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Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Lors du scrutin n° 118 sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, je voulais voter pour.

J’étais bien présente en séance au moment du vote, mais j’ai dû avoir un moment d’absence… Je ne voudrais pas tomber sous le coup de l’article 23 bis de notre règlement… (Sourires.)

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Avenir de notre modèle agricole

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur l’avenir de notre modèle agricole.

J’en profite pour saluer la nouvelle ministre déléguée à l’agriculture, dont c’est la première intervention au Sénat dans le cadre de ses nouvelles fonctions.

Il serait inapproprié de lui souhaiter la bienvenue, compte tenu de sa présence régulière ici. En revanche, nous lui souhaitons le meilleur sur ces nouveaux sujets !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Merci, monsieur le président !

M. le président. Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur, pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Madame la ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe auteur de la demande. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne suis pas d’accord avec le ministre de l’agriculture quand il dit que les problèmes de l’agriculture remontent à plus de trente ans.

Si l’on peut s’accorder sur le fait que les agriculteurs ont connu des situations difficiles depuis la nuit des temps, il n’en reste pas moins vrai que cela s’est démultiplié depuis 2015.

La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, avec la décision de laisser l’Anses seule juge des homologations, et la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ont été les caisses de résonance du triptyque « peur, culpabilité, interdit ».

Ces deux textes ont eu une portée énorme sur la situation d’aujourd’hui.

Tout cela a été amplifié, madame la ministre, par les mesures prises depuis 2017 : loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim 1), zones de non-traitement, bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), Office français de la biodiversité (OFB), etc. Votre politique a conduit les agriculteurs dans la rue.

La gauche a beau crier que c’est un problème de revenu et de charge de travail, la réalité, même si cela lui déplaît, est que les agriculteurs ne demandent pas à travailler moins ! Au contraire, ils souhaitent retrouver de la liberté pour continuer de travailler plus ! (M. Daniel Salmon le conteste.)

M. Jean-Claude Tissot. On ne vit pas dans le même pays !

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, dans un « en même temps » schizophrène, vous avez fait mine de comprendre leur problème. Vous avez dressé le bon diagnostic. En revanche, vous vous êtes refusée à trouver les solutions pour y remédier.

C’est une marque de fabrique de la Macronie : on nomme les problèmes et les erreurs commises – concurrence déloyale, suradministration, injonctions contradictoires, normes abusives, etc. –, mais, « en même temps », on s’acharne scrupuleusement à ne pas les résoudre.

Le Premier ministre fait des annonces tonitruantes. « On a décidé de mettre l’agriculture au-dessus de tout », a-t-il dit, flattant à souhait son public, les plus avertis pouvant même, quelques instants, se laisser envoûter par ses sirènes.

Mais chassez le naturel, il revient au galop ! Dès les barrages levés, les mêmes ministres qui ont accompagné le Premier ministre et soutenu ses déclarations et fait leurs ses constats se relaient tour à tour sur les médias pour apaiser la minorité qui les terrorise. Rien ne va changer ! Rassurez-vous : nous ne reviendrons pas en arrière…

Au-delà d’être schizophrène, cette méthode est mortifère.

Comment nommer parfaitement l’erreur d’une surtransposition exclusivement française, en citant les conséquences de l’impasse à laquelle elle conduit, en comprenant les risques majeurs de concurrence déloyale qu’elle provoque pour nos agriculteurs et les risques de perte de souveraineté alimentaire qu’elle fait courir au peuple français et finir, par lâcheté, à ne rien vouloir changer ?

Ne pas vouloir revenir en arrière se paiera cash dans les années à venir. Vous en serez comptable !

Je vous le dis, les annonces ne calmeront pas la colère, qui reviendra tôt ou tard. Le mal n’est pas guéri, bien au contraire !

Les solutions sournoises qui n’ont d’effet qu’un temps limité, comme la mise sous délégation du préfet de l’OFB, laquelle, votée dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), aurait déjà dû être effective depuis deux ans, ne charmeront les paysans que peu de temps ! Le réveil sera dangereux !

