, ratifier ce texte sans émettre de réserves explicites constituerait une erreur stratégique. Ces accords ne peuvent ni constituer une reconnaissance de la ZEE canadienne ni un abandon par la France de ses demandes devant les Nations unies.
Face à ces enjeux urgents, ma question est simple. La France défendra-t-elle ses deux réserves pour préserver ses intérêts en Amérique du Nord ? Le Gouvernement créera-t-il enfin le fonds promis depuis 2019 en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon pour asseoir le rayonnement de la France dans cette partie du monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Madame la sénatrice, je veux vous assurer de la pleine mobilisation du Gouvernement dans le dialogue avec le Canada pour que la procédure devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC) puisse aboutir. L’économie saint-pierraise peut compter sur notre entier soutien, lequel se manifeste notamment par la baisse du coût du fret, la mobilité, la formation, l’acquisition de navires et la recherche halieutique.
Quant aux réserves exprimées par la France, je vous propose de les évoquer avec le ministre Franck Riester dans les prochains jours.
Le Ceta était un bon accord au départ et s’avère être un très bon accord à l’arrivée. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Je tenais à vous le dire, car votre assemblée aura bientôt à s’en saisir. C’était un bon accord, car, dans sa conception, il préservait certaines filières sensibles, telles que celles des produits laitiers et de la volaille. Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, il prévoyait un démantèlement tarifaire progressif et le cumul du pays d’origine pour que certaines exportations saint-pierraises puissent s’intégrer dans les exportations canadiennes. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
À l’arrivée, c’est un excellent accord, puisque notre excédent commercial européen avec le Canada a progressé de 25 %. (M. Fabien Gay s’exclame.) Nous pouvons ainsi nous satisfaire de 4 milliards d’euros supplémentaires d’excédent ! Les exportations françaises ont augmenté de près de 40 % dans l’ensemble, et plus encore dans certaines filières : 45 % pour le fromage et près de 60 % pour les vins et spiritueux. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, rejeter le Ceta, c’est porter un coup très dur à certaines de nos filières qui en ont pourtant bénéficié. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. L’accepter aussi!
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. C’est dire à l’ensemble de nos partenaires que la France refusera désormais de commercer ou d’entrer dans des accords commerciaux avec eux. Bref, rejeter le Ceta, c’est renoncer à l’ambition que la France demeure une grande puissance commerciale. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP. – Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cécile Cukierman. Dites-le aux agriculteurs !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, le 28 février dernier, un proviseur du lycée Maurice-Ravel, à Paris, a demandé à plusieurs élèves de retirer leur voile. L’une d’elles, qui est depuis revenue sur ses dires, l’a accusé de s’en être pris physiquement à elle. Une mécanique infernale s’est alors lancée : l’altercation a été relayée et déformée sur les réseaux sociaux. Le proviseur, aujourd’hui menacé de mort, a été placé sous protection fonctionnelle.
L’un de ses collègues résume ainsi la situation : « C’est une histoire tristement banale pour un établissement défavorisé. […] On l’accuse d’islamophobie alors qu’il se bat pour ses élèves, dénonce la ghettoïsation des établissements scolaires. […] Cela doit être douloureux pour lui. »
Le déroulement des faits, glaçants, nous en rappelle d’autres, qui ont conduit au pire. L’électrochoc suscité par l’affaire a provoqué le rassemblement, lundi dernier, de 160 chefs d’établissement qui ont souhaité exprimer leur soutien et donner l’alerte sur les menaces et les intimidations subies dans le cadre de leurs fonctions. Alors qu’ils se trouvent en première ligne pour faire respecter les valeurs républicaines et la laïcité au sein de leurs établissements, ils font état d’un climat de tensions sans précédent et d’une peur au ventre qui les taraude.
Les chiffres publiés par le ministère de l’éducation nationale témoignent d’une hausse du nombre d’incidents graves. La mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes, qui vient de conclure ses travaux au Sénat, souligne leur montée en puissance.
Madame la ministre de l’éducation nationale, pouvez-vous nous préciser les mesures prises pour protéger concrètement les chefs d’établissements et l’ensemble de la communauté éducative face à de telles menaces ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Monier, les menaces dont a fait l’objet le proviseur du lycée Maurice-Ravel sont absolument inacceptables ; j’ai eu l’occasion de le dire et de le rappeler lorsque je me suis rendue hier dans l’établissement. Il est intolérable qu’il ait fait l’objet de telles atteintes au moment même où il rappelait aux élèves de l’établissement ce qu’implique la laïcité. Les réseaux sociaux ont ensuite servi à relayer des informations manifestement erronées.
Avec la direction des services académiques du rectorat de Paris, les forces de police – j’en profite pour saluer le préfet de police de la capitale – et l’ensemble de la communauté qui entoure l’établissement, nous nous sommes efforcés de constituer un bouclier de protection. Celui-ci s’est traduit par une triple réponse, à commencer par une réponse académique consistant en un déploiement immédiat d’équipes académiques valeurs de la République auprès des enseignants.