Ce que cette crise nous dit, c’est que les agriculteurs ne comprennent pas et ne supportent plus cette stigmatisation, ce harcèlement, cette vindicte qui les accablent et qui ne cessent de s’intensifier.

Pour répondre à ce malaise, il faut agir vite et fort autour de trois axes prioritaires : arrêter la stigmatisation, mettre un terme à la suradministration et revenir sur les erreurs de surtranspositions normatives.

Arrêter la stigmatisation, c’est arrêter cette folie française qui consiste à contrôler les faits et gestes des agriculteurs plus que ceux des dealers !

C’est arrêter définitivement cette plateforme de délation phytovigilance, qui finit par être la source déguisée de revenus de ces ONG bien-pensantes qui dénoncent le moindre écart, la moindre maladresse de l’agriculteur, et instrumentalisent l’OFB en police religieuse de l’environnement. (M. Jacques Fernique sexclame.) Toute constatation de cette dernière consécutive à une délation relèvera du pénal, donc sera envoyée au procureur.

Lui-même, pour éviter l’engorgement des tribunaux, demandera à l’agriculteur censément coupable d’accepter un compromis avec les parties civiles, qui ne sont ni plus ni moins que les ONG elles-mêmes ou leurs partenaires, et de payer des dommages et intérêts à celles-ci, et tout sera réglé.

On voit bien que cela sera sans fin… sauf pour les paysans !

Arrêter la suradministration, c’est arrêter cette nouvelle méthode de l’Agence de services et de paiement (ASP), le système de suivi des surfaces agricoles en temps réel (3 STR), qui permet d’interpréter en temps réel la prise de deux photos satellite par semaine pour vérifier les pratiques culturales des agriculteurs.

Pour l’application de la BCAE 7, par exemple, l’agriculteur qui laboure sur terre très argileuse, où les couverts végétaux doivent être labourés le plus tôt possible en hiver pour que le gel et le dégel travaillent la terre et l’ameublissent, sera pénalisé s’il le fait avant le 15 février, le satellite l’ayant épié tous les trois jours, alors qu’il n’agit que par bon sens et parce que l’expérience le lui a appris…

M. Michel Savin. Très bien !

M. Laurent Duplomb. Enfin, revenir sur les surtranspositions, c’est accepter de corriger ses erreurs en revenant en arrière. Oui ! Si vous ne revenez pas sur l’interdiction de la cinquième famille des néonicotinoïdes, vous ferez disparaître la betterave en France (Protestations sur les travées du groupe GEST.), car ceux-là mêmes qui nous expliquaient disposer de méthodes alternatives – l’Inrae, pour ne pas le citer – ont été incapables de les mettre en pratique.

M. Laurent Duplomb. Et, après les betteraves que l’on a poussées dans le corner, dès 2026, ce sera le tour de la pomme et de la poire : lorsque le spirotétramate sera interdit en Europe, elles aussi seront dans l’impasse.

Les Polonais, eux, continueront de produire et d’inonder notre marché, car l’acétamipride, interdit chez nous, restera autorisé chez eux, leur permettant de lutter contre le puceron cendré, qui fait des trous noirs à la surface des pommes.

M. François Bonhomme. Et le balanin des noisettes !

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, vous nous opposerez, comme solution à tous les maux, les magiques « clauses miroirs ». Vous devriez plutôt parler de « miroirs aux alouettes » : comment, avec si peu de moyens humains, allez-vous contrôler aux frontières le respect de tous vos interdits par les produits importés ?

Lisez mon rapport d’information de 2020 sur les graines de sésame bio provenant d’Inde : elles contenaient plus de 5 000 fois la dose d’oxyde d’éthylène autorisée en Europe ! Vous comprendrez alors que nous réglementons ou interdisons 1 498 molécules et que, par autocontrôle des entreprises agroalimentaires, nous n’en contrôlons, le plus souvent, que 250 et, au mieux, 450 ! Plus de 1 000 substances passent donc totalement sous les radars…

Votre administration ne fait pas mieux : combien de semaines aura-t-il fallu pour retrouver la simple méthode d’analyse dans vos laboratoires de l’oxyde d’éthylène, interdit en France depuis 1992 ?

Vos contrôles aux frontières se cantonneront quasi systématiquement à un contrôle administratif des certificats d’accompagnement de la denrée et d’un contrôle visuel de celle-ci. Pensez-vous, en toute honnêteté, pouvoir vendre aux Français que les clauses miroirs vont les protéger ?

M. Laurent Duplomb. Et même si, par miracle, vous arriviez à démultiplier les contrôles sur tous les produits importés, le sucre ukrainien, dont les importations sont passées de 20 000 tonnes il y a deux ans à 700 000 tonnes cette année et qui est produit avec des betteraves traitées avec les cinq familles de néonicotinoïdes autorisées chez eux et interdites chez nous, passera la barre du contrôle, car il est impossible aujourd’hui de retrouver et de mesurer la moindre trace de ces substances dans le produit fini !

Mettons donc fin à cette fumisterie et à cette naïveté coupable qui consiste à détourner le regard, à ne pas vouloir revenir en arrière et à laisser entrer toujours plus de produits étrangers qui ne respectent pas nos normes !

M. Michel Savin. Très bien !

M. Laurent Duplomb. Arrêtons de vouloir courir après un hypothétique changement de modèle qui sape les paysans et conduit le pays tout entier à sa faim - F.A.I.M. Au contraire, madame la ministre, redonnons de la liberté à nos paysans !

Acceptez tout simplement de faire machine arrière ! La mise en œuvre des quarante-deux propositions que je vous ai adressées le permettrait.

Ayez le courage de le faire, car c’est à ce prix que vous comprendrez, enfin, le mal-être des paysans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC. – M. Stéphane Ravier applaudit également.)

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 25 octobre dernier, j’alertais M. le ministre Marc Fesneau sur l’épidémie de maladie hémorragique épizootique (MHE) qui commençait à sévir dans le sud-ouest de notre pays et sur ses conséquences désastreuses pour nos éleveurs.

Après la grippe aviaire, le manque d’eau, le gel et la sécheresse, cette crise de trop a été à l’origine du grand mouvement de protestation de la profession agricole, qui a démarré dans mon département. Ce malaise général qui s’est exprimé dans notre pays couvait depuis un bon moment déjà.

Dans le contexte de la crise ukrainienne et de ses conséquences sur le prix de l’énergie, comment faire face ?

Depuis de nombreuses années déjà, l’agriculture française doit supporter un bashing permanent et une multiplication de normes, de surtranspositions et de réglementations en tout genre, qui rendent l’exercice de la profession de plus en plus complexe.

Face à cette situation, le Gouvernement a dévoilé une panoplie de mesures de compensation financière destinées à aider les éleveurs les plus touchés, comme le gel du gazole non routier (GNR), ainsi que de nombreuses mesures de simplification administrative.

Tout cela va, bien sûr, dans le bon sens, mais je suis certain qu’il faut aller plus loin et amorcer un nouveau virage dans la transformation de notre modèle agricole.

Le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles doit être un excellent véhicule pour changer de cap et donner à notre politique agricole les moyens de retrouver sa première place européenne. Arrêtons le démantèlement de la « ferme France » !

Après quelques années d’observation, nous avons pu constater les dégâts causés par certaines mesures dites « vertes », qui partent parfois d’un bon sentiment, mais s’avèrent, à la sortie, mortifères pour nos exploitants.

Oui, il faut diminuer nos épandages de pesticides et optimiser la gestion de l’eau, mais il serait souhaitable que l’on parle plus souvent des progrès réalisés dans ces domaines.