Nous avons ensuite dépêché les équipes mobiles académiques de sécurité (Emas) pour assurer la protection de l’établissement.
Enfin, nous avons mis en place une cellule psychologique, dès hier après-midi, afin que les enseignants qui manifestaient l’envie de parler puissent le faire. Certains avaient vraiment besoin de ce soutien – ils me l’on dit eux-mêmes lorsque je me suis rendue dans l’établissement.
Par ailleurs, la réponse des forces de l’ordre a été extrêmement importante. Ces dernières assurent une présence à l’entrée de l’établissement qui durera aussi longtemps que nécessaire. En outre, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) a été saisie pour faire retirer les menaces circulant sur les réseaux sociaux.
À cette double réponse, tant académique que policière, s’ajoute une réponse judiciaire avec la saisine du parquet sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale et la protection fonctionnelle accordée au chef d’établissement. Nous avons également saisi le pôle national de lutte contre la haine en ligne, dit aussi parquet numérique.
Nous ne tolérerons rien qui puisse porter atteinte à la vie des établissements et des personnels. Le Gouvernement, de son côté, a formé ce bouclier de protection que je viens de vous décrire et le maintiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Je vous remercie d’avoir mis en œuvre dans un délai prompt les mesures qui ont permis la protection du proviseur du lycée Maurice-Ravel. Reste que le Gouvernement doit en faire autant pour tous les autres membres de la communauté éducative qui subissent des menaces.
Il nous faut assurer à tout prix la sécurité des membres de la communauté éducative, notamment face à tous les obscurantismes religieux, eux qui œuvrent au quotidien pour permettre à nos enfants de devenir des citoyens éclairés. Mon groupe leur apporte un soutien plein et entier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
réduction des crédits budgétaires consacrés au logement
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Marianne Margaté. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du logement.
Notre pays compte plus de 5,2 millions de passoires thermiques. Il y fait trop chaud l’été, ou bien trop froid l’hiver, et le gaspillage énergétique induit est coûteux tant pour les résidents que pour la planète et même insupportable pour les plus précaires.
La rénovation de ces logements est une urgence d’un point de vue écologique, social et économique. Tous les acteurs sont concernés : les bailleurs, qu’ils soient privés ou sociaux, et les professionnels du bâtiment, qui voient dans les chantiers de travaux de rénovation une façon de compenser le manque de constructions neuves, problème que vous ne traitez pas.
La rénovation, au travers du dispositif MaPrimeRénov’ devait connaître un soutien renforcé, notamment pour des opérations plus efficaces et un reste à charge réduit. C’était, pour vous, une façon de parler d’un « budget vert », réévalué de 7 milliards d’euros. Vous prétendiez que ces moyens étaient sans précédent. Or ils s’avèrent insuffisants. Vous aviez peut-être peur d’en faire trop, de devenir « une pompe à fric ». Vous avez donc réduit de 2,1 milliards les moyens pour la transition écologique, en retirant 1 milliard d’euros à MaPrimeRénov’.
Vous dites avoir à cœur de ne pas laisser les finances publiques dériver. Tous les scientifiques le disent pourtant déjà : le coût de votre inaction sera bien supérieur lorsqu’il faudra faire face aux dégâts du dérèglement climatique, contre lequel vous n’agissez pas.
Parmi les plus de 12 millions de personnes vivant dans un logement mal isolé, qui laisserez-vous dans la précarité ? Parmi les bâtiments qui émettent 64 millions de tonnes de CO2, lesquels laisserez-vous encore dégrader le respect de nos objectifs écologiques ?
D’ici à 2050, nous devons rénover 500 000 logements par an. Or, avec un peu plus de 65 000 logements rénovés complètement chaque année jusqu’à présent, il faudrait en faire sept fois plus ! Ma question est simple : comment faire sept fois plus avec sept fois moins que nécessaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice, votre question me permet de réaffirmer la priorité que constitue la rénovation énergétique et thermique des logements dans notre pays. Nous y consacrons un budget significatif depuis de nombreuses années au travers du dispositif MaPrimeRénov’, mis en place par le Gouvernement.
Il se trouve que ce budget a été en constante augmentation ces dernières années, alors que nous pouvions déjà nous satisfaire d’un budget initial substantiel. Ainsi, nous avions prévu une hausse de 1,6 milliard d’euros en 2024. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Le ministère du logement assume de participer aux économies budgétaires qui sont nécessaires dans un contexte difficile sur le plan des finances publiques. Nous avons donc accepté de renoncer à 1 milliard d’euros d’augmentation sur celle de 1,6 milliard qui était initialement prévue. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson. Encore du rabot !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Cela signifie bien que le budget alloué à MaPrimeRénov’ est en augmentation nette par rapport au budget de l’année dernière.
L’enjeu est celui de la consommation de ce budget. Nous constatons, avec les services de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qu’un certain nombre de Français ne réalisent pas les travaux qui sont pourtant budgétés et prévus par le ministère.