L’écologie punitive, qui n’a à la bouche que les mots « interdire » ou « supprimer », n’a plus sa place autour des tables de discussions. Cessons d’écouter les Khmers verts et les adeptes de la décroissance ou de la lampe à huile ! La France a besoin d’une agriculture puissante, qui produit et procure un revenu décent à ses acteurs.

L’écologie pragmatique nous enseigne que rendements et objectifs environnementaux ne sont pas incompatibles, à condition d’avoir de l’ambition et de faire confiance à la science, qui va nous ouvrir de nouvelles voies de progrès.

J’en profite pour saluer la décision du Parlement européen, qui, le 7 février dernier, a enfin décidé l’autorisation encadrée de l’utilisation des nouvelles variétés de plantes, dites NBT, ou New Breeding Techniques. Ce vote reflète une reconnaissance des moyens que l’innovation propose pour relever les enjeux agricoles de demain.

Certains hauts fonctionnaires français ou européens, par trop déconnectés, vont aussi devoir cesser d’empiler les réglementations et les surtranspositions qui ont pénalisé nos producteurs en créant des distorsions de concurrence au sein même de l’Union européenne, tout en empoisonnant la vie des agriculteurs à grands coups de tracasseries administratives. Quand l’Europe parlera d’une même voix, nous serons plus crédibles sur les marchés internationaux !

Que dire des programmes Écophyto ou Farm To Fork ? L’agriculture « zéro phyto » relève du fantasme d’incompétents notoires ou de rêveurs ! La diminution de nos consommations de phytos ne relève pas de règles arithmétiques. Il faut d’abord trouver des solutions de remplacement et s’adapter.

Cette crise structurelle a aussi révélé, s’il en était besoin, les grandes disparités géographiques de notre agriculture, qu’il s’agisse de la taille des exploitations ou du revenu moyen.

Dans un tel contexte, il paraît très difficile d’adapter des textes de loi sans observer un principe de différenciation territoriale. On a bien vu que l’augmentation programmée du GNR n’avait pas les mêmes conséquences financières pour tout le monde !

Il semble souhaitable de revenir à un pragmatisme écologique et administratif, afin d’accompagner de manière efficace la transformation de nos exploitations.

Il faudra également revoir la copie en matière de formation et d’installation de jeunes agriculteurs. La profession n’échappe pas à la règle qui touche toutes les entreprises sur notre territoire. Les seuils de rentabilité augmentant, il faudra – plus particulièrement dans notre beau Sud-Ouest – procéder à des regroupements de propriétés, afin de pouvoir dégager des bénéfices suffisants et faire face à des investissements de plus en plus lourds.

Même si ce modèle n’est pas encore ancré dans les mentalités, il devra être porté par les chambres, qui ont été beaucoup trop timides dans ce domaine.

Continuons à agir pour une meilleure répartition de la valeur ajoutée, dans la suite d’Égalim !

D’ici à dix ans, un tiers des agriculteurs sera parti à la retraite. Facilitons la transmission et le regroupement des exploitations afin de donner aux jeunes qui démarrent l’espoir et les moyens de vivre leur passion pleinement.

La France sans ses paysans ne serait plus la France. Agissons ! Il y a urgence.

Notre souveraineté alimentaire doit redevenir une priorité nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord vous dire tout le plaisir que j’ai à vous retrouver dans cet hémicycle, où j’interviens désormais sur le sujet de l’agriculture.

Je veux reprendre à mon compte un certain nombre d’éléments de l’intervention de M. le sénateur Médevielle - M. le sénateur Duplomb me permettra de répondre plus globalement à son propos introductif en conclusion du débat.

Je partage, monsieur le sénateur, un grand nombre des constats que vous mettez en avant. Oui, vous avez raison, il n’est plus question de faire de l’écologie punitive. Ce n’est d’ailleurs pas notre ligne !