Mme Cécile Cukierman. On manque de gens formés et de moyens !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Nous devons donc élargir et simplifier l’accès à MaPrimeRénov’. En effet, les acteurs du bâtiment – à savoir la Fédération française du bâtiment (FBB) et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), dont nous avons reçu les représentants avec le ministre Christophe Béchu – nous indiquent qu’un certain nombre de complexités empêchent d’aller plus loin dans la rénovation thermique des logements.
Dans ce contexte, nous avons présenté un plan d’action pour simplifier le dispositif Mon Accompagnateur Rénov’. Il porte également sur la labellisation des artisans et les monogestes, c’est-à-dire des rénovations simples qui sont efficaces sur le plan de la transition énergétique.
Nous avons de nouveau rendez-vous avec les représentants de la FFB et de la Capeb cette semaine pour discuter de l’ensemble de ces actions. Nous mettrons au point des mesures de simplification afin que tout le budget prévu cette année soit consommé et que les Français, dans une large majorité, puissent rénover leur habitation. Le Gouvernement y sera très attentif. (M. François Patriat applaudit.)
dispositif d’indemnisation des catastrophes naturelles
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Martin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Les effets du changement climatique se font déjà sentir partout en France. L’un d’eux concerne le phénomène du retrait-gonflement des argiles (RGA). Engendré par les alternances de pluies intenses et de sécheresses, il menace plus de dix millions d’habitations métropolitaines.
Le Sénat a été le premier à se mobiliser contre les RGA. Dès 2019, nous avons mené une mission d’information sur le sujet, qui s’est traduite deux ans plus tard par l’adoption de la loi relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, dont j’ai eu l’honneur d’être corapporteur.
Cette réforme est-elle aboutie ? À l’évidence, non, au vu des chiffres qui viennent de paraître sur l’ampleur des RGA. Outre la très forte augmentation des dossiers, ils révèlent que près de 25 % des communes ayant demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (Cat-Nat) ont été déboutées, à cause de critères de sélection manifestement inadaptés, tels que l’évaluation du taux d’humidité.
Les résultats sont ubuesques. Prenons le cas de deux communes limitrophes : l’une peut bénéficier de l’arrêté Cat-Nat, mais pas l’autre. Les conséquences sont catastrophiques pour les habitants des communes déboutées, qui ne peuvent plus solliciter leur assurance habitation pour prendre en charge les dégâts – on parle de foyers ruinés et de vies brisées.
En 2022, la Cour des comptes a pointé du doigt cette insuffisante prise en considération des réalités locales. Le député Vincent Ledoux a récemment présenté des propositions pour corriger ce dispositif.
Ma question est simple : allez-vous entendre ces plaintes légitimes, sources d’angoisses, et réformer en urgence les critères de reconnaissance du classement Cat-Nat ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Il faut lire le rapport de Mme Lavarde !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Vous avez parfaitement raison, monsieur le sénateur. Christophe Béchu, le ministère de l’économie et des finances et moi-même nous sommes emparés d’un dossier sur lequel le Sénat et Vincent Ledoux, député de l’excellente dixième circonscription du Nord (Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation sourit.), nous ont pressés de travailler.
Cela a permis d’élaborer un rapport qui, complétant le travail du Sénat, propose de revoir intégralement le fonctionnement du traitement des RGA. Ce phénomène touche énormément d’habitants, notamment de petits propriétaires, qui n’ont pas les moyens de faire des travaux ou de déménager. Je sais que les RGA ont particulièrement affecté la Flandre, territoire dont je suis l’élu.
Le ministre de la transition écologique et moi-même avons déjà pris des textes réglementaires afin que l’état de catastrophe naturelle puisse enfin être reconnu pour les communes privées d’indemnisation, comme pour les communes voisines ou adjacentes. Les choses sont désormais réglées : nous parvenons ainsi à éviter cette difficulté administrative qui, de toute évidence, était incompréhensible pour les habitants et les élus locaux.
Par ailleurs, la faible intensité de sécheresse compare les difficultés non plus sur trois ans, mais sur cinq, ce qui permet à un beaucoup plus grand nombre de communes de bénéficier de la reconnaissance de l’état catastrophe naturelle lié aux RGA.
Toutefois, nous n’allons pas assez loin. Il faut engager un changement plus général, en commençant par les constructions. Il faut veiller en amont à ce que des fissures ne viennent pas empêcher les gens de vivre correctement dans leur logement. Quant au régime assurantiel, il doit véritablement être bousculé, ce qui nécessite l’intervention du ministre de l’économie et des finances.
Enfin, nous devons travailler sur le financement de la réparation des catastrophes naturelles au sens large, même si les RGA se manifestent souvent en raison d’un manque d’humidité ou d’eau provoqué par le réchauffement climatique.
Il est vrai qu’on s’y perd parfois dans les critères permettant la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. En outre, on ne sait plus qui de l’État ou des assurances doit intervenir en matière d’indemnisation. Sachez que le Gouvernement, à la demande du Président de la République, travaille à l’élaboration de textes législatifs…
M. Yannick Jadot. Il y a un texte à l’Assemblée nationale !