Notre ligne est de ne pas opposer souveraineté alimentaire et transition écologique et de trouver des solutions pour suivre ce chemin, au service non seulement de la qualité de notre nourriture, mais aussi de la santé de nos agriculteurs, en s’assignant des objectifs ambitieux pour le bien-être de l’ensemble de la population française.

M. François Bonhomme. Une fois qu’on a dit ça, on est bien avancé…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La ligne que nous tenons est, d’abord, une politique qui soit fondée sur la science, donc qui investit dans la recherche, dans l’innovation et dans le transfert vers les agriculteurs.

Le deuxième enjeu a trait à la dimension européenne. Vous l’avez dit, les règles doivent être aussi proches que possible au niveau européen, et l’Europe doit savoir se défendre par rapport à des productions extraeuropéennes qui ne sont pas soumises aux mêmes contraintes environnementales.

Notre troisième ambition est la simplification. Il s’agit non pas de baisser notre niveau d’exigence, mais tout simplement de permettre aux agriculteurs de se concentrer sur ce qu’ils savent bien faire – produire –, sans se perdre dans le maquis de réglementations complexes. Ils nous ont suffisamment exprimé ce besoin ces dernières semaines !

Cette simplification, comme l’ont dit le Premier ministre et le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, passera par un projet de loi qui vous sera présenté prochainement, mais aussi par la voie réglementaire.

Enfin, vous l’avez dit, le grand enjeu est le renouvellement des générations.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous allons lancer un service, France service agriculture, qui facilitera les installations dans toute leur diversité – diversité des cultures, des élevages et des territoires.

M. le président. Madame la ministre déléguée, vous pourrez répondre à l’intervention de M. Duplomb dans les cinq minutes de temps de parole dont vous disposerez à la fin du débat.

La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP.)

M. Franck Menonville. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord, madame la ministre, de vous féliciter pour vos nouvelles fonctions gouvernementales. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Traiter du modèle agricole n’est pas chose facile. En effet, l’agriculture est plurielle : il existe différents modèles, en fonction des filières, des territoires – je ne souhaite d’ailleurs pas les opposer entre eux.

Il y a néanmoins des fondamentaux, que sont la compétitivité, la souveraineté et la nécessité de produire pour des marchés et des consommateurs.

Depuis des années, notre agriculture perd des positions, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale. Ainsi, nous importons 2,2 fois plus qu’en 2000. À cette date, nous étions le deuxième exportateur mondial ; nous occupons désormais le sixième rang, situation accentuée par la stratégie du « tout-montée en gamme ». Notre déficit commercial général s’est creusé pour atteindre près de 100 milliards d’euros en 2023, soit le deuxième plus important de notre histoire. En matière de capacités productives, nous décrochons : c’est là le résultat de nos dépendances accrues et de la baisse de notre compétitivité.

Nous sommes donc aujourd’hui au pied du mur ; il nous faut au plus vite donner un nouvel élan à notre agriculture, qui a besoin d’un vrai choc de compétitivité et de simplification.

Trois chantiers prioritaires doivent selon nous guider notre action.

Premièrement, nous devons œuvrer à faciliter la transmission des exploitations agricoles, car il n’y a pas d’avenir sans renouvellement des générations. Un dispositif d’accompagnement des agriculteurs en fin de carrière doit être mis en place pour simplifier l’installation, via notamment des incitations fiscales et des prêts bonifiés, tout en favorisant l’accès au foncier.

Le deuxième chantier crucial est celui de la souveraineté alimentaire. Celle-ci doit être élevée au rang d’intérêt fondamental de la Nation, afin que l’agriculture ne soit pas soumise aux injonctions contradictoires permanentes ni sacrifiée au profit d’autres politiques publiques. J’avais d’ailleurs présenté un amendement en ce sens dans le cadre des débats sur la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France.

Par ailleurs, nous devons veiller à la stricte application des lois Égalim. Il nous faut également renforcer les contrôles des pratiques de la grande distribution.

Enfin, le troisième chantier – qui n’est pas des moindres – est celui de la compétitivité. Depuis vingt ans, l’agriculture s’est attachée à répondre à de nombreuses attentes sociétales et environnementales, sans qu’on lui donne en parallèle les moyens de demeurer compétitive. Un choc de simplification et une pause dans la prolifération normative s’imposent aujourd’hui.

Depuis de trop nombreuses années, la multiplication des normes franco-françaises a engendré une forme de distorsion dans la concurrence intra-européenne, ce qui a fragilisé notre compétitivité. Nous devons nous en tenir à des règles et à des normes purement européennes.

Je souhaite, avant de conclure, évoquer la nécessité d’une complémentarité, fondée sur un juste partage de la valeur, entre les énergies renouvelables et l’agriculture : les premières représentent pour la seconde un véritable atout et un levier de résilience économique.

Voilà pour vous une belle feuille de route, madame la ministre !

Je conclus en disant que nous devons ambitionner de faire de notre agriculture un outil de souveraineté alimentaire national et européen, mais aussi une force exportatrice et créatrice de richesses qui soit à la tête de toute une chaîne de valeur sur notre territoire.

Madame la ministre, votre prochaine loi d’orientation et d’avenir agricoles devra porter l’ambition du redressement de notre agriculture pour que celle-ci redevienne une priorité nationale. Nous serons à vos côtés pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP. – M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Menonville, je veux commencer par évoquer spécifiquement la question de la transmission des exploitations agricoles.

Le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, qui a été présenté par le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, le 15 décembre 2023, comporte des mesures fortes que nous allons mettre en œuvre et approfondir.

Un fonds de garantie de l’État, tout d’abord, permettra de déployer jusqu’à 2 milliards d’euros de prêts en direction des jeunes qui souhaitent s’installer. Vous le savez, nous sommes en train d’expertiser la création d’un dispositif de prêts bonifiés – cette suggestion émane du syndicat Jeunes agriculteurs.

Ensuite, le pacte prévoit une mesure d’incitation fiscale visant à faciliter la transmission à un jeune, qui pourra prendre la forme d’une exonération supplémentaire d’impôt sur les plus-values de cession. Une proposition précise sera élaborée en vue de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

Comme l’a annoncé le Premier ministre, nous voulons aller plus loin, en relevant le seuil d’exonération des plus-values réalisées lors de la transmission d’une entreprise individuelle en cas de reprise par un jeune agriculteur. Le seuil d’exonération des droits de succession et de donation sera également rehaussé en cas de transmission de biens ruraux donnés à bail à long terme et de parts de groupements fonciers agricoles. Enfin, le régime d’exonération des plus-values en cas de départ à la retraite sera revu. Il y a là divers freins à l’installation : nous entendons les lever.

Enfin, l’augmentation de l’affectation de taxe au programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture (AITA), dont le budget atteindra 20 millions d’euros au moins en 2025, permettra de faciliter la future montée en charge du réseau France service agriculture.

Vous avez mentionné également le besoin de simplification, monsieur le sénateur. Je n’y reviens pas : c’est l’un des objets du prochain projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles ainsi que de plusieurs textes réglementaires qui vous seront très bientôt présentés. Notre volonté est de faire de cet esprit de simplification une véritable méthode, sans nous arrêter au salon de l’agriculture.

Pour ce qui est de la compétitivité de la ferme France, nous partageons très largement l’objectif d’une concurrence loyale : si cette orientation doit se traduire dans l’instauration de clauses miroirs, nous devons aussi veiller à éviter les surtranspositions.

Je dis quelques mots, pour finir, à propos du juste partage de la valeur, dont nous avons beaucoup parlé dans cet hémicycle lorsque j’étais – ironie de l’histoire – ministre de la transition énergétique. Désormais chargée de ce dossier, je remets l’ouvrage sur le métier en vue du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, qui traitera notamment du bail rural. Il s’agit certes d’un sujet complexe, mais je ne doute pas que nous parviendrons ensemble à trouver les bonnes rédactions.